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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 20 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour effectuer la revue statutaire de 10 ans de la Banque de développement du Canada, conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous avons le quorum et nous allons donc commencer cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

J'aimerais d'abord présenter les sénateurs à nos invités. À ma gauche se trouvent le sénateur Harb de l'Ontario, le sénateur Moore de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Poirier du Nouveau-Brunswick, le sénateur Gerstein de l'Ontario, le sénateur Massicotte du Québec et le sénateur Ringuette du Nouveau-Brunswick. Je ne dirais pas qu'il y a surreprésentation du Nouveau-Brunswick, mais tous les sénateurs qui font partie du comité sont présents et ils sont très difficiles à ignorer, je vous l'assure. Les autres sénateurs se joindront à nous sous peu car le Sénat vient à peine d'ajourner ses travaux.

Chers collègues, nous entamons cet après-midi la revue statutaire de la Banque de développement du Canada conformément à la loi. Notre ordre de renvoi précise :

[Français]

Que le Comité permanent sénatorial permanent des banques et du commerce soit habilité à effectuer la revue statutaire de dix ans de la Banque de développement du Canada conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada.

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2010 et qu'il conserve jusqu'au 30 janvier 2011 tous les pouvoirs nécessaires à la communication de ses conclusions.

[Traduction]

Aujourd'hui, notre comité a l'honneur d'accueillir deux représentants distingués et expérimentés de la Banque de développement du Canada : M. Jean-René Halde, président et chef de la direction, et M. Brian Hayward, membre du conseil d'administration. Monsieur Hayward, étiez-vous le président du comité sur la régie d'entreprise?

Brian Hayward, membre du conseil d'administration, Banque de développement du Canada : Il s'agissait du comité de l'examen législatif du conseil d'administration.

Le président : Merci.

[Français]

M. Hayward siège au conseil depuis 2008. Il est président d'Alder Resources, une société de conseil qui offre des services de gestion stratégique et de gouvernance aux entreprises. De 1991 à 2007, il a été chef de la direction d'Agricore United, la plus importante agro-entreprise de l'Ouest du Canada. Il a mis son leadership à profit auprès de nombreux organismes sans but lucratif et il siège également au conseil d'administration de sociétés ouvertes et fermées. Monsieur Hayward détient une maîtrise en économie agricole de l'Université McGill et il est diplômé de l'École de commerce de l'Université McMaster.

[Traduction]

Chers collègues, M. Halde a joint les rangs de la BDC en tant que président et chef de la direction en juin 2005 et son mandat a été reconduit en 2010. Avant d'entrer en fonction à la BDC, M. Halde avait à son actif plus de 30 ans d'expérience en gestion et en entrepreneuriat, ayant occupé le poste de chef de la direction d'entreprises de premier plan, notamment Métro-Richelieu Inc., Culinar Inc. et Livingston Group Inc. Il a également siégé au conseil d'administration d'un bon nombre d'organisations des secteurs privé et public et d'organismes sans but lucratif de premier plan. M. Halde est actuellement vice-président du conseil du Conference Board du Canada et il siège au conseil d'administration de la Fondation de l'Hôpital général de Montréal. Il est titulaire d'une maîtrise en économie de l'Université Western Ontario et d'une maîtrise en administration des affaires de la Harvard Business School.

Ceux qui suivent les travaux de notre comité se souviendront que la dernière fois que nous avons accueilli des représentants de la Banque de développement du Canada, c'était le 24 mars 2010. Nous avions à l'époque discuté du rôle de la BDC dans les efforts visant à atténuer les répercussions sur le Canada de la crise financière et économique internationale. En mars, on nous avait expliqué que dans la réponse extraordinaire du gouvernement fédéral à la crise économique et financière internationale, le gouvernement avait accordé 350 millions de dollars de financement à la BDC et avait augmenté le crédit de la banque de 1,5 milliard de dollars.

Le gouvernement du Canada, comme le prévoit la loi, procède actuellement à l'examen décennal de la Loi sur la Banque de développement du Canada. Pour l'aider dans ses travaux, le comité entendra des représentants de la BDC et d'autres intervenants qui se sont penchés sur le fonctionnement et le mandat de la banque.

Bienvenue, messieurs. Avant de vous céder la parole, j'aimerais signaler la présence du sénateur Hervieux-Payette, vice-présidente de notre comité.

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci.

Le président : Messieurs, je vous invite maintenant à présenter vos déclarations liminaires, s'il en est, avant que nous procédions à la période de questions.

M. Hayward : Merci et bonjour. C'est un privilège d'être ici aujourd'hui pour passer en revue la manière dont la BDC a accompli son mandat et les défis qui attendent les entrepreneurs canadiens, ainsi que pour présenter notre point de vue sur ce que ces défis signifient pour la BDC.

Comme certains d'entre vous le savent, notre président, John MacNaughton, aurait aimé être ici, mais des raisons de santé l'en empêchent.

Permettez-moi de vous dire quelques mots sur mes antécédents. Pour ajouter à ce qu'a dit le président, puisqu'il s'agit de ma première comparution devant ce comité, j'aimerais vous signaler que j'exploite aujourd'hui mon propre cabinet de services-conseils aux entreprises et, dans le cadre de cette activité, je siège au conseil de quatre entreprises de taille moyenne, deux publiques et deux privées. En tant qu'administrateur de la BDC, l'une de mes missions a été de présider le comité de l'examen législatif, comme il a été mentionné.

Mes collègues du conseil et moi-même avons passé beaucoup de temps à préparer cet examen, notamment lors de retraites stratégiques organisées au cours des deux dernières années. Nous croyons que la BDC comprend véritablement les besoins des entrepreneurs et qu'elle parvient à bien les combler. Par exemple, en 2008 et en 2009, qui ont été des années difficiles pour notre économie, la BDC a effectué plus de 16 000 financements et a réalisé 5 300 mandats de consultation pour aider les entrepreneurs. Il s'agit là d'un nombre impressionnant d'entreprises.

[Français]

Cependant, anticiper ce que seront leurs besoins au cours de la prochaine décennie n'est pas simple. Les changements à leur environnement concurrentiel sont nombreux, rapides et difficiles à prévoir. Seule certitude, BDC doit être souple si elle souhaite continuer de les épauler. C'est pourquoi nous recommandons d'apporter davantage de flexibilité à la loi.

La Loi sur la BDC de 1995 était très bien écrite et a bien servi les entrepreneurs. Mais sa précision, quant à ce que BDC peut ou ne pas faire, empêche parfois la Banque d'offrir aux entrepreneurs le soutien dont ils ont besoin et qu'ils réclament.

Je passe maintenant la parole à Jean-René Halde, qui vous présentera les recommandations de BDC, recommandations que le conseil appuie pleinement.

Jean-René Halde, président et chef de la direction, Banque de développement du Canada : Merci monsieur le président pour le temps et l'énergie que vous consacrez à l'examen législatif de BDC. Je suis arrivé à BDC il y a cinq ans et demi après avoir passé 30 ans dans le secteur privé. Je suis franchement convaincu que BDC remplit bien son rôle de banque de développement de ce pays et ceci, sans coûter d'argent au contribuable.

Je crois que la plupart des entrepreneurs, des personnes et organismes qui les servent voit BDC comme une source importante de soutien. Nous avons des échanges avec d'autres banques de développement dans le monde et nous nous comparons avec elles. Je peux vous dire que nous sommes considérés comme l'une des meilleures.

BDC a aidé beaucoup d'entrepreneurs depuis 1995. Elle a accordé 33 milliards de dollars en financement, financement subordonné et capital de risque à plus de 60 000 entreprises canadiennes et a réalisé plus de 25 000 mandats de consultation. Nos clients emploient plus de 650 000 personnes dans le pays et génèrent des revenus annuels de 174 milliards de dollars, soit l'équivalent du PIB de Singapour.

Nos investissements en capital de risque de 1,2 milliard de dollars dans 450 sociétés de haute technologie et les 330 millions de dollars que nous avons engagés dans 23 fonds du secteur privé ont été et continuent d'être d'une importance capitale. Comme le temps qui nous est imparti pour notre allocution ne nous permet pas de parler en détails du capital de risque, je serai heureux de répondre à vos questions à ce sujet.

BDC a manifestement rempli son rôle lors de la récente crise économique et financière. Nous avons fourni près de dix milliards de dollars de liquidité aux entreprises canadiennes. Pendant le dernier exercice, nous avons prêté plus que jamais, en 65 ans d'existence, soit 4,4 milliards de dollars, une hausse de 53 p. 100 par rapport à l'exercice précédent. Et en moyenne, le financement accordé à une entreprise a été légèrement supérieur à 500 000 $, ce qui signifie que nous avons soutenu un très grand nombre d'entreprises.

[Traduction]

Le monde a changé depuis 1995; il évolue constamment et de plus en plus rapidement. Les économies émergentes généreront la plus grande partie de la croissance mondiale à court terme; les entrepreneurs à l'échelle de la planète inventent de nouveaux produits et de nouvelles manières de fournir des services, et ils bâtissent des avantages concurrentiels. Nos entreprises sont obligées de faire la même chose. Certaines ont besoin de conseils et du soutien financier de leur banque de développement pour continuer à rivaliser avec leurs concurrents étrangers.

Dans ce marché mondialisé, la prospérité future du Canada dépendra de la capacité de ses entrepreneurs à innover plus vite que leurs concurrents internationaux. Nous devons faire de l'innovation l'avantage concurrentiel du Canada. Nous n'y parviendrons que si nos entreprises — un entrepreneur à la fois — adoptent un esprit tourné vers le monde et investissent dans l'innovation et la croissance. La caractéristique principale de leur environnement exige une adaptation constante. Les entreprises ont besoin que les institutions qui les soutiennent soient aussi flexibles et innovatrices qu'elles.

Bref, les entrepreneurs ont besoin d'une BDC plus flexible. Nous avons trois recommandations à faire à cet égard. Mais avant de vous donner les détails de nos recommandations, j'aimerais préciser qu'elles n'entraînent pas de coûts.

Recommandation 1 : les entrepreneurs ont besoin que la BDC offre une gamme d'outils financiers plus étendue. Aux termes de la loi, la BDC fournit des prêts, des garanties et des investissements à des personnes qui témoignent d'un engagement soutenu à l'égard d'une entreprise. La recommandation est trop restrictive. Elle nous empêche, par exemple, de prêter à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs, un organisme sans but lucratif qui pourrait nous permettre d'augmenter notre accessibilité aux entrepreneurs plus efficacement. Agir en partenariat avec des organismes qui sont proches des entreprises est une méthode éprouvée utilisée par des banques de développement du monde entier.

Autre exemple : de nombreuses transactions visant à soutenir des projets d'entreprise sont aujourd'hui effectuées par l'intermédiaire de fiducies; la BDC ne peut pas effectuer de telles transactions dans le cours normal des affaires, car aucun montant investi dans une fiducie ne prouve un engagement durable envers l'entreprise, que la loi exige. Il s'agit d'un problème technique qui a des répercussions réelles. Nous recommandons que la BDC se voie accorder davantage de flexibilité pour offrir aux entrepreneurs une gamme d'instruments financiers plus vaste.

Recommandation 2 : les entrepreneurs ont besoin que la BDC offre une gamme d'outils non financiers plus étendue. La loi limite actuellement la BDC à une liste précise de services tels que des services de planification stratégique, de consultation, de formation en gestion et d'information. Encore une fois, cette liste est trop restrictive. Elle nous empêche, par exemple, de structurer des arrangements collectifs pour certains entrepreneurs afin de les aider à acheter et à installer des technologies de l'information et des communications. Dans les faits, elle nous défend d'agir à titre de mandataires pour des activités importantes de soutien aux entreprises. Nous recommandons que la BDC soit autorisée à offrir une gamme d'outils non financiers plus étendue.

Recommandation 3 : les entrepreneurs ont besoin que la BDC améliore le soutien qu'elle leur offre lorsqu'ils souhaitent s'implanter à l'extérieur du Canada. À titre de banque de développement du Canada, la BDC soutient des entreprises qui veulent saisir des occasions sur des marchés étrangers. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1995, BDC Consultation appuie les petites et moyennes entreprises, les PME, qui s'attaquent aux marchés des États-Unis et du Mexique pour profiter des avantages de l'accord de libre-échange et de l'Accord de libre-échange nord-américain. Reconnaissant l'importance du soutien aux exportateurs, notre actionnaire — le gouvernement du Canada — en a fait un de nos indicateurs de rendement clé à l'époque. En outre, les réseaux asiatiques et européens de BDC Capital de risque ont également contribué à ce soutien en mettant des sociétés bénéficiaires d'investissements en relation avec des partenaires sur des marchés étrangers. Plus récemment, le Conseil consultatif des petites et moyennes entreprises du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a demandé à la BDC de procurer du financement en fonds de roulement à des entreprises qui souhaitaient pénétrer des marchés internationaux, ce que nous avons évidemment fait.

Aujourd'hui, les 5 600 clients exportateurs de la BDC génèrent des ventes de plus de 21 milliards de dollars. Pour les soutenir, la BDC collabore avec de nombreux partenaires, y compris Exportation et Développement Canada (EDC), le Forum pour la formation en commerce international et le MAECI. En fait, certains représentants du MAECI partagent d'ailleurs des locaux avec des employés de la BDC dans certains de nos bureaux au pays. La BDC soutient activement les exportateurs, mais la loi limite sa capacité de structurer des financements qui répondent aux besoins de ses clients.

Par exemple, si une entreprise comme Magna, RIM ou Bombardier prévoit ouvrir une usine à l'étranger et qu'elle souhaite qu'un de ses fournisseurs canadiens ouvre un établissement à proximité, nous pouvons procurer du financement à l'entité canadienne, mais pas à sa filiale. Nous pouvons donc aider le fournisseur à obtenir le financement dont il a besoin mais à l'occasion, au prix d'un surendettement de l'entreprise canadienne. Il serait plus simple et plus facile d'aider sa filiale directement, à condition qu'il y ait un avantage pour le Canada.

Nous recommandons que la BDC se voie accorder suffisamment de flexibilité pour soutenir des entreprises qui veulent prendre de l'expansion en dehors du marché national. Cette activité continuerait d'être menée en collaboration avec les autres acteurs concernés, comme EDC et le MAECI.

Selon une étude de la CIBC d'octobre 2010, le pourcentage de PME qui exportent a reculé, passant de 10, 7 p. 100 en 2000 à 9 p. 100 en 2007. Ce résultat est inquiétant. Le Canada doit inverser la tendance s'il veut réussir dans l'économie mondiale actuelle, et encore une fois, cela devra se faire un entrepreneur à la fois.

Nous venons de présenter nos principales recommandations, mais nous proposons également que, premièrement, la loi reconfirme l'attention particulière que nous accordons aux PME et que, deuxièmement, la loi maintienne le concept de complémentarité pour définir notre façon de faire des affaires. Troisièmement, nous recommandons que soit inscrite dans la loi l'obligation de la BDC d'être viable financièrement. Cette obligation figure aujourd'hui dans une ligne directrice du Conseil du Trésor; il est important de préciser que nous avons été rentables chaque année depuis 1995, et que nous avons déclaré un dividende chaque année depuis 1997.

Nous proposons à notre quatrième recommandation que la limite du capital versé soit retirée. Nous avons aujourd'hui atteint cette limite et cette modification permettrait au gouvernement d'injecter des fonds dans la BDC lorsqu'il veut que nous agissions rapidement sur une question.

Enfin, nous proposons que des modifications organisationnelles mineures soient apportées en changeant des articles de la loi qui portent sur la régie d'entreprise pour que, par exemple, les comités du conseil d'administration disposent de certains pouvoirs décisionnels.

Pour envisager les prochaines décennies, il serait utile de repenser au passé récent. Lorsque la BDC a été créée en 1995, l'OMC venait d'être inaugurée, l'ALENA avait un an, l'euro n'existait pas et le Web en était à ses débuts. Le téléphone cellulaire était un luxe encore peu répandu. Depuis, l'horizon des petites et moyennes entreprises a été radicalement transformé et il est devenu plus instable. Nous savons que le marché mondial va continuer d'évoluer dans les 10 prochaines années, mais nous ne savons pas très bien quelle trajectoire va suivre le marché des services financiers.

Ce dont nous sommes certains, c'est que les petites et moyennes entreprises s'attendent à ce que la BDC soit agile et réponde à leurs besoins et qu'elle soit en mesure d'offrir des services et des produits appropriés en temps utile. Si les seules certitudes sont le changement et l'incertitude, tout le monde doit être flexible et prêt à s'adapter.

L'objectif de nos recommandations est de s'assurer que la BDC a la flexibilité nécessaire pour aider les entrepreneurs canadiens à relever les défis de demain et d'aujourd'hui. Toutes les suggestions que nous venons de faire, et nous en avons beaucoup discuté, appuient pleinement notre raison d'être : soutenir les entreprises canadiennes. Merci de votre attention.

Le président : Messieurs Halde et Hayward, merci. Quelle est l'année financière de la BDC?

M. Halde : Notre année financière commence le 1er avril et se termine le 31 mars.

Le président : À la page 7 de votre mémoire, vous parlez d'une entreprise canadienne qui prévoit ouvrir une usine à l'étranger et qui souhaite qu'un de ses fournisseurs canadiens ouvre un établissement à proximité. Vous avez dit que la BDC peut procurer du financement à l'entité canadienne, mais pas à sa filiale.

M. Halde : C'est exact.

Le sénateur Moore : Parle-t-il du fournisseur?

Le sénateur Hervieux-Payette : Il s'agit d'un fournisseur canadien.

M. Halde : Reprenons l'exemple. Supposons qu'une grande entreprise, comme Magna, ouvre une usine au Mexique. Ils exigent que nombre de leurs petits fournisseurs canadiens ouvrent un établissement à proximité. Ils viennent nous voir.

Le président : Qui sont ces « ils »?

M. Halde : Quand je dis « ils », j'entends le petit fournisseur canadien, non pas la grande entreprise. Ils nous demandent de les aider à ouvrir une petite usine au Mexique, par exemple, pour qu'ils soient à proximité de leur client important, en l'occurrence Magna. À l'heure actuelle, conformément au libellé de la loi, nous pouvons prêter l'argent à la société mère canadienne du petit fournisseur, et cette société canadienne transférera cet argent à sa filiale. À l'occasion, ce prêt mène au surendettement de l'entreprise canadienne plutôt que simplement offrir l'aide financière à la filiale. C'est justement ce dont je parle.

Le président : Comment vos recommandations permettraient-elles de régler ce problème?

M. Halde : La solution se trouve à la recommandation 3, à la page 6 : « Les entrepreneurs ont besoin que la BDC améliore le soutien qu'elle leur offre lorsqu'ils souhaitent s'implanter à l'extérieur du Canada ». Nous pourrions vous montrer le texte de la loi qui impose beaucoup de limites puisqu'il doit s'agir d'une entreprise qui fait affaire au Canada. Le libellé actuel de la loi est trop restrictif.

Le sénateur Moore : Puis-je demander quelques précisions, monsieur le président?

Le président : Certainement.

Le sénateur Moore : Monsieur Halde, en utilisant l'exemple de Magna qui souhaite qu'un de ces fournisseurs canadiens ouvre un établissement à proximité, vous dites que vous pouvez offrir du financement à l'entité canadienne, mais non pas à sa filiale. C'est ce que vous avez dit lorsque vous avez répondu à la question du président. Vous dites donc, si j'ai bien saisi, que le fournisseur est une filiale de Magna dans cet exemple.

M. Halde : Non. Permettez-moi de recommencer.

Le sénateur Moore : S'il s'agit d'une entreprise distincte, elle pourrait se tourner vers vous.

M. Halde : C'est justement ce que les entreprises font.

Le sénateur Moore : La filiale ne vous demande pas d'aide, ce qui veut dire qu'il s'agit donc de deux choses distinctes.

M. Halde : Dans les chaînes d'approvisionnement mondiales modernes, les plus grandes entreprises aiment bien avoir à proximité leurs fournisseurs. Pensez à une entreprise qui fabrique des coussinets au Canada. On lui demande d'ouvrir une usine à proximité de cette énorme installation de Magna de sorte à pouvoir fournir ce matériel rapidement. L'entreprise canadienne vient nous voir et nous pouvons l'aider à financer cette filiale, mais techniquement, nous ne pouvons le faire que par l'entremise de leur entreprise canadienne et non pas de la filiale.

Le sénateur Moore : Vous parlez d'une filiale de cette entreprise qui fabrique des coussinets et vous parlez d'une entreprise autonome, non pas d'une filiale.

M. Halde : C'est exact. Il ne s'agit pas d'une filiale.

Le sénateur Moore : Vous pouvez les aider mais si le fournisseur, l'entreprise qui fabrique les coussinets, est une filiale de Magna, vous devez à ce moment-là passer par Magna. Cela veut donc dire que vous devez traiter directement avec l'entreprise.

M. Halde : Permettez-moi de vous expliquer à nouveau la façon dont les choses se font. Le fournisseur dont je parle dans mon exemple n'a rien à voir avec Magna. Il s'agit d'une entreprise canadienne qui fabrique des coussinets. Elle veut ouvrir un établissement au Mexique pour être proche de l'entreprise qui commande de bonnes quantités. Elle veut créer une filiale au Mexique et y acheter une usine et désire que ces biens immobiliers soient financés au Mexique. Conformément à la loi actuelle, la BDC ne peut pas contracter une hypothèque pour cette installation au Mexique et fournir l'argent directement à l'entreprise pour son usine au Mexique. La BDC peut fournir de l'argent, mais exclusivement au service qui est au Canada parce que c'est la façon dont les choses doivent être faites conformément à la loi. Son entreprise canadienne doit donc s'endetter et achemine l'argent pour l'usine au Mexique.

Le sénateur Moore : La BDC peut offrir du financement au fournisseur canadien, mais non pas à sa filiale.

M. Halde : C'est exact. Vous l'avez très bien expliqué. Merci.

Le sénateur Moore : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je pense que nous comprenons. Nous pouvons aider l'entreprise canadienne, mais non pas l'entreprise étrangère. Je suppose que la seule raison pour laquelle l'entreprise canadienne ne voudrait pas avoir le prêt directement, c'est qu'elle ne veut pas être tenue de garantir l'emprunt. L'entreprise veut simplement que le prêt soit offert directement à la filiale pour éviter tout danger d'être tenue de garantir le prêt. Si c'est le cas, dans quelle mesure est-ce utile pour la BDC? Si l'entreprise fabriquant des coussinets ne veut pas prendre ce risque, pourquoi la BDC serait-elle prête à le faire?

M. Halde : Dans cet exemple, nous sommes heureux d'accepter les installations du Mexique comme garantie. Nous demanderons peut-être à la société mère du Canada de fournir des garanties supplémentaires jusqu'à ce que nous soyons convaincus que nous avons toutes les garanties possibles. Actuellement, c'est impossible.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi l'entreprise canadienne s'opposerait-elle à cette façon de faire si elle est prête à donner toutes les garanties? Elle doit faire les choses directement.

M. Halde : Évidemment, les circonstances varient d'un cas à l'autre, et parfois, c'est tout simplement plus simple. Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Il n'y a pas très longtemps, une chaîne hôtelière assez importante au Canada voulait ouvrir un hôtel en Angleterre. Nous aurions été heureux de l'aider à acheter directement le bien immobilier en Angleterre, mais nous avons dû lui demander de prendre de nouvelles hypothèques pour certains de ses biens au Canada pour qu'elle puisse avoir accès aux fonds. La chaîne a ensuite transféré ces fonds à son installation en Europe. Dans certains cas, il faut faire des détours qui ne sont pas nécessaires.

Le sénateur Massicotte : Êtes-vous autorisés à offrir un prêt à une entreprise canadienne qui a des biens immobiliers à l'étranger?

M. Halde : Nous ne pouvons pas accepter de biens immobiliers de l'étranger.

Le sénateur Massicotte : Vous ne pouvez pas l'amener à l'étranger.

M. Halde : C'est justement ce que je dis.

Le sénateur Kochhar : N'est-ce pas l'un des rôles d'EDC? Essayez-vous de livrer concurrence à EDC pour faire disparaître ce service?

M. Halde : EDC est un organisme compétent et nous collaborons avec lui. Nous avons tous deux nos propres secteurs d'expertise et nous collaborons bien. À l'occasion, lorsqu'EDC est mieux en mesure de gérer une affaire, nous sommes très heureux de lui envoyer le dossier et vice versa. Ce que nous voulons, c'est nous assurer que l'entrepreneur aura ce dont il a besoin.

Le sénateur Hervieux-Payette : Pour la gouverne de ceux qui suivent les délibérations du comité, pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par « petite entreprise »? Mon collègue voulait savoir si une chaîne d'hôtels serait admissible et ferait partie du groupe des petites entreprises. Quelle est la définition de PME?

M. Halde : D'après Statistique Canada, une petite entreprise compte moins de 100 employés, une entreprise moyenne, entre 100 et 500 employés et une grande entreprise, plus de 500 employés. La BDC cible les PME et la grande majorité de ceux que nous aidons sont des PME. Nous avons à l'occasion une plus grande entreprise, mais c'est vraiment l'exception. Environ 76 p. 100 de nos clients ont moins de 20 employés. Nous nous attardons principalement aux petites entreprises puis aux entreprises moyennes, mais il n'est pas impossible que nous aidions une entreprise plus importante.

Le sénateur Hervieux-Payette : Aucun montant n'est mentionné dans cette définition.

M. Halde : La définition provient de Statistique Canada et porte simplement sur le nombre d'employés.

Le sénateur Gerstein : J'aimerais revenir à ce que j'ai entendu dans des questions qui ont été soulevées publiquement et directement, en quelque sorte.

Dans votre exposé, et dans les documents que vous avez fournis, le plan ministériel de la BDC décrit sa mission comme suit :

Contribuer à créer et à développer les entreprises canadiennes en leur offrant du financement, du capital de risque et des services de consultation, avec une attention particulière sur les PME.

Les paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de la Loi sur la BDC précisent :

La Banque a pour mission de soutenir l'esprit d'entreprise au Canada en offrant des services financiers et de gestion et en émettant des valeurs mobilières ou en réunissant de quelque autre façon des fonds et des capitaux pour appuyer ces services. Dans la poursuite de sa mission, la Banque attache une importance particulière aux besoins des petites et des moyennes entreprises.

Je crois que toutes modifications apportées à la Loi sur la Banque de développement du Canada devraient chercher à assurer que la BDC peut s'acquitter de son mandat de façon plus efficace. C'est pourquoi je voulais lire aux fins du procès-verbal votre mission et le libellé de la loi. À mon avis, cela devrait être le point central de l'étude du comité s'il doit passer en revue des modifications proposées à la loi.

Vous avez proposé d'élargir la gamme d'outils financiers que vous offrez actuellement au-delà des prêts, des garanties et des investissements. Pouvez-vous nous expliquer comment ces changements aideront les petites et moyennes entreprises canadiennes?

M. Halde : Je serai heureux de le faire. Dans mes commentaires liminaires, j'ai expliqué par exemple pourquoi il serait utile que nous puissions prêter de l'argent à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs. Ces dirigeants sont très proches des jeunes entrepreneurs qui ont de très petites entreprises et ils sont très efficaces. Nous aimerions bien pouvoir leur prêter l'argent de sorte qu'ils puissent à leur tour l'offrir aux petites entreprises plutôt qu'avoir à gérer directement chaque petit prêt. Actuellement, c'est ainsi que nous devons procéder. Ce n'est pas une façon efficace d'agir. En apportant des modifications à la loi, nous pourrions aider les entrepreneurs à obtenir leur argent plus rapidement et ce serait une façon plus efficace de faire les choses.

Un autre service, celui des garanties spéciales, n'est pas inclus dans les prêts, les garanties et les investissements que nous offrons. Comme nous le savons, il existe au Canada un déficit au chapitre de l'infrastructure aux niveaux municipal, provincial et fédéral. Les entrepreneurs essaient de présenter des soumissions pour ces contrats. Il serait utile, dans certains cas, de pouvoir offrir des services de garantie aux plus petits entrepreneurs qui ont de la difficulté.

Il ne s'agit là que de certains exemples. En fait, la priorité devrait être de faire tout ce qu'on peut pour aider le Canada. Actuellement, nous voudrions que la loi soit révisée pour qu'elle soit plus souple. C'est ce que nous demandons.

Le sénateur Gerstein : Cela m'amène à votre capacité d'accorder un crédit. Lorsque les banques à charte offrent un crédit, elles veulent minimiser leurs risques et maximiser la rentabilité de ce prêt. Elles veulent obtenir un rendement sur le capital investi.

Pendant les périodes de difficulté économique, dont la récession que nous avons vécue récemment, dans quelle mesure la BDC se voit-elle comme une concurrente des banques à charte et se sent-elle donc obligée d'offrir des services comparables? À l'inverse, dans quelle mesure la BDC est-elle — je serais tenté de dire obligée, étant donné les programmes que le gouvernement souhaite mettre en place — présente pour combler un vide et faire crédit aux entrepreneurs dans l'intérêt de l'ensemble de l'économie quand les banques à charte se montrent réticentes à le faire?

M. Halde : Nous sommes très heureux de combler le vide, pour reprendre vos propos, puisque c'est ainsi que nous concevons notre rôle. En période de récession, il y a normalement moins de demandes de crédit parce que les entrepreneurs sont prudents et qu'habituellement moins de projets sont proposés.

Lors de la dernière récession, nous avons eu un problème de resserrement du crédit. Nous étions non seulement en récession, mais les crédits se faisaient rares. Nous avons dû intervenir et nos prêts se sont accrus de 53 p. 100 en une seule année alors que normalement, pendant une récession, la demande diminue. Nous évaluons très bien le risque et nous n'hésitons pas à prendre des risques. Il y a diverses mesures que nous pouvons utiliser, mais nous assumons environ cinq fois plus de risques que les institutions financières traditionnelles moyennes.

Nous sommes rentables, mais nous sommes loin d'être aussi rentables que les banques commerciales, car ce n'est pas notre rôle. Notre raison d'être, telle que nous la percevons, c'est d'aider en cas de resserrement du crédit et nous avons très bien réussi à ce niveau-là au cours de la dernière récession.

Le sénateur Gerstein : Vous avez insisté sur le fait que vous avez réussi à verser des dividendes à l'actionnaire, et c'est manifestement le cas, et donc aux contribuables. C'est très positif. J'aimerais essayer de déterminer si le fait de trop mettre l'accent sur l'optimisation du rendement en période de difficulté économique, plus particulièrement au cours de la dernière année, pourrait empêcher la BDC de s'acquitter de sa mission première, qui est d'aider les petites et moyennes entreprises qui ont besoin de capitaux et qui ne les obtiennent pas ailleurs.

M. Halde : Notre rôle, tel que nous le comprenons, c'est d'apporter le maximum d'aide possible aux entrepreneurs sans fragiliser notre stabilité financière parce que c'est ce qu'exige le Conseil du Trésor. Nous tentons de prendre le maximum de risques pour pouvoir offrir le maximum de soutien financier. Au cours du dernier exercice, si vous avez vu notre rapport annuel, notre rentabilité traditionnelle qui varie normalement entre 90 et 100 millions de dollars a chuté à six millions de dollars, ce qui s'approche beaucoup de zéro. Nous avons poussé au maximum parce que nous voulions aider les entrepreneurs.

Le sénateur Gerstein : Le Conseil du Trésor exige-t-il que vous versiez des dividendes à l'actionnaire tous les ans?

M. Halde : C'est une ligne directrice. À l'heure actuelle, la consigne, c'est que notre rendement sur l'avoir soit supérieur au coût du capital. Voilà ce qu'on nous demande.

M. Hayward : J'aimerais ajouter un commentaire, à partir de la perspective d'un administrateur d'un conseil d'administration indépendant. Nous tenons des réunions à huis clos, en l'absence de tout membre de la direction. Nous prenons aussi nos responsabilités fiduciaires très sérieusement. C'était fascinant d'œuvrer au sein de la banque pendant cette période et de voir comment ce rôle complémentaire s'exerçait.

Nous ne pouvons certainement pas ouvrir tout grand les vannes et accorder à n'importe quelle petite ou moyenne entreprise un accès illimité à tous les fonds qu'elle souhaite. En tant que conseil d'administration indépendant, nous devions travailler avec la direction pour trouver le juste milieu et pour comprendre l'étendue des risques de façon à nous acquitter de notre mandat mais de façon responsable.

Je suis du milieu des affaires. Dans ma précédente carrière, nous accordions du crédit aux agriculteurs de l'Ouest. Nous traitions 30 000 portefeuilles avec la Banque Scotia dans le cadre d'un accord de partenariat. Je dirais que les systèmes de gestion des risques de cette organisation étaient robustes et que les administrateurs prenaient leurs responsabilités au sérieux dans le cadre de leur mandat.

Fait quelque peu ironique et paradoxal, pendant la récession et la crise financière, les principales banques à charte ont refusé de prêter lorsqu'elles jugeaient les risques trop élevés. La BDC, pour sa part, estimait que les risques étaient moins élevés que pour certains des crédits qu'elle accorderait normalement en période de stabilité économique.

J'aimerais ajouter enfin que nous, à titre d'administrateurs indépendants, prenons notre rôle très au sérieux. Il y a des comités du conseil qui examinent très attentivement tous les dossiers. Certains dossiers sont parfois renvoyés à un comité des placements ou au conseil plénier, et je peux vous garantir que les systèmes et les procédures de gestion des risques dont nous nous sommes dotés sont très robustes.

Le sénateur Gerstein : Merci.

Le président : Vous avez parlé de votre rentabilité — si c'est le mot juste —, laquelle est passée de centaines de millions de dollars à six millions de dollars, est-ce exact?

M. Halde : Elle avoisinait les 90 millions, voire 100 millions de dollars, en règle générale avant la récession, mais elle a chuté à six millions de dollars pendant la récession.

Le président : Est-ce que cela signifie forcément que vous avez accordé davantage de prêts aux PME pendant la crise financière ou bien que vous n'avez pas augmenté le nombre de prêts et que le rendement a été mauvais en raison de la conjoncture économique?

M. Halde : Nous avons augmenté le nombre de prêts accordés.

Le président : Pouvez-vous me dire à peu près dans quelle mesure?

M. Halde : Si vous me donnez un instant, je vais sans doute pouvoir vous donner le chiffre exact.

En 2010, c'est-à-dire l'exercice se terminant le 31 mars 2010, ce qui inclut la majeure partie de 2009, nous avons accordé 8 000 prêts à des entreprises. Vous vous souviendrez qu'en période de récession, la demande de crédit est moins forte. C'était une augmentation par rapport à l'année précédente d'environ 300 prêts. En période de récession, nous avons accru le nombre de prêts accordés et nous avons augmenté les montants de crédit consentis afin de combler le vide dont parlait le sénateur Gerstein.

Le président : Les récessions n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques, et je ne sais pas si au cours de celle-ci, tout le monde s'est serré la ceinture et protégeait ses arrières ou si les gens se sont plutôt démenés pour obtenir des crédits qui leur étaient refusés ailleurs, comme l'a dit le sénateur Gerstein.

M. Halde : C'était un peu des deux.

Le sénateur Ringuette : J'ai vos recommandations devant les yeux et j'aimerais commencer par la première, qui se trouve à la page 4, et qui concerne la possibilité d'agir en partenariat avec des organismes. Quel genre de contrôle auriez-vous?

M. Halde : Nous pouvons expliciter très clairement les conditions qui nous inciteraient à accorder les crédits.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Nous avons une relation d'affaires avec 220 des sociétés d'aide au développement des collectivités (SADC). Cela nous permet de rejoindre une clientèle plus vaste, surtout dans les régions rurales. Nous travaillons bien avec ces sociétés et elles savent quand nous transmettre un dossier. Elles savent ce que nous accepterons et ce qu'elles peuvent faire. Nous avons une bonne relation de travail avec tous ces gens. Cela rend la vie plus facile et accroît l'efficience. C'est tout.

Le sénateur Ringuette : N'est-ce pas suffisant?

M. Halde : À l'heure actuelle, nous devons souvent accorder un prêt de 10 000 $ quand la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs pourrait très bien s'en occuper à condition que nous nous entendions sur les conditions, au lieu que l'entrepreneur ait à s'adresser à nous. Nous tentons tout bonnement de simplifier la vie des entrepreneurs et de rendre la transaction plus efficiente. C'est tout.

Le sénateur Ringuette : Ces organisations deviennent essentiellement des succursales de la BDC.

M. Halde : Non, je ne crois pas qu'elles se considèrent un jour comme des succursales. Elles ont leur propre raison d'être. Elles réclament ceci, soit dit en passant. Nous ne sommes pas les promoteurs de cette idée. Ce sont elles qui le réclament. Ce n'est qu'un exemple.

Le deuxième concerne le cautionnement. À l'heure actuelle, nous ne sommes pas autorisés à accorder de cautionnement, et je pense que certains entrepreneurs aimeraient que nous puissions le faire. On nous a fait la requête et à l'heure actuelle, nous devons dire : « Désolés, nous ne pouvons pas vous aider. » J'ai mentionné l'idée de fiducie et à l'heure actuelle, nous devons obtenir une permission spéciale du ministre pour fonctionner de cette façon au lieu que ce soit le cours normal des affaires.

Notre seule préoccupation concernant le libellé actuel, qui date maintenant d'il y a 15 ans, est très précise. Il s'agit de l'expression « prêts, garanties et investissements ». Les crédits de carbone pourraient exister d'ici dix ans et que ferons-nous dans de tels cas? Entrent-ils dans la catégorie des prêts et des garanties? Nous demandons un élargissement du libellé. Nous tentons de déterminer ce que seront nos besoins au cours des 10 prochaines années.

Comme l'a dit M. Hayward, nous avons rencontré à maintes reprises le conseil d'administration et nous nous sommes creusé la tête pour essayer de voir à quoi ce pays ressemblera dans sept ou huit ans. Je n'y serai plus; M. Hayward n'y sera plus, mais vous voudrez que le prochain PDG et que son conseil d'administration aient les moyens d'aider les entrepreneurs. Nous disons tout simplement qu'il faut un libellé plus souple. Le ministre fera quand même l'examen. Le plan d'affaires devra toujours être approuvé. Il y aura de nombreux freins et contrepoids dans le système, mais il faut un libellé plus souple.

Le sénateur Ringuette : À la recommandation 4, à la page 8, vous demandez que la limite du capital versé soit retirée. Est-ce que cela signifie que vous avez atteint la limite?

M. Halde : Oui. Nous frôlons la limite. Nous faisons cette recommandation uniquement pour pouvoir réagir rapidement si le gouvernement nous demandait de le faire, s'il souhaitait acheter des actions de la BDC comme il le fait. Si le ministère des Finances accède à cette requête, parce que nous avons atteint la limite du capital versé, il nous faudrait attendre le prochain budget ou l'adoption d'une disposition législative spéciale à la Chambre des communes. À l'heure actuelle, nous sommes plafonnés. Il serait possible de rehausser la limite et de supprimer le plafond. M. Hayward vous parlera peut-être de l'élimination du plafond.

M. Hayward : Dans notre comité, nous avons analysé certaines des restrictions et des rigidités de la loi actuelle. Si l'on faisait une comparaison avec une société cotée en bourse, il n'y aurait pas normalement de restriction précisant que l'entreprise ne peut émettre que 12 ou 14 millions d'actions, surtout lorsqu'il s'agit d'émettre des actions ordinaires. Dans une situation comparable, le conseil d'administration aimerait que la loi soit muette. Cela ne signifie pas que nous demandons une injection de fonds; nous demandons tout simplement un rajustement logistique pour accroître l'efficience afin que si, dans sa sagesse, le gouvernement trouvait une bonne raison d'acheter des actions, il pourrait le faire rapidement et aisément.

Le sénateur Ringuette : Je réfléchis à cet aspect de votre recommandation et aux pressions que cela pourrait créer sur votre structure financière. J'ai ensuite regardé votre troisième recommandation. Revenons à votre exemple du Mexique. Une entreprise canadienne ouvre une succursale au Mexique. La procédure de constitution de la succursale n'en fait pas une entité canadienne.

M. Halde : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : De quel moyen juridique disposeriez-vous pour obtenir le remboursement d'un prêt?

M. Halde : Cela dépend du pays. Il y a des pays, dont les États-Unis et le Mexique, où l'on peut exercer une sûreté prise sur les immeubles. Bien entendu, il y a d'autres pays où il nous faudrait travailler avec EDC, qui a des connaissances plus poussées que nous en la matière. Nous travaillons avec un réseau de banques de développement. Nous disons tout simplement qu'il serait approprié d'agir ainsi dans certains cas.

Si un fabricant de Toronto souhaite ouvrir un centre de distribution à Buffalo, pour que les expéditions puissent franchir plus rapidement la frontière, nous ne pouvons pas actuellement lui apporter une aide financière. Nous devrions être en mesure de le faire dans le cadre de nos activités courantes. Si c'est une bonne décision pour une entreprise canadienne, en supposant que cela les aide à être plus compétitives, nous devrions pouvoir les aider. Nous ne le pouvons pas à l'heure actuelle.

Le sénateur Ringuette : Pour ce qui est de votre capacité de prêter, si une entreprise canadienne crée de l'emploi au Canada et vous demande un prêt et que la filiale étrangère d'une entreprise canadienne vous demande un prêt du même montant, assorti des conditions identiques, qu'elle a le même nombre d'employés, et cetera, à qui prêteriez-vous en priorité? Accorderiez-vous des capitaux à une entreprise canadienne résidente qui crée de l'emploi au Canada ou ailleurs dans le monde?

M. Halde : J'avoue franchement que nous tenterions de faire les deux. Manifestement, l'entreprise résidente au Canada aurait la priorité. C'est important pour nous d'accroître la compétitivité des entreprises canadiennes. Nous avons suffisamment de capitaux à l'heure actuelle pour pouvoir aider les deux. Nous essayons d'aider tous les entrepreneurs à devenir le plus compétitifs possible. C'est ce que nous tentons de faire. Nous essayons de renforcer la capacité de nos entreprises canadiennes. Nous tenterions d'aider les deux.

Le sénateur Ringuette : Croyez-vous que le mandat que le sénateur Gerstein vient de nous lire devrait inclure la création d'emploi au Canada?

M. Halde : Nous croyons que notre rôle est d'aider les entreprises.

Le sénateur Ringuette : Vous aidez les entreprises à créer des emplois au Canada?

M. Halde : Il est à espérer qu'il en résulte des créations d'emplois au Canada. Je crois que l'objectif de la loi actuelle, et c'est ainsi que nous l'interprétons, c'est que nous aidions d'abord et avant tout les entreprises canadiennes à être compétitives.

Si elles sont réellement compétitives, on peut espérer qu'elles créeront le bon nombre d'emplois, mais notre décision ne doit pas dépendre de ce seul facteur.

Le sénateur Ringuette : Lorsqu'une PME étrangère souhaite s'implanter au Canada, êtes-vous disposés à lui accorder des prêts?

M. Halde : À l'heure actuelle, cela dépend de la mesure dans laquelle la direction de la filiale se trouve au Canada, dans quelle mesure les décisions sont prises au Canada. S'il s'agit d'importer des innovations, des technologies, d'embaucher au Canada, nous serions ravis de pouvoir l'aider.

Le sénateur Ringuette : Vous avez mentionné qu'il existe dans d'autres pays des organisations semblables à la BDC de sorte que si des entreprises canadiennes souhaitent s'implanter dans d'autres pays, elles pourraient demander l'aide financière d'une organisation semblable à la BDC?

M. Halde : Je suis certain qu'elles pourraient probablement le faire, mais je pense qu'elles se tournent d'abord vers notre gouvernement et nos institutions financières.

Le sénateur Harb : Ce n'est pas exagéré que le gouvernement du Canada ou les provinces offrent une aide financière à une entreprise étrangère qui souhaite s'implanter au Canada et créer des emplois ici. D'ailleurs, tout récemment, un fabricant taïwanais de micropuce souhaitait s'implanter au Canada et deux gouvernements lui ont offert des centaines de millions de dollars d'aide financière.

Ce que vous essayez de faire, essentiellement, c'est d'obtenir une certaine marge de manœuvre pour pouvoir examiner les demandes d'entreprises canadiennes qui essaient de se diversifier et qui ont besoin d'aide. À l'heure actuelle, vous ne pouvez pas le faire?

M. Halde : C'est exact.

Le sénateur Harb : Cela n'empêche pas que vous allez obtenir autant de nantissement que possible, que ce soit le siège social, une succursale ou peu importe.

M. Halde : Nous restons une banque, et nous essayons de fonctionner convenablement sur le plan financier.

Le sénateur Harb : J'ai une question sur votre nouveau nom, BDC, qui a remplacé votre ancien nom de Banque fédérale de développement. L'ancien était long; le nouveau est plus court, plus beau et un peu plus épuré. Quelles sont les différences flagrantes entre les deux entités?

M. Halde : Lorsque nous étions la Banque fédérale de développement, nous étions un prêteur de dernier recours, ce qui veut dire qu'il fallait qu'une institution financière ait refusé un prêt à quelqu'un avant qu'il s'adresse à nous. Depuis 1995, nous sommes un prêteur complémentaire. Cela veut dire que nous examinons les besoins de l'entrepreneur et que nous lui présentons une offre de financement en faisant bien attention de ne pas être concurrentiels, de ne pas tenir compte du fait que avons accès à un capital relativement peu coûteux. Nous sommes très prudents. Pour un portefeuille moyen, nous évaluons le risque à sa juste valeur. Honnêtement, nous cherchons les situations où la plupart des institutions financières ne se sentent pas à l'aise. Les industries cycliques, comme la construction, la foresterie, la pêche et le tourisme sont de bons exemples. Nous essayons d'aider dans ces domaines où il est probablement plus difficile d'avoir accès au capital.

Le sénateur Harb : En fait, vous êtes encore essentiellement un prêteur de dernier recours, puisque ces industries ne peuvent pas s'adresser à une banque. Vos taux sont plus élevés que ceux d'une banque, n'est-ce pas?

M. Halde : Nos taux dépendent du risque, et si le prêt est plus risqué, cela se reflétera dans nos taux. Nous avons au moins la chance de présenter une offre à l'entreprise. Cela donne de bons résultats et nous veillons soigneusement à ne pas dépasser ce rôle complémentaire.

Le sénateur Harb : Si les dispositions relatives aux prêteurs de dernier recours étaient rétablies dans la loi, est-ce que vous seriez contre?

M. Halde : Tout à fait.

Le sénateur Harb : Vous seriez contre?

M. Halde : Absolument.

Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur les différents organismes fédéraux. Il y a notamment Industrie Canada qui a une division assez importante qui s'occupe des petites et moyennes entreprises; il y a EDC que vous avez mentionné tout à l'heure; il y a le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; il y a la CCC, la Corporation commerciale canadienne; et, bien sûr, il y a l'ACDI. En fait, je ne sais pas si ce dernier existe toujours.

Dans quelle mesure est-ce que tous ces organismes coordonnent l'aide qu'ils fournissent à une entreprise canadienne qui essaie d'élargir ses horizons à l'extérieur du Canada? Est-ce que vous coopérez avec ces organismes? Si, par exemple, le comité décide qu'il veut vous donner les outils dont vous avez besoin, est-ce que vous seriez intéressés à créer un comité d'interaction ou de coordination avec ces autres organismes?

M. Halde : Nous avons déjà établi des relations avec bon nombre des institutions que vous venez de mentionner. Nous avons un protocole d'entente avec FAC. Nous travaillons ensemble pour définir ce qui est de son ressort et ce qui est du nôtre. Nous avons une bonne relation avec EDC; nous nous renvoyons mutuellement des clients; nos sites Web sont reliés; nous avons des équipes de renvoi. Ce sont des institutions différentes qui offrent de l'expertise différente sur des marchés différents. Nos gens sur le terrain travaillent très bien ensemble. Ils savent quand renvoyer un dossier à quelqu'un d'autre parce qu'il relève davantage de ses compétences que des nôtres, ou vice versa, donc cela n'a jamais été un problème.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Pourquoi avez-vous 330 millions de dollars dans 23 fonds du secteur privé? Y a-t-il des PME qui sont dans des fonds du secteur privé?

M. Halde : Non. Ce sont des fonds de capital de risque. Dans le capital de risque, ce sont des fonds privés qui investissent dans des entreprises de technologie. Ces fonds cherchent évidemment du financement. Dans les années 1990, c'était assez facile pour eux d'obtenir du financement, par exemple des fonds de pension, mais avec les résultats difficiles qu'ont connus les entreprises qui étaient des associés commandités dans le capital de risque, cela a été plus difficile de trouver des fonds. Alors, il y a un certain nombre de fonds, d'excellents fonds dans lesquels on pense qu'il est important de les appuyer comme démarche privée. Lorsqu'ils lèvent un fonds, disons, de 100 millions de dollars, on va les aider à trouver leur financement en étant un des partenaires limités qui vont mettre de l'argent dans le fonds.

Le sénateur Hervieux-Payette : Avez-vous fait des bénéfices avec cela?

M. Halde : Jusqu'à maintenant, l'industrie du capital de risque est extrêmement difficile. Actuellement, c'est du côté du prêt. C'est une activité où on mesure très bien le risque et ce qui a été rentable. Dans les dernières années, l'industrie du capital de risque n'a pas été rentable. Et donc la réponse c'est non, on perd un peu d'argent avec cela.

Le sénateur Hervieux-Payette : Avez-vous des représentants qui siègent sur les conseils d'administration de ces fonds?

M. Halde : Oui, mais c'est difficile.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis au courant de la pénurie de fonds qu'il y a pour le capital de risque. Ce n'est pas pour vous blâmer, c'est pour vous dire que 330 millions de dollars, pour moi, c'est minime par rapport à l'ensemble de fonds que vous gérez. Je ne vois pas quel autre mécanisme le gouvernement fédéral on pourrait utiliser. Je sais que, pendant un certain temps, vous avez fait affaires avec la Caisse de dépôt, maintenant vous ne le faites plus. Pourquoi n'avez-vous pas inclus, dans vos recommandations, que ce volet soit consolidé pour que les entreprises, plutôt que d'être endettées envers leur banque et vous, aient aussi un partenaire afin qu'ils aient une meilleure santé financière d'entreprise, moins de dettes et un meilleur ratio?

Avez-vous regardé cela, monsieur Hayward, au conseil d'administration? Vous avez pensé à « pas de limite », oui, mais vous allez faire quoi quand vous n'aurez pas de limite? Pourquoi n'allez-vous pas dans ce secteur qui, à l'heure actuelle, fait pitié d'un océan à l'autre?

M. Halde : Laissez-moi essayer de répondre à votre question. Ce sur quoi nous avons insisté dans le document qu'on vous a remis, c'était sur les changements qu'on considère importants. Aujourd'hui, il n'y a absolument rien qui nous empêche, dans notre loi actuelle, au lieu de mettre 330 millions de dollars dans des fonds privés, d'en mettre plus. Alors, on n'en parle pas dans les documents qu'on vous a remis simplement parce que la loi actuelle nous permet de le faire. La question qu'il faut se poser est la suivante : est-ce la bonne chose? On pense que, pour ramener le capital de risque à un niveau où des fonds vont être rentables, il faut investir maintenant dans les fonds les plus compétents. Il faut investir dans ceux où il y a de l'expertise, où les fonds sont assez importants pour faire un bon travail.

Alors, justement, cet après-midi, j'étais avec la personne qui s'occupe de l'investissement dans des fonds, et on essayait de regarder comment en faire plus cette année que l'année dernière.

Vous avez tout à fait raison, il faut qu'on soit dans le capital de risque, mais on n'en a pas parlé parce que cela n'exige pas de changement à la loi. Il suffirait qu'on décide de le faire plus que présentement.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma deuxième question concerne les investissements dans des entreprises canadiennes à l'étranger. Je m'occupe des pays des Amériques, donc les 35 pays. Je regarde leur santé financière, l'évolution de leur monnaie. Je pense à l'Argentine, par exemple, je crois qu'il ne valait pas grand-chose à un moment donné d'avoir des hypothèques là-bas. Vous parlez du Mexique que je connais parce que je vais là depuis 25 ans. Qui va prendre le risque sur le taux de change? Allez-vous prêter en dollars canadiens et être remboursé en dollars canadiens? On ne contrôle pas le taux de change. Quand on parle d'hypothèques, on parle de sommes assez considérables. Allez-vous assumer le risque de la monnaie?

M. Halde : Il y a moyen de faire rapidement des opérations d'échanges financiers qui permettent de geler votre risque. On est très conscients des risques.

Le président : Est-ce une politique générale?

M. Halde : Oui, tout à fait. Toujours. On ne prend aucun risque.

Le sénateur Hervieux-Payette : Sur la monnaie.

M. Halde : Sur la monnaie.

Le sénateur Hervieux-Payette : Cette année, vous avez augmenté de 4,4 milliards de dollars vos prêts. J'ai examiné les documents qu'on nous a remis lorsque nous avons rencontré les représentants de la banque. Il y avait, dans les deux points, les prêts à long terme et les hypothèques commerciales — et c'est un peu pour le bénéfice de mes collègues, car j'ai bénéficié de plus de briefings —, et on me disait que vous aviez cette année joué un rôle plus proactif avec les grandes banques concernant les hypothèques et que vous aviez pris à votre charge près de trois milliards de dollars, c'est-à-dire un milliard quelque pour les prêts à long terme et les hypothèques commerciales aussi.

Autrement dit, il y a eu un dialogue. J'aimerais savoir comment vous travaillez avec les banques sur ce plan, parce que les banques ont eu quand même des problèmes de liquidité. Elles ont revendu au gouverneur fédéral un important portefeuille d'hypothèque de près de 70 milliards de dollars. Vous en avez aussi. Avez-vous fait un échange? Comment avez-vous fait cela? Ou est-ce que, tout simplement, les banques vous les ont référées car elles étaient rendues à leur limite?

M. Halde : Il faut se rappeler qu'on finance des projets, alors quand un entrepreneur consulte une banque, durant une récession, pour un projet, si la banque juge que c'est un peu trop risqué pour elle, pour toutes sortes de raisons, elle offre une merveilleuse réponse, c'est-à-dire qu'elle nous réfère ces gens. On s'est fait évidemment un grand plaisir de faire les transactions dans la mesure où cela avait du sens. C'est à cause de ces références de la part des institutions financières que, dans la dernière année, on a prêté beaucoup plus que normalement. On a très bien travaillé avec eux.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais que vous repensiez à votre argument qui consiste à enlever la limite du capital. La fois précédente où on a changé la limite de votre capital, j'étais membre du comité, et on l'a fait dans une semaine. Alors, cela se fait très facilement. On est quand même responsables face à la population canadienne et leur dire qu'on n'a aucune limite pour notre banque ne paraît pas très bien. On a l'impression d'un chèque en blanc. Même si vous avez l'air de bien bonnes personnes, je pense que c'est un argument qui est difficile à vendre.

M. Halde : J'ai deux commentaires, si vous le permettez. D'abord, prenons un peu de recul. Les trois recommandations principales sont d'élargir les outils financiers, les outils non financiers et aider à l'extérieur. On a fait aussi quelques autres recommandations. Celle sur le capital, monter ou enlever la limite, c'est simplement pour faciliter les choses au niveau finance. Sincèrement, les trois premières sont beaucoup plus importantes que cette dernière. On pourrait augmenter la limite, de toute façon, c'est le ministre des Finances, avec le cabinet et autres, qui déciderait si oui ou non des fonds seront injectés. Ceci n'est pas de notre ressort. On n'a pas, nous, l'habilité à demander à la banque de le faire. C'est simplement pour dire au gouvernement : si cela peut vous être utile, enlevez cela, vous le ferez quand vous le voudrez. Dans l'ensemble de nos recommandations, les trois premières sont nos grandes recommandations; celle-ci, on croit qu'elle serait utile.

Le sénateur Hervieux-Payette : Et si on élargissait la base de façon à revoir cela. Cela fait 15 ans qu'on ne vous a pas vus. D'après moi, même si c'est le ministre des Finances qui va s'en occuper dans chaque budget — on avait légiféré là-dessus — vous avez atteint la limite, vous avez une bonne vitesse de croisière. On peut faire des projections puis dire tout simplement : si vous avez des idées, qu'est-ce qui pourrait être réaliste comme nouveau plafond? Le ministre légifère en janvier, février, dans la loi. Je ne sais pas ce que mes collègues en pensent, mais je pense qu'il faut être responsables vis-à-vis la population canadienne.

M. Halde : L'alternative serait de fixer une limite raisonnable pour tout le monde.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense à une limite de temps de cinq ans. Entre vous et moi, cela ne ferait pas de tort de vous voir plus fréquemment.

[Traduction]

M. Hayward : Permettez-moi de dire, monsieur le président, que lorsque le comité s'est réuni pour considérer les changements proposés à la loi, nous avons eu une conversation semblable. La limite a été changée à plusieurs reprises, et nous en sommes arrivés au point où nous disons que ces plafonds devraient être supprimés. Nous ne demandons pas d'obtenir davantage de capital. Le dialogue au sein de notre comité nous permettrait d'essayer de déterminer un chiffre précis, mais comment saurions-nous quel devrait être ce chiffre? Si nous pouvons nous baser sur le passé, nous n'avions aucune idée de ce dont nous aurions pu avoir besoin il y a deux ou cinq ans. Évidemment, nous faisons cette affirmation du point de vue de l'efficacité et de la bonne gouvernance, parce que nous voulons également qu'il soit stipulé dans la loi que nous devons être financièrement viables, ainsi nous nous soucions des intérêts du public. Nous disons qu'en matière d'efficacité, il serait préférable de permettre au gouvernement de souscrire des parts, si jamais il avait besoin d'agir rapidement.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous figurez dans les Comptes publics du Canada. Que vous y soyez inscrits pour 50 milliards, 150 milliards ou un billion de dollars, cela fait une différence. Même si vous gérez ces fonds prudemment, il s'agit d'argent qui est à risque. Nous sortons tout juste d'une crise économique, et nous savons ce que cela signifie. Et nous ne pouvons toujours pas dire que nous avons assuré des fondements solides pour l'avenir; nous ne sommes pas encore tout à fait rendus là.

M. Hayward : Le conseil d'administration et le comité seraient tout à fait d'accord avec vous. Nous affirmons que nous assurons une bonne gouvernance et c'est confirmé, selon l'examen spécial de la vérificatrice générale sur la gouvernance. Nous pensons qu'il s'agit probablement d'une meilleure façon de procéder. C'était une suggestion du conseil d'administration.

Le sénateur Moore : J'aimerais poursuivre dans la foulée des questions du sénateur Hervieux-Payette en ce qui a trait au capital d'apport et de votre observation au sujet de la saine gouvernance. Cela fait partie de notre travail, en tant que parlementaires, d'exercer le même niveau de saine gestion lorsqu'il s'agit des deniers publics. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une banque privée où vos actionnaires prendraient des risques. Il s'agit des deniers publics.

Le capital d'apport a été augmenté à trois milliards de dollars, et la loi impose une limite sur les prêts et les garanties de 12 fois ce montant, ce qui correspond à 36 milliards de dollars. Est-ce de cette limite dont vous parlez à votre quatrième point?

M. Halde : Non. Nous suivons divers ratios pour les capitaux, selon l'activité exercée par la banque. Lorsqu'on investit dans des capitaux de risque, chaque dollar de l'investissement utilise un dollar de capitaux propres. Lorsque nous faisons du financement subordonné, parce que nous ne pouvons obtenir que des garanties partielles ou limitées, nous allouons 4 $ de prêt pour chaque dollar de capitaux propres. Un prêt typique représente 10 $ de prêt pour chaque dollar de capitaux. Selon la façon dont nous gérons nos opérations, nous utilisons plus ou moins de capitaux. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Moore : En partie. Cela indique que la loi impose une limite sur vos prêts et sur vos garanties.

M. Halde : Oui.

Le sénateur Moore : Au-delà des montants que vous obtenez au moyen de l'apport de capital provenant du gouvernement du Canada et s'élevant à trois milliards de dollars, empruntez-vous d'autres montants ailleurs?

M. Halde : Oui, c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Moore : De qui?

M. Halde : Généralement, nous empruntons du bureau central du fonds consolidé à Ottawa.

Le sénateur Moore : S'agit-il du Trésor?

M. Halde : Il s'agit du Fonds du trésor. Essentiellement, nous demandons au ministère des Finances d'approuver notre plan d'emprunt une fois par année, ce que le ministère doit faire. Le ministère des Finances a recours à un bon système de freins et contrepoids pour s'assurer que nous sommes conformes.

Le sénateur Moore : Le montant maximal se situe à 12 fois le capital d'apport. Est-ce exact?

M. Halde : La loi permet de faire une opération jusqu'à 12 fois la valeur du capital d'apport, mais en raison de ce que j'ai décrit plus tôt, il se peut que l'on n'atteigne pas ce montant.

Le sénateur Moore : Oui je comprends; cela dépend des divers types d'investissements ou de prêts.

M. Halde : C'est exact.

Le sénateur Moore : En 2008, lorsque nous commencions à essayer de maîtriser le ralentissement économique, deux programmes de prêts ont été établis — la Facilité canadienne de crédit garanti et le Programme de crédit aux entreprises.

L'information dont je dispose stipule que vous avez eu l'autorisation d'acquérir jusqu'à 12 milliards de dollars de titres canadiens adossés à des crédits immobiliers à terme cotés triple A et que jusqu'au 31 mars 2010, vous avez fait cinq acquisitions de ces titres, pour un total de 3,65 milliards de dollars.

Quelle était la nature de ces acquisitions et quel était leur montant? Vous ne disposez peut-être pas de cette information aujourd'hui, mais vous pourrez nous la transmettre, car j'aimerais savoir quels étaient les montants des acquisitions et le calendrier des remboursements. S'agissait-il de regroupements d'hypothèques ou bien d'autres choses?

M. Halde : Je suis heureux de vous fournir cette information.

La première opération s'est effectuée le 30 novembre 2009 et s'élevait à 300 millions de dollars. Essentiellement, nous nous sommes portés acquéreurs de billets adossés à des créances à un niveau plancher d'une maison de courtage d'une société, CNH Capital. C'était pour soutenir un parc d'équipement.

Le sénateur Moore : S'agissait-il d'équipement de construction ou agricole?

M. Halde : C'était pour de l'équipement de construction de toutes sortes. Voilà pour la première opération.

La deuxième opération concernait GMAC; nous avons acheté des billets adossés à des prêts pour véhicules non remboursés pour un montant de 1,263 milliard de dollars le 19 janvier 2010.

La troisième opération s'élevait à 91 millions de dollars à la fin de janvier, pour des billets adossés à des créances pour la location de flottes de véhicules achetées à une société appelée PHH.

La quatrième opération concernait GMAC et s'élevait à 1,7 milliard de dollars pour l'achat de billets adossés à des créances à un niveau plancher pour des prêts de maisons de courtage.

Le sénateur Moore : Et c'était à quel moment?

M. Halde : Cette opération a eu lieu le 25 mars.

La dernière a eu lieu le 9 avril. Il s'agissait d'une opération de 300 millions de dollars pour des billets adossés à des créances au titre de baux financiers pour la location de véhicules acquis auprès de Nissan.

Voilà les cinq opérations qui s'élevaient au total à 3,65 milliards de dollars.

Le sénateur Moore : Pour ce qui est du remboursement de cet argent, sur combien d'années s'étalera-t-il en moyenne?

M. Halde : Il s'agit d'un remboursement mensuel. En moyenne, pour les cinq opérations, c'est d'environ 48 mois. Évidemment, nous assurons un suivi très serré et, jusqu'à maintenant, la bonne nouvelle, c'est que les remboursements sont faits tous les mois. Il n'y a pas de raison de croire que les paiements ne continueront pas d'avoir lieu jusqu'à ce que le tout soit remboursé.

Le sénateur Moore : Ces sociétés sont-elles toutes des entreprises canadiennes, CNH Capital, GMAC et PHH?

M. Halde : Il s'agit de filiales canadiennes de sociétés étrangères, comme Nissan. Elles font des affaires au Canada et ces opérations visaient à leur permettre de fournir des véhicules et de l'équipement, entre autres.

Le sénateur Moore : Le deuxième programme de prêts était le Programme de crédit aux entreprises dans le cadre duquel vous étiez autorisés à prêter cinq milliards de dollars et, à la fin de mars, vous aviez offert pour 2,75 milliards de prêts. S'agissait-il d'opérations individuelles? Comment est-ce que cela a fonctionné? Pour notre gouverne et celle du public qui nous regarde peut-être, j'aimerais savoir comment cela fonctionne et ce qu'on fait pour se faire rembourser l'argent des contribuables.

M. Halde : J'ai mentionné plus tôt que pendant la récession, nous avons eu la chance de voir que les institutions financières nous ont envoyé une bonne partie des prêts qu'ils n'étaient pas prêts à consentir.

Le gouvernement avait demandé à BDC, à EDC et aux institutions financières de collaborer afin d'assurer idéalement plus de cinq milliards de dollars en prêts. Nous, de notre côté, nous avons été en mesure de consentir pour 2,7 milliards de dollars — et je me fie à ma mémoire — en prêts dans le cadre d'environ 14 000 opérations distinctes à des petites et moyennes entreprises. En fait, nous prêtons aux PME dans le cadre d'un projet, qu'il s'agisse d'ouvrir une nouvelle usine, d'acheter de l'équipement, d'avoir un fonds de roulement ou bien de les aider à mener à bien leurs projets. Nous avons été très heureux de constater que nous étions en mesure de fournir ces prêts. Je pense que c'était nécessaire à l'époque.

Le sénateur Moore : Ces opérations vous ont été envoyées par des banques à charte? Elles n'étaient pas prêtes à assurer ces prêts?

M. Halde : La plupart l'ont été. Bon nombre de ces transactions nous auraient été transmises, mais pas toutes. Le gouvernement nous a demandé d'accroître l'accès au crédit. Dans certains cas, il s'agissait de nos propres clients; ils éprouvaient quelques difficultés et nous avons fait ce que nous avons pu pour les aider à traverser une période difficile. Dans bien des cas, ils nous étaient référés par des institutions financières. Il s'agissait de transactions de nature diverse, mais je pense que nous avions traité environ 14 000 opérations pendant la durée de notre programme aux entreprises. Nous étions heureux du résultat.

Le sénateur Moore : Je vous remercie de cette information. Je suis vieux jeu. Lorsque des gens veulent emprunter des sommes d'argent comme celles que vous prêtez, je pense que vous devriez être obligés de rencontrer les parlementaires pour leur dire pourquoi vous voulez des fonds supplémentaires. C'est quelque chose qu'on examinera. Habituellement, c'est justifié et nous l'approuverions, mais je ne pense pas que vous devriez avoir un chèque en blanc.

Le président : Monsieur Halde, tenez-vous des statistiques sur le nombre de demandes et le nombre de prêts que vous accordez?

M. Halde : Je ne pense pas que nous ayons des statistiques sur le nombre exact de prêts. Bon nombre de ces discussions ne sont pas vraiment officielles; les gens nous disent, « Je songeais à ceci » ou bien « Nous aurions probablement besoin de cela » ou encore « Je vais y réfléchir et je recommunique avec vous ». Il ne s'agit pas véritablement d'une demande de prêt. Je pourrais vérifier, mais je ne pense pas que nous ayons des statistiques dans le genre auquel vous pensez.

Le président : Faites-le-moi savoir. Je serais intéressé de voir à un moment donné dans vos réponses que quelqu'un vous aurait dit : « J'ai eu une très mauvaise expérience avec la BDC. La banque n'a même pas voulu me parler et elle est vraiment pingre. J'ai essayé d'obtenir un prêt et il a été refusé. » Honnêtement, j'ai entendu ce genre de propos. Et je les ai entendus également en ce qui a trait aux banques.

Comment vous défendez-vous face à ce genre de déclaration?

M. Halde : La seule chose que je peux vous dire en guise de réponse, c'est que nous essayons très fort d'aider les entrepreneurs parce que c'est notre mandat. Nous voulons que les choses se produisent. Comme je l'ai dit plus tôt, nous prenons cinq fois plus de risque que les institutions financières traditionnelles, mais au bout du compte, il faut que le dossier soit solvable. Dans certains cas, nous devons refuser. Les gens ne sont pas toujours contents lorsqu'on leur dit non. Toutefois, notre rôle consiste à les aider, alors quand c'est possible, nous le faisons.

M. Hayward : Du point de vue du conseil d'administration, nous recevons régulièrement des commentaires et de l'information sur le taux de satisfaction de notre clientèle de sorte que nous assurons un suivi à cet égard.

Le sénateur Greene : Je voulais justement en parler et maintenant que cette question a été soulevée, j'aimerais poser une question complémentaire.

Ma banque me questionne régulièrement pour savoir si j'aime faire affaire avec elle. Des sondeurs me demandent constamment ce que je pense du système financier canadien et des banques canadiennes, entre autres.

Réalisez-vous des sondages d'opinion publique ou bien des sondages parmi les PME et les entreprises qui font partie de votre clientèle et celles qui n'en font pas partie?

M. Halde : Nous avons recours à une tierce partie externe afin d'obtenir des données absolument objectives.

Nous faisons des sondages, et malheureusement, je ne connais pas le nombre exact, mais nous posons des questions à des milliers de clients par année. Il s'agit de milliers et de milliers de clients, de sorte que l'échantillon est irréprochable.

À ce que je sache, nous le faisons depuis au moins une bonne dizaine d'années. Le taux de satisfaction de la clientèle pour l'exercice de 2010 était de 91 p. 100 par rapport à 92 p. 100 en 2009.

Le sénateur Greene : Avez-vous des exemplaires de ces sondages?

M. Halde : Je serai ravi de vous en fournir.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci au conseil et à la direction. Je pense que la BDC a eu un rôle très important dans une période relativement difficile depuis deux ou trois ans. Comme observateur, ma remarque est que vous avez fait une contribution importante à notre pays et je vous en remercie.

Je sais que vous voulez vous concentrer sur des amendements qui améliorent vos autorités. J'aimerais reculer dans le temps comme l'a fait le sénateur Gerstein. Nous allons entendre des témoins qui divergeront d'opinion avec vous. Je veux jouer l'avocat du diable et prendre cette opinion et on vous donne ainsi la chance de répliquer avant d'avoir la question.

Comme point de départ, plusieurs personnes, dont moi, pensent que le rôle gouvernemental devrait être minimisé et que le marché est toujours plus efficace, plus profitable et qu'il satisfait mieux les besoins du consommateur quand il y a une condition adéquate dans le marché comme tel.

Mon point de départ est que vous ne devriez pas exister si le marché peut satisfaire ce besoin. Cela nous force à faire ce débat. Votre banque demande : est-ce qu'il y a un manque de compétition, un manque de joueur dans vos secteurs? Si on répond oui, conséquemment il y a un rôle pour la banque. Y a-t-il des études sur cela?

On remarque des études du marché canadien, par exemple, pour les cartes de crédit, il y a beaucoup de compétition non étrangère. Est-ce qu'il y a des rapports extérieurs qui soutiennent que dans ces secteurs — les PME sont votre secteur spécialisé — il y a un manque de compétition, de services et que cela justifie l'existence de la banque?

M. Halde : Nous avions plusieurs études qui démontrent assez clairement qu'il y a des problèmes d'accès au crédit, particulièrement pour certains types d'entreprises.

Si vous êtes une entreprise dans le domaine du savoir, où il y a assez peu d'actifs tangibles et vous voulez aller chercher des sous pour grandir, c'est assez difficile d'avoir des prêts. Si vous êtes dans une industrie cyclique, c'est assez difficile d'avoir accès au crédit parce qu'on n'est pas très confortable.

Beaucoup d'études vont montrer que du point de vue de l'entrepreneur, il y a un problème d'accès au crédit. C'est plus vrai dans certaines régions, dans certaines industries. Nous, on y pense plus en termes d'industries. Je ne pense pas qu'on puisse émettre l'hypothèse que chaque institution financière, quand elle vise son bien-être et ce qui est juste pour elle, en un mot : est-ce que collectivement cela signifie qu'en tout temps cela sera parfait pour le marché? Je ne pense pas. Notre rôle est d'essayer de remplir les faiblesses du marché.

Le sénateur Massicotte : Je ne sais pas si on devrait essayer de l'atteindre. C'est cela le marché, quand une opportunité se présente, il y a un concurrent. Toutefois, si les autres institutions financières ne font pas ces prêts, parce qu'ils ne donnent pas assez de profit ou ne sont pas assez rentables, ce n'est pas un bon argument. Vous non plus vous ne devriez pas le faire, si l'entreprise n'est pas rentable.

Quel est votre calcul? L'intérêt du Canada est tel que cela mérite que je fasse un prêt qui n'est pas ordinairement rentable? Il est très difficile d'avancer cet argument.

M. Halde : Je me permets d'être un peu en désaccord. Je ne parle pas de ne pas être rentable mais bien un peu moins rentable, dans certain cas, à cause du niveau de risque. Mais à la différence des institutions financières, we price for risk. Pour nous, un risque va apporter au sénateur Ringuette des emplois, une activité économique. On croit que cela vaut la peine de le faire, si on pense qu'à la fin de l'année, pour l'ensemble du portefeuille, on va être rentable.

Le sénateur Massicotte : Je vais accepter cet argument. Vous avez un rendement moyen de huit p. 100 sur votre équité depuis cinq ans alors que les banques sont à près de 20 p. 100. Vous, c'est avant impôt, j'assume que vous ne payez pas d'impôts. Eux, c'est après impôt.

M. Halde : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Je calcule la différence entre vous deux. Pour les prêts gouvernementaux, payez-vous des frais de garantie ou est-ce vraiment le prix coûtant?

M. Halde : L'emprunt est à des taux favorables.

Le sénateur Massicotte : Quand je fais les deux calculs, votre rendement est inférieur à celui des banques et pour le coût de la garantie sur ces prêts, il y a une subvention directe d'un milliard de dollars. Donc, le bénéfice canadien pour faire ces prêts est moins profitables que d'autres, est-ce que cela vaut un milliard de dollars aux contribuables canadiens?

M. Halde : Ce que je peux vous dire, je le disais dans mon document d'ouverture : les entreprises qu'on supporte font 174 milliards de dollars de chiffres d'affaires. Ce n'est pas insignifiant au Canada.

Le sénateur Massicotte : On émet l'hypothèse que personne d'autre ne fera le prêt, comme dans l'ancien temps.

M. Halde : Ils ont toujours une institution financière. Nous on ne finance que des projets. Tous nos clients font affaires avec une institution financière. Ils ont un prêt qu'on ne fait pas. Nous faisons du prêt à long terme, mais l'ensemble de nos clients fait quand même 174 milliards de dollars de revenu. Une activité économique importante en résulte.

Le sénateur Massicotte : Est-ce possible de recevoir un rapport indépendant qui le confirme? Par exemple, il y a quelques années, à ce comité, on a étudié le marché canadien. De mémoire, la conclusion des experts était que les PME et les clients ruraux souffraient d'un manque de service. Je vous aide dans vos arguments. Mais si on pouvait avoir une copie de ces rapports indépendants, cela serait apprécié.

J'ai deux difficultés en particulier, votre venture capital et vos consultations. Pour le venture capital on remarque que depuis cinq ans, vous avez perdu entre 20 et 100 millions de dollars par année.

M. Halde : Cela a été effrayant.

Le sénateur Massicotte : Cela dit quelque chose, la cloche doit sonner : est-ce qu'il y a vraiment un rôle? Ce n'est pas votre rôle de perdre de l'argent. Regardez les commentaires de vos concurrents qui disent : on aimerait investir, il n'y a pas un manque de capital, mais un manque d'occasion d'investissement. Pourquoi embarquer dans ce secteur où il y a beaucoup de capitaux disponibles.

M. Halde : On vient de terminer une très longue analyse dans le domaine du capital de risque avec McKinsey pour essayer de comprendre la nature de la bête qu'est le capital de risque. On nous avait demandé d'être dans le capital de risque, il y a plusieurs années, pour aider à la commercialisation de la technologie canadienne. C'était la raison pour laquelle on a mandaté la banque d'être dans le capital de risque, donc c'est important.

Ce qu'on a découvert en faisant notre analyse — je vais me permettre de vous faire un petit sommaire de l'industrie du capital de risque, où on est maintenant, si vous permettez, et où on pense qu'on s'en va. Il y a un manque de fonds en capital de risque, il y a un manque d'argent qui va au capital de risque présentement parce que les fonds de pension ne veulent plus toucher à cette classe d'actifs.

L'autre endroit d'où venait l'argent, c'était les Labour Sponsored Investment Funds et on sait que la plupart des provinces ont arrêté ces fonds. Il y a donc maintenant une absence de capitaux qui proviennent des sources traditionnelles.

La raison pour laquelle ces gens ne veulent plus le faire, c'est que les rendements des partenaires généraux n'étaient pas bons. Nous avons investi dans 23 fonds et les rendements dans bien des cas n'étaient pas acceptables. Pourquoi? Parce que dans bien des cas, il y avait des partenaires généraux qui étaient clairement, en termes de taille, vraiment trop petits. On avait des partenaires généraux qui n'étaient probablement pas aussi savants qu'ils auraient dû l'être, pas aussi compétents; ils n'avaient pas de connexions mondiales. Ils ne savaient pas comment arrêter rapidement un investissement mauvais.

On a, au Canada, malheureusement encore, une pénurie d'entrepreneurs à répétition qui savent ce qu'ils font dans le capital de risque. On a beaucoup de partenaires généraux qui n'avaient pas mis assez d'argent de côté pour maintenir leurs entreprises jusqu'à ce qu'elles soient cash flow positive. Il y avait beaucoup de problèmes dans cette industrie.

Où en est-on maintenant? Je pense que la plupart des fonds, qui n'avaient peut-être pas la taille ou la compétence, honnêtement, ne seront pas capables de lever leurs prochains fonds.

Ce qu'il se passe de bien, ces temps-ci, c'est qu'on commence à avoir des fonds d'une certaine taille. On a aidé à la création de Tandem, un fonds de 300 millions de dollars qui passe à 500 millions de dollars. On voit maintenant des fonds spécialisés dans l'économie numérique à Vancouver, dans l'eau à Toronto, des fonds très concentrés sur des créneaux particuliers. Je pense que l'industrie est en train de se rétablir, mais elle a vécu des périodes extrêmement difficiles. Candidement, il y a eu probablement trop d'argent qui est allé à des gens qui n'avaient peut-être pas toute l'expertise pour le gérer; mais je pense que c'est en train de se rétablir.

Le sénateur Massicotte : Je voudrais donner ma réaction à cela. Je regarde les commentaires qui ont été faits lors de votre dernière révision de la BDC; le même sujet avait été soulevé — le capital de risque —, et le comité avait été avisé qu'il y avait eu des problèmes, que cela allait se corriger, mais qu'on avait appris beaucoup et qu'on allait voir que cela allait être profitable. Cinq ans plus tard, on entend les arguments : il y a 23 fonds, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, mais là, cela va bien aller.

M. Halde : C'est un bon point. Remarquez, je n'y étais pas il y a cinq ans — où six ans, je ne sais pas à quelle période vous faites référence — et je ne peux pas commenter. Je pense qu'il y a une réalisation, de la part de tous les intervenants, d'un certain nombre de choses : cela nous prend des entrepreneurs qui comprennent comment développer des affaires à l'international; des general partners — des associés commandités — qui sont d'une compétence énorme dans leur sphère d'expertise des fonds d'une certaine taille pour que ces gens puissent bien faire leur travail. Il y a un certain de nombre de constats que l'ensemble des gens dans l'industrie font.

Le sénateur Massicotte : Si je peux me permettre rapidement, concernant la consultation, j'ai l'impression que, au Canada, on a des tonnes de firmes de comptables qui font cela, et des tonnes d'indépendants, de retraités ou autres. Je n'aurais pas pensé qu'il y avait un vide au Canada, au point de vue de la consultation, pour qu'on ait besoin d'une société de la Couronne, qui offre ses services dans ce secteur. Et là, vous ne voulez pas seulement faire cela, vous voulez prendre de l'expansion, faire de la consultation technologique, et cetera. Quelle est votre réaction face à cela?

M. Halde : Ma réaction, d'abord, c'est que beaucoup de ces tâches sont réalisées par des consultants privés. Le mandat moyen est de 10 000 $. Cette somme n'intéressera pas un Price Waterhouse ou un Deloitte. On parle de consultants indépendants. Ce que nous voyons, c'est que, parce qu'on a des directeurs de comptes qui rencontrent les entrepreneurs et discutent avec eux, ils identifient un besoin en disant : « il faudrait repenser votre stratégie marketing, votre plan d'entreprise ou autre, je vais vous présenter à quelqu'un ». Dans beaucoup de cas, ce sont des consultants indépendants qui font le travail pour nous, mais nous en assumons la responsabilité parce que, au fond, ce sont des gens avec qui nous aimons travailler; cela dit nous employons beaucoup de gens de l'extérieur, souvent avec notre méthodologie.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : Ma première question est en lien avec votre cinquième recommandation dans laquelle vous êtes fortement favorable à l'idée d'apporter des changements internes mineurs aux articles sur la gouvernance. La gouvernance m'intéresse. En réponse à une question que l'on vous a posée, vous avez dit d'apporter des modifications « pour que les comités du conseil d'administration disposent de certains pouvoirs décisionnels ». Lorsque l'on vous a demandé ce que cela signifiait, vous avez dit que vous vouliez un libellé plus large.

Quel libellé désirez-vous et quels problèmes souhaitez-vous régler? Sur quelles autres questions d'administration voudriez-vous que nous nous penchions?

Vous avez affirmé avoir une analyse des risques robustes et de solides fondements en évaluation. Vous avez aussi affirmé qu'au cours de l'exercice financier de 2010, vous avez reçu 300 prêts de plus que l'année précédente, pour un total de 8 000 prêts. Quel pourcentage de ces prêts étaient problématiques ou en souffrance? Quel est le bilan comparativement à l'exercice financier de 2009?

M. Hayward : Comme on l'a évoqué dans une réponse précédente, nous voulons obtenir trois choses principalement dans l'ensemble de la loi.

Le sénateur Oliver : Je parle de gouvernance institutionnelle.

M. Hayward : Pour répondre à votre question, je siège au comité de la vérification de la banque, de même qu'au comité des ressources humaines. Parfois, il pourrait être approprié que le comité soit à même de prendre une décision en lien avec une question d'indemnisation qui a été soumise au comité, mais qui n'a pas besoin d'être soumise au conseil à des fins d'approbation finale. Il existe de nombreuses questions de portée moyenne qui ne relèvent pas nécessairement du conseil, qui se rencontre deux jours par trimestre.

Le sénateur Oliver : Pourquoi ne pas simplement formuler une recommandation? Vous devriez faire votre analyse, formuler votre recommandation au conseil et laisser le conseil prendre la décision, comme il se doit.

M. Hayward : Nous aimerions que le conseil soit à même de déléguer les pouvoirs dans un dossier s'il estime que c'est approprié. Si le conseil est d'avis qu'une question ne devrait pas être renvoyée au comité, il n'empruntera pas cette voie. Si les circonstances changeaient de telle sorte que l'on devrait abroger un pouvoir délégué, c'est ce que ferait le conseil.

Le sénateur Oliver : Dans le cadre de votre demande de changements administratifs, voulez-vous que nous nous penchions sur un libellé en particulier?

M. Hayward : Je ne l'ai pas avec moi.

Le sénateur Massicotte : Si je ne m'abuse, la loi vous autorise à déléguer autant de pouvoirs que vous le voulez à titre de comité exécutif.

M. Halde : Nous n'avons pas de comité exécutif.

Le sénateur Massicotte : Vous devriez en créer un.

M. Halde : Je peux vous assurer que dans certains cas, les comités exécutifs sont des conseils au sein d'un conseil, donc nous essayons de faire preuve de prudence. Nous préférerions que chaque comité dispose de tâches précises plutôt que d'avoir un comité exécutif.

Le sénateur Oliver : Au chapitre de la gouvernance institutionnelle, vous avez dit que vous tenez des réunions de directeurs sans que des gestionnaires soient présents. Le conseil dispose aussi de programmes d'autoévaluation. Comment s'évalue-t-il? Le processus est-il rigoureux? Est-ce que tous les membres du conseil ont accès à des formations sur la finance de façon régulière?

M. Hayward : Je ne me rappelle pas avoir fait d'autoévaluations, bien que le conseil ait fait l'objet d'un examen scrupuleux par une tierce partie il y a environ un an.

Le sénateur Oliver : Il n'y a pas d'autoévaluation?

M. Halde : Avant l'arrivée en poste de M. Hayward, le conseil effectuait des autoévaluations tous les ans. Il y a quelques années, John A. MacNaughton, le président du conseil de direction de la BDC, a proposé d'employer une tierce partie qui se spécialise dans la gouvernance des conseils plutôt que d'effectuer des autoévaluations. Cette tierce partie devait nous aider grâce à un questionnaire et à des entrevues avec les membres du conseil. C'est un processus plus rigoureux que les autoévaluations.

M. Hayward : En ce qui concerne votre deuxième point, soit les connaissances financières, nous tenons des séances assez exhaustives au cours desquelles tous les membres du conseil assistent à une présentation d'un gestionnaire de façon périodique. Prenons par exemple la gestion des risques. Au cours d'une séance détaillée avec André St-Pierre, notre vice-président principal de la Gestion des risques liés au crédit, nous en avons beaucoup appris sur les méthodes d'évaluation du risque de l'organisation.

M. Halde : Pouvez-vous reformuler ou répéter cette question pour que je puisse vous fournir de l'information?

Le sénateur Oliver : Au cours de l'exercice financier de 2010, vous avez consenti 8 000 prêts, soit 300 prêts de plus que l'année précédente. Combien de ces prêts sont problématiques et combien ont mené à des défauts de paiements? Quel est le bilan comparativement à l'exercice financier de 2009?

M. Halde : Nous ne voyons pas les choses de cette façon. Je vais tenter d'établir le contexte.

Le sénateur Oliver : Vous n'avez pas de coefficients des pertes sur prêts?

M. Halde : Oui. La plupart des problèmes ont tendance à survenir trois ou quatre ans après la fin d'un projet. Soit le projet a fonctionné, soit il n'a pas fonctionné. Au cours de la première année d'un prêt, les pertes sont assez faibles. Elles doivent être mesurées, ce que nous faisons en tenant compte de l'ensemble du portefeuille de la banque, mais pas nécessairement sur une base annuelle.

Pour l'exercice financier de 2009, qui comprend les sommes radiées et les charges estimatives, le coefficient est de 1,81 p. 100 de 15 milliards de dollars.

Les charges estimatives totales, qui comprennent les charges précises et générales, se chiffrent aux alentours de 700 millions de dollars, si je ne m'abuse.

Sénateur Massicotte : Qu'en est-il du bilan des banques?

M. Halde : Notre coefficient est environ cinq fois plus élevé que celui des banques en ce qui concerne le risque. J'ai les chiffres avec moi parce que j'ai pensé que quelqu'un pourrait les demander.

À l'heure actuelle, la charge estimative totale, qui comprend les charges générales et précises, se chiffrait à 785 millions de dollars à la fin du dernier exercice financier sur un montant total de 15 milliards de dollars. On parle de 5,2 p. 100. Pour la plupart des institutions financières, ce taux se chiffrerait à environ 1 p. 100.

Le sénateur Oliver : Avez-vous ventilé les pertes pour déterminer si elles se produisent dans certains secteurs?

M. Halde : Nous disposons d'une base de données incroyable que nous pouvons consulter et qui nous donne les chiffres par secteur industriel et par région. Nous pouvons vous fournir tous les renseignements que vous désirez.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Oliver et sénateur Massicotte.

Le sénateur Poirier : J'ai une ou deux questions semblables. J'ai l'impression que vous aimeriez jouer un rôle plus actif sur les marchés internationaux pour être à même de financer les entreprises canadiennes qui veulent établir des filiales à l'extérieur du Canada. Je pensais que c'est ce que faisait EDC à l'heure actuelle.

Vous avez dit un peu plus tôt que vous travailliez en étroite collaboration avec EDC. Pourquoi estimez-vous que vous devez livrer concurrence à EDC, ou jouer le même rôle qu'elle? Est-ce parce qu'elle ne dessert pas le même type d'entreprises ou parce qu'elle ne répond pas aux besoins des petites et moyennes entreprises au Canada?

M. Halde : J'aimerais être clair. Nous n'avons pas l'intention d'offrir les mêmes services. Nous ne serions pas efficaces et ce ne serait pas bon pour le Canada. Nos clients ont en général des besoins différents. Nous avons de bons liens. Nous avons bien collaboré dans le cadre du PCE. Nous organisons des activités conjointes pour nos clients en ce moment même, mais nous nous spécialisons dans des domaines différents.

Pour vous donner une idée des différences, nous sommes une banque de développement des entreprises. Nous essayons de renforcer les capacités, de tenir des consultations et d'aider les entreprises à croître. EDC est une organisation de crédit à l'exportation. Elle se spécialise dans le financement commercial et dans le risque que posent les pays, et ainsi de suite, un domaine que nous connaissons peu. Nous ciblons les PME. La majorité de nos activités sont de cette nature. Nous sommes très actifs dans les régions rurales, et ainsi de suite.

EDC est différente. Cette société n'a pas plus d'une centaine de bureaux; elle n'en a que 16. Nous sommes en quelque sorte une banque commerciale et EDC est plutôt une banque d'affaires. Il n'y a pas très longtemps, EDC a consenti un prêt très important d'un milliard de dollars. Nous ne pouvons pas offrir de tels montants. Nous faisons appel à leur expertise tout comme ils font appel à la nôtre. Nous finançons un bon nombre de biens immobiliers parce que nous offrons les fonds nécessaires pour mettre sur pied un grand nombre des usines, des centres de distribution, et j'en passe. EDC s'occupe plutôt des installations et de garanties bancaires. Nous n'offrons pas tout à fait les mêmes services.

Le sénateur Poirier : Êtes-vous en train de me dire qu'elle n'offrirait aucun service à vos clients?

M. Halde : Elle étudierait certainement la demande de certains de nos clients. J'espère qu'on pourra lui renvoyer certains de nos clients et qu'elle sera heureuse d'étudier leur demande.

Le sénateur Poirier : D'après vous, comment réagiraient les Canadiens s'ils savaient que leurs deniers publics sont utilisés pour fournir des capitaux à l'étranger?

M. Halde : Je crois que notre mandat est d'aider les entreprises canadiennes à prendre de l'expansion. Nous devons être plus présents à l'échelle internationale. Si nous ne pouvons pas aider une entreprise canadienne à devenir plus grande, plus forte et plus en mesure de livrer concurrence aux autres entreprises, c'est-à-dire d'avoir une présence de plus en plus internationale, je pense que c'est une bonne chose pour le Canada.

Le sénateur Poirier : Même si la filiale se trouve à l'extérieur du Canada? Cela veut dire que les emplois seraient créés et les profits seraient réalisés à l'étranger. Ce serait au Mexique, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ou dans n'importe quel autre pays. Pensez-vous que les contribuables canadiens accepteraient quand même la situation?

M. Halde : Si on leur expliquait les choses comme il faut, je crois que oui.

Grâce à notre aide, une entreprise canadienne sera plus rentable et pourra participer aux chaînes d'approvisionnement mondiales, comme dans l'exemple que je vous ai donné tout à l'heure. Ces entreprises seront donc plus concurrentielles, apprendront de nouvelles façons de faire les choses et seront plus présentes à l'échelle internationale. Elles seront plus solides. Dans l'ensemble, c'est avantageux pour le Canada.

Le sénateur Poirier : Vous jugez dans l'ensemble que si ce n'était pas de votre présence, ces entreprises ne pourraient pas élargir leurs activités à l'extérieur du Canada?

M. Halde : Je pense que dans certains cas, il serait difficile pour ces entreprises d'obtenir le financement nécessaire. Si nous le pouvions, nous aimerions les aider.

Le sénateur Poirier : Vous avez parlé au début de prêter de l'argent à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs de sorte qu'elle soit en mesure de s'occuper des plus petits prêts, de 10 000 $ peut-être. Qui doit assumer le risque? Est-ce vous? Serait-ce la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs?

M. Halde : Nous assumerions le risque en fonction de certains paramètres. La fondation s'en occuperait. Il s'agirait de dossiers que nous étudierions en collaboration avec elle à intervalles réguliers. C'est simplement une façon d'être plus efficace. Nous le faisons déjà, mais c'est un peu plus compliqué pour l'entrepreneur.

Le sénateur Poirier : Puisque vous assumez le risque et que vous lui donnez l'autorité nécessaire pour approuver les prêts, je suppose que vous établiriez certains paramètres, certaines limites?

M. Halde : Elle aurait une limite et des lignes directrices assez strictes qu'elle serait tenue de respecter.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je veux que tout le monde comprenne bien. Contrairement aux banques, vous n'êtes pas tenus de payer quelque forme de dividende que ce soit à vos actionnaires. Lorsque les banques empruntent, elles doivent respecter un certain taux. Ce sont là les nouveaux règlements que le Brésil appliquera dans un certain nombre d'années. Vous n'êtes pas assujettis à ce type de règles. Je crois qu'il importe de bien comprendre d'où vient l'argent que vous prêtez — le mécanisme qui a été mis sur pied. Comment vous autorise-t-on à prêter 15 milliards de dollars? Mon collègue parlait des contribuables, mais il ne s'agit pas des deniers publics. Il importe de savoir que ce n'est pas de l'argent qui provient du Trésor et qui est transféré simplement à votre banque.

M. Halde : Non. Je vous remercie d'avoir posé la question.

Le sénateur Hervieux-Payette : Il est important que nous comprenions le mécanisme de financement et que l'on sache d'où vient l'argent que vous prêtez.

M. Halde : Pour ce qui est du premier élément, nous essayons de calculer le capital économique, parce que nous voulons respecter les pratiques exemplaires. Même si nous ne sommes pas régis par le Bureau du surintendant des institutions financières, nous respectons toutes les pratiques exemplaires. Nous calculons le capital économique, et ainsi de suite.

En ce qui concerne nos bilans financiers, puisque c'est le sens de votre question, nous avons un bassin de capitaux propres, constitué du capital qui nous vient du gouvernement, lorsqu'il achète des parts de la banque. Il y a aussi nos bénéfices non répartis, soit les profits que nous accumulons au cours des années. Puis nous empruntons une certaine somme au gouvernement, que nous pouvons ensuite prêter.

Le président : Au taux commercial? Quel est le taux d'intérêt sur vos emprunts?

M. Halde : Je crois que je me suis trompé. C'est le taux du Trésor.

Le sénateur Poirier : Cela représente quand même un risque, pour le contribuable.

Le président : Évidemment. Si vous faites faillite, les capitaux disparaissent, c'est-à-dire l'argent que le gouvernement du Canada a versé, n'est-ce pas?

M. Halde : J'imagine qu'il existe toujours un risque. Les 15 dernières années ont montré que nous sommes rentables et que nos bénéfices non répartis s'accumulent chaque année. Nous sommes très prudents, compte tenu des ratios dont j'ai parlé plus tôt. Il nous faut un dollar de capitaux pour un dollar d'investissements. Nous ne pouvons prêter que 4 $ de financement subordonné pour chaque dollar de capitaux propres. Le Conseil du Trésor dispose de directives très strictes qui nous empêchent d'être extravagants et de prêter plus que nous devrions.

M. Hayward : Tous les trimestres, au minimum, au nom du public canadien, nous respectons nos responsabilités fiduciaires en nous assurant que les pratiques exemplaires relativement aux risques sont respectées.

[Français]

Le sénateur Mockler : Hier soir, nous avons reçu au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et de la forêt, M. John Thompson de la banque Toronto Dominion. M. Thompson nous informait que cette banque a beaucoup plus de succursales aux États-Unis qu'au Canada présentement.

Lorsque je regarde ce que vous nous demandez de considérer, je me demande si vous voulez concurrencer.

M. Halde : Non

Le sénateur Mockler : M. Thompson a aussi dit qu'il y avait au Canada un manque flagrant de capital venture funds pour nos petites et moyennes entreprises. Ce que vous nous demandez de considérer va-t-il améliorer ces capital venture funds pour les petites et moyennes entreprises au Canada en considérant que vous voulez aller dans le marché extérieur au Canada?

M. Halde : Je vais essayer de répondre à vos questions. Première chose, non, notre rôle n'est pas de concurrencer. On vous demande même d'être complémentaire dans notre loi. On n'a pas l'intention de concurrencer ni d'ouvrir des succursales à l'extérieur du Canada.

Concernant le capital venture, il faut faire très attention, il y a deux définitions. Appelons cela du capital de risque, qui est, dans le fond, de l'équité qu'on met dans une entreprise, quel que soit le type d'entreprise. On démarre une imprimerie, une usine de quelque chose, c'est du risk capital. Notre définition du venture capital est d'aider une entreprise dans le domaine de la technologie, donc les sciences de la vie, IT, télécommunications et aussi de clean tech, mais ce n'est pas du risk capital plus général. Vous voulez partir une entreprise, vous avez besoin d'un peu d'équité pour partir, on est très restreint à toutes les sphères d'activité où il y a un risque technologique important, puisque le mandat du gouvernement était d'aider à la commercialisation de la technologie.

Le sénateur Mockler : Lorsque je regarde la nouvelle définition que vous voulez vous donner, vos responsabilités, M. Thompson a aussi mentionné qu'il y avait un manque flagrant de mentorat au Canada.

M. Halde : oui

Le sénateur Mockler : Cela étant le cas, est-ce que ce que vous nous demandez de considérer va améliorer le mentorat pour les petites et moyennes entreprises? Pouvez-vous nous fournir aussi le pourcentage de vos prêts, depuis 2008 jusqu'à aujourd'hui, qui ont été dirigés vers l'une des industries les plus à risque présentement, l'industrie forestière, ainsi qu'agricole, et ce, dans chacune des régions en tenant compte de votre portefeuille?

M. Halde : Vous avez plusieurs questions.

Le sénateur Mockler : Vous pouvez m'écrire, cela serait plus facile.

M. Halde : Cela me fera plaisir. Je peux vous donner une petite information sur la foresterie si vous me donnez une seconde.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, le témoin peut nous faire parvenir l'information?

Le président : Bien sûr. On veut donner une trentaine de secondes au sénateur Ringuette.

M. Halde : Je vais vous envoyer les informations.

Le sénateur Ringuette : Cette semaine, je lisais un article qui indiquait que le personnel exécutif des banques à charte au Canada va augmenter leurs bonis cette année parce qu'ils ont des rendements au-delà de leurs espérances.

Est-ce que la BDC a un système de bonis pour les employés?

M. Halde : Oui.

Le sénateur Ringuette : Donc, avez-vous un système de bonis réparti pour tous les emplois ou seulement pour un groupe d'employés? On parle de quelle enveloppe sur une base annuelle?

M. Halde : C'est relié à la performance. Les pourcentages de bonis varient selon les postes des gens. Cela peut être dix p. 100 de leur salaire, 15 p. 100, 20 p. 100, mais c'est relié à des performances établies en début d'année. La réponse est difficile, mais le concept est que c'est relié à la performance et c'est dans des pourcentages, qui sont de petits pourcentages, de votre salaire de base.

Le sénateur Ringuette : Et quelle est l'enveloppe?

M. Halde : Candidement, je ne le sais pas. On a 1 800 personnes. Donc, c'est un certain pourcentage sur 1 000 personnes et un autre pourcentage pour 300 personnes, et cetera. Alors, il faudrait que je calcule, mais je peux vous donner l'information avec plaisir.

Le sénateur Ringuette : S'il vous plaît.

Le président : Il ne nous reste qu'à vous remercier de votre présence ce soir. Nous avons eu une excellente discussion. Malheureusement, le temps est écoulé.

Ceci étant dit, je termine la réunion en vous souhaitant une bonne soirée. À demain.

(La séance est levée.)


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