Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 4 - Témoignages du 3 mai 2010
OTTAWA, le lundi 3 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 16 heures pour étudier les politiques de sécurité nationale et de défense du Canada (sujets : le rôle des Forces canadiennes en Afghanistan et au sein de l'OTAN actuellement et après 2011; et le rôle du Canada dans NORAD); et faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à la présente séance des travaux du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous accueillons trois témoins aujourd'hui. Notre dernier témoin de la soirée sera le général Victor Renuart, commandant du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, et de l'United States Northern Command, basé au Colorado.
Nous allons entendre aussi le colonel Gregory Burt, directeur, Analyse de la sécurité future, à la Défense nationale. Il est revenu récemment d'un séjour en Afghanistan, où, de février à novembre 2009, il a exercé les fonctions de commandant de l'Équipe de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) dans la province de Kandahar, qui sera au centre de notre discussion.
Nous allons commencer aujourd'hui par un premier témoin, qui communiquera avec nous par vidéoconférence de Kandahar, en Afghanistan, soit le brigadier-général à la retraite Serge Labbé, qui s'y trouve actuellement à titre d'adjoint au haut représentant civil de l'OTAN à Kaboul, en Afghanistan. Avant cela, le général Labbé a été chef d'état-major adjoint des Forces canadiennes auprès du général Rick Hillier lorsque ce dernier commandait aux soldats de la Force internationale d'assistance à la sécurité, ou FIAS, à Kaboul, en Afghanistan. Il a effectué son dernier séjour à titre de commandant de l'Équipe consultative stratégique — Afghanistan, l'ECS, dont nous avons beaucoup entendu parler dans nos témoignages jusqu'à maintenant.
Bienvenue, général Labbé. Nous vous savons gré d'être là à cette heure indécente. Nous disposons de 45 minutes environ pour vous écouter aujourd'hui.
Avez-vous une déclaration liminaire à présenter?
Brigadier-général (à la retraite) Serge Labbé, haut représentant civil adjoint de l'OTAN en Afghanistan, quartier général de la FIAS à Kaboul, en Afghanistan, à titre personnel : Non. J'aimerais mieux passer directement aux questions si cela vous convient, madame la présidente.
La présidente : Pour le compte rendu, pouvez-vous expliquer en quoi consiste votre travail?
Bgén Labbé : La création de la fonction de haut représentant civil en Afghanistan remonte à 2004. Le premier haut représentant civil a été le ministre Hikmet Cetin, de la Turquie, qui est arrivé à Kaboul au moment où le général Rick Hillier s'y est installé à titre de commandant de la FIAS. Délégué du secrétaire général de l'OTAN et des ambassadeurs de l'OTAN sur le terrain, le haut représentant civil fait office d'intermédiaire entre le théâtre des opérations et le quartier général de l'OTAN à Bruxelles. Il défend les intérêts de l'alliance auprès du gouvernement de l'Afghanistan; des membres de la communauté internationale; d'organismes internationaux comme l'ONU; de la Mission des Nations Unies en Afghanistan, la MANUA; du Programme des Nations Unies pour le développement, le PNUD; et d'autres instances, de même que des ambassadeurs des divers pays à Kaboul. De même, le haut représentant civil de l'OTAN, qui est ambassadeur — en ce moment, il s'agit de l'ambassadeur britannique Mark Sedwill, ancien ambassadeur du Royaume- Uni en Afghanistan — fait rapport sur la situation d'un point de vue politique au secrétaire-général de l'OTAN et à tous les membres du Conseil de l'Atlantique Nord.
Récemment, le mandat du haut représentant civil a été renforcé. Il s'agit pour lui d'étoffer la capacité de sécurité très solide et très apte de la FIAS sous le commandement du général Stanley McChrystal et d'en resserrer les liens avec la communauté internationale, la MANUA — la mission de l'ONU ici en Afghanistan — et d'autres agences et organismes de la communauté internationale, dont les ONG, pour veiller à améliorer la cohérence et la synergie entre les aspects développement et gouvernance de la mission et le volet sécurité à l'appui du gouvernement de la République islamique d'Afghanistan.
La présidente : Merci de la déclaration liminaire. Je vais apporter une correction. Vous êtes à Kaboul et non pas à Kandahar, bien entendu. Je ne sais pas pourquoi nous avons dit Kandahar.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Général, selon ce que vous avez pu constater au cours de votre emploi antérieur ainsi que celui que vous occupez présentement à l'OTAN, croyez-vous que le renforcement des capacités de l'Afghanistan pourrait s'effectuer par les civils et évoluer sans la présence militaire canadienne, de un, et de deux, sans la présence militaire en perspective?
[Traduction]
Bgén Labbé : Je dirais que non, mais permettez-moi d'étoffer ma réponse. Sans aucun doute, nous devrions en faire beaucoup plus pour promouvoir les programmes afghans de développement national dont la valeur est établie. Ils sont nombreux. Le ministère du Relèvement et du Développement rural, le MRDR, fait un travail exceptionnel et est bien dirigé; il applique cinq programmes nationaux. Par exemple, le Programme de solidarité nationale est un programme de développement à petite échelle s'appliquant aux localités de tout l'Afghanistan, mais qui sert en même temps à promouvoir la gouvernance et la sécurité. En ce moment, de ce fait, une part d'environ 70 p. 100 de l'Afghanistan en milieu rural pratique quotidiennement la démocratie à la base. De même, 38 p. 100 des membres démocratiquement élus des conseils de développement locaux sont des femmes. Les Afghans visent juste. À la base même, ils sont capables d'agir en ce sens, mais dans le cas de programmes et de projets à plus petite échelle.
Les responsables internationaux du développement doivent encore prendre part à des projets de grande envergure, par exemple le projet de barrage de Dahla au nord de la ville de Kandahar, où l'expertise et la capacité de gestion de programme et de projet se révèlent tout à fait essentielles. Ils doivent entrer en scène et veiller à l'application de ces projets, qui sont essentiels à la subsistance des Afghans de tout le pays. Le travail des organisations internationales et des organismes gouvernementaux du domaine du développement, par exemple l'United States Agency for International Development, USAID; l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI; le Department for International Development du Royaume-Uni, le DFID, et d'autres encore est tout à fait essentiel. Il doit clairement être complété par le travail d'experts-conseils, de sous-traitants et d'organisations non gouvernementales qui mettent à profit toute la gamme voulue de compétences spécialisées pour venir en aide aux organismes d'aide gouvernementaux de même qu'aux Afghans et aux ministères afghans pour que l'on puisse s'assurer que les tâches les plus complexes sont correctement exécutées. Dans le contexte, il est nécessaire de s'assurer que toute aide et tout contrat prévus comportent une clause de renforcement de la capacité qui fait que les Afghans sont partie prenante au processus plutôt que d'être simplement contournés. De cette façon-là, au fil du temps, ils peuvent assumer une responsabilité toujours plus grande à l'égard des projets de grande envergure.
Je ferai une dernière observation à cet égard : il y a encore environ 80 p. 100 de l'argent versé au chapitre de l'aide au développement en Afghanistan qui se situe en dehors du budget de base afghan. Dans son discours inaugural de novembre, le président Karzai a mis la communauté internationale au défi de réduire cette proportion. Ces derniers mois, il a répété maintes fois qu'il souhaiterait que 50 p. 100 de l'aide au développement provenant de l'étranger passent par le budget de base, que son gouvernement a le droit de gérer. Il est difficile pour les Afghans de gérer leurs affaires s'ils ont les mains attachées dans le dos et qu'ils ne peuvent utiliser que 20 p. 100 du financement qui arrive au pays.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Au fil des leçons que vous avez tirées de votre expérience au niveau de la sécurité et du développement, vous avez conclu qu'il était essentiel qu'une méthodologie soit développée afin de non seulement répondre aux besoins des différents ministères et organisations, mais également pour établir une stratégie afin de permettre une évolution. Y a-t-il une entité qui tient compte de votre expérience et de vos conclusions afin de développer une doctrine ou une théorie?
[Traduction]
Bgén Labbé : Jusqu'à très récemment, la communauté internationale a eu beaucoup de difficultés en Afghanistan à soutenir le gouvernement en place. C'est que nous n'avons pas été très bons d'un point de vue stratégique, opérationnel et tactique, à tous les niveaux, et notamment en ce qui concerne le gouvernement central à Kaboul, à l'échelle provinciale, au niveau du district, et à l'échelle communautaire. Nous n'avons pas très bien réussi à intégrer le développement et la saine gouvernance, d'une part, et les opérations de sécurité du point de vue temporel et spatial, d'autre part.
Quand je parle de « saine gouvernance », je parle non pas seulement des gouverneurs de district, mais aussi de l'appareil judiciaire et de la réforme du secteur judiciaire aussi bien que des forces policières en tant qu'élément de la sécurité en question.
Du fait de cette incapacité à tous les niveaux — il n'y a pas eu de véritables efforts de coordination au niveau central ici à Kaboul, car il est impossible d'y parvenir au niveau opérationnel ou au niveau provincial et que nous n'y sommes pas parvenus au niveau des districts —, toutes les opérations de sécurité indépendantes ou activités de développement indépendantes se sont révélées très fragiles. De ce fait, cela n'a pu prendre racine, particulièrement dans les provinces du sud et de l'est du pays. Il y a eu quelques succès dans le nord et dans l'ouest, mais seulement dans les secteurs où la sécurité n'a pas posé beaucoup de problèmes.
Depuis le début des opérations de stabilisation lancées dans le centre de la province de Helmand il y a deux mois de ça environ, dans les districts de Nad Ali et de Marjah de la province de Helmand, nous avons apporté les correctifs nécessaires. Il a été reconnu que, au niveau du district, il est absolument nécessaire de s'assurer du fait que les opérations de sécurité menées par les Afghans, menées par les Forces de sécurité nationale afghanes avec l'appui de la Force internationale d'assistance à la sécurité, donnent immédiatement lieu à un projet de développement et de gouvernance pleinement intégré dont les Afghans assument la responsabilité et assurent la direction. Il ne peut y avoir de jeu entre l'opération de sécurité et les étapes « tenir et construire » assurées par les responsables civils afghans du développement et de la gouvernance, ce qui, et ceci est très important, comprend l'appareil judiciaire. C'est une difficulté fondamentale que nous avons connue.
La deuxième partie de votre question a trait au renforcement de la capacité. Comme je l'ai fait en prenant la parole devant l'Institut de la Conférence des associations de défense, l'ICAD, en janvier 2008, ce à quoi vous avez fait allusion plus tôt, je ferai valoir encore aujourd'hui, que la plus grande difficulté dans ce pays réside dans l'incapacité d'agir. Par exemple, il y a à Kaboul et ailleurs au pays 320 000 fonctionnaires qui ne forment pas vraiment une fonction publique.
C'est une dimension fondamentale de la capacité d'agir du gouvernement en place : il faut qu'il puisse assumer les responsabilités qui lui reviennent à tous les niveaux, ici, à Kaboul. Tout de même, particulièrement au niveau sous- national, au niveau provincial et au niveau des districts, il n'y a pratiquement pas de capacité.
C'est ce que nous constatons à Marjah, par exemple, où nous devons faire venir des spécialistes et former des gens en mode d'urgence afin de pouvoir les installer à Marjah, dans le centre du district, pour qu'ils puissent assumer leurs responsabilités, mais ce n'est pas la situation idéale. C'est une situation très difficile; il faut vraiment que les pays donateurs se soucient d'accroître la capacité d'agir là, sur tous les points du spectre.
Je peux revenir plus tard à une des recommandations établies à ce sujet, étant donné que j'ai des recommandations à formuler sur ce qui devrait être le rôle du Canada ici en Afghanistan après 2011. Tout de même, en ce qui concerne la gouvernance, j'aimerais vraiment que l'École de la fonction publique du Canada travaille de concert avec la Commission de la fonction publique d'Afghanistan et l'Institut de la fonction publique d'Afghanistan en vue d'appliquer une approche mieux intégrée à la formation des professionnels et au perfectionnement professionnel des fonctionnaires, sur tous les points du spectre. Ce serait merveilleux. Il y aurait ainsi un pays qui serait le premier responsable de cette commission de la fonction publique et de l'institut, et qui intégrerait les contributions des autres donateurs. Par contre, il faut adopter une approche plus globale de la question de renforcement de la capacité, par exemple, dans ce cas particulier, celui de la fonction publique.
L'Administration indépendante pour la gouvernance locale a pour responsabilité d'appliquer au niveau du district les projets de développement et de gouvernance qui suivent immédiatement les opérations de sécurité. Elle est responsable de leur application sur le terrain, mais elle ne compte aucune capacité de communication stratégique. Faire part des succès obtenus est indispensable tant auprès des habitants du pays que des auditoires externes — les pays, les donateurs qui souhaitent voir des succès et en entendre parler, qui veulent savoir ce qui se produit vraiment. Elle n'a pas la capacité d'agir qu'il lui faut. Sur toute la ligne, l'administration gouvernementale a besoin d'aide pour renforcer sa capacité.
Le sénateur Segal : J'ai deux questions rapides à poser, mais, d'abord, je tiens à dire que j'apprécie le travail que vous avez fait pour le Canada à l'étranger dans des situations difficiles tout au long d'une carrière très fructueuse, et le fait que vous agissiez à titre de civil pour soutenir une alliance militaire importante dans une situation difficile. Je veux que vous sachiez que personne ici ne tient cela pour acquis.
De par leur nature même, les médias s'intéressent aux mauvaises nouvelles et ne se laissent pas vraiment impressionner par les bonnes nouvelles. Pouvez-vous maintenant, à titre de civil travaillant pour l'OTAN, nous parler du bilan du développement économique, de l'agriculture, des programmes en matière de gouvernance — les bonnes nouvelles et les mauvaises? Je vous prie de donner votre avis là-dessus avec le plus de franchise possible.
De même, il ne fait aucun doute que la position canadienne a évolué depuis les premiers jours où nos forces se trouvaient à Kaboul essentiellement pour veiller sur la naissance d'un nouveau gouvernement démocratique — la loya jirga et tout le reste; l'ECS, qui a été conçue sous une administration antérieure, je crois, mais qui appuyait vivement l'administration Karzai.
Nous abordons maintenant notre relation avec la gouvernance d'une façon quelque peu différente. J'aimerais connaître votre point de vue sur la question. Il serait particulièrement intéressant de savoir comment, selon vous, nos alliés de l'OTAN conçoivent le rôle du Canada en ce qui concerne la gouvernance et la sécurité.
Bgén Labbé : Merci beaucoup, sénateur. J'apprécie vos remarques. Voici le problème : j'entends dire sans arrêt à la télévision et ailleurs dans les médias que nous perdons la guerre. Affirmer que nous perdons la guerre, c'est s'appuyer sur une définition ancienne des campagnes où il n'est question que des opérations de sécurité. Dans l'environnement d'aujourd'hui, il n'y a pas d'opération de sécurité qui existe indépendamment de tout le reste. Il faut ajouter au total la gouvernance, le développement, l'appareil judiciaire et le gouvernement sous tous ses aspects. Affirmer que nous perdons, c'est mal choisir ses mots et tomber dans une vieille façon de penser.
Le pays a enregistré quelques succès extraordinaires; tous les jours, il y a des progrès. Je citerais le dossier de la santé publique parmi les succès extraordinaires du pays. L'éducation s'améliore avec chaque jour qui passe. Le développement rural a été un succès extraordinaire.
J'ai parlé il y a quelques instants du Programme de solidarité nationale. Il y a aussi le programme national de développement sectoriel qui prévoit des activités semblables au niveau des districts — des programmes de plus grande envergure dont les Afghans sont les concepteurs, les responsables et les dirigeants — qui renforcent la capacité d'agir des collectivités et des districts. Pour la première fois de leur vie, les Afghans peuvent influer sur leur propre avenir grâce à de petits programmes et projets qui leur suffisent néanmoins. Vous n'avez pas à donner grand-chose à un Afghan en milieu rural pour qu'il devienne autonome.
Un nouveau programme de développement des entreprises en milieu rural, qui est axé sur les produits agricoles et la notion de valeur ajoutée, vise à diminuer la dépendance à l'égard des importations et à susciter des exportations pour améliorer la balance des paiements ici en Afghanistan. Il y a quelques histoires à succès extraordinaires que les gens ont simplement choisi de ne pas voir. Je présume que le développement rural n'est pas de nature à exciter les médias autant que d'autres activités.
Pour ce qui est de la gouvernance et d'autres activités, la FIAS s'est attachée d'abord et avant tout aux ministères responsables de la sécurité — le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur et la Direction nationale de la sécurité. Ces investissements considérables visaient à assurer que les ministères en question puissent se lancer, mais aussi fonctionner correctement à l'intérieur d'une administration gouvernementale.
Il n'y a pas eu de collaboration civile cohérente du même genre dans les autres ministères. Je citerai en exemple le ministère du Relèvement et du Développement rural. C'est probablement le meilleur ministère qui se trouve au sein de l'administration gouvernementale, étant donné que son ministre comprenait le développement rural, mais il y a encore une lacune énorme à combler en ce qui concerne la capacité des fonctionnaires. Le ministère, qui compte 600 fonctionnaires ici à Kaboul, est essentiellement dirigé par une poignée de gens — des sous-traitants tant étrangers qu'afghans. Ils sont une cinquantaine à faire le travail de 600 personnes. Il nous faut prendre les autres fonctionnaires et les former comme il faut pour qu'ils puissent se charger du travail en question, pour qu'ils prennent le relais et que le ministère produise nettement plus que ce qu'il produit en ce moment.
Le MRDR, de fait, figure parmi les bons ministères. Certains ministères sont carrément paralysés. Ils comptent un excellent ministre et quelques sous-ministres qui sont très compétents, puis une poignée de sous-traitants tant afghans qu'étrangers, mais les fonctionnaires n'ont tout simplement pas eu la possibilité de se former en vue de faire le travail qu'ils sont censés faire.
J'aime les Afghans parce qu'ils sont industrieux, ils ont l'esprit d'entreprise; ils veulent travailler et apprendre. Tout de même, ils n'ont simplement pas eu l'occasion de le faire. D'une façon ou d'une autre, la communauté internationale doit trouver une façon de s'engager davantage, et de façon plus cohérente, face au perfectionnement professionnel de ces fonctionnaires, à accroître leur capacité.
Le sénateur Segal : Vous avez parlé plus tôt de l'École de la fonction publique du Canada, qui se trouve ici, à Ottawa. Est-ce le véhicule que vous préféreriez, plutôt que les HEC à Montréal ou l'École nationale d'administration publique au Québec ou d'autres organismes au pays? Qu'est-ce qui vous porte à croire que l'École d'Ottawa serait mieux placée pour enseigner l'administration publique que les autres qui ont travaillé dans le même domaine à l'étranger? Je voudrais connaître votre point de vue là-dessus.
Bgén Labbé : Je prends cette école comme exemple, pour être tout à fait franc. Il nous faut la solution à 70 p. 100 en Afghanistan aujourd'hui. C'est tout. Il faut que quelqu'un vienne faire le travail, que ça se fasse. Peu importe d'où il vient au Canada. Je donne cela comme exemple d'un projet que le Canada pourrait réaliser et qui apporterait une contribution énorme au renforcement de la capacité humaine en Afghanistan. Peu importe que les gens en question viennent d'Ottawa ou d'une autre partie du Canada.
J'ajouterais qu'il faut que ce soit une collaboration, mais il faut qu'il y ait ici sur le théâtre des opérations une organisation apte à diriger le travail. Je soulignerais simplement que l'Équipe consultative stratégique a été remplacée par le Bureau canadien d'appui à la gouvernance. Néanmoins, le concept d'ECS était certainement très bon; l'OTAN l'envisage toujours en songeant à la création d'une équipe consultative stratégique multinationale. C'est que les gens se sont aperçus du fait que c'était là une capacité très utile déployée ici même à Kaboul.
Le sénateur Cordy : Je remplace quelqu'un aujourd'hui au comité; je vous remercie donc, madame la présidente, d'avoir ajouté mon nom à la liste.
En m'en venant en avion aujourd'hui, j'ai lu une caricature dans le Globe and Mail. Il y avait trois cases. Dans la première, on pouvait lire : « J'appuie nos troupes. » Dans la deuxième, il y avait : « J'appuie nos troupes (jusqu'en 2011). » Dans la troisième, c'était : « J'appuie... », mais les trois choix indiqués avaient été rayés, puis quelqu'un avait ajouté en dessous : « Je suis mêlé!!! ».
Je ne m'y retrouve plus tout à fait. Je ne sais pas très bien si nous allons retirer tous nos soldats de Kandahar et du sud de l'Afghanistan seulement, ou encore si nous allons retirer tous nos soldats de l'Afghanistan. Je me demande quelle influence cela aura sur notre rôle dans le développement là-bas en tant que Canadiens. Vous avez souligné l'importance du développement. Je suis allée à Kaboul il y a un certain nombre d'années; à l'époque, le gouvernement canadien, comme l'ambassadeur, s'appliquait beaucoup, aux côtés de l'Italie, à mettre sur pied le ministère de la Justice pour le compte du gouvernement de l'Afghanistan.
Je ne sais pas très bien ce que notre armée va faire ou ne pas faire après février 2011. À ce propos, avons-nous discuté avec nos alliés de l'OTAN de la protection de nos coopérants, dont on a tant besoin en Afghanistan? Si nous retirons tous nos soldats de l'Afghanistan, sera-t-il encore possible de protéger nos coopérants et nos ONG là-bas? Est- ce qu'il faudra engager une entreprise de sécurité du secteur privé pour cela?
Malgré les bonnes nouvelles, la réalité, c'est que l'Afghanistan, plus à certains endroits qu'à d'autres, se révèle encore un lieu très dangereux pour les ONG non armées qui y travaillent.
Bgén Labbé : Si on retirait tous les soldats de l'Afghanistan, il faudrait trouver une façon de protéger les spécialistes du développement qui y demeurent. Cela limiterait grandement leur liberté d'action et leur capacité d'assumer les responsabilités qui sont les leurs.
On pourrait certainement engager une entreprise de sécurité privée, mais, depuis quelques années, le président Karzai s'est intéressé à la question de façon très personnelle en essayant de réduire le nombre d'entreprises du genre, pour s'assurer de conserver celles qui sont de bonne qualité et qui sont officiellement inscrites ici. C'est un problème qui perdure et qui suscite toujours des débats. De fait, le gouvernement ici ne voit pas les entreprises de sécurité d'un bon œil, étant donné qu'il a eu des problèmes dans le passé.
Je soulignerai simplement le fait que le Canada a contribué à cette mission. Du fait de ses engagements en fait de ressources et de finances, des vies perdues et de la souffrance humaine, le Canada s'est taillé une place parmi les chefs de file de la coalition réunissant quelque 46 pays, nombre qui augmente tous les jours. Il augmente tous les jours parce que des pays du monde entier, par exemple la Colombie, la Mongolie et l'Indonésie peut-être, bientôt, reconnaissent qu'il s'agit d'une juste cause et souhaitent y participer. Ils veulent faire partie de l'équipe qui aidera le gouvernement à l'emporter.
Le développement et la gouvernance s'inscrivent dans cet engagement-là, mais il y a aussi la sécurité. Je ne suis pas sûr que les coopérants ici en Afghanistan représenteraient à eux seuls une contribution appropriée, étant donné qu'il nous faut plus de soldats. Les États-Unis envoient d'autres soldats. L'OTAN est en train de trouver des soldats qu'elle va déployer, étant donné qu'il nous faut plus de soldats. Il ne nous en faut pas moins; il nous en faut plus.
Au moment même où il faut plus de soldats pour renverser la vapeur et nous assurer de pouvoir appuyer pleinement le gouvernement pour qu'il en remporte la campagne, je trouve cela bizarre que nous parlions de l'idée de retirer tous les soldats.
Ce n'est pas qu'une question de combat. L'ELMO a merveilleusement bien réussi à entraîner la 1re Brigade du 205e Corps. C'est une brigade exceptionnelle qui a participé à des opérations de combat et qui s'est distinguée, et c'est en raison de l'entraînement que leur ont donné les Forces canadiennes.
Pourquoi ne pas entraîner une autre brigade puisque, plus nous formons rapidement les Forces de sécurité nationale afghane, plus vite nous pouvons quitter le pays? En dernière analyse, il s'agit de permettre aux Afghans d'assumer eux- mêmes la responsabilité de leur sécurité, de leur gouvernance et de leur développement, mais nous ne pouvons les laisser se dépêtrer tout seuls. Nous devons porter le projet à son terme et nous assurer que les Afghans disposent de tout ce qu'il leur faut dans les trois champs d'action.
Le sénateur Cordy : Général, merci beaucoup du travail que vous avez fait à l'époque où vous étiez militaire et du travail que vous faites aujourd'hui en Afghanistan. Le Canada jouit d'une réputation d'excellence indéniable au sein de l'OTAN, et notre armée est l'une des meilleures qui soient dans le monde, sinon la meilleure. Merci beaucoup de ce que vous faites.
La présidente : Merci. Je voudrais le mentionner pour le compte rendu — je ne l'ai pas dit plus tôt : pour le travail en Afghanistan, le brigadier-général Labbé a reçu la Croix du service méritoire en septembre 2005.
Le sénateur Lang : J'aimerais poser des questions sur le concept d'ECS qui était en place à un moment donné, puis qui a été révisé de façon importante il y a quelques années.
La question de la gouvernance c'est un refrain qui a été repris à toutes nos audiences ici en rapport avec l'Afghanistan et la faiblesse de la fonction publique. Le gouvernement national en place a-t-il demandé le rétablissement du concept d'ECS pour que la fonction publique et le gouvernement en viennent à l'échelle nationale à une situation où ils peuvent gouverner?
Bgén Labbé : Autant que je sache, sénateur, il ne l'a pas fait récemment. En 2008, lorsque les ministères ont eu vent de ce qui allait arriver à l'Équipe consultative stratégique, du fait que nous n'allions pas être remplacés, les ministres, inquiets à l'idée de perdre cette capacité-là, ont souligné que cela les préoccupait beaucoup.
Durant les trois années où l'Équipe consultative stratégique a existé, elle a permis d'exploiter une capacité extraordinaire. Elle travaillait au niveau stratégique et permettait l'acquisition d'aptitudes de haut rang pour le renforcement de la capacité non pas dans le cas du ministre lui-même, mais plutôt dans celui du ministère. Cela mettait en jeu quelques questions fondamentales. L'équipe ne participait pas à la formulation des politiques ou à la réalisation d'activités techniques. Il y a mille et un conseillers techniques à Kaboul; il n'en faut pas plus. L'ECS a aidé des ministres, des sous-ministres et leurs subalternes à structurer le ministère pour qu'il soit plus efficace, à s'organiser eux-mêmes afin d'en arriver à une production meilleure et de tenir des réunions dignes de ce nom, et de faire en sorte que, à la sortie des réunions, les exécutants sachent clairement quelles tâches ils doivent accomplir, tâches qui feraient l'objet du suivi nécessaire jusqu'à ce qu'elles soient achevées. Elle jetait un coup d'œil aux budgets, préparait les éléments des budgets cinq ans d'avance et mettait au point des plans de gestion.
J'avais l'habitude de dire que je me suis enrôlé pour éviter toutes les tâches dont s'occupait justement l'ECS, étant donné que ce n'est pas très stimulant. Par contre, ce sont des tâches qu'il faut accomplir pour s'assurer que toute grande organisation — un ministère, un quartier général ou une petite ou moyenne entreprise — fonctionne correctement. C'est ce que ces officiers ont réussi à faire avec une grande efficacité et c'est la raison pour laquelle ils étaient à ce point en demande.
Les gens ont dit être très préoccupés de la situation lorsqu'ils ont appris que leurs fonctions allaient être éliminées. Ces préoccupations ont été soulagées en partie par la création du Bureau canadien d'appui à la gouvernance, même s'il faut dire que ce dernier se concentrait davantage sur l'idée de fournir des conseils techniques et non pas sur ce que l'ECS faisait.
Le sénateur Lang : Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous aviez plusieurs recommandations à formuler. Pourriez-vous nous dire en quoi elles consistent?
Bgén Labbé : J'ai fait allusion au fait que, du point de vue de la sécurité, je comprends tout à fait la volonté d'éliminer le groupement tactique. S'il est question de transférer la responsabilité première de la sécurité en Afghanistan et de s'assurer — comme le président Karzai l'a dit pendant son discours d'inauguration en novembre dernier, il souhaite avoir pris en charge dans cinq ans (comptés à partir de novembre 2009) la responsabilité totale de toute sécurité en Afghanistan —, nous avons un échéancier très serré à respecter, et il faut entraîner les Forces de sécurité nationales, la police et l'armée d'Afghanistan de même que d'autres éléments de la police et de l'armée en vue de s'assurer qu'ils sont à même d'assumer la responsabilité dès que possible.
L'OTAN a lancé le processus de transition dans le sens où il y a un cadre qui sera déposé à la conférence de Kaboul en juillet. La sécurité revêt une importance primordiale. Il est donc essentiel que nous travaillions davantage de concert avec les forces alliées et la FIAS. Je propose que nous continuions à entraîner la première brigade du 205e Corps et que le Canada assume la responsabilité d'une deuxième brigade.
Dans le domaine du développement, je propose que nous continuions à travailler à des projets de premier plan. Le projet de barrage de Dahla et ses systèmes d'irrigation permettront d'approvisionner en eau 75 p. 100 de la population de la province de Kandahar. Cela va transformer radicalement la vie des gens en question. Nous devrions investir dans des programmes nationaux afghans ayant fait leurs preuves comme le Programme de solidarité nationale.
En fait de gouvernance, j'ai mentionné la possibilité que l'École de la fonction publique du Canada ou toute autre école au Canada travaille de concert avec la Commission de la fonction publique ici en Afghanistan.
Enfin, pour parler des communications stratégiques, il y a ce que l'ECS a créé à l'époque où nous étions là, soit le Centre d'information et des médias du gouvernement afghan. Ce centre fonctionne toujours; c'est l'élément qui perdure, mais qui a besoin d'un coup de main. Il serait merveilleux de faire venir quelques spécialistes canadiens en communications stratégiques pour faciliter les activités de ce centre, renforcer sa capacité et organiser des cours pour les jeunes Afghans talentueux qui deviendraient ensuite les porte-parole des ministères.
La présidente : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui va se produire à la conférence de juillet selon vous et sur ce qu'il faudrait qu'il s'y produise à votre avis?
Bgén Labbé : La conférence de Kaboul est la deuxième d'une série de deux. Vous vous rappellerez que le Royaume- Uni a organisé la conférence de Londres cette année. Une série de produits livrables issus de cette conférence devaient être proposés à la prochaine conférence, à Kaboul, peut-être du 18 au 21 juillet. La conférence réunira peut-être des responsables du niveau de ministre des Affaires étrangères de divers pays donateurs, peut-être 70 pays et organismes internationaux différents. C'est un événement important dont le gouvernement d'Afghanistan sera l'hôte. C'est un véritable défi à relever quant à la sécurité et quant aux produits livrables aussi.
Le gouvernement a donc créé des groupes de ministères pour être mieux concentré sur la tâche et mieux apte à l'exécuter. Parmi les produits livrables, il y a la création d'un plan de transition Afghanistan-OTAN décrivant le déroulement de la transition. La transition ne se résume pas à une question de sécurité. Il faut songer aussi à la gouvernance et au développement qui permettront de s'assurer que, là où une province vit la transition prévue, le processus est irréversible, durable et digne de foi pour le peuple afghan.
Le sénateur Manning : Merci du travail que vous faites à l'étranger, le vôtre et celui des Forces armées canadiennes.
Je me suis entretenu avec un soldat il y a plusieurs mois de cela. Je lui ai demandé ce qui lui paraissait être le travail le plus important en Afghanistan. Je m'attendais à une réponse militaire, mais il m'a dit que c'était le travail d'enseignant — enseigner aux Afghans quelles sont les possibilités qui s'offrent à eux avec votre aide.
Vous avez parlé de santé publique, d'éducation et de développement rural. J'ai œuvré moi-même dans le développement rural. Veuillez nous en dire plus sur le développement rural. Pour que les Afghans deviennent autonomes grâce au développement de ce qui serait possible, quels sont les efforts déployés en Afghanistan au profit du développement rural?
Bgén Labbé : Il y a un adage dans l'armée : si vous ne participez pas à une opération, le mieux, c'est de former quelqu'un. Cela ne vous étonnera donc pas d'apprendre que nos officiers, nos sous-officiers et nos soldats des Forces canadiennes excellent dans le domaine de la formation.
Si on regarde les différents pays qui ont déployé des soldats en Afghanistan, on constate que les Forces canadiennes se sont distinguées par leur effort, comme toujours. S'ils le font, c'est que le pays et la culture dont ils sont issus ont fait d'eux ce qu'ils sont. Ils ne se contentent pas de faire leur travail; ils y sont extrêmement adeptes, et ils y excellent. Tous les autres contingents sur le théâtre des opérations le constatent et font la remarque. Les soldats canadiens sont tenus en haute estime parce que nous semblons maîtriser naturellement l'art d'encadrer, de faciliter le travail, et d'une façon qui n'est ni arrogante ni condescendante. C'est une approche qui semble très bien marcher auprès des Afghans.
Du point de vue du développement rural, nos contributions ne sont pas particulièrement « concrètes ». L'ACDI a fait un merveilleux travail en Afghanistan du point de vue du financement. Par exemple, le Canada a été un des premiers pays à contribuer au Programme de solidarité nationale, dont on peut faire valoir que c'est le programme de développement le plus fructueux ici en Afghanistan, et de loin, en comptant tous les programmes internationaux. Dès le départ, en 2003, au moment où le ministère du Relèvement et du Développement rural a créé le Programme de solidarité nationale, le Canada s'est trouvé à la tête du peloton des bailleurs de fonds. Aujourd'hui, on vante les mérites du programme et on le cite comme histoire à succès partout dans le monde. Le Canada a fait partie de cela; c'était notre contribution. L'ACDI a également financé d'autres programmes au ministère en question et dans d'autres ministères avec des retombées extraordinaires.
L'approche employée par les soldats canadiens et les Canadiens, de façon générale, quel que soit l'organisme d'où ils proviennent — dont la Gendarmerie royale du Canada et le Service correctionnel du Canada — pour travailler avec les Afghans, comme ils l'auraient fait dans tout autre pays, a pavé la voie au succès du gouvernement afghan. Ce ne sont pas toutes les cultures qui sont parfaitement aptes à faire le travail d'encadrement et de mentor, à accomplir les tâches qui relèvent des ELMO. Les ELMO — je suis sûr que vous aurez l'occasion de demander des précisions à leur sujet au colonel Burt — réussissent bien parce que nos soldats, officiers et sous-officiers appliquent une approche discrète et amicale, mais ferme qui débouche sur d'incroyables occasions de renforcement de la capacité pour les Afghans, qu'il s'agisse des Forces de sécurité nationales afghanes ou d'un autre organisme gouvernemental.
La présidente : Merci. Nous allons entendre le colonel Burt très bientôt.
Le sénateur Meighen : Je crois que je suis le seul membre du comité à avoir eu le bonheur de vous rencontrer en février 2008 à l'aérodrome de Kandahar. À ce moment-là, vous avez donné au comité une séance d'information sur les opérations de l'ECS à l'époque. Nous avons tous été très impressionnés par l'affaire, je m'en souviens comme si c'était hier.
À ce moment-là, parmi les préoccupations qui nous avaient clairement été exposées, il y avait les problèmes d'aide, la difficulté de s'assurer que la grande majorité des fonds se retrouvent bel et bien entre les bonnes mains. Nous avons eu de la difficulté à trouver des exemples de projets d'aide dont l'administration ne relevait pas directement de l'armée; et nous avons eu de la difficulté à déterminer, dans le cas de fonds provenant du Canada et passant par les Nations Unies ou le gouvernement central de Kaboul, la part qui finissait bel et bien par être appliquée aux projets d'aide. De nombreux changements ont eu lieu en deux ans et demi, et je suis sûr que le tableau n'est plus le même aujourd'hui. Sans aucun doute, on a fait de grands progrès.
Vous avez tout de même mentionné, pendant votre déclaration, qu'il serait important que le gouvernement afghan — et je comprends cela — ait une emprise directe sur plus de 20 p. 100 de l'aide versée. Ce serait approprié à mon avis.
Certes, je ne crois pas que le Canada — ou quelque autre pays, d'ailleurs — puisse donner à l'Afghanistan des leçons sur la moralité, l'intégrité et la gestion des sommes d'argent. Après tout, à l'époque où notre pays était dans son enfance démographique, les manœuvres douteuses étaient abondantes.
Cela dit, si la proportion passait de 20 à 50 p. 100, dans la situation actuelle, croyez-vous que l'argent se rendrait bel et bien à destination, qu'il ne serait pas détourné de façon importante?
Bgén Labbé : Non, je ne jurerais pas là-dessus. La Banque mondiale gère le Fonds de reconstruction de l'Afghanistan, dans lequel les pays donateurs versent des fonds. La Banque mondiale surveille de très près l'argent qui se trouve dans ce fonds. En donnant pour référence leur budget pour l'année à venir, les ministères présentent des demandes d'argent au responsable du fonds pour le financement d'un projet ou d'un programme particulier, après quoi l'argent est versé dans le fonds de caisse du ministère.
En prenant comme exemple le MRDR, disons que là où ils ont besoin d'une certaine somme d'argent du Programme de solidarité nationale, les responsables du ministère en feront la demande et obtiendront que 30 millions de dollars soient versés dans le fonds de caisse du programme en question. La Banque mondiale effectue des vérifications pour s'assurer que les 30 millions de dollars versés dans le fonds de caisse du Programme de solidarité nationale sont bel et bien consacrés aux diverses activités du ministère. Chacune des opérations est inscrite.
Là où il y a corruption, c'est lorsque nous, étrangers, entrons en scène. C'est notre participation qui est en cause : nous ne savons vraiment pas comment les choses fonctionnent en Afghanistan, ce qui fait que les Afghans ayant l'esprit d'entreprise sont en mesure de profiter de notre naïveté. Tout de même, le Programme de solidarité nationale a été créé par les Afghans pour les Afghans avec des Afghans. Heureusement, la création du programme est le fait d'Afghans honnêtes qui ont su où les brèches pouvaient se trouver, qui les ont fermées toutes, et il n'y en a pas.
L'an dernier, le Royaume-Uni s'est plaint de ce que 1,32 million de dollars environ manquaient dans le compte du Programme de solidarité nationale dans la province de Helmand. Le ministre Zia a chargé une équipe d'étudier la question à l'époque. L'équipe a vérifié tous les comptes et a rendu compte de chaque sou qui avait été dépensé. La Banque mondiale effectue des contrôles périodiques des divers projets qui ont lieu dans l'ensemble du pays. Ces vérificateurs ont affirmé qu'ils peuvent rendre compte de pratiquement chaque sou qui est dépensé au pays par les divers conseils de développement communautaire établis dans le cadre de ce programme.
Chaque fois qu'une tierce partie, une organisation internationale, est chargée d'une vérification du programme, elle souligne le fait qu'elle peut rendre compte de chaque sou qui est versé dans les divers comptes. Nous pouvons le faire, et le gouvernement afghan en place peut le faire. Tout de même, nous devons exercer des contrôles sur les gens, et nous devons permettre au gouvernement afghan de faire le travail et l'encourager à faire ce travail.
Le sénateur Mercer : Merci du travail que vous faites, au nom de tous les Canadiens.
Vous avez parlé de notre participation à l'entraînement de la brigade afghane et de la nécessité pour nous d'entraîner peut-être une autre brigade. Combien d'autres brigades faudra-t-il pour en arriver à la stabilité nécessaire à la survie à long terme de l'Afghanistan?
Bgén Labbé : Sénateur, je crains de ne pouvoir répondre à cette question. Je peux seulement dire que, chaque fois qu'il y a une communication d'un ministre, qu'il s'agisse d'un ministre des Affaires étrangères, d'un ministre de la Défense ou de quelqu'un qui prend la parole à un sommet, le Commandant suprême des forces alliées en Europe ou les généraux qui se trouvent sur le terrain des opérations ici déclarent toujours qu'il nous faut plus de formateurs. Il nous faut plus de formateurs : plus nous enseignons rapidement aux Forces de sécurité nationales afghanes à assumer la responsabilité de la sécurité partout au pays, plus nous pouvons repositionner nos forces rapidement et, à un moment donné, à mesure que les Afghans gagnent en maturité, nous serons alors en mesure de redéployer lentement.
Je le dis seulement parce que je sais que les Canadiens sont probablement mieux aptes à le faire que la plupart des gens, et que ce serait une contribution énorme à la cause du pays. Il y a eu récemment une rencontre des ministres des Affaires étrangères à Tallinn, en Estonie. Encore une fois, à ce moment-là, le secrétaire général de l'OTAN a affirmé que nous manquons de personnel pour former la police.
Nous manquons encore de formateurs de tous genres. Nous devons nous attacher à l'entraînement des Forces de sécurité nationales afghanes, aux ministères et au renforcement de la capacité des Afghans afin de nous assurer que, de manière universelle, dans tous les ministères, les gens sont aptes à devenir autonomes.
Le sénateur Dallaire : En songeant au groupe consultatif sur l'instruction combinée dont le major-général Ward est le commandant adjoint, croyez-vous que nous allons investir beaucoup plus pour aménager cette capacité-là, toutes les écoles et l'infrastructure, et cetera et peut-être aussi faire venir au Canada des Afghans, dans nos écoles, comme option, plutôt que de prendre en charge une autre brigade au niveau tactique?
Bgén Labbé : Sénateur, le CSTC-Alpha auquel vous avez fait allusion a été intégré à ce qui s'appelle maintenant, ici en Afghanistan, la mission d'entraînement de l'OTAN en Afghanistan dont la direction est assurée par le lieutenant-général Caldwell. Je suis sûr que d'autres personnes plus qualifiées sauront vous donner davantage de précisions sur cette organisation.
L'absorption du CSTC-Alpha par la mission d'entraînement de l'OTAN en Afghanistan visait à mieux unifier les efforts et les objectifs d'entraînement des Forces de sécurité nationales afghanes. Le major-général Ward, élément clé de cette organisation, travaille de concert avec le lieutenant-général Caldwell.
La mission d'entraînement en question compte ici à Kaboul un certain nombre de lacunes que le Canada, dans le cadre de la promesse qu'il a faite de renforcer la capacité et d'intensifier l'effort de formation, pourrait combler en grande partie, sans compter la formation des équipes déployées, qu'elles fassent partie d'une brigade ou d'un kandak, c'est-à-dire un bataillon, ou travailler comme mentor auprès des policiers. C'est certainement un champ d'activités que le Canada pourrait envisager de prendre en charge après 2011.
L'entraînement au Canada pose certains problèmes, tout comme il le ferait dans n'importe quel autre pays. Il vaut mieux que l'entraînement se fasse ici en Afghanistan, où il est uniformisé et où nous pouvons appliquer une approche commune de formation des soldats d'un bataillon ou des gendarmes qui finissent par obtenir leur diplôme et être déployés. Certes, il vaut mieux que l'entraînement de base se fasse ici sur le théâtre des opérations.
Plus tard, au fur et à mesure qu'une carrière progresse, il est souhaitable et utile d'assister à des cours en dehors du pays, comme cela se fait dans n'importe quel autre pays, étant donné que cela donne une formation faite d'éléments utiles et professionnels, ce qui est bon pour la force.
La présidente : Merci du temps que vous nous avez accordé cet après-midi ou, en ce début de matinée, de votre point de vue, à Kaboul.
Le brigadier-général Labbé travaille actuellement comme adjoint du haut représentant civil de l'OTAN à Kaboul. Il a aussi exercé, comme vous l'avez entendu dans les remarques qu'il a formulées aujourd'hui, les fonctions de conseiller personnel du ministre du Relèvement et du Développement rural en Afghanistan et a reçu la Croix du service méritoire en septembre 2005.
Merci de vous être joint à nous, du temps que vous nous avez accordé ainsi que des conseils et de la sagesse dont vous nous avez fait profiter.
Bgén Labbé : Merci, madame la présidente.
La présidente : Nous sommes heureux d'accueillir le colonel Gregory Burt, notre deuxième témoin aujourd'hui. Il est directeur, Analyse de la sécurité future. Il est originaire de Terre-Neuve — vous allez donc pouvoir faire la traduction pour un de nos sénateurs ici. Le colonel Burt est membre du Royal 22e Régiment, les célèbres Van Doos.
Le colonel Burt est revenu récemment d'Afghanistan, où il a occupé de février à novembre 2009 les fonctions de commandant de l'Équipe de liaison et de mentorat opérationnel du Canada. Vous allez entendre les gens parler des ELMO, comme notre invité précédent l'a fait. Cette ELMO particulière se trouve dans la province de Kandahar, où le colonel Burt exerce ses fonctions.
Depuis 2006, nos forces canadiennes entraînent activement l'Armée nationale afghane individuellement ou au niveau de l'unité. Installée à l'aérodrome de Kandahar, l'ELMO assure la liaison entre l'armée et la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan.
Colonel Burt, avez-vous une déclaration liminaire à nous présenter aujourd'hui?
Colonel Gregory D. Burt, directeur, Analyse de la sécurité future, Défense nationale : Je n'ai pas déposé de documents. Il importe de souligner que ma période de service va de mars à la fin octobre.
La présidente : Nous allons corriger les dates; merci. Vous avez entamé des fonctions nouvelles et différentes, mais nous allons nous attacher un peu à ce que vous avez fait auparavant, étant donné que nous voulons profiter de l'expérience que vous avez acquise sur le terrain là-bas.
Pourquoi ne pas commencer par décrire en quoi consistaient vos tâches au moment où vous commandiez l'ELMO?
Col Burt : Le commandant de l'ELMO a au moins quatre grands rôles à jouer.
Le premier rôle consiste à servir de mentor au général qui est à la tête de la brigade, c'est-à-dire la 1re brigade du 205e Corps, tandis qu'il accomplit ses tâches quotidiennes, à se pencher sur la façon dont il a fait les choses.
Le deuxième rôle consiste à assurer la synchronisation avec la Force opérationnelle à Kandahar, mais, au moment où nous y étions, les Américains sont arrivés avec une brigade de Stryker, de sorte qu'il a fallu synchroniser nos opérations avec les leurs. Je commandais donc à des équipes qui s'occupaient de cela aussi.
Je devais aussi m'assurer que la brigade dans son ensemble se développait tout au long de l'exercice, selon les capacités à chaque niveau, donc que l'on renforçait la capacité de la brigade entière.
À titre de commandant, je devais m'assurer de bien veiller sur les 200 soldats et officiers sous mon commandement et de leur donner les consignes et les ressources nécessaires pour qu'ils fassent leur travail.
Voilà quatre rôles clés.
Dans le cas du rôle de mentor, il importe que nous comprenions ce que mon prédécesseur a fait pour préparer mon succès à moi. Comme vous l'avez dit, nous avons entamé l'exercice en 2006. Chaque ELMO s'est améliorée, non pas en raison des personnes présentes, mais plutôt en raison du travail accompli par nos prédécesseurs. Nous préparons le succès de l'autre. L'ELMO est une histoire à succès parce que, depuis trois ans, elle s'appuie sur une très bonne assise. Chaque nouveau commandant s'est aligné sur la voie tracée par son prédécesseur, et il y a eu amélioration au fil du temps.
La présidente : Pour être clair, vous combattez aux côtés des forces afghanes.
Col Burt : Oui, nous le faisons.
Le sénateur Dallaire : Vous entraînez quelque 200 soldats du niveau du peloton au niveau des brigades, si je ne m'abuse.
Col Burt : C'est des compagnies aux brigades.
Le sénateur Dallaire : Pourquoi n'avons-nous pas là deux ou trois ELMO, compte tenu de ce qu'il faut investir pour combattre, par rapport à ce qu'il faut investir pour renforcer la capacité, pour que les Afghans dirigent et développent leur propre armée?
Pourquoi êtes-vous l'adjoint ou le conseiller du commandant de la brigade, à votre niveau, mais, si on monte dans la hiérarchie, ce sont les gens de l'OTAN qui sont les commandants et les Afghans qui sont les adjoints? À un moment donné, l'OTAN partira, et les Afghans devront commander. Pourquoi n'est-ce pas eux qui commandent en recourant aux conseils de l'OTAN?
Col Burt : Le brigadier-général Abdul Bashir a commandé sa brigade. Il ne s'agissait pas d'un rôle d'adjoint; c'était un rôle de mentor. Pas une seule fois je n'ai été contrarié par une décision qu'il a prise. En tant que Canadien, je me suis assuré du fait qu'il saisissait tous les impératifs liés aux décisions qu'il prenait et, parfois, un supérieur hiérarchique lui disait quoi faire aussi. Nous ne commandions pas une brigade.
J'ai essayé de m'assurer que ce qu'il faisait dans le secteur était synchronisé avec les opérations du général Vance et de la force opérationnelle canadienne, et, lorsque les Américains sont arrivés, je me suis assuré du fait que nous synchronisions notre travail avec le leur aussi. Il était clair à tous les niveaux que nous essayions de faire de même — et non pas de prendre les commandes.
Je dis toujours que notre travail, comme mentor, est celui de l'entraîneur au hockey qui essaie de demeurer du côté du banc, mais qui, parfois, doit aller sur la glace. Il importe de comprendre cela. Si vous allez sur la glace, ce n'est pas pour aller compter un but. C'est pour montrer l'exemple, et c'est ce que nos soldats ont fait à tous les niveaux — faire circuler la rondelle, parfois, faire en sorte que quelqu'un d'autre fasse le travail ou fasse la bonne passe pour qu'une autre personne encore prenne le relais. C'était notre rôle sur le terrain, et c'est seulement dans les cas où tout le reste échouait que nous pouvions avoir quelque influence de plus sur ce qui se passait sur le champ de bataille. Nous n'avons fait cela que quelques fois pendant ma période de service; auparavant, nous le faisions davantage. Cela montre à quel point les Afghans sont devenus bons : nous faisons cela de moins en moins. Ils s'occupent de leur propre situation.
N'oubliez pas que le gars sur le terrain ne doit pas prendre les commandes de la situation. S'il y a échange de tirs, mon officier — sous-officier ou soldat, dans certains cas —, en passant par un interprète, devra dire au type qui commande qu'il voudra peut-être déplacer le fusil-mitrailleur sous les tirs mêmes, mais sans prendre les commandes de la situation. Ça s'est révélé être un rôle difficile pour nos gars.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Pourquoi ne pas en avoir plus qu'un?
Col Burt : Parce que les ressources, présentement, font en sorte que s'il y en avait plus, il faudrait couper ailleurs.
Le sénateur Dallaire : À cause de la limite?
Col Burt : La limite, c'est une chose. Aussi, dans le contexte dans lequel on était, on a commencé avec deux kandaks, ensuite une troisième. On a beaucoup plus de kandaks qu'on en avait au début — je parle de bataillons afghans. De travailler avec la force opérationnelle canadienne a aidé aussi. Vers la fin, Kandak 2 a travaillé de pair avec le deuxième bataillon sur plusieurs opérations. Présentement, il y a une croissance dans le nombre d'unités ANA et on outrepasse notre capacité de générer beaucoup parce qu'il est important d'avoir un groupe tactique canadien ou un groupe tactique de combat proche dans le contexte.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je sais que vous ne voulez pas vous lancer dans des questions théoriques, mais permettez-moi de vous poser la question suivante : que ferait selon vous une personne qui exerce maintenant vos fonctions en entendant dire par la chaîne de commandement que le gouvernement du Canada, conformément à la résolution adoptée, retirait de la province de Kandahar ses troupes de combat, mais en lui laissant 300 à 400 soldats de divers rangs, des sous-officiers et tout le reste, destinés à s'occuper exclusivement de la fonction d'entraînement? Est-ce que ce serait de bonnes nouvelles pour votre successeur ou, au contraire, quelque chose de nuisible? Pourrait-il se tirer d'affaire? Disposerait-il de l'infrastructure nécessaire pour élargir la base d'entraînement, comme le sénateur Dallaire l'a plus ou moins évoqué en posant ses questions?
Col Burt : Sous sa forme actuelle, théoriquement, l'ELMO est liée de nombreuses façons au groupement tactique et à la force opérationnelle. C'est comme les petits poissons qui mangent les restes lorsqu'un requin s'alimente. En l'absence de la grosse machine canadienne, nous sommes presque laissés à nous-mêmes. C'est la force opérationnelle qui s'occupe toujours de l'entretien des véhicules. Nous avons besoin de nos véhicules, sinon nous ne pouvons suivre les Afghans. Nous avons besoin des fusils. Si vous avez besoin d'un soutien de la part de l'artillerie, nous pouvons sortir nos fusils. Oui, la force de feu américaine devient disponible, mais il faudra pour cela une formation sur l'utilisation des radios et les procédures à respecter. Les hélicoptères qui servent aux évacuations sanitaires que nous réalisons proviennent des Américains, mais il y a toute une facture d'entraînement à régler de ce point de vue. De même, l'aide médicale que nous avons au Canada n'a pas d'égale, si vous voulez mon avis; je voudrais garder mes techniciens médicaux canadiens à mes côtés.
Théoriquement, oui, c'est là une possibilité, mais il faut faire certaines mises en garde, et il faudrait s'attacher davantage aux questions de l'approvisionnement et de l'aide technique. Nous avons besoin de cette chaîne-là, à mon avis. Certains Américains peuvent assurer les services, oui, mais nos véhicules sont différents de ceux des Américains; ce serait donc une autre série de véhicules neufs qu'il faudrait acquérir, et la formation ne se fait pas très facilement sur le théâtre des opérations.
Le sénateur Lang : Comme vous venez de l'entendre plus tôt, nous avons entendu parler de gouvernance et de la fragilité de l'édifice et des faiblesses du gouvernement afghan. Tout de même, les Canadiens se demandent pendant quelle période nous devrions demeurer en Afghanistan si nous révisons la position que nous avons déjà adoptée. Si la position était révisée, ma question porterait sur l'entraînement des forces afghanes. Avec l'effectif à votre disposition, les forces aériennes seraient-elles en mesure d'assumer la pleine responsabilité des choses d'ici cinq ans?
Col Burt : Voilà une très bonne question. Je ne peux y répondre.
Le sénateur Lang : J'aimerais savoir ce que vous en pensez, vous qui êtes sur le terrain.
Col Burt : Le brigadier-général Labbé a déjà déclaré que ce sont de très bons soldats au niveau tactique. Bon nombre de jeunes sous-officiers et de jeunes officiers sont très bons. Comme je l'ai dit, la 1re brigade du 205e Corps du général Bashir saisit de quoi il retourne. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas aux autres niveaux, mais je sais qu'il y a beaucoup de travail qui se fait au Commandement régional (Sud) et au niveau de la FIAS pour fusionner l'ensemble.
Je ne suis pas sûr des progrès qu'ils ont pu réaliser à ce niveau-là. Je n'ai pas communiqué avec mon successeur depuis que je suis revenu. Il a été très occupé à faire son travail là-bas. Par contre, je sais que toute la situation de l'ELMO a sensiblement évolué. Il y a de nombreux soldats là-bas maintenant, si bien que le nombre de soldats afghans par rapport au nombre de soldats membres de la coalition équivaut presque maintenant à un rapport de un pour un — sinon il y a peut-être plus de soldats du côté de la coalition que du côté des Afghans. Il est très difficile de faire en sorte que tous puissent compter sur des troupes afghanes pour diriger toutes les opérations.
Est-ce que cela pourra se faire d'ici cinq ans? J'ai répondu à cette question-là à Calgary. Quelle est la longueur d'un bout de ficelle? On ne saurait le prédire. Par exemple, il n'y a pas d'écoles d'artillerie au niveau institutionnel. Nos gars enseignent l'artillerie là-bas à partir de rien et, parfois, les gens sont envoyés à d'autres tâches. Au niveau institutionnel, ce sont des choses qui s'enseignent à la base des Forces canadiennes à Gagetown, au Nouveau-Brunswick, ou à la base de Saint-Jean, au Québec, et qui ne relèvent pas du combat en tant que tel, mais qui préparent les soldats à faire leur travail. Lorsque les gens nous arrivent, ils ont déjà subi l'entraînement de base. Ils nous arrivent et, comme je le dis souvent, ils sont formés sur le terrain même, et les cibles tirent des coups de feu aussi. Voilà la différence.
Renforcer la capacité, c'est faire les exercices avant d'aller au combat, puis on y va et, au retour, on examine l'opération pour savoir si elle s'est déroulée ou non. De là, on s'améliore, et chaque fois qu'on va au combat, on devient meilleur. C'est ce que font nos soldats au sein de l'ELMO, au combat, devant le danger qu'il y a là. La valeur de l'ELMO ne réside pas seulement dans le fait d'aider à dresser le plan. C'est lorsque les choses se bousculent qu'il faut pouvoir recourir à une aide dite de troisième dimension : l'hélicoptère qui viendra chercher les blessés de l'Armée nationale afghane, avec les techniciens qui leur prodigueront des soins sur le terrain, vont pouvoir compter sur l'artillerie ou une canonnière pour porter un coup décisif dans une bataille ou attaquer carrément l'ennemi. C'est ce que nous faisons, et les Afghans n'y arrivent pas encore eux-mêmes. Ils ne comptent pas sur leur propre aviation, et leur artillerie a encore de nombreux problèmes à régler, étant donné que bien des gens sont illettrés. Nous leur enseignons l'arithmétique, la lecture et l'écriture. Pouvez-vous imaginer la différence que représente une erreur d'un seul degré quand on utilise un canon?
Ils se tirent bien d'affaire. Ils peuvent illuminer leurs propres opérations. Ils ont encore du chemin à faire, étant donné qu'il n'y a pas de base institutionnelle. Ils subissent leur entraînement de base, puis plongent. Ils ne reçoivent pas de formation de base sur le maniement des armes à feu comme nous le faisons au Canada.
La présidente : Lorsque vous êtes sorti, vous avez connu surtout des échanges de feu?
Col Burt : Pas moi. J'en ai connu un personnellement, mais je me suis trouvé sur les lieux tout de suite après un échange de feu ou encore je me suis trouvé à quelques kilomètres de l'échange, parfois plus près que ça. J'ai au moins deux groupes qui, sur une période de deux mois, se faisaient tirer dessus tous les jours. Durant mon séjour de six mois — je n'ai pas fait le calcul exact —, je crois qu'il y a eu trois ou quatre jours ou un mois au plus où il n'y a pas quelque chose qui se passait quelque part, et je ne parle pas seulement des échanges de feu, mais aussi des engins explosifs improvisés. Si vous voulez mon avis, cela fait partie de la chose.
[Français]
Le sénateur Pépin : Les témoins nous ont dit qu'il est plus facile de former un soldat qu'un agent de police. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que cela veut dire?
Col Burt : Pour un soldat, c'est sûr. Je suis un soldat, je suis capable d'entraîner un soldat plus facilement, mais je ne suis pas entraîné pour former un policier. Oui, je comprends les mécanismes de la primauté du droit et des affaires. Je peux seulement montrer à un agent de la paix ce que moi, je pense être correct et comment survivre sur un champ de bataille parce que la police afghane est parfois sur un champ de bataille. Un soldat va dire qu'il est plus facile d'entraîner un soldat qu'un membre de la GRC. C'est pourquoi les membres de la GRC sont dans le théâtre. On a beaucoup mis l'accent sur l'entraînement de la police afghane.
Le sénateur Pépin : Avec la GRC?
Col Burt : Avec la GRC, oui.
[Traduction]
Le sénateur Meighen : Colonel Burt, je crois que le sénateur Pépin a effleuré ma question. Si je comprends bien, les ELMOP, les Équipes de liaison et de mentorat opérationnel de police, faisaient partie des ELMO. Dans quelle mesure pouvez-vous parler du succès des efforts déployés là? Il est assez évident que les ELMO représentent un concept assez inspiré qu'elles n'ont fait que s'améliorer. Le client auquel vous avez affaire dans ce cas est peut-être un peu plus difficile. Jusqu'à quel point ont-elles été un succès et est-ce que nous devrions continuer ces efforts?
Col Burt : Jusqu'à la fin de 2011, oui.
Le sénateur Meighen : Eh bien, peut-être après, qui sait, mais vous n'avez pas à réagir à cela.
Col Burt : À l'époque où nous avons lancé l'ELMOP, il n'était pas uniquement question de soldats; il était question de la police militaire aussi. Cette dernière a subi un entraînement policier qui comble certaines des lacunes que nous avons en tant que soldats. J'ai entraîné ce groupe-là. Arrivés sur le théâtre des opérations, nous avons corrigé le tir. C'est le membre de la police militaire qui devenait le deuxième responsable ou inversement. Il y a une expérience des combats du côté des fantassins ou des blindés; à l'époque, j'avais jumelé les gens avec la police militaire, de sorte que l'agent de la paix puisse comprendre. Ces deux groupes-là travaillent ensemble. Dans la mesure du possible, là où il est question d'affaires policières, c'est la police militaire qui donne des conférences ou dispense une formation aux Afghans, qui agit comme mentor auprès d'eux, lorsqu'on va dans les villages pour parler aux gens. S'il est question de combat et de manœuvres, c'est là que le personnel d'infanterie entre en scène pour montrer que, en cas d'affrontement, voici comment on se tire d'affaire.
Le sénateur Meighen : La Police nationale afghane est utilisée à la manière d'unités de combat, n'est-ce pas?
Col Burt : Pas comme unités de combat.
Le sénateur Meighen : Comme forces auxiliaires?
Col Burt : Elle sert de forces policières. Dans toute opération de notre part, autant que possible, l'Armée nationale afghane n'entrait pas en premier dans les maisons ou les complexes. C'est la Police nationale afghane qui le faisait. C'est la même chose au Canada. Nous ne voudrions pas que nos soldats entrent dans les villages. Nous restons à la périphérie. C'est toujours la Police nationale afghane qui était à l'avant-plan. Si on était en terrain hostile, cela changeait, mais, autant que possible, nous procédions de cette façon-là. Avant qu'un membre de la coalition ne pénètre dans une demeure quelconque, les Forces de la sécurité nationale afghane passaient en premier.
Le sénateur Manning : Vous n'allez peut-être pas être en mesure de tout dire, mais, certainement, après 2011, si on songe au calendrier de formation et au travail de mentorat effectué auprès des Afghans, tant dans la police que dans l'armée, à votre avis, le travail de mentor doit-il se poursuivre après 2011 pour que les personnes en question et le pays de l'Afghanistan soient prêts à se prendre en main, plus ou moins? Les gens vont-ils être prêts en février 2011 à prendre la situation en main, à votre avis?
Col Burt : Non, ils ne le seront pas. Nous avons fait en trois ans un long chemin pour édifier leur nouvelle capacité et dispenser la formation de direction aux autres unités qui se créent. Les Américains travaillent avec nous maintenant. Ils comprennent le rôle de l'ELMO et dispensent la formation avec nous sur le théâtre des opérations. Au fur et à mesure que les unités s'améliorent, elles comptent moins de membres de l'ELMO et travaillent davantage avec la compagnie. C'est une compagnie entière de la coalition qui travaille aux côtés de la compagnie afghane non pas pour éliminer la présence des membres de l'ELMO, mais plutôt pour en réduire le nombre qu'il faut pour faire le travail. Cela prendra du temps. Le personnel de l'ELMO, lui, intégrera d'autres unités où il faut un entraînement de base.
Si on songe aux nombres qu'ils envisagent pour l'avenir, disons qu'ils ont encore besoin de mentorat à tous les niveaux.
La présidente : Est-ce que je vous ai bien entendu dire que vous formez non seulement les Afghans, mais également les Américains et d'autres forces de la coalition?
Col Burt : Lorsque je suis parti, j'avais accueilli une équipe de formation intégrée américaine avec un kandak de plus. Nous lui avons montré comment les Canadiens procèdent. Je me suis assuré qu'elle apprenait les mêmes choses que nous. Il s'agit de la brigade 1-205, et nous en sommes fiers. C'est cette brigade qui s'est occupée des élections.
D'ici 2011, la brigade 1-205 doit continuer de diriger là-bas et n'aura pas besoin de beaucoup de mentorat. Cependant, les nouvelles brigades que nous sommes en train de constituer en auront besoin et auront toujours besoin du soutien tridimensionnel. Elles n'ont pas cette capacité. Elles seront là-bas pendant un certain temps.
Le sénateur Manning : Que voulez-vous dire?
Col Burt : Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit de l'artillerie, de l'évacuation sanitaire, du soutien héliporté et des avions qui arrivent et qui attaquent. Ils n'ont pas les ressources pour faire cela.
Pour que la brigade nationale afghane soit adéquate sur le plan tactique, elle doit être capable de faire tout, c'est-à- dire de planifier, d'exécuter et de maintenir ses opérations. Cependant, nous fournissons encore la troisième dimension du soutien, qu'elle est encore en train de mettre au point. L'artillerie est presque à niveau, mais il reste encore du travail à faire à cause de l'analphabétisme, et les Afghans n'ont pas d'établissement. Une partie de la formation de dirigeants que nous offrons pour l'artillerie est nécessaire pour la nouvelle infanterie. C'est un cycle qui recommence chaque fois. Nous devons institutionnaliser certaines de ces composantes de soutien pour pouvoir fournir cette troisième dimension.
Le sénateur Cordy : Merci d'être parmi nous aujourd'hui.
L'ELMO est une excellente façon de procéder pour former les Afghans. Vous l'avez comparée à l'entraîneur d'une équipe de hockey. Quand j'étais enseignante, je disais toujours qu'un enseignant devrait être un guide discret, et non un sage qui occupe toute la scène, et il semble que vous suiviez ce principe.
La formation, les conseils, le modelage et les attitudes sont une excellente façon pour les gens d'apprendre. Cependant, tout le monde commence son apprentissage à une étape différente. Vous avez parlé brièvement de l'alphabétisation, de la lecture et de l'écriture. Si les gens dont nous parlons doivent bel et bien assumer à leur tour des rôles de dirigeants au sein de l'armée afghane, ils doivent savoir lire et écrire.
Par où commencez-vous? Je sais que vous les amenez, leur donnez une formation et travaillez avec eux. Cependant, que faites-vous avant cela, puisqu'ils se présentent tous devant vous avec des connaissances différentes?
Col Burt : Je suis désolé si j'ai laissé entendre qu'ils sont tous analphabètes. Les membres du corps des officiers savent très bien lire et écrire. Ils sont capables de rédiger les ordres, et nous nous sommes assurés que les ordres étaient écrits, le plus possible. Ils sont méticuleux dans leur travail de comptabilité, et surtout avec le personnel. Les vérificateurs viennent de Kaboul pour vérifier leurs livres.
Pour moi, les membres du corps des officiers possèdent les connaissances voulues à de nombreux égards; c'est la façon de planifier les opérations que nous leur enseignons. Le Canada dirige un collège d'état-major à Kaboul, où on leur enseigne à rédiger des ordres dans le style militaire, et ainsi de suite. C'est l'une des choses que les Canadiens font à Kaboul en ce moment. Certains officiers supérieurs afghans suivent des cours pour les commandants et apprennent la tactique et l'art opérationnel à leur niveau. Ils sont nombreux à savoir lire et écrire.
Nous commençons par la formation de chefs subalternes sur l'entraînement et la survie sur le terrain pour les jeunes sous-officiers. Nous avons essayé de donner un cours au peloton de reconnaissance, mais les soldats ne savaient pas lire. Comment peut-on s'orienter à l'aide d'une carte si on ne sait pas lire? Nous avons dû faire un pas en arrière et commencer par ça. Un cours qui aurait dû prendre environ trois semaines a pris deux mois et demi, mais nous avons réussi à faire en sorte qu'ils puissent lire.
Le sénateur Cordy : Pour en revenir au commentaire du sénateur Manning, en février 2011, les activités de l'ELMO seront-elles considérées comme étant militaires ou de formation? Demandera-t-on à l'ELMO de partir?
Vous avez parlé d'expliquer aux Américains le genre de choses que vous faites ou presque de les encadrer à cet égard. Y a-t-il d'autres pays de l'OTAN qui offrent ce genre de mentorat?
Col Burt : Oui, de nombreux pays font du mentorat. Les unités britanniques sont là, comme les Hollandais et les Australiens. Bon nombre de pays membres de l'OTAN font du mentorat à différents égards et dans des régions différentes. Il y a une équipe française dans le Nord. Je ne connais pas les détails concernant chacune des équipes de mentorat.
Le sénateur Cordy : Nous parlons de quitter l'Afghanistan à la fin de février. L'ELMO serait-elle considérée comme une opération de formation ou comme une opération militaire? Elle travaille auprès de l'armée.
Col Burt : L'équipe de mentorat fait partie des opérations. Pour la formation, on revient dans la zone sécurisée. On n'en sort pas et on ne fait que de la formation. Ce n'est pas ce que nous appellerions du pur combat, mais ça se passe quand même dans une zone dangereuse.
Le sénateur Mercer : Merci d'être ici, colonel.
Je veux vous poser une question que j'ai posée plus tôt à l'autre témoin, le brigadier-général Labbé. Il a parlé de la formation que nous offrons à la brigade afghane. La question que je lui ai posée, c'est : combien de brigades faudra-t-il pour faire de l'Afghanistan un pays stable?
Pouvez-vous répondre à cette question? Dans combien de temps les Afghans pourront-ils assurer leur propre sécurité? Combien de brigades faut-il encore former avant que la sécurité soit assurée?
Col Burt : C'est une question de nature hypothétique dans un sens parce que, lorsque nous stabilisons une région donnée et que la police devient plus efficace, alors la brigade en question peut aller assurer la sécurité ailleurs. Je ne peux pas répondre à cette question en vous donnant des chiffres précis. Je sais que la première étape, c'est des unités de l'Armée nationale afghane avec la Police nationale afghane. Lorsque le nombre de policiers augmente, il y a un contre- balancement. Chaque province est aux prises avec des problèmes différents, alors je ne connais pas les chiffres exacts. Il est certain que le général Bashir aurait aimé avoir une autre brigade dans la région où il se trouvait. Selon lui, il y aurait dû y avoir deux brigades nationales à Kandahar, mais c'est hypothétique. Il est important que l'Armée nationale afghane soit présente dans la région où nous étions.
Le sénateur Lang : Je me réfère à une déclaration à la presse publiée le 29 avril dans le Washington Post et qui a aussi trait à la sécurité. Pouvez-vous expliquer où nous avons commencé il y a trois ans, où nous en sommes aujourd'hui et vers où nous nous dirigeons? Selon l'article, il y a 121 districts en Afghanistan qui sont considérés comme étant essentiels pour gagner la guerre, dont 29 sont vus comme étant en faveur du gouvernement et 48, en faveur des talibans, alors que les 44 qui restent attendent de voir de quel côté le vent va tourner.
Au cours des trois dernières années, le nombre de districts en faveur du gouvernement est passé de cinq ou dix à 29. Qu'allons-nous faire pour arriver à ce qu'une majorité de districts soient en faveur de l'OTAN et la cause nationale afghane? C'est une source de préoccupation. Je ne voudrais pas être candidat à une élection là-bas en ce moment.
Col Burt : Je peux vous parler de la région de Kandahar. N'oubliez pas que, lorsque les Canadiens sont arrivés en Afghanistan en 2006, il y avait environ 500 soldats dans l'Armée nationale afghane. Le groupement tactique canadien était seul dans une région de 1 500 kilomètres carrés plus la ville de Kandahar. De 2006 à 2009, en gros, nous protégions une mince ligne rouge. Je disais que nous devions arracher la mauvaise herbe et rentrer dans nos quartiers. Elle repoussait, alors nous sortions et l'arrachions de nouveau. Grâce à l'accroissement du nombre de soldats, nous pouvons commencer à prendre des mesures anti-insurrectionnelles adéquates, ce que nous ne pouvions pas faire avant 2009.
Nous avions six kandaks dans la région en 2009, ce qui équivaut à 3 500 soldats de l'Armée nationale afghane, plus le groupement tactique canadien et la brigade tactique américaine, c'est-à-dire encore 3 000 soldats, dans la même région. D'après ce que je sais, on a presque doublé ce chiffre depuis que je suis rentré. Avec cette quantité de soldats, nous pouvons commencer à nous concentrer sur les gens. Avant, nous partions après avoir chassé l'ennemi, mais il revenait. Aujourd'hui, nous vivons dans les villages avec les gens, avec les soldats de l'Armée nationale afghane, avec les agents de la Police nationale afghane et avec les membres des forces de coalition.
Les gens nous montrent où se trouvent les IED. Nous en trouvons plus de 80 p. 100 avant qu'ils n'explosent. C'est une proportion très élevée. Vivre parmi les gens crée le sentiment de sécurité nécessaire. C'est ce que nous faisions lorsque je suis parti, et, d'après ce que je sais, les choses évoluent de la même façon sur le plan de la contre-insurrection dans la région de Panjwaii, où nous nous trouvions. Un mois après mon départ, un groupement tactique est allé chasser les talibans d'un village, mais ils étaient déjà partis. Les aînés ont montré aux soldats canadiens où se trouvaient les IED dans le village, où les soldats canadiens vivent aujourd'hui avec les soldats de l'Armée nationale afghane. Cette présence est nécessaire pour assurer la stabilité. Sans elle, les gens ont peur, parce que, lorsque les soldats ne sont pas dans le village, les talibans reviennent la nuit et commettent des meurtres. Notre présence a vraiment changé les choses.
La présidente : Des Américains nous ont dit que c'est nous qui faisons le mieux ce travail parce que nous sommes en mesure de nous déplacer en petits groupes. Bon nombre de pays, y compris les États-Unis, ne peuvent pas faire cela. Je parle d'envoyer trois ou quatre personnes dans un village pour qu'elles y demeurent avec les gens.
Col Burt : Je crois que les Américains sont en train d'apprendre à le faire. Le général McChrystal fait des pressions en ce sens. Après mon départ, on a jumelé des Américains avec les Canadiens à tous les niveaux pour qu'ils puissent apprendre comment nous procédons dans les villages. Leur degré de tolérance au risque est différent, mais un certain nombre d'entre eux accompagnaient quatre membres de l'Armée nationale afghane. Je pourrais être accompagné de deux membres de l'Armée nationale afghane, mais, à l'époque, il fallait que ce soit quatre. Je pense cependant que ça a changé.
Le sénateur Lang : Selon votre estimation et vos connaissances, diriez-vous que les chiffres que j'ai cités tout à l'heure sont assez proches de la réalité?
Col Burt : Je ne pourrais vraiment pas vous répondre.
Le sénateur Segal : Je vais vous demander de répondre en tant que directeur, Analyse de la sécurité future, c'est-à- dire le poste que vous occupez actuellement. Quelle est l'importance de l'Afghanistan par rapport à la sécurité du Canada en ce moment? Un témoin que nous avons entendu, le brigadier-général à la retraite W. Donald Macnamara, nous a dit que les forces alliées canadiennes étaient présentes dans cette partie du monde depuis très longtemps pour des raisons historiques justes, importantes et convaincantes.
Dans le cadre de votre nouveau rôle, vous devez envisager de façon générale la place qui revient à l'Afghanistan et tout le processus nucléaire d'Afghanistan et du Pakistan. Avez-vous une opinion là-dessus? Est-ce encore un enjeu fondamental, ou est-ce que son importance va diminuer avec le temps?
Col Burt : Dans le cadre de mon poste actuel, je n'examine pas les événements qui se déroulent dans chacun des pays. J'envisage plutôt l'avenir et ce dont nous pourrions avoir besoin dans 20 ans. Beaucoup de choses peuvent changer en 20 ans. Je ne peux pas dire que j'ai une opinion sur cette question d'intérêt national.
Le sénateur Segal : Selon vous, est-ce que la capacité que nous avons mise au point en Afghanistan grâce à vos services et à ceux d'autres excellents officiers, gradés, hommes de troupes et sous-officiers, entre autres, est nécessaire pour notre planification en matière de sécurité, compte tenu non pas de ce théâtre d'opérations en particulier, mais plutôt d'autres théâtres d'opérations qui pourraient devenir importants pour nous?
Col Burt : Je termine toujours mes séances d'information en énonçant le fait que le mentorat, c'est la formation et le combat. Les soldats canadiens sont d'excellents mentors. À mon avis, le principe de l'ELMO serait un excellent principe à appliquer à d'autres États en déroute ou États non viables. Oui, ce principe devrait être conservé.
Le sénateur Dallaire : J'ai déjà reçu des rapports selon lesquels les batteries de mon régiment avaient tiré entre 4 000 et 6 000 coups de pièce d'artillerie sur une période de six mois à l'appui des opérations, dans notre région seulement. Dans le contexte du mouvement d'accroissement de la capacité, prévoyez-vous que l'Armée nationale afghane et les forces américaines maintiennent l'intensité des combats ou prévoyez-vous un déclin au cours de l'année et demie qui vient?
Col Burt : Au cours des deux ou trois derniers mois, j'ai remarqué qu'on utilise beaucoup moins l'artillerie dans la zone que nous avons stabilisée. En dehors de cette zone, surtout dans la région de Zari et de Panjwaii, il faudra encore arracher beaucoup de mauvaise herbe.
Le sénateur Dallaire : Est-ce que ça va continuer pendant longtemps?
Col Burt : Ça va continuer jusqu'à ce que nous ayons suffisamment de gens pour assurer une plus grande stabilité. N'oubliez pas que bon nombre de ces actions ont eu lieu à l'extérieur de la province de Kandahar, où nous avons l'appui de 85 p. 100 de la population. C'est à l'ouest qu'elles se sont déroulées, dans une région où la majeure partie de la population est pro-talibans. C'est une région très instable. En ce moment, nous essayons de protéger les 85 p. 100 en question. Cependant, une bonne partie de l'action va avoir lieu dans cette région à l'ouest de Kandahar pendant un certain temps, quoique je ne puisse pas vous dire pendant combien de temps. Ce sera jusqu'à ce qu'on commence à comprendre que le vent tourne.
La présidente : Nous vous avons posé des questions difficiles, alors je vais vous poser la dernière.
Pouvez-vous nous dire ce que sont les talibans selon vous? Nous utilisons tous cette expression générale, mais vous, vous les avez vus de près. Pouvez-vous nous donner quelques précisions par rapport à cette zone grise?
Col Burt : D'après mes lectures et mes recherches, il y en a différents types. Il y a des étrangers, des jeunes qui viennent des camps de réfugiés du Pakistan et qui ont subi un lavage de cerveau et ceux qui sont devenus combattants par accident. Il y a des jeunes, même dans les villes nord-américaines, qui ne voient pas la différence. Ils pensent que faire partie d'un gang pour pouvoir tirer sur les membres de la coalition est une bonne chose. Nous les mettons tous dans le même sac, mais un soldat doit repérer l'ennemi parmi eux. Certains talibans sont des jeunes qui ne savent pas ce qu'ils font. Ils se rendent peut-être compte que les choses vont mal, mais ils pensent qu'ils doivent faire partie du groupe simplement parce qu'ils en font partie. Ils n'ont pas de vue d'ensemble de la situation, et il y a un certain lavage de cerveau, par exemple lorsqu'on leur dit que nous sommes des Russes ou des envahisseurs. Il y a le lavage de cerveau et les combattants étrangers, alors c'est un mélange d'éléments. Je ne peux vous donner de chiffres ou quoi que ce soit d'autre, mais c'est un mélange. À l'heure actuelle, nous les appelons « les talibans » ou « l'ennemi ».
La présidente : Des trois camps, lequel est le plus dangereux pour nous sur le terrain?
Col Burt : Quiconque a un fusil est dangereux.
La présidente : Bien dit. Merci d'avoir pris le temps de venir ici et merci de vos commentaires. Ça a été très utile.
Le colonel Burt est actuellement directeur, Analyse de la sécurité future. Nous allons l'inviter de nouveau lorsque nous aurons déterminé de quoi nous avons besoin et ce que nous allons faire au cours des 15 ou 20 prochaines années. Il est récemment rentré d'Afghanistan, où il a servi à titre de commandant de l'Équipe de liaison et de mentorat opérationnel, l'ELMO, dans la province de Kandahar.
Merci de votre travail.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)
(Le comité reprend ses travaux en séance publique.)
La présidente : Nous allons un peu changer de sujet. C'est avec grand plaisir que nous recevons le général Victor E. Renuart, qu'on appelle habituellement Gene, de la United States Air Force, l'USAF. Il témoigne cependant aujourd'hui à titre de commandant du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, NORAD, et du United States Northern Command, NORTHCOM, dont les quartiers généraux se trouvent à la base aérienne de Peterson, au Colorado. Nous allons vous rendre visite en juillet, si vous êtes toujours là-bas.
Le général Renuart est entré dans l'USAF en 1971, et il a entre autres commandé le 76e Escadron d'appui tactique durant les opérations Bouclier du désert et Tempête du désert et supervisé la planification et l'exécution de toutes les opérations de combat interarmées et alliées pour les opérations Enduring Freedom et Iraqi Freedom. Le général Renuart commande la NORAD et le NORTHCOM depuis le 23 mars 2007.
Nous avons déjà entendu le témoignage du lieutenant-général Duval, commandant adjoint du NORAD, et nous allons donc maintenant adopter un point de vue global et commencer.
Avez-vous une déclaration préliminaire à faire?
Général Victor E. Renuart, USAF, commandant du NORAD et du United States Northern Command, commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord : Si vous le permettez, j'aimerais faire une courte déclaration. Madame la présidente, honorables sénateurs, merci de m'offrir l'occasion de passer du temps avec vous aujourd'hui et de répondre à vos questions.
Comme cela a été mentionné, je commande le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord ou NORAD. À ce titre, je rends des comptes au chef d'état-major de la Défense du Canada, mon bon ami le général Walt Natynczyk, ainsi qu'au secrétaire américain à la défense, Robert Gates. Je suis responsable devant eux des trois principales missions du NORAD : l'alerte aérienne, le contrôle de l'espace aérien et l'alerte maritime. Je commande également le United States Northern Command, NORTHCOM, dont la mission est de défendre les territoires et de soutenir les autorités civiles.
Je vais commencer par parler un peu du NORAD. Le NORAD et le U.S. Northern Command sont des commandements distincts, mais leurs missions sont complémentaires, puisqu'ils apportent souvent leur soutien dans le cadre des mêmes événements, par exemple les Jeux olympiques d'hiver de Vancouver, les lancements de navettes spatiales et les sommets des leaders nord-américains. Notre centre de commandement intégré me permet de diriger les opérations complémentaires de ces deux commandements à partir d'un seul endroit. Mes deux commandements travaillent régulièrement et efficacement avec nos partenaires de Commandement Canada ou COM Canada.
Au NORAD et U.S. Northern Command, nous nous concentrons sur l'Amérique du Nord, mais nous devons envisager les choses du point de vue mondial. Ça inclut l'Arctique, les Caraïbes et les grands océans à l'est et à l'ouest. Nous nous concentrons aussi sur les sources mondiales de missiles lancés à partir d'un avion, d'armes nucléaires, de menaces terroristes et d'autres véhicules et moyens utilisés pour menacer le territoire canadien et le territoire américain. Ces menaces peuvent venir de partout dans le monde et de tous les milieux : l'air, la terre, la mer, l'espace et le cyberespace.
Le NORAD a appris le 11 septembre 2001 que sa tactique ou sa façon de faire les choses habituelle, c'est-à-dire de regarder vers l'extérieur, ne suffisait plus. Depuis ce jour, non seulement le U.S. Northern Command et Commandement Canada ont été créés, mais le NORAD a également été transformé. Aujourd'hui, nos relations de travail et d'échange d'information avec NAV CANADA et la Federal Aviation Administration des États-Unis, la FAA, sont beaucoup plus étroites. Le NORAD a beaucoup plus de centres d'alerte relative à la souveraineté aérienne qu'auparavant, et il aura bientôt atteint sa pleine capacité opérationnelle dans le cadre de sa mission d'alerte maritime. Le NORAD entretient une collaboration étroite avec le U.S. Northern Command et Commandement Canada dans le but d'accroître l'interopérabilité, l'échange d'information et de renseignement, le commandement et le contrôle en collaboration et des exercices de soutien mutuel touchant toute une gamme d'activités, afin de mettre l'accent sur l'Arctique.
Aujourd'hui, des activités d'alerte et de contrôle aérospatiaux demeurent stables. En 2009, le NORAD a relevé 1 789 pistes intéressantes, c'est-à-dire des cas d'avions ne respectant pas les règles de navigation. Nous avons interrompu le vol de 93 de nos chasseurs qui, à ce moment-là, pouvaient par exemple être en train d'effectuer une patrouille aérienne, pour intercepter ces avions, et nous avons fait décoller immédiatement 98 autres avions à partir de leur position d'alerte pour intervenir à l'occasion d'incidents distincts. Dans les régions en question, nous avons procédé à 59 interceptions, et, dans certains cas, l'avion a été escorté jusqu'à un aéroport civil et confié aux autorités concernées.
Comme le NORAD et le NORTHCOM sont des commandements opérationnels militaires, et non des sources de politiques ou de financement nationales pour le gouvernement du Canada ou pour celui des États-Unis, je vais essayer de parler de l'avenir du NORAD strictement du point de vue des opérations.
Les vieux chasseurs, avions ravitailleurs et avions d'alerte et de contrôle utilisés actuellement répondent adéquatement aux besoins opérationnels découlant de la mission de souveraineté aérienne du NORAD. Cependant, la réfection de ces vieux avions sera essentielle pour que le NORAD continue de connaître du succès.
Ce n'est pas mon rôle, comme commandant du NORAD de dire aux forces armées canadiennes ou américaines quels avions elles doivent fournir, mais c'est par contre mon rôle de préciser nos besoins opérationnels futurs, et je l'ai fait auprès des forces armées des deux pays. De même, pour l'avenir, nous devons régler le problème de l'absence de capacités de défense aérienne et contre les missiles de croisière intégrés pour faire face à la menace provenant des avions volant à basse altitude, des avions sans pilote et des missiles de croisière.
Au cours de la dernière année, le NORAD et le U.S. Northern Command, en étroite collaboration avec Commandement Canada, ont travaillé ensemble au sein de l'American Joint Air Defense Operations-Homeland Joint Test Team, qui est responsable, sur le plan opérationnel, de l'élaboration des tactiques, des techniques, des procédures et des exercices concernant un système de défense aérienne intégrée déployable. Parmi les autres initiatives en cours, il y a le renforcement du rôle du NORAD dans l'avenir quant à l'information sur le domaine aérien intégré. La Next Generation Over-the-Horizon Radar Technical Risk Reduction Initiative est l'un de nos programmes principaux cette année, tout comme un Service Life Extension Program ou SLEP concernant les radars à longue portée. Enfin, la mise au point d'un processus de collaboration entre les organismes pour la gestion de l'interférence radar, par exemple celle qui vient des parcs éoliens, est devenue une initiative clé pour nos commandements.
Notre processus d'étude des trois commandements a montré clairement qu'il y a encore des possibilités d'expansion du mandat du NORAD. Il y a entre autres la sécurité aérienne, qui est assurée de fait dans le cadre de la mission de défense aérienne du NORAD, et la surveillance maritime. Ce sont des domaines où les gouvernements du Canada et des États-Unis cherchent à accroître l'avantage depuis longtemps établi de la collaboration dans le cadre du mandat du NORAD.
À la suite de réalisations comme le Plan d'appui aux autorités civiles du U.S. Northern Command et de Commandement Canada, que nous avons approuvé en février 2008, le commandant de Commandement Canada et moi avons approuvé la Vision de trois commandements, la Stratégie de communication des trois commandements et le Cadre d'amélioration de la coopération militaire entre le NORAD, l'USNORTHCOM et le COM Canada. Nous avons élaboré une stratégie des trois commandements pour la concrétisation de cette vision, entre autres mesures pour les prochaines années.
Les trois commandements travaillent en étroite collaboration pour donner de l'expansion à notre programme d'exercice de collaboration dans le domaine maritime et dans l'Arctique. À titre d'exemple, le U.S. Northern Command a accepté l'invitation du Canada à participer à l'Opération Nanook au cours de l'été 2010.
Enfin, j'aimerais mentionner, pour vous donner une petite indication de l'importance du NORAD aux États-Unis, qu'il y a quelques jours seulement, le 28 avril 2010, plus précisément, j'ai eu l'honneur de présider la cérémonie d'inauguration du nouveau corridor du NORAD et de son exposition permanente dans les corridors du Pentagone. L'exposition porte sur les opérations menées par le NORAD, sur les succès qu'il a connus et sur la naissance du lien durable qui permet d'assurer la protection du Canada et des États-Unis depuis près de 52 ans. Madame la présidente, merci de m'avoir offert l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui. Je remercie le Canada de son appui au NORAD, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
La présidente : Merci.
Le Canada a décidé de ne pas prendre part au programme de défense antimissiles balistiques du NORAD. Nous parlons maintenant de visions et de stratégies des trois commandements. Les choses n'étaient-elles pas plus simples lorsqu'il y avait seulement le NORAD?
Gén Renuart : Ces relations reflètent le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. À certains égards, les choses étaient plus simples dans le bon vieux temps, si on veut, c'est-à-dire pendant la Guerre froide, quand le monde pouvait facilement être divisé selon l'axe est-ouest. Aujourd'hui, les menaces qui planent sur chacun de nos pays viennent de toutes sortes d'acteurs qui sont des États-nations ou qui n'en sont pas.
L'étude des trois commandements, par exemple, était une manière de reconnaître que le monde sera plus difficile à saisir dans l'avenir. Nous voulions trouver des façons plus efficaces de collaborer dans l'ensemble de ce vaste spectre.
En ce qui a trait à la défense antimissiles, nos deux gouvernements ont eu des discussions sur les détails de ce sujet ou ont choisi de ne pas en tenir. Cependant, à nos quartiers généraux opérationnels, chaque jour, ce sont les éléments mêmes qui ont contribué au succès du NORAD pendant 52 ans — c'est-à-dire la détection des missiles balistiques — qui sont essentiels pour me fournir, dans le rôle que je joue aux États-Unis à l'échelle nationale, la capacité de réagir en cas d'attaque de missiles contre l'Amérique du Nord.
Le sénateur Dallaire : Vous avez parlé de l'alerte maritime. Ma question concerne vos deux postes. Le NORAD est un commandement aérospatial, et non un commandement de défense aérienne. C'est lié à la question de l'infrastructure spatiale et de la collecte de renseignements auprès de diverses sources, qui m'intéresse beaucoup. Vous avez maintenant aussi une responsabilité quant à la surveillance terrestre.
Avez-vous, par exemple, la capacité de faire décoller immédiatement des avions de la marine et du Corps des Marines des États-Unis dans le cadre de la surveillance maritime? Au NORTHCOM, avez-vous le pouvoir d'établir des règles d'engagement et de déployer des forces terrestres avec votre collègue du Canada?
Gén Renuart : Sénateur, vous touchez un point important. Lorsque nous nous défendons contre une menace, peu importe si elle est d'origine aérospatiale ou maritime, la fusion des capacités de renseignement est essentielle au succès.
Depuis quelques années, nous cherchons de plus en plus activement de meilleures façons d'échanger du renseignement — je parle principalement du domaine maritime, parce que c'est un bon exemple d'une nouvelle mission — au sujet de prétendues « menaces » dans le domaine maritime. Cela suppose que nous comprenions d'où proviennent ces menaces. Le « nous » désigne les trois commandements, c'est-à-dire le U.S. Northern Command, le NORAD et Commandement Canada.
Aujourd'hui, il s'agit moins de la possibilité qu'un ancien membre du Pacte de Varsovie lance sa marine contre nous — quoique nous ayons déjà vu ce genre de choses — que de la prolifération des armes qui pourrait permettre à une arme à effet de masse d'aboutir dans l'un de nos ports sur un navire marchand.
Ainsi, nous avons commencé à donner de l'ampleur à ce processus de collaboration à l'égard du renseignement dans le secteur privé, dans une certaine mesure, pour échanger de l'information avec les entreprises de navigation commerciales au sujet des ports où leurs navires vont et de leurs membres d'équipage. C'est comparable à ce qui se passe dans le secteur de l'aviation commerciale.
C'est un processus qui prend de l'ampleur. Le National Maritime Intelligence Center ou NMIC, qui est dirigé principalement par la marine et la Garde côtière américaine, échange régulièrement de l'information avec la marine canadienne et avec Commandement Canada au sujet de navires suspects en mer.
Dans le cadre du rôle que je joue aux États-Unis, je peux demander au secrétaire à la Défense de déployer des forces dans le domaine maritime. Pour ce qui est des airs, nous continuons d'utiliser principalement nos forces aériennes d'alerte du NORAD, parce qu'elles sont facilement accessibles. En ce moment, la marine et le Corps des Marines des États-Unis ne sont pas véritablement en alerte. Ça ne m'empêcherait pas de demander, si, par exemple, je savais qu'il y avait un groupe d'intervention — porte-avions en mer, au secrétaire à la défense de me remettre temporairement le commandement opérationnel de ces ressources.
Les règles d'engagement deviennent cruciales, surtout lorsqu'on commence à envisager une action contre une cible non militaire dans le cadre de l'application de la loi. Nous avons pris la décision de ne pas systématiquement nous accaparer les avions disponibles. Pour cette raison, nous voulons que nos équipages reçoivent une formation sur les règles d'engagement et sur les règles d'utilisation de la force. Nous voulons nous assurer de disposer d'un mécanisme pour transmettre les renseignements à ces équipages de façon efficace.
Je ne suis pas limité par les pouvoirs. C'est une fonction du dialogue avec les dirigeants du pays quant à l'intention du pays d'agir à l'égard de certaines de ces nouvelles menaces qui peuvent faire surface.
Le sénateur Dallaire : Je suis heureux d'entendre que les mesures de lutte contre les drones et les missiles de croisière à longue portée intéressent maintenant le NORAD et d'autres commandements sur le plan technologique. La formation de vos forces de première ligne et spécialisées pose un dilemme important, sur les plans éthique et moral, aux personnes qui doivent ouvrir le feu sur une cible civile.
Au sein de votre commandement, avez-vous la responsabilité de résoudre ces dilemmes éthiques et d'offrir une formation spéciale, ou est-ce que ça fait partie de la formation de vos pilotes dès le départ?
Gén. Renuart : Une formation de base est offerte à tous les membres d'équipage d'aéronefs des deux côtés de la frontière — au Canada et aux États-Unis — sur les règles d'engagement et les règles d'utilisation de la force. Nous modifions la formation en fonction de la mission particulière des deux pays par rapport à la souveraineté aérienne. Tous les pilotes qui sont en alerte ou qui sont appelés à participer à ces missions ont subi une évaluation fondée sur leur compréhension de ces règles d'engagement. Je peux dire sans craindre de me tromper que les deux pays ont consacré le temps nécessaire à la préparation aux répercussions juridiques et personnelles de la participation à ce genre d'opération.
La formation ne rend pas la tâche plus facile. J'ai la responsabilité de formuler une recommandation dans les deux pays au nom du NORAD à l'intention du chef d'état-major de la Défense ou du secrétaire à la Défense quant à l'interception ou à l'engagement ou, en dernier recours, au fait d'abattre un avion de ligne. Je n'ai pas hâte que ce jour arrive; j'espère que ça n'arrivera jamais. Cependant, c'est une décision qui sera prise par chacun des pays, et non par le pilote ou par le commandant concerné.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Dallaire a posé une question au sujet de l'alerte maritime qui m'a intéressé.
Premièrement, j'ai une note ici — et je ne cherche pas à trouver des problèmes là où il n'y en a pas — selon cette note, donc, de l'avis d'au moins un capitaine de la marine canadienne, tout le monde est d'accord pour échanger davantage d'informations, et c'est une excellente chose à faire, mais nous avons de la difficulté à trouver comment le faire. Êtes-vous d'accord avec ça?
Deuxièmement, que pensez-vous de la mise à l'épreuve plus intense, par la Russie, des moyens de défense du NORAD, surtout dans le Nord?
Gén Renuart : D'abord, au sujet de l'échange d'information, je pense que c'est au cœur de tout ce que nos deux pays font ensemble. Je vis des frustrations sur le plan technique parce que je ne peux pas toujours faire en sorte que mes membres d'équipe canadiens et américains puissent utiliser le même système informatique. Notre réseau, le SIPRNet —Secret Internet Protocol Router Network — existe en version diffusable. Nous sommes en train d'effectuer un travail technique visant à ce que le bon logiciel soit installé de façon à ce que les outils de planification dont nous avons besoin tous les jours soient accessibles.
Cela dit, aux États-Unis, nous devons régler le problème particulier qui est de déterminer quels sont les civils qui doivent prendre part à cet échange d'information aussi, et nous sommes en train de tenir le débat intéressant, du côté civil, sur la participation régulière de nos partenaires militaires les plus proches à cet égard.
Le sénateur Meighen : Est-ce que la divulgation d'information à des étrangers pose problème aussi, ou est-ce que l'entente relative au NORAD prévoit cela?
Gén Renuart : Nous avons vraiment peu de problèmes quant au relais de l'information entre nos partenaires américains et canadiens. C'est quelque chose que j'ai fait très souvent. Lorsque je possède de l'information que je considère comme importante pour le chef d'état-major de la Défense, ou encore pour mon adjoint canadien, je les fais venir et je les informe. En passant, il y a aussi au quartier général de l'information qui n'est accessible qu'aux Canadiens, mais nous avons trouvé une façon de nous assurer que les gens ont l'information dont ils ont besoin des deux côtés.
Ma frustration vient de l'aspect technique, et non de la volonté des pays ou de notre volonté sur le plan opérationnel. Cependant, c'est frustrant — je vais utiliser mon domaine maritime comme exemple — lorsqu'un excellent commandant canadien et un excellent commandant américain très compétents sont côte à côte et que nous avons deux systèmes distincts pour leur communiquer de l'information.
Je ne veux pas revenir trop loin en arrière, mais j'ai été directeur des opérations au Commandement central américain pendant toute la période qui a précédé l'intervention en Afghanistan, puis, par la suite, en Irak. L'une des choses vraiment frustrantes, à l'époque, c'était l'échange d'information, encore une fois, entre nos partenaires les plus proches. À un moment donné, le général Franks a dit qu'il diffusait l'information. À ce moment-là, vu l'urgence, on l'a appuyé. Maintenant que l'urgence est moins grande, les gens qui s'occupent de la sécurité informatique, et ainsi de suite, ont adopté une démarche plus délibérée.
Je vous dirais que je me consacre à cette tâche et que je continue tous les jours de faire en sorte qu'il n'y ait pas de manque d'information. Je suis convaincu qu'il n'y en a pas. En fait, ce que je constate parfois, c'est que nos services de renseignement civils se parlent et que nos services de renseignement militaires font la même chose. De temps à autre, l'un des deux ne fait pas son bout de chemin. Nous essayons de régler ça. En passant, ça arrive des deux côtés de la frontière, alors c'est difficile.
Techniquement, il existe une version de ce qu'on appelle le SIPRr, le SIPR diffusable, qui contiendra tous ces outils de planification et qui devrait être déployé dans un avenir assez proche — dans l'année qui vient j'espère. En fait, ce réseau va permettre d'éliminer les lacunes mineures qui subsistent dans l'échange d'information.
Ce que je trouve intéressant, et frustrant aussi, c'est que l'information circule bel et bien, que ce soit entre les gens de nos deux pays qui s'occupent de l'espace et qui travaillent en étroite collaboration, entre nos organismes de renseignement, qui travaillent directement l'un avec l'autre, comme nos armées, mais que, parfois, nous faisons des compartiments entre eux, et cela va nous aider à cet égard.
En ce qui concerne l'expression que vous avez utilisée, c'est-à-dire « mise à l'épreuve par les Russes », d'abord, j'ai des ressources amplement suffisantes pour composer avec ça. À mon avis, ce n'est pas une menace pour la défense nationale. Cependant, c'est clairement une intrusion et une mise à l'épreuve de notre souveraineté et de l'espace aérien de nos pays. Nous avons cherché à trouver l'équilibre entre l'époque de la Guerre froide, où c'était vu comme une menace directe, et l'idée d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'idée que nous faisons face à deux ou trois Russie différentes. Sans être trop provocateurs, nous voulons nous assurer que personne ne s'approche de l'espace aérien souverain de nos deux pays sans que nous sachions qui ces gens sont, ce qu'ils font et où ils vont. C'est cette démarche que nous avons essayé d'adopter.
En fait, notre dernière mission s'est déroulée plutôt au-dessus du pôle Nord. Des CF-18 canadiens ont intercepté les bombardiers russes dont on a entendu parler, et ceux-ci ont poursuivi leur route vers l'ouest et sont rentrés à leur base, escortés à tour de rôle par les forces américaines et canadiennes. Je ne veux pas réagir trop fortement parce que, à certains égards, nous entretenons une relation de collaboration avec l'aviation extrême orientale de la Russie. À titre d'exemple, nous allons organiser un grand exercice de lutte contre le terrorisme cet été qui s'appelle « Vigilant Eagle » et dans le cadre duquel le NORAD, les forces américaines et canadiennes et l'aviation extrême orientale de la Russie vont collaborer à la simulation d'un détournement d'avion dans les espaces aériens du Canada, des États-Unis et de la Russie. Nous allons coordonner les procédures de commandement et de contrôle nécessaires pour effectuer le suivi, dans les deux directions, c'est-à-dire de ce qui serait l'espace aérien américain vers celui de la Russie, puis de l'espace aérien de la Russie vers celui des États-Unis, et ensuite vers celui du Canada.
Il y a de réelles occasions d'engagement avec l'une des Russie. Cependant, il est prudent que nous gardions en tête que certaines choses pourraient se produire à un moment donné et faire en sorte que nous devions être plus prudents.
Le sénateur Meighen : Il semble, d'après la première partie de votre réponse concernant l'échange d'information, que la compartimentation demeure notre ennemi suprême à tous.
Gén Renuart : Oui, sénateur, des deux côtés de la frontière.
Le sénateur Cordy : Il est certain que le NORAD est un succès. Lorsque je vous entends dire que vous avez effectué le suivi quant à plus de 1 700 cibles d'intérêt, je ne suis pas sûre si je devrais être nerveuse ou heureuse que vous vous en soyez occupé. Je pense parfois que la population ne se rend pas compte du travail qui est effectué chaque jour.
Vous avez parlé de collaboration et de communication entre le Canada et les États-Unis, et je sais que vous avez été directeur de la planification au Centre des opérations aériennes de la Force multinationale de l'OTAN en Italie. Je me demandais quelle était l'ampleur de la communication et de la collaboration entre le NORAD et les alliés de l'OTAN.
Gén Renuart : Encore une fois, le monde est plus petit qu'avant à certains égards, et il est certain que les relations que nous entretenons dans le cadre de notre rôle au NORAD ont pris de l'importance aussi.
À titre d'exemple, les États-Unis ont réduit leur capacité permanente en Islande, et le centre des opérations qui était établi là-bas depuis assez longtemps n'est plus une présence permanente, et l'OTAN envoie des avions en rotation en Islande régulièrement — ils ne sont pas là en permanence — pour répondre en partie aux besoins de l'Islande en matière de souveraineté et de sécurité aériennes. Cependant, l'un des éléments de cela était l'établissement, de façon intermittente, d'une image commune de la situation opérationnelle relativement aux activités en cours dans cette région. Nous avons travaillé avec l'Islande pour lui offrir un meilleur point de vue sur la mission du NORAD de façon qu'elle puisse fusionner cela avec le Centre des opérations aériennes de la Force multinationale de l'OTAN qui s'occupe de l'espace aérien de l'Europe dans le cadre d'un rôle semblable à celui du NORAD, c'est-à-dire un rôle lié à la souveraineté et à la sécurité de l'espace aérien, pour que l'Islande puisse disposer d'une meilleure image commune de la situation opérationnelle.
Nous échangeons régulièrement de l'information sur les domaines aérien et maritime avec l'OTAN. Le Centre des opérations aériennes de la Force multinationale de l'OTAN s'occupe de ces avions russes hors zone qui longent la Norvège et qui descendent dans la zone entre le Groenland, l'Islande et le Royaume-Uni. Nous échangeons de l'information à cet égard de façon régulière, pour que nous ne soyons pas surpris, au NORAD, de constater la présence de ces avions, puisqu'ils peuvent voler dans cette région. Nous leur renvoyons ensuite l'information une fois que les avions ont fait le tour de l'Islande, si c'est leur mission, et qu'ils sont sur le chemin du retour.
Dans le domaine maritime, nous échangeons de plus en plus d'information avec le quartier général de l'OTAN. Vous vous rappelez peut-être que, il y a près d'un an, deux sous-marins russes en prétendues missions de formation ont longé la côte est des États-Unis. Avec l'OTAN, nous avons travaillé en étroite collaboration et échangé de l'information sur ce que nous savions et sur la raison pour laquelle ces sous-marins étaient là, selon nous.
Nous voyons cette relation prendre de l'importance. Je dirais aussi avec prudence que nous ne devrions pas présumer que nous pouvons remplacer la relation entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de l'entente du NORAD par notre participation à l'OTAN en général. Il est certain que l'OTAN nous a permis de suivre une formation selon des normes communes à l'ensemble des pays. C'est très utile.
La relation entre les États-Unis et le Canada dans le cadre du NORAD est unique, et c'est une relation de nature économique. C'est assurément aussi une relation de nature militaire. La relation dans le cadre du NORAD nous a vraiment permis de mettre au point bon nombre des types d'activités liées à la sécurité que l'OTAN essaie peut-être encore de mettre au point, mais à un rythme beaucoup plus lent.
Le sénateur Cordy : Je suis d'accord. Le Canada et les États-Unis entretiennent une relation unique; nous sommes très chanceux. Je crois que c'est John Kennedy qui a dit que la géographie a fait de nous des voisins et l'histoire, des amis, et je crois que c'est vrai. Cependant, le monde est en train de devenir vraiment petit, comme vous l'avez dit tout à l'heure et vous avez tout à fait raison. Le Canada et les États-Unis entretiennent cette relation dans le cadre du NORAD en particulier, mais dans d'autres domaines aussi, on ne peut pas faire fi des autres pays et de ce qui se passe.
Si quelqu'un en Islande détectait quelque chose et le signalait au NORAD, ou si le NORAD détectait quelque chose et le signalait à un allié de l'OTAN, est-ce qu'un plan déjà établi s'appliquerait? Je remplace le sénateur Banks aujourd'hui, et je pense qu'il demande tout le temps qui est aux commandes, qui dirige. Avez-vous déterminé cela en fonction de différents scénarios?
Gén Renuart : Sénateur, nous avons prévu un certain nombre de scénarios, probablement pas tous ceux qu'on puisse imaginer. Cependant, l'un des éléments réussis de notre partenariat de l'OTAN, c'est que nous avons tracé assez clairement des lignes sur les cartes, et nous faisons des exercices au fil du temps, même en période de guerre froide, pour ce qui est du transfert de l'autorité lorsqu'on traverse ces lignes. En ce qui concerne les airs, nous savons très précisément où l'autorité en matière d'action serait transmise d'une force de l'OTAN à une force du NORAD.
Dans le domaine maritime, bien entendu, pour ce qui est du passage de la partie du monde qui relève de l'OTAN à celle qui relève des États-Unis et du Canada, l'intervention en cas d'activité maritime est en fait une intervention nationale. Il n'appartient pas au NORAD d'imposer sa volonté quant à une menace dans le domaine maritime. Son rôle est plutôt de signaler cette menace de façon que chacun des pays puisse prendre des mesures unilatérales pour défendre sa souveraineté. On dirait le début d'une dispute. En fait, dans mon autre rôle, au sein du U.S. Northern Command, dans le cadre de notre partenariat avec Commandement Canada, les énoncés de mission des deux organisations étant pratiquement identiques, nous échangeons de l'information tous les jours. Vous vous rappelez peut-être, par exemple, qu'un bateau a été arraisonné au large de Vancouver, probablement l'été dernier, et qu'il y avait plusieurs réfugiés du Sri Lanka à bord.
Le sénateur Cordy : Oui, oui.
Gén Renuart : Les deux pays, par l'intermédiaire de Commandement Canada et de NORTHCOM, ont échangé de l'information sur ce navire. Des deux côtés, nous avions des ressources nous permettant de trouver et de suivre ce navire, et, lorsque nous avons constaté qu'il se dirigeait vers le Canada, NORTHCOM a continué de prendre part à l'échange d'informations, mais sans intervenir. Nous avons fourni toute l'aide possible, mais c'est Commandement Canada qui a supervisé la surveillance à longue distance et les navires qui ont procédé à l'abordage.
La relation est de plus en plus importante dans le domaine maritime, et l'Opération Nanook qui aura lieu cet été sera l'occasion pour la marine et la Garde côtière des États-Unis et la marine et la Garde côtière du Canada de continuer de raffiner ce genre d'activités.
Nous nous sommes dotés de moyens assez poussés pour échanger de l'information, mais nous cédons la responsabilité aux autorités nationales lorsque c'est approprié et tirons parti de la relation entre les pays lorsque c'est sensé. De plus, nous avons une bonne structure de commandement et de contrôle qui nous permet d'informer les autorités nationales et de nous assurer que ce sont les dirigeants des gouvernements qui prennent les décisions relatives à la souveraineté des pays. Cependant, nous sommes en mesure d'appliquer ces décisions et de tirer parti de ce qu'il y a de meilleur des deux côtés, si vous voulez.
Puis-je prendre un instant pour revenir sur une question que vous avez posée? Vous avez parlé des 1 789 cibles d'intérêt en 2009. Je veux souligner le fait que c'est quelque chose de positif. Le 10 septembre 2001, nous n'en avons repéré aucune, parce que nous ne regardions pas ce qui se passait à l'intérieur de nos frontières à l'époque; nous regardions seulement ce qui se passait à l'extérieur. Nous attendions encore les envahisseurs de l'extérieur, comme pendant la Guerre froide. Nous nous sommes rendu compte ensuite qu'une démarche intégrée en matière de souveraineté et de sécurité de l'espace aérien national était la meilleure solution pour l'avenir. Nous avons donc procédé à une restructuration. Nous avons établi des liens. Nous n'entretenions pas de liens avec NAV CANADA et avec la FAA auparavant. Aujourd'hui, les liens sont très étroits. Tous nos radars sont intégrés. Nous sommes beaucoup plus susceptibles qu'avant de repérer les irrégularités. Je vais vous donner un exemple.
Vous vous souvenez peut-être du jeune homme qui a volé un avion à Thunder Bay et a traversé la frontière des États-Unis dans l'espoir que cela équivaudrait à un suicide parce que le NORAD allait abattre son avion. À sa grande déception, nous avons un processus très bien défini, alors nous avons été au courant presque immédiatement. L'information a été transmise par nos forces canadiennes, par notre centre des opérations aériennes à Winnipeg, et nous l'avons reçue aux États-Unis, du côté sud de la frontière. Nous avons intercepté l'avion, et c'était un petit avion qui n'allait probablement pas démolir le World Trade Center, alors nous avons continué de le surveiller grâce à un processus commun d'échange d'information, de commandement et de contrôle, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il soit pratiquement en panne d'essence et que le jeune homme se rende compte que nous n'allions manifestement pas abattre son avion. Il n'a pas eu le courage de mettre fin à ses jours lui-même, alors il a atterri.
C'est ce processus bien défini que nous suivons pour que vous sachiez que nous surveillons ce qui se passe.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur ce qu'a dit la présidente au début concernant le programme américain de défense antimissiles balistiques et sur le fait qu'il y a six ou sept ans que le Canada a décidé de ne pas y participer et que les États-Unis exécutent donc ce programme seuls, en gros. C'est ce que je comprends.
Comme le monde change et que la sécurité est évidemment de plus en plus au cœur des préoccupations de tous les pays, est-ce que les États-Unis envisagent de nouveau l'idée de la participation du Canada au programme de défense antimissiles balistiques?
Gén Renuart : Il serait prématuré que j'annonce ce que les États-Unis souhaiteront peut-être faire, sénateur. Je pense que le véritable enjeu, c'est qu'il s'agit d'une décision que le Canada doit prendre comme pays, selon le point de vue que j'ai dans mon travail de tous les jours. Je vais vous donner un exemple. Lorsque la Corée du Nord a envoyé son lanceur dans l'espace il n'y a pas longtemps, nous étions à notre centre des opérations. À ma droite se trouvait le lieutenant- général Duval, et son rôle était de gérer l'alerte aux missiles et l'information sur la mission spatiale, ce qui est le rôle du NORAD depuis des années, ainsi que d'aviser le gouvernement canadien de ce qui se passait et des intentions des États- Unis.
À ma gauche se trouvait mon adjoint du NORTHCOM, qui s'occupait du volet de gestion des conséquences. S'il s'agissait en réalité d'un missile balistique, quelle était la cible? Où cette cible se situait-elle? Devrions-nous commencer à mobiliser les forces capables de gérer la situation au cas où notre système de défense antimissiles ne fonctionnerait pas bien? Dès le début, les deux ont pris part au processus.
Le lieutenant-général Duval a pleinement accès à tous les éléments de la capacité de défense antimissiles balistiques des États-Unis, mais, d'après ce que je sais, le Canada n'est pas encore tout à fait prêt à y participer.
Au cours de l'année et demie qui vient de passer, nous avons dû redéfinir le rôle de défense du territoire, parce que la menace pourrait venir d'un missile de croisière, d'un petit véhicule muni d'une section efficace en radar ou d'un véhicule aérien sans pilote. Nous avons vu des trafiquants de drogues utiliser des aéronefs ultra légers pour livrer leurs marchandises de l'autre côté de la frontière. Je suis préoccupé par le fait que ni l'un ni l'autre de nos pays ne dispose d'une capacité adéquate de défense aérienne et antimissiles intégrée. Nous avons donc lancé il y a un an et demi le processus de redéfinition de la défense pour qu'elle soit intégrée : il s'agit d'une défense aérienne et antimissiles dont la portée pourrait être vaste.
La chose la plus importante, pour moi, c'est que je dispose d'un système de commandement et de contrôle et d'information qui permettent de déterminer s'il s'agit d'un avion, d'un missile balistique ou d'un petit missile, pour que nous puissions le voir, réagir et, si besoin est, l'intercepter.
Nous avons tenu cette discussion ici et à Washington, dans nos quartiers généraux respectifs. À un moment donné, le monde a continué d'évoluer, et le Canada, à sa discrétion, pourra décider de l'orientation qu'il se donnera dans ce dossier. Je veux m'assurer que, peu importe le choix qui sera fait, il y aura toujours une manière de demeurer en contact, d'échanger de l'information et de dissiper les préoccupations concernant le mystère qui entoure la défense antimissiles.
La dernière chose que je veux dire, c'est que les missiles de la Corée du Nord ne sont pas terriblement précis. Dans un rayon de quelques centaines de milles, je ne suis pas sûr que je pourrais vous dire exactement où l'un de ces missiles tomberait. Mon rôle consiste à m'assurer que, si le missile nous menace et que nous avons la capacité de le faire, nous allons utiliser notre système de défense antimissiles pour l'intercepter. Qu'il tombe du côté nord ou du côté sud de la frontière canado-américaine m'importe peu, parce qu'il pourrait tomber de notre côté, et il menace donc le territoire américain. Voilà qu'elle est ma mission.
Il n'existe aucun processus décisionnel dans le cadre duquel on envisage le côté de la frontière où le missile pourrait tomber. Notre point de vue, c'est que, vu le manque de précision des systèmes, nous ne savons pas de quel côté il va tomber. Ainsi, nous préférons nous défendre et voir ce qui se passe ensuite.
Le sénateur Lang : Vous avez parlé tout à l'heure de l'existence de deux programmes informatiques et du fait d'essayer de tout coordonner pour que tout le monde puisse envisager la même chose et être avisé en même temps, parce que le facteur temps est extrêmement important dans ce genre de situation. Pour en revenir au programme de défense antimissiles balistiques des États-Unis, est-ce que ça vous rendrait la tâche plus facile si le Canada était un partenaire à part entière dans le cadre de ce programme?
Gén Renuart : Sénateur, je ne vais pas m'avancer là-dessus. J'arrive très bien à faire mon travail en ce moment, et je suis à l'aise avec le partenariat que nous avons. Je pense que je vais m'en tenir à ça.
Le sénateur Manning : Général, je trouve la discussion extrêmement intéressante. D'après ce que je peux voir, même après 52 ans, le NORAD continue d'évoluer et demeure à l'affût des occasions. À Terre-Neuve-et-Labrador et partout au Canada, on parle tout le temps des opérations futures de la 5e Escadre Goose Bay. Le ministre de la Défense nationale était à Terre-Neuve la fin de semaine dernière. Je demeure à moins de 20 minutes de l'ancienne base d'Argentia, qui a joué un rôle crucial en temps de guerre.
Dans le cadre de l'une ou l'autre de ces discussions, avez-vous entendu parler de lieux de défense stratégique contre les missiles, en particulier, dans le contexte de la défense de l'Arctique? Pensez-vous que Happy Valley-Goose Bay a un rôle à jouer à cet égard? Est-ce que le choix des lieux de défense stratégique fait partie intégrante de la planification? Je sais que vous n'êtes pas en mesure de me dire précisément ce que nous allons faire.
Gén Renuart : Sénateur, nous faisons cela. Je vais prendre l'exemple de la souveraineté aérienne. Évidemment, nous avons modifié la nature de notre alerte de souveraineté aérienne depuis le 11 septembre 2001, mais nous continuons de l'évaluer pour déterminer si nos stations d'alerte sont adéquates. Pendant la Guerre froide, par exemple, on n'utilisait pas un chasseur pour protéger le centre-ville de Montréal ou celui d'Ottawa; on essayait plutôt de trouver à l'aide de ce chasseur les forces qui cherchaient à nous envahir par le nord avant qu'elles ne pénètrent dans notre espace aérien.
Le 11 septembre 2001 a illustré la possibilité que la menace vienne d'un avion commercial transformé en missile. Nous devons donc examiner attentivement notre capacité de réagir aux menaces qui planent sur les régions métropolitaines. Nous y avons beaucoup réfléchi aux États-Unis. Le Canada l'a fait aussi, mais nous voulons continuer de renouveler et d'analyser notre position. Nous l'avons fait à deux ou trois reprises au cours des dernières années. Mon rôle consiste à aviser le chef d'état-major de la Défense du Canada au sujet de la vision pour l'avenir et de la position qu'il faut adopter selon nous, ainsi que de susciter une certaine réflexion. Mon rôle est non pas de dire quelle base est d'une importante capitale, mais plutôt de signaler les régions qui ont besoin d'une certaine protection. À partir de là, le chef d'état-major de la Défense et le commandant de chacun des services peuvent déterminer quelle structure de bases permet de répondre aux besoins opérationnels éventuels.
Nous voyons plus d'activités à différents endroits un peu partout dans le monde que nous aurions pu l'imaginer. Nous passons pas mal de temps dans le golfe du Mexique, aux États-Unis. Il est certain que nous envisageons la multiplication des activités dans l'Arctique. Peut-être pas tant dans le contexte de la défense nationale que dans celui de la sécurité et de la compétition touchant les ressources économiques, par exemple la pêche et les autres ressources naturelles.
À titre de commandant du NORAD, lorsqu'on me confie une mission, surtout en ce qui a trait à l'alerte maritime, mon rôle consiste en partie à essayer de présenter des recommandations claires au chef d'état-major de la Défense et au ministre de la Défense nationale concernant la meilleure façon pour nous de fournir les ressources et de les répartir. Il appartient ensuite au pays de déterminer comment il applique ces recommandations à l'égard du positionnement.
Le sénateur Mercer : Général, nous vous remercions du travail que vous faites et d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui. Je vais essayer de regrouper mes questions.
Je vais poursuivre sur le thème de l'alerte maritime. Est-ce que le NORAD a fait une analyse détaillée relativement à tous les ports importants? Je veux parler en particulier des ports canadiens et surtout de ceux de Vancouver, de Prince Rupert, de Churchill, de Montréal, de Saint John, de St. John's et de Halifax. Si cette analyse a été effectuée, sommes-nous vulnérables? S'il y a des choses à améliorer, quelles sont-elles? Sur quoi devons-nous nous concentrer?
Gén Renuart : Sénateur, la réponse courte, c'est que le NORAD ne joue pas ce rôle d'évaluation des ports en tant que tel. Le rôle du NORAD consiste à évaluer les menaces dont l'origine est à l'extérieur du pays et qui peuvent planer sur nos ports. Nous essayons d'échanger de l'information sur les activités qui donnent des résultats, de façon que les deux pays soient avantagés. Dans le cadre de ce rôle, nous travaillons en étroite collaboration avec Commandement Canada et avec les services américains pour évaluer à quels égards les ports sont vulnérables et pour mettre l'information en commun. Évidemment, ce sont les pays qui prennent les décisions quant à ce qu'ils doivent faire à partir de ces évaluations.
Nous n'avons pas examiné la situation des ports dont vous parlez, mais je suis convaincu que les gens concernés au Canada ont évalué certains d'entre eux. Nous avons constaté qu'il y a un bon échange d'information, par exemple, entre la marine américaine, la marine canadienne et la Garde côtière. Nous avons vu que la communication est bonne entre les autorités d'application de la loi quant aux questions de sécurité. Nous sommes plutôt un témoin qu'autre chose dans ce domaine. Si nous relevons quelque chose de préoccupant, nous pouvons en faire part, mais nous n'avons pas de rôle actif à jouer dans le domaine à l'heure actuelle.
Le sénateur Pépin : Advenant que le NORAD cesse ses activités, à quels autres mécanismes ferait appel le programme américain de défense antimissiles balistiques pour fournir de l'information immédiate relative à l'alerte aux missiles?
Gén Renuart : Premièrement, le NORAD ne cessera pas ses activités du jour au lendemain. C'est une ressource essentielle et précieuse pour les deux pays.
L'un de nos projets à long terme découle d'une stratégie d'investissement que nous avons mise au point pour l'installation future de nouveaux capteurs. Au départ, l'infrastructure d'alerte du NORAD était formée d'un ensemble de radars dans le monde. Aujourd'hui, nous essayons d'intégrer à cette infrastructure une meilleure technologie des satellites, de nouveaux radars plus efficaces aux endroits où nous en avons besoin, pour tirer parti de l'investissement, même dans le secteur commercial, qui vise à créer une meilleure image d'une éventuelle attaque de missiles balistiques.
Nous voulons que ce système d'alerte évolue et s'améliore au cours des prochaines années, ce qui exigera des investissements de la part des deux pays. La bonne nouvelle, c'est que les deux pays se sont engagés à faire ces investissements. Nous avons trois programmes différents qui sont axés précisément sur l'élaboration de nouveaux outils technologiques.
Le sénateur Pépin : C'est rassurant.
Le sénateur Dallaire : Quels sont vos biens d'équipement les plus vieux et qui ont le plus besoin d'être remplacés? S'agit-il des F-18 canadiens? Comme il y a davantage d'activités maintenant dans le passage du Nord-Ouest, Commandement Canada devrait-il déplacer un quartier général ou une plus grande capacité vers le nord plutôt que de procéder à un déploiement avancé?
Gén Renuart : Commandement Canada doit prendre des décisions qui le regardent, et il est certain que le chef d'état- major de la Défense prendra part à ces décisions. Je pense que, en fait, ils considèrent le Nord comme étant important. Le premier ministre a parlé clairement de l'importance du Nord. Je crois que vous allez voir l'activité s'accroître au fil du temps.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des Rangers dans le Nord, et j'ai été extrêmement impression par ce qu'ils font. Ils me viennent en aide relativement à mes stations radars du Nord. Ils assurent une présence là-bas. Commandement Canada va évoluer avec le temps.
Les vieux systèmes posent un vrai problème au NORAD, parce que, les deux côtés de la frontière, nous avons des systèmes d'arme qui vieillissent. En fait, je dirais que les F-18 canadiens, dont le programme de modernisation à mi-vie est presque terminé, sont probablement les avions les plus modernes dont je dispose. Nos F-16 et F-15 américains sont plus vieux que la majeure partie des F-18 canadiens que nous utilisons, et nous devrons tous les remplacer à un moment donné.
Aux États-Unis, nous allons remplacer tous ces avions — les F-15 et les F-16 — par le F-35, lorsqu'il sera déployé. Nous utilisons le F-22 à certains endroits pour l'alerte aérienne, surtout en Alaska, mais il n'y a pas que la force de chasse dont les systèmes vieillissent. Nos stations radars sont aussi très vieillissantes, et il va falloir que nous les remplacions, comme nous en avons déjà parlé. D'ici 2017 ou 2018, nous devrons avoir mis en place un programme d'acquisition pour les remplacer.
En ce qui concerne nos avions ravitailleurs, le Canada a investi dans une nouvelle technologie. Ça a très bien fonctionné. J'espère que les États-Unis concluront bientôt un marché pour que nous puissions renouveler notre flotte. Cependant, notre système aéroporté d'alerte et de contrôle ou AWACS — le E-3 — commence de plus en plus à vieillir.
Tout cet équipement doit être remplacé au cours des années qui viennent, d'ici peut-être 2022. C'est une préoccupation pour moi. Nous continuons d'insister là-dessus auprès des deux gouvernements pour nous assurer de ne pas perdre cette mission de vue, du moins tant que nos pays croient qu'elle est importante. Je pense que cela va se produire bien au-delà de 2020.
Le sénateur Dallaire : Et les P-3?
Gén Renuart : Les P-3 ne relèvent pas directement de mon rôle au NORTHCOM. Je peux demander de l'aide au besoin. Ils peuvent être appelés à intervenir dans le cadre d'une mission s'il y a un besoin précis.
Par exemple, les P-3 qui ont été utilisés dans le Pacifique pour trouver le bateau dont nous avons parlé relevaient en fait de la relation entre le NORTHCOM et Commandement Canada, plutôt que du NORAD. Ils étaient dirigés par le pays. Nous en étions assurément conscients, et nous avons effectué le suivi, et nous recevons de l'information de leur part. Cependant, ces opérations relevaient en fait de l'autorité nationale, par l'intermédiaire de Commandement Canada.
La présidente : Merci beaucoup, général Renuart. Nous aurions facilement pu passer une autre heure là-dessus. Je reviens tout juste d'Elmendorf. J'avais des questions au sujet de l'équipement que j'ai vu là-bas, ainsi que des ordinateurs.
Nous voudrions remercier le général Gene Renuart, commandant du NORAD et du U.S. Northern Command d'être venu du Colorado pour témoigner devant nous aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de venir.
Gén Renuart : Merci beaucoup. M'accorderiez-vous encore 30 secondes?
La présidente : Certainement.
Gén Renuart : Je pense que, si notre Sénat fonctionne, je vais remettre le commandement du NORAD à mon successeur le 19 mai. Ça a été trois années spéciales, et encore un peu plus pour ma femme et pour moi, parce que j'ai des racines manitobaines. Mon père est né à St-Pierre-Jolys, et, comme d'autres Manitobains, il a trouvé que s'installer en Floride était une excellente idée. Cependant, trois de mes quatre grands-parents sont nés au Canada, alors ça a été pour moi une occasion unique d'être en quelque sorte de retour auprès de la famille et de prendre part à ce partenariat.
Je dois dire que les forces canadiennes font de l'excellent travail à l'étranger comme ici. Le soutien que vous offrez, et le soutien que votre pays offre à ses forces sont extraordinaires. Merci beaucoup du soutien que vous avez offert à vos militaires et à leur famille, parce que je sais que bon nombre d'entre vous font beaucoup de travail lié aux programmes destinés aux familles des militaires, et je vous en félicite.
Enfin, la première interception des bombardiers russes, lorsque nous avons dû garder nos F-15 au sol et demander que des CF-18 viennent en Alaska, a été effectuée par un pilote de chasse canadien et sa femme, également pilote de chasse et canadienne. J'ai fait parvenir une petite note au commandant russe de l'aviation à long rayon d'action. Dans cette note, je lui disais : « Nous sommes heureux de voir que vous faites des exercices. Nous sommes heureux de vous accueillir; vous n'avez qu'à vous annoncer. En passant, la jeune femme qui pilotait l'avion vous salue. » Ce n'est pas pour le compte rendu.
La présidente : Maintenant nous savons pourquoi le NORAD fonctionne aussi bien : c'était deux Canadiens qui étaient aux commandes. Merci beaucoup.
(Le comité poursuit la séance à huis clos.)