Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 19 - Témoignages du 3 mars 2011
OTTAWA, le jeudi 3 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières (cartes de crédit et de débit), se réunit aujourd'hui, à 10 h 35, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, bonjour. Je m'appelle Michael Meighen. Je suis un sénateur de l'Ontario et j'ai l'honneur de présider le comité. Je vais maintenant présenter les sénateurs qui sont parmi nous. À ma droite, le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick; à côté de lui, le sénateur Larry Smith, du Québec; ensuite, les sénateurs Vim Kochhar, de l'Ontario, et le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse. À ma gauche, le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Banks, de l'Alberta. D'autres sénateurs se joindront à nous et, si j'en ai l'occasion, je les présenterai, mais normalement, leur nom figure sur la plaque disposée à leur place.
Aujourd'hui, nous reprenons l'étude du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières (cartes de crédit et de débit), qui est parrainé par notre collègue, le sénateur Ringuette.
[Français]
Ce projet de loi modifie la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières afin de confier au surintendant de nouvelles fonctions, à savoir contrôler l'utilisation des cartes de crédit et de débit et formuler des recommandations à ce sujet. Il prévoit la présentation d'un rapport au ministre ainsi qu'une réponse de ce dernier au surintendant.
[Traduction]
Le Comité des banques a entamé son étude publique du projet de loi S-201 le 23 juin dernier. Ce sera aujourd'hui la septième séance consacrée à l'audition de témoins qui exposeront leur opinion sur le projet de loi proposé.
À ceux qui suivent ces délibérations chez eux, sur la chaîne CPAC, je signale que la transcription des séances précédentes et les rapports du comité sont disponibles en ligne. Il suffit de suivre le lien des travaux des comités sur le site web du Parlement du Canada, à l'adresse www.parl.gc.ca.
Avant d'entendre les témoins, je vous demande la permission de donner la parole au sénateur Ringuette, qui voudrait déposer un document avant que nous ne commencions la séance de ce matin. À vous la parole, sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Pour donner suite aux propos de notre témoin de la Ville d'Ottawa, qui a parlé du coût de l'utilisation des cartes de crédit pour les administrations municipales, la semaine suivante, comme membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, où comparaissaient des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, j'ai posé la question suivante : combien les frais de traitement des transactions par carte de crédit coûtent-ils au gouvernement fédéral et à ses sociétés d'État, musées et parcs? Voici la réponse que j'ai reçue hier après-midi :
Le receveur général du Canada a versé 12 956 176 $ afin de couvrir les frais de traitement des transactions par carte de crédit qui ont été engagés en 2009-2010, pour le compte des ministères fédéraux qui acceptent que leurs produits et leurs services soient payés par Visa, MasterCard ou American Express. Ce chiffre exclut toutefois les sociétés d'État, qui acquièrent elles-mêmes leurs propres services de cartes de crédit. En ce qui concerne, Parcs Canada, les frais de traitement des transactions par cartes de crédit ont totalisé 799 370 $.
Je voudrais déposer ce document que j'ai reçu en français et en anglais pour que tous les membres du comité aient cette information.
Le président : Merci, sénateur Ringuette. La greffière fera distribuer le document à tous les membres du comité, et il fera partie du compte rendu de nos audiences.
Chers collègues, je reviens à la présentation des témoins. Nous accueillons aujourd'hui, du département de la monnaie de la Banque du Canada, Charles Spencer, directeur de Savoir institutionnel et relations internationales, et Carlos Arango, chercheur principal. Les témoins sont les auteurs d'un article publié dans la Revue de la Banque du Canada à l'hiver 2008-2009, « Coûts des divers modes de paiement : l'argent comptant est-il le moyen le moins onéreux pour les commerçants? »
Tous les membres du comité auront reçu un exemplaire de cet article.
Messieurs, bienvenue au comité. Je signale la présence, à ma droite, du sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse, qui vient de se joindre à nous, tout comme la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette, du Québec. Et voici qu'arrive maintenant le sénateur Mac Harb, de l'Ontario.
Je crois savoir que vous avez tous les deux une déclaration préliminaire à faire. Ce sera d'abord M. Spencer.
Charles Spencer, directeur, Savoir institutionnel et relations internationales, Département de la monnaie, Banque du Canada : Par souci de modestie et d'exactitude, puis-je me permettre de rectifier un détail de votre présentation? Je n'ai pas l'honneur d'être le coauteur du rapport. Il est signé par M. Arango et Varya Taylor, qui n'est pas ici aujourd'hui. Je travaille dans le même domaine qu'eux, mais je n'ai pas la même compétence qu'eux sur ce point précis. Merci tout de même d'avoir signalé cet article.
Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Comme le président l'a expliqué, je dirige le département de la monnaie à la Banque du Canada. Je suis accompagné de M. Arango, qui est coauteur de l'article de la Revue de la Banque du Canada consacré à notre enquête auprès des commerçants et qui a attiré l'attention de votre comité sur notre travail. Nous sommes ravis de l'intérêt que vous portez aux recherches de la Banque, et nous espérons pouvoir vous fournir une aide supplémentaire dans vos délibérations de ce matin en résumant cet article et en en discutant avec vous.
[Français]
Monsieur le président, si vous le voulez bien, je passerai rapidement en revue le mandat de la banque dans le domaine des billets de banque et je vous expliquerai pourquoi nous effectuons ce type de recherche. M. Arango vous donnera ensuite un bref aperçu dans l'optique de notre institution, de la place de l'argent comptant dans l'économie canadienne par rapport aux autres modes de paiement, qui sont encore principalement les cartes de crédit et de débit. Il résumera certains points saillants de l'enquête auprès des détaillants qui, selon nous, pourrait éclairer vos discussions. Après quoi nous répondrons à vos questions.
Je sais que le comité entend régulièrement le gouverneur et le premier sous-gouverneur de la Banque du Canada au sujet de la politique monétaire et de la macroéconomie. Il n'est donc pas nécessaire que je vous parle du rôle de notre institution à ce chapitre. Cependant la banque est aussi responsable, aux termes de la loi qui la fonde, de l'émission des billets de banque et de tous les arrangements nécessaires à leur distribution d'un bout à l'autre du pays.
Comme nous allons discuter aujourd'hui des paiements de détail, il est probablement utile de rappeler que la production des pièces de monnaie n'est pas du ressort de la banque, mais de la Monnaie royale canadienne.
[Traduction]
Et puisque nous parlons de ce que la Banque ne fait pas, je vous dirai également qu'elle n'est pas chargée de surveiller les systèmes de règlement des paiements de détail. Pour les paiements de gros, c'est-à-dire la plupart des paiements entre les institutions financières, la Banque supervise les systèmes de compensation qui sont officiellement désignés par elle comme étant d'importance systémique. Dans le cadre de la responsabilité à l'égard de la stabilité financière qu'elle exerce aux termes de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, la Banque est en effet habilitée à attribuer cette désignation, avec l'approbation du ministre des Finances. Avant de céder la parole à M. Arango, je voudrais vous expliquer pourquoi nous effectuons le genre de recherches qui ont donné lieu à l'article qu'il a rédigé avec sa collègue Varya Taylor et qui vous a amenés à nous inviter aujourd'hui.
Comme je l'ai déjà dit, la Banque émet des billets de banque et prend les dispositions nécessaires à leur distribution. Pour planifier ces travaux de manière efficace, nous devons comprendre comment les billets sont utilisés et comment cette utilisation est susceptible d'évoluer à l'avenir. Bien que certains s'attendent à ce que l'argent liquide disparaisse, la demande de billets de banque est relativement stable depuis 20 ans. La valeur des billets en circulation a progressé à un rythme plus ou moins semblable à celui de l'économie, et on a à présent quelque 58 milliards de dollars de billets en circulation. Mais comme vous le dira M. Arango, l'utilisation des billets et leur répartition entre les différentes coupures ont changé. Au fil des ans, la Banque a effectué plusieurs enquêtes publiques dans le cadre de ses fonctions relatives aux billets, afin d'étudier l'utilisation des espèces par rapport aux autres modes de paiement. Nous menons ces travaux pour prendre les décisions à long terme qui nous permettent de nous acquitter de notre mandat à l'égard des billets de banque et de répondre aux besoins des consommateurs, des détaillants et de l'économie à ce chapitre. À la faveur de ces recherches, nous élargissons naturellement nos connaissances sur les autres instruments de paiement, ce qui est particulièrement vrai dans le cas de l'enquête menée par M. Arango et Mme Taylor. M. Arango va maintenant vous donner un bref aperçu du rôle de l'argent comptant au Canada et des tendances dans le domaine des paiements de détail, et il vous présentera certaines conclusions de l'enquête, qui pourraient être utiles à vos travaux. Nous vous avons apporté des copies des graphiques dont nous allons parler, et je crois que vous avez déjà reçu des exemplaires de l'article de la Revue de la Banque du Canada, ainsi que d'un article plus technique qui traite de cette étude en détail.
Monsieur le président, j'invite M. Arango à faire son exposé.
Carlos Arango, chercheur principal, Département de la monnaie, Banque du Canada : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître pour vous présenter les résultats de nos recherches sur les perceptions et le coût de l'acceptation par les commerçants des instruments de paiement de détail.
Cette présentation s'inspire surtout de recherches communes que j'ai réalisées avec Varya Taylor sur une enquête que la Banque du Canada a commandée auprès de 500 commerçants en 2006. Je fais la mise en garde habituelle : les opinions exprimées ici sont celles des chercheurs et elles ne doivent pas être attribuées à la Banque du Canada. J'adresse une autre mise en garde au comité : le cadre des paiements de détail a évolué au cours des cinq dernières années et si une enquête analogue était faite aujourd'hui, il est probable que les résultats seraient fort différents.
Les changements notables qui sont survenus ces cinq dernières années sont les suivants : l'implantation des cartes à puce, qui améliorent la sécurité et permettent des modalités comme le paiement par carte sans contact; la possibilité d'introduire les applications de paiement par téléphone mobile au lieu de vente; l'augmentation de l'utilisation des cartes de prestige avec récompenses dont les frais d'acceptation sont plus élevés pour le commerçant; l'implantation d'une nouvelle réglementation pour les secteurs de la carte de débit et de la carte de crédit. Je vais d'abord parler des paiements de détail au Canada.
La diapositive 2 montre que la demande de billets de banque au Canada, comme valeur totale des billets en circulation en pourcentage du PIB, c'est-à-dire le produit intérieur brut, reste plutôt stable depuis 30 ans, à 3 p. 100. Toutefois, un examen plus précis de la répartition entre les différentes coupures ouvre des perspectives différentes. Les coupures les plus élevées, comme les billets de 50 $ et de 100 $, par rapport au PIB, sont représentées par la partie supérieure du graphique.
Ici, nous voyons une progression de 1,4 à 2,5 p. 100 du PIB pendant les trois dernières décennies. Par ailleurs, la demande de plus petites coupures, celles de 5 $, de 10 $ et de 20 $, a diminué, passant de 2 à 1,2 p. 100 du PIB. Ce fléchissement révèle peut-être une diminution de l'utilisation de l'argent liquide pour les paiements de détail, car les petites coupures sont le plus souvent associées au commerce de détail, d'autant plus que les billets de 20 $ sont les billets les plus souvent offerts dans les guichets automatiques.
La diapositive 3 semble confirmer que c'est le cas. La diminution des coupures de faible valeur en circulation coïncide avec la croissance des paiements par carte de débit et de crédit comme pourcentage de la consommation globale : de 1994 à 2009, il est passé de 14 à plus de 50 p. 100.
Malheureusement, à la différence des paiements par carte, il n'y a aucun moyen direct de suivre l'évolution des paiements en liquide. La diapositive 4 utilise comme approximation des dépenses réglées comptant les retraits de numéraire aux guichets automatiques comme pourcentage de la consommation globale au cours des dix dernières années. Le graphique illustre une diminution de ces retraits, qui sont passés de 16 p. 100 de la consommation en 2001 à 12 p. 100 en 2009.
Toutefois, comme la diapositive 5 le montre, l'argent liquide demeure le mode de paiement qui prédomine comme pourcentage du volume des opérations, ainsi qu'en témoignent les résultats préliminaires de notre enquête de 2009 sur les méthodes de paiement dans le public. Cette enquête permet de recueillir de l'information sur les achats au détail, dont le mode de paiement utilisé, consignée pendant trois jours dans un journal des opérations par 3 500 Canadiens adultes. L'argent liquide a été utilisé dans 54 p. 100 des achats consignés dans ces journaux. Une extrapolation approximative indique que cela pourrait correspondre à au moins 6 milliards d'opérations en argent, contre 2,5 milliards pour les cartes de crédit et 3,9 milliards pour les cartes de débit en 2009.
Une caractéristique des paiements de détail qui aide à expliquer une partie de l'évolution du système de paiement de détail est qu'il s'agit d'un double marché. Comme la diapositive 6 le décrit, dans les doubles marchés des paiements de détail, les fournisseurs de services de paiement ont besoin de la participation aussi bien des consommateurs que des commerçants pour créer une demande pour leurs services. L'élément clé de ces marchés, ce sont les gains d'efficacité pour les consommateurs et les commerçants si un tiers coordonne leurs demandes. Parmi les avantages de cette coordination figurent le partage de coûts de mise en place importants et les gains à réaliser tant pour les commerçants que pour les consommateurs s'ils sont plus nombreux à adopter l'instrument de paiement.
Les fournisseurs de services de paiement établissent des frais et les règles du réseau pour influencer l'adhésion des consommateurs et des commerçants à leur réseau. Les consommateurs choisissent les modes de paiement en fonction de la commodité des points de vue de la rapidité, de la tenue de livres, de l'accès aux fonds, du décalage du paiement ainsi que de la sécurité, des frais et des récompenses. Pour leur part, les commerçants doivent tenir compte des préférences du consommateur en matière de paiement et de ce que leurs concurrents voisins acceptent. Les décisions d'acceptation des commerçants dépendent des coûts et des gains d'efficacité qui vont de pair avec l'acceptation d'une méthode de paiement, de la part des coûts qu'il est possible de refiler aux consommateurs dans le prix final des biens et services et de l'impact sur les revenus du commerçant.
Pour mieux comprendre le point de vue des commerçants sur les paiements de détail, la banque a commandé en 2006 une enquête nationale auprès des commerçants sur les modes de paiement qu'ils acceptaient pour les opérations au point de vente. Les objectifs de l'enquête sont énoncés à la diapositive 7.
Il s'agissait de voir comment les commerçants perçoivent les paiements de détail des points de vue des coûts, de la fiabilité et des risques; deuxièmement, d'estimer la part des opérations dévolue à chaque mode de paiement; enfin, d'évaluer les coûts de l'acceptation de différents modes de paiement.
Comme on peut le voir à la diapositive 8, Ipsos Reid, firme de consultants à laquelle l'enquête a été confiée, a tenu plus de 500 entrevues de 20 minutes un peu partout au Canada avec des représentants de haut niveau des commerces qui connaissaient bien les modes de paiement acceptés. L'échantillon a été réparti selon la taille de l'entreprise, définie par ailleurs par le nombre d'employés, la région et le sous-secteur, pour refléter la diversité du secteur du commerce de détail.
Comme la plupart des commerçants au Canada sont de petites entreprises indépendantes, les petits commerçants constituaient environ la moitié de l'échantillon. En outre, les trois quarts des entreprises visées par l'enquête étaient de propriété indépendante et exploitées de façon indépendante.
L'enquête a visé divers sous-secteurs, comme des postes d'essence, des marchés d'alimentation, des restaurants et des marchands généraux, mais non ceux qui n'ont pas d'établissement matériel et qui ne pouvaient, hypothétiquement, accepter les trois modes de paiement : argent liquide, carte de crédit et carte de débit. À signaler que la marge d'erreur est relativement élevée : plus ou moins 4,4 p. 100 et un intervalle de confiance de 95 p. 100.
La diapositive 9 montre que, lorsqu'on leur demande quel mode de paiement ils souhaitent voir leurs clients utiliser le plus souvent, 50 p. 100 des enquêtés disent la carte de débit, tandis que 42 p. 100 préfèrent l'argent liquide et seulement 6 p. 100 la carte de crédit.
Nos recherches ont révélé que les préférences des commerçants sont nettement influencées par les perceptions du risque et des coûts. Plus précisément, la diapositive 10 montre que les commerçants ont l'impression que l'argent liquide est le mode le moins coûteux, suivi par la carte de débit, tandis que la carte de crédit est perçue comme le plus onéreux des trois modes. Par ailleurs, la carte de débit est le mode perçu comme celui qui présente le moins de risques de contrefaçon, de vol ou de fraude.
Malgré ces différences dans les préférences et les perceptions chez les commerçants et parmi les modes de paiement, près de 90 p. 100 des commerçants interrogés acceptent, comme la diapositive 11 l'indique, tous les modes de paiement principaux : argent liquide, carte de débit et carte de crédit. Les petits commerces, considérés comme tels en fonction du nombre d'employés et du chiffre d'affaires, sont les moins portés à accepter les paiements par carte. Chez ceux qui n'acceptent pas la carte de débit, 52 p. 100 disent que les coûts d'installation et de traitement sont les principaux obstacles. Ces résultats confirment que l'acceptation par les commerçants est influencée non seulement par les coûts, mais aussi par les préférences des consommateurs.
Comme la diapositive 12 l'indique, c'est ce que l'enquête révèle. Nous constatons que, parmi les commerçants qui acceptent tous les modes de paiement, en moyenne, les ventes annuelles se répartissent presque également entre argent liquide, carte de débit et carte de crédit. Toutefois, les parts des divers modes varient d'un commerçant à l'autre.
La part des paiements par carte de crédit est plus élevée dans les magasins où la valeur moyenne des opérations est la plus forte, alors que les parts de l'argent liquide et de la carte de débit sont plus importantes dans les magasins où la valeur des achats est plus faible. Nous avons également constaté que les paiements par carte de crédit représentent plus du tiers du chiffre d'affaires pour la moitié des commerçants qui acceptent tous les modes de paiement.
Pour ce qui est coûts, les commerçants doivent habituellement assumer des coûts d'installation et des frais par opération ainsi que des frais mensuels lorsqu'ils acceptent des paiements par carte. La diapositive 13 en rend compte : les commerçants paient environ 40 $ par mois par terminal pour leurs services bancaires et de traitement des paiements, ce qui peut englober les services relatifs à l'argent liquide, le traitement des paiements par carte, la location des terminaux et d'autres services connexes.
Les frais types des opérations, pour les cartes de débit, selon l'enquête, s'élèvent à 12 cents, et ceux de la carte de crédit sont de 2 p. 100. Toutefois, dans l'échantillon, les frais des cartes de crédit varient entre 1,75 et 2,5 p. 100, alors que ceux des cartes de débit fluctuent entre 7 cents et 25 cents.
Comme la diapositive 14 l'explique, nos recherches révèlent que cette variation des frais tient en partie aux caractéristiques du commerçant. Nous avons remarqué que les détaillants dont la valeur des opérations est faible ont les frais de carte de débit les plus bas de l'échantillon. Quant aux cartes de crédit, nous avons observé que les commerçants qui ont un chiffre d'affaires et une valeur moyenne des achats élevés doivent payer des frais nettement plus faibles que ceux des autres commerçants.
Les perceptions des coûts observées dans l'enquête reflètent cette structure de frais. Comme il est dit sur la diapositive 15, bien que, en moyenne, l'argent liquide soit considéré comme le mode de paiement le moins onéreux, nous avons remarqué qu'il était perçu comme plus coûteux que la carte de débit par les commerçants qui ont le chiffre d'affaires et la valeur moyenne des opérations les plus élevés. De façon plus générale, nous avons observé que les cartes de débit et de crédit sont considérées comme moins onéreuses par les commerçants qui ont le chiffre d'affaires annuel le plus élevé.
Cela concorde avec les économies que les grands commerçants réalisent, puisqu'ils peuvent étaler leurs frais sur des volumes d'opérations considérables. Et cela reflète aussi le fait que, comme nous l'avons déjà vu, les grands commerçants ont des frais de carte par opération plus faibles.
Enfin, nous avons appris que les cartes de débit sont perçues comme moins onéreuses que les cartes de crédit lorsque la valeur moyenne des opérations est plus élevée, ce qui s'explique en partie par le fait que les frais des cartes de débit sont un montant fixe par opération, alors que ceux des cartes de crédit sont un pourcentage de la valeur de l'opération.
Jusqu'à maintenant, nous avons parlé de la perception que les commerçants se font des coûts du mode de paiement en argent liquide. Pour examiner de plus près la façon dont l'argent liquide se compare aux cartes de débit et de crédit sur le plan des coûts, nous avons estimé les coûts marginaux associés à chaque mode de paiement. La diapositive 16 illustre les méthodes suivies pour l'opération en liquide type de l'échantillon, d'un montant de 36,50 $.
Pour tous les modes de paiement, il est tenu compte du coût de la main-d'œuvre pendant le temps de paiement. Nous avons utilisé à cette fin les résultats de différentes études sur le temps de paiement réalisées en 2004 et 2005. Elles montrent que les opérations en liquide demandent le moins de temps à la caisse, suivies des paiements par carte de débit avec NIP, puis des paiements par carte de crédit avec signature. Dans le cas des paiements en liquide, nous estimons le temps de travail consacré au rapprochement et à la préparation, par opération, en nous fondant sur les réponses moyennes de 33 détaillants au cours d'entrevues de suivi. Nous tenons compte également de la valeur du temps utilisé pour faire les dépôts à la banque. Nous avons supposé qu'il fallait 20 minutes.
Les frais bancaires comprennent les frais de dépôt d'argent et la commande de pièces de monnaie, selon l'information que la RBC, la Banque Royale du Canada, fournit dans ses brochures publiques. Dans le cas des cartes de débit et de crédit, nous prenons comme valeur repère les frais de transaction types. Les données sur le vol et la contrefaçon reposent sur une enquête sur la criminalité dans le commerce de détail réalisée par Ipsos Reid en 2008 et sur le nombre de billets contrefaits écoulés pendant cette période.
Enfin, le temps de compensation est le coût d'opportunité des fonds pendant le transit, fondé sur les taux d'intérêt à court terme. Pour l'opération type de l'enquête, d'une valeur de 36,50 $, les paiements par carte de débit sont les moins coûteux, à 19 cents, suivis de près par le comptant, à 25 cents, alors que les paiements par carte de crédit coûtent 82 cents, mais ce classement dépend de la valeur de l'opération.
La diapositive 17 illustre les différences de frais par opération entre le paiement en liquide et le paiement par carte de crédit lorsque la valeur de l'opération augmente. Pour le paiement comptant, nous supposons que tous les éléments des frais augmentent avec la valeur de l'opération, exception faite du temps de paiement, du temps de dépôt à la banque et de la commande de pièces de monnaie. Le graphique montre que, lorsque le coût par opération des paiements comptants augmente avec la valeur de l'opération, la courbe recoupe la ligne des frais par opération des paiements par carte de débit à des seuils différents, lorsque les frais des cartes de débit augmentent.
Nous avons observé que le paiement comptant est moins onéreux que le paiement par carte de débit dans les magasins ou la valeur moyenne de l'opération est inférieure à 12 $ si les frais des cartes de débit sont de seulement 7 cents, soit le niveau le plus bas observé dans l'enquête; inférieure à 23 $, si les frais des cartes de débit sont de 12 cents, soit le niveau moyen; et inférieure à 51 $, si les frais des cartes de débit sont de 25 cents, soit le niveau le plus élevé observé dans l'enquête. Quant aux cartes de crédit, si on se fie aux frais observés dans l'enquête, elles sont toujours plus onéreuses que le paiement en liquide ou par carte de débit, selon la valeur de l'opération.
Pour conclure, disons que nos recherches montrent que le double marché des paiements de détail est une caractéristique essentielle si on veut comprendre les compromis que les commerçants doivent faire lorsqu'il s'agit de décider d'accepter les divers modes de paiement. Les commerçants qui ont des activités de vente au détail de faible envergure et une valeur moyenne des opérations peu élevée sont moins portés à accepter les paiements par carte. C'est que les consommateurs ne se servent pas de leurs cartes autant pour les achats de faible valeur et qu'il est relativement plus coûteux d'offrir le paiement par voie électronique lorsque le chiffre d'affaires annuel est peu élevé. Hormis la décision d'accepter ou non les cartes, les commerçants ont peu d'influence sur la part des divers modes de paiement, et ce sont les choix des consommateurs qui déterminent l'utilisation des divers modes au point de vente, ce choix dépendant largement de la valeur de l'opération.
Enfin, nos estimations indiquent que les opérations par carte de débit sont moins onéreuses que le paiement comptant pour un large échantillon de commerçants.
Merci encore de nous avoir invités à présenter les résultats de ces recherches. Nous serons très heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Spencer et monsieur Arango. Votre témoignage est utile. Je crois pouvoir exprimer le sentiment général en disant que l'exposé a été très clair. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Avant de passer à la liste des sénateurs qui veulent intervenir, je rappelle que vous avez dit que ces recherches remontent à 2006. Est-ce exact?
M. Arango : C'est exact.
Le président : La situation est donc probablement différente en 2011. Y a-t-il des recherches dont nous devrions être au courant et qui révéleraient les tendances observées entre 2006 et 2011?
M. Arango : En ce moment, nous faisons des enquêtes auprès des consommateurs et non des commerçants. Malheureusement, nous n'avons aucune enquête récente auprès des commerçants. Du côté des consommateurs, nous avons réalisé une enquête en 2009. Elle a donné des estimations plus exactes de ce qui se passe du côté de l'acceptation des cartes pour les opérations de faible valeur. Lorsqu'ils font des achats de moins de 15 $, les consommateurs croient dans 50 p. 100 des cas que les cartes ne sont pas acceptées dans les magasins où les opérations ou les achats sont de valeur peu élevée.
Nous avons également ajouté une rubrique au Canadian Financial Monitor, une enquête générale d'Ipsos Reid sur les choix de mode de paiement et le comportement par ménage. Malheureusement, nous n'avons entamé cette enquête qu'en 2009, de sorte que nous ne pouvons avoir des chiffres complets, année après année, sur l'évolution de la situation attribuable à l'implantation de nouvelles technologies, comme des opérations sans contact. Par contre, cette enquête nous permettra de suivre de près ce qui se passe actuellement dans le commerce de détail.
Le sénateur Ringuette : J'ai lu votre rapport intégralement et il est très intéressant. Dans votre exposé, à la diapositive 16 sur les frais variables, avez-vous tenu compte des frais d'immobilisation ou avez-vous évité de le faire parce qu'ils peuvent varier ou parce que certains commerçants peuvent louer le matériel au lieu de l'acheter? Tenez- vous compte des frais d'immobilisation de la technologie dans votre calcul des coûts?
M. Arango : Non, dans ce tableau, il n'est fait état que des frais variables par opération de l'acceptation des divers modes de paiement.
Le sénateur Ringuette : Au cours de nos deux dernières séances, nous avons entendu plus particulièrement les témoins du Trésor de la Ville d'Ottawa qui nous ont parlé du coût énorme de la technologie nécessaire pour respecter les exigences en matière de sécurité de Visa et de MasterCard. Cela ferait augmenter les coûts que vous présentez ici, car ce ne sont pas des coûts à absorber dans le cas des paiements en liquide. Mais ils sont inévitables dans le cas des systèmes de paiement par carte de débit et par carte de crédit. Les coûts présentés ici seraient plus élevés si on ajoutait le coût des immobilisations.
M. Arango : C'est juste.
Le sénateur Ringuette : Participez-vous aux recherches de l'actuel groupe de travail sur le système de paiement?
M. Spencer : La banque est représentée aux tables rondes. Nous n'avons pas fait de présentation officielle, mais le groupe de travail nous a consultés et nous avons un collègue qui siège aux tables rondes.
Le sénateur Ringuette : Visa et MasterCard nous ont dit que, à leur avis, leur produit est de l'argent électronique. Acceptez-vous cette définition?
M. Spencer : Je ne suis pas sûr qu'il existe une définition de l'« argent électronique ». Nos recherches et notre responsabilité, au département de la monnaie, concernent l'argent non électronique, c'est-à-dire, actuellement, le papier-monnaie. Bien entendu, c'est la Monnaie royale canadienne qui s'occupe des pièces. Je ne suis pas au courant des définitions normalisées qui existeraient au sujet d'autres formes de monnaie.
Le sénateur Ringuette : Convenez-vous que toute forme de paiement est l'équivalent de la monnaie, c'est-à-dire que l'or ou autre chose est une forme de monnaie?
M. Spencer : On peut définir n'importe quoi comme monnaie. Une opération est au fond un échange de valeurs, et elle peut se faire de différentes manières. L'une d'elles consiste à remettre un billet de banque au comptoir. Je ne suis pas sûr de ce que recouvrirait la notion de « monnaie ». Ce n'est pas une notion que nous utilisons en dehors de ce cadre.
M. Arango : En recherche, nous faisons toujours une distinction entre l'argent et la façon d'y accéder. Lorsque nous réalisons ces études sur les modes de paiement, les recherches portent plutôt sur les moyens d'accéder aux différents types de réserve d'argent. Il peut s'agir d'argent liquide, de dépôts à vue à la banque, et ainsi de suite. La distinction est importante.
Le sénateur Ringuette : Vous avez donné des conseils au groupe de travail. Nous savons tous que l'avenir des paiements électroniques, qu'il s'agisse de ce que j'appelle le plastique fantastique, du téléphone cellulaire ou peut-être même d'une puce à mon poignet, va remplacer le papier-monnaie. Vous devrez passer au nouveau mode de paiement, qui n'utilise pas nécessairement le papier, mais plutôt l'électronique. Vous avez donc de l'argent électronique qui est utilisé sur le marché mondial.
Quand allez-vous faire ce changement?
M. Spencer : Je ne suis pas sûr de comprendre vraiment le changement dont vous parlez. Comme M. Arango l'a expliqué, la monnaie est ce qui incarne la valeur; une opération, c'est le déplacement de cette valeur. Pour nous, au département de la monnaie, la « monnaie », ce sont des billets de banque. L'opération, c'est ce qui se passe au comptoir du détaillant.
Nous sommes tout à fait certains que la façon d'échanger les valeurs évolue. Comme nous l'avons dit lorsque nous avons fait l'enquête, le mode de paiement qui domine au Canada, en dehors de l'argent liquide et des cartes de crédit et de débit, ce sont les paiements sans contact et les paiements par téléphone mobile, par exemple, qui ne sont pas importants du point de vue du volume mais se manifestent aux marges du marché. Tous ces outils facilitent les opérations.
Je ne suis pas sûr que la notion de monnaie s'applique à ces autres opérations, mais le département de la monnaie n'a aucune responsabilité à leur égard. Notre mandat est de gérer les billets de banque et de veiller à comprendre le contexte dans lequel ils sont gérés.
Le sénateur Ringuette : Considéreriez-vous les systèmes de Visa, de MasterCard et d'Interac comme des systèmes de compensation des paiements électroniques?
M. Spencer : Je ne suis pas un expert des systèmes de paiement et de compensation. Chose certaine, nous n'avons fait de notre côté aucune recherche susceptible de jeter un éclairage sur cette question.
Le sénateur Ringuette : La Banque du Canada ne fait donc aucune recherche sur la question.
M. Spencer : Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que le département de la monnaie ne fait pas de recherches de cet ordre. Je ne sais pas quelles sont les recherches qui se font.
La responsabilité directe de la banque à l'égard des systèmes de compensation est limitée à ce que prévoit la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Ce sont des systèmes qui portent sur des valeurs très importantes et qui mettent en contact les institutions financières. Cela n'a rien à voir, sinon à un niveau de regroupement très élevé, avec les opérations au niveau du détail ou dans les réseaux qui sont au service du commerce de détail.
Le sénateur Ringuette : Il y a des opérations de valeur très élevée qui se font quotidiennement au moyen de Visa, de MasterCard et de la carte de débit. Interac s'est conformé volontairement au règlement d'application de la loi sur les paiements, mais Visa et MasterCard ne l'ont pas fait.
M. Spencer : Il y a deux lois différentes qui portent sur les paiements : la Loi sur la compensation et le règlement des paiements et la Loi canadienne sur les paiements, dont la Banque du Canada ne s'occupe pas.
Le sénateur Ringuette : La banque est responsable du système de compensation.
M. Spencer : Elle doit surveiller un système de compensation qui est important sur le plan systémique. Cela se rattache à sa responsabilité à l'égard de la stabilité financière. Cela se rapporte aux questions macroprudentielles qui gravitent autour de la solvabilité des institutions financières. Nous nous occupons des systèmes de compensation entre les institutions financières.
Le sénateur Ringuette : La Reserve Bank of Australia et les banques centrales de la Nouvelle-Zélande, du Royaume- Uni, de la France, de Suède, de l'Argentine et du Venezuela, je crois, sont en train d'étudier les frais des cartes de crédit. La Reserve Bank of Australia a plafonné ces frais par voie législative il y a sept ans. Je suppose que la Banque du Canada communique avec les banques centrales d'autres pays. Avez-vous examiné l'une ou l'autre de ces études?
M. Spencer : Certainement, nous faisons partie de ces réseaux et nous savons ce que les autres banques ont fait. Je ne crois pas qu'il convienne que je fasse quelque observation à ce sujet. La Reserve Bank of Australia a publié des rapports sur ses processus et ils pourraient intéresser le comité, s'il ne les connaît pas déjà.
Le sénateur Ringuette : Le comité aura une conférence téléphonique avec elles au cours des deux prochaines semaines.
J'en reviens à la diapositive 16, monsieur Arango. Du côté du consommateur, vous dites que le système de carte de débit est le moins onéreux pour le commerçant, à 19 cents par opération. Un paiement comptant de 36 $ entraîne des frais de 25 cents, tandis qu'une opération avec carte de crédit coûte 82 cents. Depuis 2006, année de l'enquête, je ne crois pas que les frais liés aux opérations en liquide aient augmenté. D'après mes derniers échanges avec les représentants d'Interac, les frais de traitement pour les cartes de débit s'élèvent à 12 cents par opération. Du côté des commerçants, les frais de traitement pour les cartes de crédit ont beaucoup augmenté depuis 2006, puisqu'ils ont presque doublé.
Pour un achat de 36 $, combien cette augmentation représente-t-elle? Les frais ne sont plus de 82 cents par transaction. Les frais de traitement, qui étaient autrefois de 0,76 p. 100 sont maintenant d'au moins 2,5 p. 100.
M. Arango : Deux points, dans cette question. Ces calculs se font par opération. D'abord, vous parlez du coût de l'acceptation des cartes de crédit. Cela serait fondé sur le nombre total, et plus les consommateurs utilisent les cartes de crédit, plus le total des frais des cartes de crédit augmente avec le temps, mais pas nécessairement les frais de transaction qu'entraîne l'acceptation des frais des cartes de crédit.
Deuxièmement, nous avons vu récemment des frais d'escompte différents pour divers types d'opération. Il faudrait alors non un seul tableau, mais un grand nombre de tableaux, selon les divers segments du marché, ce qui modifierait les résultats. Je suis d'accord là-dessus.
Le sénateur Ringuette : Il y aura une hausse majeure. Prévoyez-vous réaliser une deuxième enquête qui nous livrerait des données à jour sur les coûts réels?
M. Arango : Du côté des commerçants, nous ne prévoyons pas d'enquête dans un avenir rapproché. Actuellement, nous travaillons à l'enquête de 2009 et faisons des recherches sur l'utilisation des différents modes de paiement. Les résultats serviront à l'élaboration de nos projections sur la demande de numéraire lorsque nous sortirons la nouvelle série de billets de banque.
M. Spencer : N'oubliez pas non plus, sénateur, que notre programme de recherche est axé sur l'argent liquide. Comme vous venez de le dire, il est peu probable que l'idée que les commerçants se font de l'argent liquide ait beaucoup évolué entre-temps. Nous nous intéressons plutôt aux endroits où l'utilisation de l'argent liquide a probablement évolué, ce qui veut dire surtout du côté des consommateurs.
Le sénateur Banks : Je veux être sûr de bien comprendre. Les proportions indiquées dans les diapositives 5 et 12 sont différentes. Je comprends qu'on utilise des dollars dans la diapositive 12, alors qu'il est question de « volume » dans la diapositive 5. Je présume qu'on entend par « volume » le nombre d'opérations sans égard à leur valeur.
M. Arango : C'est exact.
Le sénateur Banks : C'est ce qui explique que les proportions soient différentes.
M. Arango : Effectivement.
Le sénateur Banks : Vous dites avoir laissé de côté les opérations en ligne.
M. Arango : C'est un fait.
Le sénateur Banks : Je comprends pourquoi. Vous vous occupez de la monnaie, et il ne s'agit pas là de monnaie ainsi que vous l'avez décrite.
Avez-vous une idée de l'importance de cette partie du marché? Je ne sais pas trop ce que je veux dire par « marché », mais quelle est l'importance des achats en ligne? Je présume qu'ils sont en progression. J'ignore si vous avez examiné la question, mais je présume que les frais sont à peu près les mêmes, que les cartes de crédit servent à des achats en ligne ou dans un point de vente. Est-ce exact? Savons-nous à quoi nous en tenir?
M. Arango : Je crois que nous sommes au courant d'enquêtes qui auraient été faites à cet égard. Statistique Canada publie certaines de ces enquêtes sur l'activité sur Internet et l'accès à Internet.
Il y a aussi une autre enquête que nous pourrions communiquer au comité et qui mesure l'activité en ligne et l'utilisation des divers modes de paiement. Nos propres recherches ne permettent pas de se faire la moindre idée de la croissance ou de l'évolution des achats en ligne.
Le sénateur Banks : Quand vous avez examiné l'enquête auprès des commerçants et sur leurs frais — si j'exploitais une carte de crédit, je ferais sans doute la même chose — mis à part le fait que la chose est possible et mis à part la rentabilité, avez-vous remarqué une justification des frais de fonctionnement qui explique la différence entre les frais uniformes exigés pour les opérations avec carte de débit et les frais au pourcentage des opérations avec carte de crédit?
J'agirais de la même façon, si j'étais le propriétaire de Visa et pouvais m'en tirer, mais y a-t-il un facteur de coût qui justifie l'imposition de frais au pourcentage?
M. Arango : Il y a des études qui décomposent les frais d'interchange et les frais d'escompte. Nous pouvons les communiquer au comité. En fait, elles décomposent les éléments qui se trouvent dans les frais d'interchange et les autres éléments qui sont englobés dans l'escompte total imposé au commerçant.
Je peux dire de ces études qu'elles présument qu'une partie des frais sert à financer l'autre partie du marché, c'est-à- dire les programmes de récompenses, et une autre partie les risques liés à l'utilisation de la carte de crédit.
Le sénateur Banks : Et le coût de l'argent, car il arrive que les opérations portent sur de plus gros montants.
M. Arango : Exact.
Le sénateur Banks : Comme nous l'avons appris hier, c'est le coût de l'argent.
M. Spencer : On vous a fait une réponse intéressante à cette question hier : les services offerts par les deux cartes au consommateur et au commerçant sont différents. Par conséquent, on peut présumer que les facteurs, les valeurs et les coûts sont différents. Ces gens-là sont les mieux placés pour vous expliquer pourquoi les modèles d'affaires des deux modèles de services de paiement sont différents.
Le sénateur Banks : Et ils l'ont fait.
Monsieur Arango, est-il raisonnable de déduire que, plus le coût de l'article ou du service acheté est important, moins il est probable que le consommateur paiera en argent liquide, simplement parce que, s'il achète un billet d'avion à 3 000 $ ou même à 700 $, il n'a probablement pas cet argent dans ses poches. Est-ce que c'est aussi simple que cela?
M. Arango : Il y a bien des raisons qui poussent les consommateurs à opter pour la carte de crédit plutôt que l'argent liquide lorsqu'il s'agit d'un gros achat. Dans notre enquête de 2009, nous dissocions les différentes caractéristiques des divers modes de paiement pour les consommateurs afin d'estimer et de définir les avantages complémentaires des différentes caractéristiques.
Nous poursuivons ces recherches. Dès que nous aurons les résultats finals et qu'ils seront rendus publics, nous les communiquerons au comité.
Le sénateur Banks : Je n'obtiens aucun point, lorsque je paie en argent comptant.
Le sénateur Kochhar : Je regarde votre diapositive 16, monsieur Arango. Il y a trois modes de paiement : argent comptant, débit et crédit. Le paiement en argent comptant coûte plus cher au commerçant que la carte de débit, mais la plupart des commerçants n'ont pas l'impression, lorsqu'ils se font payer en liquide, que cela leur coûte de l'argent. C'est une simple impression.
Le débit, le mot le dit, consiste à payer avec sa carte, et le montant est immédiatement débité au compte bancaire et l'argent est versé. Cela plaît au commerçant, même si cela leur coûte quelque chose pour obtenir cet argent instantanément. Les consommateurs utilisent la carte de crédit parce que, à moins qu'ils n'acquittent le solde dans les 25 ou 30 jours, ils peuvent augmenter ainsi leur capacité de financer n'importe quoi.
À l'ère de l'électronique qui est la nôtre, avez-vous jamais pensé à émettre des cartes de monnaie? Vous émettriez une carte qui contient 100 $ ou 500 $ et le consommateur pourrait utiliser cette carte comme de l'argent liquide? C'est plus facile à porter, il y a bien moins de risques de la perdre, s'il s'y trouve un code ou un NIP, lorsqu'on fait un paiement. Pensez-vous que les banques pourraient envisager cette formule un jour?
M. Spencer : Question intéressante. C'est une grande proposition de politique d'intérêt public et il s'agit de savoir quand un billet de banque n'est pas un billet de banque. C'est un bout de papier qui dit 50 $. Si, à la place, nous émettions une carte du même montant, est-ce que ce serait encore un billet de banque?
Tout ce que je peux dire, c'est que nous n'en sommes pas encore là. Nous prévoyons commencer à émettre une nouvelle série de billets de banque cette année. Il s'agira toujours de billets de banque, sans aucun élément électronique.
Le sénateur Oliver : Y a-t-il des coupures différentes?
M. Spencer : Non. Je ne peux pas encore vous en dire beaucoup sur la nouvelle série. Nous fournirons beaucoup plus d'information, mais la structure des coupures restera la même.
Le sénateur Kochhar : Est-il possible que, d'ici 30 ou 40 ans, nous facilitions les choses?
M. Spencer : Les responsables des banques centrales apprennent à ne pas répondre aux questions hypothétiques, surtout celles qui portent sur une période de 30 ou 40 ans.
Le président : Les hommes et les femmes politiques n'ont pas ces contraintes.
Le sénateur Ringuette : L'argent électronique existe déjà.
Le sénateur L. Smith : Je lis les rapports. Quand vous avez entrepris cette étude et celle que vous faites maintenant sur les consommateurs, quel était votre objectif? Que vouliez-vous en retirer?
Nous avons quelques enseignements qui en ont été tirés, mais en ce qui concerne la raison d'être de ces études, qu'espériez-vous obtenir?
M. Arango : Nous cherchions surtout à comprendre la demande de numéraire, l'utilisation qui se ferait de la monnaie à l'avenir. Nous sommes au beau milieu des innovations dans les paiements de détail. La situation évolue. Il est important pour nous de comprendre les deux volets du marché. Il est important de comprendre les raisons pour lesquelles les commerçants acceptent des modes de paiement différents qui pourraient se substituer à l'argent liquide si nous voulons vraiment saisir ce qu'il adviendra de la demande de monnaie dans nos plans annuels et à long terme d'émissions de monnaie à la banque.
Le sénateur L. Smith : Du côté des consommateurs, vous avez amorcé une étude en 2009? Est-ce que c'est la suite de la même démarche?
M. Arango : C'est la suite, mais de l'autre côté, puisqu'il s'agit de comprendre comment les consommateurs peuvent être portés à modifier leurs décisions : comment des frais différents, comment la structure des frais des cartes de débit peuvent importer aux consommateurs, car nous constatons que les cartes de débit sont un substitut proche de l'argent liquide, surtout pour les achats de faible valeur.
M. Spencer : M. Arango a donné une bonne explication. C'est au fond une question de billets de banque. Nous devons prendre les bonnes décisions. Notre raison d'être fondamentale est de fournir des billets de banque. Il est dit dans notre mandat et notre rapport annuel que les Canadiens doivent pouvoir utiliser les billets avec confiance et en obtenir quand ils en ont besoin. Nous devons veiller à ce qu'il y ait un bon approvisionnement en billets de banque dont les Canadiens peuvent se servir. Pour cela, nous devons prendre des décisions qui portent sur le long terme. Par exemple, nous n'émettons qu'à tous les huit ans une nouvelle série de billets de banque. Nous travaillons à la série actuelle depuis cinq ans. Nous avons dû décider de l'aspect des billets et de la structure des coupures. Nous exploitons aussi des systèmes de traitement de l'argent liquide à la banque centrale, des systèmes qui ont une durée de vie d'au plus 20 ans. Il est important pour nous d'avoir une bonne idée de ce que sera le contexte de la monnaie pendant les huit prochaines années ou même d'ici 20 ans pour être en mesure de répondre à la demande et de le faire de façon efficace.
Le sénateur Oliver : Je voudrais en venir à la raison principale de votre comparution devant le comité, c'est-à-dire un projet de loi actuellement à l'étude. Il s'agit du projet de loi S-201 et il s'intitule Loi modifiant la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières (cartes de crédit et de débit).
Je voudrais savoir si la banque, c'est-à-dire vous, pense que le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, a un rôle à jouer dans la réglementation des cartes de débit et de crédit.
M. Spencer : La réponse brève, c'est non. La banque participe avec le ministère des Finances et le BSIF ainsi que la SADC, c'est-à-dire la Société d'assurance-dépôts du Canada, et l'ACFC, c'est-à-dire l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, aux décisions sur la réglementation en matière financière, si on veut, sur le contexte financier et l'intervention de l'État dans ce contexte. Toutefois, le mandat de la banque ne touche que deux questions. L'une est la stabilité financière, que j'ai déjà décrite, soit les systèmes de paiement et de compensation, et l'autre est l'approvisionnement en billets de banque. En dehors de cela, il appartient au BSIF, au ministère des Finances et à d'autres organismes de décider des meilleurs moyens de gérer une question comme celle-ci.
Le sénateur Oliver : Fondamentalement, vous ne croyez pas que le BSIF a un nouveau rôle à jouer relativement aux cartes de débit et de crédit?
M. Spencer : Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que la banque n'avait pas d'opinion à exprimer sur la question.
Le sénateur Ringuette : Bien essayé.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous parliez tantôt de fraude ou de vol en ce qui concerne l'argent comptant. Auparavant, les cartes de crédit n'avaient pas de numéro d'identification personnel, un NIP, qui limite les risques de fraude, de contrefaçon et de vol d'identité. Avez-vous évalué ce fait au niveau sécuritaire lors de vos études?
Votre étude a été faite en 2006, et le NIP n'était pas encore très répandu à ce moment-là. Nos banques ont implanté ce système très tard, si on compare avec l'Europe, par exemple. Il me semble que cet aspect n'est pas présent lors de vos études et cela m'étonne. Le nombre de vols de cartes de crédit était considérable avant l'avènement de ce fameux NIP. N'aviez-vous pas envie d'analyser l'impact de ce nouvel outil de sécurité?
[Traduction]
M. Arango : Notre façon de faire ce calcul, c'est de tenir compte de la rétrofacturation. Dans le cas des cartes de débit, notre hypothèse, c'est que la responsabilité ne se trouve pas du côté du commerçant, s'il y a fraude, à moins qu'il n'y ait une mauvaise gestion de l'information sur les cartes de débit dans ses locaux.
En ce qui concerne les cartes de crédit, la majeure partie de ce que nous considérons comme de la fraude, ce sont toutes les pertes subies par les détaillants lorsqu'il y a rétrofacturation et qu'ils doivent assumer le coût d'une opération contestée par le consommateur.
[Français]
M. Spencer : Vous avez parfaitement raison, comme nous l'avons dit tantôt, plusieurs choses ont changé depuis 2006 et l'introduction du NIP en est un exemple. D'ailleurs, je crois que l'un des témoins représentant l'industrie des cartes de crédit a mentionné le « liability shift » comme modifiant la donne, pour les cartes de crédit surtout. Cependant, le risque pour le marchand existe avec tous les moyens de paiement. Dans certains cas, c'est très maigre, mais malgré tout, il y a un risque de contrefaçon et c'est notre devoir de minimiser ce risque. Il y a les risques de vol physique ou de perte et il y a aussi les risques de fraude dans les autres domaines. Effectivement, avec les développements techniques dans l'industrie des cartes, la situation a sensiblement changé, selon ma perspective personnelle, depuis 2006.
Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai l'impression que les voleurs se sont modernisés. Auparavant, ils fabriquaient plus de monnaies dans leur sous-sol tandis qu'aujourd'hui, il s'agit de monnaies électroniques comme les cartes de crédit. C'est la nouvelle tendance.
Le taux de base est constant depuis un certain temps et les taux d'intérêt sont assez bas. Je me souviens d'un temps où le taux de base était de 10 p. 100 et celui des cartes de crédit de 19,5 p. 100, alors que maintenant, le taux de base est de 2 p. 100 et celui des cartes de crédit toujours aussi haut que 19,5 à 29,5 p. 100.
Quand on parle de milliards de dollars de transactions, c'est de l'argent qui n'est pas productif, c'est-à-dire qu'il ne sera pas réinvesti ailleurs. Il se retrouve entre les mains de ceux qui ont collecté cet argent. Évidemment, s'il nous en reste plus, on va acheter plus. On ne parle pas de petits montants ici, on parle de très gros montants. C'est là où l'on verra votre prochaine étude qui ne nous donnera pas la colonne au point de vue du crédit en termes de coût. Ma collègue nous dit que c'est de l'ordre de 36,50 $. J'ai acheté une voiture avec ma carte de crédit et je peux vous dire que mon concessionnaire n'était pas tellement heureux. J'ai profité des points sachant que je les paye, mais je ne crois pas que ce genre d'opération serait acceptable partout.
C'est difficile de comprendre l'évolution entre le taux de base et ce que les cartes de crédit nous demandent, surtout avec un NIP qui réduit les fraudes. Sous l'ancien régime, en 2006, les fraudes étaient plus fréquentes et les contrefaçons plus aisément réalisables.
Cela dit, j'aimerais connaître la raison pour laquelle les taux d'intérêt appliqués sont si élevés encore aujourd'hui. Comment un grand magasin comme La Baie, par exemple, peut justifier sa dernière hausse de 28,5 à 29,5 p. 100? La situation de l'économie canadienne est-elle à la base de ces décisions? Comment la Banque du Canada explique-t-elle cette augmentation? Les gens utilisent de plus en plus de cartes, ils trouvent raisonnable de payer un coût pour la carte de débit, mais on se pose des questions au sujet des coûts pour les cartes de crédit. Vous avez fait des études sur l'endettement des contribuables. Nous savons tous que si nous avons un solde de 500 $ sur notre carte de crédit et qu'on doit y appliquer un taux d'intérêt de 19,5 p. 100, si on ne peut payer à la fin de chaque mois, ça va coûter cher.
Avez-vous fait des études qui expliqueraient cet écart? D'où viennent ces coûts additionnels?
M. Spencer : En réponse à votre dernière question, non, on n'avait pas fait d'études. Je reviens à une réponse que j'ai donnée à un de vos collègues. Les taux d'intérêt sur les cartes de crédit, comme les frais, sont déterminés par les fournisseurs de ces cartes. Je vous conseille de leur demander la constitution de leurs coûts. En ce qui concerne l'écart entre ces taux et le taux de base établi par la Banque du Canada, vous entrez dans le domaine de la politique monétaire. Je dois souligner que je ne suis pas membre du conseil des gouverneurs, donc je ne fais pas partie du groupe qui prend ces décisions.
Cela dit, les taux établis par la banque sont axés vers notre objectif primordial de contrôler et d'assurer un taux stable d'inflation. Il y a certainement une relation entre ce taux de base et les autres taux d'intérêt dans l'économie, mais il y a aussi plusieurs autres facteurs qui entrent dans la détermination de ces écarts. Fondamentalement, ce sont les gens qui établissent ces divers écarts qui doivent expliquer comment ils arrivent à leurs décisions.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais accepter votre suggestion et je poserai la question à d'autres. Nous-mêmes, nous ne sommes pas en mesure d'expliquer à nos concitoyens pourquoi cet écart s'est agrandi de façon aussi importante.
[Traduction]
Le président : Le dernier nom que j'ai sur la liste pour le premier tour est celui du sénateur Gerstein.
Le sénateur Gerstein : Merci aux témoins. Monsieur Spencer, je voudrais en revenir à la question de mon collègue, le sénateur Oliver, qui était excellente, selon moi. Je présume que la banque étudie tout projet de loi émanant de l'autre endroit ou du Sénat lorsqu'il s'agit de questions de finances, ce qui est le cas ici, d'une façon ou d'une autre.
Monsieur Spencer, sans exprimer d'opinion au nom de la banque ni même d'opinion personnelle, du reste, lorsque vous avez lu le projet de loi S-201, qu'est-ce qui vous est venu à l'esprit? Vous êtes-vous dit : « Cela n'a rien à voir avec nous et je me demande pourquoi nous comparaissons »? Y a-t-il dans cette mesure quelque chose qui est apparu sur votre écran radar? Je ne cherche pas à connaître votre opinion, mais à savoir si quelque chose a retenu votre attention et quoi.
M. Spencer : Laissons de côté les questions d'esthétique. Ce qui a attiré notre attention, ce n'est pas le projet de loi, mais la demande qui nous a été faite de comparaître devant le comité. Les recherches de M. Arango et de Varya Taylor avaient attiré l'attention des membres du comité, et ils ont pensé que nous pourrions apporter un certain éclairage dans ce domaine et notamment sur les perceptions des commerçants. Nous avons fait un certain nombre d'études sur l'utilisation de la monnaie, mais c'est au point de vue des commerçants que nous avons pensé.
Pour ma part, le projet de loi S-201 n'est pas apparu sur mon écran radar jusqu'à ce que le comité s'intéresse à nos travaux et que nous recevions une invitation.
Le sénateur Gerstein : Merci. Voilà qui est très utile.
Le président : Au deuxième tour, c'est le nom du sénateur Ringuette qui est le premier.
Le sénateur Ringuette : Je vais aborder la question sous un angle différent et vous demander pourquoi la Reserve Bank des États-Unis a fait une étude et envisagé de plafonner les frais des cartes de débit Visa et MasterCard aux États- Unis. Pourquoi la Reserve Bank, qui est votre pendant en Australie, a-t-elle fait une étude des frais des cartes de crédit, il y a sept ans et a-t-elle plafonné ces frais par voie législative à un « taux raisonnable »? Pourquoi la Banque du Canada n'a-t-elle pas encore examiné les mêmes questions que les institutions comparables en Nouvelle-Zélande et aux États- Unis?
M. Spencer : La question est double. Toute explication que je pourrais donner des raisons qui ont poussé la Fed et la RBA, soit la Reserve Bank of Australia, à agir comme elles l'ont fait serait du ouï-dire. Il serait nettement préférable de le leur demander directement, comme vous prévoyez déjà le faire, et de leur demander de préciser pourquoi ils ont donné de l'information à ce sujet. Il serait plus juste de me demander pourquoi nous n'avons pas fait la même chose. Ce que je peux répondre, c'est que les responsabilités des banques centrales ne sont pas structurées de la même façon dans tous les pays. Je ne suis pas un expert de la question, mais je crois savoir que la Federal Reserve Board et la RBA ont des responsabilités de surveillance et de réglementation plus étendues que celles de la Banque du Canada. Dans le régime canadien, ces responsabilités sont divisées entre la Banque du Canada, la SADC, le BSIF, l'ACFC, et c'est le ministère des Finances qui surveille tout.
Dans le contexte canadien, étant donné que la banque ne s'occupe pas du secteur du détail si ce n'est pour fournir les billets de banque, ce n'est pas l'institution à laquelle il faut adresser cette question.
Le sénateur Ringuette : Sauf si, comme aux États-Unis et en Australie, le gouvernement vous accorde un mandat en ce sens?
M. Spencer : Si le ministre est intéressé, nous serons tout à fait à l'écoute, bien sûr.
Le sénateur Banks : J'ai une brève question complémentaire à poser. Les taux d'intérêt contribuent-ils à l'établissement des taux d'inflation?
M. Spencer : Absolument.
Le sénateur Banks : Vous avez dit que vous étiez, fort justement, préoccupés par les taux d'inflation.
M. Spencer : Oui, nous le sommes. Vous entrez maintenant dans le domaine technique du calcul de l'inflation. Comme je ne suis pas économiste, je n'ai pas compétence pour répondre. Je demande donc à m'abstenir.
Le président : Comme notre distingué collègue de la Bibliothèque du Parlement l'a signalé ce matin, bien que la banque puisse probablement contrôler l'inflation, il est difficile de voir comment elle pourrait la produire. Le gouvernement pourrait peut-être le faire en faisant marcher la planche à billets, mais je ne suis pas sûr que la banque le puisse. Ce pourrait être une question à discuter avec le gouverneur lorsqu'il comparaîtra, en avril. Nous avons toujours hâte de le rencontrer.
Le sénateur Harb : Avant toute chose, merci beaucoup. Vous avez rendu au comité un excellent service en lui procurant cette information. Elle nous aide beaucoup à comprendre où va l'argent, ce qu'il advient des opérations, ce qui plaît ou déplaît aux commerçants et quels sont les coûts.
J'ai été intéressé par la page 20, portant sur le coût d'acceptation des modes de paiement par les commerçants. Vous avez pris un montant de 36,50 $ et vous avez fait des analyses étonnamment brillantes des coûts réels pour le commerçant. Vous avez conclu que la carte de crédit est le mode le plus onéreux et que le moins coûteux, c'est la carte de débit. Ce qui m'a intrigué, c'est le temps de compensation. De quoi s'agit-il? Que veulent dire également les coûts de la commande de monnaie et les frais de dépôt d'argent?
Je crois que nous avons une idée de ce que sont les frais de dépôt d'argent, mais les commerçants doivent-ils payer pour commander de la monnaie?
M. Arango : Ils doivent payer ce service. Cela dépend de l'entente que les commerçants peuvent avoir avec leur institution financière. Certains peuvent avoir un forfait qui couvre tous les services, mais il y a aussi des frais par commande à payer à l'institution financière ou à d'autres entités qui traitent l'argent liquide.
Le sénateur Harb : Qu'est-ce que le temps de compensation?
M. Arango : Nous calculons la période que met le commerçant à déposer à la banque le produit de ses ventes. Il peut faire le dépôt le même jour ou le lendemain. Des commerçants attendent trois ou quatre jours ou encore toute une semaine. À partir de la fréquence moyenne des dépôts, nous calculons le montant qu'ils conservent en moyenne et nous attribuons un coût en intérêts à ce montant.
Le sénateur Harb : Vous payez pour imprimer des billets, et les banques, je présume, vous apportent les vieux billets et vous leur en donnez de nouveaux en échange. Leur facturez-vous ce service ou est-ce gratuit?
M. Spencer : C'est avant tout un service public. Il y a certains frais, de façon à les inciter à agir efficacement. Par exemple, nous avons intérêt à veiller à ce que les billets en circulation soient en bon état. Lorsque les banques nous apportent de vieux billets usés, ce qu'elles sont censées faire, nous leur en remettons des neufs avec plaisir. C'est hypothétique, car elles font très bien ce travail, mais si elles apportent des billets simplement parce qu'elles ne veulent pas les détenir, alors nous leur faisons payer au moins le transport et le traitement et il y a certains frais à cet égard.
Généralement, nous fournissons des billets de banque pour répondre à la demande et nous assumons les coûts de la production et de leur livraison dans les banques.
Le sénateur Harb : Je crois que le Canada est l'un des pays où on utilise le plus la carte de débit. Est-ce exact?
En un sens, la banque et le comité ont tout intérêt à favoriser les paiements par carte de débit, car vous économisez de l'argent en évitant d'imprimer des billets, n'est-ce pas? Au fond, chaque fois que vous imprimez de la monnaie, vous devez payer. C'est un coût pour vous.
M. Spencer : C'est un peu plus compliqué. Nous faisons aussi beaucoup d'argent grâce au seigneurage. En ce moment, l'impression d'un billet nous coûte environ 9 cents, et le billet de 20 $ qui se trouve dans votre poche est un prêt de 20 $ sans intérêt que vous nous faites. Nous avons payé 9 cents pour vous donner le billet, et nous investissons ces 20 $. Si vous étudiez l'état des revenus de la banque, vous constaterez que les revenus des titres dans lesquels nous investissons le produit de la vente ou du prêt des billets sont la source la plus importante de revenu de la banque et que ce revenu est bien supérieur à ses frais de fonctionnement. Le solde est versé au receveur général.
Le sénateur Harb : En somme, les commerçants gagnent plus lorsqu'on paie par carte de débit et vous gagnez plus si on paie en liquide. Si les gens paient davantage en argent liquide, vous faites plus d'argent?
M. Spencer : C'est exact, mais nous ne nous considérons pas comme des concurrents dans ce domaine. Nous fournissons un service de billets de banque et nous satisfaisons la demande. Nous estimons que notre rôle consiste à promouvoir le bon usage des billets de banque, la prévention de la fraude et le fonctionnement efficace d'un système de monnaie, mais la mesure de notre réussite ne dépend pas du nombre de billets en circulation. C'est une fonction des exigences de l'économie et nous nous contentons de répondre à la demande le plus efficacement possible.
Le sénateur Harb : J'aime beaucoup ce rapport et il me semble absolument fabuleux. J'espère que vous le ferez davantage connaître pour que le public voie quels sont les coûts. Vous rendez un excellent service aussi bien aux commerçants qu'à l'ensemble des Canadiens. Merci.
M. Spencer : Le rapport est sur notre site web.
Le président : Le comité pourrait peut-être se rendre utile à cet égard, sénateur Harb, en faisant connaître le rapport.
Je crois pouvoir dire au nom de tous que nous estimons avoir eu beaucoup de chance de recevoir votre témoignage aujourd'hui, monsieur Spencer et monsieur Arango, et le Canada a de la chance d'avoir des gens tels que vous à la banque centrale. Merci d'avoir répondu à des questions très difficiles et à des points de vue nombreux. Vous vous en tirez avec les honneurs, et nous vous en savons gré.
Chers collègues, la séance est levée.
(La séance est levée.)