Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 12 - Témoignages du 3 novembre 2010
OTTAWA, le mercredi 3 novembre 2010
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 20 pour procéder à la revue statutaire de 10 ans de la Banque de développement du Canada conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Soyez les bienvenus à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Conformément aux instructions que le Sénat a données au comité le 5 octobre 2010, nous poursuivons notre revue de la Banque de développement du Canada.
Il s'agit de la quatrième réunion consacrée à ce sujet. Après avoir entendu les représentants de la Banque de développement du Canada, le 20 octobre, j'espère que nos audiences porteront maintenant sur l'intérêt que présentent les cinq demandes soumises par la Banque à l'occasion de l'examen en cours. Ces cinq demandes sont expliquées en détail aux pages 46 à 57 du document d'examen législatif de la BDC intitulé Bâtir une nation innovatrice un entrepreneur à la fois, publié sur le site Web de la BDC.
Aujourd'hui, nous entendrons d'abord les points de vue de M. Glen Hodgson, du Conference Board du Canada, puis ceux de MM. Stéphane Achard et M. Bernard Brun, du Mouvement Desjardins.
Au cours de la deuxième heure, nous accueillerons des représentants de la Chambre de commerce du Canada et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
[Français]
Honorables sénateurs, Glen Hodgson met à profit 27 ans d'expérience et de spécialisation en économie et en finance internationale dans l'exercice de ses fonctions de premier vice-président et économiste en chef du Conference Board du Canada.
M. Hodgson s'est joint au Conference Board en septembre 2004, après dix ans au service d'Exportation et développement Canada. Il a également travaillé pendant dix ans au ministère des Finances.
M. Stéphane Achard assume la fonction de premier vice-président et directeur général, Services aux entreprises, Groupe Desjardins. Avant sa nomination, M. Achard occupait le poste de premier vice-président, marché aux entreprises à la Fédération des Caisses Desjardins du Québec, fonction qu'il assumait depuis 2003.
[Traduction]
Honorables sénateurs, M. Bernard Brun, directeur des Relations gouvernementales au Mouvement Desjardins, accompagne M. Achard.
Messieurs, soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous écouterons avec plaisir vos déclarations préliminaires, après quoi nous espérons que vous répondrez à nos questions.
Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Merci, monsieur le président, d'avoir révélé d'entrée de jeu mes partis pris. Oui, j'ai été fonctionnaire pendant 10 ans et j'ai travaillé à la BDC pendant 10 ans. Tout au long de ma carrière, j'ai eu la chance de suivre l'évolution de la BDC. J'ai trois ou quatre commentaires à faire. Je n'ai rien d'écrit, je vais improviser.
La BDC a eu l'amabilité de joindre un document que j'ai rédigé cette année au sujet de la crise financière mondiale, de ses conséquences et des leçons que nous en tirons. Nous allons le publier sous forme de livre d'ici deux semaines et demie. J'espère que les sénateurs voudront bien le lire le moment venu. Ce document s'intitule Lessons From the Recession : Overview—What Caused the 2008-09 Financial Crisis and Recession? Dans la deuxième leçon, j'explique comment les institutions financières du secteur public ont prouvé leur utilité. Je me suis appuyé sur mon expérience de trois ans et demi au FMI. J'ai supervisé l'investissement du Canada au FMI et à la Banque mondiale pendant un certain temps de même qu'à EDC, à l'époque où je travaillais au ministère des Finances. J'essayais de comprendre qui avait profité de l'aide des institutions financières du secteur public pendant la crise financière. La conclusion, c'est que dans l'ensemble le Canada a été chanceux, comme investisseur et membre du FMI et de la Banque mondiale. Ils ont repris leurs activités et ils se maintiendront pendant quelque temps encore. Le FMI avait pratiquement disparu en 2007. Il licenciait du personnel parce qu'il n'avait pas de crédits. Aujourd'hui, il a repris ses activités et il distribuera cette année entre 50 et 75 milliards de dollars de crédits.
Au Canada, nous avons pu nous appuyer sur la BDC et EDC pour faire face à la crise financière et combler les lacunes qui apparaissaient sur notre marché national. À cet égard, j'ai parlé d'une théorie de la belle au bois dormant du développement financier, ce qu'on appelle généralement l'état de préparation. Si vous n'avez pas les connaissances et l'expérience nécessaires pour agir, vous ne pouvez pas intervenir; mais si vous avez les compétences et l'expérience voulues, vous pouvez intervenir très efficacement sur le marché national. La BDC, en particulier, a pu passer à l'action pour veiller à ce que les petites entreprises disposent de crédits même si les autres institutions financières se repliaient et assumer d'autres tâches à la demande du gouvernement fédéral.
C'est un concept important. J'ai vu la BDC et EDC se détourner progressivement de leur rôle de prêteur ou d'assureur de dernier recours — un modèle difficile à bien gérer et très coûteux pour le Trésor. L'état de préparation est un concept nettement préférable parce qu'il mène à la complémentarité, à une présence parallèle à celle des organisations du secteur privé et d'associations qui se comportent à titre privé comme nous le faisons à titre privé en tant que groupe de réflexion sans but lucratif. La BDC se tient prête et elle travaille quotidiennement à combler les faiblesses du marché, elle fait office de joueur complémentaire pour que nos petites entreprises puissent faire des affaires, qu'elles ne soient pas laissées pour compte et qu'elles effectuent des transactions bancaires qui, sinon, seraient impossibles. Cela me semble être véritablement la mission de la BDC. L'état de préparation est un concept que j'aime et il est décrit en détail dans notre document.
Le point suivant se rapporte aux chaînes de valeur mondiales. J'ai passé une bonne partie de ma carrière au Conference Board et, auparavant, à EDC, et j'ai pu suivre l'évolution des méthodes du monde des affaires. Nous fonctionnons maintenant avec les chaînes de valeur mondiales ou les chaînes d'approvisionnement mondiales. La valeur est un concept plus vaste qui va au-delà des marchandises pour englober la création d'idées et de fonctions dans l'entreprise moderne. Pour être compétitives, les petites entreprises doivent de plus en plus être en mesure de mobiliser des ressources mondiales dès le départ. Il ne suffit plus de bien réussir au Canada pour pouvoir ensuite se lancer dans le monde. Nos entreprises doivent trouver dans les chaînes de valeur mondiales une place où elles peuvent ajouter de la valeur, attirer des clients, acquérir des intrants d'ailleurs dans le monde et assurer la circulation des investissements dans les deux sens. C'est le modèle de concurrence d'aujourd'hui. Je vous le dis parce qu'ensuite, vous devrez penser à la façon dont la BDC poursuivra son évolution et interviendra dans les chaînes de valeur mondiales. Cela signifie ouvrir le panier, aller au-delà de la notion de financement limité au Canada et suivre les clients à l'étranger et, ce faisant, trouver des façons d'ajouter de la valeur.
C'est quelque chose qu'EDC fait aussi. Je sais qu'il pourrait y avoir à l'occasion certains chevauchements et des conflits. Les chevauchements ne m'inquiètent pas, ils indiquent qu'il n'y a pas de carences sur le marché, et les éventuelles frictions entre EDC et la BDC pourraient être réglées grâce à des ententes claires, déterminées à l'avance, sur la façon de régler les conflits.
En règle générale, j'aime assez la proposition de la BDC en ce qui concerne l'élargissement de ses pouvoirs financiers ainsi que ses autres demandes. Voilà en gros ce que je voulais vous dire.
Le président : Merci. Je veux vous demander une précision.
Vous dites qu'il serait bon de suivre les clients à l'étranger, et la BDC a certainement indiqué qu'elle voulait le faire. Comme vous l'avez signalé, EDC œuvre à l'étranger et je crois comprendre qu'il a un seuil supérieur en deçà duquel il n'intervient pas. Il s'intéresse aux affaires importantes.
M. Hodgson : Oui.
Le président : Est-ce que cela élimine le risque de conflit entre la BDC et EDC, selon vous?
M. Hodgson : Pas toujours. EDC a fait beaucoup d'efforts. À l'époque où j'étais à EDC, j'ai été témoin d'une évolution extraordinaire. EDC veut maintenant offrir des services à la petite entreprise. Dans les années 1980, nous ne faisions pratiquement rien pour les petites entreprises, mais maintenant la petite entreprise constitue un important volet du portefeuille. Ce n'est pas une question de taille des transactions, mais plutôt de relations avec les clients. Il faut comprendre ce que les clients essaient de faire, puis choisir parmi les outils dont dispose chaque organisation pour déterminer lesquels conviennent le mieux et qui possède les meilleurs renseignements sur le client pour effectuer une évaluation du risque, façonner le produit en fonction de ses besoins et offrir le service. Je pense à l'investissement à l'étranger, par exemple. J'ai beaucoup écrit sur ce sujet. C'est un outil essentiel de réussite pour les entreprises canadiennes dans le monde.
EDC a des pouvoirs d'investissement, mais ils sont limités. La BDC est plus engagée dans les secteurs du capital- risque et du financement en fonction du bilan pour les petites entreprises. Dans bien des cas, la BDC peut être plus à même de faire quelque chose de ce genre. En cas de conflit, ces organisations doivent trouver une façon de communiquer parce qu'elles sont toutes deux des agents du gouvernement fédéral. Ce sont des agents de la Couronne qui cherchent à créer de la richesse pour le Canada. Cela signifie qu'il doit y avoir un dialogue et une entente au sujet du partage des responsabilités pour les investissements à l'étranger et au pays. Au cours des deux dernières années, EDC a élargi ses pouvoirs en matière de financement national, ce qui signifie qu'il s'insinue dans l'espace de la BDC.
Je ne crois pas nécessaire de délimiter nettement les deux. Il suffit de comprendre qui a la priorité et qui a les compétences voulues.
[Français]
Stéphane Achard, premier vice-président, Services aux entreprises, Mouvement Desjardins : Merci monsieur le président, honorables sénateurs. Au nom du Mouvement Desjardins, il me fait très plaisir d'être ici aujourd'hui pour pouvoir participer à cette revue décennale.
Dans mes remarques d'ouverture, je m'en tiendrai principalement à présenter, si vous le voulez bien, qui on est et la raison de notre présence.
[Traduction]
Il me paraît important que vous compreniez bien qui nous sommes — et j'ignore si c'est le cas pour tous les sénateurs ici présents —, afin de mieux comprendre pendant la discussion notre position concernant la BDC, son rôle et la façon dont nous envisageons son évolution.
Le Mouvement financier Desjardins est souvent perçu comme un regroupement de caisses — un terme souvent utilisé qu'il ne faut pas confondre avec la Caisse de dépôt parce que ce n'est pas la même chose — et comme une banque de détail qui offre des services aux particuliers. Nous gérons pourtant 30 milliards de dollars en prêts commerciaux, principalement au Québec. Nous menons aussi des activités en Ontario, avec nos trois centres d'affaires. Nous voulons nous implanter dans tout le pays. En comparaison de la BDC, qui a environ 19 milliards de dollars au pays, le Mouvement Desjardins est un intervenant important dans le secteur commercial.
Cet été, le magasine Global Finance nous classait en quatrième place parmi les institutions financières les plus sûres d'Amérique du Nord, avec une cote de crédit équivalente à celle de certaines des plus grandes banques canadiennes.
Nous sommes souvent sous-estimés. Nous sommes perçus comme un poids léger selon les normes canadiennes, mais nous avons un ratio de capital supérieur à 16. Nous avons les reins solides.
Notre organisation est proche de tous les propriétaires d'entreprises et entrepreneurs sur le marché québécois. Nous maintenons une part de marché dans les petits segments, où nous avons commencé. Elle va de 50 à 60 p. 100 sur les marchés ruraux; elle peut atteindre 80 p. 100. Souvent, nous sommes les seuls à desservir ces communautés, avec la BDC. À mesure que nous progressons, nos parts de marchés sont de plus en plus contestées, car toutes les banques canadiennes s'intéressent aux grandes organisations — les Cirque du Soleil, les Couche-Tard et les Métro Richelieu de ce monde. C'est évidemment plus difficile quand on vise les grandes organisations.
Nous sommes une coopérative; nous n'avons ni actionnaires ni dividendes. Tout ce que nous avons, c'est un dividende de membre versé à nos clients chaque année. Le reste des profits est soit conservé pour la croissance ou remis sous forme de dons et de commandites dans les collectivités, dans divers domaines. Il ne s'agit pas tant d'améliorer le RCP de l'organisation que d'assurer la viabilité économique de tous les secteurs où nous intervenons.
Nous respectons énormément la Banque de développement du Canada. Je l'ai déclaré publiquement par le passé. Je pense que nous avons l'une des meilleures banques de développement qui soient. Elle est accessible et dynamique et elle remplit bien sa fonction.
Nous sommes ici aujourd'hui pour veiller à ce que ce rôle soit maintenu — nous ne devons pas nous en détourner — et à ce que nous, Canadiens, nous donnions la possibilité d'instaurer les mécanismes voulus pour suivre son évolution et préserver ce rôle de leadership et cet équilibre dans notre secteur financier.
Le sénateur Greene : Ma question s'adresse à M. Hodgson, mais les autres peuvent aussi répondre. Ce que vous avez dit au sujet de la BDC qui veut suivre ses clients à l'étranger est l'une des déclarations les plus fermes que nous ayons entendues.
Lorsqu'une entreprise canadienne réussit avec l'aide de la BDC et qu'elle veut prendre de l'expansion à l'étranger, est-ce que ce n'est pas, presque par définition, une indication que cette entreprise a trop bien réussi pour la BDC et devrait maintenant se tourner vers une banque privée?
M. Hodgson : Dans un monde idéal, les entreprises devraient en arriver à un point où elles n'ont plus besoin de la BDC. Les entreprises peuvent commencer là, établir une relation là, améliorer leur bilan et leurs activités et chercher des sociétés affiliées à l'étranger.
Oui, dans un monde idéal, elles se tourneraient vers les marchés de capitaux privés, peut-être pour établir une relation bancaire dans un autre pays. Toutefois, comme nous l'avons vu ces deux dernières années, le monde n'est pas parfait. D'immenses lacunes sont apparues. Les marchés financiers mondiaux ne se portent pas bien du tout actuellement. Regardez les bouleversements que traverse encore presque toute l'Europe, regardez aux États-Unis.
Dans un monde idéal, c'est vrai, elles se tourneraient vers une banque privée ou vers de nouveaux investisseurs, mais je pense que le principal but de la BDC est de servir les intérêts des petites entreprises canadiennes. Son existence comme partenaire ou bouche-trou me paraît logique.
EDC, dans une large mesure, n'a pas la capacité voulue pour suivre ses clients à l'étranger pour les aider. J'ai eu la chance de siéger au conseil d'EDC pendant nombre d'années et j'ai assisté au débat sur le financement des investissements. EDC excelle au financement de projets et de créances, pour couvrir l'investissement étranger en termes de risque politique, mais le financement en fonction du bilan n'est pas son point fort.
En principe, je suis d'accord avec vous, mais la réalité c'est que le marché financier mondial a beaucoup rétréci et qu'il est incomplet. Donc, si la BDC avait le pouvoir d'intervenir au cas par cas pour combler les lacunes, quand c'est logique, cela serait positif.
Le sénateur Greene : Vous nous dites que l'élargissement des pouvoirs de la BDC devrait être temporaire, alors, en attendant que le monde idéal soit recréé?
M. Hodgson : En attendant le retour à l'état de préparation. Personne ne connaît l'avenir. Ceux qui ont conçu les prêts hypothécaires à risque, aux États-Unis, se croyaient les maîtres du monde, mais tout s'est effondré.
Je ne crois pas que les pouvoirs dont vous parlez ici doivent être temporaires. Ils peuvent être circonscrits ou définis en termes de relation entre l'actionnaire — le gouvernement du Canada — et la société. Toutefois, si vous consacrez ce pouvoir dans la loi, il ne devrait pas être temporaire; il devrait être permanent, parce que c'est ce vers quoi nous allons actuellement.
Il y aura de plus en plus de pressions pour que les entreprises canadiennes essaient de croître à l'étranger, qu'elles élargissent leur modèle opérationnel, parce que nous traversons une période difficile. Nos voisins sont encore empêtrés dans les difficultés. Si les entreprises canadiennes veulent croître, elles devront peut-être se tourner vers des marchés où le risque est encore plus grand, par exemple.
Le sénateur Greene : J'aimerais savoir ce que M. Achard en pense.
M. Achard : Je dirais que lorsqu'une compagnie se lance à l'étranger, elle a encore besoin de l'aide de la BDC. J'ai presque 25 ans d'expérience dans le secteur bancaire, et le marché a changé. Tout se joue maintenant à l'international.
Nombre de nos clients qui ont des revenus de moins de 2 ou 3 millions de dollars sont maintenant des exportateurs. Je ne dirais pas qu'ils sont solidement établis et qu'ils n'ont pas besoin de l'aide d'une BDC. Ces entreprises comptent d'ailleurs souvent sur le financement d'une société de la Couronne et d'une banque, ou encore d'une non-banque comme nous, mais vous ne verrez jamais deux banques travailler ensemble avec une petite entreprise. Cela ne se produit que lorsque vous arrivez dans les 15 à 20 millions de dollars. Toutefois, un organisme comme la BDC et une banque comme Desjardins peuvent le faire. Cette aide est vraiment nécessaire.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Monsieur Achard et monsieur Brun, la semaine dernière, l'Association des banquiers canadiens est venu nous dire qu'ils aimeraient voir la BDC jouer le rôle de garant, avec l'argent des contribuables, pour les prêts que les banques canadiennes effectueraient. Comment vous sentez-vous face à cette déclaration de l'Association des banquiers canadiens?
M. Achard : Une première réaction est que c'est une réalité qui est possible. Dans ce sens-là, je crois comprendre que les pouvoirs de la BDC actuels ont permis cela durant la crise, ainsi que les amendements que le BCAP avait emmené. Si je prends l'exemple du Québec, nous y avons Investissement Québec qui joue ce rôle d'appui aux PME. C'est un organisme québécois du gouvernement qui offre principalement des garanties aux petites et moyennes entreprises; ce sont principalement des garanties qui sont données sur les prêts faits par les institutions financières. Donc c'est une façon d'aider qui apparaît tout à fait acceptable, et qui permet souvent d'amener une institution financière, qui appuie déjà une entreprise, à aller un peu plus loin, forte de l'appui d'une institution de la Couronne. Alors, je vois cela d'un œil très favorable.
Le sénateur Ringuette : Est-ce que Investissement Québec permet de garantir des prêts à une banque ou à votre groupe à l'extérieur du Québec ou à l'extérieur du Canada pour les PME?
M. Achard : Investissement Québec a divers programmes. Je ne suis pas dans le financement direct depuis quelques années, mais il y avait des programmes d'aide à l'exportation, il y a déjà quelques années, pour les entrepreneurs, ce qui permet de travailler autant pour des entreprises exportatrices que pour des entreprises, qui sont principalement sur les territoires domestiques, non exportatrices.
Le sénateur Ringuette : Il faut faire une différence entre les entreprises canadiennes en sol canadien qui exportent leurs produits, qui ont accès à EDC, et la demande de BDC de financer des entités, à l'origine canadienne, qui iraient s'installer et créer des emplois à l'extérieur du Canada.
M. Achard : Je comprends votre question. À mon sens, la demande de la BDC de regarder à appuyer les entreprises exportatrices au sens large doit être considérée sur son mérite. Il y a quelque chose de viable et de valable, même si cela se solde en la création d'emplois qui peuvent être à l'extérieur. C'est fondamental si on appuie une entreprise forte ici dans son siège social, cela peut être gagnant pour l'économie canadienne.
Par ailleurs, je mets tout de suite un bémol important et mon collègue du Conference Board du Canada l'a dit : il y aura lieu de départager de façon très claire, pour éviter toute fusion chez les entrepreneurs entre le rôle de la EDC et de la BDC pour qu'il n'y ait pas d'enjeu de duplication de l'offre et de complexité. Ce sera d'autant plus vrai sur le territoire québécois que la semaine dernière, le ministre du Développement économique de l'industrie et du commerce, M. Clément Gignac, a déposé un projet de loi pour fusionner Investissement Québec et la Société générale de financement.
[Traduction]
Deux sociétés de la Couronne qui seront amalgamées.
[Français]
Donc, il y aura un guichet unique pour les entreprises. Loin du Mouvement Desjardins de dire qu'on devrait faire la même chose au niveau fédéral. Cependant, il est clair que si on donne des pouvoirs supplémentaires à la BDC, ils devront être clairement distingués de ceux de la EDC, sinon cela va apporter de la confusion et une duplication de coûts pour les gouvernements, les institutions financières et probablement, pour les entrepreneurs.
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : J'aimerais poser encore une question?
Le président : Est-ce que je peux poser une question supplémentaire?
[Français]
Comment fait-on la distinction sur une base monétaire, la somme en jeu ou sur d'autres critères? Je ne comprends pas comment vous faites la distinction ou comment vous voulez faire la distinction.
M. Achard : La distinction qui existait principalement, par exemple, FGS, Investissement Québec.
[Traduction]
Une branche s'intéressait principalement à l'investissement direct et aux sociétés et l'autre, Investissement Québec, aux garanties sur les prêts bancaires ou sur les prêts du Mouvement Desjardins. C'est une façon de le faire.
Si j'ai bien compris, vous avez dit précédemment qu'EDC commençait à consentir des prêts plus importants?
Le président : C'est ce que j'ai compris.
M. Achard : Je dirais que nous le voyons plutôt, et à juste titre, dans les programmes d'assurance de l'inventaire des comptes clients, et cetera, là encore pour de très petites sociétés qui réalisent cinq ou six millions de revenus avec un prêt d'un million de dollars. EDC est un solide partenaire sur ce marché avec nous, alors il faut vraiment que si nous offrons des garanties, il adopte une formule différente de ce que l'on voit de l'autre côté pour éviter la confusion. Je n'ai pas de réponse immédiate, mais il faut y penser.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Si je comprends bien, vous êtes tout à fait en faveur de l'existence et de l'expansion du mandat de la BDC, nonobstant tous les arguments qu'on pourrait entendre, ce qui voudrait dire que le gouvernement ne doit pas s'ingérer dans le marché?
M. Achard : Pour moi, c'est une première ici. Je vais quand même mettre les « oui, mais » si vous me le permettez.
On croit qu'il y aurait peut-être lieu de retravailler le cadre actuel. J'ai dit plus tôt ce que le Mouvement Desjardins pensait de la BDC. Je ne le répéterai pas. Quant au partenariat, lorsque vient le temps d'évaluer de nouveaux produits, de nouvelles offres, de nouvelles entités auxquelles on prêterait, il y a eu lieu de revoir cela autrement qu'aux dix ans. Dans ce contexte, le Groupe Desjardins dit que si des pouvoirs supplémentaires doivent être utilisés ou mis en vigueur, cela devrait préalablement être documenté clairement avec les visées pour un nouveau produit et, par la suite, avoir une reddition de compte adéquate pour s'assurer qu'on atteigne les visées d'un nouveau produit, par exemple pour les exportateurs, de l'entrée sur les marchés étrangers pour les entreprises ou encore les organismes à but non lucratif et ainsi de suite.
De façon générale, les propositions présentées, qu'il s'agisse des fiducies, des OBNL ou de l'élargissement du cadre pour les nouveaux produits, on est favorable dans la mesure où ce sera bien documenté et qu'il y aura un suivi.
J'aimerais préciser que, loin de moi de penser que la BDC devrait se justifier auprès des banques canadiennes et du Mouvement Desjardins. Toutefois, à la fin de la journée, il devrait quand même y avoir eu des discussions, parce que si l'offre de la BDC entraîne un retrait des banques du terrain, les entrepreneurs canadiens ne seront pas gagnants. Il doit y avoir une reddition et un partage des stratégies sur le terrain.
[Traduction]
C'est ce que nous entendons par complémentarité, pour pouvoir nous adapter. Est-ce que nous restons sur le marché? Est-ce que nous offrons plus de prêts mixtes? C'est ce que j'appellerais un rôle complémentaire et un suivi des initiatives.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Contrairement à l'Association des banquiers canadiens, qui aimerait voir le rôle unique de la BDC de recevoir des garanties de prêt avec l'argent des contribuables canadiens alors que ce serait les banques canadiennes qui ramasseraient la manne des profits des intérêts, vous prônez, pour une première fois depuis que nous tenons nos audiences, une révision du mandat de la BDC, non pas aux dix ans, mais à des périodes beaucoup plus courtes avec une structure beaucoup plus rigide et flexible à la fois.
M. Achard : Tout à fait dans le sens où, par exemple, un intrant à un comité sénatorial comme celui-ci, pourrait être des sessions de partage et de réflexion avec les institutions financières canadiennes sur la plus-value des produits ou des modifications qui auraient été faites quant à son mode de fonctionnement. Précisons pourquoi nous sommes peut-être différents.
[Traduction]
Si vous me le permettez, je citerai deux ou trois chiffres au sujet de la crise de l'an dernier. Je vais parler pour le marché du Québec parce que, évidemment, nous y avons 90 p. 100 de nos prêts commerciaux.
Nos économistes dans leurs examens publics — et je parle d'information publique, ici — ont estimé qu'en termes de taille du financement, le marché commercial et industriel du Québec était de 75 milliards de dollars le 30 décembre 2008, avant la crise. À la fin de 2009, ce marché au Québec était passé à 71 milliards de dollars, soit un repli de 4 milliards de dollars.
Pendant la crise, nous avons tous vu et nous avons tous entendu — vous l'avez aussi mentionné — que le marché bancaire avait beaucoup reculé et qu'il n'y avait pas de liquidités pour les entrepreneurs canadiens.
Au cours de cette période, pendant que le marché reculait de 4 milliards de dollars, le Mouvement Desjardins a augmenté d'un demi-milliard de dollars le total de ses prêts aux propriétaires d'entreprise sur le marché québécois. Grâce à ce demi-milliard de dollars, notre part de marché est passée de 23,6 à 26 p. 100. L'année a été difficile, mais nous nous sommes accrochés et nous avons accru notre part de marché.
Je ne considère pas la BDC comme un concurrent dans la mesure où mon approche est d'appuyer les propriétaires d'entreprise. J'ai déjà travaillé dans le monde bancaire, alors je peux dire que nous envisageons le développement des marchés de façon fort différente.
Le sénateur Ringuette : Est-ce que Desjardins a profité d'un afflux de liquidités grâce à la BDC et à l'achat d'hypothèques pour accroître ses liquidités?
M. Achard : Je devrai le vérifier, mais à ma connaissance nous n'avons pas eu recours à la ligne de crédit de la BDC pour les hypothèques commerciales.
À titre de participant au PCE, il m'a paru difficile — et j'ai siégé au comité du PCE — d'essayer de fournir de l'information aux comités des finances, à la BDC et à EDC au sujet des activités que nous menions grâce à l'argent supplémentaire injecté dans le système. Si je finance une PME à hauteur de 5 millions de dollars à Rimouski, comment puis-je savoir si c'est ou non grâce au PCE? Cela devient très difficile.
Je m'adresserais aux gouvernements plutôt qu'à la BDC pour dire que si nous accordons des pouvoirs supplémentaires à la BDC et à EDC en temps de crise, il faut les laisser faire leur travail. Il ne faut pas leur demander plus de comptes que ce qu'ils fournissent habituellement dans le cadre de leurs activités. Ce sont des formalités administratives inutiles. Laissez-les faire leur travail en fonction de leur mandat.
Le sénateur Kochhar : M. Hodgson, vous avez dit que la BDC pouvait très bien aider les clients canadiens à l'étranger et qu'elle pouvait très bien empiéter sur le mandat d'EDC et qu'inversement, EDC pouvait empiéter sur le mandat de la BDC. Pourquoi nous faut-il deux organisations? Pourquoi ne pas les amalgamer? Cela simplifierait les formalités et nous permettrait d'économiser beaucoup d'argent, et ils ne se trouveraient pas en concurrence.
M. Hodgson : C'est une bonne question, mais elle n'est pas nouvelle. Votre comité l'a étudiée à diverses reprises et il a formulé des recommandations à ce sujet.
De fait, à l'époque où j'étais à EDC, un ancien président de votre comité et des hauts fonctionnaires nous ont demandé d'examiner la question. C'est moi qui ai dirigé cet examen. Nous avons retenu les services d'un cabinet d'experts-conseils de haut niveau et travaillé en très étroite collaboration avec la BDC. Nous avons examiné la fonction de trésorerie comme point de départ. Notre hypothèse était que si les deux organisations empruntaient de l'argent et géraient les mêmes choses, il serait plus économique de combiner nos fonctions de trésorerie et d'établir un groupe d'emprunteurs et un groupe de gestionnaires d'actif.
Nous avons demandé à PriceWaterhouse Coopers de faire le travail. Le cabinet a conclu que l'amalgamation des trésoreries de la BDC et d'EDC coûterait 3 millions de dollars, et c'est parce que les compétences sont très différentes. Les organisations empruntent différentes choses à différentes conditions et pour différentes fins. Le but de la trésorerie n'est pas simplement de gérer les actifs existants, mais aussi de bien les gérer, de vendre des actifs sur le marché et de réunir des fonds dans diverses devises. Nous avons examiné cela et conclu qu'il y aurait perte nette.
Il s'agit d'institutions très différentes. Vous pouvez envisager de tout mettre sous le même toit, mais vous devrez alors créer des unités distinctes qui auraient des tâches différentes.
La différence essentielle c'est que la BDC est surtout un prêteur sur bilan. Ses risques sont les risques de gestion, la capacité de grandir des petites entreprises. Est-ce qu'elles ont un bon plan d'entreprise; est-ce qu'elles ont un bon produit ou service; est-ce qu'elles ont une bonne stratégie? C'est pourquoi j'aime combiner ses fonctions non financières; c'est-à-dire donner des conseils et aider, parce qu'elle gère leurs actifs et veille à ce que les affaires tournent rond et à ce que le prêt soit un jour remboursé.
EDC fait aussi un peu de cela, mais son domaine fondamental est la gestion du risque à l'étranger, l'évaluation des acheteurs étrangers et des projets étrangers. C'est un ensemble de compétences très différent. Et j'ai vu le niveau de compétence augmenter dans les deux organisations.
Je crois que vous y perdriez si vous fusionniez les deux. Il vaudrait mieux renforcer les communications et la compréhension de ce que chacun fait et veiller à ce qu'il n'y ait pas de friction, parce qu'ils peuvent offrir à peu près le même service et qu'il y a des questions de primauté qui entrent en compte. De qui relève le client et comment offrons- nous le service de façon optimale? Pour moi, cette approche est préférable.
Le sénateur Kochhar : Pour faire suite aux questions du sénateur Greene, quand un client de la BDC réussit, il vaudrait peut-être mieux pour la BDC qu'il se tourne vers une autre institution bancaire, mais est-ce que c'est dans l'intérêt des contribuables parce que cela libérera des capitaux et permettra à la BDC d'aider d'autres clients qui constituent un risque élevé et qu'elle ne pourrait pas aider, sinon, faute de capital.
M. Hodgson : La réponse à cette question est liée au prix de vos services de gestion du risque. Entre nous, la BDC n'est pas la banque la plus économique. Ses marges sont importantes; elle doit gérer son portefeuille à long terme. Le retrait se fait très naturellement. Si vous pouvez obtenir un financement pour votre entreprise à meilleur coût, allez-y. Si vous avez directement accès aux marchés de capitaux, adressez-vous aux banques privées et à d'autres sources de capitaux et augmentez votre financement. J'encouragerais vraiment les entreprises à agir ainsi.
Je considère que c'est une évolution naturelle. Les entreprises commencent avec la BDC en raison de la complémentarité et parce qu'elles peuvent obtenir le crédit dont elles ont besoin pour prendre de l'expansion, mais à la longue une entreprise saine trouvera une façon de croître hors du portefeuille de la BDC et d'avoir accès à d'autres sources de capitaux.
[Français]
Le président : Monsieur Achard, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Achard : Je dirais que, eu égard à cela, ce sont jusqu'à présent des mandats qui étaient relativement différents. Il n'y avait pas de chevauchement. Avec les amendements que vous envisagez d'apporter, je pense que la question se posera dans le futur. Je pense que ce n'est pas le moment, notre économie canadienne est encore trop fragile. Je pense qu'on a besoin de ces deux joueurs en pleine capacité. Je crois que s'il y a un élargissement des pouvoirs et s'il n'y a pas une différentiation claire des produits et des rôles, inévitablement, dans quelques années, un comité se penchera sur cette question. Mais au moment où nous parlons, je pense qu'on n'y gagnerait rien.
Le sénateur Massicotte : Merci à vous tous d'être parmi nous aujourd'hui. Je crois que nous disons tous un peu la même chose : le rôle de la BDC est seulement d'être complémentaire. En d'autres mots, au point de départ, dans mon opinion, le marché est très important. On a une économie de marché au Canada; c'est fondamental, c'est certainement le processus le plus efficace et qui rendra le pays le plus riche, mais de temps en temps il y a des lacunes à cause des règles ou des joueurs. Il faut trouver les lacunes dans le système et la BDC peut jouer ce rôle.
J'essaie de comprendre votre réaction. Mon souci est le suivant : on fait des constats, on voit bien que la BDC a une rentabilité faible : un rendement de 8 p. 100 sur son avoir, elle ne paie pas d'impôt, comparé à 18 ou 20 p. 100 pour les banques canadiennes. Ils font du travail que les autres joueurs, la caisse Desjardins et les banques, ne sont pas prêts à faire. Ils prennent des risques ou des prêts plus élevés, et je pense que ce n'est pas une gestion que vous voudriez assumer.
Il est certain que votre position est favorable à la BDC, car cela vous permet de vous impliquer dans le marché, ce que vous ne feriez pas autrement. Vous reléguez le risque plus élevé à la BDC, et cela vous permet de prendre une position supérieure pour notre sécurité et de faire la transaction. On peut soutenir que, dans ce cas-là, c'est bon pour l'économie, bon pour la caisse Desjardins et pour les banques. Mais on peut aussi dire que, étant donné que la BDC facture plus cher — mais, évidemment, pas assez cher — ce sont des transactions qui ne devraient peut-être pas être réalisées. Peut-être êtes-vous un peu en conflit, car cela vous arrange, mais du point du vue du contribuable, ce n'est pas un rôle valable.
La question que je me pose est la suivante : s'il n'y avait pas de BDC, quel serait le vide? Surtout, on vous connaît bien au Québec, vous êtes tellement présents que si on faisait un sondage auprès des PME, il serait surprenant qu'elles disent que la caisse Desjardins ne peut pas satisfaire leurs besoins. Les gens diraient fort probablement qu'ils sont satisfaits des services de la caisse Desjardins; c'est votre rôle, ce qui est très important dans ce secteur. Je ne sais pas s'ils diraient qu'il y a un manque. La BDC fait des choses que les autres ne veulent pas faire; est-ce que c'est une raison valable pour qu'elle existe? Si vous ne voulez pas le faire, peut-être que, eux non plus, ne devraient pas le faire. Quelle est votre réaction à cet argument?
M. Achard : J'ai deux réactions, sénateur. Premièrement, quand vous dites qu'ils prennent des risques qu'on ne voudrait pas prendre, c'est probablement une réalité. Je vous dirais respectueusement que c'est probablement un discours qui s'adresse davantage aux banques, puisque, tels que nous sommes constitués, notre conseil d'administration est composé d'entrepreneurs et de gens d'affaires; nous n'avons pas de marchés boursiers, d'actionnaires à satisfaire, pas de valeur d'actions à faire augmenter. Alors si je ne prête pas dans le marché, mes caisses locales, qui élisent le conseil du mouvement, vont rapidement me le faire savoir. C'est pour cela que nous avons continué à être présents dans le marché.
Cela dit, vous allez me dire que c'est paradoxal, mais dans plusieurs endroits au Québec, comme institutions il n'y a que la BDC et le Mouvement Desjardins, et aussi loyal que je sois au Mouvement Desjardins, il m'apparaîtrait incorrect que nous soyons la seule institution financière et le seul choix pour les entrepreneurs canadiens. Dans ce contexte — je le dis plus en tant que Canadien qu'en tant que représentant du Mouvement Desjardins — il faut une seconde option. Dans bien des marchés au Québec, la seule option c'est le Mouvement Desjardins, et la BDC vient offrir une alternative.
Le succès et le rôle que joue la BDC, je le définis par les dossiers pour lesquels ce n'est pas qu'on leur passe le risque, mais, bien souvent, on le partage ensemble et on traite les dossiers en commun. Le rapport annuel de la BDC présentait Recochem, c'est une belle entreprise au Québec, nous avons fait le financement ensemble. Nous avons partagé le risque, cela nous a permis d'appuyer un projet d'entreprise ensemble.
En ce qui concerne le deuxième élément du 8 p. 100 et le taux de rendement de la BDC, à mon avis, il est normal. C'est pour cette raison qu'une entreprise devient plus performante. Même en soutenant strictement le Mouvement Desjardins et en disant : je veux garder ces clients, ils ne devraient pas être à la BDC — je sais que des banques ont pris cette approche — à mon avis, il est important que la BDC soit aussi auprès des bons entrepreneurs. Sinon, ils auront des rendements inadéquats et il n'y aura pas de pérennité.
Je vis très bien avec le fait que, de temps en temps, la BDC prend des dossiers sur le terrain qui vont lui assurer une rentabilité et une performance adéquates. Cela fait partie du jeu.
Le sénateur Massicotte : Je veux m'assurer de bien comprendre. Généralement, vos prêts avec BDC sont pareils partout.
M. Achard : Souvent, on est ensemble.
Le sénateur Massicotte : Dans plus de 50 p. 100 des cas?
M. Achard : J'aurais de la difficulté à donner un chiffre, mais lorsque je parle des transactions que je vois passer au comité de crédit, souvent, nous sommes présents ensembles ou encore, nous allons faire le court terme et eux le long terme. Il y a vraiment un partage du risque, mais même dans les prêts à terme, souvent ce sera 3 millions de dollars par le Mouvement Desjardins et 3 millions de dollars de BDC et ainsi de suite. Faire un prêt seul, c'est autre chose. Je crois que le partage avec d'autres institutions financières est une mesure du succès de la BDC.
Le sénateur Massicotte : Vous dites que dans bien des marchés, dans le marché rural ou autres, vous êtes le seul; il y a la caisse et la BDC. Alors, je présume que vous concurrencez pour le même prêt?
M. Achard : Oui.
Le sénateur Massicotte : C'est quand même intéressant. Certaines études démontrent le côté rural et de temps en temps, il y a une PME. Il y a peut-être un manque de compétition. Mais d'après le sondage des banques canadiennes, ce n'est pas le cas. Les clients se disent satisfaits et trouvent que la compétition donne un service adéquat. Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites que, au contraire, il y a un manque de service et qu'une partie du marché n'est pas servie adéquatement.
M. Achard : Je ne parlerai pas pour les banques. Évidemment, c'est différent chez nous. Le Mouvement Desjardins est issu d'une présence rurale au départ, c'est très important pour nous et on veut maintenir cette accessibilité. On a qu'à regarder la carte des emplacements des différentes institutions, c'est relativement inégal sur le territoire québécois avec de grandes concentrations en milieu urbain. C'est la même chose à Toronto et en Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Massicotte : Je comprends votre argument. La BDC et EDC ont joué un rôle important récemment. Vous dites qu'en raison de cette importance, nous devons maintenir la BDC pour combler les lacunes. Vous avez aussi fait allusion au marché international comme à un vaste État.
Je vais vous dire ce que j'en pense, et vous pourrez répondre à mes commentaires. J'ai un peu de difficulté à préserver une institution de cette taille qui n'a pas un bon rendement et qui utilise l'argent des contribuables simplement parce qu'on pourrait un jour en avoir besoin. De nombreux pays au monde ont trouvé d'autres solutions lorsqu'il l'a fallu. J'ai de la difficulté à accepter cet argument. Je suis plus ouvert à l'idée de devoir combler une carence ou un échec du marché. Dans ce cas, la BDC a un rôle à jouer. La maintenir au cas où nous en aurions besoin, cela est difficile à accepter.
M. Hodgson : Les marchés sont fluides, vous ne savez pas s'il y a une carence tant que vous n'essayez pas de conclure une transaction et d'obtenir du financement. C'est alors que vous découvrez s'il y a un financement adéquat dans le secteur privé. Nos marchés de capitaux sont immenses, et de nombreuses transactions sont réalisées sans l'aide de la BDC, de Desjardins ou d'autres. La BDC et EDC ont un rôle à jouer quand l'économie va bien parce qu'ils sont innovateurs et essaient de nouvelles choses. Le marché évolue constamment.
Au cas où votre besoin, comme vous dites, deviendrait un besoin particulier, par exemple pendant des périodes de difficultés économiques comme celle que nous venons de traverser ces deux dernières années, quand le marché privé sombre et qu'il n'y a pas de solution de rechange, ils peuvent jouer un rôle important même lorsque l'économie va bien, en tant qu'organisations innovatrices qui trouvent de nouvelles façons de conclure d'excellentes transactions.
Pendant les 10 années que j'ai passées à EDC, j'ai appris que le marché de l'innovation évolue constamment. Vous êtes là pour proposer de nouvelles idées et pour veiller au bon fonctionnement du marché. Vous pouvez intensifier un peu la concurrence, à l'occasion. Je comprends votre préoccupation. En suivant les finances mondiales au cours de la dernière décennie, j'ai pu constater que votre argument s'applique parfaitement au FMI et à la Banque mondiale. Il y a eu une incroyable explosion des finances mondiales, et ils n'avaient pratiquement plus aucune pertinence. Le FMI a accordé un milliard de dollars de prêt en 2007. Il ne faisait pratiquement plus rien. L'argument voulant qu'il soit nécessaire de combler les lacunes s'applique un peu mieux dans ce cas. Il ne faut pas oublier que la BDC est un agent de politique publique au Canada, et nous éprouvons certainement des difficultés à assurer un financement adéquat à la petite entreprise.
Le sénateur Massicotte : On pourrait soutenir que la BDC aura toujours un rôle; évidemment, elle aura un rôle. Elle peut obtenir 8 p. 100 de rendement sur le capital, ce qui est très inférieur; elle utilise l'argent du gouvernement pour le coût de ses fonds; elle peut couper l'herbe sous le pied à n'importe qui pour avoir un rôle; alors pourquoi faut-il la subventionner à ce niveau?
M. Hodgson : La réponse est facile, il suffit d'assurer la transparence et de veiller à ce qu'elle ne fasse pas concurrence aux entreprises, par exemple, au niveau des prix. EDC et la BDC, en particulier, ne doivent pas essayer d'enlever des clients aux banques privées. Si vous pouvez obtenir la même chose à meilleur taux dans le secteur privé, c'est ce qu'il faut faire. Ils ne devraient pas essayer de concurrencer le financement du secteur privé. Je n'accepte pas ce que vous dites, au sujet de l'argent du gouvernement. Ils empruntent avec des garanties des contribuables, mais l'objectif quand on utilise des fonds gouvernementaux, selon moi, c'est un seuil inférieur et un rendement plus axé sur les obligations à long terme. Tant qu'ils ont un rendement et qu'ils ne font pas concurrence au secteur privé au niveau des prix, je ne crois pas qu'ils utilisent l'argent du gouvernement. Je crois qu'ils ont une politique sur les dividendes et qu'ils paient des dividendes. Je crois que la BDC est un fort bon investissement pour le Canada.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais dévoiler mon intérêt, je suis une cliente de la caisse populaire.
Le sénateur Meighen : En milieu rural ou urbain?
Le sénateur Hervieux-Payette : C'est plutôt urbain. Je leur donne des sous à placer. Il faut que je prépare mon avenir.
Une question m'intéresse plus particulièrement. Monsieur Hodgson, vous avez fait des études sur la question du capital de risque et le fait qu'au Canada, il y aurait un vide, un manque de capital de risque sur le marché pour la croissance des entreprises afin de leur permettre un meilleur équilibre, c'est-à-dire équité et dette.
Ils ont investi des fonds avec d'autres partenaires. Avec votre expérience et vos compétences, croyez-vous que cet aspect pourrait être augmenté pour combler le vide actuel du secteur privé? Vous, votre institution ou d'autres institutions qui œuvrez dans le domaine économique, nous dites qu'il y a un vide, un trou du côté du capital de risque. Pensez-vous qu'une révision aux cinq ans serait raisonnable? Il faut avoir quelque chose de spécifique dans un projet de loi.
Il y avait aussi la question de plafond. La BDC nous a demandé d'enlever le plafond alors que nous, en tant que parlementaires, serions plus à l'aise de garder un plafond raisonnable, surtout si la loi est révisée tous les cinq ans. Si le plafond n'était pas assez élevé, on pourrait l'augmenter.
Croyez-vous que le rôle de consultation que joue la BDC auprès des PME est joué par d'autres gens dans le secteur financier? Ce service est-il une plus-value de la BDC d'avoir des gens qui peuvent fournir des consultations, mais à des prix abordables pour les petites et moyennes entreprises qui ne peuvent pas se payer les grandes maisons de consultation à 300 $ ou 400 $ l'heure, mais plutôt à la journée?
[Traduction]
M. Hodgson : Le partage du risque devrait être un concept fondamental pour la BDC. Pour moi, les marchés financiers sont comme un accordéon qui s'étire et se contracte. Quand les marchés fluctuent ainsi, la BDC doit trouver sa place à un point quelconque du cycle commercial. Cela se produit avec l'afflux de nouveaux entrepreneurs et de nouvelles idées.
Même quand les marchés étaient en expansion, disons en 2005, en 2006 et en 2007, la BDC pouvait encore desservir des créneaux particuliers sur le marché, des personnes qui, pour une raison quelconque — faute d'information ou d'un modèle opérationnel assez sûr par exemple —, n'avaient pas accès à des capitaux. Comme principe de base, je crois qu'un accordéon s'étire et se contracte.
Il se peut qu'à l'occasion la BDC n'ait pas un grand rôle à jouer, et c'est très bien. Cela signifie que les entrepreneurs ont un assez bon accès aux marchés des capitaux avec leurs propres partenaires. Évidemment, ce n'était pas le cas ces deux dernières années. Nous soupçonnons qu'il faudra encore bien du temps avant de revenir à la normale au Canada, par secteur et dans l'ensemble, avant que les marchés des capitaux se rétablissent. C'est un point de départ.
Il est tout à fait dépassé de fixer un plancher pour les capitaux. Lorsque ces institutions étaient considérées comme des prêteurs ou des garants de dernier recours et que la Couronne ne voulait pas courir trop de risque, on utilisait la notion de plancher pour limiter l'expansion.
Lorsque vous instaurez un modèle de viabilité financière, que vous produisez régulièrement des rapports, que vos activités sont très transparentes et que vous pouvez verser des dividendes si l'année a été bonne, vous fonctionnez dans un autre univers. Je crois que le plancher pourrait être éliminé, mais s'il y a des hésitations, il suffit de fixer un plafond très élevé.
Fixez un plancher que l'on atteindra dans 15 ou 20 ans — par exemple 10 milliards de dollars, quelque chose de très élevé. Si l'on hésite à éliminer le concept entièrement, il faut ménager beaucoup d'espace à la BDC, pour qu'elle n'ait pas à revenir dans cinq ou huit ans pour revoir tout cela.
Ce n'est pas une contrainte, à l'heure actuelle. Cela ne devrait pas être une contrainte pour les autres activités commerciales. Cela devrait être déterminé par l'activité de base, son succès, ses résultats financiers trimestriels et annuels.
La BDC a fait du bon travail par le passé. C'était une institution bien différente au début des années 1990, à l'époque où elle perdait de l'argent. Il a fallu la sauver, si je me souviens bien. Le modèle a évolué et il est beaucoup plus intéressant maintenant, c'est un modèle viable qui vise à aider les entrepreneurs et à protéger les intérêts du gouvernement du Canada.
Votre troisième point portait sur les conseils en matière de complémentarité. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense qu'il serait déplorable que la BDC envahisse le champ d'activité d'autres organismes prestataires de conseils dans le secteur privé. Les choses sont plus nuancées. Il est évident que le type de conseil que les entreprises recherchent aujourd'hui évolue en outre rapidement. L'élargissement de cette capacité, selon moi, est une évolution naturelle de la façon dont on mène les activités aujourd'hui.
On ne comprend pas toujours les chaînes de valeur mondiales, par exemple, ou la façon d'établir une société affiliée à l'étranger. C'est un domaine où la BDC pourrait dispenser des conseils utiles. Toutefois, cela ne devrait pas se faire aux dépens des fournisseurs de ce type de conseil dans le secteur privé.
[Français]
M. Achard : Je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos dépôts.
Plus sérieusement, en ce qui concerne le capital de risque, le marché canadien est, à ma connaissance, fort différent. Lorsque je regarde le capital, beaucoup de petites entreprises sur le marché québécois démarrent avec un fonds d'action, un fonds de solidarité. Avec ce que fait le Mouvement Desjardins, il y a environ un milliard de dollars en capital de développement et en capital de risque, à peu près 600 millions de dollars d'investis, par l'entremise des fonds fiscalisés.
Je pense qu'il y a quand même une offre intéressante. Ce que je comprends du marché ontarien c'est qu'il y a beaucoup plus de capitaux privés et de fonds de capital-investissement mais dans la section supérieure du marché, et que l'on n'a pas cette même disponibilité d'offre dans la section inférieure du marché.
Il y a donc des différences régionales, si je puis dire, sur le territoire canadien, et je pense que la BDC peut certainement, par une offre, venir combler ces carences.
En ce qui a trait au plafond et à la limite sur le plafond, on a vu qu'avec la crise, le gouvernement, la BDC et la EDC ont rapidement obtenu les pouvoirs et les capacités nécessaires pour répondre aux besoins de crédits supplémentaires sur le marché.
Par ailleurs, s'il y a une expansion des volumes importants de la BDC — et je reviens au chiffre que je donnais tout à l'heure sur les marchés en crédit commercial —, il s'agit de suivre cette expansion et l'adéquation existant entre une croissance extrêmement importante dans les volumes de la BDC et une contraction du marché. Cela veut dire que les banques et les institutions comme Desjardins sont présentes et ont de l'appétit pour le risque. Et il y a peut-être moins lieu d'avoir des croissances très fortes, à ce moment-là.
Donc je serais plus enclin à suivre cette dynamique et la limiter, plutôt que de suivre le plafond en lui-même. J'espère que mes propos sont clairs à cet égard.
Mon avant-dernier élément porte sur la période de cinq ans. Je pense que c'est une bonne chose, ce serait probablement plus facile, avec une fois de plus un certain input, une révision de tout ce qui a changé dans les modi operandi, ce qui pourrait être un intrant important pour une table comme celle-ci.
Finalement, eu égard à la consultation, on en fait chez Desjardins et l'ensemble des institutions financières en feront. Par ailleurs, je vous dirais que la principale concurrence, selon moi, vient beaucoup plus des boutiques de professionnels et des firmes de comptables, et à l'occasion des avocats, qui feront cette consultation d'affaire.
Je ne connais pas les chiffres de la BDC, mais je pense que dans ma carrière, j'ai souvent vu des gens qui vont à la BDC strictement pour les conseils et non pour le financement, parce qu'ils y voient une certaine indépendance et un prix attrayant. Il y a là, selon moi, une offre intéressante de service aux entrepreneurs canadiens.
[Traduction]
Le président : Ma question porte sur les tensions entre la BDC qui d'une part consent des prêts aux PME — et nous voulons qu'elle le fasse — dans des situations de risque élevé et qui d'autre part verse un dividende au gouvernement. Si la BDC nous dit qu'elle a versé un important dividende au gouvernement, qu'est-ce que cela nous révèle? Est-ce que cela signifie qu'elle a réussi à consentir des prêts et que les clients ont justifié sa confiance et remboursé leur dette avec intérêts ou est-ce que cela signifie qu'elle ne prête pas assez?
Elle a demandé d'intégrer dans toute loi modifiée le concept de viabilité financière. Que pensez-vous de cela et que pensez-vous de verser des dividendes?
M. Hodgson : Je crois que vous devez sans doute déterminer pourquoi les dividendes ont été payés, parce que vous avez raison; c'est soit parce qu'elle a une excellente gestion financière — elle utilise ses actifs pour emprunter de l'argent à de bonnes conditions et elle a réussi à produire un profit, par exemple —, mais cela peut aussi être parce qu'elle n'a pas couru suffisamment de risques, qu'elle se rapproche trop du secteur privé et qu'elle n'exploite pas à fond la capacité du système et ne s'acquitte pas bien de son rôle de politique publique.
Le président : Cela est lié à l'examen des rapports annuels et des activités.
M. Hodgson : Parfaitement. Il faut examiner les chiffres, regarder les différents secteurs d'activité et vérifier si, par exemple, elle a suffisamment utilisé ses marges. Elle a fait suffisamment de choses qui ne sont pas pleinement rentables sur le marché privé et fait progresser la politique publique.
M. Achard : Je dirais la même chose. Le fait d'accorder trop d'importance aux dividendes risque de détourner l'organisation de son rôle complémentaire et de la mettre en concurrence avec les institutions financières au Canada. Quant à savoir si cela est bien ou mal, c'est au gouvernement d'en décider.
Le président : Nous remercions nos témoins. La discussion a été très intéressante et très fructueuse; nous avons de quoi réfléchir.
Toujours dans le cadre de notre examen de la Loi sur la BDC, nous allons maintenant écouter M. Warren Everson, vice-président principal des Politiques à la Chambre de commerce du Canada; et Corinne Pohlmann, vice-présidente des Affaires nationales à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Honorables sénateurs, M. Everson a été nommé au poste qu'il occupe maintenant à la Chambre de commerce le 1er septembre dernier. Il possède une vaste expérience de la politique publique et de la défense d'intérêts, comme nombre d'entre vous le savez. Il a occupé des postes supérieurs dans divers cabinets ministériels fédéraux dans les années 1980 et au début des années 1990 et il a aussi été directeur exécutif de la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux et de la Commission d'examen du Bureau de la sécurité des transports.
Depuis quatre ans, il est conseillé supérieur chez Strategy Corp, où il dispense des conseils stratégiques et fournit des services de relations gouvernementales pour appuyer un large éventail de clients dans les dossiers des communications, de l'éducation et des transports.
[Français]
Depuis qu'elle a rejoint la FCEI, en 1998, Mme Corinne Pohlmann a travaillé au service de la recherche au sein duquel elle a rédigé plusieurs rapports sur un éventail de sujets de politiques publiques et d'économie, avant d'être désignée au poste de directrice du service aux membres.
En 2000, Mme Pohlmann a été nommée directrice des affaires provinciales pour l'Alberta et les Territoires du Nord- Ouest, au bureau d'Edmonton, où elle a passé près de six ans à représenter les intérêts des membres de ces deux régions auprès de tous les paliers du gouvernement.
En 2006, Corinne a été transférée à Ottawa pour prendre les fonctions qu'elle occupe actuellement.
[Traduction]
Si nos témoins ont des déclarations préliminaires à nous présenter, nous allons les écouter, après quoi nous aimerions qu'ils répondent à nos questions.
Warren Everson, vice-président principal, Politiques, Chambre de commerce du Canada : Je sais que votre journée a été longue, je vais donc essayer de présenter rapidement mes commentaires pour en arriver à vos questions. Nous sommes heureux d'avoir été invités à commenter ce sujet devant vous.
Comme vous le savez, la Chambre de commerce du Canada est une très vaste association de gens d'affaires du Canada. Nous représentons plus de 190 000 entreprises actives, je crois, dans tous les secteurs et, certainement, dans toutes les régions du pays. Si cela vous paraît impressionnant, je vous rappelle ce que vient de dire le président : je suis entré en fonction il y a il y a tout juste cinq semaines, alors le fer de ma lance n'est pas très affûté.
Je dirai aussi qu'il n'est pas rare pour la Chambre de commerce de traiter de dossiers qui divisent ses propres membres. En l'occurrence, nous comptons parmi nos membres des coopératives de crédit et des banques, ainsi que la BDC. Normalement, nous serions très prudents dans notre témoignage, aujourd'hui. J'entretiens en outre un solide scepticisme quant à la fonction du gouvernement du Canada dans notre économie, car à l'époque où j'avais ma propre société, je me suis parfois trouvé en situation de concurrence avec des organismes gouvernementaux.
Néanmoins, je suis ici, et c'est parce que nous n'avons pas relevé de discorde marquée parmi nos membres. De fait, nos membres ont fort bien accueilli l'idée de présenter un mémoire et de vous dire toute l'importance que nous accordons au rôle de la BDC dans l'économie, en particulier le ciblage des petites et moyennes entreprises.
Comme vous le savez tous, l'accès aux capitaux est difficile, en particulier pour les jeunes entreprises de technologie. Les entreprises en démarrage manquent généralement de fonds, d'actifs corporels, et les banques commerciales hésitent à s'engager dans le marché des petites transactions à haut risque.
Nous constatons que l'enquête 2010 de Deloitte sur le capital-risque mondial concluait qu'il y avait au pays une grave absence de sociétés de capital-risque qui auraient pu créer un climat d'investissement et d'innovation. La majorité des répondants à l'enquête ont affirmé qu'ils s'attendaient à ce que le nombre de sociétés de capital-risque décline d'ici 2015. J'entends souvent ce commentaire sur le marché canadien.
La BDC collabore avec le secteur privé pour combler les lacunes et, ce faisant, elle appuie le développement de la petite entreprise et nous permet de promouvoir l'innovation.
Vous avez passé la journée ici; je n'ai pas besoin de vous défiler toutes les statistiques sur les fonds que la BDC a injectés sur le marché. Toutefois, je dirai que la consultation de nos membres a révélé une conviction profonde que cette organisation avait joué un rôle essentiel ces dernières années, pendant la crise financière. De nombreuses banques étrangères et certaines institutions financières non réglementées ont pratiquement abandonné le marché. Le crédit s'est gravement resserré. La BDC et EDC ont travaillé avec des prêteurs privés et fourni près de 10 milliards de dollars de liquidités. Pendant quelque temps, ils ont pour ainsi dire remplacé le marché du financement adossé à des créances mobilières, qui était essentiellement fermé.
Nombre d'emplois ont été ainsi sauvés, et bien des faillites commerciales ont été évitées. Statistique Canada estime que les clients de la BDC ont reçu un financement qui leur a permis de se maintenir et de mener des activités économiques à valeur ajoutée directe et indirecte qui représentent près de 40 milliards de dollars.
Le Conference Board du Canada a conclu que les institutions financières du gouvernement fédéral, en particulier la BDC et Exportation et développement Canada, étaient intervenues et avaient fourni un soutien exceptionnel en temps de crise. Collectivement, ces organismes ont accéléré le rétablissement du système financier canadien.
Ce rétablissement n'est évidemment pas terminé, comme l'indique l'Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada. L'amélioration des conditions de crédit commence à se faire plus largement sentir, mais la petite entreprise continue de déclarer qu'il lui est difficile de trouver du crédit. Après coup, il est évident que la Chambre a effectué un travail important par le passé. Pour répondre à la question du sénateur, nous envisageons encore pour elle un rôle considérable à l'avenir.
Le monde a beaucoup changé pendant le ralentissement économique. Il suffit de regarder la différence des taux de croissance en Amérique du Nord et de l'autre côté du Pacifique pour reconnaître l'ampleur du changement en cours dans nos conditions économiques. Les économies asiatiques et brésiliennes affichent des taux de croissance de 7, 8 et 9 p. 100 alors que nous avons un taux de croissance anémique de 2 p. 100 et que les Américains s'en tirent encore moins bien. Les pays en développement sont beaucoup plus concurrentiels. Ils nous dépassent en termes d'innovation technologique et attirent d'énormes sommes en investissement étranger.
Par conséquent, il est essentiel non seulement d'améliorer l'efficacité de nos échanges commerciaux, mais en outre de veiller à ce que les petites entreprises n'aient aucune excuse pour demeurer au sein de notre propre économie. Personnellement, il me semble les services bancaires aux entreprises sont de plus en plus difficiles d'accès. Il est assez facile de compter les unités, il est facile de les saisir lorsqu'un prêt n'est pas remboursé, mais de plus en plus de Canadiens gagnent leur vie à l'étranger avec ce qu'ils ont entre les deux oreilles, et il est difficile d'en dériver une garantie.
J'ai eu ma propre entreprise pendant sept ou huit ans. J'étais expert-conseil et j'avais très peu de coûts indirects. Je n'avais pas besoin de financement, mais si j'en avais eu besoin, je ne sais pas ce que j'aurais pu offrir comme garantie, si ce n'est des reçus venant de projets que j'avais déjà obtenus et qui étaient à court terme. Mon entreprise tournait grâce à une ligne de crédit garantie par ma résidence personnelle. Si quelqu'un me suggérait d'explorer un marché aux États- Unis ou en Asie, où la croissance était rapide, je disais que je ne pouvais pas financer ce genre d'expansion et que ma femme m'assassinerait si je prenais plus de risque avec notre résidence. C'est un problème concret, qu'il ne faut pas écarter du revers de la main.
Les entreprises canadiennes, y compris les PME, doivent mieux protéger leur avantage concurrentiel et investir énormément dans la technologie de l'information. Elles doivent offrir de nouveaux produits à l'occasion. Elles doivent certainement intensifier leurs efforts de marketing et pour ce faire elles ont besoin de capitaux. Vu la petite taille des transactions et le risque élevé, ce n'est pas un secteur où les prêteurs commerciaux aiment s'aventurer.
En partenariat avec le secteur privé, la BDC a un rôle certain à jouer pour offrir un financement complémentaire et des services non financiers. Comme je l'ai dit, je suis fort sceptique quant au rôle que le gouvernement peut jouer dans l'économie, particulièrement lorsqu'il est en concurrence avec les entreprises canadiennes. En vue de notre comparution aujourd'hui, nous avons donc sondé les coopératives de crédit et les banques membres de notre organisation. Nous pensions trouver un solide ressentiment envers la BDC, mais non. Au contraire, l'organisation semble avoir réussi à se présenter comme complément et soutien plutôt que comme concurrent. C'est louable, et je crois que le gouvernement devrait l'en récompenser.
La BDC a proposé diverses modifications de la Loi sur la Banque de développement du Canada. Les produits de financement qu'elle veut offrir nous semblent assez valables, mais nous ne pensons pas qu'elle puisse vraiment faire concurrence aux prêteurs commerciaux dans le domaine des sûretés et de l'indemnisation. Certains de nos membres ont utilisé les services consultatifs et ils les ont trouvés utiles. Personne n'a présenté d'objections.
La Chambre de commerce du Canada croit qu'il serait fort utile que la BDC collabore avec le secteur privé pour définir les rôles complémentaires qu'ils peuvent jouer et avec EDC pour éviter le double emploi. Nous vous félicitons de suggérer d'établir des directives très claires à ce sujet, par crainte que les organismes ne se trouvent en situation de concurrence.
S'il y a des lacunes que le secteur privé ne peut combler en termes de disponibilité de certains produits et services, la BDC peut jouer un rôle complémentaire important.
Le président : Vous avez dit que les banques à charte étaient membres de votre organisation?
M. Everson : Oui.
Le président : Madame Pohlmann, nous vous écoutons.
Corinne Pohlmann, vice-présidente des Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour exposer le point de vue de la FCEI sur le financement des PME au Canada et le rôle de la BDC dans ce contexte. Je ne suis pas une spécialiste des banques, et je ne connais pas tous les détails relatifs à la BDC, mais je peux vous expliquer les problèmes de financement des petites entreprises et j'espère que cela vous servira dans vos délibérations sur la BDC, compte tenu du fait que son mandat vise principalement le marché des PEM.
Je vais commenter une présentation que vous avez sans doute sous les yeux. Mon exposé sera bref et, je l'espère, utile.
La FCEI est un organisme neutre et sans but lucratif qui représente plus de 107 000 petites et moyennes entreprises indépendantes et possédées par des Canadiens dans tout le pays. Nous traitons de dossiers avec tous les ordres de gouvernement, et nos membres viennent de toutes les régions du pays et de tous les secteurs de l'économie.
Comme vous le savez, la petite entreprise est très importante au Canada. Elle réunit 98 p. 100 de toutes les entreprises, donne du travail à la majorité des Canadiens et est responsable de près de la moitié de la production économique du Canada. Le dernier Baromètre des affaires de la FCEI a été publié aujourd'hui, et en principe vous en avez tous un exemplaire dans votre trousse d'information.
La diapositive 4 de la présentation reproduit l'indice du Baromètre qui montre qu'après une baisse constante pendant le printemps et l'été, l'optimisme des petites entreprises s'est redressé de trois points en octobre pour atteindre son plus haut niveau depuis le mois de mai. Ce niveau reste modeste si on le compare à la période qui a précédé la récession, mais il semble indiquer un raffermissement des attentes des propriétaires d'entreprise, qui demeurent toutefois prudents dans leurs intentions d'embauche et d'investissement.
Je vais maintenant vous faire part de quelques détails tirés de la dernière étude de la FCEI sur le secteur bancaire au Canada. Premièrement, il faut bien comprendre certains des obstacles que rencontrent en matière de financement les PME qui veulent s'établir. La diapositive 5 montre que l'obtention d'un prêt est l'étape la plus difficile pour 61 p. 100 des répondants, suivie par la présentation de garanties — et je pense qu'il s'agit surtout d'entreprises de services —, puis évidemment il y a le coût. Un organisme comme la BDC a effectivement sa place pour aider les petites entreprises qui se heurtent à ces obstacles.
Nous avons aussi demandé à nos répondants d'où venait le financement que les petites entreprises utilisent pour s'établir. Comme vous le voyez sur la diapositive 6, les deux tiers ont recours à leur épargne personnelle, et près de la moitié comptent sur les prêts commerciaux des banques. Environ 6 p. 100 des petites sociétés ont eu recours à la BDC pour s'établir.
Nous avons également suivi mensuellement la provenance des prêts les plus importants pour les PME depuis le début de 2009. Comme vous le voyez sur la diapositive 7, les institutions gouvernementales sont la source des prêts les plus importants pour environ 10 p. 100 des petites entreprises. Comme nous l'indiquons, cela comprend la BDC, mais aussi EDC, FAC et la CCC.
Ces institutions gouvernementales jouent un rôle relativement modeste lorsqu'il s'agit de consentir des prêts aux petites entreprises au Canada, et c'est très bien ainsi, car elles devraient intervenir uniquement en dernier recours ou lorsque le risque est élevé, pour remédier aux carences des services offerts par le secteur bancaire traditionnel.
La FCEI étudie les problèmes bancaires des PEM depuis plus de 20 ans, et nous avons été témoins de bien des changements au cours de cette période. La diapositive 8 montre qu'au fil des ans, certaines banques ont vu diminuer leur part du marché de la petite entreprise, notamment la CIBC et la Banque Royale, tandis que d'autres prenaient une importance considérable pour la petite entreprise du Canada, par exemple les coopératives de crédit et la Banque Scotia. Cela indique que la situation de la concurrence dans le domaine du financement de la petite entreprise évolue constamment. C'est bien, car les petites entreprises peuvent ainsi profiter de nouvelles options de financement et obtenir des prêts et des services bancaires à des taux plus concurrentiels.
Nous croyons qu'une institution gouvernementale a un rôle à jouer dans le domaine du financement. Elle devrait se concentrer sur ceux qui ont de la difficulté à obtenir des prêts classiques et donc compléter l'offre de service du secteur bancaire traditionnel, plutôt que de lui faire concurrence.
Les trois dernières diapositives illustrent certains des indicateurs clés du financement des PEM. Cela peut contribuer à dégager les lacunes du financement de la petite entreprise et à déterminer si la BDC les corrige.
La diapositive 9 présente les indicateurs en fonction de la taille des entreprises. Plus l'entreprise est petite, et plus il lui est difficile d'obtenir du financement. En effet, une micro-entreprise sur quatre — celles qui ont moins de cinq employés — s'est vue refuser un prêt contre moins d'une sur dix dans le cas des entreprises de taille moyenne. Il conviendrait donc de se demander quelle est la taille moyenne des entreprises clientes de la BDC.
La diapositive suivante contient les mêmes indicateurs, mais en fonction du nombre d'années d'existence de l'entreprise. Elle révèle qu'une jeune entreprise sur trois — celles qui existent depuis moins de cinq ans — s'est vue refuser un prêt, ce qui nous fait nous poser une deuxième question : quelle proportion des prêts de la BDC est accordée aux entreprises en démarrage ou relativement jeunes? Je crois savoir que cela est assez important.
Finalement, comme vous le voyez sur la diapositive 11, il y a aussi des secteurs qui ont plus de difficultés à trouver du financement que les autres, et la BDC pourrait peut-être également y intervenir. Les entreprises qui éprouvent le plus de difficultés sont souvent des entreprises axées sur les services, notamment dans le domaine des arts et du loisir, de l'hébergement et des services personnels, ainsi que dans le domaine des transports et de la vente au détail. En vous communiquant cette information, nous ne voulons pas laisser entendre que la BDC ne corrige pas ces lacunes, nous disons simplement que ce sont les segments qui éprouvent le plus de difficultés à trouver du financement, et il pourrait valoir la peine de vérifier si ce sont des segments bien desservis par la BDC. C'est quelque chose que je ne saurais dire.
La FCEI croit qu'une organisation comme la BDC a un rôle important à jouer pour remédier aux lacunes de financement pour la petite entreprise, en particulier lorsque les sources de financement plus classiques deviennent plus exigeantes. Maintenant que la situation s'améliore, quoique lentement, elle devrait commencer à se retirer du marché pour laisser le secteur bancaire traditionnel répondre à une partie de ces besoins.
Il nous arrive de craindre qu'une entité comme la BDC ou, par exemple, le programme du financement des petites entreprises qui vient combler à point nommé une lacune du marché risque, fortuitement, d'empêcher le secteur bancaire traditionnel d'assumer des risques qu'il accepterait de courir s'il ne pouvait pas conseiller au client d'utiliser une garantie de prêt du gouvernement ou de s'adresser à une organisation gouvernementale.
Cela risque d'accroître le coût du crédit pour les petites entreprises les plus vulnérables, car les options de financement du gouvernement sont généralement plus coûteuses. Nous ne disons pas que c'est ce qui se produit, mais simplement qu'il y a un risque lorsque les gouvernements s'engagent sur le marché du financement et c'est la raison pour laquelle il est absolument essentiel que des groupes comme la BDC commencent à se retirer du marché maintenant que l'économie se redresse.
Comme mentionné précédemment, la BDC doit compléter le secteur privé, et non pas lui faire concurrence. Cela vaut également pour les services non financiers. Nous avons entendu des plaintes formulées par certains intervenants du secteur privé qui considère qu'il est inéquitable qu'à l'heure actuelle, la BDC puisse offrir des services consultatifs en concurrence avec ceux du secteur privé. Par conséquent, la FCEI hésiterait énormément à élargir l'accès de la BDC au marché des services non financiers, de crainte qu'elle ne propose des services déjà offerts par le secteur privé — et souvent par des petites entreprises. À tout le moins, toutes les dispositions qui l'autorisent à offrir un éventail élargi de services financiers et non financiers devraient faire l'objet d'une analyse et de consultations en profondeur, pour bien illustrer que le service n'est pas déjà offert par le secteur privé.
Pour terminer, je voudrais demander comment la BDC interagit avec d'autres établissements de crédit du gouvernement ou les complète. Je songe notamment à EDC, à Financement agricole Canada et au Programme de financement des petites entreprises du Canada, qui ont tous pour mandat de corriger les lacunes du marché du financement au Canada. Je soulève la question car il me semble que certaines des demandes de la BDC concernant l'élargissement de sa gamme de services risquent d'empiéter sur le mandat d'autres établissements de crédit du gouvernement. Il serait important de veiller à ce que les nouveaux pouvoirs complètent les autres, afin de ne pas créer trop de confusion sur le marché.
Le président : Madame Pohlmann, avez-vous parlé de la demande de la BDC qui porte sur la possibilité de suivre le client à l'étranger?
Mme Pohlmann : Seulement pour dire qu'il faut se demander si c'est un rôle qui convient à EDC ou à la BDC. Je n'en ai pas traité en détail.
Le président : Que pensez-vous de cette demande de la BDC?
Mme Pohlmann : Je ne pense pas vraiment pouvoir vous répondre de façon éclairée car moins de 25 p. 100 de nos membres œuvrent dans les marchés d'exportation ou d'autres marchés.
Le président : Avez-vous examiné la demande de la BDC qui porte sur un éventail élargi d'outils financiers?
Mme Pohlmann : Oui, et j'ai seulement dit qu'il devrait être complémentaire et non pas faire concurrence au secteur privé.
Le président : Si j'ai bien compris, cette requête vise surtout les prêts à des fiducies, par exemple, et à d'autres organisations qui comptent de nombreux membres, pour que chaque membre n'ait pas à conclure individuellement une transaction. Elle pourrait prêter à l'entité, et l'entité se chargerait ensuite des transactions individuelles.
Mme Pohlmann : Oui. Cela nous irait. Je sais par exemple que la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs entretient avec la BDC une relation qui nous semble très intéressante et positive. Cela pourrait éliminer certaines tâches administratives et le double emploi. Nous verrions cela d'un bon œil.
Le sénateur Ringuette : Ma première question s'adresse à vous deux, car vous avez indiqué que vous étiez nettement en faveur du libre marché et de la non-intervention gouvernementale sur le marché et vous avez dit que la BDC devrait jouer un rôle qui complète celui du secteur privé. Comment pouvez-vous concilier ces deux positions contraires?
Mme Pohlmann : Ce n'est pas facile, c'est certain, car il faut en arriver à un équilibre. La petite entreprise qui est considérée comme présentant un risque élevé mérite un certain soutien financier, mais elle le paie, ne l'oubliez pas. Ces types de prêts sont plus coûteux. Elle devrait avoir la possibilité d'obtenir ce genre de financement. Parallèlement, nous craignons un peu que cela ne ménage le secteur bancaire traditionnel, qui ne partage pas le risque. Je suis d'accord avec vous, c'est un équilibre délicat, et il importe de bien le gérer.
M. Everson : Je ne pense pas que cela soit vraiment inconciliable. La BDC est un instrument de politique qui doit s'attaquer à un problème bien défini et persistant au Canada. Nous ne soutenons pas que l'État n'a pas de rôle à jouer dans l'économie; nous disons simplement qu'il faut être très prudent pour ne pas étouffer l'esprit d'innovation ou l'activité du secteur privé. Si les membres m'avaient présenté des commentaires de ce genre, je vous en aurais certainement fait part. Vous avez raison d'agir avec prudence pour repenser la BDC et étudier les amendements proposés. Le financement du secteur de la petite constitue un véritable défi, mais c'est nécessaire. Dans les faits, ce modèle semble fonctionner.
Le sénateur Ringuette : C'est une façon de concilier des philosophies opposées.
Madame Pohlmann, je regarde la diapositive 9, où vous présentez les taux d'intérêt excédant le taux de base pour la micro-entreprise. Il s'agit sans doute d'entreprises à domicile.
Mme Pohlmann : Pas toujours; cela peut être un cabinet d'experts-conseils. Nombre de ces entreprises sont des entreprises de services. Dans certains cas, ce sont des travailleurs autonomes à domicile. Le prêt médian approuvé est relativement modeste, il est d'environ 50 000 $.
Le sénateur Ringuette : D'après les données que vous fournissez sur cette diapositive, il semble que plus l'entreprise est petite et plus le taux d'intérêt et le taux de rejet des demandes de prêt sont élevés. Nous devrions déduire de cette diapositive que le mandat de la BDC devrait prévoir plus d'intervention sur ce marché.
Mme Pohlmann : C'est exactement ce que nous voulons dire. Il existe des carences que nos travaux nous ont permis de cerner. Il se pourrait qu'on puisse les corriger dans ce segment du marché, mais je l'ignore. Nous en parlons parce qu'il s'agit d'un groupe. Nous comprenons que les jeunes entreprises et certains secteurs précis constituent un risque plus élevé, et dans leur cas les prêts sont donc souvent plus coûteux et le taux de rejet, plus élevé dans les banques traditionnelles. Ces données portent sur le secteur bancaire traditionnel.
Le sénateur Ringuette : Sur la diapositive 11, je vois le montant moyen des prêts et le lien avec les taux de rejet, mais il ne semble pas y avoir véritablement de corrélation. Cela tient plutôt au type de secteur commercial.
Mme Pohlmann : Précisément. Les secteurs axés sur les services sont souvent considérés comme plus à risque et leurs taux de rejet sont donc plus élevés. Dans les secteurs plus traditionnels, l'agriculture par exemple, le secteur manufacturier et le bâtiment, les taux de rejet sont plus faibles.
Le sénateur Ringuette : Les taux de rejet pour l'industrie de l'hébergement, les ressources naturelles et les arts et les loisirs sont extrêmement élevés. Je vous remercie de cette information, car elle est importante pour aider le comité à bien cerner les besoins pour la BDC.
Mme Pohlmann : C'est précisément pour cette raison que nous voulions porter cela à votre attention. Cela figure dans notre rapport sur les banques, nous le faisons depuis des années. Nous suivons cela depuis longtemps. C'est l'information qu'il nous semble important de vous communiquer, pour que la BDC cible ces segments.
Le sénateur Ringuette : C'est une information que vos membres vous fournissent, n'est-ce pas?
Mme Pohlmann : Oui.
Le président : Le sénateur Ringuette est plutôt avare de compliments, alors vous pouvez vous en réjouir.
Le sénateur Moore : Monsieur Everson, le président vous a demandé ou vous avez peut-être fait vous-même ce commentaire... votre organisation semble accepter les cinq demandes présentées par la BDC pour élargir ses pouvoirs et sa gamme de services.
Madame Pohlmann, vous avez fait un commentaire concernant les projets de loi peu judicieux qui élargissent la gamme des services financiers; vous voulez que le secteur privé s'en occupe. Vous avez également fait allusion à la complémentarité.
Je trouve curieux que la BDC cherche à éliminer le plafond pour le capital d'apport. Il est actuellement de 3 milliards de dollars, et elle veut l'éliminer. Je suis de la vieille école quand nous parlons de l'argent des contribuables. J'aime que les gens viennent dire au Parlement, aux deux chambres, pourquoi ils ont besoin d'argent, de combien, à quelle fin et pour combien de temps. Que pensez-vous de cela? Pensez-vous que la limite applicable au capital d'apport devrait être indéfinie?
M. Everson : Je ne saurais répondre à cela; je ne suis pas banquier et je ne connais pas les banques. Je suis de votre avis, il est téméraire d'accorder des limites excessives. Nonobstant le fait que l'organisation a été jusqu'à maintenant raisonnablement prudente, il faut se demander ce qui se passera dans des années. Alors oui, une limite quelconque, mais je ne saurais dire qu'est-ce qu'elle doit être.
Le sénateur Moore : Oui, mais votre organisation a bien dû voir avec quelle rapidité le Parlement était intervenu lorsqu'il a fallu faire quelque chose pour l'économie au pays. Nous avons agi en quelques semaines. Dans ce contexte, est-ce que vous avez un commentaire à faire au sujet de cette demande? Et vous, Madame Pohlmann, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Pohlmann : Je ne suis ni banquier ni spécialiste de la BDC, mais à première vue c'est quelque chose qui nous inquiète un peu — toujours pour les raisons que vous avez mentionnées. Nous parlons de l'argent des contribuables. Nous voulons que cette intervention sur le marché soit complémentaire, pas concurrentielle. Il faut fixer un plafond à cette participation sur ce marché. S'il s'avère nécessaire d'intensifier cette présence, il y a d'autres mécanismes à utiliser.
Oui, je crois que nous sommes un peu sceptiques face à cette demande.
M. Everson : Je peux ajouter quelque chose? Vous avez soulevé un deuxième point, c'est-à-dire qu'en temps de crise, il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir un organisme qui ne faisait rien auparavant qu'attendre la crise?
Le sénateur Moore : C'est une question que le sénateur Massicotte a posée un peu plus tôt aujourd'hui.
M. Everson : J'ai grandi dans une petite ville où les pompiers étaient des volontaires, mais cela n'existe pas dans les grandes villes parce que les défis sont immenses et que les pompiers bénévoles ne pourraient pas les relever. Dans mon entreprise, le seul actif que nous avions était notre cerveau. Ce que la BDC et les organismes connexes apportent, c'est la connaissance du marché, des systèmes déjà testés, et cetera.
Le Parlement peut réagir très rapidement, c'est vrai. Le consensus était admirable à la Chambre, mais il faut que quelque chose soit connecté à ce bouton quand vous le poussez. Vous aviez des ressources sous la main, des agences d'État, et elles n'auraient pas existé si vous aviez dit, commençons par le début, partons de rien et demandons au ministère des Finances ce qu'il peut nous offrir. Vous n'auriez pas pu recourir à cette infrastructure aussi rapidement.
Le sénateur Moore : Nous ne partions pas de rien. Ce n'était pas le cas.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Everson, la plupart de vos membres sont des clients potentiels des banques ou de la BDC et de Desjardins. Certains de vos membres sont des banques, mais ils constituent une minorité.
Je suis un homme d'affaires. Si j'étais votre client, je dirais que plus on est de fous... Regardez votre sondage, le problème particulier des gens d'affaires est de trouver des capitaux; ce n'est pas le taux d'intérêt. Si vous avez un bon projet, le coût ne sera pas très important en comparaison de la nécessité de trouver des capitaux.
Évidemment, vous direz qu'elle a un rôle à jouer; plus on est de fous plus on ri. Notre problème à nous, législateurs, c'est d'affirmer que nous croyons dans l'économie de marché et d'accorder une subvention indirecte importante à la BDC. Ce n'est pas négligeable compte tenu du rendement; depuis quelque temps, c'est l'argent du gouvernement qui finance ses besoins.
Est-ce que vous dites que cela est approprié? Nous disons au départ que si le marché est adéquat il faut le laisser jouer. Certes, le marché n'est jamais parfait; il y aura des carences, des trous, mais c'est le marché, et c'est comme cela que les trous sont comblés. Quelqu'un voit le trou et le comble.
Il n'est pas bon que le gouvernement modifie la structure du marché — prenez le cas de la Russie. Le marché cherche toujours le trou.
Quand nous avons posé la question à l'Association des banquiers canadiens, on nous a dit qu'il n'y avait pas de trou pour les petites et moyennes entreprises. Les sondages sont clairs; elles sont satisfaites du service. Vous avez un tableau qui montre que la BDC ne fournit que 8 p. 100 de la sûreté accessoire.
Les banques semblent faire un bon travail, sauf peut-être pour ce qui est du capital-risque pour démarrer une entreprise; il y a sans doute une carence dans ce domaine. Si j'étais cynique, je dirais qu'elles perdent beaucoup d'argent là; elles ne veulent pas le faire. Chacun veut pouvoir choisir les bons morceaux et laisser le reste aux autres. Qu'en dites- vous? De quelle façon est-ce que vous pouvez peser le pour et le contre?
M. Everson : La majorité de nos membres sont des petites entreprises, et la plupart d'entre elles seraient des clients possibles de l'une de ces agences. Je dirai que les banques à charte représentent une formidable minorité au sein de notre organisation. Si elles nous avaient dit qu'elles s'opposent à la BDC et qu'elles craignent ce que la BCE propose, je ne vous aurais pas présenté de commentaires positifs.
Je crois que l'État a le droit de dire qu'il veut que quelque chose soit fait et que si cela n'est pas fait par le secteur privé, il va le faire. Je crois que vous avez ce droit.
Il est faux de laisser entendre qu'en l'absence de ces organisations, les institutions financières seraient forcées de combler le vide. Elles ne seront pas forcées de combler le vide. Elles n'ont pas de devoir public, alors cela sera négligé. C'est ce que je pense.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que l'appât du gain ne les encouragerait pas à agir?
M. Everson : Certaines pourraient peut-être s'y essayer. C'est un risque, mais les membres de mon organisation n'en voient pas la raison. Nous avons quelque chose qui fonctionne bien. C'est un peu difficile sur le plan théorique, j'en conviens. Néanmoins, personne chez nous ne suggère de fermer cette institution.
Le sénateur Massicotte : J'ai été étonné que la BDC ne soit qu'à 8 p. 100. J'aurais cru que c'était beaucoup plus important. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Pohlmann : Non. C'est 10 p. 100 pour l'ensemble des institutions gouvernementales, et je pense que l'essentiel va à la BDC. Une partie de cela est fournie par EDC et d'autres, mais nous pensons que cela est approprié. Nous ne voudrions pas que cela soit plus important, mais c'est ce que nous indiquent régulièrement nos chiffres.
Les 6 p. 100, c'est pour 2007, à l'époque où l'économie allait encore bien. Les 10 p. 100, c'est pour l'an dernier, plus ou moins.
Le sénateur Massicotte : C'est important même pour les autres banques. Pourtant, elles dépensent beaucoup en publicité et pour assurer une présence sur le marché. Évidemment, le marché fonctionne fort bien sans la BDC.
Mme Pohlmann : Comme je l'ai dit, il y a eu des changements au fil des ans. Nous avons vu des améliorations dans le secteur bancaire traditionnel pour offrir un meilleur accès au crédit aux petites entreprises. Cela dit, nous constatons que les banques traditionnelles se retirent parfois de certains secteurs, pour diverses raisons. Elles peuvent décider que tel segment de l'économie ne leur convient pas.
Que faites-vous, alors? Ce sont des entreprises viables, elles ont des employés, elles veulent progresser et tout à coup elles n'ont plus aucun accès au crédit parce qu'elles ont des liens avec l'industrie automobile, par exemple.
C'est ce qui s'est passé au cours de la dernière période de ralentissement. Les banques se sont assez bien maintenues pendant cette période pour répondre à certains besoins de nos membres, sauf dans des segments comme ceux qui avaient des liens avec l'industrie automobile, dans le sud de l'Ontario. Même si une entreprise avait remboursé ses prêts, qu'elle était en bonne position et qu'elle n'éprouvait pas de difficulté, cela ne comptait pas; les banques se sont retirées. C'est dans de telles circonstances que ce genre d'organisation peut être utile.
Le sénateur Massicotte : Vous avez vu dans les journaux, récemment, que le gouvernement était intervenu et avait aidé les fabricants d'automobiles, en particulier GMC. À hauteur de 10 milliards de dollars. Je peux comprendre pourquoi les banques se sont retirées.
Le sénateur Moore : Monsieur Everson, vous avez dit que les coopératives de crédit, les banques et la BDC étaient toutes membres de votre organisation et que les banques formaient une solide minorité.
Comment avez-vous préparé vos commentaires d'aujourd'hui? Par le passé, la FCEI sondait constamment ses membres pour établir les tendances et les chiffres. Comment déterminez-vous la position de vos divers membres sur des sujets comme celui d'aujourd'hui?
M. Everson : En l'occurrence, nous n'avons pas fait de sondage pour demander l'opinion des membres. Pour répondre au sénateur Massicotte, nos membres sont surtout des petites entreprises, alors si quelque chose est bon pour la petite entreprise, je pense que la réponse est évidente.
J'ai dans mon groupe stratégique un spécialiste financier qui consulte directement les banques et les coopératives de crédit. J'ai moi-même parlé à deux ou trois d'entre elles. Notre examen a été passif. Nous avons essentiellement demandé s'il y avait des problèmes. En règle générale, nous le savons rapidement s'il y a un problème.
Le sénateur Moore : Parmi les 190 000 entreprises que vous dites représenter dans tous les secteurs et toutes les régions, les banques et les coopératives de crédit seraient une quantité négligeable dans un sondage d'opinion.
M. Everson : Vous me demandez si elles ont fait un tabac? Je devrais...
Le sénateur Moore : Je pense que cela peut se produire, et si j'étais une petite entreprise j'aurais quelque chose à dire au sujet de ces questions. Je me demande quelle est l'influence de vos membres minoritaires.
[Français]
Le sénateur Mockler : Je suis content de vous entendre dire que BDC, EDC et FCC jouent un rôle important et positif dans l'économie canadienne.
Par contre, en octobre dernier, nous avons reçu au Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, M. John Thompson, président du Groupe Financier de la Banque TD, qui a dit que le Canada en particulier — pour ne pas dire l'Amérique du Nord — avait un sérieux déficit dans le capital de risque.
On sait donc que BDC et EDC et FCC jouent un rôle important. Mais selon le témoignage de certains témoins entendus, des gens sont accusés de prendre une partie de plus en plus grande dans l'économie, que ce soit en agriculture ou dans les ressources naturelles.
[Traduction]
La diapositive 11 montre que le taux d'intérêt excédant le taux de base est à environ 1,4 p. 100 pour l'agriculture et à 1,9 p. 100 pour les ressources naturelles. Toutefois, le taux de refus pour l'agriculture est de 8,3 p. 100, et de 20,4 p. 100 pour les ressources naturelles.
Pourriez-vous nous expliquer la différence entre les deux?
M. Everson : Non, monsieur. Je n'ai pas compétence pour ce faire.
Mme Pohlmann : C'est fondé sur la rétroaction des entreprises dans ces secteurs particuliers. Les membres du secteur de l'agriculture sont bien établis. Ils ont de grandes propriétés et donc plus de sécurité. Les membres du secteur des ressources naturelles sont généralement de jeunes entreprises. Ils desservent l'industrie pétrolière, par exemple, ce qui, je crois, explique le taux élevé de refus. Nos membres du secteur des ressources naturelles sont souvent ceux qui desservent les mines, les sables bitumineux et ce genre de choses, leurs activités sont considérées comme un peu plus risquées, d'où le taux de refus plus élevé.
L'agriculture est un secteur relativement bien établi. Les gens comprennent comment on peut y faire des profits et je crois que c'est ce qui est reflété ici.
Le sénateur Mockler : Qu'est-ce que vous diriez si la BDC, EDC et FAC devaient occuper une plus grande part de marché et faire concurrence au système bancaire traditionnel?
Mme Pohlmann : Nous sommes opposés à cela. Nous pensons qu'ils devraient commencer à se retirer du marché. Ils avaient un rôle à jouer lorsque les banques traditionnelles se repliaient, pendant le ralentissement. Nous croyons qu'ils devraient maintenant quitter le marché et laisser le secteur bancaire traditionnel y revenir, en partie en raison des coûts. Il est beaucoup plus coûteux d'emprunter des institutions gouvernementales, et le secteur bancaire traditionnel peut jouer un rôle plus concurrentiel pour obtenir ce genre de contrats.
Le sénateur Mockler : Monsieur Everson, vous avez un commentaire?
M. Everson : Les propositions de la BDC au sujet de son rôle dans la prestation de services ne semblent pas toucher de secteurs déjà bien desservis. Elle veut offrir des indemnités et des services de cautionnement, et mes membres ne m'ont pas exprimé de réticence à ce sujet. Je ne suis pas en mesure de dire si la concurrence entre la BDC et les consultants du secteur privé est vigoureuse.
Vous avez traité de la relation avec EDC, et je crois que le comité devrait songer à la possibilité que les deux organisations soient en concurrence ou fassent double emploi. Il me semble que c'est un problème qu'on peut régler avec les directives appropriées, mais il y a un risque. C'est une des choses que je vous recommanderais.
J'ai une autre remarque à faire. Lorsque j'étais directeur exécutif de la Commission d'examen des transports, au début des années 1990, nous avons fait un exercice semblable pour tenter d'évaluer les progrès réalisés grâce à la loi. C'était une vaste étude, parce qu'elle portait de tous les modes de transport. J'ai été surpris de constater que les témoins évoquaient très souvent la clause de finalité de la loi. La Loi sur les transports est aussi épaisse que l'annuaire du téléphone, et cela se trouve dans un petit paragraphe au début, qui explique l'objet de la loi.
Tous les gouvernements provinciaux et divers autres organismes y ont fait allusion. Lorsqu'ils discutaient de l'objet de la loi, ils ne s'intéressaient pas beaucoup à la méthode; ils parlaient du but, qui était énoncé dans un paragraphe. Tous les avocats en ont parlé, parce qu'ils voulaient un avantage réglementaire ou poursuivaient quelqu'un et voulaient pouvoir soutenir devant les tribunaux que cela se trouvait dans la loi. On citait constamment ce paragraphe.
Je vous le dis parce que la clause d'objet de la BDC est très courte. Elle est bien rédigée; je la comprends parfaitement. Toutefois, si vous avez des inquiétudes ou que vos témoins s'inquiètent de l'approche hégémonique du marché, cela peut être réglé en donnant des instructions dans l'article énonçant l'objet. C'est un élément discret, mais selon moi, il attire beaucoup l'attention des gens sur le terrain.
Le sénateur Mockler : Est-ce que nos clients auront un meilleur accès au capital-risque, est-ce que c'est ce qu'ils vous demandent?
M. Everson : Je le crois. Je ne travaille pas avec la Chambre depuis très longtemps, mais je m'étonne du nombre d'organisations de petites entreprises qui parlent du défi que représentent les marchés internationaux par opposition au maintien de leur base nationale. Je n'entends que ça depuis mon arrivée. Je crois que c'est une importante préoccupation pour les petites entreprises, de s'attaquer aux marchés étrangers, particulièrement de l'autre côté du Pacifique, où elles sont vraiment intimidées.
Mme Pohlmann : Il y a certainement des problèmes concernant le capital-risque à l'heure actuelle. Un très faible pourcentage de petites entreprises a du capital-risque. D'après nos chiffres, de 2 à 4 p. 100. Nous préférerions que le gouvernement établisse les conditions nécessaires à la création de capital-risque au Canada plutôt que d'avoir une entité gouvernementale qui en offre. Je ne sais pas si la BDC peut faire cela efficacement. Nous avons toujours voulu instaurer les conditions voulues pour générer une industrie du capital-risque au Canada afin qu'il ne soit pas nécessaire pour le gouvernement de le faire, parce qu'il ne choisit pas toujours judicieusement les gagnants.
Le président : Je remercie nos témoins. Nous avons eu encore aujourd'hui des échanges très intéressants qui nous seront utiles lorsque nous produirons notre rapport, un rapport qui plaira à tous et que le gouvernement se sentira obligé d'adopter tel quel, j'en suis certain. J'ironise, bien sûr, mais nous ferons de notre mieux.
(La séance est levée.)