Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 16 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, afin d'examiner le projet de loi S-201, qui vise à modifier la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, et de se pencher sur le projet de loi S-206, qui a pour objet d'établir une parité hommes-femmes au sein du conseil d'administration de certaines compagnies constituées en personne morale, institutions financières et sociétés d'État mère.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous allons commencer par examiner les projets de loi d'initiative parlementaire, qui sont tous deux parrainés par des membres de notre comité. Le premier de ces projets de loi, le projet de loi S-201, est parrainé par l'honorable sénateur Pierrette Ringuette, qui se trouve parmi nous. Nous l'accueillons aujourd'hui dans un rôle différent de celui qu'elle a l'habitude de jouer : aujourd'hui, elle agira à titre de témoin, et non à titre d'intervenante.
[Français]
Le projet de loi S-201 tend à modifier la Loi sur le bureau du surintendant des institutions financières pour élargir le mandat de ce bureau, de manière à en faire un organisme de surveillance chargé de contrôler l'utilisation des cartes de crédit et de débit au Canada et de formuler des recommandations à ce sujet.
[Traduction]
Madame le sénateur, je souhaite vous dire une fois de plus que nous vous accueillons chaleureusement dans ce nouveau rôle, et sans plus de cérémonie, je vous invite maintenant à faire vos déclarations.
[Français]
L'honorable Pierrette Ringuette, parrain du projet de loi : C'est toujours un plaisir de travailler à vos côtés grâce à votre grande diplomatie.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous remercions les membres de ce comité de commencer l'examen du projet de loi S-201, loi visant à modifier des dispositions de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières touchant les cartes de crédit et de débit; j'ai présenté le projet de loi au Sénat le 4 mars.
Les Canadiens sont désormais parmi les plus grands utilisateurs de cartes de crédit et de débit au monde, et pour beaucoup d'entre nous, ces cartes sont devenues indispensables dans notre vie de tous les jours.
Voici quelques faits au sujet de ces cartes. Une enquête réalisée par la Banque du Canada, dont nous avons été mis au courant le mois passé lors d'une séance de ce comité, a montré que chaque Canadien utilise ses cartes de débit 100 fois par année et ses cartes de crédit, 78 fois.
Au total, les Canadiens possèdent 68 millions de cartes de crédit Visa et MasterCard; sur le marché canadien, 80 p. 100 des cartes de crédit sont des cartes Visa ou MasterCard. Chaque année, les Canadiens utilisent ces cartes pour se procurer 267 milliards de dollars de biens et de services.
[Français]
Pour les gens qui doivent effectuer des déplacements, il est très difficile d'acheter des billets d'avion, de louer une voiture ou de faire une réservation d'hôtel sans l'utilisation d'une carte de crédit.
[Traduction]
Depuis l'arrivée des cartes de débit, nous ne voyons plus la nécessité de conserver de grosses sommes d'argent dans nos poches pour faire notre épicerie ou nos emplettes quotidiennes. Malheureusement, nos institutions financières ainsi que les grands acteurs du domaine des cartes de crédit — Visa et MasterCard — nous en disent le moins possible sur la base du fonctionnement de ces petites cartes très pratiques, et voilà une question à laquelle je travaille ardemment depuis déjà presque trois ans.
J'aimerais aborder deux questions distinctes en lien avec cela. D'abord et avant tout, j'aimerais connaître l'impact de ces cartes, et en particulier, des cartes de crédit, sur chacun de nous, consommateurs moyens.
Il ne fait aucun doute que toutes les personnes présentes ici aujourd'hui savent que les taux d'intérêt, et tout spécialement, ceux établis par la Banque du Canada, sont passés de 0,25 p. 100 à l'actuel 0,5 p. 100, en raison de la crise financière mondiale. Les taux d'intérêt sont plus bas que jamais, mais qu'en est-il des taux d'intérêt des cartes de crédit? Dans cette salle, combien de personnes ont remarqué une diminution correspondante de ces derniers? Pas beaucoup, j'en ai peur.
Tandis que les taux d'intérêt ont été gelés à près de 0,25 p. 100, nos taux de cartes de crédit sont demeurés gelés à un taux de l'ordre de 18 à 24 p. 100. Et ce taux est encore plus élevé pour les cartes de crédit offertes par certains commerçants. Ces taux sont les mêmes que dans les années 1980; or, pendant cette décennie, le taux de la Banque du Canada n'était que d'environ 14 p. 100....
Depuis que j'ai commencé mes travaux dans ce domaine, j'ai été bouleversée à maintes reprises par des histoires vécues par des personnes âgées; à un certain moment, parce qu'elles avaient des revenus fixes, elles n'ont eu d'autre choix que de se rabattre sur les cartes de crédit pour payer leurs médicaments, leur nourriture et leurs factures de chauffage. Se trouvant dans l'impossibilité de payer leur solde mensuel, ces personnes sont rapidement tombées dans un cercle vicieux; plus le temps passait, plus elles croulaient sous les taux d'intérêt, qui ne cessaient d'augmenter.
Aucune de ces personnes ne demande mon aide. Tout ce qu'elles demandent, c'est un système qui soit juste. En outre, les sociétés émettrices de carte de crédit ainsi que les grandes banques, leurs alliées, font et continuent de faire des pieds et des mains pour accroître le nombre de Canadiens accros à leurs produits de crédit.
Laissez-moi vous raconter une histoire qu'a vécue un collègue du Sénat. Ce collègue a eu le malheur de payer 200 $ de plus que le solde de sa carte de crédit. Autrement dit, il a payé plus que le montant dû, et voici ce qu'a fait la société émettrice de carte de crédit : au lieu de simplement soustraire la somme excédentaire du solde du mois suivant, elle lui a facturé des frais de service de 75 $, chose dont il s'est rapidement rendu compte en consultant son relevé de compte du mois suivant. Cela m'amène à me demander : le système est-il juste et équitable?
La deuxième question que je souhaite aborder concerne les frais payés par nos petites et moyennes entreprises pour le traitement de nos transactions faites par carte de débit et de crédit. Et je souhaite être bien claire là-dessus : il ne s'agit pas simplement d'une question touchant les propriétaires d'entreprises. Les coûts de ces transactions, qui augmentent sans cesse, sont certainement inclus dans le prix de ce paquet de gomme à mâcher que vous avez acheté ce matin au dépanneur...
Plusieurs pays ont déjà des lois prévoyant des plafonds pour ces frais. Je parle ici de l'Australie, de l'Angleterre, de la Suède et de beaucoup d'autres pays européens, sans parler du Sénat des États-Unis, qui, dans les dernières semaines, a établi des lois imposant des plafonds pour les frais liés aux transactions par carte de débit. À mon avis, le Canada traîne loin derrière pour ce qui est de la révision du système de frais de transactions par carte de crédit et de débit, et pour ce qui est de l'instauration de dispositions législatives garantissant la facturation de sommes raisonnables et justes aux consommateurs.
Par exemple, il y a cinq ans, l'Australie a voté une loi établissant un plafond pour les frais d'interchange à 0,45 p. 100 pour les entreprises, à 0,33 p. 100 pour les gouvernements et à 0 p. 100 pour les organisations caritatives.
Si les frais moyens d'interchange imposés aux entreprises canadiennes s'élèvent à 2 p. 100, cela signifie que ces dernières paient 1,55 p. 100 de plus que leurs homologues australiens. Les secteurs du commerce de détail et du tourisme sont en bonne santé financière lorsqu'elles peuvent tirer un profit de 3 p. 100 de leurs ventes. Imaginez seulement ce qu'un taux additionnel de 1,5 p. 100 pourrait faire... Et je parle ici de l'industrie du tourisme. Pensez aux épiciers; ils sont chanceux s'ils ont une marge de profit de 1 p. 100...
En 2008, si les entreprises canadiennes avaient pu se prévaloir de la même législation que leurs homologues australiens en ce qui concerne les frais d'interchange, elles auraient épargné près de 6,7 milliards de dollars, dollars pour dollars de ventes. En 2009, 2 900 dépanneurs ont dû fermer boutique dans différentes régions du Canada, tandis que les banques canadiennes enregistraient des profits record. Pour mettre des chiffres là-dessus, 6,7 milliards, c'est plus que la part du dernier budget qui a servi à réduire les impôts des entreprises.
En fait, l'instauration d'une législation imposant un plafond pour les frais facturés au Canada n'aurait rien coûté au gouvernement et aurait effacé 20 milliards de dollars du déficit sur deux ans, sans compter que cela aurait stimulé l'économie.
L'année dernière, pour donner suite à la motion que j'ai présentée, ce comité a mené une étude au sujet du marché de la carte de crédit au Canada. J'ai interviewé des représentants des sociétés Visa et MasterCard ainsi que des grosses banques du Canada, et leur ai demandé pourquoi ils n'offraient pas de meilleurs taux d'intérêt aux Canadiens, et pourquoi ils en disaient le moins possible.
Les représentants n'ont pas répondu. Les sociétés et les banques redoutaient — et on comprend très bien pourquoi — les effets que pourrait avoir, sur leur compétitivité, la divulgation de leurs marges de profit dans le contexte public, qu'est un comité sénatorial.
En fin de compte, notre comité a accueilli à l'unanimité la proposition concernant le rapport — et je dis bien tant les sénateurs conservateurs que les sénateurs libéraux. Nous avons présenté à ce gouvernement des recommandations raisonnables de changements qui pourraient être faits dans le marché canadien des cartes de crédit et de débit.
À propos, rappelez-vous : l'année dernière, pendant notre étude, lorsque nous nous sommes réunis, le Bureau de la concurrence Canada nous a dit qu'il entreprenait une enquête au sujet des sociétés Visa et de MasterCard, parce qu'il jugeait malsain que la majeure partie du marché canadien leur reviennent à elles seules. Eh bien, un an s'est écoulé, et même plus, et nous attendons toujours des nouvelles du Bureau de la concurrence.
Malheureusement, le gouvernement n'a pas directement donné suite aux recommandations de notre comité; comme vous l'avez peut-être lu, le mois passé, il a plutôt implanté un code volontaire de conduite pour l'industrie des cartes de crédit et de débit.
Et je souhaite être bien claire ici. Il est rare que je fasse l'éloge du gouvernement conservateur — et vous êtes beaucoup à le savoir —, mais je dois dire qu'une bonne partie de ce que le ministre Flaherty a proposé me semble raisonnable, bien qu'il existe toujours quelques problèmes majeurs.
Si le ministre croit réellement que ce code de conduite est nécessaire pour l'industrie, pourquoi en faire un code à adhésion facultative, et pourquoi se fier à la bonne volonté des banques et des sociétés émettrices de carte de crédit? Pourquoi le ministre n'a-t-il proposé aucune sanction pour les entreprises qui enfreignent le code? Et pour finir, et c'est ce qui est le plus important, pourquoi le ministre a-t-il omis de se pencher sur l'un des plus grands problèmes touchant l'industrie, soit, bien entendu, sur celui concernant les frais et les taux d'intérêt liés à ces cartes?
Après avoir examiné ces problèmes, j'ai proposé deux textes de loi, et le premier nous est présenté aujourd'hui; le projet de loi S-201 vise à élargir le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, afin de lui permettre de présenter un rapport annuel au ministre des Finances, soit un rapport qui comprendrait des recommandations au sujet de l'état des frais et des taux d'intérêt au Canada pour ce qui est de l'utilisation des cartes de débit et de crédit.
Vous vous demandez peut-être : pourquoi le BSIF, et pas un autre organisme? D'abord et avant tout, à propos des changements, je crois qu'il est important qu'on puisse garder un œil sur le résultat du gouvernement. Les contribuables du Canada sont déjà accablés d'un lourd fardeau, et je crois que nous pouvons tous convenir que la dernière chose que nous souhaitons, c'est de voir la création d'une nouvelle bureaucratie gouvernementale.
Ensuite, le BSIF a déjà accès aux bilans du secteur bancaire canadien. Le BSIF a été conçu pour garantir que nos banques demeurent stables et assujetties à une réglementation adéquate. Dans cette optique, élargir leur mandat n'est que sensé.
Pour éviter toute ambiguïté, je souhaite toutefois souligner que ce projet de loi n'enlève aucun pouvoir au gouvernement du Canada. Toutes les recommandations que fera le BSIF au sujet de cette industrie continueront d'être soumises à l'approbation du ministre des Finances.
Maintenant, de ce que je comprends, certains s'opposeront à ces mesures. Je sais que le milieu bancaire ainsi que les sociétés Visa et MasterCard hésitent à exercer une plus grande surveillance de leurs propres activités, et bien que je comprenne la raison de la chose, je ne peux tout simplement pas leur donner raison — et d'après ce que j'ai entendu dire, les Canadiens non plus.
Les Canadiens ne comprennent tout simplement pas comment, en cette période de jamais vu pour qui est des taux d'intérêt, il est possible que leurs cartes de crédit puissent proposer un taux aussi élevé, qui ne cesse d'augmenter. Ils ne comprennent pas pourquoi, pendant une même période, ils peuvent obtenir une marge de crédit non garantie à 6 p. 100 et ouvrir un relevé de carte de crédit présentant un taux d'intérêt de 24 p. 100.
Les petites et les moyennes entreprises font des pieds et des mains pour passer au travers de la récession tandis que Visa, MasterCard et leurs exploitants augmentent leurs frais sans justification.
On s'entend en général sur le fait que les règlements touchant l'industrie bancaire, qui ont été mis en place par le ministre des Finances libéral Paul Martin, constituent la raison pour laquelle — et je ne dis pas cela pour des raisons politiques — nos banques canadiennes ont passé au travers de la crise sans trop d'égratignures; aux États-Unis, les choses ne se sont pas aussi bien passées...
Nous ne devrions pas avoir peur des règlements. Lorsqu'on les utilise de façon responsable, comme je crois que nous sommes en mesure de le faire au Canada en ce qui concerne les cartes de crédit et de débit, ils peuvent contribuer à l'établissement d'un contexte équitable pour les consommateurs canadiens, les commerçants et les propriétaires d'entreprise.
Voilà un dossier auquel je travaille depuis déjà presque trois ans, et auquel je continuerai de travailler jusqu'à ce qu'un système équitable soit établi, soit un système qui ne pénalisera pas ceux qui ont connu des temps difficiles et qui ont déjà eu à se tourner vers les cartes de crédit, en dernier ressort.
Je vous ai parlé du Sénat des États-Unis qui a légiféré. En ce qui me concerne, je suis également membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous avons commencé notre survol du projet de loi C-9, dans lequel il est question du code volontaire de conduite et du mandat qu'a reçu l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, l'ACFC, au titre de cette loi, soit de surveiller l'application qui est faite de ce code volontaire.
J'ai posé quelques questions. Tous les exploitants du réseau de paiement lié aux cartes de crédit et de débit — les émetteurs et les autres — avaient jusqu'au 17 mai pour informer le ministre des Finances de leur adoption du code volontaire de conduite. Il y a déjà un mois que cette échéance est passée et, jusqu'à maintenant, personne n'a réussi à accéder à la liste des personnes qui ont accepté d'adopter ce code de conduite.
Un autre problème se rattache à l'ACFC; en fait, il s'agit de déterminer s'il n'y aurait pas conflit ici. Je vais faire de mon mieux pour vous expliquer la chose. L'ACFC a le mandat de fournir des services d'éducation aux consommateurs au sujet des services financiers, et la majeure partie de son budget de fonctionnement provient des institutions financières qu'elle devra maintenant « surveiller », pour ce qui est de l'adoption du code volontaire de conduite.
En ce qui concerne ce code volontaire de conduite et le code volontaire de conduite pour les consommateurs du projet de loi C-9, il y a des motifs d'être inquiets d'éventuels conflits avec les organismes en question. Pour ce qui est de ces deux questions, j'ai demandé à Justice Canada de me montrer clairement par écrit qu'il ne s'agit pas d'une situation de conflit d'intérêts. J'attends toujours des nouvelles du Ministère.
Je suis maintenant prête à vous écouter et j'espère que je pourrai répondre à la majorité de vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame le sénateur. J'aimerais clarifier un point, pour moi et peut-être pour les autres. De ce que je comprends, le ministre des Finances a annoncé le 18 mai que tous les réseaux de cartes de paiement, tous les émetteurs principaux de cartes de crédit et de débit et tous ceux qui font le traitement des paiements avaient adopté le code de conduite. Or, vous vous inquiétez parce que, jusqu'à maintenant, vous n'avez pu consulter la liste des personnes qui ont adopté le code, ou n'avez reçu cette liste, est-ce que je me trompe?
Le sénateur Ringuette : Non. C'est exact. Le communiqué de presse a dit que la plupart d'entre eux ont adopté le code.
Le président : Ainsi, vous aimeriez savoir qui a adopté le code.
Le sénateur Ringuette : Oui. Et je ne suis pas la seule à vouloir en savoir plus : tous les principaux intervenants, notamment les commerçants, le Conseil canadien du commerce au détail, Interac et d'autres organismes, ont demandé cette liste au ministère, et ils n'ont toujours rien reçu. L'information devrait être rendue publique : il faudrait que tous sachent qui a adopté le code de conduite et qui doit en suivre les règles.
Le président : D'accord. Ainsi, j'imagine que si un émetteur de carte de crédit adhère au code sans voir son nom être inscrit dans la liste, il ne s'agit plus d'un code « volontaire », est-ce que je me trompe?
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas très clair.
Le président : Vous continuez de parler de code « volontaire », mais si une personne adhère à un code en disant qu'elle en suivra les règles, elle sera liée par sa parole, non?
Le sénateur Ringuette : Oui, c'est exactement ça.
Je suis d'accord avec le ministre Flaherty : il faudrait aller de l'avant avec le règlement si l'institution X n'adhérait pas volontairement au code. Le projet de loi C-9 le prévoit, mais seulement pour dans un an. Dans un an, l'ACFC devra fournir un rapport présentant le nombre d'institutions et d'acteurs ayant adopté le code volontaire de conduite avant la mise en place du règlement.
Le président : Est-ce que c'est parce qu'il s'agit d'une année que cela vous inquiète?
Le sénateur Ringuette : Oui, parce que ça retarde encore les choses. Je crois que trois ou quatre mois auraient pu suffire. C'est important d'inciter plus fermement les participants à adhérer au code.
Pour ce qui est du projet de loi C-9, en ce moment, il ne s'applique qu'aux entités qui ont bien voulu adopter le code.
Le président : Mais nous ne connaissons pas le nom de ces entités.
Le sénateur Ringuette : C'est exact. Et aucune disposition ne s'applique aux entités qui n'ont pas adopté le code volontaire de conduite.
Le président : Peut-être que ce qui fonctionnerait, ce serait de faire de la mauvaise publicité en temps opportun?
Le sénateur Ringuette : Peut-être que c'est ce que je devrais faire...
Le président : Oui. Cela vous occuperait...
J'ai abusé de ma position de président. Merci d'avoir répondu aux questions.
Le sénateur St. Germain : Merci, madame le sénateur, de nous avoir fait part de tout cela.
Comme je l'ai déjà dit, je ne me vois pas comme un partisan des banques à charte, à cause des activités qu'elles ont menées dans le pays. Toutefois, je dois dire que je crois, comme le ministre, que nos banques s'en sont plutôt bien tirées.
Auparavant, les banques avaient en mépris les personnes qui facturaient des frais pour les activités de montage financier. Ça, c'était avant qu'elles ne changent leur fusil d'épaule et qu'elles décident soudainement de le faire aussi; il faut croire que tout à coup, ces mesures étaient devenues pleinement acceptables... Par le passé, il m'est arrivé des histoires avec deux ou trois banques...
À propos de votre projet de loi, croyez-vous qu'une diffusion complète de l'information ferait rentrer ces personnes dans le rang? Votre législation ne comprend aucune ligne directrice au sujet des montants que les entités devraient facturer...
Le sénateur Ringuette : Non.
Le sénateur St. Germain : Vous souhaitez qu'une diffusion complète soit faite de sorte que le monde entier puisse connaître les montants exacts que ces personnes facturent et la façon dont elles emploient leurs processus, est-ce que je me trompe?
Le sénateur Ringuette : Non. Le projet de loi mandate le BSIF d'accéder aux faits, d'évaluer l'information et de faire des recommandations au ministre; il n'indique pas expressément qu'un plafond devrait être établi.
Le 14 mai, le Sénat des États-Unis s'est attaqué à une question majeure. La législation des États-Unis confère à la Federal Reserve Bank le pouvoir d'établir un plafond raisonnable pour les frais, et voilà quelque chose qui est particulier à l'industrie des cartes de débit des État-Unis. Au cours de la dernière année, les Canadiens, et tout spécialement les commerçants, ont mené leurs activités au Canada dans un contexte de promotion du marché de la carte de débit identique à celui des États-Unis.
Actuellement, aux États-Unis, on facture des frais de transaction, plus un pourcentage du prix de vente; au Canada, Interac se contente actuellement de frais de transaction. MasterCard souhaite faire au Canada la même chose qu'elle fait aux États-Unis, soit facturer des frais de transaction, plus un pourcentage du prix de vente.
Vous devez garder en tête que le coût d'une transaction par carte de débit dépend simplement de la technologie transférant les sommes de votre compte bancaire vers celui de l'entreprise. Le montant de la transaction n'a aucune importance.
Au Canada, nous appliquons des frais de transaction. Aux États-Unis, les choses sont autrement : le Sénat des États-Unis a mandaté la Federal Reserve Bank d'établir un plafond qui soit raisonnable.
Le sénateur St. Germain : Historiquement, notre système a fonctionné selon un régime de libre entreprise. Je suis scandalisé de certains des taux facturés. Si nous prenions l'exemple des États-Unis et établissions un plafond pour les frais, nous contrecarrions les activités du marché libre. Il s'agit là d'affaires, que ce soit dans le domaine de la vente de domiciles ou de la construction, dans lequel j'œuvrais.
Ne voyez-vous pas le risque que pose le fait de prendre part à tout cela et de contrecarrer le processus de marché libre, qui nous a bien profité? Voici quelque chose qui est dit long : ce pays bénéficie actuellement d'un immense avantage économique par rapport au reste du monde. Si on établissait un plafond raisonnable pour les frais, on contrecarrerait l'aspect concurrentiel de nos collectivités. Pourquoi n'essaierions-nous pas d'établir une politique prévoyant une diffusion de l'information de sorte que les personnes puissent en disposer pour prendre des décisions, ce qu'elles ne sont pas en mesure de faire aujourd'hui?
Le sénateur Ringuette : Au cours des 10 dernières années, le plus grand système de marché libre, soit celui de nos voisins étatsuniens, a bombardé le monde entier de produits de promotion. Les États-Unis ont décidé d'établir un plafond pour ces frais parce que des abus étaient faits dans le contexte de marché libre. Si au Canada, les banques se trouvaient dans une telle situation de marché libre, leur situation financière serait bien différente de celle qu'elles connaissent aujourd'hui : elles se trouveraient dans la même situation financière que les banques étatsuniennes et les banques d'autre pays.
Les banques canadiennes sont dans la situation que nous connaissons aujourd'hui grâce aux règlements. Si nous examinons les lois qui réglementent les banques et la supervision du BSIF au cours des 20 dernières années, j'ai la certitude que nous viendrons à la conclusion que les banques se seraient opposées catégoriquement à ces règlements à l'époque, puisqu'ils interféraient avec leur marché libre et la concurrence qu'elles se livraient entre elles. La situation est bien différente aujourd'hui.
En tant que législateurs, l'une de nos responsabilités est de s'assurer de la mise en place d'un système équilibré dans nos institutions financières et d'un système qui ne coûte pas trop cher aux consommateurs et aux propriétaires de petites et moyennes entreprises.
Le sénateur St. Germain : Merci, et bonne chance pour votre loi.
Le sénateur Hervieux-Payette : D'abord, j'aimerais féliciter ma collègue pour son travail acharné, ses recherches minutieuses, les données qu'elle a recueillies et le dévouement dont elle a fait preuve dans ce dossier. Voilà un bel exemple de la façon dont les sénateurs peuvent apporter une contribution au Canada.
Le sénateur St. Germain : Bravo!
Le sénateur Hervieux-Payette : Le sénateur St. Germain a parlé de liberté dans le secteur commercial. Dans quelle mesure les utilisateurs profitent-ils d'une liberté? Dans quelle mesure les entreprises disposent-elles d'une liberté dans leurs activités quotidiennes?
En français, nous disons « un contrat d'adhésion » — chacun a la liberté d'y souscrire ou non. Il n'y a pas de négociation. Le libre-échange signifie qu'il y a un rapport de force et qu'on peut négocier. Cependant, il n'y a pas de négociation. De plus, des conditions sont imposées aux utilisateurs du produit afin de les empêcher d'accorder un rabais si les gens payent en espèces. Cette situation est encore pire puisqu'elle élimine l'un des principaux aspects qu'il faut prendre en considération, à savoir qu'une personne qui paie directement ne devrait pas avoir à assumer des frais. Au bout du compte, les banques devront faire une transaction parce que l'entreprise enverra l'argent à la banque.
J'aimerais savoir si les personnes qui utilisent le service sont dans une position de négociation.
Le sénateur Ringuette : Je suis tout à fait de votre avis, mais je tiens à souligner que le code de conduite volontaire permet à une entreprise d'annuler son contrat moyennant un avis de 90 jours s'il y a une augmentation de prix trop importante, et cetera. Il s'agit d'un code de conduite volontaire, et non d'une loi. Même si l'ACFC assure une certaine surveillance, il n'y a absolument aucun système de pénalité.
Maintenant que nous avons étudié cette question au cours des deux dernières années, pouvons-nous nous attendre à ce qu'aucun abus ne soit commis? Il n'existe aucun mécanisme de plainte ou aucun processus de réception de plainte, de suivi ou de surveillance.
J'aimerais être optimiste en ce qui concerne les mesures prises. Il n'en demeure pas moins qu'il reste des lacunes importantes à combler pour trouver un juste équilibre entre les frais. Dans ce contexte, le code de conduite volontaire prévoit que le fournisseur de service doit donner un avis de x jours dans le cas d'une augmentation des frais. Les commerçants peuvent donner un avis aux gens qu'ils devront assumer des frais plus élevés, mais pour attirer des clients, les commerçants doivent leur donner accès au système de cartes de crédit et de débit. Voilà comment fonctionne le cycle de la consommation.
Si le commerçant résilie entièrement le contrat, il ne sera pas en mesure d'offrir le service de cartes de débit et de crédit. Il y a aussi le fait que les clients ne sont pas encore au courant, et il faut garder à l'esprit que ce n'est pas la banque ni Visa ou MasterCard qui signe le contrat avec le commerçant. C'est plutôt le fournisseur de la technologie, comme Verizon. Ces fournisseurs adhèrent-ils au code de conduite volontaire? Personne ne peut le dire pour le moment.
Le sénateur Greene : Évidemment, les associations commerciales disent toujours très clairement ce qu'elles aiment et ce qu'elles n'aiment pas, ce qu'elles désirent, et cetera. La liste des associations qui appuient le code de conduite annoncé par le ministre est plutôt longue : la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), le Conseil canadien du commerce de détail, le Conseil canadien des distributeurs en alimentation, l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. De très petites entreprises font également partie du groupe. Par exemple, des organisations familiales sont membres de la FCEI, de même que des commerces de détail de tailles assez importantes. Il y a aussi l'Association des consommateurs du Canada qui a réagi positivement à l'annonce du ministre. Je ne me souviens pas que l'une de ces associations ait demandé davantage de règlements ou ait dit que nous n'en faisons pas assez. J'aimerais connaître votre point de vue sur le sujet.
Le sénateur Ringuette : Je suis en partie d'accord avec vous. Il y a des associations qui n'appuient pas ce code de conduite volontaire, comme l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, si on se fie à sa déclaration.
Sénateur Greene, vous pouvez ajouter mon nom à la liste que vous venez d'énumérer. Comme je l'ai mentionné, il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas assez. Ce n'est pas suffisant d'avoir un code de conduite volontaire.
Le sénateur Greene : Comment pouvez-vous savoir que ce n'est pas suffisant? Il me semble que nous avons ce code de conduite volontaire seulement depuis deux ou trois mois au maximum. Les gens l'intègrent à leur site Web, leur adresse courriel, et cetera. Comment pouvez-vous savoir que cela n'est pas suffisant? C'est peut-être suffisant. Pourquoi ne lui donnerions-nous pas une chance?
Le sénateur Ringuette : Je lui donnerais une chance si une liste d'entreprises volontaires avait été publiée le jour où tout le monde était censé avoir adhéré à ce code de conduite. Cependant, jusqu'à maintenant, même le Conseil canadien du commerce de détail a envoyé une lettre à tous les intervenants, à toutes les banques, à Visa, à MasterCard, et à tous les fournisseurs de la technologie pour leur demander s'ils ont adhéré au code de conduite volontaire. Cela n'est pas tellement un signe de transparence et ne suscite pas vraiment l'adhésion au code. Si vous étiez fier d'adhérer au code, vous le diriez publiquement. Toutefois, le Conseil canadien du commerce de détail a envoyé une lettre à tous ces organismes pour leur demander s'ils ont adhéré au code.
Sénateur Greene, comme je l'ai mentionné, je tiens à féliciter le ministre. C'est un pas en avant. Cependant, des questions demeurent sans réponse quant aux organismes qui ont adhéré au code volontaire. De plus, j'ai souligné d'autres problèmes cette semaine lors de notre étude du projet de loi C-9 sur l'ACFC dans le cadre du Comité des finances; par exemple, les activités de surveillance et le défaut d'établir un mécanisme de plainte et des pénalités.
Le sénateur Greene : Le président pourrait peut-être envoyer une lettre au ministre pour lui demander une liste. Nous pourrions ensuite examiner cette liste et décider si nous appuyons le projet de loi ou non, en fonction de l'adhésion des associations inscrites sur la liste au code de conduite volontaire.
Le sénateur Ringuette : Pour faire suite à ce que vous avez dit, sénateur Greene, j'ai demandé, hier, aux représentants des ministères qui participaient au Comité sénatorial permanent des finances nationales de me fournir cette liste. Ils m'ont répondu qu'ils l'enverraient au secrétaire de notre comité cette semaine. Dès que je l'aurai reçue, c'est avec plaisir que je la distribuerai à nos membres.
Le président : Comme vous l'avez mentionné, sénateur Greene, il serait intéressant de pouvoir la consulter, afin que nous puissions poursuivre notre discussion, et c'est certain que nous voulons laisser la parole aux autres témoins. Le projet de loi C-9 semble indiquer que l'ACFC agira comme organisme de surveillance. Le projet de loi dont nous sommes saisis semble indiquer qu'il s'agit du BSIF. Il peut y avoir des raisons, des arguments pour ou contre, et j'espère que l'un de nos deux prochains intervenants examineront ces questions, si le sénateur Greene a terminé.
Le sénateur Greene : J'aimerais poser une question générale. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le manque de règlement est une mauvaise chose. Les êtres humains ont besoin de règlements. Nous sommes fondamentalement des animaux, et nous avons besoin de règlements. Ne croyez-vous pas qu'il pourrait y avoir trop de règlements?
Le sénateur Ringuette : J'aurai prochainement 54 ans. Lorsque j'avais 15 ou 16 ans, je pensais qu'il y avait trop de règlements, mais au fil des expériences de la vie, j'ai appris à reconnaître la valeur des règlements. Cela fait partie de l'évolution humaine que d'avoir un certain type de discipline autour de nous. Ces règlements nous procurent un confort.
Le sénateur Greene : Oui, mais lorsqu'il y a trop de règlements, nous nous sentons étouffés.
Le sénateur Ringuette : Je n'ai jamais été témoin d'une situation où il y avait trop de règlements.
Le sénateur Greene : C'est bien ce que je pensais.
Le sénateur Ringuette : Sauf quand j'avais 16 ans.
Le président : Nos propos deviennent très philosophiques. Je ne veux pas aller trop loin dans cette voie. Nous avons tous fait des choses très intéressantes à 16 ans. Je vais céder la parole au sénateur Harb, qui se rappelle peut-être l'époque où il avait 16 ans.
Le sénateur Ringuette : Je suis sûre que ça ne fait pas très longtemps.
Le sénateur Harb : À l'époque où nous avons fait notre recommandation, nous avons demandé que le gouvernement se dote d'un organisme de surveillance. Nous ne voulions pas choisir un organisme en particulier parce que nous préférions voir ce que le gouvernement allait décider. Les opinions du comité étaient partagées quant à savoir si le BSIF était l'organisme approprié, ce qui explique notre décision, et nous avons également demandé un rapport pour décembre 2009.
Le gouvernement propose maintenant, dans le cadre du budget, que l'ACFC devienne cet organisme de surveillance. Vous avez des objections à cela. Ce qui m'embête, c'est que si nous voulons étudier ce projet de loi en particulier, nous devons pratiquement rejeter un élément du projet de loi C-9, parce que si le projet de loi C-9 est adopté, l'ACFC deviendra l'organisme de surveillance.
Le sénateur Ringuette : En pratique, le projet de loi C-9 fait de l'ACFC l'organisme de surveillance pour le code de conduite volontaire.
Le sénateur Harb : N'est-ce pas dans le but d'observer puis de faire rapport?
Le sénateur Ringuette : Pas sur les taux et les frais dans l'industrie.
Le sénateur Harb : Ma deuxième interrogation porte sur le mandat du BSIF. Je vais vous décrire la situation. Son mandat consiste à assurer la réglementation des institutions financières et des régimes de pension par le gouvernement du Canada, afin de renforcer la confiance du public dans le système financier canadien. Vous suggérez de lui confier un autre mandat, dont on pourrait dire qu'il va indirectement à l'encontre de son mandat actuel, de sorte que le BSIF serait pour ainsi dire à la fois juge et procureur si nous acceptions ce que vous proposez. En un sens, je n'aurais pas confiance en lui ni d'un côté ni de l'autre. Si j'étais du côté des institutions financières, je dirais qu'il ne se soucie pas de mes intérêts, qu'il n'agit que dans l'intérêt des consommateurs et qu'il se moque éperdument de ma cause. Si je me plaçais du côté des consommateurs, je dirais que je ne lui fais pas confiance parce qu'il ne se soucie que des institutions financières, des banques, et cetera.
Il y a donc un conflit jusqu'à un certain point, n'est-ce pas?
Le sénateur Ringuette : Je vous remercie de votre question, sénateur Harb. Je ne suis pas d'accord avec vous, car selon mes recherches, c'est le seul organisme fédéral qui a accès à la fois aux banques et aux compagnies d'assurance, ainsi qu'à leurs documents financiers, et qui est responsable de la confidentialité de ces données.
Personne d'autre n'a ce privilège, pas même un comité de la Chambre des communes ou du Sénat. Si nous cherchons à assurer un équilibre et à empêcher les abus en matière de taux et de frais, c'est le seul organisme fédéral capable de le faire actuellement, sans qu'on ait à en créer un nouveau.
Le sénateur Harb : Qu'en est-il du Bureau de la concurrence, par exemple?
Le sénateur Ringuette : Je crois que le Bureau de la concurrence serait probablement un bon organisme. Cependant, comme je l'ai dit tout à l'heure, le bureau a témoigné devant ce comité il y a un an, et a déclaré à ce sujet qu'il menait une enquête sur le monopole de Visa et de MasterCard dans le marché canadien, semblable à celle menée par ses homologues en Europe. C'était il y a un an, et nous n'avons pas encore obtenu ses conclusions.
Je ne sais pas si c'est une question d'efficacité ou si le dossier a pris trop d'ampleur pour que le bureau puisse soumettre un rapport, mais il y a certainement lieu de s'interroger sur le fait qu'il n'en a pas soumis dans un délai raisonnable.
Le sénateur Massicotte : Nous avons eu des discussions à propos de ce projet de loi.
Le sénateur Ringuette : Oui, nous avons failli divorcer à cause de ces discussions.
Le sénateur Massicotte : Vous en savez quelque peu au sujet de ce que je vais vous dire. Cependant, pour vous permettre de répondre et peut-être pour vous donner une dernière chance de me faire changer d'idée, je vais soulever trois points. Je vais commencer par le moins important.
Mon premier point est très technique. Si vous comparez la version française et la version anglaise du projet de loi — et vous connaissez mon opinion —, le nouvel article 7.2(1)a) de l'anglais dit « monitor and publish », tandis que le texte français dit :
[Français]
... « le surintendant contrôle l'utilisation ».
[Traduction]
À mon sens, le terme « contrôle » est beaucoup plus fort que « monitor and publish ». Je sais que le sénateur nous dira que le service de traduction a affirmé que c'était la bonne traduction. Permettez-moi d'affirmer le contraire, parce que ce n'est pas du tout équivalent.
Mon deuxième point — et ce sont des points que j'ai déjà soulevés — est le recours au BSIF. J'ai relu la charte du BSIF, et si vous regardez la loi qui a créé le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, son objectif général est clair. Selon la préface de la loi, il existe pour la prudence, pour bâtir la confiance des Canadiens afin qu'ils investissent dans les institutions financières, et il est là surtout pour la solvabilité, pour assurer la solidité et la stabilité des institutions — et il a bien fait son travail quand on considère la récession que nous venons de traverser.
J'ai toujours un problème avec le fait de recourir au BSIF. Je ne crois pas que ce soit le bon choix, si vous aviez le choix. J'ai relu la charte de la création de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Je crois que c'est elle qui serait le bon choix. En fait, c'est l'agence recommandée par le ministre. Elle a tout un dossier. En fait, nos propres rapports sénatoriaux révéleraient qu'elle n'a pas été assez vigilante pour bien représenter les consommateurs et qu'elle n'a pas fait son travail. Cependant, rien ne nous empêche de le faire, et j'estime que ce serait le meilleur organisme gouvernemental pour le faire.
Mon troisième point, et aussi le plus important, est le bien-fondé du projet de loi et la question de savoir s'il est nécessaire. Je crois que le sénateur Greene a soulevé la question. En toute franchise, je crois que votre travail et celui de notre comité ont incité le gouvernement à réagir. Vous méritez donc largement la reconnaissance des Canadiens pour la réponse du gouvernement au code de conduite proposé, et vous serez heureux d'apprendre qu'il a fait en grande partie ce que nous lui demandions.
Je sais que vous répliquerez qu'il n'en a pas fait assez, et à mon avis il ne peut jamais en faire assez, mais je crois que j'accorderais le mérite à la personne qui a saisi la balle au bond. Si la balle est dans le camp de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, il est à souhaiter qu'elle fera son travail, et à ce propos je suis d'accord avec l'opinion de certains d'entre vous. À mon avis, nous n'avons pas encore assez d'information ni d'expérience pour affirmer qu'elle est coupable et qu'elle ne fera pas son travail.
Nous en sommes au début du processus, donc à moins d'avoir quelque chose de précis, je dirais qu'il est trop tôt pour répondre. Je sais qu'au cours de vos discussions avec le sénateur Greene, vous avez mentionné qu'elle n'avait rien fait, mais la loi que vous proposez ne règle pas ce problème. Peut-être que si c'était le cas, je me rallierais. La loi que vous proposez prévoit simplement que nous établissions un nouvel organisme chargé de la surveillance et des rapports. Elle ne s'attaque pas aux lacunes que vous croyez déceler. Voilà le problème que je constate, mais je crois connaître votre réponse. Vous pourriez peut-être répondre et me convaincre que j'ai tort.
Le sénateur Ringuette : Sénateur Massicotte, je doute que quelqu'un ait déjà réussi à vous convaincre de quoi que ce soit. Je vais cependant répondre à vos questions une par une.
Au sujet de la formulation du projet de loi — et nous en avons parlé il y a quelques mois — j'ai fait revoir la formulation par un conseiller juridique et comparer les versions anglaise et française par des traducteurs juridiques très compétents. C'est bien le terme français approprié pour traduire « monitor ».
Pour ce qui est du recours au BSIF, vous avez raison sur le fait que selon la loi qui s'y rapporte, le BSIF a été créé pour assurer la prudence dans les placements, les investissements et les autres opérations de nos institutions financières, afin que les Canadiens puissent avoir confiance en elles.
N'est-ce pas le fondement même de mon projet de loi? Il vise à donner l'assurance qu'il n'y aura pas d'abus dans les taux et les frais des cartes de débit et de crédit utilisées par les Canadiens, qu'il s'agisse des consommateurs ou des petites et moyennes entreprises.
Hier, nous avons examiné le projet de loi C-9 relativement à l'ACFC. À l'origine, son mandat consiste à éduquer et à informer la population en matière financière. Les coûts de ces activités, tout comme les coûts d'exploitation de l'agence, sont payés par les institutions financières.
Nous avons le même dicton en français qu'en anglais : Il ne faut pas mordre la main qui vous nourrit.
J'ai plusieurs préoccupations au sujet du mandat additionnel que le projet de loi C-9 confère à l'ACFC, soit d'assurer la surveillance pour le code de conduite volontaire. Ce code de conduite n'a absolument rien à voir avec ce que je propose dans le projet de loi S-201. Le projet de loi S-201 porte spécifiquement sur les frais et les taux et vise à déterminer s'ils sont raisonnables ou s'il y a de l'abus.
Le Sénat américain a confié cette responsabilité à la Réserve fédérale, qui a accès à tous les documents financiers de toutes ses institutions financières. Son projet de loi utilise le terme « montant raisonnable ». Il ne parle pas de plafond, mais bien de montant raisonnable.
En ce qui concerne les institutions financières du Canada, je crois que les Canadiens font confiance au BSIF pour l'accomplissement de son mandat, et j'ai aussi l'impression qu'ils se fient aux institutions financières pour assurer la confidentialité de l'information qu'elles détiennent et empêcher sa divulgation par qui que ce soit.
L'ACFC a le mandat de renseigner la population. Quand sa représentante a témoigné devant ce comité l'an dernier pendant l'étude de ce dossier, elle a dit qu'elle se réunissait fréquemment avec des représentants des institutions financières, de Visa et de Mastercard et qu'elle obtenait beaucoup de collaboration et de soutien de leur part en vue de bien informer les consommateurs. Comment peut-on faire cela et leur dire ensuite qu'ils ne sont pas justes et équitables envers les consommateurs ou les entreprises?
Sénateur Massicotte, le terme « bien-fondé » est à peu près aussi vague que « raisonnable ». Vous pouvez contester le bien-fondé de mon projet de loi, et je peux vous répondre qu'il est amplement justifié. Si vous dites que la question qui vous embête le plus est le bien-fondé du projet de loi, je vous invite à m'accompagner pendant quelques mois pour aller discuter avec des dirigeants de petites entreprises et des consommateurs. Nous le ferons après le 17 mai, quand le code de conduite volontaire sera en vigueur. Nous leur demanderons leurs impressions pour savoir si le système est plus équitable pour eux et si des mesures disciplinaires ont été adoptées.
Peut-être qu'à ce moment, notre discussion sur le bien-fondé de ce projet de loi se tournera davantage vers ma définition du terme bien-fondé.
Le président : Chers collègues, notre temps est presque écoulé. Avez-vous une dernière question?
Le sénateur Massicotte : J'aimerais poursuivre la discussion, si vous me le permettez. Je vais vous lire brièvement l'article 4(2) de la Loi sur le BSIF :
Le Bureau poursuit, à l'égard des régimes de pension, les objectifs suivants :
a) superviser les institutions financières pour s'assurer qu'elles sont en bonne santé financière [...]
b) aviser sans délai la direction et le conseil d'administration de la mauvaise situation financière de l'institution [...]
Il ne s'agit pas de diriger les activités des institutions. Toutefois, plus les institutions financières font de l'argent, plus le BSIF fait son travail, et plus les frais sont élevés, plus le BSIF est heureux. Vous demandez maintenant au BSIF de diminuer ses frais; or, cela créerait un conflit. Voici ce qu'indique le paragraphe 3(2) de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada :
L'agence a pour mission :
a) de superviser les institutions financières pour s'assurer qu'elles se conforment aux dispositions visant les consommateurs qui leur sont applicables;
b) d'inciter les institutions financières à se doter de politiques et de procédures pour mettre en œuvre les dispositions visant les consommateurs qui leur sont applicables;
c) de surveiller la mise en œuvre de codes de conduite volontaires [...]
À mon avis, c'est beaucoup plus ça.
J'ai une dernière chose à dire. Je parlais des avantages que présente en ce moment votre projet de loi. Peut-être que vous avez raison, et peut-être que la législation proposée n'est pas adéquate et qu'à l'automne, nous devrions demander à ces témoins de venir nous dire si cela a fonctionné. Si ce n'est pas le cas, bien, nous prendrons des mesures. À mon avis, ce n'est pas le contenu du projet de loi qui pose problème, mais le moment où le tout est présenté.
Le sénateur Ringuette : Laissez-moi d'abord vous reparler de mon rôle dans ce dossier. Je me suis engagée à y travailler, que ce soit cette semaine, la semaine prochaine ou l'année prochaine. En ce qui concerne la responsabilité du BSIF et les responsabilités présentées dans les lois en ce qui concerne l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, j'aimerais vous rappeler que si vous lisez attentivement les 900 pages du projet de loi C-9, vous verrez qu'on doit modifier le mandat de l'ACFC qui y est présenté.
Nous pouvons discuter de la loi actuelle et du mandat actuel des deux organisations en question. Toutefois, j'aimerais vous rappeler que le projet de loi C-9, le projet de loi omnibus sur le budget présenté au Comité sénatorial permanent des finances nationales, modifie le mandat de l'ACFC, notamment en y ajoutant des éléments. Nous pourrions dire la même chose au sujet du mandat du BSIF.
Le sénateur Peterson : De ce que je comprends, personne n'assure cette surveillance en ce moment, est-ce que je me trompe?
Le sénateur Ringuette : Non. C'est exact.
Le sénateur Peterson : Le BSIF ou l'ACFC se sont-ils déjà présentés devant le comité pour donner leur point de vue?
Le sénateur Ringuette : Parlez-vous du moment où nous avons réalisé l'étude l'année dernière, monsieur le sénateur? Parce que nous commençons seulement l'étude de ce projet de loi aujourd'hui...
Le sénateur Peterson : C'est votre première journée? Peut-être que nous inviterons ces personnes à se présenter devant nous afin d'écouter ce qu'ils ont à dire...
Vous parlez de cartes de crédit proposant des taux de 20 p. 100 ou de 24 p. 100; or, certaines cartes offrent des taux de 12 p. 100. Ces cartes n'ont-elles aucune importance?
Le sénateur Ringuette : Depuis que notre comité a terminé son étude à la fin du mois de juin dernier, la liste des produits de cartes de crédit à faible taux d'intérêt présentée par les établissements bancaires et l'ACFC est beaucoup plus courte qu'auparavant.
L'année dernière, les parties intéressées nous ont dit à maintes reprises que des cartes de crédit à faible taux d'intérêt étaient offertes. Si vous comparez la situation de l'année dernière à la situation actuelle — et j'assure un suivi étroit de la situation —, la liste actuelle est beaucoup plus courte; immédiatement après la fin de nos audiences, ces cartes de crédit à 7 p. 100, 8 p. 100 et 9 p. 100 ont été supprimées de la liste. Pour ce qui est des cartes de crédit disponibles aujourd'hui, le plus faible taux d'intérêt offert est de 14 p. 100.
Le président : Est-ce que cela signifie que les audiences du Sénat ont eu l'effet inverse? Je suis bien déçu d'entendre cela.
Le sénateur Ringuette : Non. Je crois que cela signifie que dans les institutions bancaires, la pression découlant de la crise économique était très importante. Elles savaient que les Canadiens n'avaient pas beaucoup d'autres recours que les produits de cartes de crédit, alors elles ont abusé de la situation. Les profits réalisés ont tellement été importants que le tout a fait son chemin jusqu'au public. CIBC a acheté le portefeuille de cartes de crédit de Citigroup pour environ 2,3 milliards de dollars.
Le président : Selon moi, il ne fait aucun doute que les cartes de crédit sont un centre de profit.
Le sénateur St. Germain : Aux fins de précision, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada a-t- elle comparu devant le comité au moment des audiences?
Le président : Oui. Nous leur demanderons probablement de comparaître de nouveau lorsque nous étudierons ce projet de loi en particulier. Le moment est venu de remercier le sénateur Ringuette de son témoignage et de remercier les honorables sénateurs de leur participation à cette discussion. Il y aura d'autres questions à débattre à l'automne, lorsque nous entendrons d'autres témoins.
C'est avec plaisir que nous accueillons maintenant à titre de témoin, plutôt que d'interrogateur, la vice-présidente du comité, l'honorable Céline Hervieux-Payette, marraine du projet de loi S-206. Ce projet de loi vise la parité hommes- femmes dans le conseil d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères.
[Français]
Certaines sociétés par actions et institutions financières seront tenues d'assurer la parité de représentation des femmes et des hommes au sein de leur conseil d'administration, à compter de la deuxième assemblée annuelle suivant le jour où la loi proposée entre en vigueur. Bien qu'une demande de report à la troisième assemblée annuelle puisse être présentée dans certains cas, l'exigence de deux ans est portée à trois ans pour les sociétés d'État-mère concernées.
[Traduction]
Je me permets de rappeler au sénateur Hervieux-Payette et aux personnes qui poseront des questions qu'un autre comité se présentera ici dans environ 45 minutes et que nous devons donc respecter le temps qui nous est alloué.
J'invite le sénateur Hervieux-Payette à commencer son témoignage.
[Français]
L'honorable Céline Hervieux-Payette, C.P., parrain du projet de loi : J'aimerais tout d'abord remercier tous mes collègues de s'être joints à nous. Je crois que nous n'avons jamais eu autant de participants et je trouve que c'est de bon augure.
Je débuterai avec un bref historique de ce projet de loi.
Ce projet de loi est déjà en vigueur pour les compagnies de la Couronne au Québec. En 2011, le Québec aura, sur toutes ses sociétés de la Couronne, 50 p. 100 de femmes sur les conseils d'administration. Aux dernières nouvelles, je n'ai pas eu connaissance d'incidents majeurs ni de faillites. Je crois que le premier ministre du Québec, M. Charest, demeure toujours engagé et heureux de cette initiative. Il en a fait de même pour son cabinet. Je vous invite donc à suivre l'exemple d'une personne, qui a déjà fréquenté beaucoup le Parti conservateur. Il est bon que mes collègues sachent que cette initiative vient d'une personne qui a déjà partagé leur philosophie. Qu'il s'agisse de M. Chrétien ou de M. Harper, il demeure que la venue d'un nombre croissant de femmes dans notre vénérable institution démontre cette tendance. Il en va de même au sein de la fonction publique fédérale. Un effort a été fait, je le reconnais, autant par le gouvernement libéral que conservateur, et des femmes ont eu accès à des postes de commande.
Il y a certaines choses, comme les postes de direction dans les entreprises, sur lesquelles il difficile de légiférer. J'ai donc opté pour les conseils d'administration car ceux-ci sont régis par certaines lois, comme la Loi sur les corporations.
Le point de départ constitue à déterminer le rôle d'une personne siégeant sur un conseil d'administration. L'administrateur ou le membre du conseil d'administration représente tout d'abord les actionnaires. Cette personne a un devoir de fiducie envers les actionnaires. On a tendance à oublier que ces gens ne sont pas au service de la direction, c'est plutôt la direction qui est au service du conseil d'administration.
De ce point, j'avance l'hypothèse que les femmes, aujourd'hui, représentent environ 50 p. 100 de la main-d'œuvre à travers le Canada. Ces femmes contribuent le même montant à un fonds de pension que les hommes et n'ont aucune dispense. Si j'ai ajouté, aux sociétés de la Couronne, les entreprises publiques dont les actions sont inscrites à la bourse, c'est que, en 2010, l'argent investi dans ces compagnies provient en grande partie des fonds de pension. L'investisseur individuel n'a que peu de poids dans la balance. En effet, l'actionnariat des entreprises repose entre les mains d'un groupe dont les fonds contrôlent ces entreprises à 80 p. 100. Par conséquent, les individus n'ont plus grand-chose à dire. Même si, chaque année, on plaçait ces individus sur la liste visant à renouveler les administrateurs, leur vote ne pèserait pas beaucoup dans la balance.
On parle plutôt d'institution, d'institutionnalisation et de l'avenir de notre pays. À ce titre, j'aimerais vous rappeler quelques chiffres. Selon Statistique Canada, depuis une dizaine d'années, on compte 61 p. 100 de femmes diplômées universitaires — ce chiffre est plus élevé que chez les hommes — et 62 p. 100 des 195 200 étudiants diplômés l'an dernier ont été attribués à des femmes. Il nous faut une main-d'oeuvre qualifiée et des personnes capables de siéger sur des conseils d'administration. Sur les 134 800 étudiants, qui ont obtenu une maîtrise, 54 p. 100 étaient des femmes. C'est seulement au niveau du doctorat où les femmes sont à 45 p. 100. Cette proportion n'est tout de même pas négligeable.
Parmi les qualités que l'on retrouve chez la personne qui siège au sein d'un conseil d'administration on retrouve d'abord la compétence, puis l'indépendance. Le fait pour un administrateur de siéger au sein de plusieurs conseils d'administration pose déjà un risque de conflit d'intérêts. Très souvent, certaines personnes siègent au sein d'une demi- douzaine et plus de conseils d'administration. Avec un peu plus de discipline, on pourrait s'assurer que les membres des conseils d'administration fassent leur travail en profondeur et lisent toute la correspondance et les documents préparés pour les réunions et prennent des décisions dans l'intérêt des actionnaires. Ainsi, la diversité des points de vue et surtout un différent mécanisme d'analyse des dossiers auraient un effet important sur la performance des entreprises.
À preuve, pour les entreprises américaines faisant partie de la catégorie Fortune 500, comptant trois femmes ou moins à la direction, ces mêmes femmes ont un rendement supérieur de 10 p. 100, quel que soit le secteur. Je parle des grandes entreprises.
À partir de cette tendance, des expériences législatives connues, provenant d'autres pays dont la Norvège qui a joué le rôle de pionnier dans ce domaine, ont actuellement presque atteint le niveau de 50 p. 100, bien que la législation soit d'un niveau de 40 p. 100. Il doit donc y avoir un enthousiasme puisque le résultat est assez bon et que cela fait près de dix ans.
L'Espagne a emboîté le pas; et j'espère que les femmes siégeant à des conseils d'administration en Espagne vont travailler fort parce qu'il y a là beaucoup de problèmes à régler à l'heure actuelle.
Tout récemment, au mois de janvier, une motion a été présentée au Parlement français et a été adoptée, et le processus est en cours pour son adoption au Sénat. Tout cela pour dire qu'il y a quand même des membres de l'OCDE, qui ont pris cette direction.
Il y a également d'autres études provenant d'autres pays, mais c'est déjà quelque chose que d'avoir la France, l'Espagne et les Etats-Unis comme exemples, à savoir que de compter plus de femmes à la tête des entreprises pour les diriger apporte une plus grande performance. C'est l'objectif, car le conseil d'administration est là pour assurer la direction des entreprises.
Je suis aussi ravie de savoir que ma collègue Nancy Ruth a fait un très bon travail de recherche. Elle appuie mon projet de loi qu'elle considère une mesure pratique et prévisible. Elle démontre bien que, suite à l'article 15.2 de la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée en 1985, un principe d'égalité a été adopté.
Les législations de l'Espagne et de la Norvège font état d'un niveau de 40 p. 100; le Québec d'un niveau de 50 p. 100, tout comme la France. Pourquoi ai-je préconisé un niveau de 50 p. 100? Parce que je n'ai pas d'argument en faveur d'un niveau de 40 p. 100.
On a enchâssé dans la Constitution canadienne un principe d'égalité; et certains de mes collègues autour de la table ont travaillé très fort pour l'obtenir. Grâce aux efforts fournis pour positionner des femmes à la direction des entreprises, nous avons maintenant des organisations qui on fait le recensement et qui ont qualifié des femmes : près de 1 000 femmes à l'heure actuelle sont qualifiées pour siéger à des conseils d'administration. Nous ne manquons donc pas de ressources.
Ma proposition s'échelonne sur une période de trois ans. Toutefois, si mes collègues, par leurs recherches et leur réflexion, proposaient l'approche québécoise tendant à une période d'échelonnement de cinq ans ou de six ans, comme celle de la France, je crois qu'il s'agirait là de modalités d'implantation de la mesure.
Il est important de donner un signal clair aux femmes canadiennes que le Canada est prêt à les intégrer de façon pleine et entière à gouverner, autant sur le plan économique que dans les autres secteurs où nous bénéficions de programmes d'équité en matière d'emploi.
Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
Le président : Nous vous remercions de votre exposé très clair et très complet. Nous passons aux questions des sénateurs.
[Traduction]
Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec vous. Aujourd'hui, une majorité de femmes obtiennent un diplôme universitaire, et nous pouvons compter sur un nombre sans cesse croissant de femmes qualifiées. Cette tendance se poursuivra pendant encore longtemps. Au bout du compte, disons d'ici 10 ou 15 ans, votre projet de loi finira par protéger les hommes, parce qu'ils seront moins nombreux à pouvoir faire partie de conseils d'administration. Avez- vous réfléchi à cela?
Le sénateur Hervieux-Payette : Moitié-moitié, voilà probablement la meilleure solution. C'est pourquoi je n'avais pas choisi 40 p. 100.
Je suis d'accord avec vous; c'est un partage pour l'avenir du pays. Pour ma part, j'ai des solutions même pour la Chambre des communes. Il s'agit d'être créatif et d'avoir de l'imagination. Il suffit d'observer la contribution des femmes, même dans les pays du tiers monde, pour constater que ce sont elles qui contribuent le plus à l'essor économique de leur pays.
Personnellement, j'ai un préjugé. Je dois vous l'annoncer. J'ai trois filles et cinq petites-filles. Je suis sûre que les sénateurs tout comme les autres Canadiens savent que la population du pays se compose pour 52 p. 100 de femmes et pour 48 p. 100, d'hommes. Je me sens tout à fait disposée à combler l'écart de 2 p. 100 et à accorder 50 p. 100 aux hommes.
Le sénateur Greene : Rien n'est immuable; les situations changent. Voilà pourquoi les quotas sont dangereux en général, parce que les circonstances changent.
Pour ma part, ça ne me dérangerait pas du tout de siéger à un comité d'administration avec neuf femmes. Vraiment, pas du tout. Ma fille, qui est doctorante ou qui le sera bientôt, n'aimerait pas le projet de loi parce qu'elle est déterminée à faire ses preuves elle-même, sans l'aide de moyens artificiels.
Peut-être que votre idée est bonne à court terme, mais, à long terme, peut-être pas. Avez-vous songé à intégrer une disposition de réexamen, pour que, par exemple après 10 ans, la loi devienne caduque et qu'il faille recommencer le processus?
Le sénateur Hervieux-Payette : Tout d'abord, la disposition sur l'égalité, dans mon langage juridique, n'est pas un quota. Un quota serait 30 p. 100 ou 40 p. 100. « Égalité » signifie moitié-moitié. Que les choses soient bien claires. C'est l'un de mes choix.
En début de carrière, nous ne nous heurtons pas à cette barrière invisible; il n'y a aucun doute là-dessus. C'est seulement au moment où nous atteignons les échelons les plus élevés de la hiérarchie que les choses se compliquent.
Comme je l'ai dit, une femme de Vancouver l'a fait auprès de conseils d'administration très sélectifs. Nous avons 1 000 femmes, et je peux vous assurer que le téléphone ne sonne pas. Il faut prendre la question du rajeunissement des conseils d'administration au sérieux. Je veux être claire sur ce point : ça ne s'applique pas aux entreprises privées. Mon projet de loi ne s'applique pas aux entreprises dont la totalité des actions appartiennent à une même personne, comme Guy Laliberté pour le Cirque du Soleil. Il peut faire siéger qui il veut : sa mère, sa grand-mère ou n'importe qui d'autre. Dans mon projet de loi, il s'agit de représenter les personnes qui injectent de l'argent dans les entreprises. De fait, les femmes cotisent tout autant que les hommes aux fonds de retraite. Qui finance ces entreprises?
Même nos banquiers ne sont pas nécessairement comme M. Beaudoin, chez Bombardier. Il a lancé une entreprise et il a maintenant un intérêt majoritaire; il prend tous les risques.
J'estime que nous n'avons pas à intervenir lorsqu'il s'agit d'entreprises privées. Cependant, sur le plan des intérêts des actionnaires — et l'exercice de l'obligation fiduciaire doit se faire au nom des actionnaires — je me sentirais plus à l'aise comme actionnaire si j'étais représentée au conseil d'administration.
Peut-être changerions-nous beaucoup de produits que l'on trouve sur le marché, parce que nous sommes les plus importants acheteurs dans notre société. Ce sont les femmes qui achètent. C'est pourquoi il importe que nous siégions aux conseils d'administration.
C'est ce qu'on peut constater aux États-Unis, surtout dans l'industrie alimentaire. C'est le cas dans toutes les industries de consommation : les femmes sont à la barre. Elles savent ce que veulent les clients. En ce qui me concerne, c'est dans l'intérêt supérieur des actionnaires.
Le sénateur Oliver : Félicitations; votre projet de loi est intéressant. Je crois qu'il faut vous remercier d'avoir pris l'initiative de le présenter.
J'ai trois questions. Premièrement, vous avez donné des statistiques sur les études universitaires et la formation des Canadiennes. Vous avez mentionné que certaines d'entre elles ont une maîtrise. Connaissez-vous le pourcentage de femmes qui pourraient siéger à des conseils d'administration et qui ont un diplôme de maîtrise en administration des affaires?
Plusieurs universités et établissements financiers aux quatre coins du Canada offrent maintenant des cours sur les conseils d'administration. De nos jours, la plupart des personnes qui sont intéressées à devenir membres du conseil d'administration d'une importante société publique savent de bonne heure qu'ils doivent suivre de tels cours et les réussir. On vous y apprend comment devenir membre d'un conseil d'administration, comment poser des questions ainsi que les tenants et les aboutissants des comités de vérification ainsi que les bons principes d'une gouvernance moderne.
Quel est le pourcentage de femmes sur lesquelles vous avez donné des statistiques qui ont suivi ces cours et les ont réussis?
Ma troisième question consiste à savoir si votre projet de loi n'est pas trop étroit. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a décidé dans le cadre de sa politique publique, il y a quelque 25 ans, que quatre groupes de Canadiens, et pas juste un, ont besoin de mesures spéciales, tel votre projet de loi, pour faire en sorte qu'ils soient traités avec équité et qu'ils aient les mêmes possibilités que les autres membres de la société canadienne.
Ces quatre groupes sont les femmes, les Autochtones y compris les Métis, les personnes handicapées et un gros groupe composé de ce que l'on appelle les minorités visibles. Les minorités visibles représentent plus de 75 p. 100 des nouveaux arrivants au Canada chaque année. De 260 000 à 270 000 Néo-Canadiens arrivent au pays chaque année, et 75 p. 100 d'entre eux sont des membres de minorités visibles ou des personnes de couleur.
Les membres des minorités visibles qui arrivent ici ont plus de diplômes et de meilleurs diplômes que la plupart des Canadiens. La plupart des Canadiens ont une maîtrise et un autre diplôme. Les Néo-Canadiens en ont un troisième. Ils sont extrêmement instruits et très bien formés; pourtant ils ne siègent pas aux conseils d'administration, eux non plus.
Pensez-vous que votre projet de loi est trop étroit? Puisqu'il s'agit d'un projet de loi national, pourquoi ne pas y intégrer ces autres groupes? Pourquoi les personnes handicapées ne devraient-elles pas avoir une telle occasion elles aussi? Si votre réponse est qu'il s'agit seulement d'un projet de loi visant la parité hommes-femmes, ne pourriez-vous pas envisager de l'élargir pour y inclure les autres Canadiens qui ont besoin de mesures spéciales?
Le sénateur Hervieux-Payette : Si vous décidiez d'amender mon projet de loi pour y inclure les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles, ça ne me poserait aucun problème à la condition que, là encore, il y ait 50 p. 100 de femmes et 50 p. 100 d'hommes. Je pourrais très bien m'en accommoder, à condition de conserver ce ratio et un pourcentage juste.
Je suis d'accord avec vous, mais je ne peux pas m'immiscer dans la question des diplômes. Cependant, lorsque les provinces reconnaîtront les diplômes obtenus à l'étranger, je serai la plus heureuse des personnes. Je regrette profondément que nous perdions beaucoup de personnes de talent. J'espère que les associations professionnelles feront preuve de plus d'ouverture, pas tant celles qui représentent les ingénieurs, qui le font déjà bien plus que les autres, mais les associations de comptables, de médecins ou d'administrateurs. Mais j'estime que ça ne fait pas partie de notre compétence. J'invite pourtant fortement les provinces à accélérer ce processus, car je suis consternée de voir que nous n'avons pas encore cette reconnaissance au pays.
Si vous me demandiez d'ajouter à mes 50 p. 100 un pourcentage de personnes qui sont privées de certains droits, j'en serais très heureuse aussi, ça ne me poserait aucun problème.
Le sénateur Oliver : À propos de la question des diplômes de maîtrise; vous nous avez donné des statistiques sur le nombre de femmes qui en ont un. Imaginons qu'il s'agisse d'une maîtrise en anthropologie. En quoi cela est-il utile au conseil d'administration d'une banque, d'une compagnie d'assurance-vie ou d'une caisse de retraite importante? Les études doivent correspondre aux besoins de la société concernée.
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui. Je peux vous fournir des chiffres. Je ne les ai pas sur moi. Cependant, les femmes constituent la majorité des étudiants dans les facultés d'administration et, pour ce qui est de la comptabilité, des facultés de droit. Aujourd'hui, de nombreux types de formation professionnelle donnent des administrateurs solides et efficaces. J'ai étudié le droit il y a pas mal d'années, et 10 ans plus tard, les femmes ont commencé à former la majorité. Elles ont aujourd'hui 25 ans d'expérience sur le marché du travail.
Ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose d'avoir une personne qui détient un diplôme en anthropologie ou en philosophie. Les entreprises doivent également avoir une conscience sociale et comprendre le monde dans lequel elles évoluent.
Je ne dis pas qu'il faut que ce soit de telles personnes qui occupent tous ces postes, ni que ce soit des femmes. D'ailleurs, le fait que l'on ait toujours recours à des hommes portant l'habituel costume-cravate en négligeant les personnes créatives ou aux antécédents différents ralentit plutôt les progrès de ces sociétés. La raison d'être du conseil d'administration est de réfléchir aux propositions de gens qui sont des spécialistes dans leur domaine. Les administrateurs n'ont pas besoin d'être eux-mêmes des spécialistes dans ce même domaine. Ils doivent apporter de meilleurs points de vue pour mieux service les intérêts des actionnaires. S'il y avait actuellement un philosophe ou un anthropologue au conseil d'administration de BP, ce ne serait pas une mauvaise chose.
Le sénateur Massicotte : Allez-vous nous fournir ces chiffres? Je crois qu'ils seraient utiles.
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui.
Le sénateur Massicotte : Pas seulement les chiffres actuels, mais aussi ceux d'il y a 20 ans. Il y a 20 ans, combien d'entreprises étaient dirigées par des femmes plutôt que par des hommes, y compris les personnes qui ont fait des études et celles d'expérience? Ce serait intéressant d'avoir ces statistiques.
Le sénateur Hervieux-Payette : Elles existent. Statistique Canada les a toutes. Je peux certainement les fournir, si je retourne en arrière. Je les apporterai à l'automne.
Le sénateur Oliver : Pouvez-vous nous en dire plus sur l'institut des administrateurs et le nombre de femmes qui détiennent un certificat décerné par lui?
Le sénateur Hervieux-Payette : Je n'ai pas ce chiffre. J'ai par contre entre les mains une brochure intitulée « Women on Board Mentoring Program ». Ce groupe offre de nombreux programmes et de la formation. Ce sont des cerveaux de la faculté d'administration qui ont mis ce programme au point. Il ne s'adresse pas seulement aux femmes; des hommes le suivent aussi.
Pour ma part, cette question traîne depuis trop longtemps. Même des hommes qui siègent aux conseils d'administration n'ont pas toujours les qualifications nécessaires. Je crois que nous aurons de meilleurs conseils d'administration. Quand je dis qu'il y a un bassin de 1 000 femmes déjà prêtes à siéger à des conseils d'administration, c'est parce que des personnes provenant de tels milieux les ont reconnues aptes à le faire.
Le président : Sénateur Hervieux-Payette, nous pourrions demander à une personne de l'Institut des administrateurs de société de venir témoigner cet automne.
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, ce serait une bonne idée.
Le sénateur Harb : Entre le sénateur Greene et le sénateur Oliver, la plupart des questions que je voulais soulever ont été posées.
J'ai une question qui porte aussi sur l'idée d'avoir une disposition de temporisation. Peut-être que nous pourrions faire un examen de la loi tous les 5 ans comme c'est le cas d'un grand nombre de lois du Parlement.
De plus, j'ai jeté un œil au projet de loi. Je ne vois aucune exemption prévue dans le cas où une entreprise est spécialisée dans un domaine qui nécessite la présence d'experts au conseil d'administration et où il n'y a pas suffisamment de femmes spécialisées dans ce domaine. Par exemple, on pourrait imposer certains critères que l'entreprise doit satisfaire. Est-ce qu'une entreprise pourrait demander une exemption au surintendant ou à la personne responsable? Est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez envisager?
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, nous avons pensé à prévoir une exemption temporaire lorsque nous avons rédigé le projet de loi. Cela veut dire qu'il ne s'agirait pas d'un élément permanent, où les gens peuvent garder leur poste pendant 10 ans.
Afin d'introduire une femme à un conseil d'administration, il faut soit moderniser le conseil ou retirer quelques membres ou encore augmenter le nombre de membres, selon la taille du conseil. Les banques ont des conseils assez nombreux, mais un grand nombre d'entreprises publiques ont des conseils restreints. Tout dépend de si l'on ajoute ou retranche des membres.
Comme je l'ai déjà dit, l'expertise doit être plus vaste que l'unique domaine dans lequel les gens travaillent. Ma fille est physicienne appliquée et a travaillé sur le programme F-18; trois femmes de la Défense nationale ont travaillé sur ce programme. Il y a de nombreux nouveaux diplômés, et j'ai parlé à des gens d'autres domaines. Nous avons un nombre croissant de femmes intéressées au secteur aérospatial au Québec.
Il est peut-être impossible de combler un écart pour une période limitée. Cependant, en ce qui concerne la disposition de temporisation, le projet de loi donne 3 ans aux entreprises pour se conformer. Cette période pourrait être prolongée. Il faut écouter ce que les témoins de l'extérieur nous disent. Ça pourrait être 3, 5 ou 6 ans. En France ils ont choisi 6 ans, mais ils établissaient de nouveaux critères.
Par exemple, on pourrait dire qu'après 3 ans, votre effectif doit être composé d'au moins 25 p. 100 de femmes. En ce moment, si l'on inclut les sociétés d'État, 14 p. 100 sont des femmes. Si l'on exclut les sociétés d'État, le pourcentage tombe à 10 p. 100 de femmes sur les conseils. Il y a un grand écart.
La disposition de temporisation devrait venir après que la période allouée pour se conformer soit terminée et que nous ayons obtenu une parité de 50 p. 100. Je suis d'accord avec les observations du sénateur Oliver. Ce serait extraordinaire si les personnes qui siégeaient aux conseils d'administration viendraient de différents milieux au lieu de seulement se concentrer sur le pourcentage d'hommes et de femmes.
Le sénateur Poy : Votre projet de loi est une très bonne idée. Quand vous parlez de 50 p. 100 d'un conseil, cela inclut les sociétés d'État et les offices publics.
Les qualifications professionnelles doivent être le critère principal, comme je l'ai déjà dit. Ça ne sert à rien de dire que nous avons besoin de 50 p. 100 de femmes. Les qualifications professionnelles doivent être le premier élément pris en compte. Vous allez donner aux entreprises 3 ans pour atteindre un ratio de 25 p. 100 de femmes. Est-ce exact?
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui
Le sénateur Poy : Il est important d'inclure une disposition de temporisation après que l'exigence du 50 p. 100 soit satisfaite. Je crois que cela rendra les choses plus faciles de l'autre côté, si c'est inclus dans le projet de loi.
J'aimerais également faire un commentaire sur ce que le sénateur Oliver a dit au sujet des minorités visibles. Dans plusieurs cas, lorsque les gens parlent de femmes et d'hommes, les minorités visibles ne sont pas mentionnées, et je crois qu'elles devraient l'être. On peut faire partie d'une minorité visible ou être handicapé et aussi être une femme. Je crois qu'il est important d'ajouter ce point.
J'ai fait partie du conseil d'administration d'une banque de l'Annexe II — la Banque de l'Asie de l'Est (Canada) — pendant longtemps. Le conseil est composé d'autant de femmes que d'hommes. Et ç'a toujours très bien marché. Cette année, la majorité des parts ont été achetées par la plus grande banque du monde — la Banque industrielle et commerciale de Chine. Cela prouve que ça fonctionne bien.
Il n'est pas nécessaire d'être banquier pour siéger à un conseil d'administration de banque. Nous avons toujours besoin de personnes qui peuvent avoir un regard extérieur. Par exemple, British Petroleum ne peut être composé uniquement d'ingénieurs. Il aurait été préférable qu'ils aient eu plus d'environnementalistes à leur conseil. Peut-être qu'il n'y aurait pas autant de problèmes en ce moment.
Est-ce que vous pouvez ajouter autant d'éléments dans votre projet de loi?
Le sénateur Hervieux-Payette : Dans mon projet qui veut inclure les femmes, vous me demandez de corriger toutes les erreurs des lois précédentes. Lorsque j'ai commencé ma déclaration, j'ai dit que les qualifications professionnelles étaient essentielles et qu'elles devaient être diversifiées.
J'ai également siégé à des conseils d'administration d'entreprise dans le secteur des finances, et je crois que le fait d'être issu d'un secteur différent apportait une autre perspective au conseil. Nous posons des questions que personne d'autre ne pose. Je prenais plus de temps pour lire les documents qui nous étaient envoyés et je n'avais pas peur de poser des questions. J'étais également la seule personne à avoir demandé une séance d'information de deux jours lorsque je me suis joint au conseil.
On souhaite toujours contribuer et prendre notre rôle de membre de conseil au sérieux lorsque l'on représente des actionnaires, qui sont les millions de personnes qui forment la main-d'œuvre du Canada. Les membres des conseils d'administration sont ceux qui font marcher ce pays.
Le fait d'apporter plus de points de vue et des qualifications diversifiés est un élément clé pour le Canada. Nous sommes peut-être au sommet du monde, comme l'a dit mon collègue plus tôt, parce que nous n'avons pas sombré aussi profondément que les autres pays dans la crise économique. Cependant, le Canada ne pourra progresser dans l'avenir que si eux aussi progressent.
Le Canada est un tout petit élément dans l'économie mondiale. Nous avons besoin de tout le talent dont on dispose. C'est une autre raison pourquoi j'ai proposé ce projet de loi. Nous devons rallier tous les cerveaux et tout le talent du pays. On ne peut se permettre d'en perdre un seul. Nous avons investi des milliards de dollars dans notre système d'éducation. Cette mesure vise à nous aider à diriger le pays et à diriger nos entreprises.
Le sénateur Poy : La question que je vais poser concerne peut-être un peu plus ce que le sénateur Oliver a dit au sujet des certificats d'administrateur. D'après mon expérience, on peut siéger à un conseil d'administration et avoir ses propres idées. Il n'est pas obligatoire que vos réflexions aillent dans une direction particulière. Même les entreprises de jouets ont des enfants sur leur conseil pour savoir ce que les enfants aiment. C'est la même chose, par exemple pour les épiceries. Les femmes savent.
Une voix : Ce qu'il faut cuisiner.
Le sénateur Poy : Ce qu'il faut cuisiner, ce qu'il faut acheter et comment elles veulent le faire.
Je pense tout simplement qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un MBA pour siéger au conseil d'une société.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis d'accord. En ce qui a trait à la compétence, si nous disqualifions aujourd'hui tous ceux qui siègent à un conseil mais qui n'ont pas suivi de cours, probablement que la moitié des membres des conseils seraient obligés de démissionner. On ne peut avoir deux poids deux mesures.
Le sénateur Oliver a mentionné le fait que cette formation est devenue plus populaire à cause de la volonté d'avoir des conseils d'administration plus diversifiés et plus qualifiés. Il faut au moins être capable de déchiffrer des états financiers et posséder certaines habiletés de base. C'est ce que les organisations féminines ont fait lorsqu'elles ont habilité les femmes. Supposons que vous soyez comptable agréé chargé de faire la vérification financière d'une entreprise multimillionnaire. Vous faites déjà des analyses financières, alors je ne crois pas qu'il soit nécessaire que vous suiviez le cours dès le lendemain.
Le sénateur Oliver : Il y a également la responsabilité des administrateurs.
Le sénateur Hervieux-Payette : La plupart des bons conseils d'administration ont des séances de cours pour mettre à jour leurs connaissances, et comme le sénateur Oliver l'a dit, les responsabilités des administrateurs sont de plus en plus lourdes. La plupart du temps vous êtes payés pour cela, à part les sociétés d'État où le salaire est presque symbolique, mais il s'agit d'un service aux citoyens canadiens. Je suis toujours d'accord pour remercier ceux qui siègent dans les sociétés d'État parce qu'ils font un excellent travail.
Je crois que si la norme de 50-50 était adoptée, nos conseils d'administration s'en verraient améliorés.
Le sénateur Pépin : Je dois préciser que ma question concernait les qualifications.
[Français]
Je vais me permettre de passer quelques commentaires qui rappelleront certaines choses. Rappelez-vous que la Loi sur l'égalité des femmes a été adoptée en 1980. Trente ans plus tard, on en est à penser qu'il faudrait que les femmes soient à égalité sur les conseils d'administration.
Je ne veux pas enfoncer des portes, mais je crois qu'on est rendu à cette étape; on avait le pied dans la porte, mais maintenant on doit ouvrir la porte.
Je veux vous rappeler les batailles qu'on a dû mener pour réussir à avoir une femme juge à la Cour suprême. Dans les années 1980, il n'y en avait pas, c'était difficile. Et ensuite, on a eu la première femme présidente du Sénat du Canada. Cela a été une autre victoire importante.
Je me dis donc que 30 ans plus tard, on doit passer à l'action. Les portes ont été ouvertes, mais maintenant il y a des qualifications qui seront requises et trouvées.
Je suis contente que le sénateur Hervieux-Payette amène le sujet, c'est là où nous en sommes. Cela fait 30 ans que l'égalité existe et tout le monde s'est ajusté. Ce ne sera pas du jour au lendemain qu'il y aura un pourcentage égal. Cela se fera graduellement. Et je suis tout à fait d'accord avec l'idée de l'application étendue sur une période de trois à six ans. Ce sera moins effrayant pour les gens que de dire qu'on le fait tout de suite.
Le président : Vous parlez en connaissance de cause.
Le sénateur Hervieux-Payette : Le sénateur Pépin a été une des pionnières, elle était présente au moment de l'adoption de la clause d'égalité qui n'a pas été facile, rien n'a été donné. Il y a eu quand même passablement de résistance, surtout de la part des premiers ministres provinciaux dans le temps.
Tout cela pour dire qu'aujourd'hui, j'aimerais qu'on conclue avec ceci : quand on parle d'égalité, on ne parle pas de quota. Le quota me répugne. Le quota est un cadeau qu'on fait à quelqu'un pour qu'il se taise.
Je pense que si l'on parle de pourcentage, 50-50 représente la société, ce n'est pas une faveur.
Et en terminant, il y a une organisation de Toronto qui s'appelle Corporate Knights, qui a publié un document qui s'appelle Diversity Withepaper. Ce document explique en dix points pourquoi on doit aller vers cette option. Et ce groupe est entériné par plusieurs présidents d'entreprise.
Donc, on va continuer à réfléchir là-dessus, j'espère à l'automne. On aura des gens qui viendront nous éclairer, que ce soit au niveau de la façon de le faire, du temps qu'on doit mettre pour arriver à ce taux de 50 p. 100. Je pense qu'on doit réfléchir, en tant que Canadiens, et vous réfléchirez à vos filles aussi, comme moi. Mais je pense qu'il faut briser cette barrière, qui empêche les femmes d'accéder à des postes de président dans les entreprises. Les femmes, qui occupent un poste supérieur dans une entreprise, y sont grâce à leurs compétences. On peut parler de compétence, mais on peut aussi parler d'égalité.
Le président : Merci, sénateur Hervieux-Payette. En tant que père de trois fils, je vous remercie de vos interventions. Sans blague, je pense qu'on a eu un excellent échange ce soir et puisque nous aurons une période de deux mois pour réfléchir, si vous pouviez envoyer à la greffière une copie de l'étude dont vous venez de faire mention, cela nous donnerait une lecture de chevet au cours de l'été.
[Traduction]
Le sénateur Massicotte : Au Canada, il y a certaines grandes entreprises qui procèdent à des recherches en matière de conseil d'administration, comme par exemple Egon Zehnder International. Nous devrions avoir certaines d'entre elles comme témoins afin qu'elles puissent nous en parler.
Le président : C'est une bonne idée, sénateur Massicotte.
[Français]
Le président : Nous terminons sur cela et demain, 10 h 30, nous étudierons le rapport sur les régimes de retraite.
(La séance est levée.)