Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 26 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des banques et du Commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 25 pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : La séance est ouverte. Cet après-midi, nous allons examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, ainsi qu'à mes collègues.
[Traduction]
Nous recevons les représentants d'Exportation et développement Canada qui a reçu du financement et a un mandat légèrement modifié en raison de la crise économique et financière mondiale. Nous avons hâte d'entendre ce qu'en pense EDC et de savoir comment elle a réagi à cette crise.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Benoit Daignault, premier vice-président, développement des affaires et Ken Kember, premier vice-président, finances et chef de la direction financière.
[Français]
J'aimerais vous demander si vous avez envoyé votre président à l'étranger avant de faire votre témoignage. Je suis curieuse de savoir où est votre président. L'avez-vous perdu en route?
Benoit Daignault, premier vice-président, Développement des affaires, Exportation et développement Canada : On ne l'a pas perdu. Il est toujours dans les environs.
La vice-présidente : Bienvenue, vous pouvez procéder à votre présentation.
M. Daignault : Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui. Je saisis cette occasion pour vous expliquer comment Exportation et Développement Canada a réussi à devenir un partenaire de confiance des entreprises canadiennes pendant ce qui s'est révélé être une année turbulente. En effet, l'année 2009 a été une année éprouvante pour les entreprises canadiennes et leurs clients du monde entier.
Avec le resserrement du crédit qui a véritablement plombé l'économie mondiale, les exportations canadiennes ont plongé de 24 p. 100, ce qui a été la plus forte chute enregistrée depuis 1946. Le resserrement du crédit a limité la capacité des institutions financières du secteur privé à soutenir les entreprises canadiennes, d'où une augmentation de la demande pour les services d'EDC tout au long de 2009.
Mon collègue vous donnera les détails de la performance financière d'EDC, mais j'aimerais vous souligner un chiffre qui, selon moi, démontre que la société a bien répondu au mandat donné par notre actionnaire. En 2009, nous avons servi plus de 8 500 clients.
Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a pris des mesures, dans le budget de 2009, pour atténuer l'impact du resserrement du crédit. Il a ainsi autorisé EDC à faire plus pour les entreprises canadiennes, et ce, pendant deux années où notre mandat a été élargi afin de permettre l'accès à notre expertise pour un plus grand nombre de compagnies canadiennes. Le but était simple : utiliser une institution actuelle afin de s'assurer que les compagnies canadiennes, qui sont viables, puissent disposer des liquidités et de la capacité financière nécessaires pour traverser la crise. Le tout s'est effectué en étroite collaboration avec le secteur privé, que ce soit les banques, les assureurs crédit ou les sociétés de cautionnement. EDC a ajouté près de 2,5 milliards de dollars additionnels sur le marché intérieur canadien quand le besoin se faisait le plus sentir.
Ainsi, EDC a participé au Programme de crédit aux entreprises, ce qui lui a permis de combler des lacunes en matière de financement et d'offrir aux entreprises canadiennes, en complémentarité avec les banques, une capacité de crédit supplémentaire qui faisait cruellement défaut. Au 31 décembre, EDC avait fourni 1,7 milliard de dollars en financement sur le marché canadien pour ces entreprises.
Ensuite, nous avons collaboré avec les grandes sociétés d'assurance crédit afin de mettre en place des ententes de réassurance, permettant de doubler les capacités de crédit d'acheteurs domestiques. Au 31 décembre, EDC avait fourni 32 millions de dollars en capacité de réassurance, ce qui a permis d'appuyer près de 103 millions de dollars de ventes.
Nous nous sommes associés à de grandes sociétés de cautionnement afin d'offrir de la capacité additionnelle, allant jusqu'à doubler l'offre du secteur privé, et ce, sur une base de réassurance. Au 31 décembre, EDC avait souscrit pour 688 millions de dollars, aidant les sociétés canadiennes à répondre aux opportunités d'affaires dans le marché domestique.
Par ses activités sur le marché canadien, EDC a aidé directement 208 entreprises dans leurs propres activités au Canada en 2009, et 179 d'entre elles étaient des PME. Nos pouvoirs sur le marché intérieur seront maintenus jusqu'en mars 2011, tandis que le Canada continue d'émerger de la récession dans un contexte global turbulent.
Les prêteurs privés resteront prudents tout au long de l'année. En 2010, nous nous attendons à faciliter le financement pour un milliard de dollars de plus sur le marché canadien, un milliard de dollars en cautionnement et jusqu'à 300 millions de dollars en assurance-crédit.
[Traduction]
Certains secteurs de l'industrie canadienne, qui connaissaient déjà des difficultés avant la récession, ont été particulièrement éprouvés par la crise économique et le resserrement du crédit. Le secteur automobile canadien a connu une année 2009 pour le moins difficile.
Mais EDC a pu aider les entreprises canadiennes à traverser la tourmente. Nous avons fourni pour 4,5 milliards de dollars de solutions financières commerciales à ce secteur, y compris 3,2 milliards de dollars en assurance comptes clients et un milliard en financement. EDC a été chargée d'administrer les fonds que le gouvernement du Canada a affectés à l'aide aux processus de restructuration de Chrysler et de General Motors. De plus, EDC a administré 628 millions de dollars en assurance comptes clients (ARI) par l'intermédiaire du compte du Canada, au nom du gouvernement du Canada, pour les fournisseurs des constructeurs automobiles nord-américains en procédure de faillite et de restructuration.
L'industrie forestière canadienne a également été confrontée à une série de défis unique en 2009 et EDC lui a fourni 16 milliards de dollars en solutions financières commerciales dont 15 milliards en ARI et 870 millions de dollars en financement. En 2009, plus de 500 clients de ce secteur, de tout le Canada, ont eu recours aux produits et services d'EDC.
Afin de mieux servir ses clients, EDC a continué d'accroître sa présence régionale au Canada en 2009, rapprochant ainsi ses services du milieu des exportations et de ses partenaires stratégiques regroupés dans les régions exportatrices. Ainsi, l'an dernier, nous avons ouvert des bureaux à Ville Saint-Laurent et à Drummondville (Québec), ce qui a porté à 17 le nombre total de nos bureaux régionaux sur l'ensemble du Canada.
EDC a également renforcé son réseau international avec une représentation permanente à Lima, au Pérou, pour servir les exportateurs dans la région des Andes, ce qui porte à 14 le nombre de nos représentations internationales. En 2010, nous prévoyons ouvrir d'autres représentations permanentes à Istanbul, à Panama et à Düsseldorf. Grâce à sa situation unique de carrefour commercial entre l'Europe et le Moyen-Orient, la Turquie est un marché en pleine expansion. Notre représentant en chef au Panama couvrira l'Amérique centrale et les Caraïbes, tandis que notre représentant à Düsseldorf aidera les entreprises canadiennes à accéder aux chaînes d'approvisionnement mondiales des entreprises multinationales dans toute l'Europe occidentale.
Dans toutes nos activités en 2009, nous avons fait de la responsabilité sociale des entreprises une considération essentielle. Nous entendons faciliter le commerce international canadien de façon responsable sur le plan social et aider nos clients et nos partenaires à en faire autant. Il ressort de l'examen de notre Politique environnementale et de notre Directive en matière d'évaluation environnementale, effectué par la vérificatrice générale du Canada en 2009, que les processus environnementaux d'EDC sont conformes aux pratiques internationales.
Par ailleurs, EDC a continué d'appuyer des conférences auxquelles sont définies des pratiques exemplaires en ce qui concerne les entreprises et les droits de la personne, et d'y participer. Nous avons également formé avec Care Canada un partenariat d'investissement dans la collectivité de quatre ans afin d'aider des petites entreprises à connaître de l'expansion sur différents marchés émergents.
Nous croyons que nos politiques en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) confèrent un avantage concurrentiel aux entreprises canadiennes avec lesquelles nous faisons affaire. Il est essentiel pour EDC de répondre aux attentes des Canadiens tout en appliquant des règles du jeu uniformes. Au cours des dernières années, la société a continuellement renforcé ses pratiques en matière de RSE afin de suivre l'évolution constante des normes internationales. Nous avons d'ailleurs comme réputation d'appliquer à nos transactions certaines des normes les plus élevées des institutions financières et des agences de crédit à l'exportation.
Il n'y a pas l'ombre d'un doute que 2009 a été une année difficile pour les exportateurs canadiens. La souplesse sur le marché national accordée par le gouvernement à la société nous a permis d'exercer notre mandat pour le bien des entreprises canadiennes.
Je demanderai maintenant à mon collègue, M. Ken Kember, de vous parler des résultats financiers d'EDC pour 2009.
Ken Kember, premier vice-président, Finances, et chef de la direction financière, Exportation et développement Canada : Bonjour. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter les résultats financiers d'EDC pour 2009. Comme mon collègue l'a mentionné, l'année a été difficile pour le secteur canadien de l'exportation. Si vous le permettez, je vais commencer par vous brosser un tableau de notre rendement dans diverses catégories que nous utilisons comme indicateur d'efficacité. Je vous donnerai ensuite un aperçu de notre situation financière actuelle et je conclurai en vous parlant un peu du contexte historique d'EDC.
[Français]
La récession de 2009 a frappé tous les marchés internationaux. La baisse du prix des produits de base, le report des plans d'investissement et le recul considérable de l'activité des industries extractives ont eu un impact négatif sur les affaires d'EDC.
[Traduction]
Cela dit, nous avons quand même facilité l'an dernier 82,8 milliards de dollars en exportations, en investissements et en transactions commerciales intérieures. Ce total est légèrement inférieur à celui de 2008 qui s'est chiffré à 85,8 milliards de dollars, mais comme les exportations canadiennes ont reculé de 24 p. 100 en 2009, notre baisse est tout à fait dans les valeurs auxquelles on s'attendait. Ces chiffres signifient en fait qu'EDC a participé dans une plus grande proportion à l'exportation canadienne. Il ne faut pas oublier qu'EDC a aussi joué un rôle sur le marché intérieur.
Redoublant d'efforts pour soutenir les entreprises canadiennes au moment où elles en avaient le plus besoin, nous avons offert en 2009 un excellent rendement. Nous avons toutefois veillé à ne pas négliger la vue d'ensemble : si nous avons pris plus de risque pour aider les entreprises pendant cette période difficile, nous l'avons fait sans compromettre notre capacité à servir les entreprises canadiennes à long terme.
Le bénéficie net d'EDC pour 2009 s'est élevé à 258 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 52 millions de dollars par rapport à 2008. On doit cette hausse principalement au revenu net de financement et de placement qui a augmenté surtout en raison du faible coût des emprunts. Cependant, vu la récession mondiale, les frais liés aux sinistres ont été plus élevés que prévu, ce qui a quelque peu contrebalancé. Notre revenu net de financement et de placement est passé de 834 millions de dollars en 2008 à 1 milliard de dollars en 2009. Cette augmentation est surtout attribuable à la baisse de 38 p. 100 des intérêts débiteurs découlant du faible coût des emprunts.
Les faibles taux d'intérêt de 2009 ont eu des répercussions plus marquées sur le coût de nos emprunts que sur nos revenus sur prêt, ce qui s'explique par le fait qu'au cours des deux dernières années, nous avons pu continuer à emprunter à des taux avantageux vu la préférence des investisseurs pour les titres émis par des émetteurs de qualité.
[Français]
Nos primes d'assurances et nos commissions de garantie ont augmenté, ce qui est normal puisque nous avons pris plus de risques et avons temporairement élargi notre mandat.
[Traduction]
De plus, notre dotation à la provision pour perte sur créances a aussi augmenté, une conséquence de la détérioration du crédit liée principalement aux institutions financières et au secteur aérospatial.
Enfin, nos frais d'administration se sont élevés à 246 millions de dollars, soit 6 millions de dollars de plus qu'en 2008. Cette montée provient surtout d'une augmentation des dépenses liées aux ressources humaines, dépenses engagées pour nous aider à répondre à la demande accrue des clients. Vue la situation qui prévalait en 2009, notre Équipe d'indemnisations et de recouvrements a beaucoup aidé les clients à gérer leurs créances en souffrance et à réduire leurs pertes.
Malgré tous les efforts de l'équipe, EDC a dû verser plus de 2 300 indemnités sur assurances, ce qui constitue une hausse de près de 60 p. 100 par rapport à 2008. Le montant des indemnités versées a plus que doublé : de 104 millions de dollars en 2008, il est passé à 258 millions de dollars, une hausse prévisible dans les circonstances difficiles pour les affaires. Le versement d'indemnité est un aspect important du soutien qu'EDC apporte aux entreprises canadiennes, et le montant élevé versé cette année démontre qu'EDC a répondu à l'appel lorsqu'on a eu besoin d'elle; elle a su prendre les risques qui s'imposaient.
EDC est autonome financièrement et ne reçoit aucune dotation annuelle du Parlement. Nos activités génèrent des revenus suffisants pour protéger notre actif et appuyer nos activités futures. Nous veillons à poursuivre sur cette voie en obtenant un rendement adéquat sur les risques que nous prenons, en maintenant notre efficacité opérationnelle par un contrôle strict des coûts et en exerçant une saine gestion des risques.
En 2009, le gouvernement a élargi notre mandat afin que nous puissions aider les entreprises canadiennes à surmonter la crise. Du même souffle, il nous a octroyé 350 millions de dollars en capital supplémentaire pour nous soutenir dans notre tâche.
[Français]
Depuis qu'EDC a été créé en, 1944, le gouvernement nous a fourni 1,3 milliard de dollars en capital actions.
[Traduction]
À la fin de 2009, les exportations et les investissements réalisés grâce à ces fonds s'élevaient à près de 853 milliards de dollars et les capitaux propres d'EDC, à 6,6 milliards de dollars. Par ailleurs, EDC a versé au gouvernement des dividendes d'une valeur de plus de 700 millions de dollars. Pour conclure, nos résultats démontrent que notre situation financière est demeurée solide malgré les risques accrus que nous avons pris. Grâce à une saine gestion financière, nous avons le capital nécessaire pour remplir notre mandat, aujourd'hui et demain, et ainsi demeurer un partenaire de confiance pour les entreprises canadiennes.
Si vous avez des questions, nous serons heureux d'y répondre.
Le sénateur St. Germain : En Colombie-Britannique, province que je représente, EDC a fait un excellent travail auprès du secteur forestier, et on m'a fourni de la rétroaction à ce sujet. Que faites-vous maintenant de différent par rapport à ce que vous faisiez auparavant, compte tenu que ce secteur était déjà sur les genoux en raison de la situation des marchés. Qu'avez-vous fait de différent?
M. Daignault : Nous n'avons rien fait de vraiment différent par rapport à l'approche que nous avions avant la crise, en ce que nous avons toujours appliqué le principe du commerce. On nous a conféré des pouvoirs à l'échelle nationale à la condition que nous les appliquions en partenariat avec le secteur privé, ou pour compléter les efforts de ce dernier, et en fonction de scénarios commerciaux viables. Dans le cas du secteur forestier, nous avons eu recours à notre programme d'assurance-crédit, le programme d'assurance des comptes clients. En protégeant les comptes clients des petites entreprises qui fournissent des sociétés plus importantes ou des sociétés canadiennes qui vendent à des sociétés étrangères, nous avons fourni à ces entreprises l'assurance qu'elles recevraient le paiement pour leurs marchandises et leurs services.
Nous avons ainsi créé une certaine assurance dans toute la chaîne d'approvisionnement, de sorte que des sociétés britanno-colombiennes et québécoises ont pu livrer leurs marchandises en sachant qu'elles seraient payées par le truchement du programme d'assurance d'EDC.
Le sénateur St. Germain : Pourquoi n'avez-vous pas offert ce programme avant la récession? Le secteur du bois d'oeuvre du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique était déjà en difficulté, surtout en raison de notre dépendance à ce secteur. J'essaie de comprendre ce que vous avez fait de différent cette fois-ci. Si vous avez répondu à la question, j'ai probablement mal compris votre réponse.
M. Daignault : La crise a modifié en profondeur le comportement des entreprises. Avant celle-ci, les entreprises n'avaient pas l'impression que le risque était particulièrement élevé. Elles se sont cependant penchées sur cette question lorsque la crise a frappé, et elles ont déterminé qu'elles avaient besoin de soutien, car elles ne comprenaient pas le risque.
Cette tendance fonctionne à l'inverse des cycles. Quand le risque augmente, les sociétés et les entrepreneurs se tournent vers des solutions comme l'assurance-crédit. Lorsqu'ils ont l'impression que le risque n'est pas très élevé, ils ont tendance à baisser la garde et à ne pas s'assurer contre le risque.
Le sénateur St. Germain : Malheureusement, la récession a provoqué la faillite d'un grand nombre de petites entreprises. Leurs propriétaires ont vu ce que le gouvernement avait fait pour renflouer General Motors et Chrysler. Ces mesures ont provoqué une certaine vague de cynisme au Canada.
Pouvez-vous dire aux Canadiens quelles sommes GM et Chrysler ont remboursé jusqu'à présent, ou cette information est-elle confidentielle?
M. Kember : Non, cette information est du domaine public. General Motors a effectué un remboursement partiel d'environ 1,3 milliard de dollars sur la somme de 10,8 milliards qui lui a été versée initialement.
Le sénateur St. Germain : C'est tout ce qui a été remboursé jusqu'à présent?
M. Kember : De la somme initiale de 10,8 milliards de dollars, 8,8 milliards ont été convertis en actions communes et transférées à la Corporation de développement des investissements du Canada, la CDIC. EDC n'a aucun contrôle sur ces actions. Nous n'en connaissons pas la valeur marchande actuelle. Ces actions sont inscrites dans la comptabilité de CIDC à leur valeur estimative actuelle.
Le sénateur St. Germain : Compte tenu des difficultés auxquelles font actuellement face l'euro et les économies tout entières de certains pays d'Europe, le Canada prend-il des mesures préventives pour s'assurer que ces problèmes n'aient pas de retombées graves pour notre économie? La situation est horrible et pourrait même se révéler pire que la récession si l'on n'arrive pas immédiatement à juguler ces problèmes. Quelles mesures prônons-nous dans le contexte de cette crise économique?
M. Kember : J'ai deux réponses à ce sujet.
Premièrement, le Canada est en bonne posture par rapport à l'Europe. Notre économie se porte bien. Quand je voyage à des fins de relations industrielles, il m'apparaît clairement que la situation financière du Canada nous confère un avantage concurrentiel, actuellement, comparativement à ces marchés en déconfiture.
Deuxièmement, cette situation empire le risque à l'échelle mondiale. Elle accroît la perception du risque. Cela pourrait entraîner la prolongation de la reprise et son ralentissement. Nous suivons de près les effets que ce risque pourrait avoir pour les exportateurs canadiens.
Le sénateur St. Germain : La faiblesse du taux d'intérêt vous a permis de faire plus d'argent. Si les taux d'intérêt augmentaient, cela poserait un problème.
M. Kember : C'est exact.
Il y a deux facteurs dans tout cela. Premièrement, il y a eu un mouvement vers la qualité durant la crise financière. Des pays comme le Canada et le gouvernement du Canada en ont bénéficié en ce qui a trait aux coûts de financement. Deuxièmement, il existe à l'échelle mondiale une impression croissante que toutes les devises posent un risque, à l'exception peut-être du dollar américain. On se jette sur le dollar américain en tant que devise sûre, bien que je ne sois pas persuadé qu'il s'agit d'un mouvement vers la qualité. Cela influe sur nos coûts financiers.
La vice-présidente : Permettez-moi d'apporter une précision. Nous ne vous avons pas demandé de comparaître pour que vous nous présentiez un rapport annuel, et il ne s'agit pas d'une comparution habituelle devant le comité. Notre invitation se situait dans le contexte de la crise et de ce qui devrait être fait à l'avenir.
Vous nous avez présenté la situation en 2009 et quelques prévisions pour 2010. Le comité aimerait obtenir une comparaison avec les États-Unis et l'Union européenne, ou certaines de ces économies — par exemple, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Où se situe le Canada par rapport au reste du groupe?
L'Allemagne est le deuxième plus important exportateur au monde. La Chine est le plus grand exportateur. Il faudrait cependant comparer le Canada aux autres membres de notre groupe habituel. Les exportations du Canada ont diminué de 24 p. 100. Quel a été le résultat dans d'autres pays, et quelles mesures ces pays ont-ils pris en conséquence?
Quand la Banque de développement du Canada a témoigné devant le comité, on nous a donné l'impression que c'est la BDC qui avait sauvé GM et Chrysler. On nous dit maintenant aujourd'hui que c'est EDC. Ces entreprises ont sans doute bénéficié d'un groupe de sauveurs, car vous avez également parlé de la contribution de la CIDC. Pourriez-vous nous préciser quel a été votre rôle dans cet énorme investissement, par rapport à celui de la BDC et de la CIDC?
M. Daignault : Le secteur automobile a suscité beaucoup d'activités l'an dernier. EDC a apporté son soutien principalement par le truchement du programme d'assurance-crédit, afin d'ajouter des liquidités dans le système pour payer les fournisseurs de GM et de Chrysler. EDC a également administré pour le gouvernement du Canada l'investissement fait sur le Compte du Canada chez Chrysler et General Motors. Cet investissement consiste principalement en prêts à long terme faits à partir du Compte du Canada et gérés par EDC.
Je crois savoir que la BDC a appuyé le secteur par le truchement de son programme de titrisation, qui est davantage orienté vers l'acheteur ultime et garantit qu'il y a suffisamment de liquidités dans le système; autrement dit ce programme garantit qu'il y a suffisamment de financement disponible lorsque quelqu'un veut acheter une voiture.
Il existe une chaîne d'approvisionnement complexe depuis le fabricant des pièces de catégorie 3 jusqu'à l'acheteur. Cette chaîne d'approvisionnement donne l'impression qu'il y a de nombreux intervenants. Le système est également bien intégré à celui des États-Unis. Il était justifié que divers intervenants soient appelés à mettre en commun leurs compétences différentes, selon les échelons de la chaîne d'approvisionnement.
J'espère que cela répond à votre question.
La vice-présidente : Avez-vous des chiffres au sujet de la comparaison entre le Canada et les autres pays industrialisés? Sinon, le comité aimerait savoir où se situe le Canada par rapport aux autres pays. Même si nous exportons beaucoup partout au monde, nous ne sommes pas en tête de peloton.
M. Daignault : Je peux vous faire part de certains chiffres dans ce domaine. Dans la perspective régionale de l'Accord de libre-échange nord-américain — entre les États-Unis, le Canada et le Mexique — le produit intérieur brut s'est contracté de 2,8 p. 100 en 2009. En 2010, on prévoit une augmentation de 2,8 p. 100.
Parallèlement, il faut se rendre compte qu'un taux de croissance du PIB de 1,2 ou 1,5 p. 100 est considéré comme une situation de récession. Par conséquent, l'année dernière a été tout simplement horrible pour l'économie mondiale tout entière. En Europe de l'Ouest — le Royaume-Uni, la zone euro et certaines économies de l'Europe de l'Ouest — le PIB s'est contracté de 4,2 p. 100. En 2010, on prévoit une croissance de 1 p. 100.
Comparativement, dans les pays en développement, entre autres l'Amérique latine, la Chine et l'Inde, le PIB a connu une croissance de 1,7 p. 100. On s'attend à une augmentation de 5,5 p. 100 cette année.
Le message, c'est que la croissance est toujours importante car elle dicte dans quel marché on investira. On prévoit une croissance de 2,7 p. 100 aux États-Unis et de 1 p. 100 pour l'ensemble de l'Europe. La diversification a toujours été importante, mais ces entreprises ont un urgent besoin de se diversifier. Ce n'est pas nécessairement en Europe et aux États- Unis que se produira la croissance prévue au cours des cinq à dix prochaines années. Mais surtout, on a constaté l'émergence de nouvelles tendances dans le commerce. Quand nous voyageons en Amérique latine, nous faisons affaire avec les principales sociétés, qui elles-mêmes font affaire avec des entreprises situées en Asie, en Chine et en Inde. Nous constatons qu'il existe des liens directs entre l'Amérique latine et l'Asie, du point de vue de la chaîne d'approvisionnement. Les États-Unis et l'Europe ne font plus partie de cette chaîne d'approvisionnement, ce qui signifie que les entrepreneurs canadiens doivent voir au-delà des États-Unis et de l'Europe s'ils veulent participer à la croissance mondiale dans les cinq à dix prochaines années. Les marchés émergents sont d'une importance cruciale.
La vice-présidente : Cela nous présente la chose dans l'optique de votre travail.
Le sénateur Ringuette : Combien avez-vous de bureaux dans les provinces de l'Atlantique?
M. Daignault : Nous avons des bureaux dans toutes les provinces de l'Atlantique.
Le sénateur Ringuette : Vous avez donc quatre bureaux dotés de personnel dans ces provinces — pas seulement des comptoirs de consultations?
M. Daignault : Permettez-moi de vous expliquer comment nous fonctionnons, car nous sommes différents des autres institutions financières. Compte tenu de la nature de notre travail, qui consiste à comprendre les chaînes d'approvisionnement, les principaux intervenants internationaux, les risques, les risques politiques, les devises, et cetera, nous avons besoin d'installations centralisées qui nous permettent de faire de la valeur ajoutée et de l'évaluation de risque. Ces activités ne peuvent pas être déléguées à d'autres. Toutes nos décisions doivent tenir compte de nombreux facteurs différents, partout au monde. Pour cette raison, nous devons avoir des opérations centralisées.
Le sénateur Ringuette : Je comprends que vous ayez besoin d'un bureau central dans la région d'Ottawa afin de faire des recherches pour vos clients. Quels services avez-vous dans les provinces de l'Atlantique?
M. Daignault : Nous fonctionnons généralement de la même façon dans les provinces de l'Atlantique que dans le reste du Canada et du monde. Nous travaillons beaucoup en partenariat avec les banques.
Le sénateur Ringuette : Je suis désolée, monsieur Daignault. Ce que je veux savoir, c'est combien de bureaux vous avez dans les provinces de l'Atlantique, pas seulement des comptoirs de consultations ou des personnes que l'on peut consulter grâce à un numéro de téléphone ou répondeur automatique pour obtenir une réponse trois jours plus tard. Combien de vrais bureaux avez-vous dans les provinces de l'Atlantique?
M. Daignault : Quatre.
Le sénateur Ringuette : Vous avez quatre bureaux?
M. Daignault : Oui.
Le sénateur Ringuette : Vous avez un bureau dans chacune des provinces de l'Atlantique. Vous avez dit que vous avez ouvert deux nouveaux bureaux, ce qui porte le total à 17 pour l'ensemble du pays. Vous avez dit, en outre, que vous avez 14 bureaux à l'extérieur du pays et que vous en ouvrirez trois autres cette année à l'étranger. EDC exploitera donc 17 bureaux au Canada et 17 autres à l'étranger. Je ne sais pas en quoi consiste votre travail à l'extérieur du Canada. En tant que parlementaire, je croyais que la connaissance et l'évaluation des entreprises dans les autres pays relevaient du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je constate maintenant qu'EDC compte autant de bureaux à l'étranger qu'au Canada. Je croyais que AECI était chargé de fournir à EDC, au Canada, l'information nécessaire au service d'assurance-crédit aux exportateurs canadiens, par le truchement de nos diverses ambassades. En quoi est-ce que je me trompe, si je me trompe?
M. Daignault : C'est une question de fonction; il y a d'une part ce que fait EDC et d'autre part ce que font les délégués commerciaux. EDC est une institution financière. Ce que nous apportons principalement aux sociétés canadiennes, ce sont des liens avec les principaux acheteurs à l'étranger. Je vais vous donner un exemple. Nous avons un représentant au Chili qui est logé au sein de notre ambassade. Partout au monde, nous travaillons toujours en étroite relation avec le Service des délégués commerciaux du Canada. Par exemple, au Chili, nous allons mettre au point des relations avec une entreprise du nom de Codelco, une grande société minière publique qui exploite le cuivre. Le Canada a une solide chaîne d'approvisionnement dans le secteur minier, pour laquelle nous sommes reconnus partout au monde. EDC tente d'établir des relations avec Codelco, ce qui signifie qu'EDC fournira du financement à Codelco.
Le sénateur Ringuette : Vous allez financer une société d'État étrangère d'exploitation minière?
M. Daignault : Nous finançons des entreprises étrangères dans les domaines du transport, des mines, des forêts, et cetera. En finançant ces entreprises, nous ajoutons à leurs ressources et nous améliorons les conditions commerciales, mais à une condition : que ces entreprises collaborent avec nous afin de trouver des sociétés canadiennes qui puissent participer à leur chaîne d'approvisionnement.
Le sénateur Ringuette : N'est-ce pas le rôle de la Corporation commerciale canadienne?
M. Daignault : Le rôle de la CCC est différent. Il consiste à offrir des services de contrat lorsque des entreprises canadiennes veulent traiter avec des gouvernements. Il y a souvent des problèmes en ce qui concerne les obligations contractuelles entre une société privée canadienne et un gouvernement étranger. La CCC est l'entité qui signe un contrat avec la société canadienne ayant fait un contrat avec le gouvernement étranger. C'est là le principal objectif de la CCC.
Le sénateur Ringuette : Vous avez indiqué que vous avez desservi 8 500 clients en 2009. Ces clients sont-ils tous Canadiens?
M. Daignault : Ce ne sont que des clients canadiens.
Le sénateur Ringuette : Combien de clients étrangers EDC a-t-elle desservi?
M. Daignault : Pour chaque client étranger, nous avons un client canadien équivalent. Nous ciblons de 250 à 300 grandes entreprises partout au monde de façon proactive. Nous avons parfois plus de clients, car certains communiquent avec nous et disent avoir besoin d'EDC. Mais pour chaque entreprise canadienne qui participe à un marché étranger, il y a un acheteur. EDC est en mesure de les mettre en rapport et de faciliter cette transaction au Canada. Une entreprise canadienne a parfois besoin d'un fonds de roulement, d'une assurance-crédit ou d'une lettre de crédit de son banquier. Nous répondons à ces besoins.
Le sénateur Ringuette : Supposons qu'une société canadienne ait besoin de capitaux. S'il s'agit d'une société d'État, elle s'adressera à la Banque de développement du Canada. Si elle trouve un marché, elle s'adressera probablement au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, par une ambassade, pour déterminer la crédibilité de l'importateur dans le pays. EDC examine le crédit et garantit le crédit au titre des services et des marchandises exportés. C'est bien cela?
Normalement, EDC est le dernier morceau du casse-tête pour ce qui est de faciliter les exportations canadiennes, en collaboration avec la Banque de développement du Canada, l'ACC et d'autres.
M. Daignault : Vous décrivez très bien le fonctionnement d'EDC, mais ce n'est là qu'une partie de nos fonctions.
Nous offrons de l'assurance crédit. Toutefois, nous offrons également un service de cautionnement, un produit différent qui répond à des besoins différents et vise une clientèle différente. Nous offrons aussi une assurance contre les risques politiques, qui s'adresse à une autre clientèle et cible un besoin différent. Nous offrons en outre du financement à terme, du financement de fonds de roulement et du financement de projet, selon les différentes situations.
Le sénateur Ringuette : Ces 300 sociétés étrangères dont vous avez parlé, vous serait-il possible de nous fournir leurs noms, leur secteur d'activité et le pays dans lequel elles se trouvent? Puisque vous êtes une société d'État, vous devez rendre compte au Parlement des sommes en cause.
M. Daignault : Je suis sûr que nous pouvons vous fournir ces renseignements, sous réserve des limites normales.
Le sénateur Ringuette : Veuillez fournir cette information à notre greffier afin que nous en ayons tous une copie.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui, votre présence est très appréciée. J'ai des questions plutôt générales à vous poser, pour mieux comprendre. Vous disiez que les taux que vous facturiez à vos clients le sont sur une base d'affaires. Vous avez un rôle très important au point de vue des intérêts de notre pays pour encourager l'exportation. Comment balancer les deux? Comment évaluez-vous l'intérêt commercial et le risque typique? L'année dernière dans le secteur de la foresterie, vous avez perdu 20 millions de dollars. C'est un secteur à risques élevés. Comment avez-vous pris cette décision? Le risque est plus élevé, donc vous chargez plus cher? En même temps, vous avez un rôle important pour encourager l'exportation et la croissance du PIB de notre pays. Comment gérez-vous les deux?
M. Daignault : C'est une très bonne question. Il y a des principes de base auxquels une agence de crédit export doit se conformer. Il y a les normes, au niveau de l'OCDE, qui sont en place pour s'assurer qu'il n'y a pas une subvention déguisée par un gouvernement canadien ou américain par l'entremise d'EDC ou autre, et pour s'assurer qu'il n'y a pas une subvention qui donnerait un avantage indu à un exportateur canadien ou américain.
Donc, certains marchés sont définis comme étant « consensus » et en fonction de ces marchés, si EDC est appelé à appuyer une opération sur ce marché, on doit y aller avec des taux définis d'avance par tous les pays, d'un commun accord, qui font partie de l'OCDE.
Cela dit, une bonne portion de nos activités sont dans le domaine que j'appellerais « marché ». Donc, le marché au Canada ou aux États-Unis n'est pas un marché considéré consensus parce qu'il y a du crédit qui se fait; il y a des transactions qui se font, donc les compagnies ont accès à plusieurs sources de financement même si dans certains cas, comme on le voit en ce moment, il y a certaines restrictions au niveau de la capacité.
Dans ces cas, on se considère comme n'étant pas des faiseurs de marché, mais des preneurs de marché. On va déterminer nos prix ou conditions de crédit sur des conditions du marché actuel. Et on devient ainsi une société qui amène une capacité additionnelle dans le marché.
En termes de balance, si on était une institution purement privée et qu'on amenait le dernier 20 p. 100 d'une transaction sur une base de financement, on utiliserait cette position pour avoir des frais plus élevés. Notre approche est de dire : on va prendre les conditions déterminées par le marché privé en place même si on amène une capacité substantielle. On amène une capacité additionnelle à un coût marginal qui n'est pas différent, ce que le secteur privé ne ferait pas.
En termes de profitabilité de la société, on fait un profit, on gère nos affaires de façon responsable. Mais en termes d'évaluation de dossier, nous avons deux considérations : la première est qu'on ne veut pas perdre de l'argent, donc on ne veut pas mettre de l'argent dans une opération qui risque de nous faire perdre 50 p. 100 le lendemain. Un point important est quel genre de bénéfices on créé pour le Canada. C'est pratiquement une façon de qualifier les transactions. Si j'étais une banque commerciale, si mon rendement sur la transaction est en bas de 20 ou 22 p. 100, je ne le fais pas. Dans notre cas, on ne perd pas d'argent, mais on créé des bénéfices pour le Canada. Est-ce un cas de a, b, c ou d, plus le bénéfice est élevé, plus on est prêt à prendre ce risque.
Le sénateur Massicotte : Vous dites que votre point de repère, c'est le marché compétitif où le taux consensus des pays du monde est d'éviter la subvention. Je comprends que le taux fixé par ce consensus est compétitif pour permettre un retour raisonnable. Le but est de s'assurer qu'il n'y a pas de subvention directe.
Si c'est le cas, le point de repère est un rendement raisonnable dans un marché compétitif. Je constate que votre profitabilité n'est pas énorme, on parle d'un rendement de 4 p. 100 sur votre équité et j'assume que le gouvernement du Canada garantit aussi vos prêts. C'est très peu. Votre rendement est de 4 p. 100 en assumant qu'il n'y a pas de coût- garantie, ce n'est pas le marché. La caution coûte toujours quelque chose à quelqu'un.
Si c'est le marché, pourquoi n'êtes-vous pas plus profitable si ce ne sont pas les considérations nationales de l'exportation qui dominent?
M. Daignault : Je vous dirais que ce sont vraiment les considérations de l'exportation. Si on a un marché consensus, cela implique l'absence d'un marché commercial. Maintenant, si on regarde les taux de rendement d'EDC, on a effectivement une profitabilité moins grande qu'une institution financière commerciale comme une banque.
Le sénateur Massicotte : De loin.
M. Daignault : Effectivement. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que dans nos activités on est assez limité en termes de produits, comparativement à une banque qui peut avoir une relation à long terme, commencer avec un prêt, et ensuite aller chercher le service de la paye, des frais et d'autres services connexes; nous, on le fait dans le cadre de notre mandat. Donc, tous les frais accessoires qu'une institution financière privée va aller chercher pour augmenter sa profitabilité n'existent pas chez nous.
Tout en gardant en tête d'avoir des programmes qui sont soutenables à long terme, on s'étire le plus possible. Si vous regardez notre portefeuille, par exemple, il ne serait pas acceptable pour une banque commerciale. On a des concentrations qui sont trop élevées et pour lesquelles les banques exigeraient des coûts supérieurs. La profitabilité n'est pas au cœur de notre processus décisionnel, mais la préservation du capital l'est.
Le sénateur Massicotte : J'accepte votre raisonnement. Quand vous parlez de transactions commerciales, cela veut dire un retour d'investissement raisonnable pour le risque, c'est un peu secondaire à votre intérêt d'encourager les exportations du Canada. Comment votre taux d'investissement se compare-t-il aux autres agences gouvernementales de l'État, des États-Unis, du Brésil?
M. Daignault : Je devrai vous revenir sur ce point, car je n'ai pas l'information et je devrai vérifier si l'information est comparable. Toutes les agences de crédit export au monde sont relativement différentes. La majorité des agences de crédit export européennes ne font pas de prêts directs. Les agences européennes de crédit export font uniquement de la garantie.
C'est un modèle différent. Et même s'ils décident de prendre un risque de crédit à long terme comme du financement, ils ne le feront pas directement. Ils vont demander à une banque d'avancer les fonds, et il y aura une garantie donnée à la banque.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Mes questions portent sur les pages trois et quatre de votre texte. Vous avez parlé de l'augmentation du financement sur le marché canadien pour les entreprises canadiennes et des ventes relativement à la capacité de réassurance. Vous avez dit qu'au 31 décembre, EDC avait fourni 1,7 milliard de dollars en financement sur le marché canadien pour les entreprises canadiennes. Est-ce que cela s'ajoute au montant des transactions normales d'EDC, ou est-ce un total?
M. Daignault : Non; notre chiffre d'affaires normal au titre des exportations et des investissements a diminué légèrement du fait que les exportations ont diminué de 24 p. 100. Toutefois, nous avons reçu des pouvoirs supplémentaires afin d'utiliser nos compétences au Canada. La somme de 1,7 milliard de dollars et les autres chiffres que vous voyez dans ce paragraphe portent sur ce que nous appelons nos « transactions sur le marché canadien » et sont directement liés à nos pouvoirs supplémentaires.
Le sénateur Tkachuk : Cela s'ajoute donc à votre chiffre d'affaires habituel?
M. Daignault : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Que se passera-t-il en 2010, 2011, et cetera? EDC pourra-t-elle continuer ces activités?
M. Daignault : Nous n'aurons plus ces pouvoirs sur le marché national à compter de mars 2011, puisqu'ils nous ont été conférés au moyen d'un vote, pour une période de deux ans. Par exemple, nous ne serons plus en mesure de continuer d'offrir un soutien financier aux sociétés canadiennes. On a pensé qu'une fois en mars 2011, le besoin ne sera pas aussi grand qu'aujourd'hui ou que l'an dernier.
Le sénateur Tkachuk : Vous espérez que la reprise économique sera suffisante pour que le secteur privé puisse répondre à ces besoins, de sorte qu'Exportation et développement Canada n'aura plus besoin d'intervenir?
M. Daignault : C'est exact. Comme je l'ai dit, des discussions sont en cours pour déterminer quelle sera la situation en 2011 et s'il sera nécessaire de reconduire ces pouvoirs.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas certain que vous ayez répondu à cette question, mais si le gouvernement n'avait pas augmenté les pouvoirs d'EDC au moyen de ces sommes de 1,7 milliard de dollars et de 103 millions de dollars, quelle partie de cette capacité aurait pu être assumée par les institutions financières canadiennes sans la participation d'EDC?
M. Daignault : C'est vraiment une question de coefficient delta. Au début de 2009, en raison de la crise du crédit, bon nombre d'entreprises qui comptaient des établissements bancaires, surtout des banques étrangères et des sociétés de financement, ont dû se retirer du marché parce qu'elles n'avaient plus de financement disponible. Par conséquent, un entrepreneur qui avait besoin d'une marge de crédit de 100 millions de dollars n'avait plus subitement que 70 millions de dollars disponibles parce qu'une partie du consortium bancaire avait disparu.
Puisqu'il y avait une crise réelle, les banques canadiennes limitaient quelque peu le crédit parce qu'elles essayaient de gérer leurs risques. Mais elles ne se sont pas retirées du marché. Elles ont essayé de conserver leur présence, mais elles ne pouvaient pas fournir les 30 p. 100 supplémentaires, soit 30 millions de dollars. Grâce à nos nouveaux pouvoirs sur le marché canadien, principalement en matière de financement, nous avons pu négocier une solution à long terme viable avec les banques et les entreprises. Dans de nombreux cas, EDC a financé le crédit manquant en raison du retrait des banques et des institutions financières étrangères, ce qui a permis aux entreprises de continuer à fonctionner. Le même principe s'applique à l'assurance-crédit. Au fur et à mesure que le risque augmentait, les prêteurs privés réduisaient leurs limites, car ils essayaient de comprendre le risque. En ajoutant à la capacité, nous avons pu combler le vide laissé par le secteur privé.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question. Vous avez dit également que vous vous étiez fait 2 270 nouveaux clients, qui ont recours à vos produits et à vos services pour la première fois en 2009. Comment expliquez-vous cette augmentation par rapport à votre clientèle habituelle? J'aurais cru que ces clients faisaient déjà partie de votre clientèle habituelle du développement des exportations. Vous avez gagné tous ces nouveaux clients, et c'est très bien, mais cela semble un peu étrange dans le contexte d'une récession.
M. Daignault : Une partie de notre clientèle est de nature cyclique. Lorsque le risque augmente, les entreprises décident qu'elles doivent assurer leurs comptes-clients, car elles ne savent pas si elles seront payées. Ce risque accru explique le regain d'activité dans le recrutement de nouveaux clients.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends.
Le sénateur Moore : Mes questions sont dans la même veine que celles du sénateur St. Germain, c'est-à-dire le financement fourni à Chrysler et General Motors. Vous avez dit que 8,8 milliards des 10,8 milliards de dollars fournis à General Motors ont été convertis en actions communes. Qui détient ces actions?
M. Kember : Elles sont détenues par la CDIC, qui n'est pas la Société d'assurance-dépôts du Canada, mais plutôt la Corporation de développement des investissements du Canada, me semble-t-il.
Le sénateur Moore : En quoi consiste cette corporation?
M. Kember : Il s'agit d'une société d'État fédérale qui détient des actifs pour le gouvernement.
Le sénateur Moore : Relève-t-elle du ministre de l'Industrie?
M. Kember : Je n'en suis pas certain.
M. Daignault : Je crois qu'Industrie Canada a ourdi cette transaction, mais nous pouvons communiquer ce renseignement plus tard à votre greffier.
Le sénateur Moore : Cela laisse 2 milliards de dollars à rembourser. GM a remboursé 1,3 milliard, reste donc 700 millions de dollars à repayer. Quelles sont les conditions, par exemple, les taux d'intérêt? Quand cet argent doit-il être remboursé?
M. Kember : Je ne connais pas les détails.
Le sénateur Moore : Combien d'argent a été versé à Chrysler?
M. Kember : On a versé au total 2,7 milliards de dollars à Chrysler. Cet argent n'a pas encore été remboursé.
Le sénateur Moore : La somme n'a pas été convertie en partie en actions communes comme dans le cas de General Motors?
M. Kember : Non.
Le sénateur Moore : Chrysler n'a fait encore aucun remboursement sur ce montant?
M. Kember : Non.
Le sénateur St. Germain : Excusez-moi, sénateur Moore. La Corporation de développement des investissements du Canada détient-elle des actions communes de Chrysler?
M. Kember : Pas que je sache.
Le sénateur St. Germain : Je vous prie de m'excuser.
Le sénateur Moore : Je vous en prie. Il s'agit d'un prêt. Savez-vous quelles en sont les modalités? Est-il assorti d'un taux d'intérêt?
M. Kember : Ce prêt a été négocié au nom du gouvernement du Canada. Comme M. Daignault l'a mentionné, Industrie Canada en a été le moteur principal, de sorte que c'est le ministère qui pourrait vous donner les détails des modalités.
Le sénateur Moore : Il serait intéressant de connaître les détails. Le sénateur Tkachuk a demandé ce que les 8,8 milliards de dollars valaient aujourd'hui. La valeur a-t-elle augmenté?
M. Daignault : Je ne suis pas en mesure de vous répondre.
Le sénateur Moore : C'est une bonne question.
M. Kember : Je pense que le montant apparaîtra, s'il ne l'a pas déjà fait, sur les états financiers de la SADC, étant donné qu'il s'agit d'une société d'État.
Le sénateur Moore : Ce sont des actions communes. Si l'industrie se remet, pour cette entreprise en particulier, cela peut être positif. Nous ne connaissons pas la valeur de ces actions communes.
Le sénateur Gerstein : L'année 2009 peut être décrite de plusieurs façons, notamment en parlant de la récession mondiale et du risque accru auquel font face les prêteurs. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué que les recettes nettes d'EDC avaient augmenté de 52 millions de dollars pour atteindre 258 millions de dollars l'an dernier. En même temps, les demandes sont passées de 104 à 258 millions de dollars. Vous avez expliqué cette augmentation en disant ce qui suit : ce qui peut s'expliquer largement par cette période difficile pour les entreprises. Plus tard, vous dites : « Le profil de demande plus élevé de cette année démontre que nous avons été là pour les entreprises lorsqu'elles ont eu besoin de nous — nous avons pris des risques appropriés.
Quel était le niveau de risque approprié que vous avez pris?
Je crois comprendre que vous avez dit que vos critères visaient principalement à préserver les capitaux afin de financer la poursuite de la croissance. Vous croyez également que le gouvernement vous a demandé de vous impliquer en fournissant aux entreprises canadiennes ce que vous ne leur aviez jamais fourni auparavant. Comment avez-vous changé vos critères, de 2008 à 2009? Si vous saviez alors ce que vous savez maintenant, EDC aurait-elle pu faire plus pour les entreprises canadiennes?
M. Kember : Nos critères fondamentaux pour l'octroi de crédit n'ont pas changé. Nous avons examiné les secteurs où nous prenions des risques.
Par exemple, le secteur automobile nous préoccupait beaucoup. Nous nous sommes donc concentrés sur les entreprises qui seraient, selon nous, survivantes une fois que la situation de GM et Chrysler serait réglée, et d'octroyer du crédit dans ces cas.
Nous savions, même sans changer nos critères, que nos risques étaient plus élevés et que notre portefeuille actuel d'assurance-crédit, dans nos livres, serait l'objet de demandes plus élevées. C'était inévitable; nous nous y attendions.
Aurions-nous pu faire plus si nous avions su alors ce que nous savons aujourd'hui? En rétrospective, on a toujours une vision de 20 sur 20.
Premièrement, personne ne prévoyait la mesure dans laquelle les gouvernements canadien et américain répondraient à la situation des trois grands fabricants de Détroit — c'est-à-dire le financement qu'ils ont fourni aussi rapidement pour veiller à ce que les fournisseurs et les sous-fournisseurs dans toute la chaîne d'approvisionnement soient payés. Certains se préoccupaient du fait que cela n'arriverait pas rapidement. Même s'il a fallu six mois pour régler la situation, de nombreux fournisseurs de petite et moyenne taille dans le secteur de l'industrie automobile n'auraient pas survécu. Ce n'est pas arrivé. Nous pourrions revenir en arrière et déterminer que nous aurions pu en faire plus; je ne sais pas.
Deuxièmement, la première moitié de 2009 était difficile. Dans nos propres résultats, nous avons subi une perte pendant la première moitié de l'année. Nous avons vu la situation avec Chrysler et GM. Personne ne savait jusqu'où cette situation irait, du point de vue de l'économie mondiale. Ce n'était pas joli.
Nous avons vu une reprise remarquable dans de nombreux secteurs pendant la deuxième moitié de 2009. Nous nous intéressons au secteur de l'aérospatiale, et EDC se préoccupait de ce secteur. Pendant la deuxième moitié de 2009, les entreprises aérospatiales et les compagnies aériennes ont été en mesure d'amasser des montants d'argent importants sur les marchés publics afin d'obtenir les liquidités nécessaires pour passer à travers cette période.
Nous avons vu des résultats améliorés pendant la deuxième moitié de 2009, par rapport à la première moitié, compte tenu de ce que nous attendions pour toute l'année.
[Français]
Le sénateur Mockler : Merci, madame la vice-présidente. En tant que président du Comité sénatorial sur l'agriculture et les forêts, nous avons un peu touché à cela. Considérant les différentes régions du Canada, l'Est, le Québec, l'Ontario et l'Ouest canadien, au moment de la crise, en 2009 jusqu'à aujourd'hui, vous suivez sans doute la fluctuation des marchés et la baisse de la valeur du dollar canadien, quelle région du Canada a été la plus affectée en ce qui a trait au portefeuille de crédit forestier? D'après le mandat que vous avez reçu du gouvernement actuel, quel est le pourcentage et avez-vous vu venir la crise?
M. Daignault : Je n'ai pas l'information actuelle sur l'état de notre portefeuille par secteur et par région. Avec votre permission, j'aimerais faire parvenir l'information plus tard au greffier.
Le sénateur Mockler : On a souvent entendu des témoignages au comité que l'on devrait peut-être structurer le secteur de la foresterie : au même titre qu'on a la Farm Credit Corporation, on devrait avoir la Forestry Credit Corporation. Je vois M. Kemper sourire, au vu de votre expérience, est-ce que vous avez des commentaires? Est-ce qu'on devrait adopter cette ligne de pensée?
M. Daignault : Je ne suis pas certain qu'EDC ait toute l'information pour aller d'un côté ou de l'autre, mais il y a certains facteurs qui, je crois, sont assez importants au niveau de la foresterie. Le premier facteur est, évidemment, l'importance des marchés étrangers pour la foresterie. De ce côté, je pense qu'il y a un support important qui se déploie. Et je sais qu'EDC joue un rôle très important dans le secteur, notamment au niveau de l'assurance crédit et, à ma connaissance, la BDC est également assez active, notamment au niveau de la petite entreprise. La question est alors de savoir s'il existe des lacunes entre les deux actuellement pour les entreprises viables dans le secteur forestier. Je n'ai pas l'information pour répondre à cette question.
[Traduction]
Le sénateur Mockler : Lorsque vous nous enverrez l'information, pouvez-vous diviser le secteur de la foresterie en différentes activités : le bois de sciage, les pâtes et papiers, les produits à valeur ajoutée et les produits hybrides que vous avez contribués à maintenir dans le marché?
M. Daignault : Je ne suis pas certain que nous ayons l'information concernant toutes ces catégories. Nous avons parlé du bois de sciage et des pâtes et papiers, mais nous devrons vérifier notre système pour trouver ces détails.
Le sénateur Mockler : Madame la présidente, pouvez-vous remettre l'information à tous les sénateurs une fois qu'elle nous aura été envoyée?
La vice-présidente : Oui.
Le sénateur Mockler : Le mandat d'EDC concernant le marché national élargi a été établi pour les deux dernières années et prendre bientôt fin. Les autres sénateurs ont parlé de cette question. Le mandat national devrait-il être élargi?
M. Daignault : Je pense que ce serait aux entreprises en général et aux exportateurs de répondre à cette question, avec nos partenaires.
Dans le cas d'EDC, nous estimons qu'il est nécessaire de veiller à ce que les entreprises soient concurrentielles à l'échelle mondiale, et je pense qu'elles ont besoin des ressources nécessaires pour le faire. À l'heure actuelle, si on examine le mandat d'EDC, on constate que les pouvoirs intérieurs ne sont pas un argument suffisant pour élargir le mandat d'EDC. Essentiellement, ces pouvoirs constituent une façon pour EDC d'être plus efficace pour remplir son mandat actuel.
Je peux vous donner un exemple. Prenons un entrepreneur qui envisage d'acquérir une entreprise aux États-Unis. Disons que cette personne a besoin de l'expertise d'EDC pour le faire et que la structure de l'entreprise est aux États- Unis. EDC peut l'aider; nous pouvons faire une structure aux États-Unis et fournir le financement pour l'entreprise canadienne.
Toutefois, si la même entreprise — la même acquisition et la même situation — pour des raisons fiscales ou opérationnelles, nous dit qu'elle ne souhaite pas avoir une structure aux États-Unis, mais plutôt au Canada, nous ne pouvons pas le faire. Il ne s'agit que d'une question de réglementation. Ce n'est pas une question de mandat.
[Français]
La vice-présidente : J'aimerais avoir une information. En regardant votre rapport, je vois que vous ouvrez trois bureaux, à Panama, à Düsseldorf et à Istanbul. Il y a quelques minutes, vous nous disiez que les grands marchés seront plutôt du côté de l'Inde et de la Chine. Istanbul n'est pas trop loin, mais ce n'est quand même pas un pays asiatique. Pour le marché européen, Düsseldorf en fait partie, l'augmentation n'est pas très grande. Quant au Panama, selon moi, ce n'est certainement pas une économie considérable. Est-ce que Panama va desservir le Guatemala et les autres pays connexes? Combien de bureaux avez-vous en Chine et en Inde? Vous avez 17 bureaux, mais entre Shanghai et Beijing, il y a quand même une bonne distance et il faut aussi un volume assez extraordinaire. Est-ce que vous opérez dans quelques villes de ces pays?
Dans le fond, si on est pour aller sur de nouveaux marchés et accompagner nos gens, j'aimerais savoir quelles sont les initiatives pour nos exportateurs, à savoir comment ces gens vont pouvoir bénéficier de vos connaissances et compétences du marché là-bas? Qui va les contacter? Comment seront-ils accompagnés dans cette démarche et qui le fait? Ma collègue parlait de commerce extérieur, d'affaires extérieures. Vous êtes sur le terrain, eux aussi sont généralement sur le terrain. Qui fait quoi?
Tous les gens autour de la table savent fort bien que nos exportations sont considérables avec notre voisin américain et ont augmenté considérablement avec le Mexique à l'intérieur de l'ALENA. Il y a beaucoup de place pour l'expansion vers pays asiatiques, pas seulement du côté de la Colombie-Britannique.
Au Québec, mon collègue sait qu'on a envoyé des missions en Inde récemment et en Chine. Plusieurs hommes d'affaires sont allés avec le chef du gouvernement. Je me demande comment se prend la décision d'ouvrir un bureau?
Deuxièmement, comment pourra-t-on bénéficier des pays d'Amérique du Sud, en particulier le Chili, l'Argentine, le Brésil qui font de plus en plus affaires avec les pays qui sont à l'Ouest plutôt que dans l'axe Nord-Sud?
M. Daignault : Premièrement, EDC a une approche sectorielle. Une des façons où l'on peut vraiment ajouter de la valeur, c'est en comprenant les secteurs, donc les grandes chaînes d'approvisionnement. On a tendance à se concentrer dans des marchés où l'économie canadienne est compétitive dans un secteur qui représente une grande portion de l'économie canadienne.
Je peux vous donner un exemple, la foresterie et les ressources, c'est un secteur important de l'économie canadienne. J'ai donc une équipe spécialisée en ressources. Même chose pour le pétrole et le gaz, les mines, la technologie, et cetera. On a des stratégies sectorielles qui nous permettent de comprendre qui sont les joueurs majeurs dans ces secteurs à travers le monde.
Évidemment, si les sociétés canadiennes sont fortes dans un secteur, quand c'est le temps de regarder pour l'évaluation de marché, un des critères va être la présence canadienne actuelle. Est-ce que les entrepreneurs sont déjà sur le marché ou la présence canadienne est-elle potentielle? Est-ce qu'il y a assez de demandes dans les secteurs où l'économie canadienne et les entrepreneurs canadiens sont assez forts et compétitifs, pour pouvoir gagner des affaires et des parts d'exportation? Donc, la taille de marché, la force relative des entrepreneurs canadiens dans leur marché et la présence dans leur marché sont des points importants.
À cela, on ajoute les perspectives de croissance. Par exemple, si on prend le marché allemand, je vous parle de Düsseldorf, cela peut sembler un conflit ou une mauvaise décision. On dit qu'en Europe, il n'y a pas beaucoup de croissance et on établit une représentation à Düsseldorf. Les compagnies mondiales ont toujours besoin de la qualité des entrepreneurs canadiens. Quand les Canadiens ont du succès à l'étranger, ce n'est pas à cause du prix, c'est parce qu'ils ont une technologie et une façon de faire qui fait que l'entreprise, qui achète leurs biens et services, a un avantage concurrentiel ou représente vraiment un avantage pour eux.
Prenons le cas de l'Allemagne. Notre stratégie en Allemagne va être très différente de ce qu'elle peut être à Istanbul ou à Panama. Ce qu'on recherche en Allemagne, c'est de connecter avec les CFO, les CIO, les grandes sociétés qui sont mondiales. Donc, le but n'est pas d'aider une compagnie allemande en Allemagne, mais d'aider une compagnie allemande qui fait des affaires en Afrique du Sud où les Allemands sont très présents. Le Canada n'est pas très présent en Afrique. Il y a l'approche directe et il y a l'approche indirecte par des acteurs qui sont déjà là pour tenter d'accélérer la présence canadienne. Si une entreprise canadienne entre dans la chaîne d'approvisionnement d'une compagnie allemande qui est mondiale, la compagnie canadienne va acquérir l'expérience et va aller naturellement vers ces marchés.
Dans le cas de Panama, il y a déjà une présence canadienne très forte, que ce soit des compagnies de construction, d'infrastructure, ainsi de suite où il y a déjà énormément de présences. Cependant, il y a une présence chinoise additionnelle qui est de plus en plus importante. On sent donc le besoin de mieux supporter et maintenir des relations et, pour des questions de gestion de portefeuille, on sent le besoin d'être plus présent dans ce marché, en plus de notre présence au Mexique, au Pérou, au Brésil et au Chili.
En termes de présence dans le marché, il y a une question rationnelle qui peut être différente d'une place à l'autre, mais la présence canadienne potentielle est un facteur particulièrement important. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
La vice-présidente : Oui, au moins, on voit pourquoi vous y êtes allés. J'ai un cas québécois, je ne donne pas d'information particulière. Qu'est-ce qui arrive quand il y a un conflit entre un fournisseur et une des compagnies que vous avez accompagné et qui a travaillé avec une entreprise à l'étranger et que l'entreprise ne veut pas payer la note, ce qui met dans l'embarras notre fournisseur canadien. Quel est le processus décisionnel? Je dois dire que pour moi, le fait de prendre une assurance, c'est une assurance tous risques, à savoir que si l'autre est de mauvaise foi et que j'ai des tribunaux plutôt bizarres à l'autre bout, cela arrive souvent que vous allez avoir des tribunaux qui n'ont pas tout à fait le même système de justice que nous. Quelles garanties nos gens vont-ils avoir? Est-ce que cette analyse-là est faite avant? Vous les accompagnez. S'il y a un incident, comment se résout le conflit? Est-ce que vous intervenez auprès de l'entreprise étrangère qui n'honore pas ses obligations? Vous-même, prenez-vous parti pour votre client? Ces gens ne peuvent pas entreprendre des débats juridiques à l'infini contre les entreprises?
M. Daignault : Il y a plusieurs niveaux de couverture qui existent. Il y a de la protection contre les risques politiques, donc si vous êtes expropriés, qu'est-ce qui arrive à votre équité, à vos installations qui sont sur le marché? Il y a également des risques dans le cas où il y a une autre partie qui est de mauvaise foi. Il y a de la protection qui existe et l'autre protection la plus populaire est l'assurance-crédit normale.
Essentiellement, c'est une assurance dans le cas où votre acheteur fait faillite. Ce qui se passe dans certains cas c'est qu'il n'y a pas une faillite, il y a un conflit, une dispute commerciale. En termes de dispute commerciale, selon s'il y a mauvaise foi et si une assurance « frustration » de contrat a été souscrite, c'est une chose; mais dans le cas de l'assurance crédit normale, cela prend une reconnaissance du fait qu'un paiement est dû, mais que le débiteur n'a pas les moyens de le payer. C'est essentiellement le risque qui est couvert.
Dans le cas où il y a des conflits commerciaux, notre approche est la même que celle de l'ambassadeur. Une discussion a lieu, cela arrive souvent, dans laquelle l'entrepreneur va rencontrer l'ambassadeur du pays et va expliquer son cas. Dans le cas où l'ambassadeur le juge opportun, des discussions vont être entamées pour utiliser le nom du gouvernement du Canada pour essayer de faire bouger les choses. Mais dans la majorité des cas ce sont des disputes commerciales normales où autant le gouvernement du Canada qu'EDC ne font pas parties de ces discussions ou n'ont pas les compétences pour aller voir et dire si le produit était conforme aux normes ou non. C'est un aspect assez délicat.
La vice-présidente : Donc, la personne a une assurance, l'autre, pour ne pas payer, décrète que son produit n'était pas conforme; vous n'interviendrez pas pour l'indemniser parce que vous dites : réglez votre problème. Sauf que, cela peut mettre en danger une entreprise canadienne.
M. Daignault : Si le soutien qui a été demandé est une assurance crédit, donc le risque de non paiement par l'acheteur est assuré, ce n'est pas le genre de risque couvert par cette police-là. Dans la mesure où il y a non paiement par l'acheteur dans des cas de faillite ou de viabilité financière, à ce moment-là EDC paie et se retrouve avec les problèmes de recouvrement. L'exportateur a son argent et cela devient le problème d'EDC.
La vice-présidente : Donc, si l'autre partie ne fait pas faillite, le problème est plus grand si elle fait faillite. C'est ce que cela donne en fin de compte.
M. Daignault : Cela dépend pour quel risque l'entreprise s'est couverte.
La vice-présidente : Quand vous offrez les assurances, selon ce que les gens veulent vraiment laisser sur la table en termes de coût, puisque l'assurance se paie et qu'il y a différents niveaux de couverture, est-ce que c'est le client qui vient vous voir qui décide ou est-ce vous qui décidez selon le secteur?
M. Daignault : C'est un processus normal en fonction des besoins spécifiques du client et de la capacité d'EDC à donner de l'assurance sur l'acheteur. Dans le cas de l'assurance crédit, EDC qualifie l'acheteur. Dépendamment des besoins, un client peut venir nous voir et dire : j'ai un problème ou une inquiétude sur seulement un acheteur donc je veux uniquement assurer cet acheteur-là; il peut aussi nous dire : je veux assurer tout mon portefeuille au complet, je veux pouvoir dormir la nuit. Évidemment, les conditions et les montants déductibles sont négociables, dépendamment des besoins de l'entrepreneur ou de la société.
La vice-présidente : On peut appeler cela du « fait sur mesure ».
M. Daignault : Oui, absolument.
[Traduction]
Le sénateur St. Germain : Ma question sera brève. Lorsque vous avez rencontré les chefs d'entreprise canadiens, avez-vous ressenti un optimisme et une confiance raisonnables à l'égard de l'économie aujourd'hui, par rapport à la même époque l'an dernier? Par exemple, de nombreuses personnes se préoccupent du financement du plan de relance qui prendra fin et de la situation en Europe. Pensez-vous qu'une diminution de la récession peut avoir des incidences sur le monde des affaires, avec qui vous traitez beaucoup?
Pour ce qui est des problèmes actuels en Europe et de leurs effets sur les entreprises canadiennes que vous appuyez actuellement, pensez-vous qu'EDC pourrait avoir un rôle plus important à jouer pour aider la plupart de ces entreprises si le ralentissement se poursuit en Europe?
M. Daignault : Pour vous donner un aperçu de la situation, une autre récession ou une crise qui s'aggraverait aurait des impacts négatifs considérables sur les entrepreneurs canadiens. Nous avons aujourd'hui été témoins de la plupart des faillites. Généralement, après qu'une récession ait atteint son pire niveau, les entreprises ont tendance à faire faillite de 12 à 18 mois plus tard. Si d'autres facteurs négatifs surgissent, nous verrons sans doute davantage de faillites et de restructuration qu'en temps normal, même avec le même type de mouvement.
La situation en Europe peut affecter les entreprises canadiennes de deux façons. Premièrement, pour les exportateurs vers l'Europe, la demande ne sera plus aussi élevée, par conséquent, il sera plus difficile d'assurer la croissance ou de maintenir un certain niveau de vente. Le second facteur est la disponibilité du crédit et la confiance à l'égard du marché. Par exemple, nous savons que de nombreuses banques européennes ont été touchées par la situation en Grèce, mais nous ne savons pas dans quelle mesure. Ces banques devront-elles voir leurs actifs réévalués? Le bilan des banques européennes se maintiendra-t-il? Devront-elles accepter des radiations en raison de leurs actifs en Grèce? Si la dernière situation se produit, les banques seront moins enclines à se tourner vers l'étranger et à créer des échanges avec les entreprises canadiennes, ce qui peut aussi avoir des incidences sur la confiance. Il se peut qu'il y ait un autre écart de crédit dans quelque temps.
Le sénateur Moore : La présidence vous a posé des questions sur vos bureaux en Chine et en Inde, et le sénateur Ringuette, sur vos bureaux dans la région atlantique du Canada. Pourriez-vous donner au greffier une liste de vos bureaux au Canada et à l'étranger?
M. Daignault : Certainement.
Le sénateur Kochhar : Avez-vous actuellement des bureaux en Chine et en Inde?
M. Daignault : Oui.
Le sénateur Kochhar : Combien?
M. Daignault : Nous avons deux bureaux en Chine et deux en Inde.
Le sénateur Kochhar : Développez-vous vos activités dans ces marchés émergents? Pour un pays comme l'Inde et son économie émergente, deux bureaux ne sont pas suffisants, compte tenu que vous avez deux bureaux dans certains petits pays européens.
M. Daignault : Merci pour votre argument. Je dirais que pour EDC, il s'agit également d'une question d'équilibre entre le fait d'y être et le fait de s'assurer que les entreprises canadiennes y sont aussi. Nous sommes en Inde depuis cinq ans, et nous tentons toujours de créer des conditions propices à l'entrée des entreprises canadiennes en Inde. Le Canada a donc du mal à s'implanter en Inde, en dépit de notre participation à des missions commerciales, par exemple.
Il est aussi important de comprendre que nous travaillons en étroite collaboration avec le Service des délégués commerciaux et leurs 800 employés partout dans le monde. Nous pensons être mieux en mesure de tirer profit de leur présence et de leur expertise. Pour nous, c'est préférable que de créer un autre bien immobilier parallèle à leur présence. Nous nous complétons l'un l'autre, de sorte que ça fonctionne bien.
Le sénateur Kochhar : Pourquoi avez-vous ouvert un bureau à Panama City, mais pas dans les délégations existantes?
M. Daignault : Il y a une forte présence canadienne. Nous n'offrons pas la même chose que les délégués commerciaux. Lorsqu'une entreprise canadienne frappe à la porte d'une ambassade ou d'un bureau du Service des délégués commerciaux, elle demande des renseignements de base sur le marché. Lorsqu'une opportunité réelle se présente, EDC prend les devants. Les services se complètent au lieu de faire le même travail chacun de leur côté.
Le sénateur Massicotte : Je vous félicite d'avoir essentiellement répété ce que votre président a dit il y a deux semaines lorsqu'il a comparu devant le Comité permanent des finances nationales. Ce sont de bonnes nouvelles.
M. Daignault : Merci.
Le sénateur Massicotte : La seule différence majeure, c'est qu'il s'est attribué beaucoup plus de mérite pour sa contribution à l'entente conclue avec General Motors. Il a dit que leur expérience avait beaucoup aidé. Je tiens à souligner que je tiens votre organisation responsable s'il y a des problèmes avec ce prêt ou avec la participation en capital.
M. Daignault : Merci.
[Français]
La vice-présidente : Nous avons fait un excellent tour d'horizon. Nous vous remercions, messieurs Kember et Daignault, de nous avoir offert une avenue. Puisque vous ne lisez pas l'avenir, il est difficile de prédire combien de temps durera cette période de turbulence ni quels outils nous seront utiles. Notre mandat étant de voir de quels outils nous devrons nous doter pour l'avenir, vous serez peut-être obligés de continuer la réflexion avec nous parce que vous êtes l'un des outils que notre gouvernement utilise pour accompagner nos entreprises afin de les aider à définir des niches un peu partout pour notre expertise.
Exportation et développement Canada est un joueur important sur les scènes internationales et nationales. Nous vous remercions pour l'excellence de vos témoignages et nous remercions aussi toute votre équipe.
(La séance est levée.)