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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages du 2 février 2011


OTTAWA, le mercredi 2 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour examiner le projet de loi S-206, Loi visant à assurer la parité de genre dans le conseil d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi. Il s'agit de la toute première réunion en 2011 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m'appelle Michael Meighen. Je viens de l'Ontario et je suis le président du comité.

Je vais d'abord présenter les membres du comité. À ma droite se trouvent la très distinguée vice-présidente, le sénateur Hervieux-Payette, qui vient du Québec; le sénateur Gerstein, de l'Ontario; le sénateur Ataullahjan, de l'Ontario; le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Massicotte, du Québec; le sénateur Kochhar, de l'Ontario; et le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse. À ma gauche se trouvent le sénateur Ringuette, du Nouveau- Brunswick; le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse et, à titre d'invitée spéciale aujourd'hui, le sénateur Pépin, du Québec. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos honorables sénateurs.

[Français]

Le projet de loi S-206, Loi visant à assurer la parité de genre dans le conseil d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, a été déposé au Sénat par le sénateur Céline Hervieux-Payette, C.P., et a fait l'objet d'une première lecture, le 9 mars 2010. Le 13 mai 2010, le projet de loi S-206 a été transmis au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Le projet de loi modifie les articles 105, 260, 262 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions; les articles 159 et 216 de la Loi sur les banques; les articles 169 et 220 de la Loi sur les associations coopératives de crédit; les articles 167 et 225 de la Loi sur les sociétés d'assurance; les articles 163 et 221 de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts; et l'article 105 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Certaines sociétés par actions et institutions financières seront tenues d'assurer la parité de représentation des femmes et des hommes au sein de leur conseil d'administration, à compter de la deuxième assemblée annuelle suivant le jour où la loi proposée entre en vigueur, bien qu'une demande de report à la troisième assemblée annuelle puisse être présentée dans certains cas. L'exigence de deux ans est portée à trois ans pour les sociétés d'État mères concernées.

[Traduction]

Le comité a commencé à examiner le projet de loi le 16 juin 2010, lorsqu'il a entendu le témoignage du parrain du projet de loi, la vice-présidente du comité. Puis il a entendu d'autres témoins le 9 décembre 2010. Au cours de la première heure de notre réunion aujourd'hui, nous allons entendre le témoignage de Mme Louise Champoux-Paillé, administratrice du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, le MÉDAC.

[Français]

Madame Champoux-Paillé, je vous remercie d'être présente aujourd'hui et vous félicite pour votre dévouement. Mme Champoux-Paillé a fait quatre heures d'autobus à partir de Montréal afin d'assurer sa présence ici aujourd'hui. Vous êtes la bienvenue.

Madame Champoux-Paillé, à vous la parole. Les sénateurs auront certainement des questions à vous poser par la suite.

Louise Champoux-Paillé, administratrice, Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) : Merci, monsieur le président et madame la vice-présidente. Honorables sénateurs, nous sommes — MÉDAC — très heureux de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.

Je vais répondre à vos questions en tentant de vous convaincre de l'importance du projet de loi S-206 pour la société canadienne dans son ensemble. Mon exposé se divisera en quatre parties.

La première vise à vous présenter le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires et les actions entreprises par notre groupe en regard d'une mixité accrue au sein des conseils d'administration. La deuxième aura pour objectif de dresser un rapide portrait de la situation actuelle au Canada. La troisième partie fera ressortir les avantages de la parité tout en traitant des mythes qui freinent l'accession des femmes à des instances décisionnelles. Enfin, la quatrième et dernière partie abordera la question d'une masse critique de femmes comme outil nécessaire de changement.

En premier lieu, quelques mots sur le MÉDAC, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires. Fondé par Yves Michaud en 1995, le mouvement a pour mission, comme son nom l'indique, l'éducation et la défense des épargnants et des investisseurs. Nous sommes un organisme sans but lucratif dont le siège est situé à Montréal. Notre conseil d'administration est présidé par M. Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, que vous avez reçu lors de l'étude d'un autre projet de loi.

Quant à moi, je siège au conseil depuis bientôt six ans et suis responsable de la coordination des « campagnes annuelles », des propositions d'actionnaires, de la rédaction des mémoires, de la vigie et des études de gouvernance et de participation actionnariale, notamment en ce qui a trait à la parité et au ratio d'équité en matière de rémunération des hauts dirigeants.

Concrètement, nous réalisons notre mission de défense des actionnaires en déposant annuellement des propositions d'actionnaires auprès des entreprises canadiennes, propositions portant essentiellement sur la saine gouvernance. Nous nous sommes limités, jusqu'à aujourd'hui, aux entreprises canadiennes, la Loi des compagnies du Québec, ne nous permettant pas de déposer des propositions, situation qui sera corrigée à compter du 14 février prochain.

Depuis notre création, nous avons déposé plus de 60 propositions d'actionnaires auprès d'une douzaine de grandes entreprises, ce qui fait du MÉDAC l'organisme québécois et canadien le plus actif dans le milieu : près de 60 propositions pendant quinze ans auprès d'une quinzaine d'entreprises, cela fait 500 propositions. Au Canada depuis 20 ans, il y a eu 1 000 propositions. Donc nous sommes l'organisme qui en a le plus déposé.

Au début de l'an dernier, soit en janvier 2010, je publiais une étude portant sur l'efficience des propositions d'actionnaires, laquelle était intitulée Les propositions d'actionnaires : pilier de saine gouvernance. Notre conclusion était la suivante : les propositions d'actionnaires contribuent à l'amélioration de la gouvernance au sein des entreprises comme en témoignent les résultats des Board Games qui sont publiés annuellement dans le Globe and Mail.

À titre d'exemple, les éléments de saine gouvernance suivants font aujourd'hui partie des façons d'être et de faire des grandes institutions financières canadiennes et québécoises : la séparation des pouvoirs entre le président et le conseil d'administration et le président et chef des opérations; la divulgation des honoraires et l'indépendance des vérificateurs externes et des conseillers en rémunération; la divulgation simultanée de l'information à tous les actionnaires et, enfin, le vote consultatif sur la rémunération des hauts dirigeants, le fameux Say on Pay où maintenant plus d'une quarantaine d'entreprises canadiennes ont adopté cette nouvelle politique.

La parité de représentation des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration est une préoccupation importante pour le MÉDAC depuis maintenant 2006. Notre succès le plus important à ce chapitre a été l'engagement en 2009 de la Banque nationale d'accroître le nombre d'administratrices et de tendre vers la parité. Elle mentionnait alors dans sa lettre circulaire qu'elle visait à ce que la moitié des candidats sélectionnés pour combler des postes d'administrateurs vacants soient des femmes. C'est le résultat de nos efforts de proposition d'actionnaires.

Nous récidivons cette année avec une proposition similaire demandant qu'il y ait la parité sur une période de dix ans. Voilà rapidement dressé les actions que le MÉDAC a faites auprès des entreprises canadiennes.

En deuxième lieu, je vais me permettre de dresser un portrait de la situation actuelle sur le plan de la représentation des femmes au sein des conseils d'administration. Je vais le faire avec quatre statistiques qui sont, quant à nous, fort révélatrices.

Aujourd'hui, les femmes occupent seulement 14 p. 100 des postes d'administrateurs au sein des grandes sociétés cotées en bourse au Canada. Cinquante-et-un p. 100 des grandes entreprises canadiennes, scrutées par Spencer Stuart, qui est un groupe conseil qui fait des recherches dans le domaine, ont une femme et moins siégeant à leurs conseils d'administration. C'est 51 p. 100.

De 2008 à 2009, le pourcentage de femmes nommées parmi les nouveaux administrateurs a diminué, passant de 26 p. 100 en 2008 à 13 p. 100 en 2009. Depuis 1998, après une évolution intéressante jusqu'en 2003 — en 1998, pour tracer une progression — les femmes représentaient 6,2 p. 100 au sein des conseils d'administration. En 2003, 11,2 p. 100; en 2005, 12 p. 100; en 2007,13 p. 100 et en 2009, 14 p. 100.

Donc on voit une progression importante de 1998 à 2003 et après 2003, stagnation. À ce rythme, si rien n'est fait pour susciter le changement, il faudra encore plus d'un demi-siècle avant d'atteindre la parité. La société canadienne se prive d'un apport de talents différents, ce que je tenterai de démontrer dans ma troisième partie intitulée « Un changement s'impose ».

Je le démontrerai sous deux angles; la valeur ajoutée d'une présence accrue des femmes au sein des conseils d'administration et le type de mythes freinant l'accès des femmes à ces instances décisionnelles.

Valeur ajoutée d'une femme, pour ce faire, je vais capsuler mon information sous cinq têtes de chapitre. Qu'apporte une présence accrue de femmes? Une meilleure performance lors de crises financières, surtout si elles sont provoquées par des prises de risque excessives. Des études ont démontré que le style de management des femmes diffère de celui des hommes. Notamment en matière de prises de risque, les femmes auraient tendance à être plus circonspectes et donc à prendre des décisions moins risquées et des positions plus prudentes.

Une meilleure gouvernance, selon une étude du Conference Board, des conseils avec plus d'administrateurs féminins accordent une importance accrue à l'encadrement des conflits d'intérêts, à la surveillance des risques, au contrôle financier et au maintien de bonnes relations avec les investisseurs.

Troisièmement, les femmes, comme avantage, donnent une meilleure prise de décision grâce à des discussions permettant de confronter des perspectives différentes. À cet égard, encore une fois, on peut compter sur des études qui nous démontrent que les hommes accordent davantage d'importance au court terme dans leur décision, alors que les femmes favorisent le long terme, ce qui enrichit les discussions et une meilleure prise de décision.

Nous avons aussi des études qui démontrent une meilleure performance financière quand les femmes sont présentes en nombre important au sein des conseils d'administration.

Enfin, des femmes ont comme avantage une meilleure perception de l'entreprise auprès des investisseurs et auprès des employés. Dans l'ensemble, cinq grandes qualités sur lesquelles nos conseils peuvent compter mais ne comptent pas suffisamment.

Les avantages démontrés, quels sont les principaux mythes ou les freins à la nomination de femmes? Le premier mythe, et je m'y confronte depuis 20 ans : il n'y a pas suffisamment de femmes pour répondre à la demande. Si, dans la décennie 1970, les femmes étaient moins présentes que les hommes dans les universités, la situation a maintenant radicalement changé. Les femmes représentent aujourd'hui près de 60 p. 100 des étudiants inscrits au niveau du baccalauréat. Selon les prévisions de Statistique Canada, cette tendance devrait s'accentuer au cours des prochaines années.

Une masse sans cesse croissante de talents féminins sont disponibles et de plus en plus expérimentés. Il est donc important pour la Société canadienne de saisir l'occasion.

L'autre mythe dit que les femmes n'ont pas les compétences ni l'expérience requises. S'il existe depuis plusieurs années le vivier nécessaire pour répondre aux besoins, on peut toutefois se poser la question sur le processus de sélection et certains critères identifiés pour choisir les candidats potentiels.

À cet égard, mentionnons l'exigence d'avoir occupé un poste de président et chef de la direction pour combler un poste d'administrateur; seulement 3,8 p. 100 des femmes peuvent se classer sous ce critère selon une récente étude de Catalyst. Le recours à une charte de compétences pour identifier les administrateurs potentiels est un outil important de bonne gouvernance et nous en faisons la promotion. Toutefois, dans une quête d'aborder des problématiques de manière différente et de développer des visions novatrices, ne serait-il pas souhaitable de donner du poids à d'autres types de talents et d'expériences qui viendraient enrichir le processus décisionnel?

Le troisième mythe est le recrutement qui est difficile. Un tel recrutement peut s'avérer difficile compte tenu de la composition des membres de conseils d'administration, qui sont constitués majoritairement d'hommes. Ils limitent leur recherche à leur réseau de contacts masculins, ce qu'on appelle le boy's club. Les conseils d'administration demeurent et demeureront, à moins d'actions énergiques de votre part, composés principalement d'hommes. D'autre part, on connaît l'importance que revêt pour les organisations la conformité à des règles et à des normes externes socialement et éthiquement acceptables.

Seul un contrepoids de taille établissant la nécessité de la parité à moyen terme peut conduire au changement. À cet égard, il existe de plus en plus de sources d'identification de talents et la masse critique de femmes capables de répondre à ces besoins est là.

Le quatrième mythe est que la mixité n'a aucune relation avec les affaires. Les gens vont dire que même si cela ne changera rien, encore une fois, j'en ai parlé tantôt, plusieurs études démontrent un lien positif entre la présence des femmes au sein des conseils et la performance financière et la saine gouvernance des organisations.

Enfin, on dit, une femme donnera le ton. On va en nommer une et après, on aura fait notre devoir pour bien bénéficier des avantages que peut procurer une femme. Ici, des recherches ont démontré que les avantages que procure une présence féminine au sein des conseils augmentent avec le nombre.

Selon Kanter, un chercheur souvent cité sur le sujet, un groupe doit représenter au moins 35 p. 100 afin qu'il y ait une influence sur le groupe dominant. Les avantages que procure une masse critique de talents féminins sont donc peu présents au sein de nos entreprises canadiennes lorsqu'une grande entreprise canadienne sur deux compte une femme et moins à leur conseil.

Je vais enfin aborder la question du rôle de la masse critique. À cet égard, je vais citer l'exemple de la Norvège qui, en 2003, a emprunté cette direction. Elle a imposé une masse critique de 40 p. 100 et aujourd'hui, elle affiche un taux de féminisation de ses conseils d'administration de plus de 44 p. 100.

L'Espagne a suivi en 2007, et plus récemment, la France, en janvier 2011, a imposé des masses critiques de femmes pour siéger à leurs conseils. Plus près de nous, au Québec, en 2006, le gouvernement a adopté une politique visant à ce que les conseils d'administration des sociétés d'État soient composés à parts égales de femmes et d'hommes d'ici 2011.

Nous avons fait un petit recensement des 24 sociétés d'État et en 2006, ces 24 sociétés d'État comportaient 24 p. 100 de femmes, aujourd'hui la parité est quasiment atteinte.

En terminant, on peut se poser la question si une simple perspective d'imposition d'une masse critique de 40, 45 p. 100 peut inciter les entreprises à changer leur comportement. À titre d'exemple, la Norvège qui, alors que les sociétés d'État étaient assujetties à la loi dès le 1er janvier 2004, son application a été retardée pour les sociétés cotées en bourse en leur demandant de se réguler. Ils ont attendu deux ans et au bout de deux ans, même s'il y avait la pression de se conformer, elles n'ont rien fait. La Norvège a alors adopté une exigence de 40 p. 100 pas seulement pour les sociétés d'État, mais pour l'ensemble des sociétés cotées en bourse. Donc, il ne suffit pas de dire : on y songe. Si on veut vraiment faire profiter la société des talents féminins, il faut vraiment une imposition d'un pourcentage précis.

Alors, ma conclusion est la suivante : la mise en place d'exigences de masse critique est, je dois l'avouer, à la fois regrettable mais nécessaire. Il est regrettable d'avoir à imposer une telle décision aux entreprises et il faut espérer que cela ne dévalorisera pas les nominations féminines à venir, ce dont je doute, compte tenu du nombre sans cesse croissant de femmes d'expérience capables d'occuper ces fonctions, et ce, depuis plusieurs décennies.

Mais l'adoption du projet de loi est nécessaire car l'absence d'évolution et le retard canadien justifient de telles mesures. C'est aussi une opportunité pour améliorer la gouvernance de nos organisations tant à court terme qu'à long terme. L'étude du Conference Board of Canada, dont je vous parlais au départ, s'intitule Women on Boards : Not Just The Right Thing ... But The `Bright' Thing. La gouvernance au féminin, c'est non seulement la bonne chose à faire, The Right Thing to do mais la chose la plus sensée, the bright thing to do. Indépendance, écoute et facilité de dialogue, préoccupation pour la pérennité des organisations sont des caractéristiques très féminines. En termes de performance de l'entreprise, plusieurs études en témoignent. La diversité des genres, des origines, des cultures a été un facteur fantastique de développement pour le Canada. Il devrait l'être également pour nos entreprises canadiennes.

Le président : On vous remercie Mme Champoux-Paillé de votre exposé. Je l'ai trouvé très clair et très bien structuré. Je vous avoue que je suis, en grande mesure, d'accord avec votre analyse de la situation. Permettez-moi de vous poser une seule question.

Si j'ai bien compris, vous favorisez l'adoption du projet de loi parce que vous ne croyez pas que les méthodes employées à ce jour par MÉDAC et d'autres, même si vous avez connu des succès auprès de certaines entreprises, vont prendre trop de temps. Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais c'est ce que j'ai compris. Pour ce qui est du projet de loi S-206, voyez-vous des inconvénients à exiger la parité? Voyez-vous une différence entre la parité et une masse critique dont vous avez parlé? Et s'il y a une masse critique de 30 p. 100, cela veut dire qu'il peut y avoir 60 p. 100 de femmes et 30 p. 100 d'hommes au sein du conseil. Si vous avez la parité, seulement 50 p. 100 de femmes. Est-ce dangereux de limiter le pourcentage de femmes?

Mme Champoux-Paillé : Ce n'est pas limiter, c'est de forcer, disons, de surmonter les barrières qui existent présentement et d'avoir un minimum à atteindre qui soit de 40 p. 100 ou de 45 p. 100, quant à nous, c'est important et cela s'appuie sur le fait qu'il faut qu'il y ait un nombre suffisant de différence pour faire en sorte qu'on puisse changer les choses.

Le président : Je vous comprends. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : La diversité et la bonne gouvernance m'intéressent. Je trouve que le Canada a manqué une bonne occasion en ne prenant pas davantage de mesures pour encourager et promouvoir la présence d'un plus grand nombre de femmes au sein des conseils d'administration et des postes de cadre supérieur au pays. Je crois qu'il faut faire quelque chose à propos de cela. En revanche, je ne suis pas convaincu que ce projet de loi soit la solution.

Je suis notamment préoccupé parce qu'il y a plusieurs années, le gouvernement du Canada avait indiqué qu'il y avait quatre groupes, et non pas seulement les femmes, mais quatre groupes de personnes qui avaient besoin de mesures spéciales afin d'être représentés équitablement au Canada. Or, ce projet de loi exclut les membres de ces autres groupes. Il est trop précis. Par exemple, qu'en est-il des minorités visibles? Lorsque vous parlez d'inclure plus de femmes dans les conseils d'administration, songez-vous à inclure également les femmes chinoises et indiennes ainsi que les femmes qui proviennent d'autres groupes ethniques? Ou parlez-vous tout simplement des femmes blanches? Afin de s'assurer que ce ne sont pas seulement des femmes blanches qui soient nommées à ces postes, ne faudrait-il pas inclure un paragraphe afin de dire que l'on encourage les recruteurs canadiens à trouver des femmes compétentes qui appartiennent à des minorités visibles? Voilà le premier point qui me préoccupe.

Ensuite, en ce qui concerne l'expérience, le professionnalisme et les points de vue diversifiés qui sont nécessaires au sein des conseils d'administration, il faut penser que les femmes appartenant à des minorités visibles qui ont connu des expériences différentes de celles des femmes blanches pourraient contribuer avec beaucoup de succès aux conseils d'administration. En revanche, ce projet de loi ne contient rien qui encouragerait quelqu'un à les y inclure. C'est ce qui me préoccupe. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Champoux-Paillé : Pouvez-vous répéter votre deuxième question?

Le sénateur Oliver : Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une question.

[Français]

Mme Champoux-Paillé : C'est une question qui porte sur la diversité. Quand on parle d'avoir une masse critique de femmes, est-ce qu'on veut dire seulement des femmes canadiennes blanches? Non, pas du tout. Nous plaidons ici pour la diversité. J'ai bien conclu le message en disant que ce que nous croyons, c'est d'avoir aux conseils d'administration et dans les entreprises canadiennes des talents féminins et qu'ils proviennent de toute souche.

Je peux témoigner, ayant fait mes études avec des confrères et des consœurs qui provenaient d'autres pays, de l'enrichissement qu'ils nous apportent dans la prise de décisions, des valeurs différentes que l'on apporte à la solution de problématiques, vous avez notre appui en ce sens. Il faut, quand on pense « femmes au sein des conseils », on parle de la diversité de talents féminins de toute origine, qui devrait être présentes au conseil d'administration de nos entreprises et dans nos organisations dans leur ensemble.

[Traduction]

Le sénateur Frum : Madame Champoux-Paillé, vous nous avez parlé d'un changement intéressant dans les universités, où l'on constate désormais que plus de 60 p. 100 des étudiants sont des femmes. Dans certaines universités, ce chiffre est encore plus élevé, comme à la faculté de médecine de l'Université Laval, où 75 p. 100 des étudiants sont des femmes. Un mouvement d'hommes pourrait bientôt exiger qu'on impose, par voie législative, la parité sur les campus universitaires. Les percées faites par les femmes dans le domaine de l'éducation sont assez récentes. Il s'agit d'un nouveau phénomène. Certains disent que ce pourcentage est tout à fait injuste. Dans un court laps de temps, nous avons vu le nombre de femmes dépasser celui des hommes sur les campus. Que penseriez-vous d'une initiative législative qui réglementerait la parité de genre dans les universités?

[Français]

Mme Champoux-Paillé : Nous n'avons pas réfléchi à cette question en ce sens. Je ne crois pas que d'imposer des seuils d'accès soit la solution à ce niveau pour encourager l'émergence de talents. Je pense que si les jeunes étudiants sont moins présents dans les universités, c'est une question beaucoup plus d'intérêt pour les études qu'autre chose. Du moins, c'est ce qu'on lit dans les journaux. Je n'ai malheureusement pas d'enfants de cet âge, mais je pense que nos universités sont là pour encourager les talents qui veulent bien se prendre en main. Je verrais difficilement l'avenue que vous proposez parce que pour moi, c'est une question de talent.

Présentement, on peut voir chez les femmes, il y a présence, il y a cet intérêt de vouloir participer aux conseils d'administration, il y a cette volonté et les compétences sont présentes également. J'y vois la combinaison de talent et de volonté alors que dans le cas que vous soulignez, c'est une question de volonté. Je ne vois pas la problématique sous le même angle. Peut-être que je me trompe.

[Traduction]

Le sénateur Frum : En tant que femme sénateur, je trouve que les femmes devraient avoir voix au chapitre et participer pleinement. En revanche, les programmes de quotas me rendent nerveuse. Bien que ce projet de loi ait été conçu pour aider les femmes, il existe toutes sortes de façons qui pourraient faire en sorte que l'on utilise un système de quotas qui nuirait aux domaines dans lesquels les femmes dominent le terrain. J'aimerais émettre des réserves quant au fait d'introduire des quotas à un moment où les réussites des femmes surpassent véritablement celles des hommes dans bon nombre de domaines.

[Français]

Mme Champoux-Paillé : Je me permettrai d'ajouter sur cela que nous avons eu à nous battre contre des freins importants, des mythes qui empêchent l'accès à ces conseils d'administration ou à ces postes de haute direction tandis que dans l'autre situation sur laquelle vous me proposez de réfléchir, je ne le vois pas de la même façon, ce n'est pas un frein provenant de la société ou de l'environnement mais bien aussi une volonté. La volonté n'y est peut-être pas de vouloir investir dans les études. Du moins, c'est ce que j'ai pu décoder de toute l'information que j'ai lue sur l'accès des jeunes hommes. C'est comme cela, c'est la lecture que j'en ai faite.

[Traduction]

Le sénateur Frum : J'ai parlé avec des enseignants de l'Université de Toronto. Si j'ai bien compris, ils devront bientôt imposer des quotas sur le nombre d'étudiantes, car ils ne veulent pas que leurs classes soient composées de 80 à 90 p. 100 de femmes. Il s'agit d'un fait que l'on peut constater au Trinity College, à l'Université de Toronto. Les quotas peuvent être un élément positif et vous aider, mais ils peuvent également vous nuire.

Le sénateur Kochhar : Je m'excuse de poser ma question dans ma langue. J'admire votre passion en ce qui concerne la parité de genre. Je suis également en faveur de la parité de genre et de l'égalité pour les minorités dans tous les domaines. En revanche, je ne pense pas qu'on peut légiférer sur la parité dans la main-d'oeuvre.

Je proviens d'un pays où les quotas sont prédominants. Ils existent pour aider les pauvres et ceux qui sont tombés entre les mailles du filet; mais cela ne fonctionne pas dans la plupart des pays en développement.

Si l'on avait eu cette conversation il y a 100 ans, j'aurais été d'accord avec vous. Mais les statistiques actuelles indiquent que nous accomplissons des gains de 8 p. 100 aux trois ans pour ces nominations. Si cette tendance se maintient, d'ici 2020, il y aura plus de femmes que d'hommes qui seront nommées aux conseils. À l'heure actuelle, neuf sociétés parmi celles de la Fortune 500 ont plus de femmes que d'hommes au conseil d'administration. Est-ce qu'il faudrait légiférer sur la parité de genre et ensuite demander à la moitié de ces femmes de démissionner? Qu'en pensez- vous?

[Français]

Mme Champoux-Paillé : Vous me citez des statistiques un peu différentes que celles auxquelles je faisais référence mais je vous dirais que cette imposition d'un pourcentage ou d'un seuil à atteindre sont regrettables mais nécessaires si on veut faire évoluer les choses.

Présentement, selon la composition des conseils actuellement, 51 p. 100 des entreprises ont une femme et moins comme membre de leur conseil. Pour moi, la société canadienne mérite des conseils d'administration où l'on peut avoir l'apport d'une masse critique de femmes pour changer, pour avoir l'opportunité d'avoir une meilleure gouvernance. C'est seulement dans cette direction que nous le faisons et il est prouvé que lorsque nous sommes seules à un conseil d'administration, que vous soyez seul parmi un groupe de Canadiens de souche, si je peux m'exprimer ainsi, vous ne pouvez pas changer grand-chose. Mais si vous êtes plusieurs qui provenez de différents pays, vous nous amenez à voir les choses différemment. Je vois autour de la table, vous provenez de différentes souches et vous améliorez la prise de décision dans des dossiers canadiens. Il faut qu'il y ait une masse critique de présence pour pouvoir changer les choses. C'est dans cette optique que se fait la présentation.

Le sénateur Pépin : Depuis que la loi a été implantée au Québec en 2006, qu'est-ce que cette loi sur la parité des conseils d'administration a changé pour les femmes d'affaires?

Plusieurs recherches ont démontré que la parité des hommes et des femmes dans les différents conseils d'administration permet aux entreprises d'être plus efficaces. Est-ce que vous l'avez constaté au Québec depuis que cette loi a été adoptée?

Mme Champoux-Paillé : Il n'y a pas eu d'études faites depuis 2006 sur les conseils d'administration des sociétés d'État. On voit l'augmentation du nombre de membres féminins. En ce qui a trait à la qualité de la prise de décision, c'est un sujet qui préoccupe de nombreux chercheurs. Parce que les conseils d'administration, c'est très fermé, c'est difficile de faire l'analyse des prises de décisions. Le Conseil du statut de la femme vient de publier une étude et elle se réjouit de l'augmentation du pourcentage. Est-ce que les sociétés d'État sont mieux gérées suite à la présence des femmes? En quatre ans, leur présence est passée de 30 p. 100 à 45 p. 100. Je pense qu'il nous faut peut-être plus de temps pour le savoir. Mais si je regarde les conclusions du Conference Board of Canada qui y a jeté un coup d'oeil depuis 1996, il y a des améliorations qui ont été apportées sur la gestion des conflits d'intérêts, sur, également, tout ce qui a trait au contrôle et à la vérification générale.

Le sénateur Pépin : Pour les femmes d'affaires à ce moment-là.

Mme Champoux-Paillé : C'est une possibilité de participer à la prise de décision.

Le sénateur Pépin : Très bien. Merci.

Le sénateur Massicotte : On va regarder les arguments dans le monde entier sur cette question. Mon résumé est qu'il y a deux arguments : le côté social, en d'autre mots, s'assurer qu'il n'y a pas une fermeture. Je ne doute pas qu'il y a peut-être eu un préjugé d'ouverture, d'égalité. C'était ainsi dans la société. Je pense que cela se corrige avec le temps mais cela existe toujours un peu.

L'autre argument sur lequel on met beaucoup l'accent, c'est la question de rentabilité. Vous plaidez qu'il est dans l'intérêt égoïste des entreprises de chercher la parité parce qu'elles sont perdantes si elles ne le font pas. Il faut vraiment se fier sur le deuxième argument pour dire que c'est rentable, c'est dans l'intérêt d'une société d'avoir la parité. Quelle est la prépondérance de chacun des arguments?

Mme Champoux-Paillé : Dans le nôtre parce que je représente également le MÉDAC, c'est la saine gouvernance des organisations qui prévaut. Ce qui veut dire sur le plan de la prise de décisions, sur le plan de la gestion des conflits d'intérêts, sur la pérennité des organisations parce qu'il est prouvé qu'une présence accrue de femmes dans les conseils d'administration donne plus de poids au long terme qu'au court terme, donc c'est dans cette perspective où nous justifions la masse critique de femmes au sein des conseils d'administration.

Mais vous avez dit quelque chose qui m'interpelle. Il y a dans les conseils d'administration des comités de mise en nomination où on a des critères pour identifier les personnes qui siègeront aux conseils d'administration. Bien des fois, on indique que la personne doit avoir été président ou présidente d'entreprise. Très peu de femmes le sont, c'est une discrimination indirecte. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a équité? Je ne crois pas. On a un critère qui apparaît égal, tout le monde dit que c'est objectif, on doit avoir été président de compagnie pour pouvoir accéder à des postes de conseil d'administration, mais compte tenu qu'il y a peu de femmes qui s'y retrouvent, cela devient un critère inéquitable dans une certaine mesure.

C'est dans cette optique qu'il faut revoir nos processus de sélection pour faire en sorte que l'apport de la femme puisse être reconnu au sein des conseils d'administration.

Le sénateur Massicotte : Vous soulevez un bon point, cependant le conseil, c'est le patron du PDG, c'est peut-être un critère très important pour une nomination, mais c'est un cercle vicieux. Si on maintient ce critère, je fais l'argument que c'est un critère important mais qui ne devrait pas être exclusif.

Mme Champoux-Paillé : Ce critère, je pense qu'il constitue 46 p. 100 de l'ensemble des critères utilisés selon une étude que j'ai consultée. Vous voyez jusqu'à quel point cela peut jouer, on pense qu'on est juste, mais ce n'est pas juste parce que c'est une discrimination indirecte.

Le sénateur Massicotte : Je suis sympathique à l'argument, mais le deuxième point, la question de rentabilité est très importante. La difficulté est que vous faites référence à trois études. On a eu des témoins déjà, et j'ai fait des recherches approfondies d'études internationales. La conclusion des scientifiques est qu'il n'y a pas de conclusions justes et fermes qui disent que plus de femmes donnent des meilleurs résultats financiers. Oui, la présence des femmes permet une participation, dans certains cas il y a une meilleure gouvernance mais ce n'est pas clair dans mon cerveau, j'aurais aimé que ce soit clair, qu'il y a des résultats financiers meilleurs des sociétés. Je vais faire la lecture de vos trois études. Vous avez aussi mentionné FORBES, mais du côté scientifique ce n'est pas clair, cela me dérange un peu. Où fait-on mention que s'il y a plus de femmes, on a une meilleure gouvernance. L'argument peut être avancé. Ces entreprises sont plus ouvertes pour embaucher des femmes. C'est peut-être la conséquence de l'ouverture de l'entreprise. Ces arguments ne sont pas évidents. Un économiste a publié une étude récemment selon laquelle il n'y a aucune séniorité scientifique pour dire que bonne gouvernance égale bon résultat. Il y a une tendance mondiale à cet effet et pour séparer les PDG des conseils d'administration. Mais les études ne démontrent pas que ces boîtes sont plus profitables ou plus rentables ou prennent moins de risques. C'est confus.

Mme Champoux-Paillé : Vous avez raison. Les études invitent à conclure, mais il n'y a pas un lien direct démontré. Quoiqu'une étude de Catalyst a été faite sur une période de dix ans. C'est celle-là qui est la plus significative parce qu'elle a été faite sur une période plus longue.

Par ailleurs, je vous inviterais peut-être à réfléchir sur ce qui a pu contribuer au fait qu'il y a 30 ou 40 ans, il n'y avait pas autant de femmes au Sénat, et jusqu'à quel point la présence féminine a pu contribuer à changer les choses. Je me permets de soulever la question.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord avec vos arguments. J'écoutais votre échange avec le sénateur Frum qui nous indiquait qu'à l'Université de Toronto, il y avait un mouvement de jeunes hommes qui demandaient la parité d'admission dans les programmes universitaires.

Mon expérience à l'intérieur du secteur universitaire m'indique que les demandes d'accès sont ouvertes, publiques et, si ma mémoire est bonne, font état des compétences de la personne, peu importe le genre. J'en déduis que s'il y a prédominance des femmes dans cette université, c'est qu'il y a une compétence supérieure chez les femmes qui font une demande d'admission.

La différence au niveau du secteur privé d'entreprises, c'est que le système d'admission n'est pas ouvert, donc si le système d'admission n'est pas ouvert, on ne peut pas se classer à compétence égale. Voilà la différence majeure entre vos deux arguments : on compare un système complètement fermé à un système complètement ouvert.

Il me semble que dans l'exemple de l'Université de Toronto, plus de femmes peuvent se classer selon leurs compétences.

Mme Champoux-Paillé : Exactement. Quand on réclame la parité, c'est qu'à la base, il y a le talent nécessaire pour répondre aux besoins des conseils d'administration et il y a la volonté d'y participer. Alors que dans le cas dont nous parlons, au sein des universités, il y a l'égalité pour les compétences, mais aussi la volonté; les deux critères doivent être unis. Présentement, l'accès des femmes à des conseils d'administration est freiné alors qu'elles sont en nombre suffisant et qu'elles ont la volonté de jouer un rôle dans les entreprises canadiennes.

[Traduction]

Le président : Je vais permettre au sénateur Frum de poser une courte question supplémentaire.

Le sénateur Frum : Les universités sont du domaine public puisqu'elles sont financées principalement par des fonds publics. La notion de légiférer sur la parité de genre dans le domaine public plutôt que privé me semble plus logique. Je trouve que l'on créerait un précédent dangereux si l'on permettait au gouvernement de s'ingérer dans les décisions des sociétés privées.

Le sénateur Ringuette a indiqué qu'il s'agissait d'un système fermé. C'est exact. Nous parlons d'entités privées. Il s'agit de l'ingérence du gouvernement dans des entités privées et non pas publiques, comme les universités, où on parle plus d'intervention du gouvernement et de fonds publics.

Êtes-vous d'accord?

[Français]

Mme Champoux-Paillé : C'est, quant à moi, la seule façon pour apporter un changement. Depuis 40 ou 50 ans, des femmes sont formées dans nos universités canadiennes et on n'utilise pas leurs talents. L'élément majeur, c'est qu'elles sont en nombre suffisant. Le talent y est, mais les freins sont là pour faire en sorte qu'elles n'accèdent pas à ces conseils d'administration. Et dans l'ensemble, la société canadienne se prive de talents qui lui permettraient d'être une meilleure société.

Le sénateur Hervieux-Payette : Récemment, Paul Tellier, greffier du Conseil privé sous le gouvernement Mulroney, anciennement président du CN et de Bombardier, a été honoré devant une foule de 500 personnes. Au fil de son discours pour ses collègues, des gens d'affaires de grandes entreprises, il les a informés qu'il croyait sincèrement qu'une seule personne ne devrait pas siéger sur plus de quatre conseils d'administration et que ceux qui siégeaient sur huit conseils d'administration ne faisaient pas leur boulot, que les mandats devraient être limités à deux de quatre ans, que les gens qui se traînent les pieds pendant 10 ou 15 ans sur le même conseil d'administration n'apportent plus d'idées nouvelles dans l'équipe et ne voient plus la réalité de l'entreprise. Il a également parlé de l'importance de la présence accrue de la diversité, telle que la présence de femmes avec la masse critique.

Voilà donc un homme qui a l'expérience de deux grandes sociétés : CN qui est devenue une société américaine avec le temps parce que l'actionnariat est devenu américain; et Bombardier, une société canadienne qui avait des activités à travers le monde. C'est un peu le testament de M. Tellier et de son expérience. J'aimerais avoir vos commentaires.

Si un homme d'expérience comme lui, ayant vécu l'évolution du plan économique de notre société, nous recommande d'aller dans cette direction, la seule question qui se pose, c'est : de quelle manière y arrive-t-on?

Personnellement, si j'ai déposé un projet de loi, c'est que je ne crois pas que je verrai cela de mon vivant, à la vitesse dont on a procédé dans les 20 dernières années. Au Québec, à l'heure actuelle, on est encore minoritaires dans les facultés de génie. En informatique aussi. Il y a quand même des secteurs où les gars ont du plaisir et ils vont dans ces secteurs. Je ne vois pas pourquoi on forcerait les gars à aller en médecine s'ils ne veulent pas faire de médecine. D'ailleurs, depuis qu'on fait moins d'argent, et qu'on ne travaille pas 90 heures par semaine, c'est drôle, il y a moins de gars. Je suis rassurée, il me semble que je serai mieux soignée si mon docteur a le temps de dormir. Est-ce que ces critères sont importants pour assurer la bonne gouvernance, parce que j'ai compris que c'était la base même de votre association?

Mme Champoux-Paillé : Oui. J'avais lu ce testament, comme vous le dites si bien, de M. Tellier sur le cumul des mandats et le nombre limité des mandats. Nous avons déjà déposé des propositions.

Je vais prendre un sujet que vous connaissez sûrement bien : les banques canadiennes. Au sein des sept banques canadiennes, le taux de roulement des administrateurs est en moyenne de neuf ans. Donc les administrateurs restent en poste pendant neuf ans; certaines banques, ça va jusqu'à 10 ans, 11 ans. Donc, avant qu'il y ait un renouveau au sein des conseils d'administration, avant que des postes ne se libèrent, cela peut prendre plusieurs années.

D'autre part, je remarquais qu'en 2009 — parce que les circulaires de procuration ne sont pas sorties pour 2010 —, sur les 106 postes de membres de conseils d'administration au sein des banques, il n'y a eu qu'un seul nouveau membre, et c'est M. D'Alessandro. Les banques ne sont pas en retard, elles sont de bons élèves, elles ont en moyenne 25 p. 100 de femmes sur leurs conseils d'administration. Elles montrent quand même le pas. Ce n'est pas contre les banques, mais ce que je veux tout simplement dire, c'est qu'avec le cumul de mandats dont vous parlez, avant qu'on puisse en arriver à une parité, cela va prendre encore plusieurs années.

Si ma mémoire est fidèle, je crois que la France a réfléchi à son projet de parité en y ajoutant ce volet. Je vois, qu'ici autour de la table, il y a des gens de différentes origines et de différents âges.

Rafraîchir la prise de décision demande du renouveau au sein des conseils d'administration et c'est pour nous un élément au sujet duquel on a fait beaucoup de représentations.

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci beaucoup.

Le président : Malheureusement, je dois mettre fin à cette discussion fort intéressante. J'aurais voulu continuer mais il y a un horaire à respecter. Il ne me reste qu'à vous remercier, madame Champoux-Paillé, de votre présente ici ce soir.

Votre témoignage est très utile pour les membres du comité. Je vous souhaite un bon voyage de retour à Montréal, espérant que la neige a cessé de tomber.

Mme Champoux-Paillé : Je vous remercie et j'espère ne pas avoir trop mis de passion dans mes propos. Je le faisais avec tout le cœur que j'ai donné à cette cause depuis maintenant 20 ans.

Le président : C'est la passion qui fait marcher le monde.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à notre prochain groupe de témoins, qui comparaîtra par vidéoconférence. Souhaitons la bienvenue à Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des femmes d'affaires du Québec; Justine Lacoste, une avocate qui oeuvre dans cette organisation, et Irene Pfeiffer, une consultante en stratégie auprès de Mustard Seed, à Calgary.

Irene Pfeiffer, consultante en stratégie, The Mustard Seed : Honorables sénateurs, j'aimerais vous remercier de m'avoir demandé de prendre part à cette discussion. Je voudrais me présenter en vous fournissant un bref historique de mon cheminement. Je suis membre de l'Ordre du Canada. J'ai beaucoup d'expérience dans la haute gestion de l'industrie du gaz et du pétrole dans l'Ouest canadien. Je suis également membre de plusieurs conseils à but non lucratif au Canada. Je suis aussi la première présidente non-médecin du Collège des médecins et chirurgiens de l'Alberta. Je vous dis tout cela parce que l'expression « consultante en stratégie » n'est pas explicite. Je suis également membre du Forum international des femmes, qui a un bureau à Montréal ainsi que dans bon nombre d'autres villes au Canada.

Le Forum international des femmes promeut le leadership des femmes dans tous les secteurs, toutes les cultures et tous les continents. Il est présent sur les cinq continents et il compte 5 000 femmes leaders et environ 300 femmes leaders haut placées au Canada. Je siège au comité exécutif.

Je m'excuse si mes observations sont redondantes, mais on m'a refusé l'accès au début des délibérations sous prétexte que cela coûterait trop cher si l'on écoutait par vidéoconférence. Je m'en excuse. Mes propos seront brefs. Je pense qu'il sera plus utile d'écouter mes collègues de Montréal et de répondre à vos questions.

J'aimerais faire quelques remarques en ce qui concerne le projet de loi. J'ai beaucoup de réticence face à l'ingérence du gouvernement dans le secteur privé. Cela dit, je trouve qu'il est malheureux que, de nos jours, au Canada, il faille une initiative législative pour arriver à la parité de genre dans le milieu des affaires.

D'après le rapport Catalyst de 2010, nous constituons environ 50 p. 100 de la main-d'oeuvre, mais nous représentons moins de 20 p. 100 de la composition des conseils d'administration. Le Financial Post parlait de 14 p. 100. Je dois féliciter la province du Québec, où la représentation des femmes dans les sociétés d'État devrait atteindre 50 p. 100 d'ici 2011.

On me dit souvent qu'il n'existe pas de femmes qualifiées pour occuper ces postes. Je m'oppose fermement à ces propos. De plus, il y a des établissements d'enseignement postsecondaire au Canada qui offrent une formation utile sur les rôles et responsabilités des conseils. Chaque année, des hommes et des femmes terminent ces programmes et n'ont pas l'occasion de mettre en pratique leur spécialisation.

Parlons maintenant de ce projet de loi. Si c'est ce que nous devons faire, alors faisons-le. Nous avons dû le faire dans le passé et cela a généré des résultats positifs. En revanche, je recommande fortement qu'il s'agisse de femmes qualifiées — et non pas tout simplement de femmes. Il ne faudrait pas que cela soit un geste symbolique. Ça ne réglerait pas le problème. Il faudrait également définir le mot « préjudice injustifié ». Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de réseau de femmes qualifiées pour occuper ces postes. Un préjudice injustifié au Canada ne se définit pas en termes de déplacement ou de fuseau horaire. Il ne s'agit pas là de préjudice injustifié. Il faut bien comprendre ce que l'on essaie d'accomplir.

[Français]

Ruth Vachon, présidente directrice-générale, Réseau des femmes d'affaires du Québec : Monsieur le président, nous vous remercions pour votre invitation, cela nous fait grand plaisir d'être ici.

Cela me fait vraiment plaisir d'assumer le rôle de présidente de la direction du Réseau des femmes d'affaires du Québec. Je suis là depuis juin dernier seulement.

J'ai plus de 25 ans d'expérience en affaires. Je suis originaire du Saguenay et j'ai travaillé sept ans pour la compagnie d'aluminium ALCAN. J'ai créé successivement des entreprises à succès : un centre de location d'équipement de réception et un centre de distribution et un centre de formation, jusqu'à 2001.

Experte en gestion et leader dans l'âme, je suis très forte en vente et en planification. Suite à la vente de mes actifs, j'ai réorienté ma carrière en consultation et en gestion intérimaire.

J'ai accompagné des entrepreneurs dans des projets de réorganisation, d'expansion et de diversification.

J'ai reçu à deux reprises le prix Fémina décerné par le réseau des femmes d'affaires en 1988 et en 1991. J'ai été finaliste du prix Dominique-Rollin dans la catégorie des entreprises de l'année de la Chambre de commerce de la Rive- sud de Montréal en 1993.

J'ai fait partie de conseils d'administration, entre autres la Saison jazz Montréal, de l'UNICEF et du comité consultatif du collège Charles-Lemoyne.

Avant de devenir présidente du Réseau des femmes d'affaires du Québec, j'ai participé à titre de membre dans plusieurs de ses activités. J'ai connu des femmes extraordinaires, des femmes compétentes, j'ai fait affaires avec celles-ci et beaucoup d'entre elles sont devenues d'excellentes amies.

Les statistiques indiquent que les femmes contrôlent 7 millions de dollars en dépenses de consommation et d'entreprise. Au foyer, les femmes sont responsables de 80 p. 100 des achats, de 95 p. 100 des achats de meubles, de 91 p. 100 des achats de maisons, de 60 p. 100 des achats de voitures et de 50 p. 100 des voyages d'affaires. Les femmes sont donc des consommatrices influentes dans les achats de produits et services, ce qui fait rouler non seulement l'économie du Québec et du Canada mais l'économie mondiale. Elles consomment des biens durables, elles sont très exigeantes, elles ont des critères de sélection élevés et elles sont très informées.

De plus, au Canada, près de la moitié des personnes qui possèdent 500 000 $ d'actifs sont des femmes. Avec cet argent, elles se lancent en affaires, créent des emplois à leur tour et deviennent des anges financiers. Convaincues que la solidarité, valeur typiquement féminine, est essentielle à la réussite des entreprises et à l'avancement de la société, elles en font le fondement de leurs rapports.

Comme le confirme une étude récente, 47 p. 100 des 1,3 million de PME comptent des femmes parmi leurs propriétaires et 16 p. 100 des PME canadiennes sont détenues en majorité par des femmes. C'est une très bonne nouvelle et si la tendance haussière se maintient, dans moins de dix ans, elles auront atteint 50 p. 100 de l'actionnariat des PME.

Les femmes entrepreneures sont maintenant aux commandes d'entreprises solides financièrement. Elles œuvrent dans des secteurs à l'avenir prometteur. Cela signifie, entre autres, qu'elles ont appris à gérer le risque financier et nous constatons que les femmes contribuent de plus en plus concrètement à la prospérité économique du pays, mais de plus, cherchent à prendre sans complexe leur place dans les hauts lieux de pouvoir économique et décisionnel. Là, elles peuvent en fait influencer les orientations des politiques en devenir.

Appelées à travailler à l'international, dans des pays où la condition de la femme ne correspond pas à celle reconnue au Canada, nous nous retrouvons dans des rôles de pionnières. Confrontées à une non-reconnaissance de la liberté individuelle, nous pouvons contribuer, ne serait-ce que par notre seule présence exemplaire, au développement au niveau international des femmes au secteur des affaires.

Nous voyons de plus en plus de femmes se positionner afin d'occuper des postes de premier plan. Elles veulent que les portes des lieux de décision s'ouvrent. Notre influence sera d'autant plus importante que nous posséderons des leviers financiers et participerons aux décisions.

Aujourd'hui, les femmes membres de conseils d'administration des géants du Québec représentent seulement 16,8 p. 100 selon l'avis du Conseil du statut de la femme sorti en décembre dernier.

Nous considérons qu'il est souhaitable d'adopter une loi qui permettra aux femmes d'accéder aux conseils d'administration des sociétés cotées en bourse, coopératives, banques, sociétés d'assurance et sociétés d'État mère.

Comme il en est fait mention dans le livre de Louise St-Cyr et de Francine Richer, la création de notre réseau, qui regroupe aujourd'hui 33 p. 100 de femmes occupant des postes-cadres et 67 p. 100 d'entrepreneurs, a été un chemin qu'ont décidé de tracer et d'emprunter les femmes désireuses de trouver leur juste place dans la société en général et dans le monde des affaires en particulier.

Leurs efforts contribuent à la réussite au féminin de différentes façons. Que ce soit par le biais de notre prix Femmes d'affaires du Québec, qui existe depuis plus de 10 ans maintenant, nous rendons visibles des modèles féminins inspirants, et nous mettons tout en œuvre pour que les femmes trouvent leur place, leur identité et se réalisent un peu plus tous les jours.

Les femmes adhèrent au réseau pour développer et améliorer leur réseau de contacts par des activités de réseautage durables. En s'impliquant, elles accroissent leur visibilité et par le fait même, leur notoriété.

Pour plusieurs d'entre elles, c'est une plateforme de lancement. Regrouper les femmes afin de créer des liens durables avec toutes celles qui souhaitent travailler à l'amélioration tous azimuts de la condition féminine, voilà l'un des objectifs de notre réseau.

Nous ne sommes pas des velléitaires, tant s'en faut, le réseau fêtera ses 30 ans cette année. Nous savons, comme le disait si bien Jean de la Fontaine, que « [...] Patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage [...] »

Petit à petit, nous avons mis au point une gamme de services que nous comptons voir prendre de l'expansion. Par exemple, nous offrons des services de référence pour les nominations de cadre dans les entreprises et des références pour les membres de conseils d'administration.

Nous agissons aussi comme référence auprès de différents média pour des entrevues de femmes recherchées.

Le réseau entend participer activement à la réussite professionnelle et au rayonnement de ses membres et propose de nombreux choix à toutes les résidentes québécoises déterminées à contribuer au développement socioéconomique de leur environnement.

La présence des femmes au sein des conseils d'administration entraînera d'autres changements au niveau des affaires pour les femmes. Le Réseau des femmes d'affaires du Québec est en voie de devenir le partenaire officiel de We Connect Canada, une organisation internationale à but non lucratif.

Par l'entreprise du RFAQ, We Connect permettra aux entreprises québécoises de créer de nouvelles occasions d'affaires et d'établir des partenariats avec d'autres sociétés reconnues afin d'augmenter leur accès à des contrats d'approvisionnement importants. L'organisme a été créé pour certifier les entreprises qui sont administrées et contrôlées par des femmes.

La certification d'une entreprise dont la propriété est contrôlée à 51 p. 100 par une femme, We Connect ouvre la voie à une multitude d'occasions d'affaires dans tous les pays où une politique de respect de la diversité et protection des femmes existe. Cette démarche s'inscrit dans le plan d'action du réseau et vise à valoriser le travail des femmes dans leur rôle de moteur de l'économie du Québec et au Canada.

Nous souhaitons que cet effort d'identification et de certification soit un pas important pour assurer la présence de femmes comme fournisseurs des gouvernements et des grandes corporations.

Le Québec a adopté une loi visant la parité de genre au sein des sociétés d'État. Depuis 2009, le Québec bénéficie d'une procédure traitant d'un meilleur équilibre pour l'équité salariale entre le salaire des hommes et des femmes. En février 2011, le gouvernement du Québec procédera à des consultations publiques sur le gouvernement intitulées Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de faits vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Si, au cours de 2011, les femmes pouvaient compter sur une législation au niveau du gouvernement fédéral pour garantir la parité de genre au sein des conseils d'administration, telle que visée par le projet de loi S-206, les femmes pourraient contribuer de façon plus significative à l'essor de l'économie canadienne.

Nous visons l'égalité de genre dans l'ensemble des activités économiques. Nous savons que certains pays ont adopté des lois afin de mettre en place des quotas ou d'autres pays visant la parité de genre. Le gouvernement canadien doit se joindre à ces pays qui ont une législation d'avant-garde et, à ce titre, il pourrait influencer tous les pays en adoptant une législation qui enchâsse le principe de l'égalité des genres dans des lois telles que les lois visées par le projet de loi S-206, à savoir la Loi des sociétés par actions, les banques, les sociétés d'assurance, coopératives et sociétés d'État mères.

La force des femmes est maintenant reconnue dans le milieu des affaires. L'accès à l'éducation et à l'exercice d'une profession remonte au début du XXe siècle seulement. Ce n'est qu'après une longue lutte que les femmes ont obtenu le droit de vote en 1940. La soumission au mari et l'absence de droits ne sont disparues que récemment.

Aujourd'hui, les femmes diplômées et les femmes inscrites à l'université forment un bassin important ralliant formation, compétences et ambition. Si une loi leur assure la parité de genre, nos membres et les femmes ont l'habileté requise pour saisir les opportunités.

Le gouvernement canadien, en bon père de famille, aurait avantage à prêcher par l'exemple et être le premier à s'assurer de la présence des femmes entrepreneures au sein de l'économie canadienne en mettant en place des mesures pour garantir l'accès des entreprises détenues par les femmes aux contrats des gouvernements à titre de fournisseurs de l'État.

Des mesures comme la création d'un registre central des sociétés qui font affaire avec le gouvernement et l'ajout d'un relevé des genres au sein de tous les rapports et enregistrements des sociétés permettraient de mesurer les progrès réalisés dans l'égalité de genre dans le monde des affaires.

Dans tous les secteurs où les femmes sont présentes en grand nombre, il faut promouvoir l'ascension au niveau de conseils d'administration. Enfin, en plus de la grande disponibilité de main-d'œuvre féminine, les directions des banques semblent elles-mêmes convaincues de l'avantage qu'elles ont à placer des femmes à la tête de leurs institutions pour mieux répondre aux besoins de leur clientèle.

Selon Sue Calhoun, présidente de la Fédération canadienne des Clubs de femmes de carrières commerciales et professionnelles, les femmes trouvent plus facilement leur voie jusqu'au sommet des banques parce que celles-ci ont compris que la féminisation de leurs instances et directions est à leur avantage.

Partant du fait qu'au Canada les femmes sont propriétaires de près de la moitié des PME et que, de ce fait, elles représentent une part importante de la clientèle des banques, Sue Calhoun fait valoir que pour mieux servir leur clientèle, les banques ont intérêt à nommer des femmes dans des postes clés.

La forte concentration de main-d'œuvre féminine dans ces entreprises de la finance et des assurances faciliterait ces nominations et les justifieraient —ajoute Sue Calhoun— puisqu'il faut bien que les femmes employées dans les banques aient des perspectives d'avancement.

Compte tenu des pratiques de nomination, nous savons que la féminisation de la gestion va de paire avec celle de la gouvernance. Notre réseau de femmes en affaires très actives sur le plan économique doit relever le défi de la solidarité. À cette fin, nous soutenons tous les efforts faits pour assurer la parité de genre. Les boys clubs nous semblent encore présents dans les milieux d'affaires.

Nous sommes d'accord avec le fait que la mixité de genres serait profitable aux entreprises puisqu'elle permet de valoriser les qualités féminines décrites comme complémentaires aux qualités masculines. En apportant des qualités telles que la communication ou l'écoute, les femmes pourraient changer les entreprises et les humaniser.

L'accès accordé par un encadrement législatif au niveau des conseils d'administration permettrait aux femmes de s'accomplir dans la sphère économique. La parité de genre au niveau des conseils d'administration aura un effet d'entraînement.

De nombreuses autres dispositions législatives pourront y être associées, et particulièrement des programmes pour favoriser les entreprises à propriété de femmes à se positionner comme fournisseurs de l'État, des sociétés d'État mères, des institutions financières, des coopératives et des sociétés cotées en bourse.

En cette période de turbulence économique et financière, plusieurs diront que ce n'est pas le bon moment de changer les règles des conseils d'administration. Mais, en fait, quand est-ce le temps? Il est connu que les périodes d'incertitude entraînent des modifications de comportements et d'habitudes dans les entreprises et chez les consommateurs.

Partout, nous sommes à réévaluer les façons de faire, à examiner les offres de services des partenaires existants. Il serait temps de faires place au changement, à la nouveauté, à l'essai et à l'achat de nouveaux produits et services. Il faut créer de nouvelles opportunités. Il faut oser le droit à la différence pour faire une différence.

Le président : Merci, madame Vachon.

[Traduction]

Le président : Tout d'abord, j'aimerais m'excuser auprès de tous les témoins qui comparaissent par vidéoconférence. Bien qu'il soit merveilleux que vous n'ayez pas à vous déplacer jusqu'à Ottawa, il est malheureux de voir qu'il semble impossible de vous fournir l'interprétation des délibérations. Cela n'a pas été possible aujourd'hui. Madame Pfeiffer et madame Vachon, j'aimerais particulièrement m'excuser auprès de vous, puisque nous avons tous eu l'occasion d'entendre l'interprétation alors que cette chance ne vous a pas été donnée. C'est regrettable.

Madame Pfeiffer, je ne pourrai malheureusement pas résumer ce que Mme Vachon nous a raconté mais, aux fins de cette délibération, je peux vous dire rapidement que son organisation s'occupe activement à fournir plus d'accès aux femmes à certains postes, qu'il s'agisse de postes administratifs ou de postes d'administrateur, dans de grandes sociétés, qui se trouvent surtout au Québec. Elle est en faveur du projet de loi S-206.

Je ne veux pas m'aventurer plus loin car je ne voudrais pas mettre des mots dans sa bouche. Ce n'est pas mon rôle de le faire.

Je vais demander à Mme Vachon si elle croit qu'une parité de genre à 50-50, telle que présentée dans le projet de loi, serait avantageuse. Je vais lui demander également ce qu'elle pense de l'importance d'avoir un taux de représentation minimum de 30 à 40 p. 100, qui a été imposé par d'autres pays, comme l'a indiqué un autre témoin.

[Français]

Madame Vachon, ou madame Lacoste, auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet sur la différence et les avantages des deux idées? Puisqu'il ne reste que 25 minutes allouées pour la période des questions, je vous demanderais de limiter votre présentation.

Justine Lacoste, avocate, Réseau des femmes d'affaires du Québec : Je suis avocate et je détiens un MBA depuis 1972. Je suis membre du Réseau des femmes d'affaires du Québec depuis 1981, éditrice du journal Les propos et responsable du secteur gouvernance. J'ai donné des formations en gouvernance dans le cadre de la formation continue de l'Université Laval.

J'aimerais attirer votre attention sur deux bénéfices que les lois ont apportés. D'abord, ma grande tante, Justine Lacoste Beaubien a fondé l'Hôpital Sainte-Justine. Cela n'aurait pas pu être réalisé si une loi privée du gouvernement du Québec n'avait pas été adoptée pour libérer les maris de la responsabilité que pouvait faire leur femme à titre de membre du conseil d'administration de l'Hôpital Sainte-Justine.

Ma mère, Marcelle Émond Lacoste, a terminé son Barreau en 1936, à un moment où les femmes n'étaient pas admises au Barreau. C'est avec la loi, en 1942, qu'elle a pu devenir avocate. Donc, vous avez ici deux exemples de bénéfices qui ont été apportés par l'adoption d'une loi.

J'aimerais également attirer votre attention sur l'avis formulé par le Conseil du statut de la femme du Québec en décembre 2010 : La gouvernance des entreprises au Québec : où sont les femmes? J'aimerais que ce rapport fasse partie des documents que le comité considère dans son étude.

Ce document fait état de plusieurs statistiques sur les femmes au conseil. D'abord, j'aimerais citer :

[...] au cours de la période plus récente, le pourcentage de femmes dans les conseils d'administration des plus grandes entreprises québécoises a augmenté à un taux annuel moyen de 7,37 p. 100. À ce rythme, il faudra attendre 16 ans pour observer une représentation égale des hommes et des femmes au sein des conseils.

J'aimerais également attirer votre attention sur les problèmes qu'a entraînés au départ la loi en Norvège. Je vais citer un discours de Mme Brown, la directrice Women on Boards lors de la conférence à Oslo.

[Traduction]

Lorsque Angsar Gabrielson, ministre du Commerce et de l'Industrie, a proposé cette loi en 2002 et qu'elle a été approuvée au Parlement en 2003, cela a provoqué un tollé national en Norvège. Les gens s'y opposaient fortement et cela a suscité des débats houleux, où l'on indiquait qu'il n'y aurait pas assez de femmes qualifiées pour respecter les quotas, que celles-ci ne seraient pas nommées selon leur mérite et qu'il serait impossible de pourvoir tous les postes désignés au sein des conseils.

[Français]

Mme Vachon vient de vous rassurer qu'il y a au Québec de nombreuses femmes, et probablement au Canada également, qualifiées qui ont suivi des formations données par les universités canadiennes. J'aimerais vous citer un autre extrait du discours de Mme Brown.

[Traduction]

L'adoption d'une loi était la seule façon d'obliger les sociétés à réduire le déséquilibre sur le plan de la parité de genre au sein des conseils des sociétés norvégiennes cotées en bourse.

La Loi sur les quotas a joué un rôle central et a permis de rendre plus visibles le talent et l'expérience des femmes.

Les femmes nommées en vertu de cette loi ont amené plus de diversité de compétences et d'expérience aux conseils.

La gouvernance des sociétés norvégiennes a été améliorée puisqu'on mettait davantage l'accent sur les critères de sélection de tous les administrateurs.

L'incorporation de la parité de genre dans la gestion est perçue comme étant plus importante de nos jours en raison de la notoriété des femmes qui siègent aux conseils et du besoin d'augmenter le nombre d'administrateurs potentiels.

[Français]

J'aimerais également vous citer un extrait d'une étude à laquelle a participé le professeur Claude Francoeur.

[Traduction]

Étant donné les résultats de Ryan et Haslam (2005), il est important de tenir compte du risque et de la complexité. Leur étude leur permet de conclure que les femmes sont souvent nommées à des postes de leadership lorsqu'il y a des problèmes au sein de l'organisation, ce qui les met plus à risque de connaître un échec et d'être critiquées. Cela semble indiquer l'existence même d'une « falaise de verre ».

Nos résultats montrent que les sociétés qui fonctionnent dans des environnements complexes où il y a un pourcentage élevé de femmes au sein de la direction connaissent un rendement anormal mensuel positif et considérable de l'ordre de 0,17 p. 100. Cela représente un rendement d'environ 6 p. 100 sur trois ans... D'un autre côté, le fait d'avoir plus de femmes qui siègent au conseil de ces sociétés ou plus de femmes à la fois au sein du conseil et de la direction ne semble pas nécessairement mener à des rendements extraordinaires. Cela cadre avec la théorie de la délégation et indique que les sociétés qui ont beaucoup de femmes dans les systèmes de gestion et de gouvernance affichent des résultats qui se comparent avantageusement avec les rendements normaux observés sur les marchés boursiers. En outre, en dépit de l'hypothèse concernant la « falaise de verre », cela pourrait même vouloir dire que les femmes qui occupent un poste d'administrateur réussissent mieux que leurs homologues masculins, car, si on les compare aux hommes, les femmes sont nommées à des postes moins convoités.

[Français]

Je pourrais continuer en vous citant d'autres statistiques.

Le président : Je vous rappelle que notre temps est très limité. Il ne nous reste que 15 minutes maintenant.

Mme Lacoste : Oui, on va déposer tous les documents. Les documents seront déposés avec une copie de l'avis du Conseil du statut de la femme sur la gouvernance ainsi que l'accession des femmes au pouvoir économique.

Le président : Excellent, je vous remercie. Nous passerons maintenant à la période des questions.

[Traduction]

Madame Pfeiffer, je m'excuse que vous ne soyez pas en mesure d'entendre l'interprétation. Voulez-vous faire des remarques au sujet de ce qu'on a dit en anglais?

Mme Pfeiffer : Mes collègues du Québec ont donné des statistiques exhaustives et je ne voudrais pas répéter ce qu'elles ont dit. Elles ont raison. J'aimerais mieux répondre à des questions qui seraient plus utiles pour vous.

Le président : Je vais donc poser cette question à la fois en anglais et en français, car j'aimerais que tous les témoins me parlent des avantages et désavantages de la parité par rapport au taux de représentation minimum.

[Français]

Y a-t-il des avantages ou non à la parité par opposition à une masse critique?

Mme Lacoste : Les chances d'accès au succès devraient être égales pour les femmes et les hommes et on ne devrait pas y placer un quota.

Le président : Alors que devrait-il y avoir?

Mme Lacoste : La parité.

Le président : La parité dans toutes les entreprises. Pas plus de femmes que d'hommes ni son contraire, c'est bien cela?

Mme Lacoste : C'est exact.

[Traduction]

Le président : Madame Pfeiffer, avez-vous compris cette observation?

Mme Pfeiffer : Oui, grâce au français que j'ai acquis en 5e secondaire.

Le président : Vos collègues à Montréal veulent la parité dans toutes les entreprises et non pas un taux de représentation minimum, qui suppose que 30 à 40 p. 100 des postes sont occupés soit par des hommes, soit par des femmes.

Mme Pfeiffer : Si nous visons le plus petit dénominateur commun, les choses vont se dégrader. Les résultats ont indiqué que, lorsqu'il y a plus de femmes qui siègent à des conseils et qui occupent des postes dans la haute direction, le taux de succès est plus élevé. Cela ne donne rien de se demander s'il faut 40 ou 40,25 p. 100 de femmes. Bien entendu, je veux la parité avant tout, parce que ça devrait être notre point de départ.

Le président : Je dis tout simplement que si vous préconisez un minimum de 40 p. 100, il pourra arriver que les femmes constituent 60 p. 100. Si vous préconisez la parité, 50-50, la proportion de femmes ne pourra jamais être 60 p. 100. Est-ce que je me trompe?

Mme Pfeiffer : Je préconiserai toujours le plus grand nombre possible. Je pense qu'il faudrait atteindre l'égalité.

Le sénateur Ringuette : Madame Pfeiffer, vous avez dit que vous aviez siégé au conseil d'administration d'une société pétrolière. Est-ce que je me trompe?

Mme Pfeiffer : En fait, j'étais cadre dans des sociétés pétrolières, notamment Shell Canada et Suncor.

Le sénateur Ringuette : Peut-être que je pêche par subjectivité, mais j'ai toujours eu l'impression qu'il existait un certain machisme dans ce secteur en particulier. Comment pensez-vous que le secteur pétrolier accepterait la parité?

Mme Pfeiffer : Je peux vous dire qu'il n'acceptera pas la parité de bon gré. Je pense que votre perception est juste. On a dit que ce secteur était un club d'initiés. Quant à moi, je dirais, pour ce qui est de la composition des conseils d'administration, que dans certains cas la situation est incestueuse. Cela dit, j'ai pu constater toutefois que lorsque plus d'une femme faisait partie du groupe de cadres ou de dirigeants d'une société, cette dernière jouissait d'un taux de succès plus élevé. Je n'ai pas pâti indûment dans les postes que j'ai occupés au sein de ces sociétés.

Le sénateur Ringuette : D'après votre expérience, quand il y avait plus de femmes parmi les cadres, le traitement que la gestion réservait aux employés était plus favorable. C'est bien cela, n'est-ce pas?

Mme Pfeiffer : Oui, c'est cela. J'ajouterais que ce que je trouve inquiétant dans le secteur pétrolier et gazier est que les mêmes personnes siègent en trop grand nombre autour des mêmes tables.

Le sénateur Ringuette : Elles ont tendance à former des chapelles, n'est-ce pas?

Mme Pfeiffer : Oui.

[Français]

Mme Lacoste : Dans nos documents, nous proposons également de limiter le nombre de mandats à quatre mandats simultanés par administrateur ce qui aurait le bénéfice d'augmenter les postes disponibles pour les femmes.

Le sénateur Ringuette : Ma prochaine question s'adresse à Mme Lacoste et Mme Vachon. Dans le projet de loi au Québec, qui a pour objectif cette année la parité dans les sociétés d'État, est-ce que le Réseau des femmes d'affaires du Québec a été consulté pour offrir des candidates pour certaines de ses positions?

Mme Vachon : Oui, dans presque tous les cas. Sauf qu'on peut noter qu'avant de nous consulter, la décision est souvent prise.

Le sénateur Ringuette : Pardon?

Mme Vachon : On est consulté de façon régulière, sauf que je constate que quand on est consultées, la décision est souvent déjà prise.

Le sénateur Ringuette : Vous voulez dire que les noms des candidates compétentes que vous fournissez ne sont pas celles qui sont retenues?

Mme Vachon : Oui. Dans le cas où ils nous le demande, les candidatures sont retenues, mais dans le cas où ils nous consultent pour voir quel organisme ou personne on a à suggérer, c'est souvent décidé d'avance. Quand ils nous appellent, c'est que la décision est prise.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette : Madame Pfeiffer, on me demande de traduire ma question à votre intention. Je demandais aux représentantes du Réseau des femmes d'affaires du Québec si elles avaient été consultées au sujet de la loi provinciale visant la parité au sein des conseils d'administration des sociétés d'État. On m'a répondu que oui, il y avait eu une consultation, mais une fois la décision prise. Encore une autre chapelle.

Mme Pfeiffer : Oui.

Le sénateur Frum : Toujours à propos du fait que les mêmes personnes se retrouvent trop souvent autour de la même table et à propos de la notion de fixer un maximum de quatre mandats, je pense qu'il n'y a pas de disposition dans le projet de loi S-206 qui limite les mandats. Cela soulève un problème intéressant en ce qui concerne le projet de loi. Comme vous l'avez signalé, pour atteindre l'objectif prévu dans le projet de loi, il faut en fait contingenter le nombre de femmes qui siègent aux conseils d'administration.

Vous l'avez très bien dit, actuellement, c'est un groupe de femmes d'élite qui siège aux conseils d'administration. Le projet de loi ne contient aucune disposition empêchant la création d'une petite couche de la société où un groupe de super élites trouverait dans ces dispositions une énorme aubaine car ce sont ces personnes qui continueront d'être pressenties pour siéger aux conseils d'administration. Vous ne faites que privilégier une certaine couche de la société, lui facilitant la tâche pour qu'elle puisse se hisser aux commandes.

Le sénateur Hervieux-Payette : Le conseiller juridique de notre comité m'a incitée à faire figurer dans un autre projet de loi cette disposition concernant le nombre de mandats à un conseil d'administration. Le Sénat est actuellement saisi de cet autre projet de loi. Il a été déposé. Les deux questions doivent être discutées séparément. Les dispositions qui figurent dans un projet de loi sont assujetties à des normes réglementaires. Je n'ai donc pas pu inclure une telle disposition. La rémunération des administrateurs, celle des cadres et le nombre d'années fixé pour un mandat ainsi que le nombre de conseils d'administration où on est autorisé à siéger sont tous des éléments qui figureront dans l'autre projet de loi. Je vous invite à l'étudier.

Le sénateur Frum : En disant cela, vous ne faites que confirmer ma crainte que ce projet de loi ait un effet de ruissellement et donne lieu à toute une gamme d'autres lois d'initiative gouvernementale pour limiter la liberté de l'entreprise privée. Voilà ma question.

Mme Pfeiffer : Il y aura certainement un effet de ruissellement sur d'autres mesures législatives, j'en conviens assurément. Toutefois, si c'est bien la bonne chose à faire, nous ne devrions pas avoir de crainte.

Mme Lacoste : J'abonde dans le sens de ce que Mme Pfeiffer vient de dire.

Le sénateur Frum : Je le répète, tous les témoins que nous avons entendus, y compris le groupe que nous avons entendu tout à l'heure et que malheureusement vous n'avez pas pu entendre, ont laissé entendre qu'une des raisons qui milite en faveur de ce projet de loi est le fait qu'il est favorable aux affaires. Les entreprises ont intérêt à féminiser leur structure et je suis tout à fait d'accord. Je pense que c'est un fait. Toutefois, si on en est convaincu, et si on convient qu'il vaut mieux et qu'il est plus rentable qu'une entreprise ait une représentation plus diversifiée, pourquoi incomberait-il au gouvernement de s'immiscer dans les affaires d'une entreprise et d'en contrôler le succès éventuel? L'un des arguments présentés est qu'il s'agit d'une proposition favorable aux entreprises. Si ces dernières ne peuvent pas en prendre conscience elles-mêmes, c'est bien leur problème, n'est-ce pas?

Mme Pfeiffer : Je vais laisser mes collègues du Québec répondre à cette question. J'ai dit, dans mes observations liminaires, que je craignais l'intrusion du gouvernement dans le secteur privé.

Le sénateur Frum : Cette partie de votre témoignage m'a plu.

Mme Lacoste : Je pense que c'est voir ce projet de loi sous un angle erroné. Quel que soit l'impact, ce projet de loi est une avancée pour les femmes. Quand le gouvernement a accordé le droit de vote aux femmes, on n'a pas eu besoin de lui prouver que cela améliorerait la capacité de gouverner. Nous sommes en présence d'un projet de loi visant à permettre aux femmes de participer à parts égales dans l'économie du Canada.

Le sénateur Hervieux-Payette : Voici ce que je voudrais dire pour la gouverne de ma collègue qui était présente quand j'ai fait mon exposé. Pour comprendre les résultats d'une étude, il faut savoir comment les sociétés cotées en bourse sont financées. Nous savons que plus de 80 p. 100 d'entre elles sont financées grâce à des fonds de pension, auxquels bien entendu les femmes cotisent à parts égales. En fait, un citoyen ordinaire — les hommes eux-mêmes actuellement— ne prise certainement pas la façon dont les choses se passent. En effet, un actionnaire n'a guère plus de voix au chapitre de la gouvernance d'une société étant donné que tous les votes sont cumulés. Et ce, à telle enseigne que 125 p. 100 de votes sont enregistrés au moment de la consultation des actionnaires étant donné que le système ne fonctionne pas adéquatement.

En l'occurrence, même si nous avons une masse critique compétente, les citoyennes canadiennes qui cotisent à ces caisses de retraite ne sont pas représentées. Seuls des hommes administrent ces actifs colossaux et prennent des décisions qui auront des conséquences pour les femmes alors que les actionnaires n'ont pas voix au chapitre.

Je suis d'avis qu'un administrateur représente les actionnaires. En tant que législateurs, il ne faut pas l'oublier. En fait, ce sont les actionnaires qui élisent les administrateurs — et vous le savez très bien, ils reçoivent des procurations — et même si mille femmes votent, c'est tout à fait insignifiant. Les femmes n'ont aucune voix quant à l'avenir d'une société. Par conséquent, il faut compter sur une représentation équitable de la population canadienne, de ceux qui financent ces sociétés. C'est l'objectif du projet de loi.

Je constate le même phénomène dans la gouvernance des syndicats et des caisses de retraite. Nous ne sommes pas représentées même si nous cotisons à ces caisses à parts égales, tout comme les hommes. Je pense qu'il s'agit ici d'une question d'équité.

Quel est le rôle du gouvernement? Le rôle du gouvernement est généralement de redistribuer le pouvoir de façon égale et équitable entre différents groupes. C'est là que cela commence. Il ne s'agit pas d'aller s'immiscer dans des affaires privées. Il n'y a rien de privé quand il s'agit d'une société. Une société, c'est en fait tout le monde, la population, qui contribue en tant qu'actionnaires. Des millions de personnes contribuent et seule une partie de notre population est représentée au conseil d'administration.

Telle était l'intention motivant le projet de loi. Je regrette, mais c'est quelque chose que j'ai proposé. C'est pourquoi j'ai fait campagne en ce but. En tant que femme et que mère de filles, j'estime que nous devrions tous participer à notre société. J'ai vérifié auprès de mes collègues qui, je le sais, peuvent comprendre l'anglais. Il est juste que nous ayons obtenu le droit de vote et qu'on ne nous ait pas demandé si nous étions qualifiés pour voter. Vous savez très bien, en tant que sénateur, qu'il nous a fallu un certain temps avant d'être reconnues comme personnes dans notre pays. Il a fallu un certain temps avant que les femmes puissent siéger au Sénat.

Année après année, il nous faut garder à l'esprit la nécessité d'intervenir pour veiller à ce que la société fonctionne comme il faut.

[Français]

Le président : Je vous remercie de votre intervention sénateur Hervieux-Payette. Je donne le dernier mot au témoin. Mme Pfeiffer ainsi que vos confrères au Québec avez le dernier mot.

[Traduction]

Notre temps est presque écoulé, donc je vous demanderai d'ajouter quelque chose tout de suite si vous avez quelque chose à dire.

Mme Lacoste : Nous avons un même droit au succès, nous avons un même droit au pouvoir économique et un même droit à être entendues. Je suis donc complètement en faveur du projet de loi.

Le président : À vous entendre, on s'en doutait un peu.

Mme Pfeiffer : Selon moi, les femmes de l'Ouest ont exactement la même impression que leurs collègues de l'Est et je félicite madame le sénateur de son éloquence dans son discours et de sa défense de la participation des femmes. Je manquerais à mon devoir en ne soulignant pas que j'appuie pleinement le projet de loi.

Le président : Merci beaucoup. Si cette coopération entre l'Ouest et l'Est s'étendait à d'autres domaines, j'imagine qu'une bonne part de nos problèmes au Canada serait résolue. Mais c'est un débat qui pourra avoir lieu un autre jour.

[Français]

Permettez-moi de remercier nos témoins et de présenter mes excuses pour les difficultés de langue et de traduction et de compréhension habituelles.

[Traduction]

Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que nous nous sommes plutôt bien entendus et j'apprécie beaucoup le temps que vous nous avez toutes les trois consacré, ainsi que la franchise et l'intérêt des points de vue exprimés.

Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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