Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 13 - Témoignages - 18 novembre 2010


OTTAWA, le jeudi 18 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en vue de protéger les prestataires de régimes d'invalidité de longue durée.

Le sénateur Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue aux témoins présents ce matin. Je suis le sénateur Céline Hervieux-Payette et il me fait plaisir de présider cette séance.

Pour commencer, j'aimerais vous présenter mes collègues. Nous avons des nouveaux venus, dont le sénateur Yonah Martin, de la Colombie-Brittanique.

[Traduction]

Viennent ensuite le sénateur Don Plett, du Manitoba, le sénateur Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse également. Ce sont mes collègues qui siègent habituellement au comité.

De l'Ontario, nous avons le sénateur Vim Kochhar et le sénateur Art Eggleton; le sénateur Pana Merchant vient de la Saskatchewan; le sénateur Elizabeth Marshall de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Stephen Greene de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Mac Harb de l'Ontario.

Le premier groupe de témoins de ce matin est constitué de Susan Kennedy, Josée Marin, Diane Urquhart, Peter Burns et Jim Derkson, que nous entendrons par vidéoconférence. Bienvenue à vous.

Susan Kennedy, représentante nommée par la cour, Employés invalides de Nortel non représentés par TCA-Canada : Honorables sénateurs, je représente environ 280 employés invalides de Nortel dans le cadre des procédures entreprises en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LAAC, et de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Je tiens d'ailleurs à remercier 38 de ces employés invalides de même que leurs familles qui ont rédigé des déclarations sur les répercussions; elles ont été regroupées dans un document que vous avez peut-être déjà pris là-bas. Je remercie la greffière du comité, Line Gravel, d'avoir organisé tout cela à temps pour la séance d'aujourd'hui.

J'ai demandé aux gens d'expliquer en quoi leur vie serait modifiée si le projet de loi S-216 n'était pas adopté. Je me propose aujourd'hui de vous faire part de certains de leurs récits. C'est ainsi qu'une dame, ayant terminé ses traitements pour un cancer du sein en septembre 2009, avait repris le travail avant de constater, en janvier 2010, que son cancer s'était étendu aux poumons. Voici ce qu'elle dit :

Je suis toujours des traitements et la progression du cancer commence à peine à ralentir. [...] J'ai maintenant cette maladie pour le reste de ma vie et je suis condamnée à marcher sur la corde raide entre les traitements que je dois suivre et le fait d'attendre pour voir s'ils donnent encore des résultats!

[...] Le coût des médicaments que je dois prendre s'élève à plus de 5 000 $ par année. [...] je ne sais vraiment pas comment je pourrai acheter les médicaments que je dois prendre. [...] Si je ne peux pas continuer à prendre les médicaments contre le cancer que je prends actuellement, le cancer se répandra rapidement. Nous perdrons rapidement notre maison. [...] J'ai essayé de trouver un moyen pour nous de subvenir à nos besoins essentiels et je n'ai rien trouvé d'autre que de m'inscrire à l'aide sociale, ce qui est totalement impensable en ce qui me concerne.

[...] Je vis un véritable cauchemar et je m'inquiète continuellement ne sachant pas ce qui adviendra de nous lorsque mes prestations d'invalidité cesseront le 31 décembre 2010.

Comme on pouvait s'y attendre, la majorité des rédacteurs de ces lettes craignent de ne pas être en mesure de pouvoir rembourser leurs frais médicaux après le 31 décembre. Dix d'entre eux ont indiqué avoir envisagé de vendre leur maison dans laquelle ils avaient passé toute leur vie; cinq ont dit qu'ils ne seraient pas capables de continuer à payer leur loyer; quelques-uns ne savent même pas ce qu'ils pourront se permettre après cela parce qu'ils ne savent pas de combien d'argent ils disposeront. Voici un récit tout à fait différent :

Le jeudi 27 mai 2010, un soleil orange se couchait sur la voie ferrée reliant Ottawa à Carp et une magnifique biche venait de croiser mon chemin. Merci mon Dieu pour un cadre aussi idyllique où finir ma vie. J'ai essayé d'aider mes enfants à tondre des pelouses pour gagner de l'argent pour les frais de scolarité, à la suite de la faillite de Nortel, mais c'était trop.

Tant bien que mal, je suis encore ici, encore en train de « récupérer» à la suite d'une dépression.

[...] Mon épouse et mes jeunes enfants ont perdu leur père qui dort pendant trois jours de suite et qui part en escapades suicidaires. Souvent; je fais des corvées domestiques. Parfois, je marche sur la voie ferrée.

J'ai à toute fin pratique donné ma vie à cette entreprise canadienne de misère. Est-ce que la perte de revenu aura un impact sur moi? Plus d'une fois, j'ai failli me pendre à cause de cela.

En fait, cinq d'entre eux ont fait mention de pensées suicidaires et une personne a dit avoir tenté de se suicider; tous ces récits m'ont fait pleurer. Je sais que la situation de ces gens est très difficile et que tout le monde ne vit pas la même chose. Le fait que certains réagissent de cette manière m'amène à penser qu'il est très important de donner de l'espoir aux employés invalides, de leur indiquer, si possible, ce qu'il va advenir du projet de loi S-216. Les choses progressent et il faut donner de l'espoir à ces gens-là et les inciter à ne pas abandonner.

Beaucoup ont parlé de leurs enfants dans leurs lettres, 36 en tout sur les 35 qui ont signé des lettres. Ces enfants aussi seront touchés par la perte des indemnités pour invalidité de longue durée (ILD) d'une façon que je n'avais pas imaginée. En effet, 20 parents ont mentionné qu'ils ne seraient plus en mesure de contribuer aux frais de scolarité de leurs enfants à l'université. D'autres parents s'inquiètent de la perte des prestations médicales pour leurs enfants. Une mère a dit :

... Je me suis retrouvée en invalidité prolongée. À cette époque, mes deux enfants ont reçu un diagnostic de maladie virtuellement mortelle. Mon plus jeune a reçu à la naissance un diagnostic de dysplasie rénale multikystique et a perdu un rein à cause de cette maladie congénitale. Son autre rein a continué à avoir des problèmes et nous avons passé beaucoup de temps au CHEO. Ensuite, environ un an et demi plus tard, mon deuxième enfant de cinq ans a reçu un diagnostic de leucémie.

Je ne peux pas vous dire combien c'est terrifiant d'avoir une maladie mentale et tous les désordres qui y sont liés et d'avoir des migraines quand tout ce que vous voulez faire, c'est prendre soin de vos enfants. Pendant ces années passées à prendre soin de mes deux garçons, j'avais parfois l'impression que je tenais leur main aussi fort qu'ils tenaient la mienne lorsque nous marchions vers les portes de l'hôpital. [...]

J'ai toujours eu l'impression que nous, citoyens canadiens, sommes le reflet des soins que nous portons aux plus vulnérables et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi est si important.

Six enfants d'employés invalides de Nortel étaient, eux aussi, handicapés ou souffraient de maladies graves. Et il n'est question ici que de 35 lettres en tout. Il serait sans doute impossible ou trop coûteux de trouver des régimes de soins de santé de substitution pour ces enfants, en partie à cause des coûts et en partie parce qu'ils sont handicapés; pourtant, le projet de loi S-216 pourrait répondre à ce besoin et apporter un grand soulagement à des parents qui s'inquiètent beaucoup à l'heure actuelle.

Nombreux sont ceux à avoir décrit le stress qu'ils ressentent à l'heure actuelle à l'approche du 31 décembre 2010, date à laquelle leurs prestations d'ILD prendront fin, ce qui les effraie énormément. Voici quelques exemples :

Cette perte de revenu est catastrophique pour mon mari et moi-même. Le stress que cette situation m'impose a eu des conséquences négatives sur ma santé; j'ai des problèmes de pression sanguine, je manque de sommeil et j'ai d'autres problèmes de santé connexes. Ma qualité de vie s'est aggravée parce que j'ai peur de perdre ce revenu.

Et un autre exemple :

Je veux absolument vous expliquer en quoi je serai personnellement touchée par l'insolvabilité de Nortel À MOINS que le projet de loi S-216 soit adopté. Je suis célibataire, je vis seule dans un appartement dont le loyer doit être payé le 1er de chaque mois. J'attends mon dernier chèque de Nortel le 26 novembre, Je ne sais pas comment je vais me débrouiller pour payer mon loyer à temps, J'ai peur qu'on me mette dehors. Il m'arrive de penser que je vais peut- être me retrouver dans la rue et devenir itinérante. Je vis d'un chèque de paye à l'autre et je n'ai ni REER ni économies.

Le gros avantage du projet de loi S-216, c'est qu'il protège à la fois les prestations de remplacement du revenu et les prestations médicales. Dans certaines de ces déclarations de répercussion, on constate que les gens ont besoin de cette double protection et le projet de loi S-216 représente la seule façon d'y parvenir. Voici ce que dit un employé qui a été victime d'un AVC :

Pour pouvoir s'occuper de moi, mon épouse a quitté son emploi. Sans prestations d'invalidité, nous ne savons pas comment nous pourrons payer mes médicaments essentiels. [...] Sans ces prestations, nous ne savons pas comment nous pourrons payer notre loyer et les dépenses de notre ménage et aider nos enfants à régler leurs frais de scolarité.

La sœur d'une personne percevant des prestations d'ILD, qui est ergothérapeute et qui travaille régulièrement au contact de personnes handicapées, a précisé dans sa lettre :

[...] je comprends les effets du stress sur des gens malades et invalides. Ce qui est clair, c'est que si les prestations d'invalidité et l'assurance médicale cessent soudainement, comme c'est prévu, il y aura de lourdes conséquences sur la santé et le bien-être des personnes visées, sur leurs relations, sur leurs familles et surtout sur leur capacité de faire face à la situation et de prendre des décisions.

Les gens en sont déjà au point où ils doivent prendre des décisions. C'est ce que je constate quotidiennement dans les courriels que je reçois. Ils se demandent quand ils doivent prendre leur retraite, quand ils doivent retirer des montants forfaitaires de leur fonds de santé et de bien-être, ils se demandent si les sommes qu'ils recevront seront imposées et s'ils seront en mesure de s'inscrire au régime de santé de Manulife.

Voici les propos du frère d'une employée invalide :

C'est moi qui ai été désigné pour agir par procuration pour ma sœur, une femme de 50 ans atteinte de sclérose en plaques et de diabète. [...] ma sœur réside de façon permanente dans une maison de retraite à plein tarif. Elle a besoin d'un soutien continu pour ses besoins de base et doit vivre dans une maison offrant des services d'aide. [...] La sclérose en plaques et le diabète font qu'elle a des frais médicaux importants. Sans son salaire continu et ses prestations, elle perdra non seulement sa capacité à couvrir ces dépenses, mais elle perdra aussi la capacité de soutenir financièrement ses trois enfants d'âge scolaire. De plus, elle n'aura plus la capacité de payer les frais médicaux et de soins dentaires de ses enfants, Son ex-mari n'a pas de prestations. C'est une situation impossible! Elle n'a pas la capacité de se trouver un autre emploi. Elle ne peut pas travailler. Elle est sujette à la dépression et les perspectives d'avenir pour elle-même, ses enfants et ses parents vieillissants l'effraient. [...] En tant que famille, nous faisons tout ce que nous pouvons, mais notre gouvernement doit protéger les plus vulnérables de la société. C'est cela que représente le Canada.

Sénateur Eggleton, j'estime que le projet de loi S-216 fournit le filet de sécurité qui aidera les employés invalides et leurs familles dans les cas de faillite d'entreprises, comme celle de Nortel. Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer le projet S-216 afin d'aider les employés invalides de Nortel et d'éviter que d'autres, dans la même situation, vivent le même genre de situation stressante et effrayante dans l'avenir parce qu'ils se retrouveront en position de créancier non garanti lors d'une faillite d'entreprise. Ce projet de loi nous permettrait de continuer à vivre comme avant le début de la procédure de faillite et de ne pas imposer à des personnes invalides, stressées et déprimées de devoir prendre des décisions difficiles et effrayantes engageant leur avenir.

Josée Marin, à titre personnel : Je m'appelle Josée Marin, je suis l'une des 400 employés. Je souffre de sclérodermie et de la maladie de Crohn, deux maladies auto-immunes. La sclérodermie me transformera peu à peu en pierre jusqu'à ce que mes organes cessent de fonctionner et que je meure. De son côté, en ce moment même, la maladie de Crohn s'attaque à mes intestins et à ma colonne vertébrale. Je dois également vivre avec le syndrome anaphylactique, soit de graves allergies pouvant être déclenchées à tout moment et me tuer. Mes chances de survie sont faibles, je le sais. J'aimerais pouvoir vivre le reste de ma vie décemment plutôt que de retenir mon souffle et vivre dans l'angoisse, car, au final, il est très possible que ce soit ce projet de loi qui décidera de mon sort.

Il est important de mentionner que les employés de Nortel aux prises avec une invalidité, dont moi, ont besoin de leurs prestations d'invalidité pour survivre. Maintenant que nous avons épuisé tous nos autres recours, le projet de loi S-216 représente notre seul espoir. Contrairement aux prestations d'invalidité, les autres types de prestations de travail jouissent d'une forte protection législative. Un jour, les gouvernements penseront peut-être à appliquer les mêmes mesures aux régimes d'invalidité; cependant, aujourd'hui, seul le projet de loi S-216 peut nous aider. Je prie pour que vous l'adoptiez le plus rapidement possible, puisque le temps presse pour moi et les autres employés de Nortel aux prises avec une invalidité.

On ne sait pas ce qu'il adviendra de Nortel. Seule certitude. Le 31 décembre, je serai congédiée et me retrouverai au bord du gouffre financier.

Le processus en vertu de la LACC prévoyait qu'un organisme gouvernemental s'occuperait de tout. Cet organisme gouvernemental, c'est le surintendant des faillites, n'avait aucun pouvoir légal quand Nortel s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites parce que la Loi n'a été modifiée qu'en septembre. Nos intérêts n'ont pas été correctement représentés par le contrôleur Ernst & Young. Je suis consciente que nous ne sommes pas nombreux et que nous n'avons aucun poids politique ou financier, mais nous ne méritons pas qu'on nous laisse mourir.

J'ai, sous les yeux, le régime d'invalidité de Nortel et je souhaiterais le déposer.

Hier, j'ai entendu dire que tous ces régimes coûtent beaucoup d'argent. Permettez-moi de vous rappeler que c'est le gouvernement qui a encouragé la création de fiducies de santé et de bien-être et qu'à cette fin, il a consenti de généreux abattements fiscaux aux employeurs qui sont soumis à des règles claires en la matière. Même si Nortel ne s'est pas du tout conformée à ces règles, la compagnie n'a subi aucune conséquence et nous sommes les seuls à être touchés.

Qui plus est, nous disposions d'une entente fiduciaire, que je me propose de déposer également, mais la fiducie n'a pas été protégée par le fiduciaire, pas plus avant qu'après l'adoption de la LACC, si bien qu'aujourd'hui le fonds est presque à sec. En 2005, la fiducie était pleinement dotée.

Résultat : l'instar des employés d'Eaton et de Massey Combines Corporation il y a 20 ans, nous risquons de perdre nos prestations d'invalidité.

[Français]

Le projet de loi S-216 est une mesure urgente. C'est juste un premier pas pour faire que les lois soient meilleures et protègent les employés malades et mourants et pour s'assurer que jamais plus ils ne seront sujets au processus dans lequel on est en ce moment.

Le processus du CCAA est incroyablement long et n'offre aucune certitude ni aucun espoir. En fait, des années pourraient passer avant que l'argent ne commence à entrer, si jamais Nortel faisait faillite, et en petits montants, quand cela n'aura plus aucune importance parce qu'il sera trop tard. Les gens malades ont besoin de sécurité financière, sans cela, il n'y a aucune qualité de vie possible.

Perdre sa santé et son habilité à travailler, à gagner sa vie et contribuer à la société est une chose qu'on n'accepte jamais. Mais là où le bât blesse encore plus, la suprême injustice, c'est quand tu apprends que, après tout, ce n'est peut- être même pas tes maladies qui vont t'éteindre, mais la promesse brisée de ton employeur, parce que tu ne pourras plus te supporter, ni subvenir à tes besoins, ni acheter ce dont tu as besoin, ni même te déplacer pour voir ton médecin; même si tu as été la personne la plus responsable et que tu t'es protégée contre cette situation en achetant des assurances supplémentaires, comme je l'ai fait, de mon employeur en qui j'avais foi.

Le jour où vous apprenez que votre revenu peut disparaître, parce que vous n'aviez pas de vraies assurances après tout, je crois que c'est pire que le jour où vous avez appris que vous étiez malade, parce que maintenant, vous êtes inassurable pour le reste de votre vie, et il n'y a aucune solution. C'est la destitution ou la mort, et peu importe si vous êtes courageux et que vous vous battiez — il n'y a aucun espoir.

Si vous croyez que Nortel n'a pas d'argent, pensez-y à deux fois, car beaucoup de preuves démontrent le contraire.

Comme le disait Sue, je reçois de plus en plus d'appels à l'aide par téléphone parce que les gens me reconnaissent. Ils pleurent et me supplient de faire quelque chose. Ils me disent être au bout de la corde et qu'ils n'ont pas espoir de se rendre au 31 décembre. Lorsque tout le monde sera en train de fêter, eux seront en train de partir.

Tout ce que je peux dire à ces gens, et chaque jour je leur dis la même chose, c'est : attendez, il va arriver quelque chose! Cela ne se peut pas que ce soit comme ça.

Je vous laisserai sur ce dernier commentaire : présentement, vous avez le pouvoir de décider de ce qui nous arrivera. Nous sommes des professionnels qui avons travaillé et tout fait pour ne pas que cela arrive. Il faudrait se poser la question, à savoir pourquoi et comment on se retrouve dans cette situation. Je ne crois pas qu'on mérite de mourir parce que Nortel a failli à ses promesses et a mal géré ses affaires.

La vice-présidente : C'est maintenant au tour de Mme Diane Urquhart, analyste financière indépendante. Vous avez la parole.

[Traduction]

Diane A. Urquhart, analyste financière indépendante, à titre personnel : Bonjour. Je suis analyste financière et j'ai 30 ans d'expérience dans le domaine des investissements. Je suis sous contrat non rémunéré, au service des employés dissidents de Nortel atteints d'une invalidité de longue durée.

Je suis d'avis que le projet de loi S-216 améliorera considérablement la sécurité des prestations des régimes d'auto- assurance d'invalidité de longue durée en matière de remplacement des salaires et de remboursement des frais médicaux. J'affirme cela, puisqu'en général, les prestations d'invalidité de longue durée autoassurées sont seulement offertes par les grandes sociétés et non pas par les petites et moyennes entreprises. J'ai étudié les taux de défaillance et de recouvrement de Moody's sur une période de 22 ans. J'ai constaté qu'en général, le recouvrement est considérable chez tous les créanciers non garantis de toutes les sociétés qui ont manqué à leur engagement. Par conséquent, et même si ce n'est pas certain dans tous les cas, si l'on accordait à l'assurance-salaire en cas d'invalidité de longue durée et aux avantages médicaux un statut privilégié par rapport aux créanciers non garantis, on trouverait, dans les biens de la faillite des grandes sociétés suffisamment d'actifs pour payer non seulement les créanciers non garantis, mais probablement aussi l'assurance-salaire et le remboursement des frais médicaux pour les personnes invalides.

Nous affirmons cela avec autant de conviction parce que les coûts et les demandes d'indemnités associés aux prestations ILD sont limités. Aujourd'hui, au Canada, j'estime que la provision actuarielle pour tous les employés invalides à long terme qui sont autoassurés est de 5 à 9 milliards de dollars. Les données ne permettent pas d'obtenir de chiffres plus précis, mais je ne doute pas, à partir des méthodes que j'ai appliquées, que cette estimation est raisonnable.

Il est aussi question de faire en sorte que les déficits des fonds de pension aient un statut privilégié ou supérieur. À titre de comparaison, le passif au titre de l'ILD est de 9 milliards de dollars, et celui au titre des régimes de pension à prestations déterminées des sociétés au Canada est de 415 milliards de dollars.

J'utiliserai l'estimation la plus élevée, soit un passif de 9 milliards de dollars pour les employés invalides à long terme. D'après les informations publiées, il n'y a aucun moyen de déterminer la portion qui n'est pas financée. Cependant, si nous supposons qu'elles sont toutes sous financées dans la même mesure que Nortel, dont le déficit est de 75 p. 100, je suis convaincue, en ce qui a trait aux déficits d'ILD pour tout le Canada, que si chaque société administrant un régime déclarait faillite, le déficit dans ces régimes ILD ne représenteraient pas plus de un pour cent du capital total de toutes les sociétés au Canada qui ont des régimes ILD et des régimes à prestations déterminées.

Si je mets en perspective tout ce que nous avons entendu hier des représentants de l'Association des banquiers canadiens et du groupe patronal des transports et des communications, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une disposition très coûteuse, l'analyste financière que je suis conclut sans craindre de se tromper que ce n'est pas le cas si tous les déficits du pays représentent un pour cent de la structure financière.

S'agissant de la part canadienne des actifs de faillite de Nortel, j'aimerais ajouter que le sénateur Eggleton a estimé qu'il fallait 86 millions de dollars afin de remettre le groupe dans sa position antérieure sur les plans de l'assurance-salaire et du remboursement des frais médicaux. D'autres passifs actuariels pourraient porter ce chiffre à 100 millions de dollars, mais je suis sûre que les actifs de la faillite de Nortel permettent amplement de payer un montant se situant entre 86 et 106 millions de dollars. Hier, on a dit que les actifs globaux de la faillite étaient de 6 milliards de dollars. Vous saurez qu'il y a trois groupes d'actifs différents. Le montant en question serait puisé dans la part canadienne des actifs. C'est une question qui fera l'objet de séances intenses de médiation et de négociation, mais je serais surprise si, au final, la part canadienne ne représente pas au moins un milliard de dollars. Il est raisonnable que nous nous attendions à environ 100 millions de dollars d'actifs et même la part canadienne a amplement les moyens de payer.

J'aimerais maintenant traiter du coût éventuel de tout cela sur le plan du fonctionnement commercial. Au Canada, on ne verse l'assurance-salaire ILD et le remboursement des frais médicaux qu'aux personnes invalides à long terme, donc à 9 travailleurs sur 1 000. C'est la moyenne nationale pour le nombre projeté de personnes qui deviendront invalides dans la population active, soit un pourcentage de 0,90 p. 100. Quant aux chiffres que je vous ai donnés plus tôt concernant le nombre de personnes invalides qui ont des régimes autoassurés, j'estime qu'on peut les chiffrer entre 12 000 et 23 000. Non seulement le projet de loi S-216 inclut une disposition transitoire qui permettrait de remédier ce que je suis presque prête à caractériser de fiasco et qui est certainement une crise humaine pour les 400 employés de Nortel, mais je suis convaincue qu'il ferait également en sorte que les 12 000 à 23 000 personnes actuellement invalides et assurées par ces régimes autogérés peu sûrs ne subissent pas le même sort.

Bien sûr, elles ne seront pas toutes concernées par la solution que constitue le projet de loi S-216. Il faut, d'abord, qu'une personne devienne invalide, mais son employeur doit aussi déclarer faillite. Comme je l'ai déjà indiqué, le coût est minime.

Il importe de faire remarquer que le projet de loi S-216 est une disposition qui ne requiert pas d'assurance obligatoire. Il n'impose pas un plein financement. Je pense que, nous tous ici présents, sommes d'accord pour dire qu'il serait bien d'avoir une solution globale. Cependant, comme il y a beaucoup d'opposition à cette solution globale, on ne peut pas passer outre le projet de loi S-216 pour tendre vers une autre solution. Cette autre solution ne peut aider Nortel et, de toute façon, il y a une forte opposition.

Il y a quelque chose de bien avec ce qui est proposé dans le projet de loi S-216; d'entrée de jeu, mais cette solution pourrait nous permettre d'atteindre l'objectif visé — comme on a pu le lire dans un éditorial du Toronto Star —, en cas de casse, il faudra passer à la caisse. Il peut y avoir des régimes d'invalidité de longue durée sur le marché qui, selon nous, sont peu sûrs, mais ce n'est que si l'employeur déclare faillite qu'on s'en apercevra. Tant que l'employeur poursuit ses activités, il peut payer les prestations et rembourser les médicaments grâce aux revenus de l'entreprise. C'est seulement en cas de faillite que le problème se pose. Le projet de loi S-216 fait en sorte qu'on paye le prix pour avoir offert un régime peu sûr et qu'on pensait sûr avant la faillite.

Il s'agit en fait d'une très bonne solution à un problème qui afflige seulement un petit pourcentage de la société étant donné la première condition, celle de l'invalidité, et la deuxième condition, celle de la faillite de l'employeur. C'est une solution qui n'a aucune répercussion sur les dépenses d'exploitation des entreprises canadiennes.

Quant au coût des créances, j'ai témoigné plus tôt cette semaine devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. Je crois que les experts financiers, y compris ceux de la Banque Royale du Canada et de Towers Watson, s'entendent pour dire que, si tous les régimes de prestations aux employés du Canada avaient la priorité sur les créanciers non garantis, l'impact au Canada se chiffrerait à 0,20 p. 100 sur le marché obligataire de qualité. Pour les pensions, les indemnités de départ et les régimes d'invalidité de longue durée, le marché des obligations subirait une correction de 1,5 p. 100. Clairement, c'est le cas des régimes ILD, où le passif est seulement de 89 milliards de dollars par rapport à un passif de 414 milliards, pour lesquels nous ne représentons qu'une infime partie. J'estime que cela représente seulement 5 p. 100 des 20 points de base.

Il est presque frivole de dire que, si l'on adoptait le projet de loi S-216, les effets sur le marché de la dette au Canada seraient de un point de base plus élevé que le coût du crédit. Au lieu de 3,25 p. 100, on passerait à 3,26 p. 100. Par conséquent, toutes ces questions soulevées par rapport au coût du crédit et à l'accès au crédit ne sont pas défendables par les experts en ce qui a trait aux ILD.

Ceux qui disent que le ciel nous tomberait sur la tête, que le marché subirait des corrections majeures et que ce serait une catastrophe pour les sociétés canadiennes qui n'auraient pas la capacité d'être concurrentielles et de faire affaire, n'ont pas étayé ces déclarations avec des chiffres. Il semblerait que l'Association des banquiers canadiens n'ait même pas lu le document de la Banque Royale du Canada qui a été déposé dans le cadre d'un témoignage plus tôt cette semaine.

On a demandé hier comment le projet de loi S-216, avec une disposition transitoire, pourrait supplanter l'entente de règlement signée le 31 mars. Permettez-moi de vous dire que cette entente a dû être conclue sous la contrainte. De mon point de vue d'analyste indépendante ayant participé à de nombreuses procédures de faillite, ce règlement démontre que le processus de faillite ne fonctionne pas et qu'il n'est pas parvenu à répondre aux besoins des personnes invalides parce qu'on a fermé les yeux et nié l'accès à la justice à de nombreuses personnes afin de souscrire aux lois actuelles. Je vais attendre qu'on me pose une question à ce sujet. J'espère que vous me demanderez davantage de détails.

Nous croyons que le tribunal de la faillite a manqué à son devoir envers les personnes invalides dans le cas de Nortel et qu'il y a là des dispositions telles qu'il n'est pas possible de disposer du remède qui aurait autrement dû être accessible par le biais d'une poursuite.

Enfin, je crois savoir que, hier, il a été question de la disposition transitoire. On pourrait soutenir que la disposition actuelle s'applique à Nortel, mais nous préférons que l'amendement soit apporté, et c'est également ce que le cabinet d'avocats avec lequel je travaille au nom des employés dissidents a laissé entendre.

En ce qui concerne cette disposition transitoire — nous examinons également les questions de litige dans le contexte des examens financiers —, il serait difficile pour moi de conclure à l'existence de parties qui seraient disposées à entamer des poursuites contre les Canadiens les plus vulnérables au pays qui sont sur le point d'être acculés à la pauvreté ou de se retrouver sans toit. Les dommages à la réputation de toute organisation plaignante qui chercherait à le faire seraient considérables.

Je tiens également à faire remarquer qu'au vu des preuves d'actes répréhensibles et du retrait de l'argent et des actifs de la fiducie de santé et de bien-être, toute personne tentée de contester la clause transitoire ferait sans doute la cible d'une demande entre défendeurs introduite par les personnes invalides, certainement des personnes invalides dissidentes, qui s'attendraient à ce qu'on rende plus de 60 millions de dollars à la fiducie de santé et de bien-être pour remplacer la disposition transitoire. Il n'y aurait aucun avantage financier à intenter une poursuite puisqu'on présenterait à nouveau les preuves aux tribunaux, peut-être avec une décision et des procédures convenables.

Sur cette question, nous estimons de toute façon que le Parlement a l'autorité suprême. La décision est entre vos mains, comme Mme Marin l'a indiqué. Vous avez entendu les témoignages sur les conséquences graves. Je suis prête à dire que nous avons affaire dans ce cas à une débâcle comme le Canada n'en a jamais vue. Si rien n'est fait, il s'agira d'une crise immense pour les personnes invalides. Je ne voudrais pas être du nombre de ceux dont la décision poussera des gens à la mort, y compris au suicide, faute de médicaments, et je ne voudrais certainement pas faire partie d'une société qui imposera la pauvreté à des personnes sans qu'elles n'y soient pour rien, et à qui on avait dit qu'elles étaient assurées.

Peter Burns, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis un des employés invalides de Nortel. Ce matin, je ressens sur mes épaules le poids de 375 employés. J'espère que vous le ressentez également.

Les employés invalides de longue durée de la compagnie Nortel, désormais insolvable, réclament votre aide. Nortel m'a vendu de l'assurance-invalidité, de l'assurance-vie, m'a fait payer des charges de retraite, m'a vendu de l'assurance- médicaments, de l'assurance pour les soins dentaires et les soins médicaux pour moi et pour ma famille. Je suis ici parce que Nortel s'est défilée devant ses responsabilités.

J'ai seulement quelques bonnes heures par jour et je vais vous les consacrer, pour vous parler du projet de loi S-216. Je retournerai chez moi, ensuite, écrasé de douleur, en espérant pouvoir dormir.

J'ai besoin de savoir que les gouvernements se préoccupent de ce qui arrive aux gens qui sont assurés convenablement et à leurs familles. Les requins de la cupidité libérée par les faillites d'entreprise s'acharnent maintenant sur nous. Dans 42 jours, quand on me congédiera, je vais perdre mes prestations et je ne pourrai pas subvenir à mes besoins ou à ceux de mes personnes à charge.

Je suis ingénieur, j'ai deux maîtrises, une en astrophysique et une autre en génie de systèmes de commande. J'ai obtenu un brevet quand j'étais chez Nortel, qui a fait épargner près d'un milliard de dollars à la compagnie. Avant Nortel, j'ai travaillé dans les centrales nucléaires qui éclairent cette pièce.

Un jour, on m'a trouvé une tumeur à l'épine dorsale. Rideau sur la carrière de scientifique et d'ingénieur, bienvenue traumatisme médullaire, traumatisme crânien, douleur sévère chronique, spasmes, perte de mémoire à court terme et trouble du traitement des informations auditives. Mes frais médicaux coûtent plus de 30 000 $ par année et augmentent toujours.

Pour avoir l'esprit clair, et me défendre ici, par exemple, je dois réduire mes médicaments et en souffrir les conséquences plus tard. Ensuite vient le pire, mes proches sont forcés d'assister à ça.

C'est dans ma nature de scientifique d'observer et de comprendre. J'ai trois points principaux qui ressortent de mes observations. Premièrement, tout le monde comprend la nécessité, la raison d'être et l'importance de l'assurance pour nos familles. J'ai eu le cancer en 1990 et j'ai presque dû faire faillite personnelle. Après ma guérison, je suis rentré à Nortel et j'ai fait le tour de toutes les compagnies d'assurances. Je dois vous dire qu'à un moment donné, j'avais contracté un prêt hypothécaire et que j'ai refusé de l'assurer avec une assurance d'invalidité de longue durée parce que le régime de Nortel me paraissait excellent.

Deuxièmement, cette insolvabilité de Nortel n'a pas de sens à mes yeux. Il y a des contradictions. Voici ce que j'ai appris. Pendant qu'elle était sous la protection de la loi sur les faillites, Nortel a déniché 500 millions de dollars pour les bonus et les primes. Quand on lui a demandé de remettre 59 millions de dollars qui manquaient dans notre fiducie, la compagnie a dit qu'elle n'avait plus d'argent. Insolvabilité ne doit pas être le bon mot pour Nortel.

Nortel doit réaliser que l'autoassurance n'est pas une chose sûre. Nortel offre maintenant une vraie assurance- invalidité à ses employés actifs, mais elle n'a évidemment de souci d'obligations envers nous.

Troisièmement, les handicapés, comme moi, vivent dans des corps qui sont un cauchemar. Mais imaginez un cauchemar pire encore. Vous avez travaillé pour Nortel.

Il n'y a pas de doute dans mon esprit maintenant qu'un pays est mesuré par la façon dont il permet à ses citoyens d'être traités. Les handicapés se cramponnent aujourd'hui pour le pire. Certains ont déjà péri. Bientôt, nous serons nombreux à nous retrouver seuls; il y en aura, et pas seulement quelques uns, qui vont se préparer à partir vite!

Cette insolvabilité n'est qu'une question de cupidité. Une avidité qu'on laisse appauvrir et tuer les gens qui se sont assurés convenablement. Nous espérons aussi que le gouvernement s'assurera que ce projet de loi s'applique à nous, et qu'il nous aidera.

Je vous invite à vous imaginer à notre place ce matin et je vous exhorte à nous aider à vivre en adoptant le projet de loi S-216.

Jim Derkson, consultant, Conseil des Canadiens avec déficiences : Au nom du CCD, le Conseil des Canadiens avec déficiences, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à cette table. Nous représentons un ensemble d'organisations de personnes atteintes de déficiences. Nous regroupons neuf organisations dans neuf provinces et une autre dans un territoire qui ont chacune des sections locales composées de personnes présentant divers types d'invalidité. Nous comprenons également six organisations nationales qui, elles aussi, comptent des groupes et des sections locales partout au pays. Nous sommes une organisation de promotions des droits de la personne représentant les handicapés. Ce faisant, nos préoccupations sont nombreuses et la pauvreté est l'une des principales.

Les comités sénatoriaux font un important travail. L'année dernière, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présidé par les sénateurs Eggleton et Segal, a produit un excellent rapport sur la pauvreté, contenant de nombreuses recommandations exemplaires. Un grand nombre de ces recommandations se sont d'ailleurs retrouvées dans le rapport déposé hier par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.

Ce comité se penche aujourd'hui sur un autre volet très important de la nature systémique de la pauvreté persistante chez les personnes invalides. Nous sommes très préoccupés de constater, d'après l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personne, que 5,6 millions de travailleurs canadiens, soit 32 p. 100 de la main-d'œuvre active, n'ont aucune protection d'invalidité à long terme garantie par leur milieu de travail. Nous estimons que cela constitue un risque d'appauvrissement inacceptable qui accompagne souvent l'invalidité.

Nous sommes aussi très inquiets que 1,1 million de travailleurs, soit 7 p. 100 de la main-d'œuvre active soient couverts par un régime d'autoassurance-invalidité de longue durée n'apportant aucune garantie, comme nous l'avons constaté à la faveur de la faillite de Nortel. Nous apprécions que votre comité ait été saisi du projet de loi S-216 qui est destiné à atténuer ce risque.

Nous sommes en train d'étudier la question de la pauvreté chez les Canadiens souffrant d'invalidité. Dans un rapport qui vient tout juste d'être publié, le Caledon Institute of Social Policy nous apprend, à partir des données de 2006, que 27,1 p. 100 des personnes atteintes de handicap grave ont des revenus très faibles, comparativement à 15,9 p. 100 des personnes qui souffrent d'invalidité faible ou modérée et à 10,7 p. 100 de celles qui n'ont aucun handicap. Bien sûr, ces taux sont nettement supérieurs à ce qu'ils sont pour la population valide.

Un autre rapport nous indique que ces faibles niveaux de revenu sont en fait trompeurs parce que le seuil de faible revenu ne tient pas compte des déboursés au titre des dépenses non assurées, mais propres à l'invalidité, comme le coût des aides et dispositifs d'assistance à la mobilité, comme mon fauteuil roulant; comme le prix des amplificateurs de communication, des claviers adaptés, des moyens d'apprentissage, des dispositifs d'impression en braille ou de commande vocale pour les ordinateurs, des médicaments, comme nous l'avons entendu aujourd'hui dans un des témoignages, afin de contrôler la douleur ou d'améliorer le bien-être psychologique, ou encore de services comme les accompagnateurs de personnes handicapées, les tuteurs, les preneurs de notes et ainsi de suite.

Près d'un demi million de personnes en âge de travailler et ayant un handicap — 499 960 ou 20,5 p. 100 de tous les handicapés au Canada — vivent dans des foyers à faible revenu. Cela illustre le lien entre le handicap et la pauvreté.

Nous sommes nombreux, au Conseil des Canadiens avec déficiences à souffrir d'un handicap survenu très tôt dans notre vie. Nous avons donc grandi en étant habitués à ce handicap et, très souvent, à la pauvreté qui l'accompagne. Pour ceux qui sont devenus handicapés plus tard dans la vie, il y a eu d'abord le traumatisme de l'invalidité, puis le nouveau traumatisme de la pauvreté qui accompagne cette condition quand on ne peut plus disposer de ressources financières comme des prestations d'invalidité de longue durée.

Comme je le disais, nous sommes une organisation de défense des droits de la personne. Ce faisant, nous avons promu l'adoption d'instruments en droits de la personne à l'échelle nationale et à l'échelle provinciale et participé à l'élaboration de ces instruments.

Je ne veux pas vous mettre la loi sous le nez; je n'ai pas l'intention d'aborder la chose de cette façon. Cependant, on retrouve, dans l'esprit de tous ces instruments, les valeurs consensuelles de notre société. Le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 11 mars dernier. Permettez-moi de vous en lire le premier article :

La présente Convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

À la rubrique « Obligations générales » de l'article 4, on peut lire :

a. Adopter toutes mesures appropriées d'ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention.

La Convention traite de niveaux de vie adéquats et de protection sociale à l'article 28. En outre, je ferais brièvement mention de notre propre Charte des droits et libertés, plus précisément de l'article 15 :

(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

C'est cette protection de la loi que nous souhaitons voir confirmée par le comité, surtout pour briser le cercle vicieux de la pauvreté systématiquement associée à l'invalidité au sein de notre société.

La vice-présidente : Merci, monsieur Derkson.

Le sénateur Kochhar : Merci beaucoup. Vos exposés étaient tous convaincants.

Vos arguments sont convaincants et je crois que Nortel a eu tort d'agir ainsi. Je suis, moi aussi, troublé par la situation désespérée des employés invalides de Nortel pour qui j'ai beaucoup de compassion. Je serais disposé à appuyer le projet de loi si on parvenait à me convaincre, ne serait-ce que l'espace d'un instant, que ce projet de loi donnera les résultats escomptés. Je suis cependant convaincu qu'il fera plus de bien que de mal pour les employés invalides de Nortel.

Si on adoptait le projet de loi et que des poursuites découlaient de nos actions, quelles en seraient les répercussions pour les personnes attendant les prestations d'ILD? Que se passerait-il avec les pensions des autres employés de Nortel? Pendant combien de temps les tribunaux seraient-ils saisis de cette question? Que ça soit une estimation conservatrice ou non, combien de temps faudrait-il attendre si cette cause se retrouvait à la Cour suprême, ce qui est une possibilité comme l'a indiqué un témoin plus tôt? Nos actions pourraient-elles créer davantage d'incertitude et de chaos pour les personnes concernées?

Considérant la situation à long terme, je crois que ce projet de loi fera plus de mal que de bien. C'est mon opinion personnelle.

Le président : Est-ce que quelqu'un veut répondre?

Mme Urquhart : Tout d'abord, on peut apporter l'amendement proposé au projet de loi, et le Parlement a l'autorité suprême. Si le libellé est clair, la préséance envisagée ne serait pas contestable en justice. Qui intenterait des poursuites et contre qui?

Songeons au fait établi que des sommes ont été retirées de la fiducie de santé et de bien-être et aux décisions prises jusqu'ici dont le résultat a été de plonger un peu plus le groupe d'employés invalides dans la pauvreté. Comme je me suis trouvée au tribunal et que j'ai dialogué avec les différentes parties, j'estime que les détenteurs d'obligations ne voudraient pas intenter une poursuite de 59 millions de dollars en présence de preuves établissant que de l'argent a été illégitimement retiré, même si nous n'avons pas eu la possibilité d'intenter une poursuite pour le démontrer. Quiconque poursuivrait devrait être prêt à voir sa réputation écornée, et je crois qu'aucune institution financière au monde ne voudrait intenter une poursuite contre 400 personnes acculées à la pauvreté. En plus, il existe des preuves que l'ancienne direction de la société — dont huit cadres ont accepté un règlement à l'amiable pour des infractions aux lois régissant les valeurs mobilières aux États-Unis et trois ont été traînés en justice en vertu d'accusations pénales — aurait retiré de l'argent de la fiducie et mélangé les fonds. Je suis d'avis qu'il est improbable qu'on intente des poursuites, mais le cas échéant, il y aurait des contre-poursuites.

À ce sujet, j'aimerais aussi réitérer qu'il y a probablement 1,1 milliard de dollars dans les actifs canadiens de la faillite. Je ne peux pas parler au nom des avocats, mais d'après ce que je sais sur leur façon de penser, ils réclameraient en justice pour demander qu'un certain montant soit réservé afin que cette question soit réglée comme il faut. Sans le projet de loi S-216, c'est la pauvreté certaine, voire la mort certaine dans certains cas. Il ne faut pas croire que, si certaines parties poursuivaient, les autres se retrouveraient dans l'impossibilité d'en arriver à une résolution financière quelconque. Le fonds de pension sera liquidé dans tous les cas. Il n'est déjà plus dans les actifs de la faillite et le règlement hors Ontario est de 65 cents au dollar, alors que le règlement moyen pour les pensionnés à l'extérieur de cette province est de 90 cents au dollar. La grande majorité retrouvera sa position antérieure. Ça va bien du côté de la pension.

Il y a aussi les employés congédiés. C'est un petit groupe, dont la plupart ont dû retourner au travail. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un groupe d'activistes.

Dans le cas des détenteurs d'obligations, aucune institution financière sensée n'intenterait une poursuite contre 400 Canadiens qui souffrent des conséquences d'un retrait abusif de fonds par leurs patrons.

Le Parlement a l'autorité suprême et il est tout de même bon de savoir que les employés dissidents invalides à long terme sont en train de faire appel de la dernière décision concernant la fiducie de santé et de bien-être. Il y a des instances en cours de toute façon. Je ne suis pas d'accord avec votre conclusion en ce qui a trait aux poursuites. Je pense que l'opinion publique est suffisamment forte et les gens sont sensibilisés grâce aux médias. On en parle dans les Tim Hortons; les gens parlent des employés appauvris de Nortel et de ce qu'ont fait le système judiciaire et l'administration de Nortel. Il serait donc difficile d'intenter des poursuites et d'avoir la tête haute par rapport à l'objectif de la compagnie.

Le sénateur Eggleton : Je veux reprendre la balle au bond parce que je pense qu'il s'agit d'une excellente réponse. Personne ici hier n'a dit ce qu'il faudrait pour que cette question se retrouve devant les tribunaux. Certains diront qu'on peut à tout moment porter quoi que ce soit devant les tribunaux, mais il n'y a aucun motif d'action. Si ce projet de loi devient loi avec l'amendement que je proposerai dans la disposition transitoire, l'article 8, va-t-on poursuivre le gouvernement pour avoir adopté une loi? On n'irait probablement pas très loin. Il n'y a aucun fondement juridique qui le permette. C'est une excuse et un argument faibles et peu convaincants que nous avons entendus. Il n'existe aucun fondement.

Ce que le témoin tente de faire ressortir, et nous pourrons peut-être développer la question, c'est qu'on parle ici d'un maximum absolu de 100 millions de dollars, peut-être même tout juste 68 millions, pour que la société respecte ses engagements envers ses employés. Ce montant devrait provenir d'actifs d'une valeur de 6 milliards de dollars ou, comme l'a indiqué Mme Urquhart, de 1,1 milliard de dollars au Canada. On pourrait porter cette cause devant les tribunaux et gaspiller beaucoup de temps. Certains détenteurs d'obligations à haut risque pourraient même décider de prendre une quotité — ils ont peut-être même une assurance sur leurs obligations — étant donné le facteur du temps, et parce que le temps aussi leur coûte cher. Comme l'a dit Mme Urquhart, ces personnes voudraient freiner des mesures pour 400 personnes malades et invalides, alors que toutes sortes de pays au monde, tous nos principaux partenaires commerciaux, offrent au moins cela, sinon plus. Ils le font déjà. Leurs marchés se sont-ils effondrés? Ont-ils été traduits en justice? Non.

La vice-présidente : Je pense que c'était plutôt une réponse adressée au sénateur Kochhar. Je comprends que vous avez de bons arguments, mais pour être justes, nous avons trois autres témoins. Nous allons passer à un autre groupe de témoins pour aborder la question globalement. Je remercie les témoins qui sont venus ce matin. J'espère que nous allons pouvoir trouver une solution appropriée à cette situation tragique.

[Français]

C'est avec plaisir que nous accueillons M. Jeremy Bell, qui nous donnera ses lettres de créance, M. James Pierlot et M. Frank Swedlove. Je vous souhaite la bienvenue. Monsieur Bell, vous avez la parole.

[Traduction]

Jeremy Bell, actuaire en chef, agent principal des investissements, Services d'actuariat, HealthCare Benefit Trust : Merci de m'avoir invité. Je suis honoré de me retrouver ici devant votre comité. Je suis l'actuaire en chef de HealthCare Benefit Trust. Nous sommes une fiducie de santé et de bien-être établie en Colombie-Britannique. Nous sommes du secteur public et nous versons des prestations d'invalidité de longue durée à tous ceux qui travaillent dans l'industrie de la santé en Colombie-Britannique, ainsi qu'à certains employés de l'industrie des services communautaires et sociaux de la Colombie-Britannique.

Nous sommes l'un des plus gros régimes, avec un actif et un passif d'environ 1 milliard de dollars. Presque tout ce montant est relié à l'assurance ILD, soit l'assurance-invalidité de longue durée. J'ai actuellement 6 400 prestataires actifs dans mon régime d'invalidité de longue durée. Ce n'est pas le meilleur endroit pour parler d'un régime autofinancé actuellement, mais contrairement à ce qu'a fait Nortel, nous appliquons volontairement les règles de financement des régimes de retraite dans l'administration de notre régime. Nous sommes financés par le gouvernement, de sorte que la faillite est une éventualité plus ou moins abstraite pour nous. Nos règles sont différentes.

J'ai également de l'expérience au sein de l'Institut canadien des actuaires. Je siège au comité de l'assurance collective et je viens de présider le groupe de travail chargé d'élaborer la position de l'institut sur les enjeux de politique publique touchant aux services administratifs seulement ou aux régimes d'ILD autofinancés. Le document est à l'étude ou a été approuvé et sera publié très bientôt.

En règle générale, l'autoassurance a du bon sens, mais elle peut être dangereuse. Je pense que vous conviendrez tous avec moi qu'il y a un danger, parce que nous avons vu comment il se manifeste dans les faits. Il y a des économies de coûts liées à l'autoassurance dans certaines situations, notamment chez les grands employeurs où le risque de faillite est faible. Je souligne que l'autoassurance peut procurer une souplesse qui réduit les coûts. Mais elle ne convient pas du tout aux petits employeurs. Seuls les méga-employeurs peuvent affronter l'instabilité de l'autoassurance pour les régimes d'invalidité de longue durée. En règle générale, il s'agit d'organisations de la taille de Nortel ou encore plus grandes.

Ma première observation sur le projet de loi S-216, et je pense qu'elle a déjà été exprimée à quelques reprises ici, est qu'il ne suffit pas en général de corriger le système. Il peut encore y avoir des problèmes liés à l'invalidité ou à des faillites pour lesquelles les fonds pour ce niveau ou cette tranche de créanciers sont insuffisants. Il faut d'autres mesures par la suite, que ce soit rendre le financement obligatoire, comme pour les régimes de retraite, ou rendre l'assurance obligatoire. Ce sont justement les options dont ont parlé l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes et l'Institut canadien des actuaires. Il faut prendre des mesures de ce genre pour qu'il y ait des suites à ce qui arrive actuellement. Il s'agit d'une étape transitoire du système d'assurance ILD, plutôt que le point final.

Cela dit, il est extrêmement important de faire remarquer que le projet de loi S-216 ne semble pas empêcher l'une ou l'autre de ces options de se matérialiser. Il s'agit d'une mesure de transition. On la prend, et ensuite, l'une ou l'autre des deux options pourrait en découler très naturellement. Le projet de loi S-216 est une bonne mesure provisoire, parce que les deux solutions exigent une coordination provinciale et fédérale. Je ne sais pas si quelqu'un fera faillite d'ici un an ou deux, mais il est important de mettre en place un mécanisme qui procurera une certaine protection pendant ce temps, et cela peut se faire en adoptant le projet de loi S-216.

Je préfère de loin le financement obligatoire à l'assurance obligatoire, mais les deux options peuvent protéger la sécurité des prestations d'invalidité. Le financement obligatoire renforce cette solution, il s'y ajoute. La portion non financée pourrait être traitée de cette façon.

En ce qui concerne l'application rétroactive à Nortel, il faut toujours réfléchir à ce type de disposition. Il n'est pas naturel que les lois aient une application rétroactive. Dans ce cas-ci, cependant, cela corrige une subvention des prestataires de l'assurance ILD aux créanciers existants. Si je comprends bien le mode de financement de la fiducie, elle n'était pas financée sur une saine base actuarielle, comme l'exigeaient les documents. On corrige un problème particulier. En règle générale, je ne pense pas que l'application rétroactive soit une bonne chose, mais dans ce cas limité, je pense que c'est bien.

Je voudrais revenir sur deux observations faites dans les témoignages d'hier. La première porte sur le marché du crédit. Je suis un acteur, petit mais pas dérisoire, dans le monde de l'investissement. Je suis chargé d'investir pour nous 400 millions de dollars dans des obligations et je suis membre externe du comité d'investissement d'un grand régime du secteur public en Alberta chargé d'investir environ 1 milliard de dollars dans des obligations. Je viens d'être nommé, à cause de mes compétences en investissement, au sein du régime d'investissement municipal de la Colombie- Britannique, qui investit environ 6 milliards de dollars dans des obligations.

La discussion d'hier m'a laissé froid. Je ne pense pas qu'il y aura une incidence notable de l'adoption du projet de loi S-216 sur les rendements obligataires, peu importe la tranche. C'est ce que je crois comprendre d'après ce que j'ai entendu. Il y a des études et tout le reste, mais mon intuition, fondée sur mes contacts avec les gens de l'industrie, est que cela ne se sentira pas vraiment, parce que les montants ne sont pas assez élevés pour faire une différence.

L'autre observation était qu'il y a moins de gens protégés par les régimes d'ILD. Que ce soit vraiment le cas si le projet de loi est adopté est sans importance, à mon avis. Les régimes autoassurés ne touchent que les méga-employeurs. Ces employeurs offriront toujours des régimes d'ILD, et cela ne modifie pas le coût pour les petits employeurs.

James Pierlot, avocat et conseiller en régimes de retraite, à titre personnel : Comme le savent les sénateurs, les prestataires d'un régime d'assurance-invalidité de longue durée d'un employeur insolvable ou en faillite sont généralement des créanciers chirographaires en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la LACC. Cette absence de protection des créanciers peut entraîner et entraîne effectivement la perte des prestations en cas d'insolvabilité et d'insuffisance de fonds pour verser les prestations d'ILD.

Mes compétences touchent principalement aux régimes de retraite et à leur financement, ce qui est presque la même chose. Les régimes de retraite et les régimes d'ILD se ressemblent, en ce sens que les deux visent à fournir un revenu de remplacement à des travailleurs durant des périodes où ils n'ont plus un emploi rémunérateur, à cause de leur âge ou d'une invalidité découlant d'un accident, d'une maladie ou d'un incident en milieu de travail, ce qui est souvent le cas.

En ce qui concerne les régimes de retraite, il y a une obligation de les financer. Il y a un régime fédéral et provincial rigoureux pour les sociétés sous réglementation fédérale. Il y a la Loi sur les normes de prestations de pension, et toutes les provinces, sauf l'Île-du-Prince-Édouard, ont des lois qui exigent le financement des régimes de retraite jusqu'à une certaine norme de solvabilité, ce qui signifie que, si le régime est liquidé, il y a assez d'argent pour payer les prestations, quelle que soit la situation financière de l'employeur.

Par contre, le financement des régimes ILD n'est pas obligatoire. Il y a trois sortes de régimes. Il y a des services administratifs seulement; des régimes assurés ou des régimes appuyés par un fonds. C'est l'employeur qui choisit.

Étant donné la similitude de ces deux types de régimes, vu que les deux assurent le revenu de personnes incapables de gagner leur vie, on peut se poser la question suivante : pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures? M. Bell y a fait allusion dans son témoignage. C'est un domaine qui nécessite absolument une réglementation provinciale supplémentaire. C'est une question de compétence provinciale.

Mais nous sommes confrontés maintenant à une situation où il y a un petit nombre de personnes extrêmement vulnérables et une solution qui permet de corriger la situation et d'assurer à l'avenir une certaine sécurité à d'autres employés qui seraient dans la même situation.

Le projet de loi S-216 représente un modeste changement conforme à d'autres modifications apportées récemment aux lois sur l'insolvabilité, qui prévoient une protection limitée des créanciers à l'égard des cotisations de retraite et des salaires non versés. Comme l'a indiqué M. Bell et d'autres, plus compétents que moi dans le domaine des finances, l'effet sur la capacité d'un employeur d'obtenir du capital devrait être minime. C'est évident intuitivement, étant donné que sur les 30 000 employés que comptait Nortel à son apogée au Canada, 400 sont invalides.

Je suis en faveur du projet de loi S-216. C'est une première étape importante pour améliorer la sécurité des prestations aux travailleurs les plus vulnérables du Canada. J'ai présenté au comité un mémoire sur quelques questions techniques liées au projet de loi. Elles sont plutôt minimes. Je dirais que ce projet de loi a de bons os. Son intention est claire, selon moi. Je pense qu'il peut s'appliquer assez facilement. Les propositions que j'ai faites au comité visent à le rapprocher de ce à quoi il pourrait ressembler dans sa version finale.

Frank Swedlove, président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui, au nom de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, pour présenter notre point de vue sur le projet de loi S-216.

[Français]

L'industrie canadienne des assurances de personnes comprend qu'il est d'une importance cruciale de s'assurer que les salariés, qui ont une invalidité de longue durée, ou ILD, soient protégés en cas d'un stress financier ou d'une insolvabilité du promoteur de régime. Depuis longtemps, notre industrie fournit aux Canadiens des régimes d'assurance ILD sûrs et fiables.

En septembre dernier, l'ACCAP a préparé un énoncé de position pour protéger les prestations d'assurances invalidités de longue durée des Canadiens, qui présente une analyse de la situation de l'arrêt et des recommandations pour traiter cette question importante. Des exemplaires de ce document ont été remis au comité.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton a déclaré dans son allocution du 30 mars 2010 à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-216 que le projet de loi a pour objet de protéger les employés qui touchent des prestations d'invalidité de longue durée. L'industrie des assurances de personnes se range sans réserve à cet objectif. L'on a vu des salariés en invalidité couverts par un régime ILD non assuré perdre leurs prestations lorsque leur employeur est devenu insolvable. Une telle situation impose un stress financier et émotionnel extrêmement lourd à des personnes dont les chances de réintégrer un jour le marché du travail sont souvent très minces, voire inexistantes.

Nous reconnaissons que ce projet de loi vise à régler ce problème. Toutefois, dans bien des faillites, les fonds disponibles sont insuffisants, et une telle approche risquerait de ne pas protéger les personnes dont le régime ILD est sous-capitalisé. Accorder un statut prioritaire aux salariés en ILD en cas de faillite de leur employeur est une solution « après-coup ». Elle suppose l'existence de fonds suffisants, en cas de faillite, pour couvrir toutes les demandes de règlement futures des salariés en ILD.

À l'heure actuelle, au Canada, les régimes autoassurés, comme celui de Nortel, ne sont guère réglementés. Les employeurs ne sont pas tenus d'établir des réserves qui permettront de faire face aux obligations futures de ces régimes, et, si de telles réserves sont bel et bien constituées, il n'existe aucune restriction quant à la façon dont les fonds en cause peuvent être investis. En outre, les fonds n'ont pas à être conservés en fiducie afin de les protéger contre les créanciers.

Par conséquent, aucun mécanisme en place ne permet de garantir, en cas de faillite d'un employeur, que les fonds nécessaires seront disponibles pour continuer de payer les prestations futures d'ILD.

En gros, il y a deux façons de régler ce problème. La première approche consiste à exiger des promoteurs de régimes qu'ils constituent des réserves dans un fonds invalidité séparé, assujetti essentiellement aux mêmes exigences actuarielles que les régimes assurés. Toutefois, il n'existe pas de mécanisme réglementaire assurant que des fonds suffisants seraient alloués. Au bout du compte, rien ne garantit que les fonds nécessaires seraient disponibles.

La seconde approche, qui est d'exiger que les régimes ILD soient offerts sur une base assurée, procure la meilleure protection qui soit aux salariés en invalidité et garantit que ces derniers toucheront leurs prestations, quelle que soit la situation financière du promoteur de régime. Nous croyons que c'est la meilleure solution pour protéger les prestataires.

Je vous exposerai maintenant brièvement la façon dont fonctionnent les régimes assurés, ainsi que les protections qu'ils procurent à ceux qui touchent des prestations d'ILD. Dans les régimes assurés, le risque et les obligations financières liés aux prestations d'ILD sont transférés à l'assureur. En vue de répondre aux demandes de règlement futures, l'assureur constitue un fonds de réserve faisant l'objet d'une évaluation actuarielle et de rapports. Comme protection supplémentaire, les assureurs sont tenus d'avoir un coussin de fonds propres à l'appui de leurs obligations. Ils puiseraient dans ces fonds si un plus grand nombre que prévu de salariés étaient en invalidité.

Le point qu'il faut retenir, c'est que l'assureur demeure responsable des prestations d'invalidité, même en cas de revers financiers du promoteur ou si le régime prend fin. De fait, après la faillite d'un promoteur de régime, l'assureur continue de payer les prestations qui étaient en cours de versement lorsque la police collective a pris fin.

Les autorités gouvernementales de réglementation contrôlent les sociétés d'assurances pour s'assurer qu'elles maintiennent un actif suffisant pour satisfaire à leurs obligations. Il est très peu probable qu'un assureur canadien devienne insolvable, mais si cela devait se produire, le responsable de la réglementation prudentielle pertinent interviendrait pour que la liquidation ou la restructuration se fasse de façon ordonnée et que les titulaires de polices s'en ressentent le moins possible. Dans un tel cas, l'ensemble des actifs détenus par l'assureur est disponible pour protéger les salariés en invalidité; en fait, ces derniers, ainsi que les autres titulaires de polices, ont préséance sur les autres créanciers dans une telle situation. Si les actifs de l'assureur s'avéraient insuffisants pour régler tous les sinistres, les salariés en ILD seraient couverts par Assuris, qui verrait à ce que leur soit versé jusqu'à 85 p. 100 des prestations mensuelles ou 2 000 $ par mois, si ce montant est plus élevé.

[Français]

Afin de protéger les personnes en ILD, il est primordial que les fonds nécessaires au respect de toutes les obligations en matière d'invalidité soient disponibles, et ce, même si l'employeur fait faillite.

Il est clair que l'approche la plus efficace à l'appui de l'objectif gouvernemental de protéger pleinement les salariés en invalidité, et ce, à moindre coût administratif et sans complexité indue, est d'exiger que les régimes d'assurance ILD soient offerts sur une base assurée.

[Traduction]

L'énoncé de position de l'industrie des assurances de personnes sur cette question se trouve dans la documentation qui vous a été remise.

Je vous remercie de votre attention. Je suis à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir.

La vice-présidente : J'aimerais demander une petite précision à M. Pierlot. Nous pouvons proposer des amendements au niveau du comité, mais nous pouvons aussi le faire lorsque nous présentons notre rapport au Sénat.

Avez-vous fait des recommandations précises sur d'éventuelles modifications qui amélioreraient le projet de loi et que nous pourrions présenter à la prochaine étape? Nous aimerions que le projet de loi soit aussi parfait que possible, dans la mesure où la perfection est possible au Parlement. Je me demande si ce que vous proposez ne garantirait pas ou ne rendrait pas plus certaine l'administration de cette question à l'avenir et n'assurerait pas une certaine protection en cas de poursuites liées au projet de loi.

M. Pierlot : Je vous remercie de la question. À la lecture du projet de loi, il m'est apparu évident que l'objectif visé était de protéger les prestations d'invalidité, de sorte que les modifications que j'ai suggérées — et je ne dis pas qu'elles sont parfaites — visent à aider le projet de loi à atteindre cet objectif. Je vous donnerai quelques exemples de la nature des modifications.

Il y a quelques petits changements techniques afin de tenir compte des régimes d'invalidité interentreprises, parce que les régimes ne relèvent pas toujours d'un seul employeur. Il y a une autre modification visant à tenir compte des personnes qui sont en période d'attente et qui touchent des prestations d'un régime d'invalidité de courte durée, afin qu'elles aient droit aux prestations d'invalidité de longue durée après la date de la faillite. Il s'agit d'un problème technique de transition. Il y a aussi quelques suggestions concernant les actifs excédentaires ou insuffisants.

J'ai également ajouté dans le projet de loi la possibilité, comme l'a suggéré M. Swedlove, de régler l'obligation de l'assurance par un transfert à une compagnie d'assurances, ce qui pourrait être une option assez intéressante dans certains cas. Cela ajoute simplement une autre option au projet de loi.

En ce qui concerne le problème des poursuites, dont il a été question plus tôt, j'ai également ajouté une dizaine de mots à la fin de l'article 8 afin que le projet de loi s'applique plus clairement. Je pense que le projet de loi s'applique, mais je voulais éliminer toute ambiguïté au sujet de la non-application du projet de loi aux procédures en cours.

Cela réglerait probablement le problème des poursuites. Si vous voulez des explications, je suis prêt à en donner.

La vice-présidente : Je ne veux pas prendre tout le temps, mais j'ai une brève question pour M. Bell.

Vous avez indiqué qu'il y a trois étapes différentes et que celle-ci pourrait être la première, mais en réalité, les législateurs devraient commencer à discuter avec les provinces pour s'assurer que la situation actuelle ne se reproduit plus et qu'elle peut être corrigée. Il s'agirait, entre autres, de faire administrer et financer le régime assuré sur une base régulière, par un groupe d'assurance, l'employé et l'employeur versant des cotisations. L'argent serait là, que l'entreprise fasse faillite ou non.

Nous avons encore du travail après le projet de loi. Nous adopterions le projet de loi, peut-être avec certaines de vos modifications, tout en pensant à l'avenir.

Vous venez de la Colombie-Britannique et vous êtes actif en Alberta. Pensez-vous que les provinces seraient prêtes à aller de l'avant pour régler un problème qui semble affliger davantage le Canada que la plupart de ses partenaires?

M. Bell : Je ne sais pas exactement ce qu'elles feraient. J'imagine que les provinces seraient intéressées à en parler. C'est dans l'esprit des discussions qu'elles ont eu sur les retraites depuis environ un an. Je ne pense pas que ce serait un sujet de discussion complètement nouveau pour elles.

La vice-présidente : C'est ce que je crois.

Le sénateur Eggleton : Ce sont d'excellents arguments et de très bonnes réponses. J'aimerais revenir un peu sur les poursuites, parce que cette question semble refaire surface sans cesse.

Monsieur Pierlot, vous êtes l'avocat ici. Les deux autres témoins ont peut-être, par hasard, un diplôme en droit, mais vous êtes l'avocat et l'expert en la matière. Je voudrais vous demander quelles sont les possibilités de blocage judiciaire. Nous entendons dire que ce projet de loi ne servira peut-être pas bien les gens, en particulier les employés de Nortel qui sont dans une course contre la montre, que les tribunaux pourraient être saisis de la question et que les jugements mettraient beaucoup de temps à venir, ce qui ne servirait pas les gens.

C'est un argument clé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Pierlot : Merci, sénateur. Ma réponse répétera en partie des observations que vous avez déjà entendues. Ce n'est pas une déclaration juridique, mais plutôt une question de bon sens : la perspective d'une poursuite dans cette situation particulière n'est pas particulièrement réjouissante. Il y a un groupe de gens très sympathiques qui en souffrirait. Si j'étais détenteur d'une obligation, je ne pense pas que je voudrais aller dans cette direction.

Le deuxième point — le sénateur Eggleton y a fait allusion plus tôt — est que, pour intenter des poursuites ou pour avoir une chance d'obtenir gain de cause, il faut une cause d'action. Il faut un fondement juridique pour intenter une poursuite. Dans ce cas, j'ai du mal à déterminer contre qui j'intenterais la poursuite. Si je n'aimais pas le projet de loi, qui poursuivrais-je? Puis-je poursuivre le gouvernement fédéral, parce qu'il a adopté une loi que je n'aime pas? Je pourrais peut-être invoquer la Charte des droits et libertés. On ne peut pas vraiment exclure une loi à moins qu'un autre principe de droit s'applique et indique avec quoi la loi entre en contradiction.

Dans le cas de la Charte, il y a eu quelques rares tentatives de poursuites liées aux droits économiques. Les tribunaux ont eu tendance à éviter de conférer des droits économiques en vertu de la Charte; ce serait donc problématique.

L'autre possibilité serait de faire valoir que l'article 8 du projet de loi, qui vise essentiellement à appliquer le projet de loi aux procédures actuelles, ne s'applique pas dans les circonstances. J'ajouterais une disposition pour préciser que c'était l'intention. J'ai ajouté quelques mots à cet effet.

Mon principal argument est que je ne vois pas vraiment quelle serait la cause d'action.

L'autre point est que, comme d'autres témoins l'ont déjà indiqué, il y a actuellement un problème non résolu qui fait l'objet d'une poursuite devant la Cour d'appel, au sujet d'un accord qui a été signé. Si le projet de loi est adopté, il pourrait rendre cette poursuite inutile et réduire la probabilité de poursuites futures.

Voilà mes observations à ce sujet. Si vous avez d'autres questions, je serai ravi d'y répondre.

Le sénateur Eggleton : Puis-je vous demander ce que vous pensez du facteur temps? Les poursuites peuvent durer pendant un certain temps. Dans une analyse avantages-coûts, il y a un montant de moins de 100 millions de dollars comparativement à un actif mondial de 6 milliards de dollars ou à un actif canadien de 1 milliard de dollars. Il faut bien une analyse avantages-coûts avant de décider d'aller devant les tribunaux. Qu'en pensez-vous?

M. Pierlot : Dans ce contexte, la poursuite est une décision commerciale. On la prend s'il y a un intérêt commercial et on ne la prend pas s'il n'y en a pas. Il faudrait beaucoup de temps pour faire trancher la question par les tribunaux. Je n'ai pas plaidé depuis quelques années, mais la dernière fois, il pouvait falloir de 12 à 18 mois avant que la Cour supérieure rende sa décision. On peut peut-être accélérer les choses. Puis, si la cause va en appel, il faut encore un an ou deux. Il n'est pas inhabituel qu'une cause mette de sept à 10 ans pour passer de la Cour supérieure à la Cour suprême.

Je crois comprendre d'après le témoignage précédent que Nortel a une masse de faillite canadienne d'environ 1 milliard de dollars. Il est question ici d'environ 60 à 80 millions de dollars. Si j'étais un créancier, je m'inquiéterais du risque que cette poursuite empêche de régler les créances plus importantes, parce que je voudrais probablement m'assurer de recevoir le plus gros montant possible. Je m'inquiéterais de la possibilité d'un délai dans la réalisation de ma créance plus importante.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Swedlove, vous avez fait remarquer avec raison qu'il faut aller plus loin. De fait, vous avez tous indiqué qu'il ne faut pas se contenter du projet de loi S-216. Mais le projet de loi S-216 vise à être une première étape, une mesure provisoire. C'est en réalité la seule façon de régler le problème actuel de Nortel et peut-être d'autres problèmes liés à la faillite ou à la LACC, pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il se passe autre chose, notamment des consultations entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous savons tous que cela prend beaucoup de temps. Pouvez-vous voir le projet de loi S-216 sous cet angle?

M. Swedlove : Oui, sénateur, je peux le voir sous cet angle. De toute évidence, si les provinces et le gouvernement fédéral s'entendaient pour dire que toutes les assurances ILD sont des polices assurées, je ne verrais pas trop le besoin d'adopter le projet de loi S-216. Vous avez raison de dire que ce serait une mesure provisoire. Nous portons énergiquement cette question à l'attention des provinces. Nous avons écrit à toutes les provinces et nous suivons les discussions avec les ministres, parce que nous pensons que c'est une question extrêmement importante. Nous espérons que, dans leur examen des lois sur l'assurance, qu'elles effectuent de toute façon, pour établir une nouvelle loi uniforme sur l'assurance, les provinces en tiendront compte à court terme.

En attendant, vous avez raison, sénateur, de dire que cela pourrait être une mesure provisoire.

Le sénateur Eggleton : Si je le peux, j'aimerais vous poser une autre question, monsieur Swedlove. D'après les employés de Nortel, pendant des années, lorsqu'ils faisaient une demande, le chèque venait d'une compagnie d'assurances. Ils ont déclaré ne pas savoir que l'entreprise était autoassurée. La compagnie d'assurances n'était là que pour administrer le régime, mais ils ne l'ont pas su pendant des années.

Pensez-vous que l'entreprise doit être tenue de communiquer à ses employés la nature du fonds et la nature des prestations? La compagnie d'assurances ne sent-elle pas qu'on exagère en la faisant parfois passer pour le méchant quand, en réalité, elle ne fait qu'administrer le fonds? Qu'en pensez-vous?

M. Swedlove : C'est un vrai problème — le manque d'information sur ce que reçoit l'employé. Dans l'énoncé de position que nous avons publié en septembre, nous avons fait remarquer que, la plupart du temps, les gens ne savent pas qu'il s'agit simplement d'une entente de services administratifs et non d'une police assurée.

Il devient de plus en plus évident sur les chèques qui sont envoyés pour des polices de services administratifs seulement que les montants sont versés par une compagnie d'assurances agissant au nom de l'employeur. Il y a des changements dans ce domaine. Je conviens qu'il peut y avoir une certaine confusion.

L'Alberta et la Colombie-Britannique ont des lois qui exigent qu'on indique qu'il s'agit d'une police de services administratifs seulement. Mais il arrive parfois qu'un employé soit au service de l'entreprise pendant de nombreuses années avant de devenir invalide et qu'il ne sache pas ou ne se rappelle pas ce qu'il en est.

À notre avis, communiquer cette information serait utile, mais ce n'est pas suffisant pour vraiment régler le problème.

Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne la suggestion de M. Pierlot au sujet de la disposition transitoire, l'article 8, j'ai l'intention de proposer au moment opportun un amendement qui correspondra exactement à ce qu'il suggère. Je suis d'accord avec vous au sujet des possibilités ou de ce qui pourrait être envisagé par la suite. Il est essentiel de mettre cela en place rapidement.

[Français]

La vice-présidente : S'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier nos témoins et suspendre la séance pour quelques minutes. Nous passerons ensuite à l'étude article par article du projet de loi S-216.

[Traduction]

Le sénateur Greene : J'aimerais présenter une motion. Ma motion vise l'ajournement. Je voudrais que nous ajournions parce que nous avons entendu aujourd'hui d'excellents témoignages et de nombreuses possibilités de modifier le projet de loi. Je ne suis pas en mesure de voter sur le projet de loi dans sa forme actuelle et je ne connais pas et ne comprends pas encore l'incidence de toutes les modifications qui ont été proposées. J'aimerais pouvoir y voir plus clair. Je pense que l'étude article par article est prématurée, alors je propose l'ajournement.

Le sénateur Eggleton : J'ai une observation à faire. Aucun amendement n'a été proposé jusqu'ici. J'ai l'intention de proposer un amendement simple, que j'ai lu hier. Je ne vois pas comment cela pourrait poser problème. C'est le seul amendement que j'ai l'intention de proposer.

Mais je tiens à souligner, comme on l'a répété à maintes reprises et comme les témoins l'ont dit aujourd'hui, que le temps pourrait manquer pour ces gens si nous ne renvoyons pas cela au Parlement avant le congé de Noël. Ce n'est pas une nouvelle idée qu'il faudrait examiner plus en profondeur. On en parle depuis le printemps. J'ai présenté le projet de loi en mars; il y a eu la deuxième lecture en juin. Il est dans l'air depuis longtemps. J'ai l'intention de proposer un seul petit amendement. J'aimerais que nous nous occupions de ce dossier avec un sentiment d'urgence, afin d'aider les personnes visées d'ici la fin de l'année.

[Français]

La vice-présidente : Merci, je voulais juste avoir des explications. Vous voulez ajourner jusqu'à quand?

[Traduction]

Vous voulez ajourner jusqu'à la prochaine réunion?

Le sénateur Greene : Au président et à la vice-présidente de décider.

La vice-présidente : Je vous pose la question.

Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec le sénateur Eggleton que le temps presse. Je suis également convaincu que le projet de loi dans sa forme actuelle ne pourra pas être adopté dans les délais parce qu'il doit retourner à la Chambre des communes et qu'il pourrait s'enliser là-bas. Peut-être le plus tôt possible — je serais d'accord.

La vice-présidente : Nous avons une réunion ordinaire toutes les semaines. Suggérez-vous une réunion spéciale? Je pense que le comité de direction pourrait l'envisager. Pour ma part, je serais d'accord pour ajouter une réunion la semaine prochaine, dès que possible, afin d'examiner les modifications qui ont été proposées par l'un des témoins et de le faire correctement. Nous les aurions entre les mains, elles auraient été traduites et nous pourrions les étudier la semaine prochaine.

Le sénateur Greene : Encore une fois, c'est au comité de direction de décider. J'aimerais voir ce qu'ils en disent. Je ne suis pas opposée.

La vice-présidente : Bien. Tout le monde est d'accord pour l'ajournement?

Le sénateur Ogilvie : Chose certaine, madame la présidente, si je comprends bien, la motion vise à ajourner jusqu'à une date à déterminer et recommandée par le comité de direction, n'est-ce pas?

La vice-présidente : Oui.

Le sénateur Greene : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Merci.

Le sénateur Harb : Puis-je présenter une modification amicale? Est-il possible que l'amendement du sénateur Eggleton soit déposé afin que vous puissiez le déposer vous-même? Nous sommes tous de bonne foi, et je pense que notre intention est de trouver une résolution gagnante. Il conviendrait donc au moins de la déposer. Si nous l'acceptons, cela permettra au secrétariat de l'insérer dans les documents que nous aurons lorsque nous reviendrons.

Nous n'avons pas entendu de déclarations fracassantes laissant penser que ce que propose le sénateur Eggleton créera des ennuis. Au contraire, d'après ce que nous avons entendu, c'est un plus; il n'y a rien de négatif, mis à part un seul commentaire hier.

Si nous voulons vraiment agir de bonne foi — et je crois que nous sommes tous de bonne foi — je recommande de recevoir l'amendement et de le déposer. Nous ne sommes pas obligés de voter.

La vice-présidente : Comme les autres modifications?

Le sénateur Harb : Simplement le recevoir et le déposer pour qu'au moins...

Le sénateur Greene : Comme les autres modifications que proposent nos autres témoins. Ce serait acceptable?

La vice-présidente : Êtes-vous disposé à déposer votre amendement?

Le sénateur Eggleton : Oui, je le déposerai. À l'article 8 du projet de loi, sur la dernière page, le libellé actuel serait maintenu. Rien ne serait changé dans ce qui existe déjà, mais quelques mots seraient ajoutés.

Après le mot « article », au lieu d'un point, on met une virgule et on ajoute : « et ce, malgré tout jugement ou ordonnance d'un tribunal au cours de ces procédures. »

Je le lirai à nouveau. Je l'ai ici en anglais et en français, et la greffière en a une copie : « et ce, malgré tout jugement ou ordonnance d'un tribunal au cours de ces procédures ».

L'objectif visé est d'accroître la certitude. Quand le projet de loi a été rédigé et déposé au Sénat, aucun tribunal n'avait rendu de décision sur le problème des fonds de santé et de bien-être dans le contexte de la LACC. Depuis, en vertu des règles existantes, il y a eu une ordonnance. Le texte original visait à couvrir cette situation, mais pour plus de certitude, ces quelques mots seraient ajoutés. C'est exactement ce qu'a suggéré M. Pierlot.

J'ajoute également que l'ajournement m'inquiète beaucoup à cause du facteur temps. Je ne peux pas appuyer l'ajournement. Si tel est le souhait du comité, soit...

Le sénateur Plett : Ce n'est pas sujet à débat.

Le sénateur Eggleton : ... mais je demanderais un vote par appel nominal.

Line Gravel, greffier du comité : Il y aura un vote par appel nominal, dans ce cas.

Le sénateur Harb : Puis-je faire une suggestion, cher collègue? Le comité travaille vraiment dans un esprit non partisan. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour trouver des accommodements. Je suppose que, même si votre motion était examinée maintenant et que nous votions, il faudrait attendre à la semaine prochaine afin de pouvoir la déposer au Sénat.

Ce que nous essayons de faire — et je présume que c'est aussi que ce que cherche mon collègue — c'est de prendre un peu de temps pour digérer ce que les témoins nous ont dit hier et aujourd'hui et, peut-être, revenir et voir également ce que l'administration pourrait avoir en tête, compte tenu de ce que nous avons entendu, dans l'espoir de pouvoir aller de l'avant. Évidemment, nous aurons la possibilité de voter d'une façon ou d'une autre à la prochaine réunion. Ces quelques jours nous aideront à voir si nous pouvons trouver une résolution positive qui sera présentée au Sénat. J'espère que, malgré tout, nous pourrons faire rapport au Sénat mardi, ou à la réunion après la prochaine réunion. Ce serait fantastique si nous avions une proposition unanime, qui nous permettrait d'aider ceux que nous voulons aider.

C'est la seule raison. Il est assez évident que les non ne l'emporteront pas, mais en même temps, dans un esprit de coopération et de bonne foi, c'est peut-être ce que nous devrions faire.

Le sénateur Eggleton : Je comprends votre argument, mais nous n'avons pas encore entendu l'opinion de ceux qui représentent le gouvernement. Ils ne nous ont pas encore dit ce qu'ils pensent.

La vice-présidente : Sénateur Eggleton, je pense que nous avons compris votre argument, et nous savons que votre projet de loi vous tient à cœur.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

La vice-présidente : Je sais qu'il ne s'agit pas d'une motion sujette à débat et que nous devons tenir compte au moins du fait que nous sommes souples pour permettre au sénateur Harb de s'exprimer et au sénateur Greene de donner des justifications. Une discussion plus approfondie ne permettrait certainement pas d'obtenir un appui plus large. Ce qui est important, c'est que le projet de loi soit adopté. Si nous pouvons l'améliorer, nous le ferons. Je siégerai au comité de direction et je demanderai certainement, comme le veut le sénateur Greene, qui est aussi avec moi, de le faire adopter le plus rapidement possible, ce qui serait à la prochaine réunion de notre comité, mercredi de la semaine prochaine.

Je n'ai pas vu les amendements qui ont été proposés jusqu'ici. En ce qui me concerne, de bonne foi, quelques jours supplémentaires seraient certainement mieux — mais c'est votre choix. Si vous voulez un vote par appel nominal, je ne peux pas l'empêcher, mais je pense que le sénateur Moore serait d'accord avec moi.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Je suivrai la recommandation de mes collègues et je ne demanderai pas un vote par appel nominal, mais je suis toujours contre l'ajournement.

La vice-présidente : La séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page