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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 21 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce matin à 10 h 30 pour entreprendre la revue statutaire de 10 ans de la Banque de développement du Canada conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, je voudrais présenter les sénateurs qui sont ici en ce moment : madame le sénateur Hervieux-Payette, du Québec, vice-présidente du comité; le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Harb, de l'Ontario; madame le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Massicotte, du Québec; le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse; et madame le sénateur Nancy Ruth, de l'Ontario.

Nous poursuivrons aujourd'hui notre revue de la Banque de développement du Canada. À cet égard, notre ordre du jour prévoit ce qui suit :

[Français]

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit habilité à effectuer la revue statutaire de dix ans de la Banque de développement du Canada conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada. Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2010 et qu'il conserve jusqu'au 30 janvier 2011 tous les pouvoirs nécessaires à la communication de ses conclusions.

[Traduction]

Nous disposons aujourd'hui de deux heures pour entendre deux groupes de témoins. Nous discuterons avec le premier groupe du rapport d'examen spécial de la Banque de développement du Canada que le Bureau du vérificateur général du Canada a terminé et publié en avril 2009.

Pour examiner le rapport, nous avons l'honneur d'accueillir encore une fois au comité Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, et Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe, qui sont accompagnées de Louise de Martigny et de Gérald Daly, associés du cabinet de comptables et de conseillers en gestion Raymond Chabot Grant Thornton. Ce cabinet a travaillé avec le Bureau du vérificateur général sur le rapport de 2009.

Je vous souhaite tous la bienvenue. Nous vous remercions d'avoir accepté de comparaître devant le comité ce matin. Je crois savoir que vous avez un exposé préliminaire à présenter. Je vous prie de le faire maintenant. J'espère que vous accepterez ensuite de répondre aux questions des sénateurs.

Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de l'examen spécial de 2009 qui a porté sur la Banque de développement du Canada. Comme le président l'a mentionné, je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe. Nous avons réalisé cette vérification conjointement avec Raymond Chabot Grant Thornton, dont deux associés sont également présents.

En vertu de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques, nous vérifions annuellement les états financiers des sociétés d'État, que nous soumettons aussi à des examens spéciaux périodiques. Certaines de ces vérifications sont réalisées conjointement avec des cabinets de vérification du secteur privé.

[Français]

L'examen spécial est un mécanisme important de reddition de comptes pour les sociétés d'État. Il a pour objectif de fournir une opinion indépendante, à savoir si la société examinée a l'assurance raisonnable que ses actifs sont protégés et contrôlés; la gestion de ses ressources financières, humaines et matérielles est économique et efficiente; et ses activités sont menées efficacement.

Toute faiblesse importante dans les principaux moyens et méthodes d'une société est considérée comme une lacune importante si elle risque d'empêcher la société d'atteindre ses objectifs. Aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, les examens spéciaux sont désormais réalisés au moins une fois tous les dix ans. Notre examen de la Banque de développement du Canada visait la période comprise entre janvier et septembre 2008. En avril 2009, nous avons déposé au conseil d'administration de la Banque de développement du Canada un rapport d'examen.

La Banque de développement du Canada a lancé un certain nombre de grandes initiatives à la suite de mesures rendues publiques dans les budgets de 2009 et 2010, notamment le Plan d'action économique. Ces initiatives ont été mises en œuvre alors que l'examen spécial était terminé et nous ne les avons donc pas examinées dans le cadre de notre mission.

Nous sommes heureux de vous dire que nous n'avons relevé aucune lacune importante dans les moyens et méthodes de la Banque de développement du Canada pendant la période visée par l'examen.

La Banque de développement du Canada possède des méthodes et des moyens efficaces notamment en matière de gouvernance, de planification stratégique, de gestion des ressources humaines et de financement.

[Traduction]

Les stratégies de la BDC tiennent compte des priorités du gouvernement et sont fondées sur des analyses de la situation économique, de l'évolution dans le secteur des petites et moyennes entreprises canadiennes, des tendances dans le financement des PME et des capitaux propres, ainsi que des contraintes financières et opérationnelles. Les processus de planification de la main-d'œuvre et de la relève sont efficaces et la Banque a su coordonner et communiquer correctement les grandes initiatives et les changements majeurs apportés à ses processus administratifs visant les activités de financement.

Même si nous avons constaté que la Banque avait bien réussi à de nombreux égards, nous avons noté certains secteurs à l'égard desquels la Banque aurait intérêt à améliorer ses méthodes. La BDC a besoin d'indicateurs de rendement plus complets afin d'évaluer l'efficacité de sa stratégie de consultation. Les deux principaux indicateurs qu'elle utilise — le taux de satisfaction et le taux de fidélisation des clients — ne fournissent pas suffisamment d'information sur l'incidence à long terme des services de consultation offerts par la Banque sur les PME. Par ailleurs, même si la Banque a amélioré sa planification stratégique visant les technologies de l'information, elle ne dispose toujours pas d'indicateurs de rendement dans ce domaine, ni d'une politique générale de sécurité des TI, ni d'analyses coûts-avantages pour certains de ses projets informatiques.

Nous sommes heureux de noter que la BDC a accepté toutes nos recommandations. Elle a élaboré un plan d'action et fait régulièrement rapport sur les progrès réalisés au comité de vérification. La Banque a précisé que des progrès avaient été réalisés à l'égard des principales constatations communiquées. Nous n'avons cependant pas vérifié la mise en œuvre des mesures prises pour donner suite à nos conclusions.

Monsieur le président, ceci termine mon exposé préliminaire. Mes collègues et moi sommes maintenant prêts à répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci beaucoup, madame Fraser.

Vous avez dit que « les stratégies de la BDC tiennent compte des priorités du gouvernement ». Qu'est-ce que cela signifie exactement? S'agit-il du mandat défini dans la loi ou bien des priorités courantes du gouvernement au pouvoir?

Mme Fraser : Cela est lié au mandat d'intérêt public de la Banque, à la façon dont elle s'en acquitte, aux communications entre le ministre et le conseil d'administration et aux modalités de ces communications.

Le président : Voilà où je veux en venir. La loi prévoit ce qui suit : « La Banque a pour mission de soutenir l'esprit d'entreprise au Canada en offrant des services financiers et de gestion et en émettant des valeurs mobilières ou en réunissant de quelque autre façon des fonds et des capitaux pour appuyer ces services » en attachant une importance particulière aux besoins des petites et moyennes entreprises. Si la BDC ne s'acquittait pas de son mandat, la vérification l'aurait-elle révélé?

Mme Fraser : Oui, absolument.

Le président : Peut-on conclure, sur la base de votre vérification, que la BDC fait bien ce que la loi lui dit de faire?

Mme Fraser : C'est exact.

Dans le passé, nous avons critiqué des sociétés d'État qui n'avaient pas suffisamment défini leur rôle d'intérêt public et qui n'avaient pas des communications et des discussions adéquates avec les ministres sur la façon de s'acquitter de ce rôle. Je crois savoir qu'il y a maintenant une lettre que le ministre adresse à la société d'État en cause pour lui donner certaines instructions, particulièrement en ce qui concerne les questions de politique publique.

Le président : Les chefs de la direction nous ont dit hier qu'ils ont l'habitude de payer un dividende à leur actionnaire, le gouvernement du Canada. Déterminez-vous, dans le cadre de votre vérification, si la société d'État accorde trop d'importance au paiement du dividende et peut-être pas assez à l'octroi de prêts? Est-ce là une chose que vous auriez mentionnée dans votre rapport?

Mme Fraser : En principe, oui. Dans le passé — je crois que c'était à l'occasion de l'examen spécial précédent de la BDC —, nous avions critiqué la Banque parce qu'elle n'avait pas suffisamment défini son rôle d'intérêt public. Si nous avions constaté que le seul objectif de la BDC était de réaliser des bénéfices et de payer un dividende, nous aurions certainement soulevé la question de son rôle d'intérêt public parce qu'il ne s'agit pas d'une banque du secteur privé. La BDC devrait avoir établi d'autres objectifs correspondant à son rôle d'intérêt public. Nous avons constaté dans ce cas qu'elle l'avait fait. Autrement, nous l'aurions signalé. Nous ne nous serions peut-être pas prononcés sur le bien-fondé des niveaux choisis, mais nous nous serions attendus à ce que le conseil d'administration le fasse.

Le sénateur Moore : Vous avez posé une question aussi intéressante que fondamentale. Comment avez-vous déterminé que la Banque assumait ses responsabilités publiques et s'acquittait de son mandat? Sur quoi vous êtes-vous fondés? Le nombre de demandes présentées, le nombre de demandes approuvées, le volume? Comment avez-vous quantifié les résultats pour déterminer si la BDC agissait en fonction de sa raison d'être?

Mme Fraser : Le sénateur peut consulter à ce sujet notre rapport d'examen spécial. Nous notons, dans les paragraphes 39 à 43, je crois, que la Banque avait défini des indicateurs de rendement particulièrement liés à ses objectifs d'intérêt public, comme les taux de survie des entreprises en démarrage.

Nous mentionnons en outre que la BDC a des cibles opérationnelles précises par type de prêts, comme les services bancaires aux Autochtones et les jeunes entrepreneurs. Elle a établi un certain nombre d'indicateurs de rendement qui, à son avis, illustrent la façon dont elle s'acquitte de son mandat d'intérêt public. Ces indicateurs n'existaient pas auparavant. Nous avons donc noté que la Banque avait procédé à cette analyse et qu'elle avait réalisé des progrès à cet égard.

Le sénateur Moore : Avez-vous examiné l'historique de la Banque, en allant au-delà de la courte période pendant laquelle vous avez procédé à cet examen?

Mme Fraser : Non. Nous avons simplement déterminé si la BDC a fait ce travail, si elle a défini les indicateurs et si elle faisait le suivi nécessaire. Nous n'avons pas procédé à une évaluation des tendances des indicateurs et n'avons même pas déterminé si ces indicateurs étaient adéquats.

Le sénateur Massicotte : C'est probablement l'aspect le plus important de la revue de la BDC et l'objectif le plus critique que nous ayons. Le président a cité le libellé exact de la loi. Il s'agit d'aider les petites et moyennes entreprises. Vous dites que la Banque s'acquitte de ce mandat et que, si ce n'était pas le cas, votre examen l'aurait révélé.

J'aimerais remonter un peu plus loin. Je suppose que la raison pour laquelle la loi est ainsi conçue, c'est qu'on a fait une analyse et qu'on en a conclu qu'il manquait quelque chose sur le marché, que le secteur privé ne pouvait pas satisfaire ces besoins et que le gouvernement devait créer une société d'État pour y répondre. Comme nous avons une économie de marché, nous croyons que le gouvernement ne devrait intervenir que pour définir des règles et combler des lacunes.

Disposons-nous de preuves empiriques établissant, surtout dans le cas des consultants en capital de risque, qu'il y a des lacunes sur le marché et, par conséquent, que le gouvernement et les contribuables doivent subventionner ce rôle parce que c'est dans l'intérêt économique de tout le pays?

Mme Fraser : C'est une question intéressante qu'il serait très bon de discuter avec la Banque. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé préliminaire, nous avions formulé des critiques au sujet des indicateurs de rendement pour les services consultatifs. La BDC mesure des choses telles que la satisfaction des clients, mais cela n'en dit pas suffisamment sur les résultats. En avons-nous pour notre argent? Il devrait y avoir des indicateurs de rendement permettant de suivre les résultats à long terme et de déterminer les conséquences des activités de la Banque sur les petites entreprises et l'économie, en général, dans une perspective d'intérêt public. La BDC doit en faire plus dans ce domaine pour démontrer au Parlement et aux Canadiens qu'elle joue un rôle utile et qu'elle sert l'intérêt public.

Toutes les sociétés d'État doivent indiquer très clairement de quelle façon elles s'acquittent de leur mandat d'intérêt public. Autrement, elles n'ont pas leur raison d'être puisque le secteur privé peut faire la même chose. Nous avons insisté dans beaucoup de nos examens spéciaux sur le rôle des conseils d'administration partout où le mandat d'intérêt public n'est pas bien défini et où il n'existe pas d'indicateurs à ce sujet. Au cours de l'examen spécial précédent, nous avions soulevé cette question. Nous avons été heureux de constater que la Banque avait commencé à définir plus clairement ses objectifs d'intérêt public, mais il reste encore des lacunes.

Le sénateur Massicotte : Vous vous rendez compte, j'en suis sûr, que lorsqu'une organisation fait elle-même l'analyse, il y a toujours une certaine partialité qui tient à la nature humaine. Nous voulons tous être plus grands, meilleurs, plus importants. On peut donc être sûr que les résultats sont positifs dans le cas de la BDC. Toutefois, vous autres, vérificateurs, avez l'indépendance et la crédibilité pour évaluer les arguments présentés dans l'intérêt des Canadiens.

Mme Fraser : Notre mandat dit clairement que nous ne faisons pas d'évaluations. Notre rôle se limite à déterminer si l'organisation elle-même a mis en place les mesures nécessaires pour évaluer sa propre efficacité. On s'attend à ce que ces mesures soient objectives. Nous pouvons bien sûr vérifier l'efficacité des évaluations, mais nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes. Je crois qu'une revue décennale constitue une excellente occasion de poser ce genre de questions à l'organisation en cause.

Le sénateur Kochhar : La BDC verse un dividende assez élevé au gouvernement. C'est une bonne chose, mais cela ne fait pas vraiment partie de sa mission. Sa mission consiste à aider les PME en prenant un certain degré de risque. Au lieu de verser un dividende aussi important, croyez-vous que la Banque devrait prendre encore plus de risques afin d'aider la petite entreprise?

Mme Fraser : Comme vous le savez, le Bureau est très prudent quand il s'agit de formuler des observations sur la politique. Il est clair que l'équilibre à établir entre la rentabilité et le risque relève de la politique.

Le président : Sénateurs, si vous avez des questions que nous n'avons pas eu l'occasion de poser aux représentants de la BDC, nous pouvons toujours leur demander de revenir. C'est peut-être nécessaire, ou peut-être pas.

Le sénateur Harb : J'ai eu le plaisir de siéger à un comité avec notre vérificatrice générale. Je sais qu'elle est sévère, équitable, crédible et raisonnable. Je sais aussi que, d'ordinaire, elle ne fait jamais de compliments face à l'incompétence. La BDC peut être fière de ce que vous avez dit ce matin. Je tiens à vous remercier.

Avez-vous eu l'occasion de jeter un coup d'œil aux propositions faites par la BDC en ce qui concerne la modification de la loi?

Mme Fraser : Je crois que beaucoup de gens seraient surpris d'apprendre que le fait de recevoir une opinion ne signalant pas d'importants problèmes n'est pas très courant dans les sociétés d'État. Beaucoup d'entre elles connaissent des problèmes sérieux. C'est effectivement un rapport très positif sur la gestion de la BDC.

J'ai en main le document produit par la Banque, mais nous n'avons procédé à aucune analyse. Nous n'avons pas d'observations à formuler sur les aspects qu'elle souhaite voir modifier.

Le sénateur Harb : Est-ce que l'optimisation des ressources faisait partie de votre examen?

Mme Fraser : Nous avons cherché à déterminer si la BDC avait des indicateurs pour mesurer son propre rendement, si le conseil d'administration supervise la définition de ces indicateurs et comment il évalue le rendement de la Banque. Nous ne faisons pas nous-mêmes des évaluations de l'efficacité.

Le sénateur Harb : Au paragraphe 6 de votre exposé, vous dites :

La Banque possède des moyens et des méthodes efficaces notamment en matière de gouvernance, de planification stratégique, de gestion des ressources humaines et de financement.

Les représentants de la BDC qui ont comparu devant nous hier nous ont dit que la gouvernance était justement une des choses à améliorer. De votre côté, vous dites qu'ils font du bon travail. Ils font peut-être du zèle en souhaitant une meilleure gouvernance. L'amélioration qu'ils demandent, c'est une modification de la loi autorisant le conseil d'administration à déléguer des pouvoirs à ses comités. Certains de mes collègues ont posé des questions à ce sujet. Est-ce que cela améliorerait la gouvernance ou l'affaiblirait? Abordez-vous ce sujet dans votre rapport?

Mme Fraser : Ce n'est pas une chose que nous avons examinée en particulier. Nous nous sommes souciés davantage de la compétence du conseil d'administration, de la nomination de ses membres et de l'information qu'ils reçoivent pour s'acquitter de leurs fonctions de supervision.

Je me trompe peut-être, mais j'ai bien l'impression que la loi prescrit assez rigoureusement les délégations de pouvoirs que le conseil d'administration est autorisé à faire, et ce, uniquement à son bureau. Aujourd'hui, la plupart des conseils d'administration ont des comités responsables, par exemple, de la gouvernance, des ressources humaines et de la vérification. Il est courant que la plupart des conseils délèguent des pouvoirs à leurs différents comités. Ce serait donc une façon de moderniser la loi.

Le sénateur Ringuette : Au paragraphe 10 de votre exposé, vous dites :

[...] même si la Banque a amélioré sa planification stratégique visant les technologies de l'information, elle ne dispose toujours pas d'indicateurs de rendement dans ce domaine, ni d'une politique générale de sécurité des TI, ni d'analyses coûts-avantages pour certains de ses projets informatiques.

Hier, les représentants de la BDC nous ont dit qu'ils ont investi 1,2 milliard de dollars de capital de risque dans 450 entreprises de haute technologie. Est-ce là l'explication de ce que vous dites au paragraphe 10? Les analyses coûts-avantages relatives aux investissements dans ces entreprises de haute technologie sont-elles insuffisantes?

Mme Fraser : Nous parlons plutôt des services informatiques internes de la BDC. Nous avons dit que lorsque la Banque réalise des projets, elle doit faire à l'interne de meilleures analyses coûts-avantages. Notre observation n'est pas liée aux investissements de la Banque.

Le sénateur Ringuette : Les investissements dans les PME?

Mme Fraser : Non.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être présente ce matin, votre rôle est très important. Ce sujet n'est pas nécessairement facile parce qu'il faut toujours déterminer le rôle de l'entreprise et le besoin relatif au marché.

Lorsqu'on regarde leurs recommandations, ils disent qu'ils satisfont le rôle prévu dans la législation et ils veulent augmenter leur autorité et leur pouvoir. Vous avez répondu tantôt que vous n'avez pas étudié cet aspect, mais étant donné que vous comprenez très bien l'entreprise, je veux une opinion sur ces sujets? Vous êtes très compétente et très habile. On en parle continuellement avec tous les éloges que vous recevez. J'aimerais avoir une discussion avec vous sur certaines recommandations.

Vous avez fait des commentaires tantôt sur le besoin de comités au conseil d'administration. L'argument peut être fait concernant la modernisation. Souvent le conseil peut déléguer des autorités. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas.

Toutefois, pour les outils additionnels, cela me ramène un souvenir. Récemment, on a questionné la BDC et l'EDC sur leur rôle particulier d'inciter l'économie canadienne, un rôle très important et très justifié, à mon avis. Quand ils ont témoigné devant nous, ils nous ont expliqué que ces pouvoirs étaient temporaires parce qu'il n'y avait pas d'expertise dans ce sens. Cela m'a fait sourire un peu : lorsque c'est temporaire, cela devient souvent permanent. Une des autorités qu'ils recherchent, ce sont des nouveaux outils. Ils parlent de faire des prêts à des fiducies. Ce n'est pas menaçant. On devrait permettre cela mais je pense qu'ils cherchent aussi un pouvoir, après avoir obtenu une autorité temporaire, ils veulent avoir une discrétion plus permanente vers ce rôle. Avez-vous une opinion sur cet aspect? Pourquoi est-ce que la Banque de développement du Canada veut-elle une discrétion plus permanente?

Selon les informations que nous recevons, le marché est rétabli pas mal bien au Canada. Est-ce qu'il y a une raison de donner ces outils à la Banque de développement du Canada?

Mme Fraser : Monsieur le président, on ne peut pas commenter ce sujet. La société doit bien expliquer le besoin et, par la suite, c'est aux parlementaires de décider si le mandat doit être modifié ou non. Nous n'avons pas fait d'étude là-dessus et il serait inapproprié de notre part d'en discuter.

Le président : Voulez-vous tenter une autre question?

Le sénateur Massicotte : Oui, je m'attendais à cette réponse. Effectivement dans votre rapport, vous êtes très satisfaite des contrôles et vous soulevez quelques lacunes qu'ils devraient étudier, surtout dans le domaine de la consultation. Vous n'avez pas fait des commentaires sur le capital de risque. Avez-vous des commentaires à ce sujet? Est-ce que les critères sont adéquats?

Mme Fraser : Nos collègues, qui ont étudié ce sujet, vont répondre à cette question.

Gérald Daly, associé, Raymond Chabot Grant Thornton : En ce qui a trait à la question du capital de risque, au moment où on a fait notre travail, la Banque de développement du Canada venait de réévaluer sa position en capital de risque et venait de recevoir une étude importante sur la façon de le faire. Au moment où on a fait notre travail, la Banque de développement du Canada avait déjà mis en place certaines recommandations du rapport en question et était en train d'en mettre d'autres en vigueur. C'était beaucoup trop tôt pour pouvoir commenter. C'est pour cela que dans le rapport vous n'avez pas des commentaires particuliers sur la réussite de ces changements.

Un an plus tard, c'est peut-être autre chose, mais au moment du rapport, on a dit peu de choses sauf ce qu'ils ont mis en place. On ne peut pas dire si cela a fonctionné ou non.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez du rapport Mackenzie?

M. Daly : Non, c'est un autre rapport qui date de trois ans.

Le sénateur Massicotte : Mackenzie, c'est plus récent.

M. Daly : On ne l'a pas étudié parce que ce n'était pas dans le cadre de notre mandat.

Le sénateur Massicotte : Hier, on s'est fait dire que le rapport Mackenzie a soulevé une tonne de lacunes de leur pratique dans le marché canadien et cela va être corrigé. Dans le futur, cela va être profitable et on va bien faire cela. Notre réaction est un peu cynique parce qu'il y a six ans on a entendu la même chose pour la révision.

Vous dites qu'il y en a eu un autre il y a trois ans. Je présume qu'il était bon mais non, car ils ont continué à perdre de l'argent, 100 millions de dollars ou plus, en 2008, je crois? Cela ne vous alerte pas?

M. Daly : Je ne peux pas commenter sur la perte d'argent car on n'a pas fait de travail là-dessus. On a réalisé que les meilleures pratiques leur avaient été proposées. Elles ont été mises en place. Une meilleure pratique permet de mieux travailler, mais ne garantit pas le succès.

Le sénateur Massicotte : Ils travaillent bien, mais les résultats sont bons à rien.

M. Daly : Ils travaillent bien.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Pour faire suite aux questions du sénateur Massicotte, vous avez bien dit que vous ne vous occupez pas des pertes, n'est-ce pas?

M. Daly : Nous n'avons pas examiné les pertes subies après.

Le sénateur Moore : Après votre période d'examen de 2008?

M. Daly : C'est exact.

Mme Fraser : Nous sommes au courant des résultats financiers parce que nous faisons chaque année la vérification des états financiers. Toutefois, le fait qu'il y ait des pertes n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Tout dépend du mandat dont il faut s'acquitter et des risques pris. Encore une fois, nous revenons à la question de savoir si la Banque a correctement défini son rôle d'intérêt public et les fonctions qu'elle doit remplir sur le marché en établissant des indicateurs de rendement.

Le sénateur Moore : Les pertes ont sensiblement augmenté l'année suivante. Je pensais que vous l'auriez noté et que vous auriez posé des questions sur les motifs.

Vous occupez-vous du capital de base de la BDC? Cherchez-vous à déterminer si son capital versé est suffisant?

Mme Fraser : Encore une fois, il s'agit d'une décision stratégique du gouvernement. Je sais que c'est l'un des aspects que la Banque voudrait voir réviser, mais nous n'avons pas examiné le bien-fondé de sa demande.

Le sénateur Moore : La Banque voudrait que le plafond du capital versé soit purement et simplement supprimé. Comme je l'ai dit hier, je suis un peu vieux jeu. J'estime que si la BDC souhaite dépenser des fonds publics, elle devrait s'adresser au Parlement et expliquer ses raisons. Croyez-vous qu'on devrait lui donner carte blanche à cet égard?

Mme Fraser : Encore une fois, c'est une décision qui vous appartient.

Le sénateur Moore : J'ai déjà pris ma décision. Je voulais savoir ce que la vérificatrice en pense.

Mme Fraser : Je comprends un peu la position de la Banque, qui est actuellement très proche de la limite fixée dans la loi. S'il est nécessaire d'injecter davantage de capital, le processus consistant à modifier la loi peut être long. S'il y avait un autre plan d'action économique, la BDC aurait besoin d'une modification de la loi pour majorer le plafond. Je peux comprendre la difficulté que cela représente pour elle. La question à trancher est de savoir s'il convient ou non de fixer une limite. Bien sûr, chaque fois qu'il faut injecter du capital, la Banque doit passer par tout un processus.

Le sénateur Moore : Les deux Chambres ont adopté très rapidement les mesures législatives nécessaires, reconnaissant les délais et les besoins économiques. Cela s'est fait en l'espace de quelques semaines. Il est intéressant de noter que lorsque les représentants de la Banque nous ont donné hier la ventilation des fonds déboursés, nous avons découvert que la plus grande partie de l'argent a été accordée cette année. J'ai trouvé cela surprenant. Cela ne s'est pas fait en 2008 ou en 2009. C'était juste cette année.

Je comprends bien que vous ne vous occupez pas de la politique, mais je vous remercie pour vos commentaires.

Le président : Y a-t-il des pratiques courantes dans le cas des sociétés d'État? Connaissez-vous des sociétés d'État dont le capital n'est assujetti à aucune limite? Ou bien ont-elles en général un plafond?

Mme Fraser : J'ai l'impression qu'il y a en général un plafond. Nous n'avons pas fait d'études à ce sujet, mais je crois bien que des limites sont définies.

Le sénateur Gerstein : La Loi sur la Banque de développement du Canada décrit les critères sur lesquels la Banque doit se fonder pour offrir un prêt ou une garantie à un client. Je pense que le premier critère est que la personne en cause exploite ou est sur le point d'exploiter une entreprise au Canada. Ce critère est parfaitement clair. Lors de leur comparution hier, les représentants de la Banque ont demandé que leur mandat, tel qu'il figure dans la loi, soit modifié pour préciser que le premier critère se fonde sur l'avantage pour le Canada, ce qui n'est pas aussi clair.

Je soupçonne que c'est encore là une question de politique. Toutefois, j'aimerais savoir comment des vérificateurs examinent la situation sur la base de critères parfaitement clairs, d'une part, ou pas très clairs, de l'autre.

Mme Fraser : Le sénateur a bien raison de dire que c'est une question de politique. C'est aussi une très bonne question. Que ce soit pour une entreprise ou pour le Parlement, on peut se demander comment définir l'avantage pour le Canada. C'est une question que les vérificateurs se poseraient. Quels sont les critères établis pour déterminer l'avantage pour le Canada? Comment savoir si une chose est avantageuse pour le Canada? Si les réponses ne sont pas claires, les vérificateurs se poseraient certainement des questions sur certaines des activités de l'organisation.

Le sénateur Gerstein : Je dirais que c'est une réponse très utile. Cela me ramène à votre rapport.

Lorsqu'une entreprise se rend compte de l'existence d'une occasion, je suis sûr que le facteur temps est critique dans la plupart des cas. Je soupçonne que, le plus souvent, un prêt retardé ne vaut pas mieux qu'un prêt refusé.

Vous dites au paragraphe 9 de votre exposé :

La BDC a besoin d'indicateurs de rendement plus complets afin d'évaluer l'efficacité de sa stratégie de consultation.

Avez-vous des observations à formuler au sujet des indicateurs que la Banque pourrait avoir concernant les délais de traitement d'un prêt? Y aurait-il quelque chose à faire pour accélérer le processus? Y a-t-il, à votre connaissance, des indicateurs quelconques à cet égard? Vous parlez en particulier de la stratégie de consultation. Je m'intéresse au processus d'approbation des prêts.

Mme Fraser : Je vais demander à Mme Cheng de répondre.

Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général du Canada : Le sénateur parle des indicateurs de consultation qui concernent les activités non financières de la Banque. Ces activités ne comprennent donc pas le traitement des prêts, par exemple. Elles ont trait aux services de gestion. Quand une entreprise prend de l'expansion, l'un des secteurs d'activité de la BDC consiste à la faire profiter de son expertise en gestion. C'est un secteur distinct de celui de l'octroi des prêts. Ce dont vous parlez s'inscrit dans les activités financières de la Banque. Celle-ci a des politiques et des processus détaillés sur les conditions d'approbation des prêts et sur les délégations de pouvoirs accordées aux différents niveaux pour accélérer le processus.

L'un des problèmes qui se posent lorsqu'une petite entreprise est en rapport avec une grande organisation, c'est qu'il faut obtenir des approbations à un niveau assez élevé. Cela occasionne souvent des retards. Évidemment, les petites entreprises ont besoin de liquidités pour agir. La BDC est consciente de ce fait.

Dans le cadre de ses activités courantes, la Banque fait des enquêtes pour comprendre les besoins. Pendant que nous procédions à notre examen spécial, elle était en fait en train de repenser ses processus administratifs en vue d'accélérer l'approbation des prêts sans pour autant compromettre les objectifs commerciaux, puisque la Banque doit aussi être financièrement autonome.

Si vous examinez ses secteurs d'activité, vous constaterez qu'elle travaille dans un domaine bien établi qu'elle connaît très bien. Au fil des ans, son portefeuille de prêts s'est développé tandis que sa provision pour prêts douteux restait assez stable. Nous pouvons nous en rendre compte au cours de nos vérifications financières. La Banque sait évaluer et gérer le risque. Elle fixe ses prix en conséquence.

Le sénateur Gerstein : Vous n'avez pas répondu à ma question. Quand on dit qu'une chose prend une éternité, l'éternité ne va peut-être pas au-delà de la semaine prochaine. Pour quelqu'un qui attend l'approbation d'un prêt, une ou deux semaines peuvent représenter une éternité. Je ne dis pas non plus qu'il faut approuver un prêt en l'espace de quelques jours.

Ma question est la suivante : examinez-vous les indicateurs de rendement relatif aux délais de traitement des prêts? Avez-vous une opinion positive ou négative au sujet des délais actuels de la Banque?

Mme Cheng : C'est un aspect dont Mme Fraser a parlé, à savoir l'évaluation de l'efficacité dont la Banque fait preuve dans son travail. L'examen spécial était concentré sur la façon dont la BDC travaille et sur les indicateurs mis en place. La Banque dispose d'indicateurs ayant trait à ses activités de financement qui lui permettent de déterminer les délais de traitement des prêts et la mesure dans laquelle ils sont raisonnables.

Le sénateur Gerstein : Formulez-vous des observations à ce sujet? Avez-vous une réaction quelconque? Trouvez-vous ces délais un peu trop longs, un peu trop courts?

Mme Cheng : Non. Nous formulons des observations sur la question de savoir si la Banque a des processus permettant de surveiller ce qui se passe et si elle s'en sert correctement.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : En fait, j'ai trois questions à poser, mais je vais joindre les deux premières, pour accélérer le processus.

Premièrement, j'aimerais savoir si, lors de votre évaluation, vous avez regardé et comparé avec d'autres banques de développement d'autre pays. Deuxièmement, j'aimerais connaître le rôle de Raymond Chabot versus le rôle de votre bureau. Quel rôle a chacune des deux entités?

Mme Fraser : D'abord, on ne fait pas de comparaison avec d'autres banques semblables. C'est vraiment une évaluation ou une revue des processus de la Banque de développement du Canada.

Quant à nos rôles, nous sommes des vérificateurs conjoints. Au niveau de la vérification des états financiers, les deux entités signent l'opinion. On planifie les mandats ensemble. On partage le travail. C'est vraiment un travail conjoint du cabinet avec le Bureau du vérificateur général. On a des mandats conjoints dans quatre ou cinq sociétés d'État. Cela existe depuis très longtemps dans plusieurs des mandats. Je trouve que cela fonctionne bien. On partage des expertises parfois différentes et on divise le travail à peu près également. Évidemment, l'opinion est une opinion des deux parties.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma dernière question est reliée aux activités.

Apparemment, certains entrepreneurs critiquent, disant que la banque serait trop conservatrice — c'est un mot un peu immoral ici — concernant le niveau de risque qu'ils sont prêts à accepter pour les petites et moyennes entreprises. Peut-être devrait-on dire les petites entreprises plutôt que les moyennes, parce que, généralement, les moyennes sont venues il y a quelques années.

Hier, on m'a expliqué pourquoi ils avaient 23 fonds dans lequel ils investissaient les 330 millions de dollars dans le venture. Une partie de ces fonds n'est pas administré directement. Avez-vous examiné ceci?

Je ne questionne pas le fait qu'ils n'ont pas fait beaucoup d'argent et qu'ils n'ont pas eu un rendement, parce que, dans ce domaine, on ne s'attend pas à cela.

Je voudrais savoir si le fait qu'une partie de leur équité — ce n'est pas eux qui le gèrent mais des fonds à l'extérieur où ils investissent ensemble — augmente leur performance?

Cela rejoint un peu ce que le sénateur Kochhar disait, le fait de payer un dividende, c'est sûr que s'ils prenaient plus de risques, peut-être qu'ils paieraient moins de dividendes. Est-ce que la mesure que vous prenez nous dit qu'ils ont agi en bon père de famille pour les citoyens canadiens? Sont-ils trop rigides dans leur formule de prêt? Il y a un côté subjectif là-dedans?

C'est pour cela que je pose la question. Somme toute, qu'est-ce qu'on répond aux gens qui disent : « J'ai soumis mon dossier et ces gens me demandent la lune, je suis une petite entreprise, je ne peux pas remplir ces critères. » Selon vous, lorsque vous avez regardé des dossiers, est-ce qu'ils sont vraiment tellement proches des grandes banques que, à toutes fins pratiques, les grandes banques pourraient faire le travail?

Mme Fraser : Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est vraiment une décision du conseil sur le rôle que la banque doit jouer par rapport à leur politique publique et l'équilibre qui doit être fait entre le niveau de risque qu'ils assument et la rentabilité. C'est sûr qu'ils ont certaines attentes du ministère des Finances et certaines attentes quant à leur performance financière.

Nous ne commentons pas si l'équilibre est approprié ou non. Est-ce qu'ils en ont établi un? Est-ce qu'ils ont bien défini le rôle avec les indicateurs de performance qu'on s'attendrait de voir dans une société d'État? Comme on sait tous, si c'était simplement un indicateur financier, il n'y aurait pas de raison d'avoir une société d'État. Le secteur privé peut le faire.

Alors ils ont une mission assez spécifique. Il ne s'agit pas de complémenter le secteur privé. Ils doivent bien définir ce mandat. On note qu'ils ont fait du progrès. Quand ils investissent spécifiquement dans des entreprises ou dans des fonds, encore là c'est une décision que doit prendre le conseil d'administration et les gestionnaires de la société, ce n'est pas à nous de commenter là-dessus.

La seule chose qu'on peut dire est la suivante : est-ce qu'ils ont bien évalué ces méthodes? Est-ce qu'ils sont bien conscients des risques et modalités? À part de cela, c'est vraiment une décision de l'administration.

Le sénateur Hervieux-Payette : Donc, vous n'avez pas étudié où ils avaient mis l'argent dans les fonds?

Mme Fraser : Pas pour questionner le modèle de mécanisme qu'ils devraient utiliser, non.

Le président : Pour fins de clarification, si la banque ou une autre institution, dont vous faites la vérification, avait fait un investissement en dehors de son mandat, cela donnerait lieu à un commentaire de votre part?

Mme Fraser : Absolument. Et dans un cas comme cela, on questionnerait surtout la gouvernance de la société. Comment est-ce possible qu'un investissement comme cela puisse se produire, parce que, évidemment, il y aura eu une faille en quelque part.

Le président : Par exemple, s'il y avait eu un investissement à l'étranger, un investissement dans une entreprise située en dehors du Canada, est-ce que cela aurait donné lieu à un commentaire de votre bureau?

Mme Fraser : Oui, même dans notre vérification financière, on aurait noté quelque chose comme cela aussi.

[Traduction]

Le sénateur Greene : Vous avez procédé à votre examen entre janvier et septembre 2008, il y a deux ans ou un peu plus. Cet intervalle correspondait à la fin de l'une des périodes de prospérité économique les plus longues que nous ayons connues depuis longtemps. Les conditions commençaient alors à changer, mais c'est aujourd'hui que nous savons qu'elles ne sont plus vraiment les mêmes maintenant. Nous avons affaire aujourd'hui à une économie différente de celle qui existait lorsque vous avez produit votre rapport.

Je suis heureux de noter que c'est un rapport très élogieux pour la BDC. Toutefois, nous commençons en même temps à entendre beaucoup d'entreprises se plaindre de la Banque et de ses pratiques.

Je vais vous poser une question hypothétique. Je sais que ce n'est pas très juste, mais je poserais quand même la question parce que je la juge importante. Nous connaissons actuellement une économie différente de celle qui régnait lorsque vous avez rédigé votre rapport. Dans votre évaluation des outils, indicateurs et processus utilisés par la BDC, avez-vous déterminé s'ils sont à la hauteur des exigences d'une économie très changée? Devraient-ils être différents?

Mme Fraser : Monsieur le président, je crois que le sénateur sait quelle sera ma réponse.

Le président : Il vit d'espoir.

Mme Fraser : Nous ne pouvons vraiment pas répondre à cette question à moins de procéder à un examen complètement différent de l'examen spécial que nous avons fait. Il faudrait faire une étude de l'efficacité de la Banque, ce que notre mandat nous interdit de faire.

La seule chose que je puisse vous dire, c'est qu'au cours de notre examen spécial, nous avons constaté que les pratiques de gouvernance étaient saines. Cela est rassurant. En présence d'une gouvernance très forte, de pratiques saines et d'un conseil d'administration engagé et bien renseigné, on peut s'attendre à ce que le conseil pose ce genre de questions aux gestionnaires pour s'assurer qu'ils se rendent compte des changements survenus et agissent en conséquence. Je pense que je n'irai pas plus loin.

Le sénateur Greene : Tout ce que j'essaie de faire, c'est signaler que nous avons un très bon rapport de la part de BDC et un rapport très élogieux de chez vous. En même temps, nous commençons à entendre parler de beaucoup d'insatisfaction parmi les clients de BDC. J'essaie tout simplement d'associer ces deux faits.

Mme Fraser : Il pourrait être utile pour le comité que la Banque lui explique de quelle façon elle évalue le risque, prend des décisions au sujet des prêts et définit son rôle en fonction de l'intérêt public. A-t-elle relevé le niveau de risque qu'elle est disposée à accepter dans cette période économique difficile?

Je suppose qu'il y aura toujours des clients éventuels qui sont insatisfaits parce que leur demande a été rejetée. Est-ce raisonnable? La Banque est-elle au courant? A-t-elle fait quelque chose pour changer ses pratiques ou bien continue-t-elle à agir comme elle l'a toujours fait? Il serait probablement utile d'en discuter avec les représentants de la BDC.

Le sénateur Greene : Lorsque nous les ferons revenir, nous vous demanderons de revenir aussi.

Mme Fraser : Ce serait peut-être un peu injuste.

Le sénateur Oliver : Un certain nombre de sénateurs vous ont déjà posé des questions au sujet des indicateurs de rendement. Vous y avez vous-même consacré une partie de votre exposé. Vous avez signalé deux choses que fait la BDC.

Premièrement, elle essaie de déterminer si ses clients sont satisfaits, ce qui est très subjectif. « Nous vous avons accordé un prêt et vous avez dit au téléphone que vous avez bien aimé la façon dont nous l'avons fait. » La seconde chose concernait la fidélisation de la clientèle : « Avons-nous réussi à garder ce client après lui avoir accordé un prêt, ou bien s'est-il adressé à un autre prêteur? » Les deux indicateurs sont plutôt subjectifs. La Banque devrait avoir quelque chose de plus objectif. Vous avez dit qu'elle avait besoin d'indicateurs « plus complets ».

D'après les autres vérifications que vous avez faites, les autres sociétés d'État ont-elles des indicateurs de rendement plus objectifs que la satisfaction de la clientèle?

Mme Fraser : Permettez-moi de préciser que ces observations portaient sur les services consultatifs de gestion et non sur les services de crédit. Nous nous attendions à trouver des indicateurs donnant une idée de la mesure dans laquelle les activités de consultation de la Banque ont aidé les entreprises bénéficiaires à se maintenir, à croître ou à se renforcer avec le temps. Il lui appartient de faire de meilleures évaluations.

Le sénateur a bien raison. Demander aux clients s'ils sont satisfaits des services qu'ils ont reçus est insuffisant. La Banque doit montrer que les services qu'elle a donnés ont abouti à des résultats concrets. Ont-ils entraîné une augmentation de la rentabilité? Il y a des indicateurs objectifs qu'il est possible d'utiliser. Les entreprises bénéficiaires ont-elles réussi à survivre? Demeurent-elles rentables? Beaucoup de ces sociétés sont fragiles. Ce sont là quelques-uns des indicateurs que la Banque pourrait utiliser.

J'hésite à en mentionner d'autres, mais je suis sûre qu'elle pourrait trouver des indicateurs utiles auprès d'autres institutions financières fédérales.

Le sénateur Oliver : Elle pourrait avoir des indicateurs complets et objectifs.

Mme Fraser : Oui, elle pourrait s'en servir pour mesurer son rendement.

Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait poser une question très courte?

[Français]

Il me reste à vous remercier de votre participation, madame Fraser et les membres de votre équipe interne et externe. Vous êtes toujours un témoin intéressant et instructif pour nous. Je pense que votre témoignage ce matin a beaucoup aidé le comité dans son travail.

[Traduction]

Pour la seconde partie de la réunion, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Jean-Michel Laurin, vice-président aux affaires mondiales, Manufacturiers et exportateurs du Canada.

[Français]

Je vous laisse faire votre présentation.

Jean-Michel Laurin, vice-président, Affaires mondiales, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Merci, monsieur le président. Je vais faire mes commentaires en anglais, mais je me ferai un plaisir de répondre dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

[Traduction]

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité au nom des Manufacturiers et Exportateurs du Canada pour participer à cette revue législative décennale de la BDC.

Avant de commencer, je voudrais vous dire quelques mots de l'association que j'ai le privilège de représenter. Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada constituent l'une des plus importantes associations industrielles du Canada et le porte-parole du secteur manufacturier et des entreprises mondiales du pays. Notre association représente plus de 10 000 importantes sociétés du Canada. Plus de 85 p. 100 de nos membres sont de petites et moyennes entreprises appartenant à tous les secteurs industriels et d'exportation du pays.

Le secteur manufacturier est encore le plus important de l'économie canadienne. Il représente des activités d'une valeur de 500 milliards de dollars, par rapport à 650 milliards au cours de l'année qui a précédé la récession. Les entreprises de fabrication du Canada représentent 13 p. 100 de la production économique totale du pays. Les manufacturiers emploient encore 1,8 million de Canadiens qui occupent des emplois hautement productifs et bien rémunérés. Ils paient un tiers des impôts perçus des entreprises canadiennes. Leur contribution est essentielle à la production des richesses qui permettent de maintenir le niveau de vie de tous les Canadiens.

Toutefois, le secteur manufacturier comprend bien plus que les sociétés qui fabriquent des produits. Les manufacturiers consomment près de la moitié des ressources produites et extraites par les secteurs canadiens de l'agriculture, des pêches, des forêts, des mines et du pétrole et du gaz. Ils représentent un tiers de la production du secteur canadien des services publics. Ils consomment 30 p. 100 de la valeur des services techniques, informatiques, de gestion des entreprises et d'ingénierie. En fait, chaque dollar de valeur créé par les manufacturiers canadiens génère 3,25 $ d'activité économique dans le pays.

Le secteur manufacturier est également un domaine d'innovation. C'est le secteur dont la fonction est de trouver des solutions aux problèmes de la clientèle. Les manufacturiers sont à l'origine des trois quarts des investissements des entreprises dans la recherche-développement et, ce qui est plus important du point de vue de l'innovation, ce sont eux qui introduisent sur le marché plus de 85 p. 100 de l'ensemble des nouveaux produits.

Nous convenons avec la BDC que le défi du Canada est de produire davantage d'innovateurs et d'entreprises qui concentrent leurs efforts sur la solution des problèmes de la clientèle par des moyens nouveaux et améliorés. C'est le rôle du secteur manufacturier et, en définitive, c'est ce qui maintiendra notre prospérité dans l'économie du XXIe siècle.

Les manufacturiers doivent être innovateurs parce qu'ils sont à l'avant-garde de la concurrence mondiale. Les produits manufacturés représentent les deux tiers de la valeur que le Canada tire de nos exportations de biens et de services au reste du monde. Le secteur manufacturier est aussi un domaine hautement intégré dont près de la moitié de la production est exportée aux États-Unis ou par leur entremise et dont environ 40 p. 100 des importations viennent du marché américain.

Les MEC sont heureux de participer à ces consultations parce que la BDC est un partenaire d'affaires qui offre des services inestimables à nos membres. On peut également dire que le secteur manufacturier revêt une grande importance pour la BDC. En fait, je crois qu'elle consacre un tiers de ses activités à nos membres.

Il est opportun que cette revue décennale ait lieu maintenant que nous commençons à nous sortir de la plus importante récession que nous ayons connue depuis la Grande Dépression et que les manufacturiers et exportateurs se préparent en vue de la reprise.

Comme le disent nos membres, si les entreprises font aujourd'hui la même chose qu'elles faisaient il y a 10 ans, elles ont certainement des difficultés. Si des manufacturiers ont l'intention de faire dans 10 ans la même chose qu'ils font aujourd'hui, ils ont de bonnes chances de faire faillite.

De toute évidence, le statu quo n'est pas envisageable en ce moment pour quiconque fait partie du secteur manufacturier. Les fabricants canadiens réussiront tant qu'ils continueront à créer des emplois aussi bien pour leurs clients que pour les investisseurs dans cette économie mondialisée à évolution rapide et à grand risque. Aucune entreprise ne peut baser aujourd'hui son avenir concurrentiel sur des coûts de main-d'œuvre peu élevés. Aucune entreprise ne devrait le faire. De plus, l'industrie canadienne ne peut pas soutenir la concurrence sur la base des grands volumes de production que peuvent assurer la taille du marché et de hauts niveaux de capitalisation.

Les manufacturiers canadiens tirent un avantage concurrentiel de leur flexibilité et de leur capacité de s'adapter rapidement à l'évolution de la demande de la clientèle, de se spécialiser pour desservir des créneaux de marché et de produire de la valeur ajoutée grâce à la qualité et aux soins qu'ils apportent à la solution des problèmes de la clientèle. Ces avantages concurrentiels prendront encore plus d'importance avec l'évolution actuelle et future des tendances du marché.

Dans un monde d'intense concurrence mondiale où les biens et les services se transforment littéralement en produits de base du jour au lendemain, les entreprises doivent se distinguer et mettre leurs produits en évidence afin de soutenir la concurrence et de croître. Les progrès rapides de la technologie modifient les capacités de production tout en créant de nouvelles perspectives d'affaires partout dans le monde. Les attentes des clients évoluent. Pour les entreprises, le caractère écologique et la durabilité sociale sont en train de devenir des pratiques de fonctionnement normales. Tandis que des contraintes de plus en plus importantes s'exercent sur la consommation d'énergie et de carbone, même les grands fabricants doivent se spécialiser sur le plan des produits et des procédés de fabrication.

Pour soutenir la concurrence et croître en présence de ces nouvelles réalités du marché mondial, les manufacturiers du Canada doivent concentrer leurs efforts sur le développement et la commercialisation rapides des nouveaux produits. Ils doivent adopter des technologies et des systèmes de production flexibles, automatisés, intégrés et reconfigurables. Ils doivent dégraisser leurs opérations pour faire ce que leurs clients souhaitent et pour éliminer les activités qui ne représentent pas une valeur ajoutée. Ils doivent agir avec célérité parce que le temps constitue la devise du XXIe siècle. Ils doivent se rendre compte que leur entreprise a pour but non de livrer un produit, mais de se servir de ses capacités pour fournir des solutions à la clientèle. Ils doivent faire tout cela mieux, plus vite et à moindre coût que n'importe qui d'autre sur la planète. Bien sûr, c'est beaucoup exiger, mais c'est ce que font tous les jours les sociétés manufacturières qui réussissent au Canada.

En réalité, la production en soi constitue une part moindre de la valeur ajoutée dans le secteur manufacturier. Aujourd'hui, la valeur est aussi générée par le savoir et les services mis en œuvre pour résoudre les problèmes de la clientèle. De la valeur est créée et des bénéfices sont réalisés dans les domaines du développement des produits, de l'ingénierie, de la conception, du contrôle de la qualité, de la gestion des procédés et des matériaux, de la logistique, de la distribution, de la gestion de la chaîne d'approvisionnement et du service à la clientèle. Et n'oublions pas l'élément critique du succès en affaires, le financement.

De plus en plus, le succès d'une entreprise dépend de sa capacité de trouver les bons partenaires pour mettre en œuvre sa stratégie commerciale et assurer de la valeur à ses clients. Autrement dit, nous avons besoin de fournisseurs de services compétitifs pouvant s'adapter aux conditions changeantes du marché et soutenir la concurrence mondiale. L'accès à un financement compétitif est l'un des facteurs clés du succès de nos membres, et surtout des petits et moyens manufacturiers.

Les entreprises manufacturières ont besoin de beaucoup de capital et de technologies. Elles ont également besoin de dirigeants rapides, adaptables et hautement innovateurs. Il leur faut aussi des fournisseurs de services financiers capables de s'adapter aux conditions changeantes du marché et de travailler en partenariat avec des sociétés pour les aider à réaliser leur plan d'activité en mettant à leur disposition des solutions financières qui leur permettent, par exemple, de tirer parti des occasions de vendre et de s'approvisionner un peu partout dans le monde.

La BDC joue un rôle essentiel et dispense des services indispensables aux petits et moyens manufacturiers et exportateurs du Canada. Nos membres qui comptent parmi les clients de la BDC se félicitent en général de leurs relations avec la Banque, qui a su manifester de la souplesse au chapitre des conditions de financement des petits et moyens manufacturiers.

Voici ce qu'a dit à ce sujet l'une de nos PME membres de l'Ontario :

Il y a quatre ans, nous avons fait l'investissement commercial le plus important de l'histoire de notre entreprise. Nous avons acheté un terrain, construit une usine et acquis de nouvelles machines. Nous avons obtenu l'essentiel du financement de la BDC. Nous l'avons choisie non parce que ses taux étaient les plus bas — en fait ce n'était PAS le cas —, mais parce qu'elle s'est montrée flexible pour ce qui est des conditions générales du prêt. Nous n'aurions peut-être pas réussi à faire tout ce qu'il y avait à faire si la BDC n'avait pas été prête à travailler avec nous et à s'adapter à nos besoins comme elle l'a fait. Nous n'aurions jamais pu réaliser nos plans sans son aide.

La récente récession a montré que la BDC peut s'adapter aux conditions changeantes du marché dans les limites de son mandat et des moyens que le gouvernement a mis à sa disposition. Elle est constamment à la recherche de nouvelles solutions pour résoudre les problèmes des entreprises et a su faire preuve de souplesse pour travailler avec l'industrie en établissant, par exemple, un programme de financement des commandes dans un très court laps de temps.

Comme la nature du secteur manufacturier est en évolution rapide et que l'investissement dans l'innovation, les nouvelles machines, l'équipement ainsi que dans la vente et l'approvisionnement à l'échelle mondiale deviennent des facteurs critiques de succès, nous avons besoin de fournisseurs de services pouvant, comme la BDC, faire preuve de la souplesse voulue pour continuer à appuyer efficacement les petits et moyens manufacturiers. Il est également important que les fournisseurs de services soient en mesure de répondre aux nouveaux besoins qui se manifesteront dans les 10 prochaines années.

Par exemple, de plus en plus de nos membres cherchent à croître en investissant à l'étranger, en acquérant des parts de marché, en rachetant des concurrents en difficulté ou en créant de nouveaux établissements dans les marchés étrangers. Il est important pour les manufacturiers qui apprécient leurs relations d'affaires avec la BDC de pouvoir continuer à compter sur son appui tandis qu'ils réalisent leurs plans.

De plus, la BDC offre d'autres services importants aux petits et moyens manufacturiers et exportateurs ainsi qu'aux entrepreneurs, d'une façon générale. Au chapitre du capital de risque, la BDC joue un rôle important, mais nous souhaiterions qu'elle soit disposée à prendre un peu plus de risques. Elle devrait en outre avoir la flexibilité voulue pour innover, par exemple en établissant des consortiums de sociétés qui sont alors mieux à même d'accéder aux services professionnels et consultatifs ou en aidant les entreprises à trouver des chaînes d'approvisionnement soit au Canada soit à l'étranger.

Il est aussi important que la BDC puisse donner du financement à des taux compétitifs. Malgré les efforts déployés par le gouvernement au cours de la récession et même si les conditions de crédit se sont quelque peu améliorées au cours de l'année dernière, l'accès au financement — et particulièrement son coût et les conditions connexes — reste un problème important que doivent affronter nos membres, indépendamment de l'institution financière avec laquelle ils traitent.

Je vais m'arrêter là. Je serai maintenant heureux de répondre à toute question que vous voudrez bien me poser.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Laurin. Je crois que je vous inscrirai dans la liste des partisans de la BDC.

Le sénateur Ringuette : J'ai été très heureuse de vous entendre donner cet exemple d'un entrepreneur qui a acheté un terrain et a bâti une usine au Canada, créant des emplois dans le pays, avec l'aide de la BDC. C'est essentiellement là l'objet et le mandat actuel de la Banque. La BDC souhaite que son mandat soit étendu pour comprendre les investissements à l'étranger. Quelle serait la réaction des manufacturiers canadiens, de vos membres, si une entreprise canadienne demande tel ou tel montant pour créer des emplois au Canada et qu'une autre entreprise demande le même montant pour créer des emplois dans un autre pays? Quelle serait votre réaction?

M. Laurin : Il ne faudrait pas opposer les deux situations. C'est une idée fausse.

Le sénateur Ringuette : La BDC est plafonnée pour ce qui est du montant qu'elle peut prêter à des PME canadiennes.

M. Laurin : Nous demandons à nos membres, dans le cadre d'enquêtes et au cours de réunions, s'ils ont l'intention d'investir une fois que nous serons sortis de la récession et, si oui, quels sont leurs projets. Beaucoup d'entreprises nous disent que les occasions d'investissement se trouvent parfois au Canada. L'exemple que je vous ai donné est celui d'une société qui a investi au Canada. Toutefois, dans bien des cas, les entreprises nous disent que si elles veulent soutenir la concurrence et réussir dans leur secteur, elles doivent être en mesure de servir leurs clients partout dans le monde. Elles doivent être compétitives non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, en Asie, en Europe et partout ailleurs.

Beaucoup de sociétés envisagent de racheter des entreprises concurrentes des États-Unis. J'en entends souvent parler. Elles essaient d'acquérir des sociétés américaines. La récession a été dure pour les manufacturiers du Canada, mais, dans beaucoup de cas, elle a été encore plus dure pour ceux des États-Unis. Nos membres nous disent qu'ils veulent acquérir une part de marché aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Ils affirment qu'ils ne pourront pas autrement maintenir les emplois qu'ils ont actuellement au Canada. S'ils n'agissent pas de leur côté, des concurrents d'ailleurs pourraient le faire et accaparer ainsi une autre part du marché.

Quand on investit dans un autre pays, que ce soit les États-Unis, la Chine ou ailleurs, on le fait non pour ne pas investir au Canada, mais plutôt pour maintenir et développer ce qu'on possède au Canada.

Le sénateur Ringuette : Pas nécessairement. On investit parfois dans d'autres pays pour avoir accès à une main-d'œuvre moins coûteuse et pour réduire les coûts totaux nécessaires pour soutenir la concurrence. Par conséquent, un investissement à l'étranger peut en définitive réduire le nombre d'emplois dans le secteur manufacturier canadien.

M. Laurin : J'ai vu par exemple un certain nombre de transformateurs de métaux investir en Chine. Leur principal motif était de s'approvisionner en matières premières à un coût moindre. Ils n'avaient pas le choix. Beaucoup d'entreprises qui n'ont pas réussi à réduire leurs coûts assez rapidement pour réagir à une concurrence croissante et à la hausse du dollar ont malheureusement dû fermer leurs portes.

Nos membres nous disent qu'ils doivent parfois faire ces investissements à court terme pour réduire leurs coûts et maintenir des emplois au Canada. Toutefois, la nature de ce que nous faisons au Canada est en train de changer. Une grande partie de la production des produits de base à grand volume que nous avions l'habitude de fabriquer au Canada s'est déplacée à l'étranger. Aujourd'hui, nous concentrerons davantage notre attention sur les activités de production à valeur ajoutée qui sont davantage liées à la R-D et à l'innovation. Beaucoup de sociétés nous disent que si elles n'avaient pas fait d'investissements à l'étranger, elles n'auraient pas pu survivre.

L'autre raison pour laquelle beaucoup d'entreprises investissent en Chine, c'est qu'elles veulent commencer à faire des ventes sur ce marché. Dans beaucoup de marchés, il est impossible de vendre à moins d'avoir une présence locale.

Le sénateur Ringuette : Les PME qui sont plutôt moyennes que petites ont accès aux banques à charte canadiennes et à d'autres prêteurs, même dans le pays étranger où elles veulent faire des investissements. Ce n'est pas la même chose qu'un investissement financé par une société d'État avec l'argent des contribuables.

M. Laurin : Cela dépend. Nous avons constaté, surtout depuis la récession, que certaines institutions financières n'ont plus le même goût du risque. Il y a moins d'argent disponible, et les banques ont réduit les prêts accordés à certains secteurs. Par exemple, beaucoup d'entreprises qui alimentent la chaîne d'approvisionnement des produits automobiles ont de la difficulté à trouver du financement. Je peux vous donner d'autres exemples de sociétés de ce secteur qui disent qu'elles auraient fait faillite sans l'appui de la BDC, d'EDC ou des deux.

Vous avez bien raison de dire que le secteur privé joue un rôle important. Nous ne disons pas que le gouvernement devrait s'occuper de tout le financement, mais je pense que la BDC a un rôle à jouer, surtout dans les secteurs où le marché ne répond pas à la demande. Je n'ai pas discuté de ces questions avec les banques. Toutefois, en parlant avec les responsables de PME, j'entends souvent dire que, oui, il y a du financement dans le secteur privé, mais les conditions sont telles que certaines sociétés ne sont pas admissibles ou doivent, pour le devenir, accepter des contraintes susceptibles de compromettre d'autres projets qu'elles souhaitent réaliser.

Je ne dis pas que toutes les entreprises et tous nos membres doivent traiter avec la BDC, mais ceux qui ont établi de bonnes relations d'affaires avec la Banque souhaitent en général qu'elle montre suffisamment de flexibilité pour continuer à les appuyer dans tout ce qu'ils font.

Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont dirigé des entreprises, mais les entrepreneurs à qui je parle veulent avoir affaire à des gens qui connaissent bien leur secteur. Ils ne veulent pas avoir à expliquer constamment ce qu'ils font et en quoi consiste leur stratégie. Ils souhaitent avoir un partenaire de confiance parce que ce partenaire détient beaucoup de renseignements à leur sujet. En général, notre banque en sait davantage sur notre compte que n'importe qui d'autre, à part notre comptable.

Une fois que des relations de confiance se sont établies, les entreprises ne souhaitent pas nécessairement s'adresser à quelqu'un d'autre à moins d'y être obligées. Elles préfèrent continuer à traiter avec la personne en qui elles ont confiance.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je dirais, sur cette question particulière, que nous sommes d'accord, avec certaines réserves, parce qu'il faut protéger les intérêts des contribuables et des autres sociétés et PME. Quand vous parlez d'investissements à l'étranger, j'espère que vous pensez à des entreprises moyennes. Une petite entreprise ayant moins de 20 employés qui souhaite investir à l'étranger n'a ordinairement pas assez d'argent pour payer les déplacements nécessaires dans le courant de l'année. Qu'elle aille en Chine ou ailleurs, les frais de voyage épuiseraient toutes ses liquidités.

Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous parlez d'entreprises qui se sont développées avec l'aide de la BDC et qui ne veulent pas perdre leur mère poule. Je pense que si ces entreprises ont suffisamment grandi, elles devraient peut-être s'adresser à une banque privée.

Nos banques s'établissent de plus en plus à l'étranger. Elles en parlent depuis 25 ans, mais elles ont pris leur temps pour le faire. Elles ont maintenant beaucoup d'activités en Amérique latine. Bien sûr, à cause des frais de main-d'œuvre moindres, beaucoup de sociétés, comme Bombardier, ont délocalisé leur production au Mexique. En ce qui me concerne, nos banques devraient s'occuper du secteur privé. Des représentants du secteur bancaire doivent comparaître bientôt devant le comité. Nous leur demanderons pourquoi ils n'appuient pas le secteur privé.

Si j'ai bien compris, les entreprises se sentent plus à l'aise lorsqu'elles traitent avec la BDC. Ce n'est pas une décision d'affaires. C'est simplement qu'il y a des gens qui se connaissent et qui préfèrent maintenir ces relations. Pour moi, dans une optique de politique publique, ce n'est pas un bon critère. Les bons critères devraient comprendre la qualité du projet et de l'investissement. Le gouvernement du Canada ne devrait pas avoir à s'occuper d'autre chose.

Qu'en pensez-vous? Le seul argument que vous nous avez présenté, c'est que les entreprises se sentent plus à l'aise. Vous allez devoir me donner d'autres arguments pour me persuader.

M. Laurin : Je n'ai pas de statistiques à vous présenter à l'appui de ma thèse, mais je dispose de beaucoup de preuves anecdotiques du fait que nous avons des entreprises compétitives qui devraient avoir accès à du crédit. Surtout si on tient compte des conditions du marché au cours des deux ou trois dernières années, ces entreprises n'auraient pas pu réaliser leurs plans d'activité sans l'aide de la BDC et d'EDC. Vous devez comprendre que ces entreprises sont de nature anticyclique.

Je suis bien d'accord avec vous : d'une façon générale, les banques ont la possibilité de faire des choses que la BDC et, dans certains cas, EDC ne peuvent pas nécessairement faire. Je ne veux cependant pas engager cette discussion.

La taille de l'entreprise ne diminue en rien le fait qu'elle peut avoir besoin de croître à l'échelle internationale. Je peux penser, par exemple, à un de nos membres qui a moins de 20 employés. Je ne suis même pas sûr qu'il en a 10. Il s'occupe de capture du carbone et de technologies de stockage, mais son marché n'est pas au Canada. Son marché se trouve là où de nouvelles usines sont construites. Malheureusement, nous n'en construisons pas beaucoup au Canada en ce moment. Son marché se trouve surtout en Asie. C'était mon exemple d'une petite entreprise innovatrice à orientation internationale. Je ne crois même pas qu'elle ait réalisé des ventes quelconques au Canada.

Ne perdez pas de vue le fait que beaucoup de nouvelles petites entreprises n'ont pas nécessairement un marché au Canada. Elles ont ici le savoir et la technologie nécessaires pour mettre au point quelque chose, même si leur marché se trouve ailleurs.

Vous avez posé une question plus directe : Quel devrait être le rôle des banques privées par rapport à celui de la BDC et d'EDC? Certains secteurs disent que leurs membres continuent à traiter avec les banques privées. Toutefois, compte tenu du niveau de risque que les banques sont prêtes à prendre, elles sont en train de réduire les prêts qu'elles accordent à certaines entreprises, à cause de leur secteur, de leur emplacement ou d'autres facteurs. Ces entreprises disent : « Les banques n'aiment pas certains de nos clients. Nous devons donc aller chercher du crédit ailleurs. »

Le fait que nous ayons la BDC et EDC nous aide à développer la capacité du marché. Il est important de souligner que leur rôle complète celui que jouent les banques privées. Il y a un rôle complémentaire que quelqu'un doit assumer. Nous croyons que la BDC et EDC sont les organismes qui conviennent dans ce cas.

Le sénateur Hervieux-Payette : Le fait d'aider le secteur privé devrait être un critère, mais il ne faudrait pas que la BDC devienne une source unique.

M. Laurin : Le Programme de crédit aux entreprises a été établi dans le budget fédéral de 2008 ou 2009. Il a donné lieu à de nombreuses transactions. C'est un programme qui ne fait pas nécessairement appel à des fonds publics. Il s'agit essentiellement d'un mécanisme créé par le ministère de Finances pour permettre aux banques privées, la BDC et d'autres, de travailler en complémentarité. Le programme a fonctionné efficacement. Il a facilité des transactions et des marchés qui auraient été impossibles autrement.

Je crois que les affaires et le crédit se sont quelque peu améliorés cette dernière année, mais il y a régulièrement des entreprises qui nous disent que l'argent est là. Cela tient davantage aux conditions et au coût du crédit. Même si les taux sont bas, la différence que les entreprises doivent payer par rapport au taux de base demeure assez élevée pour entraver la croissance de beaucoup de sociétés canadiennes.

Le président : Nous avons signalé à la BDC que la loi actuelle ne l'autorise pas à prêter directement à l'étranger, mais qu'elle peut bien sûr accorder du crédit à une entreprise, ici au Canada.

Dans votre exemple d'une petite entreprise ayant une dizaine d'employés et dont le marché se trouve en Asie, en Amérique du Sud ou ailleurs, pourquoi la BDC ne pouvait-elle pas accorder un prêt à cette société canadienne, qui aurait pu s'en servir comme bon lui semble à l'étranger? Le seul argument qu'on nous a servi, c'est que cela risquait de fausser le bilan de la société.

M. Laurin : Je ne suis pas au courant des détails des transactions de cette entreprise particulière. L'important, ici, c'est que la limite entre ce qui est intérieur et ce qui ne l'est pas est en train de s'estomper. Je ne sais pas à quelle date la Loi sur la BDC a été rédigée, mais j'ai cru comprendre que c'était il y a plus de 10 ans. À ce moment, le commerce international était très simple.

Le président : Je comprends. Il n'y a pas de confusion possible entre la société ABC Canada Inc. et la société ABC Mexico Inc. Il s'agit de deux entités juridiques distinctes. Une pourrait être une filiale de l'autre. Y a-t-il des membres de votre association qui vous ont dit : « Nous avons pris contact avec la BDC, qui est disposée à nous prêter de l'argent. Nous en avons besoin au Mexique, mais la BDC ne peut nous accorder du crédit qu'ici, au Canada. Cela nous crée des difficultés »?

M. Laurin : J'ai déjà entendu cet exemple particulier. Cependant, nos membres ne nous diront pas par exemple que leurs ennuis sont attribuables aux dispositions de la Loi sur la BDC. Dans la plupart des cas, ils diront plutôt : « La BDC a dû annuler la transaction à cause de la nature du projet et de la façon dont il est structuré. Nous devons donc aller chercher de l'argent ailleurs. »

Si une entreprise achète des éléments d'actif à l'étranger, est-ce que la BDC peut montrer suffisamment de souplesse pour s'occuper d'une telle transaction? Cela dépend probablement des dispositions juridiques. Encore une fois, c'est une question à laquelle la BDC serait mieux placée que nous pour répondre.

Le président : À ma connaissance, la Banque a le droit d'accorder un prêt à une société canadienne.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas étonné que les manufacturiers appuient la proposition car dans vos souliers, plus il y de prêteurs, le mieux c'est, c'est évident. Je veux rétablir quelques faits sur les commentaires que vous avez faits. Vous êtes en accord que le rôle de la BDC est de satisfaire un vide du marché.

Comme compagnie de la Couronne, vous êtes d'accord qu'on ne devrait pas concurrencer ou s'impliquer dans le marché privé sauf s'il y a un vide. Vous n'aimeriez pas avoir de la compétition dans le secteur manufacturier Il faut démontrer au départ qu'il y a un vide. C'est vraiment sur ce point que j'aimerais me concentrer.

Vous avez dit qu'il n'y a pas de manque de liquidité, il ne manque pas de fonds comme tel, l'argent est toujours disponible. Le problème, c'est les conditions et peut-être les taux que les concurrents veulent charger pour ce risque et cette transaction. On va parler de cela un peu. Il y a toujours un prêteur disponible, ce n'est pas le problème. Le problème c'est qu'il va peut-être charger plus comme taux d'intérêt ou comme frais de transaction. Je voudrais discuter cet argument. On peut faire l'analyse. Quand vous regardez les états financiers de la BDC, le retour sur le capital investi, le retour sur les fonds que les contribuables du gouvernement prêtent à cette entreprise sont beaucoup sous les conditions du marché. Ils font un rendement de six à huit p. 100, tandis que les banques canadiennes font un rendement de 20 p. 100 avant impôt. Il y a une subvention assez importante des contribuables pour faire ces prêts à vos membres. Cela explique pourquoi ils sont beaucoup moins chers que les concurrents. Mais est-il valable que les contribuables subventionnent des prêts à votre entreprise?

Vous dites que si ces conditions favorables n'étaient pas disponibles, la transaction n'aurait pas été faite. Peut-être ne devrait-elle pas avoir lieu? Mais pourquoi elle devrait être faite si elle est financée par le contribuable? Où se situe le bénéfice du Canada dans ce sens?

M. Laurin : Merci pour votre question. En général, c'est un commentaire qu'on entend de nos membres régulièrement : les taux de la BDC ne sont pas moins chers, en général ils sont plus chers que ce qui est disponible sur le marché. Ce qu'on entend souvent, c'est qu'on va faire affaire avec eux parce que souvent ils ont un plus grand appétit pour le risque que les institutions financières traditionnelles.

Il y a un vide de marché, c'est un choix de société qu'on a à faire. Est-ce qu'il y a un rôle pour une institution financière autonome soutenue par les fonds publics sur le plan financier, qui a un plus grand appétit pour le risque et qui vient aider les entreprises à croître, à créer de l'emploi et qui, dans le fond, assure notre avenir économique? Ces transactions ne verraient pas le jour autrement parce que le type de secteur dans lequel ils sont n'est pas trop intéressant pour les banques traditionnelles, parce qu'elles ne sont pas capables d'avoir du financement aux termes et conditions dont elles ont besoin ou juste parce qu'il n'y a pas assez de capacités dans notre marché domestique. Donc, il y a un rôle pour une institution qui est capable de prêter à des conditions plus avantageuses pour ces entreprises.

La question du vide sur le marché, c'est de voir — je suis d'accord avec vous —, le rôle de l'institution comme la BDC. On ne veut pas qu'ils prêtent à perte et que cela devienne un fardeau pour le contribuable. Par contre, dans la mesure où ils sont capables de fournir du financement à des entreprises qui n'y auraient pas accès autrement, il faut regarder au-delà du financement. BDC est active dans le capital de risque où il y a vraiment un déficit de fonds au Canada.

L'institution a démontré pouvoir jouer un rôle positif dans ce marché. Si vous parlez aux gens du domaine des biotechnologies, ils vont dire que la BDC joue un rôle primordial dans le capital de risque au Canada, bien qu'ils ont une présence limitée par rapport aux fonds de pension, par exemple, elle joue un rôle assez important.

Comment on définit ce vide de marché, je ne suis pas expert pour le définir. Ce qu'on entend de la part de nos membres concerne le financement subordonné, le financement de deuxième niveau. La BDC est très présente dans ce marché. Elle a démontré beaucoup de flexibilité avec les entreprises dans lesquelles elle croit et qui ont de bons plans d'affaire, des bonnes stratégies et des résultats financiers. Cela démontre qu'elle ne prend pas de risques au delà de ce que le contribuable canadien pourrait s'attendre.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais comprendre, tantôt on a dit qu'il ne manque pas de capital, ce sont les termes et les conditions.

M. Laurin : Oui.

Le sénateur Massicotte : Là vous avez dit, non, les taux d'intérêt que la BDC sont moins élevés.

M. Laurin : Plus élevés, toujours plus élevés, c'est ce qu'on entend tout le temps.

Le sénateur Massicotte : Il y a une pénurie de quoi? Quelles sont les conditions auxquelles ils contribuent? Ils sont plus chers, il y a du capital disponible. Quels avantages offre-t-elle pour que les clients soient intéressés à supporter la BDC?

M. Laurin : Cela peut être la période de remboursement, les actifs pris en garantie, le pourcentage de garanties pris, le taux, c'est l'aspect le plus visible, mais il y a d'autres conditions. Dans le fond, si vous prenez une obligation financière avec une banque ou la BDC, c'est au niveau de ces conditions. Il y a une plus grande capacité d'être créatif et de trouver une façon de travailler.

Le sénateur Massicotte : Si on fait l'analyse d'un prêt, il y a la sécurité et les frais de la transaction. BDC est plus cher. Vous dites que le risque pris par la BDC est plus élevé que les autres. Il y a quelque chose qui cloche. Il y a une concurrence adéquate. J'essaye d'établir quel est le vide, pourquoi existe-t-il même?

M. Laurin : Ce qu'on entend, c'est que le taux est plus élevé, mais pour ce qui est des garanties demandées, la façon de structurer le prêt, ils sont plus flexibles. Autrement dit, les banques ne veulent pas prendre de risques alors que la BDC est prête à en prendre plus et à travailler avec nous pour structurer la transaction d'une façon plus convenable. Ainsi on peut aller de l'avant avec notre projet, autrement il faut trop mettre de garanties, cela compromet notre capacité d'emprunter ailleurs ou de satisfaire d'autres créanciers de première ligne.

Le sénateur Massicotte : Une chose est certaine, pour le client, c'est toujours trop cher. Quand on dit que c'est moins cher, c'est que le risque est inférieur. Il prend un risque subordonné, mais c'est toujours trop cher.

La BDC est là pour vous aider, c'est un modèle. Il s'agit d'être plus compétitif. On en entend beaucoup parler. Hier, le gouverneur de la Banque du Canada a dit que la productivité est un gros problème au Canada. On n'est pas assez compétitif.

Souvent le secteur manufacturier est pointé du doigt. Il n'investit pas assez, peut-être parce que la BDC ne fait pas son travail. C'est un problème majeur. Pourquoi vos membres ne s'engagent-ils pas plus sérieusement pour rendre notre économie plus productive et plus compétitive?

M. Laurin : Premièrement, je ne suis pas d'accord. Nos membres ont fait des efforts assez majeurs pour améliorer la productivité. D'ailleurs, la principale réponse des entreprises à l'appréciation du dollar, qui était à 65 cents, il y a 5 ou 6 ans, et qui est maintenant à parité, la principale réponse était d'améliorer la productivité, d'éliminer le gaspillage, de mettre tout en place pour le lean manufacturing. Je dirais qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Je pense que cela passe par les investissements en capital, en innovation et dans le développement de nouveaux marchés. On s'est fait beaucoup attaquer. S'il y a un secteur de l'économie qui se compare favorablement au niveau de la productivité avec ses concurrents dans le monde, c'est le secteur manufacturier. Je pourrais vous fournir des chiffres qui le démontrent.

Par contre ce n'est jamais assez, on doit toujours continuer à s'améliorer. Si vous regardez les investissements des entreprises manufacturières en nouveau matériel, nouvel équipement, souvent on se fait dire que cela a diminué pendant la récession, même si le gouvernement est arrivé avec des mesures pour stimuler l'investissement en machinerie, les manufacturiers traînent de la patte. Si vous regardez, je peux fournir des chiffres, le pourcentage du capital disponible investi par les entreprises a augmenté, année après année, cela ne cesse d'augmenter.

Donc, c'est certain que les entreprises ont moins de capital disponible parce que leurs ventes ont baissé d'à peu près 25 p. 100 l'année passée. Il y a un problème de cash flow à court terme, sauf que dans le capital disponible, il y a une plus grande proportion investie par les entreprises manufacturières. Toutefois, c'est certain qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. C'est le principal problème qu'on a demandé de régler dans le prochain budget fédéral.

[Traduction]

Le sénateur Kochhar : Monsieur Laurin, vous avez parlé en termes très positifs de la BDC et du travail qu'elle fait. On en apprend toujours davantage de ceux qui ne nous aiment pas que de ceux qui nous aiment. Vous avez cité certains de vos membres qui ont parlé de la BDC en termes très élogieux. Avez-vous des exemples de commentaires de gens qui ont critiqué les pratiques de la BDC? Avez-vous connaissance de choses que la BDC pourrait améliorer ou de politiques qu'elle pourrait changer?

M. Laurin : C'est une très bonne question. Comme je l'ai déjà dit, le commentaire que nous entendons le plus souvent, c'est que les taux sont supérieurs à ce qui est offert ailleurs. C'est une observation que nous entendons régulièrement.

Comme dans le cas de tout grand fournisseur de services, nous entendons parler de clients insatisfaits et de cas où il y a eu des problèmes. La BDC est semblable à toute autre entreprise à cet égard. D'après notre expérience, si des membres viennent nous dire qu'ils ont un problème, il nous est ordinairement possible de trouver une solution. Le problème tient parfois à la personne qui s'est occupée d'eux au bureau local. J'aurais bien voulu avoir une longue liste de problèmes à vous présenter, mais on ne nous en a pas communiqué beaucoup.

Il n'y a pas de doute, d'après les chiffres, que la BDC a intensifié ses activités durant la récession, mais un certain nombre d'entreprises n'ont quand même pas réussi à trouver du financement, indépendamment des conditions ou des taux. Même les banques privées ont prêté davantage pendant cette période. Chacun a fait un effort grâce aux capacités fournies par le gouvernement. Quant aux choses que la BDC devrait faire pour améliorer son service, je ne peux vraiment penser à rien.

Le sénateur Kochhar : La BDC verse un dividende assez substantiel au gouvernement. À votre avis, devrait-elle plutôt accroître le niveau de risque qu'elle accepte actuellement? Cela servirait à réduire le dividende ou la marge bénéficiaire tout en permettant à la Banque de s'acquitter de son mandat.

M. Laurin : La BDC devrait essayer, dans la mesure du possible, de se situer au seuil de rentabilité. Je n'ai pas l'impression que les contribuables sont disposés à subventionner le crédit aux manufacturiers. Le rôle de la BDC est d'accepter certains risques que le marché refuse de prendre et d'agir quand l'intervention du secteur public est nécessaire. Nous entendons parler des marchés du capital de risque. Il faudrait que la BDC accepte les niveaux de risque que le secteur privé ne serait pas disposé à prendre. C'est un équilibre délicat. Comment prendre suffisamment de risques pour jouer un rôle actif sur le marché tout en évitant de prendre trop de risques pour que le gouvernement ne soit pas obligé de renflouer la Banque en fin d'exercice? Encore une fois, c'est un équilibre délicat que la BDC a su maintenir dans les 10 dernières années.

Le sénateur Kochhar : Avez-vous des recommandations écrites à présenter au comité au sujet des améliorations à apporter à la BDC?

M. Laurin : Je peux vous communiquer les commentaires que nous avons reçus de nos membres. Nous disposons de témoignages qui pourraient vous être utiles.

Le président : Êtes-vous disposé à les transmettre au comité?

M. Laurin : Oui.

Le président : Est-ce que cela vous convient, sénateur Kochhar?

Le sénateur Kochhar : Oui.

[Français]

Nous avons bénéficié de votre présence et de votre présentation. Je vous remercie au nom de tous les sénateurs présents aujourd'hui.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette voudrait soulever une question avant l'ajournement.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais aborder une question dont j'aurais dû vous parler hier. La BDC nous a signalé l'existence, dans d'autres pays, d'organismes semblables ayant le même genre de mandat. Il serait très utile pour nous d'obtenir la liste de ces autres organismes. Il ne devrait pas être difficile pour la BDC de nous transmettre cette liste. Nous aurions intérêt à examiner d'une façon générale leurs mandats respectifs pour faire une analyse comparative de leur fonctionnement. Je ne voudrais pas consacrer trop de temps à ce travail, mais ce serait utile pour le comité. Lorsque nous aurons à formuler nos recommandations, nous aurons une meilleure idée de ce qui se passe dans ce secteur à l'étranger.

Le sénateur Hervieux-Payette : Quand les représentants de la BDC ont présenté leur exposé, leur document donnait des renseignements sur 20 ou 25 pays marchands et sur les mandats correspondants. Nous pourrions demander à notre greffière d'obtenir ces renseignements. D'une façon générale, nous en aurions besoin sous une forme abrégée. De plus, nous devrions tenir compte de la taille de l'économie de chaque pays, des montants disponibles et du mandat prescrit. Nous parlons ici de concurrence. Cela nous permettrait de savoir si nous faisons partie du club des pays de l'OCDE.

La BDC a tiré beaucoup de renseignements de son étude, dont une partie figurait dans le rapport que j'ai reçu. Nous voudrons aussi obtenir des renseignements sur les différents organismes. La France est probablement le pays le plus actif pour ce qui est d'aider ses entreprises.

Nous aurions besoin des conditions offertes et de la taille du budget. Ces organismes pourraient en effet avoir un excellent mandat, mais pas d'argent. Nous devons savoir ce qu'ils mettent à la disposition de leurs PME. Il s'agirait surtout de pays de l'OCDE. Je ne crois pas que la Chine en soit.

Le sénateur Massicotte : Il serait utile de savoir si la BDC dispose d'un rapport sur ce qu'on appelle les banques de développement. Il y a quelques articles à ce sujet.

Le président : Essayons d'obtenir le maximum, après quoi nous verrons s'il y a lieu d'aller plus loin. Nous pourrons inclure, dans l'information demandée, la question de savoir si l'organisme a un mandat aussi bien national qu'international.

Le sénateur Hervieux-Payette : Tous les détails peuvent être utiles.

Le sénateur Massicotte : Quels autres témoins avons-nous prévu d'inviter pour ce débat?

Le sénateur Hervieux-Payette : Je vous remercie de votre question.

Je voudrais dire, monsieur le président, que lorsque nous avons commencé notre étude, il a été question d'entendre des témoins d'EDC. Depuis, la société a dit qu'elle voulait produire son propre rapport.

Je serais un peu mal à l'aise d'étudier EDC parce qu'il faudrait le faire d'une autre façon. À mon avis, nous devrons peut-être présenter un rapport intérimaire pour dire au gouvernement ce qu'il convient de faire maintenant. Toutefois, pour ce qui est du côté international, nous allons peut-être devoir attendre le rapport d'EDC. La société souhaite nous voir examiner son mandat et celui de la BDC. Comment pouvons-nous avoir une bonne idée de ce que font les deux organismes?

Je ne crois pas qu'il soit indiqué pour le moment d'entendre des représentants d'EDC. J'aimerais bien en faire une étude complète plutôt que d'en examiner une partie seulement.

Le président : J'hésite à envisager deux rapports distincts parce que je crois que la BDC et EDC ont inévitablement des liens. Nous aurons peut-être assez de temps pour nous occuper des deux rapports d'ici Noël.

Le sénateur Massicotte : Quels autres témoins avons-nous?

Le président : En mettant EDC de côté pour le moment, nous avons le gouverneur de la Banque du Canada mercredi ainsi que l'Association des banquiers canadiens et la Centrale des caisses de crédit du Canada jeudi. Nous n'avons pas encore de confirmation pour les témoins de la semaine suivante. Nous envisageons des organisations telles que la Chambre de commerce et le Conference Board.

Le sénateur Massicotte : Nous parlons de PME. Nous devons entendre les représentants des banques qui s'en occupent. L'Association des banquiers canadiens constitue un témoin évident, mais nous devrions peut-être entendre les représentants d'institutions telles que la Banque Laurentienne. C'est une bonne idée d'avoir invité les caisses de crédit qui ont d'importantes activités dans ce secteur.

Le sénateur Hervieux-Payette : Tous les organismes sont représentés au sein de l'Association des banquiers canadiens. Nous pourrions donc peut-être demander à l'Association de faire venir un représentant des banques. Il en est de même des caisses de crédit. Les Caisses Desjardins ne constituent qu'une petite entité financière. Je crois que nous devrions demander à la greffière de s'assurer que nous aurons des témoins d'une banque qui traite plus particulièrement avec la petite entreprise parce que la Banque Royale ne s'occupe certainement pas des PME.

Le sénateur Massicotte : Un directeur exécutif nous débitera des généralités, mais certaines institutions, comme Desjardins, se spécialisent dans la petite entreprise. Il serait bon de les faire comparaître, de même que la Banque Laurentienne, pour avoir des témoins qui s'occupent de prêts. Essayons de savoir si ces institutions font la concurrence à la BDC et si celle-ci leur enlève des clients.

Le sénateur Ringuette : En collaboration avec le sénateur Mockler...

[Français]

[...] nous aimerions que le réseau des caisses populaires canadiennes témoigne parce qu'elles sont directement impliquées dans les communautés avec les petites entreprises. Nonobstant cette question, je pense que, évidemment, il y a quelque chose qu'il faut clarifier dans notre propre mandat.

[Traduction]

Le président : Devrions-nous siéger à huis clos, collègues? Nous en avons fini avec l'ordre du jour d'aujourd'hui. Il nous reste à discuter de questions internes à huis clos.

(Le comité se poursuit ses travaux à huis clos.)


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