Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 11 - Témoignages du 7 février 2011
OTTAWA, le lundi 7 février 2011
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, auquel a été renvoyé le projet de loi S-13, Loi portant mise en œuvre de l'Accord cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, se réunit aujourd'hui à 16 heures pour examiner le projet de loi et étudier, pour en faire rapport, les politiques du Canada en matière de sécurité nationale et de défense (sujet : le passage de clandestins).
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue après cette petite pause. Il y a beaucoup de témoins et d'audiences aujourd'hui. Nous allons examiner plus particulièrement le projet de loi S-13, qui porte sur la mise en œuvre d'un accord cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi. Nous allons donc discuter de la collaboration entre le Canada et les États-Unis sur les voies navigables communes. C'est le projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Au cours des prochains mois, nous allons aussi examiner le projet de loi C-49, qui vise à empêcher les passeurs d'utiliser abusivement le système d'immigration canadien. Nous allons entendre plus tard aujourd'hui le témoignage du haut-commissaire de l'Australie à ce sujet, et nous pencher sur l'expérience de ce pays.
Nous reviendrons ensuite au projet de loi S-13, qui vise à mettre en œuvre le programme Shiprider, et nous entendrons les témoignages de représentants du Service de police de Windsor et de la Police provinciale de l'Ontario, qui nous expliqueront comment, de leur point de vue, tout ça fonctionne pour les forces policières locales.
Nous allons commencer par examiner la situation d'ensemble. Au milieu des années 1990, nous avons entrepris de conclure des accords de coopération transfrontalière d'application de la loi. Après le 11 septembre, on le sait, ce type d'activité a pris une grande importance pour les deux pays.
En 2005, le gouvernement du Canada, dirigé par les libéraux, et le gouvernement des États-Unis ont tenté une expérience appelée Shiprider, qui sera évoquée dans les témoignages. Des équipes mixtes de la Gendarmerie royale du Canada et de la Garde côtière américaine ont ainsi participé à des activités d'application de la loi sur des bateaux patrouillant certaines parties de la frontière maritime entre le Canada et les États-Unis. Comme les projets pilotes se sont bien déroulés, les deux pays ont signé un accord cadre visant à rendre cet arrangement permanent.
Aujourd'hui, nous entamons l'examen du projet de loi S-13, qui porte sur la mise en œuvre de l'accord cadre. Nous sommes heureux d'accueillir comme premier invité l'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique. Il est accompagné de deux collaborateurs, Graham Flack, sous-ministre délégué de la Sécurité publique Canada, et Barry MacKillop, directeur général de la Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières.
Monsieur le ministre, bienvenue. Je crois que vous souhaitez faire une déclaration préliminaire.
L'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique : Merci beaucoup. J'aimerais effectivement faire une déclaration préliminaire. Je sais que le temps est limité, et je crois que les membres du comité ont reçu copie de ma déclaration. Je vais donc vous faire part de certaines observations et nous pourrons ensuite passer aux questions.
MM. Graham Flack et Barry MacKillop m'accompagnent.
Le projet de loi S-13 permettrait essentiellement de mettre en œuvre l'Accord cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi, connu sous le nom de Shiprider. Ce projet a été déposé pour la première fois en 2009, puis il a été déposé au Sénat l'automne dernier sous le numéro S-13.
J'aimerais préciser qu'il s'agit en fait, comme vous l'avez mentionné, madame la présidente, de la poursuite d'un projet pilote lancé par le gouvernement précédent en 2005.
Ce programme, de toute évidence, offre aux organismes d'application de la loi la souplesse dont ils ont besoin. Le crime organisé n'a jamais considéré les frontières internationales comme un très grand obstacle à ses activités. Nous tentons de nous donner les moyens de répondre efficacement aux entreprises criminelles qui se servent parfois des frontières internationales pour échapper aux conséquences de leurs actes.
Au fil des ans, les tactiques et les méthodes utilisées pour faire passer des marchandises et des clandestins ont beaucoup évolué. Les criminels utilisent de l'équipement de pointe et divers moyens de transport, comme des véhicules tout-terrain, des petits avions et des bateaux. Cependant, les contraintes juridiques que posent les questions de souveraineté et de compétence nuisent parfois aux enquêtes des agents d'application de la loi.
Dans le but d'endiguer le flot des activités criminelles, le Canada et les États-Unis ont envisagé de nouvelles façons de renforcer la sécurité à la frontière au cours des dernières années, et ils sont allés au-delà des méthodes habituelles de coopération et de coordination pour plutôt axer leurs efforts sur l'intégration. Ce changement a mené à l'élaboration du programme Shiprider.
Pour résumer, les agents qui participent au programme peuvent appliquer la loi des deux côtés de la frontière internationale. Les bateaux de Shiprider peuvent lutter contre le crime des deux côtés sans être limités par les contraintes que connaissent les services de police traditionnels. Les résultats obtenus sont impressionnants.
J'insiste sur le fait que lorsque des bateaux Shiprider sont engagés dans des activités d'application de la loi, leurs équipages sont formés d'agents d'application de la loi canadiens et américains spécialement nommés et formés pour les opérations Shiprider. Ces agents sont habilités à appliquer les lois nationales du pays où les opérations se déroulent. Lorsque des agents de Shiprider abordent un bateau soupçonné de passer des marchandises ou des clandestins en eaux américaines, les agents canadiens ont les mêmes pouvoirs que leurs homologues américains quant aux lois en vigueur aux États-Unis. Il en est de même pour les agents américains en eaux canadiennes.
Il faut aussi préciser que les opérations qui se déroulent au Canada sont dirigées par des agents canadiens d'application de la loi et qu'elles sont assujetties aux lois, aux politiques et aux procédures en vigueur au Canada. Les modalités correspondantes s'appliquent, bien sûr, lorsque les opérations se déroulent aux États-Unis.
Ces méthodes ne compromettent en aucun cas nos valeurs traditionnelles ni nos droits et libertés garantis par la Constitution. Si une personne est arrêtée ou détenue au cours d'une opération Shiprider au Canada, seules les lois canadiennes s'appliquent, et aucune personne ne peut être renvoyée du Canada, sauf en conformité avec les lois canadiennes. L'inverse, encore une fois, est aussi vrai.
Je crois que Shiprider est l'avenir de l'application de la loi à la frontière. Le programme s'éloigne des méthodes habituelles d'application de la loi, mais vu l'évolution des méthodes utilisées par les organisations criminelles, c'est, à mon avis, une nécessité.
J'ai résumé mes notes, mais je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Je crois que vous avez abordé un certain nombre de questions fondamentales.
J'ajouterai, pour ceux qui nous regardent, que ces essais se sont déroulés à Windsor, en Colombie-Britannique, et à Cornwall. Ces opérations conjointes ont lieu depuis plusieurs années déjà et remontent au Super Bowl de Détroit. Il y en a aussi eu pendant les Jeux olympiques et, de nouveau, à l'occasion du G20. Les précédents ne manquent pas.
Vendredi dernier, nous avons tous vu avec grand intérêt le président et le premier ministre signer un accord sur la sécurité du périmètre national. Comme nous le savons, nous entretenons avec nos voisins des relations commerciales d'une envergure sans pareille dans le monde, dans un sens comme dans l'autre, et des millions de personnes traversent notre frontière commune chaque année.
Constatez-vous que ces partenariats commencent à fonctionner, que la question plus large des opérations de sécurité conjointes entre nos deux pays est sur la table?
M. Toews : Nous devons veiller à ce que les Canadiens aient un accès libre et entier aux marchés américains. Je sais que la plupart d'entre nous viennent de régions qui bordent les États-Unis. Dans une circonscription comme la mienne, dans le Sud-Ouest du Manitoba, 80 p. 100 des produits manufacturés, du bétail et des porcs traversent la frontière. Il est important que mes électeurs aient accès à des marchandises et à des produits provenant d'un commerce transfrontalier licite.
En décembre 2009, immédiatement après la tentative d'attentat ratée à Détroit par un individu qui avait caché des explosifs dans ses sous-vêtements le jour de Noël, les mesures de sécurité à la frontière ont été intensifiées et les contrôles ont été resserrés. Cet épisode a coûté des milliards de dollars aux contribuables canadiens à cause des mesures que l'administration a dû prendre, et les retards occasionnés par le resserrement ont coûté beaucoup d'argent aux entreprises.
Dans le cas des tentatives d'attentat à la bombe dans des avions-cargos partis du Yémen, j'ai remarqué un changement d'attitude important de la part des Américains. Les autorités, la Force aérienne et la Défense nationale n'étaient au courant de la situation que depuis quelques minutes quand le sous-secrétaire de la Sécurité intérieure m'a téléphoné pour m'expliquer la situation et, en fin de compte, m'assurer que les États-Unis souhaitaient collaborer avec nous dans ce dossier. D'après ce que je sais, il n'y a pas eu, comme auparavant, de resserrement des contrôles frontaliers parce que, selon moi, les Américains savent que nous prenons leur sécurité au sérieux.
Je crois que plus nous participerons à des activités intégrées comme le programme Shiprider, plus il sera facile pour les Américains de nous faire confiance, et vice versa. L'enjeu essentiel est, bien sûr, la circulation transfrontalière des marchandises et des particuliers sans resserrement des contrôles. C'est un aspect important de la relation globale que nous devons développer.
La présidente : En tant que nation commerçante, nous en avons certainement besoin.
Le sénateur Dallaire : Merci, monsieur le ministre. Nous avons devant nous un projet de loi qui, dans le fond, se base sur ce qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de « services policiers axés sur le renseignement », c'est-à-dire le partage de renseignements sur une situation et sur une menace qui nous permet de réagir en conséquence. Dans ce contexte, entreprendre des actions conjointes est certainement un pas dans la bonne direction.
Le projet de loi ne définit pas bien la menace. Comme nous n'avons pas la cote de sécurité nécessaire, nous n'avons pas eu accès à l'évaluation de la menace qui est à l'origine de cette mesure. Nous en entendons parler, mais nous ne l'avons jamais vue. C'est un obstacle important à la réalisation par le comité d'un examen équitable du projet.
Toutefois, pour être plus précis, nous avons d'un côté la Garde côtière américaine, qui dépend des forces armées des États-Unis, et de l'autre, la GRC, un service policier. Comme le mentionne un des documents, notre garde côtière fait office de taxi dans le cadre de ces exercices.
Prévoyons-nous conclure un arrangement, peut-être pas comme dans le cas du NORAD, qui garantirait que les évaluations de la menace circuleront dans les deux sens et non, comme ça arrive en raison de la paranoïa de nos amis du Sud lorsqu'il s'agit de protéger leurs sources, dans un seul sens?
M. Toews : C'est une bonne question. Je vais laisser mes collaborateurs y répondre. M. Flack pourra peut-être y voir.
J'aimerais toutefois souligner que nous avons conclu récemment des ententes concernant le partage de renseignements sur le crime organisé, notamment sur les saisies de marchandises et d'argent à la frontière. Nous évaluons aussi ensemble la menace posée par les organisations criminelles qui sont actives à la frontière. Je l'ai annoncé conjointement avec la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano. C'est pourquoi je vous en parle.
Votre préoccupation me semble légitime. C'est la direction à prendre pour partager de l'information. Je crois que nous pouvons le faire dans le respect des obligations constitutionnelles et légales qui nous incombent en tant que Canadiens.
Graham Flack, sous-ministre délégué, Sécurité publique Canada : Sénateur, votre question renvoie à l'évolution de ce qu'était, au départ, l'idée d'une équipe intégrée de la police des frontières, ou EIPF. Cette idée n'est pas venue d'Ottawa ni de Washington; elle est le fruit de la collaboration entre deux agents travaillant de part et d'autre de la frontière entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington. Tout a commencé par le partage d'information, une simple mise en commun des renseignements que chacun recueillait sur ce qui se passait et sur les façons possibles de collaborer.
Comme l'a dit le ministre, nous évaluons maintenant ensemble la menace. C'est-à-dire que nos deux pays évaluent conjointement les menaces à la frontière, y compris les menaces associées à l'environnement marin. C'est une des raisons de poursuivre le programme Shiprider, de passer au troisième niveau, à celui des opérations conjointes. Il s'agit de passer de l'évaluation conjointe de la menace aux opérations conjointes qui permettent d'intercepter les criminels sur l'eau.
Une des choses que nous pouvons faire pour évaluer la menace est d'examiner la façon dont le projet pilote s'est déroulé. Un projet pilote de deux mois a été réalisé sur la Voie maritime du Saint-Laurent. À titre d'exemple, un million et demi de cigarettes ont été saisies, et, si je me souviens bien, 26 arrestations ont été faites dans le cadre des opérations conjointes. Pendant cette courte période d'essai des procédures, les policiers ont obtenu des résultats concrets, c'est-à-dire que des arrestations ont eu lieu et que des activités criminelles ont été contrecarrées.
Dans l'évaluation de la menace, l'environnement marin est considéré comme un problème particulièrement épineux en raison de la capacité des bateaux de passer d'un côté à l'autre lorsque surgissent des représentants des forces de l'ordre, et à cause de l'incapacité à agir de façon coordonnée.
Ce sont là les trois étapes dont vous parliez, le partage de renseignements, l'évaluation conjointe de la menace et — ce dont nous discutons aujourd'hui — les capacités opérationnelles conjointes.
Le sénateur Dallaire : Le projet de loi ne le prévoit pas, mais j'aimerais tout de même qu'il y ait entre les deux pays un échange transparent et réciproque des renseignements, qu'ils proviennent des satellites ou d'autres sources. Cette question fait partie des accords auxquels vous travaillez, ou allez travailler si le projet à l'étude est adopté, n'est-ce pas?
M. Toews : Je crois bien, oui.
Le sénateur Dallaire : La capacité des États-Unis en matière de sécurité sur les Grands Lacs et sur le Saint-Laurent est au moins 25 fois supérieure à la nôtre. Il faut beaucoup d'équipement, comme des systèmes infrarouges à vision frontale, ou FLIR, des radars, des satellites peut-être, des véhicules aériens sans pilote, ou UAV. J'imagine qu'il faudra aussi augmenter l'effectif de l'équipe actuelle de 14 ou 15 agents.
Est-ce que le coût de tout ça a été établi, et avez-vous conçu un plan d'acquisition d'immobilisations qui permettrait de répondre aux besoins créés par le projet de loi, ou est-ce que les fonds proviendront du budget actuel de votre ministère, ou encore d'un budget supplémentaire? Savez-vous quelque chose à ce sujet?
M. Toews : Absolument. Non seulement nous en savons quelque chose, mais M. Flack a des informations détaillées là-dessus.
M. Flack : Les projets pilotes n'ont pas nécessité de ressources supplémentaires. C'est-à-dire qu'ils ont été intégrés aux activités de la GRC. Celle-ci a cru bon, compte tenu de la menace, d'investir des ressources dans ces projets.
Il est vrai que les ressources dont nos patrouilles maritimes disposent sont loin d'égaler celles des États-Unis. Un des avantages de Shiprider est que nous profiterons de la grande capacité matérielle des Américains sur les Grands Lacs, puisqu'un bateau à bord duquel se trouvera un Canadien pourra intervenir d'un côté ou de l'autre de la frontière si nécessaire.
Le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme de financement; il ne fait que définir un cadre législatif permettant de réaliser des activités conjointes. Toute décision sur l'attribution de fonds supplémentaires devra faire partie d'un budget ultérieur. En ce moment, aucuns fonds supplémentaires ne sont prévus pour l'acquisition de bateaux ni la conduite d'opérations dans le cadre de Shiprider. Rien n'a été déterminé. Toute activité qui se déroulerait aujourd'hui serait financée à même les ressources de la GRC, comme dans le cas des trois projets pilotes.
La présidente : J'aimerais préciser qu'il s'agira d'une loi-cadre, d'une déclaration d'intention. Le projet de loi ne décrit donc pas tout en détail, et aucun budget ne lui est associé.
Le sénateur Dallaire : On nous présente encore une mesure législative sans savoir ce qu'elle va coûter. Ce projet a des avantages, mais si on ne peut pas se le permettre, on ne sera pas plus avancé.
Je crois que l'intégration est essentielle, tout comme l'interopérabilité, les règles d'engagement et la formation. Tout ça est nécessaire, mais si nous nous engageons dans cette direction-là, il va falloir investir. Pouvons-nous vraiment parler d'opération conjointe quand le bateau sur lequel nous patrouillons et tout l'équipement nécessaire appartiennent à l'autre partie?
M. Toews : Bon point. Toutefois, comme le soulignait M. Flack, je crois qu'au final nous tirerons profit de l'accord. Je crois aussi que les Américains veulent cet accord. Ils souhaitent obtenir la souplesse que l'accord apporterait le long de leur frontière Nord. Ils ont prouvé qu'ils étaient prêts à investir pour obtenir cette souplesse. Nous pouvons la leur fournir sans compromettre notre souveraineté, en assurant le commandement des opérations lorsqu'elles se déroulent en eaux canadiennes. Je crois bien que les Américains auront toujours plus d'argent et de matériel militaire que nous, mais les mesures envisagées sont une façon sûre d'exploiter ces ressources dans l'intérêt de notre pays.
La présidente : Nous l'avons constaté sur le terrain. Nous avons passé un moment à Windsor. Ils sont parfaitement disposés à partager, ce qui est toujours positif.
Le sénateur Segal : J'aimerais poser quelques questions d'ordre opérationnel concernant la loi, à vous ou à un de vos conseillers. L'article 18 proposé définit ce qu'est un « agent de la paix » et la façon dont il doit être traité. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais j'aimerais être assuré que tout agent de la paix canadien en service actif sur le territoire américain en application de l'accord, ou que son homologue américain en service actif sur le territoire canadien dans les mêmes circonstances, aura droit à toute la protection dont disposent les agents de la paix locaux de ce pays, c'est-à- dire droit au traitement national. Je cherche à savoir si tous les droits et privilèges dont jouissent les agents de la paix, notamment leurs pouvoirs discrétionnaires et la protection qui leur est accordée en vertu du principe de diligence raisonnable, seront consentis aux deux groupes d'agents, dans les deux pays, sans qu'une autorité puisse réduire cette protection.
M. Toews : M. MacKillop répondra à cette question. Il n'y a pas de protection supplémentaire. Les protections accordées à nos agents s'appliqueront aussi aux agents américains. Les agents américains ne seront pas davantage protégés et n'auront pas davantage d'autorité.
Le sénateur Segal : Si un agent de la GRC ou de la Police provinciale de l'Ontario prend part à une opération du côté américain et que, sans égard aux définitions ou à ce qui transparaît de l'affaire, son statut d'agent de la paix est remis en question par quelqu'un ou que des allégations sont faites le concernant, je veux être assuré que ce policier canadien en service sur le territoire américain jouira de la même protection légale qu'un policier américain aurait dans les mêmes circonstances, et non d'une protection moindre.
M. Toews : De toute évidence, nous ne pouvons ajouter une disposition à cet effet dans une loi du Parlement du Canada. Néanmoins, les lois réciproques et les autorités américaines peuvent assurer cette protection. M. MacKillop va éclaircir ce point pour nous.
Barry MacKillop, directeur général, Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada : La réponse courte est oui. Si vous avez été formé, que vous êtes nommé et que vous prenez part à une opération Shiprider ou à toute autre opération intégrée transfrontalière maritime d'application de la loi, vous avez le statut d'agent de la paix dans les deux pays.
Le sénateur Segal : Si une personne est arrêtée au cours d'une opération et que des poursuites sont engagées, ou que des avis doivent être donnés à un procureur de la Couronne ou à un procureur local relativement à une poursuite éventuelle, est-ce que le processus sera fonction du pays où a eu lieu l'arrestation, ou est-ce que le lieu où le crime a été commis peut avoir une influence sur le choix du pays ayant compétence, même si la personne a été arrêtée dans un pays différent?
M. Toews : Comme vous le savez, l'application de la loi n'est pas rigide à cet égard. Il est possible que les États-Unis demandent l'extradition d'une personne appréhendée au Canada pour qu'elle soit jugée chez eux. Le ministère de la Justice prend ce genre de décision chaque jour, sans que ça ait nécessairement à voir avec le programme qui nous concerne.
Il ne faut pas croire que si une personne est arrêtée au Canada, son procès aura inévitablement lieu au Canada, ou que si elle est arrêtée aux États-Unis, son procès aura nécessairement lieu aux États-Unis. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je dirai que, dans ces cas, des discussions ont lieu. Si, par exemple, une personne est arrêtée au Canada, mais que la plupart des témoins et des preuves sont aux États-Unis, les poursuites seront probablement engagées aux États-Unis.
Le sénateur Segal : Comme le savent probablement le ministre et mes collègues ici présents, notre conception des fouilles, des perquisitions et des saisies est un peu différente de celle de nos amis américains. Nos tribunaux sont assez modérés en ce qui concerne l'application du droit à ne pas être fouillé injustement. Si un policier, pour des motifs raisonnables, fouille le coffre d'une voiture ou la cale d'un bateau, avec ou sans mandat, et que les preuves qu'il y trouve semblent justifier son geste, nos tribunaux ont généralement tendance à considérer que l'absence de mandat ne dispense pas la personne impliquée de devoir répondre de ses actes. Les tribunaux américains ont quant à eux davantage tendance à considérer l'absence de mandat comme une défense adéquate dans ces circonstances.
Que va-t-il se passer lorsque des équipes mixtes d'application de la loi à la frontière, par exemple, poursuivront des individus sur une voie navigable? Je pose la question au ministre et à ses conseillers. Lorsqu'un Canadien est arrêté aux États-Unis, certaines règles s'appliquent concernant les fouilles, les perquisitions et les saisies, suivant la jurisprudence. Dans le cas d'un Américain en territoire canadien, ce sont nos règles qui s'appliquent, et elles découlent d'une jurisprudence légèrement différente. Avez-vous une idée de la façon dont tout ça pourra être démêlé?
M. Toews : C'est un problème qui se pose chaque jour, même lorsqu'il n'y a aucune autorité intégrée, comme dans le cas du programme Shiprider. Si nous arrêtons par exemple aujourd'hui un Américain en sol canadien et que le procès se déroule au Canada, l'admissibilité de la preuve est établie selon les lois canadiennes. Si cette personne est extradée aux États-Unis, l'admissibilité sera décidée en fonction des lois américaines. Les tribunaux américains tiennent compte de la bonne foi des agents et d'autres facteurs, y compris l'obtention ou non d'un mandat.
Je ne suis pas expert en la matière, mais ces derniers temps, j'ai remarqué que les Américains insistent moins sur la nécessité d'obtenir un mandat. Dans certains cas où la preuve est, pour ainsi dire, le fruit de l'arbre vénéneux, les Américains la jugent tout de même recevable.
Ce programme fait en sorte que les agents qui prennent part aux opérations Shiprider portent attention aux critères juridiques, peu importe de quel côté de la frontière ils se trouvent, au cas où les poursuites auraient lieu dans l'autre pays. Dans certains cas dont j'ai eu connaissance et dont on m'a fait rapport, cette question est problématique. Toutefois, comme les autorités américaines et canadiennes travaillent de concert, elles peuvent prévoir les objections qu'un tribunal américain, par exemple, pourrait soulever lorsqu'une personne est arrêtée au Canada et poursuivie aux États-Unis.
Ces questions sont en train d'être réglées, mais pas nécessairement dans le cadre du programme Shiprider. En fait, ce programme ne fait qu'accroître notre capacité à contrer les arguments juridiques du type que vous avez soulevé.
M. MacKillop : D'autre part, pour devenir des agents Shiprider et pour participer au programme, les agents doivent être nommés par les autorités, et ils ne peuvent l'être avant d'avoir suivi un programme de formation intensive fortement axé sur les différentes lois et les différents environnements avec lesquels les agents d'application de la loi devront composer.
Les agents sont non seulement dirigés et commandés par des représentants du pays hôte, mais ils ont aussi été formés à l'application des lois canadiennes, et ils savent en quoi elles diffèrent des lois américaines, et vice versa. Seuls les agents qui ont suivi la formation avec succès et qui ont assimilé la matière pourront participer à des opérations maritimes d'application de la loi.
Le sénateur Segal : La Garde côtière américaine est un organisme militaire. La Réserve navale canadienne est aussi un organisme militaire, dont les domaines de compétence sont l'assistance aux autorités civiles et la sécurité portuaire. Prévoyez-vous la participation de la réserve et de ses bateaux à cet exercice, ou est-il réservé aux forces policières?
M. MacKillop : C'est réservé aux agents de la paix.
Le sénateur Plett : Le sénateur Segal a déjà posé une de mes questions.
Monsieur le ministre, j'appuie entièrement ce projet de loi et je crois comme vous qu'au bout du compte, nous tirerons profit de cette mesure.
Vous avez mentionné votre circonscription, et j'aimerais y revenir. Comme vous le savez, c'est aussi la mienne.
M. Toews : Je suis votre député. Il se pourrait bien que je vous le rappelle dans les mois qui viennent.
Le sénateur Plett : Je vous en remercie. Vous avez mon soutien plein et entier, monsieur le ministre.
M. Toews : Merci.
Le sénateur Plett : Vous avez dit avoir des inquiétudes, que je partage, concernant notre frontière dans le Sud du Manitoba. De ma maison, je pourrais lancer une pierre au Minnesota ou en Ontario; c'est donc un plan d'eau assez important. Je sais qu'il n'est pas aussi passant que les endroits où ont eu lieu les projets pilotes. Est-ce que cette loi s'appliquera un jour à l'ensemble des cours d'eau qui comportent une frontière avec les États-Unis? Ce programme pourrait-il être étendu au sud du Manitoba et à d'autres régions?
M. Toews : Il n'y a certainement aucun obstacle à l'établissement d'une équipe du même type sur le lac des Bois dont vous parlez, qui se trouve à l'extrémité Sud-Est du Manitoba. La mesure proposée fournit un cadre législatif qui permettrait d'agir partout où des lacs chevauchent la frontière, comme dans le Sud-Est du Manitoba et bien d'autres régions de l'Ontario. D'où son importance. Il ne s'agirait plus d'un projet pilote, nous aurions pleine autorité pour mettre le programme sur pied en application de la loi.
Le sénateur Plett : Quand le programme aura eu du succès dans certaines régions, ceux qui veulent passer leurs marchandises à la frontière chercheront des endroits où les patrouilles sont moins fréquentes. J'espère donc vraiment que le programme sera étendu.
Par ailleurs, je sais qu'une fois que les cours d'eau auront été sécurisés et que le programme fonctionnera, les criminels trouveront d'autres façons de transporter leurs cargaisons. Lorsqu'ils commenceront à utiliser des motoneiges et des véhicules tout-terrain pour accomplir ce qu'ils font actuellement sur l'eau, pourrons-nous modifier la loi qui découlera du projet à l'étude de façon à étendre les activités visées à la terre ferme, ou faudra-t-il adopter une nouvelle loi?
M. Flack : Le projet de loi prévoit que dans certains cas de prise en chasse sur l'eau, les agents peuvent continuer la poursuite immédiate sur les terres avoisinantes. C'est dans la mesure proposée, mais il ne s'agit pas d'un cadre étendu qui permettrait de mettre sur pied une équipe intégrée terrestre d'application de la loi à la frontière qui pourrait accomplir ce dont vous parlez et aurait toute autorité pour intervenir. Le projet de loi s'inscrit dans le contexte de Shiprider; il accorde certaines libertés de poursuite immédiate sur la terre ferme dans le cadre de Shiprider, sans plus.
Le sénateur Plett : Il nous faudrait donc adopter une nouvelle loi pour rendre ça possible?
M. Toews : À mon avis, oui. Je suis très content que le premier ministre et le président Obama aient signé le document. Il établit le cadre nécessaire aux discussions. Suivant la réussite de l'un ou l'autre de ces programmes — et je crois que nous avons déjà obtenu un succès notable —, et grâce à la poursuite des activités en tant que programme, nous en saurons assez pour décider si les activités conjointes doivent être étendues à d'autres domaines, comme la frontière terrestre.
La présidente : Vous nous dites que le projet de loi comprend des dispositions concernant la poursuite immédiate, c'est bien ça? Si des agents poursuivent un criminel sur l'eau et qu'il débarque du côté canadien avant de s'enfuir à pied, les agents peuvent continuer la poursuite?
M. Flack : C'est ça.
La présidente : Merci.
M. Toews : Souvenez-vous qu'un agent canadien l'accompagne toujours. Dans ce contexte, je ne vois pas d'obstacle à ce que l'agent canadien reçoive de l'aide.
La présidente : Ils pourraient tous deux mettre pied à terre?
M. Toews : C'est ce que je comprends.
Le sénateur Marshall : Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire plus sur les résultats du projet pilote? D'après ce que vous disiez plus tôt, aucune ressource supplémentaire n'y a été affectée. Une des choses que nous devrons examiner est le coût du programme. J'ai cru comprendre qu'une formation intensive devra aussi être donnée aux agents qui participeront au programme.
Quels autres points l'évaluation a-t-elle permis de dégager? Pourriez-vous nous donner une idée des aspects positifs et négatifs de l'entreprise?
M. Toews : Quand j'ai été nommé ministre de la Sécurité publique, un des premiers dossiers qu'on a portés à mon attention était celui des Jeux olympiques, et l'extension du projet pilote à cette manifestation. La souplesse et les ressources supplémentaires que ça nous a apportées quant à la protection des lieux au Canada ont certainement été les bienvenues, compte tenu de l'endroit où se sont déroulés les jeux. Je crois aussi que les Américains, en collaborant de près avec nous, se sont familiarisés avec nos activités et ont pu mieux comprendre notre façon de travailler. Cette instauration d'une relation de confiance est un des points les plus importants à retenir, selon moi. Nous ne sommes pas en concurrence, nous avons plutôt des intérêts communs en ce qui a trait aux menaces, qu'il s'agisse de menaces que nous connaissons depuis toujours ou de menaces récentes, comme le terrorisme.
M. Flack ou M. MacKillop voudront peut-être ajouter quelque chose.
M. Flack : Je vais citer quelques exemples précis tirés du projet pilote, pour vous donner une idée de ce qu'ils ont réussi à saisir en deux mois sur le terrain. Je parle plus particulièrement du projet qui s'est déroulé dans la région du Saint-Laurent. Le projet pilote initial réalisé dans la région de Windsor-Détroit n'a pas mis beaucoup d'activités criminelles au jour. Il s'agissait en partie d'un essai en prévision du Superbowl, qui s'inscrivait dans le cadre des opérations conjointes.
Le projet pilote mené sur la Voie maritime du Saint-Laurent était de plus grande envergure. Selon la GRC, il a contribué à l'arrestation de 41 personnes. Un enfant enlevé a été retrouvé, et quelque 1,4 million de cigarettes, de même que 215 livres de marijuana, une certaine quantité de cocaïne, des bateaux et d'autres véhicules associés aux produits de contrebande, ont été saisis. On a le sentiment que les participants au projet de Windsor, en cherchant des moyens de résoudre certaines questions logistiques, sont parvenus à en régler un bon nombre. Ensuite, on a eu deux mois pour les mettre à l'essai sur la Voie maritime du Saint-Laurent. D'après les participants, l'argent a été bien dépensé. Je crois que la GRC a investi de 400 000 à 450 000 $ dans le projet. L'idée serait, pour les opérations à venir, de continuer à allouer les ressources en fonction des renseignements et de l'évaluation de la menace. Selon eux, le projet pilote a été un franc succès. D'après ce que j'ai entendu dire, ils ont aussi remarqué certaines manœuvres de diversion, comme l'a mentionné un sénateur. Des individus se sont rabattus sur la frontière terrestre en raison des difficultés rencontrées à la frontière maritime, ce qui a entraîné une augmentation des saisies sur terre.
Le sénateur Marshall : Quels sont les plans pour l'avenir? Il s'agissait d'un projet pilote, et il a été évalué. Une fois le programme lancé, quelle sera la fréquence des évaluations? Est-ce que quelque chose est prévu à ce sujet?
M. Flack : La GRC a réalisé ce premier projet pilote avec ses propres ressources. Compte tenu des résultats, nous croyons qu'elle continuera à fournir des ressources une fois que le cadre législatif sera en place.
Quant au plan général — on en revient à la question du sénateur Dallaire, qui voulait savoir si des ressources supplémentaires seront nécessaires pour l'acquisition d'immobilisations ou l'intégration d'autres agents —, c'est une décision qui devra être prise au moment de la préparation du budget.
Le sénateur Day : Monsieur le ministre, vos réponses nous aident beaucoup à comprendre la nature du projet de loi à l'étude. Mes questions ressembleront peut-être beaucoup à d'autres qui viennent d'être posées, mais j'aimerais mieux saisir ces différents points.
D'abord, beaucoup de personnes ont eu connaissance de la rencontre entre le premier ministre du Canada et le président des États-Unis, et, vous l'avez mentionné, la frontière entre le Canada et les États-Unis est longue, mais il est très clair que le projet de loi devant nous ne concerne pour l'instant que les frontières maritimes, sans toucher à d'autres domaines. Le sénateur Dallaire a demandé si autre chose était prévu concernant la frontière terrestre ou l'ajout d'EIPF aux points de passage de la frontière terrestre. Vous nous dites qu'aucun plan précis n'existe pour le moment à ce sujet, bien que le premier ministre ait rencontré le président. C'est bien ça?
M. Toews : Je crois que la rencontre entre le premier ministre et le président est essentielle à la poursuite des discussions. À l'occasion de discussions avec Janet Napolitano, la secrétaire à la Sécurité intérieure, on m'a clairement fait comprendre que les États-Unis ne veulent pas d'exercices sans suite ni de projets pilotes par-ci par-là; ce qu'ils veulent, c'est notre engagement en tant qu'allié quant à la direction que nous allons prendre. Prenons-nous au sérieux la sécurité des États-Unis? J'ai certainement eu l'impression, en parlant avec des employés de l'administration et des parlementaires des deux chambres, que la sécurité était tenue pour essentielle au maintien d'une relation commerciale souple et efficace entre nos deux pays.
Cet entretien entre le président et le premier ministre était important pour mettre en place le cadre qui permettra d'entrer dans les détails, qu'il s'agisse de futures mesures législatives ou d'autres ententes. Selon moi, ce projet de loi est un bon pas dans la direction souhaitée par les Américains, et il correspond à ce que nous sommes prêts à faire, maintenant que nous savons que ces activités comportent pour nous des avantages certains. J'ai pu le constater par moi-même au moment des Jeux olympiques, les Américains nous ayant fourni des ressources que nous ne pouvions tout simplement pas nous payer. Nous ne disposions d'ailleurs pas du savoir-faire nécessaire. Que l'aide soit venue des Américains, des Britanniques ou d'autres, nous avons été heureux de l'obtenir. On revient ici à ce que disait le sénateur Dallaire sur l'intégration du renseignement, qui a alors été essentielle.
La présidente : Sénateur, si vous me le permettez — M. MacKillop pourra peut-être nous informer davantage sur ce sujet — il existe d'autres programmes expérimentaux, comme NEXUS, et d'autres choses encore. Le projet de loi que nous étudions est très restreint, il s'agit de Shiprider, mais d'autres programmes existent depuis un bon bout de temps.
M. Toews : Je veux être certain que nous comprenions tous que ceci n'est pas sans rapport avec les discussions globales. C'est tout à fait compatible avec les discussions qui, je l'espère, auront lieu à la suite de la rencontre de vendredi entre le président et le premier ministre.
Le sénateur Day : Vous avez fait référence aux Jeux olympiques. À cette occasion, la marine américaine et la marine canadienne ont joué un rôle. Envisage-t-on, dans le cadre de Shiprider, d'avoir recours à elles dans certains cas, ou est- ce que les Jeux olympiques étaient une exception? Elles s'ajouteraient bien sûr à la Garde côtière américaine et à la GRC, sur qui nous avons concentré jusqu'ici notre attention.
M. Toews : Je vais laisser M. MacKillop répondre. N'oublions toutefois pas que nous ne devrions pas diviser nos ressources de manière à entraver le partage d'information avec d'autres organismes et agents d'application de la loi. Il est important que l'information circule à l'intérieur du pays, et cette division est un obstacle bien réel aux activités d'application de la loi, aussi bien ici qu'aux États-Unis. Nous prenons des mesures pour intégrer les renseignements provenant de partout au pays et de tous les organismes d'application de la loi, et nous étudions maintenant la possibilité de partager cette information avec nos alliés, selon les circonstances et dans un cadre juridique adéquat.
M. MacKillop : Le recours à l'expertise de nos forces armées et d'autres partenaires américains et les partenariats établis à l'occasion des jeux sont des exceptions particulières au contexte olympique. Dans le cadre des opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi, c'est-à-dire du programme Shiprider, nous avons plutôt recours à des agents de la paix des deux pays, jusqu'à maintenant des membres de la Garde côtière américaine et de la GRC. Des policiers provinciaux et municipaux pourraient aussi être intégrés au programme, à condition qu'ils suivent la formation et soient nommés par les autorités canadiennes et américaines, bien sûr.
Le sénateur Day : Imaginons que nous sommes à un poste frontalier situé sur un pont qui traverse une rivière. Notre comité s'est déjà penché sur ce genre de situation, où il y avait un partage d'information dans les deux sens. Je ne sais pas si quelqu'un est de garde à la barrière, ni s'il est possible de poursuivre un suspect. On revient à la question de la nomination d'une personne d'un autre pays comme agent de la paix autorisé à prendre quelqu'un en chasse. Il a déjà été question de construire un seul poste frontalier qui serait utilisé par le Canada et les États-Unis, sur la rivière Sainte- Croix, entre St. Stephen et Calais, par exemple, dans la région de la baie de Passamaquoddy. Le projet de loi ne traite pas de cette question. Ce que je viens de vous décrire n'en fait pas partie, n'est-ce pas?
M. MacKillop : En effet. Ce projet de loi ne concerne que les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi, donc les activités qui se déroulent sur des cours d'eau communs. Il traite de la collaboration entre le Canada et les États-Unis, les représentants de chacun des pays étant, lorsqu'ils ne sont pas sur leur propre territoire, sous le commandement des représentants de l'autre.
Le sénateur Day : Doit-il y avoir un bateau?
M. MacKillop : Il y a un bateau. Il est question d'agents d'application de la loi canadiens et américains en service sur un bateau. Nous avons toujours des équipes intégrées de la police des frontières, donc les équipes d'application de la loi qui collaborent actuellement en matière de renseignement resteraient actives, et les partenariats actuels continueraient aussi.
Le sénateur Day : Un agent de la Garde côtière américaine, par exemple, qui suit la formation et qui est nommé, c'est-à-dire qu'il devient un agent de la paix aux termes de la loi canadienne, est-il considéré comme un agent de la paix lorsqu'aucun Canadien ne se trouve à bord, ou lorsqu'il est témoin d'une activité qui se déroule du côté canadien de la frontière maritime?
M. MacKillop : Non. Dans le cadre de Shiprider, les agents canadiens et américains travaillent ensemble, parce que s'ils sont au Canada, ils doivent être sous la direction et le commandement d'un policier canadien. S'ils se trouvent aux États-Unis, nos policiers canadiens sont dirigés et commandés par des agents américains. Dans l'exemple que vous donnez, je suppose et espère que l'agent américain communiquerait l'information à une autorité canadienne, comme c'est l'usage, pour qu'elle puisse intervenir si nécessaire.
Le sénateur Day : Là où ça devient intéressant, c'est lorsque des agents poursuivent un suspect et traversent la frontière. Comment la direction et le commandement des opérations passent-ils d'un groupe d'agents nommés à l'autre à bord d'un bateau qui traverse la frontière?
M. MacKillop : Je suis persuadé que la GRC saurait mieux vous informer que moi là-dessus. Je n'ai pas navigué sur ces bateaux, mais d'après ce que je sais, la question est discutée à l'avance, les agents des deux pays se parlent et tentent de coordonner leurs efforts pour forcer l'autre bateau à se rendre à un endroit particulier et l'intercepter, si nécessaire. Oui, c'est compliqué; ça fait penser aux difficultés que poserait, par exemple, la traversée des ponts entre Ottawa et Gatineau si aucun protocole n'existait. Si la police d'Ottawa ne pouvait pas appeler celle de Gatineau, on se retrouverait avec les mêmes problèmes de partage d'information et de coordination des interventions. Heureusement ou malheureusement — ça dépend du point de vue — nous faisons ça quotidiennement.
Le sénateur Day : Ma dernière question sera brève. Je m'adresse au ministre. Ce projet de loi a d'abord été présenté à la Chambre des communes, où il est mort au Feuilleton, probablement à la suite d'une prorogation, avant de ressusciter dans sa forme actuelle au Sénat. S'agit-il du même texte de loi? Y a-t-il quelque chose que nous devrions savoir concernant le choix du Sénat cette fois et celui de la Chambre des communes pour la présentation du projet de loi initial?
M. Toews : Je crois qu'il s'agit simplement de décisions d'ordre administratif. Je ne suis au courant d'aucune différence d'importance ni même technique entre l'ancien et le nouveau projet de loi.
M. MacKillop : Ce projet de loi comprend des références au projet C-38, qui concerne la surveillance et dont le Parlement est actuellement saisi. C'est une différence importante. Il s'agissait au départ du projet de loi C-60, mais ce n'était pas la même chose. Le projet de loi C-38 a été présenté à la Chambre. Nous avons intégré ici toutes les références au projet de loi C-38.
Le sénateur Day : À part cette différence, est-ce au fond le même projet de loi que celui qui a d'abord été présenté à la Chambre?
M. Toews : En gros, relativement au programme, c'est le même.
La présidente : Si ce projet de loi est adopté avant le projet de loi C-38, sera-t-il nécessaire d'y ajouter plus tard une précision technique disant que le projet de loi C-38 a été adopté?
M. Toews : Oui.
Le sénateur Munson : Je rends visite à beaucoup de comités à titre de whip. Ce n'est qu'un message à l'intention des autres sénateurs libéraux.
Les Américains ont tendance à croire que les terroristes déferlent du Canada vers les États-Unis. Est-ce que l'un ou l'autre des projets pilotes Shiprider a eu des répercussions sur le monde trouble des terroristes?
M. Toews : Je n'entrerai pas dans les questions opérationnelles. C'est une discussion que nous avons sans cesse avec les Américains. Une des choses que nous pouvons faire pour établir une relation de confiance avec eux est de leur montrer que nous prenons leur sécurité aussi au sérieux que la nôtre. Ce programme nous permet de le prouver de façon concrète.
Je ne sais pas si, dans le cadre des activités du programme Shiprider, des terroristes ont été appréhendés.
M. MacKillop : La GRC ne m'a fourni aucune information concernant l'interception de terroristes, bien qu'on ait arraisonné de nombreux bateaux. Toutefois, la présence des agents, les arraisonnements et la communication jouent sûrement un rôle préventif quant à ce qui pourrait se passer sur l'eau.
M. Toews : J'ajouterai que la menace terroriste fait partie du mandat du programme Shiprider. Pour donner un exemple, le terrorisme était une préoccupation constante chez ceux qui ont participé aux activités Shiprider lors des Jeux olympiques de Vancouver. La formation et le renseignement étaient axés sur les activités liées au terrorisme.
Le sénateur Munson : Croyez-vous que ce soit suffisant pour satisfaire le sénateur Lieberman, qui a fait une remarque désinvolte à ce propos?
M. Toews : J'ai eu l'occasion de parler du programme Shiprider avec le sénateur Lieberman, et il s'est montré très intéressé. Les conversations de nos députés et de nos sénateurs avec leurs homologues américains concernant ce que nous faisons ont pour effet positif de sensibiliser les membres du Congrès et les sénateurs américains.
La question de la sécurité ne fait pratiquement pas l'objet de luttes partisanes aux États-Unis. Dans toutes les rencontres que j'ai eues, y compris avec l'administration, la principale préoccupation soulevée, que ce soit par le sénateur Lieberman — qui, si je ne me trompe pas, est toujours indépendant — ou par des républicains ou des démocrates, a été la sécurité. Il m'est clairement apparu que si nous ne nous préoccupons pas de la question de la sécurité, nos efforts pour renforcer notre relation commerciale vont achopper.
Le sénateur Munson : À votre avis, Shiprider tiendra-t-il des opérations dans les régions de l'Arctique où la frontière ne fait plus l'objet d'un désaccord?
M. Toews : C'est une bonne question. Je ne vois rien dans le projet de loi qui empêcherait une telle coopération.
Le sénateur Munson : Je vous remercie.
M. Toews : Le comité pourrait se pencher là-dessus, mais, à ma connaissance, il n'existe aucune contrainte.
La présidente : Je crois que ça a quelque chose à voir avec l'existence ou non d'eaux contestées.
M. Toews : Ce qui me tracasse c'est de savoir s'il s'applique aux eaux gelées.
La présidente : Ça rejoint la question des motoneiges.
M. Toews : C'est ce qui m'y a fait penser. Peut-on avoir un programme Shiprider pour une motoneige qui traverse l'eau?
La présidente : Ça dépend si la température dépasse le point de congélation.
Sénateur, la GRC a évalué la manière dont le programme Shiprider fonctionnait. Il y a eu un incident où un délinquant en bateau a choisi de partir de la côte américaine pour se rendre sur la côte canadienne, en se disant qu'il ne serait pas inquiété, mais il ne savait pas que Shiprider était en place et il s'est fait intercepter. Il faut aussi de l'information sur cet élément.
Monsieur Toews, monsieur Flack et monsieur MacKillop, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé, de votre franchise et de votre concision. Nous l'apprécions grandement. Nous continuerons à nous pencher là-dessus.
Nous poursuivrons l'audience en changeant un peu de direction, mais le sujet est quand même lié. M. Toews, que nous avons entendu plus tôt, parlait pas plus tard que le mois dernier de l'urgence d'un projet de loi à l'étude par la Chambre des communes, la Loi visant à empêcher les passeurs d'utiliser abusivement le système d'immigration canadien. Nous l'étudierons au cours des prochains mois.
Nous avons voulu consulter des personnes qui semblent en avance sur ce point, car elles ont testé différentes approches pour mettre fin au passage de clandestins. C'est une activité criminelle universelle. Moyennant une compensation financière, des passeurs aident — « aider » n'est peut-être pas le bon mot, il serait plus juste de dire parfois « arnaquer » — des personnes à immigrer illégalement. C'est souvent un voyage risqué qui conduit à la maladie ou à la mort. Le Canada connaît trop bien le passage de clandestins. On n'a qu'à penser au MS Sun Sea qui s'est récemment présenté sur la côte Ouest avec 492 immigrants à bord.
L'Australie a davantage l'expérience du passage de clandestins. Pour nous aider à étudier ce projet de loi, nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir Son Excellence Monsieur Justin Brown, haut-commissaire de l'Australie au Canada. Il est accompagné de deux collaborateurs, M. Bruce Soar, haut-commissaire adjoint de l'Australie, et Mme Dot Harvey, agente principale de l'immigration.
Je souhaite vous dire, au nom de l'ensemble de la population canadienne, que nous sommes de tout cœur avec vous. Nos pensées vous accompagnent en ces moments difficiles. Nous considérons que dame nature est plutôt cruelle dans ce pays, et vous avez eu à subir ses affres ces derniers temps. Vous êtes dans nos cœurs et nos pensées.
Bienvenue, monsieur Brown. Nous avons eu l'occasion de parler de cette question de façon informelle, et c'est ce qui m'a incitée à vous inviter pour poursuivre la discussion, de façon plus formelle cette fois. Je sais que vous avez une déclaration préliminaire à faire, alors allez-y.
Son Excellence Justin Brown, haut-commissaire de l'Australie, Haut-commissariat de l'Australie : Merci, madame la présidente, et merci aussi pour vos paroles aimables concernant les feux de brousse et les inondations en Australie. Je vais d'abord faire une déclaration préliminaire, puis je serai à votre disposition pour discuter avec vous et répondre à vos questions.
L'Australie a de solides antécédents en matière d'assistance humanitaire aux réfugiés, et elle travaille activement à améliorer la situation des populations déplacées.
L'Australie compte parmi la dizaine de pays qui ont un programme bien établi de réinstallation des réfugiés, et elle est, avec le Canada et les États-Unis, un des trois principaux pays de réinstallation. L'Australie est fermement résolue à remplir ses obligations découlant de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies et à contribuer au système international de protection.
L'Australie a participé à la rédaction de la convention de 1951 et a accueilli, depuis 1945, près de 750 000 réfugiés et autres personnes ayant besoin d'aide humanitaire. En 2010-2011, l'Australie acceptera 13 750 nouvelles personnes dans le cadre de son programme humanitaire, après une augmentation de 500 places en 2008-2009 et de 250 places en 2009- 2010.
Grâce à son programme pour les personnes déplacées, l'Australie offre un appui substantiel au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ou UNHCR, à l'Organisation internationale pour les migrations ainsi qu'à d'autres organisations internationales et à des organisations non gouvernementales qui assistent les personnes déplacées. En 2010, l'Australie a versé au UNHCR 50,5 millions de dollars australiens. L'Australie réalise aussi des activités de développement des capacités pour aider les pays d'origine et de transit à élaborer et à mettre en œuvre des programmes efficaces de gestion et de déplacement des personnes et de prévention du passage de clandestins.
L'immigration illégale cause des problèmes partout dans le monde, des problèmes qui exigent une réponse internationale coordonnée. La situation est particulièrement grave dans la région de l'Asie-Pacifique, où de nombreuses personnes risquent leur vie en retenant les services de passeurs. Ainsi, il nous semble que ce sont les passeurs qui décident qui a accès à une protection à long terme et à quel endroit ils pourront la trouver.
L'Australie a établi une étroite collaboration opérationnelle avec divers partenaires dans cette région, et nous estimons que ces efforts ont permis d'obtenir d'importants résultats.
Par exemple, nous collaborons étroitement avec l'Indonésie, un pays de transit important pour les immigrants illégaux qui arrivent par la mer en Australie. Depuis septembre 2008, les autorités indonésiennes ont mis fin à 190 activités de passage de clandestins visant 4 753 personnes, et ont arrêté 117 personnes impliquées dans ces activités. Les fonds, la formation, l'équipement et les renseignements fournis par l'Australie à l'Indonésie ont contribué au succès de ces interventions.
Vous avez peut-être su que l'Australie et l'Indonésie ont signé en mars 2010 un cadre de mise en œuvre de mesures de coopération contre le passage de clandestins et la traite de personnes, un document qui appuie leur collaboration bilatérale.
L'Australie entretient aussi une collaboration positive avec la Malaisie sur le passage de clandestins. Ensemble, nous avons mis sur pied un groupe de travail malaisien-australien sur le passage de clandestins et la traite de personnes. Constitué en 2009, ce groupe accentue la collaboration sur les plans, entre autres, du droit, de l'échange des renseignements et du développement des capacités. En conséquence, les agences de renseignement et d'application de la loi peuvent collaborer étroitement.
Concernant le Sri Lanka, la collaboration bilatérale avec l'Australie s'est avérée particulièrement efficace. En 2009, l'Australie et le Sri Lanka ont signé un protocole d'entente sur la collaboration juridique en vue de contrer le passage de clandestins, ce qui a accru notre capacité d'enquêter sur les trafiquants, de les poursuivre et de saisir les recettes de leurs activités criminelles. Cette entente facilite aussi les procédures d'extradition et d'entraide juridique et prévoit des mesures de développement des capacités, notamment de formation et d'assistance technique. L'Australie contribue au soutien et à la stabilisation des populations déplacées vulnérables au Sri Lanka par une aide au développement qui s'élèvera à environ 100 millions de dollars australiens pour la période de 2009 à 2011.
D'après notre expérience, les passeurs sont des gens astucieux qui adaptent leurs pratiques aux circonstances. Conséquence de nos succès, nous constatons que des pays comme la Thaïlande sont en voie de devenir des points de transit ou de départ pour les opérations maritimes des passeurs. Nous collaborons de près avec la Thaïlande, et nous nous réjouissons de la collaboration établie dernièrement avec le Canada dans la lutte contre le passage de clandestins en Asie du Sud-Est.
Les Afghans représentent près de la moitié des immigrants arrivés illégalement par la mer en Australie. Par conséquent, nous avons accru notre engagement auprès du gouvernement afghan. Nous avons signé dernièrement un protocole d'entente avec l'Afghanistan et l'UNHCR sur l'immigration et la coopération humanitaire. Ce protocole vise l'immigration d'Afghans vers l'Australie dans le cadre de ses programmes humanitaires spéciaux, l'assistance à l'Afghanistan en vue du développement des capacités de ses ministères et le retour durable de citoyens afghans dans leur pays lorsqu'ils ne sont pas admissibles à la protection de l'Australie.
À l'heure actuelle, le traitement des immigrants illégaux varie grandement d'un pays à l'autre dans la région de l'Asie-Pacifique, et la nécessité d'élaborer une approche régionale est généralement reconnue par les pays concernés. Leurs représentants discutent depuis déjà un moment de cette question dans le cadre du processus de Bali sur la traite des personnes, le trafic d'êtres humains et les crimes transnationaux connexes, un processus codirigé par l'Australie et l'Indonésie.
Nous croyons que la conception d'un cadre régional durable pour mieux gérer l'immigration illégale est le moyen le plus efficace de briser le modèle des passeurs de clandestins. Une approche commune prévoyant l'élaboration et l'application de normes uniformes de protection, de réinstallation et de rapatriement des immigrants illégaux est essentielle si nous souhaitons décourager le mouvement secondaire dans la région et ébranler le mode de fonctionnement des passeurs.
L'Australie cherche non seulement à mettre fin au passage de clandestins, mais aussi à faire en sorte que les personnes touchées soient traitées conformément aux normes internationales pertinentes, notamment à la convention de 1951.
Nous croyons que l'efficacité du cadre régional exige la mise au point d'une approche globale de la gestion de l'immigration illégale axée sur la collaboration des pays d'origine, de transit et de destination, ainsi que des organismes des Nations Unies et des organisations internationales concernées.
Pour l'élaboration de ce cadre, nous présumons que les pays participants seraient guidés par les principes fondamentaux suivants : les demandeurs d'asile doivent pouvoir profiter de procédures d'évaluation uniformes, que ce soit grâce à un ensemble d'arrangements harmonisés ou à l'établissement d'un ou de plusieurs centres régionaux d'évaluation; il faut offrir des solutions durables aux personnes jugées comme des réfugiés à la suite de l'évaluation, dans leurs pays si possible ou ailleurs; il faut renvoyer dans leur pays d'origine, de façon permanente, en préservant leur sécurité et leur dignité, les personnes qui n'ont pas droit à la protection, et les États doivent collaborer par tous les moyens à cet égard; les réfugiés et les demandeurs d'asile ne doivent pas être refoulés; les arrangements doivent refléter les principes du partage des obligations et de la responsabilité collective, tout en respectant la souveraineté et la sécurité des États concernés; les arrangements doivent viser le règlement des causes profondes du mouvement illégal de personnes et promouvoir la stabilisation des populations partout où c'est possible; les groupes qui organisent le passage de clandestins doivent être autant la cible d'activités d'application de la loi que de mesures dissuasives contre la traite de personnes et le passage de clandestins.
Le cadre régional et tout centre régional d'évaluation établi en vertu de ce cadre seraient fondés sur la conformité à la Convention relative au statut des réfugiés, sur l'appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations, ainsi que sur l'acceptation des pays de la région.
À notre avis, un centre régional d'évaluation favoriserait l'uniformisation du traitement des dossiers des demandeurs d'asile en prévoyant une procédure juste et ordonnée d'évaluation des demandes du statut de réfugié et de réinstallation, et il aurait un effet dissuasif sur le passage de clandestins par la mer.
Nous en discutons actuellement avec des pays partenaires clés et des organisations internationales concernées, et nous espérons tenir des négociations plus approfondies à ce sujet au cours des prochains mois, que ce soit bilatéralement ou dans le cadre du processus de Bali. Nous nous réjouissons de l'intérêt que continue de porter le Canada à ces questions, et j'aimerais souligner que les premiers ministres de l'Australie et du Canada, Julia Gillard et Stephen Harper, ont déjà discuté brièvement de cette initiative.
En guise de conclusion, je dirai que l'intégrité du programme de l'Australie en matière d'immigration et l'appui politique et populaire à ce programme dépendent d'une immigration ordonnée. L'accroissement de l'immigration illégale mine cet appui. Le cadre régional n'est pas une panacée. Ces questions sont complexes, néanmoins, nous sommes résolus à travailler bilatéralement et multilatéralement avec les partenaires régionaux pour trouver des solutions durables.
La présidente : Merci beaucoup pour votre déclaration. Je crois que nous sommes du même avis : nous souhaitons traiter les réfugiés légitimes avec compassion et stopper les resquilleurs et les clandestins qui ont immigré pour des raisons économiques ou illicites.
Je ne sais pas si vous connaissez le projet de loi C-49, qui porte sur l'imposition de peines plus sévères aux passeurs. Est-ce qu'on vous rattrape, ou sommes-nous plus avancés à ce chapitre? L'Australie a-t-elle une loi là-dessus?
M. Brown : Nous avons plusieurs mesures législatives. Le passage de clandestins est illégal; c'est une infraction criminelle en Australie depuis des années. Une bonne partie des lois ont été modifiées au fil du temps. Nous avons eu plusieurs vagues d'immigration illégale et, en ce moment, nous avons un taux particulièrement élevé d'arrivées.
L'an dernier, le gouvernement a modifié certaines lois pour durcir les peines imposées pour des infractions particulières et pour définir de nouvelles infractions. Je ne sais pas grand-chose sur votre projet de loi, alors il m'est difficile de vous donner une réponse claire et concise. Je ne sais pas si vous êtes en train de nous rattraper, mais je dirais que nous avons une expérience considérable en la matière. À notre avis, notre cadre législatif est maintenant plutôt exhaustif, autant qu'il puisse l'être dans les circonstances.
La présidente : Actuellement, est-ce que vous vous occupez des clandestins en mer, ou est-ce que vous vous en occupez à terre? Lorsque vous interceptez un bateau, ou une autre embarcation quelconque, le dirigez-vous vers l'Australie ou vers un autre endroit?
M. Brown : Voici comment ça fonctionne. Il y a quelques années, nous avons modifié la loi sur l'immigration et retiré certaines îles du territoire australien. Les gens qui arrivent au récif Ashmore et à l'île Christmas dans le cadre du système d'arrivée des immigrants sont traités autrement.
Maintenant, en ce qui a trait aux bateaux interceptés, les passagers sont emmenés à l'île Christmas, où on s'occupe d'eux. Certains sont hébergés sur place pendant l'évaluation de leur demande, tandis que d'autres sont hébergés dans des centres dans divers endroits en Australie pour les mêmes raisons.
Je peux vous donner des chiffres. Par exemple, en ce moment, environ 2 500 personnes sont hébergées à l'île Christmas, pendant qu'on évalue leur demande. Ailleurs en Australie, plus de 3 500 personnes attendent dans différents centres et États.
La présidente : Lorsque les personnes sont sur l'île Christmas, ou encore sur le continent, les lois australiennes s'appliquent-elles, ou est-ce que ces personnes sont dans une zone de détention où ça n'est pas déterminé?
M. Brown : Leurs demandes sont en cours d'évaluation; c'est ma réponse à cette question. Nous n'avons pas de charte des droits, alors nous sommes dans une situation juridique légèrement différente de la vôtre.
Pendant la période de détention, ces personnes peuvent difficilement jouir des mêmes droits qu'un citoyen australien.
Le sénateur Dallaire : C'est la première fois en 16 ans que je peux dire à un haut fonctionnaire australien à quel point le courage et l'engagement des Australiens ont contribué à ma mission en Afrique. Ils ont fait un travail remarquable. Je ne crois pas que ce qu'ils ont fait pour des dizaines de milliers de Rwandais ait été reconnu à sa juste valeur.
Concernant les enfants qui ne sont pas accompagnés, est-ce que votre processus prévoit une prise en charge et une évaluation différentes? Comment s'occupe-t-on de leur installation? Peuvent-ils être renvoyés dans leur pays?
M. Brown : Évidemment, le bien-être des enfants est une priorité pour nous, dans la manière dont notre système fonctionne.
Selon notre politique, une personne doit rester en détention pendant le traitement de sa demande. Ça s'applique aussi aux familles et aux mineurs non accompagnés.
Cela dit, dans la mesure du possible, nous veillons à ce que les groupes vulnérables, notamment les mineurs non accompagnés, subissent des conditions de détention les moins contraignantes possible. Notre politique jusqu'à maintenant a consisté à essayer de placer les mineurs non accompagnés dans des installations de détention communautaires. Nous avons des contraintes techniques, ce qui fait qu'il n'est pas toujours possible d'y arriver en tout temps, mais c'est ce que nous privilégions. Ça reflète la grande importance que nous accordons au bien-être des enfants. En ce moment, nous avons un peu plus de 1 000 mineurs en détention. Ce ne sont pas tous des mineurs non accompagnés, certains font partie de groupes familiaux. Environ 300 mineurs de cette catégorie se trouvent sur l'île Christmas.
Le sénateur Dallaire : Le mot « détention » a une connotation péjorative. D'après mes lectures, il s'agit plutôt de logements provisoires ou d'installations semblables. Le terme « détention » est-il utilisé dans un sens juridique, ou est- ce qu'il désigne une installation à sécurité minimum ou qui tient compte du fait que ces personnes ont probablement vécu une expérience traumatisante? Reçoivent-elles un soutien psychologique ou autre?
M. Brown : Je suppose qu'il s'agit d'un terme juridique. Je n'essaie pas de donner l'impression qu'il s'agit de prisons ou de quasi-prisons. Ça varie, selon la nature du centre.
L'Australie utilise délibérément l'expression « centre de détention » dans le cadre d'une campagne d'information visant à dissuader le passage de clandestins. C'est avec plaisir que je présenterai les campagnes que nous faisons dans la région; elles font partie intégrante des efforts que nous déployons pour régler le problème.
Dot Harvey, agente principale de l'immigration, Haut-commissariat de l'Australie : J'ajouterai seulement que nous collaborons étroitement avec la Croix-Rouge concernant les mineurs non accompagnés et leur placement dans des établissements de détention communautaires.
Le sénateur Dallaire : Ainsi qu'avec les ONG nationales?
Mme Harvey : Oui.
Le sénateur Dallaire : Concernant le passage de clandestins pour le commerce du sexe, en l'espace d'un an, on a fait entrer au pays quelque 200 Roumaines, toutes blondes aux yeux bleus. Une fois en sol canadien, elles ont ni plus ni moins disparu. On les a retrouvées dans des endroits où elles étaient retenues prisonnières. Leur passeport, ou autre pièce d'entité en leur possession au moment de leur arrivée, avaient été confisqués, et elles n'avaient même pas été autorisées à assister à des séances où leur cas aurait pu être évalué puis traité.
Avez-vous eu connaissance de telles activités, ou avez-vous un processus différent concernant le passage de clandestins pour le commerce du sexe?
M. Brown : Si ça ne vous dérange pas, nous prendrons cette question en note. Nous n'avons pas d'information sur cet aspect particulier du sujet. Comme je l'ai dit, nous avons modifié des lois, notamment l'an dernier, pour définir de nouvelles infractions liées au passage de clandestins. Une de ces nouvelles infractions porte sur l'exploitation particulière, mais je ne crois pas qu'il s'agisse du commerce du sexe. Je serai heureux de vérifier et de vous donner une réponse plus complète.
La présidente : Excellent. Nous nous concentrerons sur les autres questions alors. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Pépin : Pourquoi l'Australie attire-t-il tant de migrants irréguliers? Comment se fait-il que tant de migrants irréguliers choisissent cet endroit?
Le sénateur Day : C'est un bel endroit !
Le sénateur Pépin : Oui, je le sais. Lorsqu'on lit votre présentation, on sait à peu près d'où viennent tous ces migrants irréguliers. Mais est-ce qu'il y a des raisons spécifiques?
M. Brown : Merci beaucoup pour votre question.
[Traduction]
Chaque année, en Australie, les arrivées illégales par la mer s'élèvent à un peu plus de 6 000, ce qui est plutôt énorme pour un pays comme le nôtre. Cependant, selon les tendances mondiales, ce n'est probablement pas aussi important que dans certains pays européens, qui attirent un grand nombre d'immigrants illégaux par air et par mer.
Pourquoi ces gens viennent-ils en Australie? Je crois que c'est parce que c'est le pays occidental le plus près d'eux, et que c'est assez facile de partir de l'Asie du Sud-Est pour se rendre dans l'archipel indonésien, puis de faire un court voyage en mer pour arriver en Australie. Je crois que c'est ce qui les attire. Bien entendu, il y a aussi l'attrait évident du mode de vie, et le fait que les possibilités sociales et économiques sont beaucoup plus grandes pour ces personnes en Australie que dans leur pays d'origine.
[Français]
Le sénateur Pépin : Dans votre présentation, vous parlez de l'élaboration et de la mise en œuvre d'arrangements pratiques. Vous dites que les arrangements devraient aborder les causes profondes du mouvement irrégulier de personnes et promouvoir la stabilisation. Pourriez-vous élaborer un peu sur les causes profondes de ces mouvements irréguliers?
[Traduction]
M. Brown : Chaque cas est différent, bien entendu. J'ai mentionné qu'en Australie, les immigrants illégaux arrivés par la mer viennent de l'Afghanistan, de l'Iraq, de l'Iran et du Myanmar. Bien des circonstances différentes poussent ces personnes à quitter leur foyer pour venir en Australie. J'hésite à généraliser les causes profondes. Je crois qu'elles sont différentes dans chaque cas.
Par exemple, pendant un certain temps, à la suite du conflit au Sri Lanka, de nombreux Sri-Lankais sont arrivés illégalement en Australie. En revanche, dans la dernière année, je ne crois pas qu'il y ait eu un seul immigrant illégal provenant de ce pays.
Les explications sont complexes, mais je soulignerai que l'Australie a collaboré étroitement avec le gouvernement du Sri Lanka à la promotion de la réconciliation et de la reconstruction du pays après la guerre entre l'État et les Tigres tamouls. Je crois pouvoir affirmer que nos efforts ont contribué de façon modeste, mais importante, à l'amélioration de la capacité du gouvernement sri-lankais de s'occuper sur place du passage de clandestins. C'est aussi, je crois, un pas vers un pays paisible et prospère à long terme. Dans l'ensemble, nous croyons qu'il s'agit de la meilleure solution au passage de clandestins que nous pouvons espérer à court terme.
Bien entendu, le cas de l'Afghanistan est différent. Là-bas, il faudra sans doute plus de temps pour obtenir ce genre de résultat. Nous pouvons espérer de plus grands progrès à court terme avec l'Iraq.
En plus d'intercepter les bateaux et de contrecarrer les projets des passeurs, il y a beaucoup à faire pour aider ces pays : leur fournir une aide technique et de quoi renforcer leur capacité pour qu'ils puissent élaborer des règles de gouvernance et des mesures visant à dissuader le passage de clandestins, et redonner espoir aux citoyens en ce qui a trait à leur bien-être social et économique.
Le sénateur Segal : Votre Excellence, je me demande si vous pourriez nous brosser un tableau idéal de la gestion du centre d'évaluation régional. L'envisagez-vous comme une opération du UNHCR, à laquelle participeraient l'Australie, le Canada et des partenaires régionaux, qui appuierait le processus d'évaluation humanitaire dans cette partie du monde? L'envisagez-vous plutôt comme une opération dirigée par deux ou trois pays selon les modalités et les règles établies par le UNHCR?
Je sais que les hauts-commissariats et les ambassades de l'Australie aident depuis longtemps les Canadiens en matière d'affaires consulaires partout dans le monde, et inversement. Comme nous avons un intérêt commun et de nombreux traits historiques communs, notamment, considérez-vous que les deux pays doivent envisager cette solution ensemble? Selon vous, qu'est-ce qui ferait progresser le projet le plus rapidement possible?
M. Brown : Merci pour cette question.
Mon gouvernement a déjà défini ce que serait le cadre régional et ce qu'il souhaite accomplir. Le centre de traitement régional fait partie d'un cadre général — il en fait partie intégrante —, mais il n'en est qu'un élément.
Nous n'avons pas établi le fonctionnement du centre, principalement parce que nous ne voulons pas présumer du point de vue des pays de la région, ni d'ailleurs de celui des organisations internationales. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, pour que cette idée réussisse, il faut l'appui de tous les pays de la région, du UNHCR et des organisations internationales sur place. Nous en discutons activement avec ces acteurs, y compris le Canada, mais en particulier avec les pays de l'Asie du Sud-Est, dans le but de développer cette idée.
Vous avez parlé de la relation et du partenariat de longue haleine entre l'Australie et le Canada en matière d'affaires consulaires. Ça va plus loin que ça, en fait, dans bien d'autres domaines que je ne mentionnerai pas. Je pense que le Canada a un grand rôle à jouer, car c'est un pays de réinstallation important, comme je l'ai dit dans ma déclaration. Il a une longue tradition de réinstallation humanitaire et des programmes de cette nature. Nous croyons que la participation du Canada enverrait un signal positif aux pays de la région qui doivent participer à l'exercice, un signal montrant que l'exercice obtient un haut degré d'appui international et que cette idée est réalisable.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, je crois que le problème que nous avons à régler actuellement, c'est que les pays des régions visées par le passage de clandestins abordent la question d'une multitude de façons. En fait, certains pays ne considèrent pas le passage de clandestins comme une infraction criminelle; ils n'ont donc pas de loi nationale là-dessus. D'autres pays le classent comme une infraction, mais n'ont pas les ressources nécessaires pour mettre en œuvre ni appliquer des lois visant cette infraction. Nous tentons d'abord de conclure une entente sur une approche régionale, puis d'établir des partenariats avec les pays qui trouvent l'idée suffisamment intéressante pour la développer et la concrétiser.
Nous croyons que si le Canada et l'Australie, deux pays de réinstallation importants qui sont ciblés par les passeurs, dirigent le débat sur le processus de développement, alors d'autres pays le verront comme un processus crédible et important auquel ils doivent aussi participer.
Ce n'est probablement pas un portrait idéal, mais je suis prudent; je ne veux pas trop m'avancer sur la manière dont ça doit fonctionner. La première ministre a proposé le Timor-Oriental comme lieu où établir un centre de traitement. Nous sommes en pourparlers avec le gouvernement de ce pays à ce sujet.
Le sénateur Marshall : Je veux être certaine d'avoir les bons chiffres. Avez-vous dit qu'il y avait 2 500 personnes actuellement sur l'île Christmas? Est-ce que j'ai bien compris?
M. Brown : Je vais vous donner les chiffres exacts. Au début du mois, 2 690 personnes arrivées illégalement par la mer étaient hébergées sur l'île Christmas, et 3 642 autres, ailleurs en Australie.
Le sénateur Marshall : Il y a des immigrants illégaux sur le continent aussi, pas seulement sur l'île Christmas. Est-ce exact?
M. Brown : C'est exact.
Le sénateur Marshall : Comment faites-vous pour héberger autant de monde sur l'île Christmas? Quelles sortes d'installations avez-vous? Pouvez-vous nous donner des détails et nous dire quel est l'issue habituelle des demandes?
M. Brown : Nous ne sommes pas des experts en la matière, alors nous ne connaissons pas la nature exacte des installations sur l'île Christmas. Il y a différents types d'installations sur l'île, et les personnes y sont logées. C'est à peu près tout ce que je peux vous en dire.
Comme je l'ai dit, sur le continent, les immigrants sont dirigés vers différents centres, selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. Les centres où sont hébergées les familles, par exemple, sont beaucoup plus ouverts que ceux où sont logés les hommes célibataires. Il y a toute une gamme d'options d'hébergement. Il m'est difficile de vous les décrire de façon précise.
Le sénateur Marshall : Vers la fin des années 1980, ma province natale, Terre-Neuve-et-Labrador, a reçu un grand nombre de réfugiés de la Bulgarie. Ils étaient assez nombreux, des milliers. C'est une petite province, et c'était tout un défi. Je me demande comment vous l'auriez relevé.
M. Brown : Je peux vous garantir qu'il s'agit d'un défi de taille. Nous avons de graves problèmes de capacité dans certains centres.
Le sénateur Marshall : C'est ce que je pensais. Quelle serait l'issue? Qu'arrive-t-il à la plupart de ces gens? Le savez- vous? Est-ce que la plupart d'entre eux sont retournés dans leur pays d'origine? Quelle est l'issue habituelle? Combien de temps prend le traitement de leur demande?
M. Brown : Si je peux d'abord répondre à la dernière partie de votre question, le temps de traitement moyen de l'arrivée à l'installation est de 177 jours. Le temps de traitement moyen de l'arrivée au retour volontaire est de 114 jours. Enfin, le temps de traitement moyen de l'arrivée au retour involontaire est beaucoup plus long que ça, mais j'ai bien peur de ne pas avoir de chiffre.
Nous avons renvoyé des personnes ces dernières années, mais le nombre est relativement peu élevé. Par exemple, de 2008 à 2011, 189 personnes ont été renvoyées, notamment au Sri Lanka. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons aussi signé récemment un protocole d'entente avec l'Afghanistan sur le retour dans ce pays.
Comme vous pouvez le constater, nous avons un grand nombre d'arrivées et un nombre relativement peu élevé de départs. Beaucoup de ces personnes sont en fin de compte réinstallées en Australie.
Le sénateur Marshall : D'accord, mais en attendant, je crois que ce sont les contribuables de l'Australie qui financent le processus. Je réfléchis au processus et au coût.
M. Brown : Le coût est très élevé, effectivement.
Le sénateur Marshall : Merci.
Le sénateur Plett : Merci, Votre Excellence. Vous venez de répondre à ma deuxième question sur la manière dont vous vous occupez du retour des personnes, que ce soit un retour volontaire ou involontaire. Je vous en remercie.
Une des questions du sénateur Marshall rejoint un peu mon autre question. Visiblement, vous n'avez pas construit un centre de villégiature sur l'île Christmas; le centre n'est pas conçu pour attirer les gens. Je comprends ça. Plus tôt, dans votre déclaration, vous avez utilisé précisément et intentionnellement le terme « centre de détention ». Je comprends pourquoi vous le faites. De toute évidence, le message sur ce que vous faites, le message sur les installations de l'île Christmas, doit parvenir aux pays d'où viennent ces gens.
Dans quelle mesure votre programme a-t-il été une réussite? Est-ce que vos efforts pour rendre les choses moins attirantes et confortables ont eu comme résultat une diminution du nombre de bateaux transportant des clandestins? Avez-vous réussi?
M. Brown : Honnêtement, je crois que les résultats sont mitigés. Par exemple, depuis juillet 2008, environ 10 000 personnes et 200 bateaux sont arrivés illégalement en Australie. C'est une vague semblable à celle que j'ai mentionnée précédemment, soit celle de 1999 à 2001. De 2001 à 2008, le nombre d'arrivées a été beaucoup moins grand; la vague actuelle est différente.
À quel point avons-nous réussi? Je crois que ce nombre serait beaucoup plus élevé si nous n'avions pas établi des arrangements. Dans ma déclaration, je n'ai pas beaucoup parlé des mesures opérationnelles visant à intercepter les bateaux en route vers l'Australie, ni des renseignements que nous obtenons sur le terrain pour tenter de détecter et d'intercepter ces aventuriers. Cependant, il s'agit d'une grande partie de nos efforts pour régler le problème. Selon nous, même si le nombre est quand même assez élevé, ce serait pire si nous ne faisions pas tous ces efforts.
Nous avons eu du succès, notamment en ce qui a trait au Sri Lanka. Comme je l'ai dit, de nombreux immigrants illégaux provenaient de ce pays, et il n'y en a maintenant presque plus. Ils continuent d'arriver des pays dont j'ai parlé, notamment de l'Afghanistan, de l'Iran et de l'Iraq. L'instabilité est importante dans ces pays, et les incitatifs sont un grave problème. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire pour empêcher ça.
L'idée d'un cadre de traitement régional est un moyen de souligner qu'il faut une solution durable à long terme qui stoppe le passage de clandestins à la source, et non y voir une fois que le problème est à nos portes.
Le sénateur Plett : Je suis certain qu'en Australie, comme au Canada, vous êtes bien préparés à intercepter les bateaux peu importe leur provenance. Vous avez évidemment une sorte de garde côtière, peu importe comment vous l'appelez, pour intercepter les bateaux et les arraisonner. Comment déterminez-vous le lieu où emmener les gens, que ce soit sur une des îles ou sur le continent? Qui détermine ça? La décision est-elle prise sur le bateau?
M. Brown : Mes collègues me corrigeront si je me trompe, mais les capitaines de frégate en patrouille sur la côte Nord-Ouest ont pour ordre d'emmener automatiquement les passagers d'un bateau intercepté sur l'île Christmas, où l'évaluation initiale sera faite. Ces personnes sont ensuite soit hébergées sur l'île, soit transférées dans un centre sur le continent, en attendant l'évaluation de leur demande. La règle de base est que toute personne interceptée doit immédiatement être emmenée sur l'île Christmas.
Selon nos estimations, nous interceptons de 90 à 95 p. 100 des bateaux. Juste avant Noël, vous avez peut-être appris par les médias le cas tragique d'un bateau qui s'est échoué sur l'île Christmas. Il fait partie des 5 p. 100 que nous ne détectons pas avant leur arrivée dans les eaux entourant l'île. Les conséquences ont été tragiques.
Dans cette région, nous avons une gamme complète de dispositifs maritimes qui servent à détecter ce commerce, mais nous n'avons pas la capacité de tout détecter pour l'instant.
Le sénateur Plett : Vous emmenez tous les clandestins sur l'île Christmas, et quelqu'un sur place détermine s'ils restent sur l'île ou s'ils sont transférés. Est-il juste de supposer que les personnes les moins désirables sont laissées sur place et que les autres sont transférées?
M. Brown : Je n'ai pas cette information avec moi.
Le sénateur Plett : Il n'est pas nécessaire que vous y répondiez.
M. Brown : Comme j'ai répondu au sénateur Dallaire, dans le cas de populations particulièrement vulnérables, et lorsque le bien-être d'enfants est en jeu, nous essayons de placer les personnes concernées dans des centres communautaires, qui se trouvent tous sur le continent et non pas sur l'île Christmas.
La présidente : Est-ce que ça a quelque chose à voir avec l'intention de traiter leur demande en Australie plutôt que de les renvoyer dans leur pays d'origine?
M. Brown : Je ne crois pas. C'est habituellement pour des raisons beaucoup plus banales, comme l'endroit où il y a de la place ou l'endroit qui conviendra le mieux aux besoins particuliers de la famille ou de la personne. C'est comme ça que ça fonctionne. L'aspect juridique est le même, peu importe le lieu de détention.
La présidente : C'est la même chose ici aussi.
Le sénateur Day : La plupart des Canadiens savent qu'on peut dérouter un bateau de réfugiés sur une des îles. C'était probablement dans le passé, parce que, comme vous l'avez dit dans votre déclaration, monsieur le haut-commissaire, ces territoires ont été retirés de certaines de vos lois sur l'immigration, ce qui facilite et accélère le traitement.
Notre document d'information précise qu'en novembre dernier, la décision d'un tribunal a fait tomber cette notion. Est-ce toujours d'actualité, ou l'idée a-t-elle été abandonnée?
M. Brown : C'est exact. Dans une décision rendue en novembre, une haute cour de justice de l'Australie a conclu que des lacunes entachaient l'équité procédurale et le processus d'évaluation initiale. Le gouvernement a donc instauré un nouveau processus de détermination qui entrera en vigueur le 1er mars. Nous croyons que ça permettra aux immigrants illégaux arrivant par la mer de présenter leur demande d'asile plus rapidement, et que le traitement sera plus rapide et plus ordonné.
La décision du tribunal ne vise pas les éléments fondamentaux du système, mais elle a relevé des problèmes d'iniquité dans le processus, notamment dans le processus d'évaluation initiale. Le gouvernement est en train de régler ça.
Le sénateur Day : À l'avenir, à partir du 1er mars, aura-t-on toujours besoin d'îles à l'écart du continent régies par des règles différentes?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Day : Ce sera encore nécessaire?
M. Brown : La décision du tribunal ne soulève aucun problème juridique associé à ces arrangements. Elle vise seulement certains aspects du processus d'évaluation initiale.
Le sénateur Day : D'après ce que je comprends, un des principaux avantages du processus en place est d'éviter les différents niveaux d'appel qui s'échelonnent sur des années. Nous en avons fait l'expérience ici. C'est très difficile pour nous dans certains cas, notamment lorsque ceux qui ont de l'argent se servent du système pour contourner le processus.
Mon autre question concerne les négociations du processus de Bali et le processus lui-même. S'agit-il d'une tentative de fixer les mêmes règles d'évaluation pour tous les pays? Au Canada, une des principales affirmations faites par les réfugiés est que s'ils retournent dans leur pays, ils risquent d'être torturés ou tués. Dès que cette affirmation est faite, le processus s'arrête. L'extradition est impossible s'il existe un tel risque. Est-ce que ça fera partie du processus de Bali? Aurez-vous ce type d'entrave au renvoi?
M. Brown : Le processus de Bali existe depuis un certain temps. Comme je l'ai dit, il est dirigé par l'Australie et l'Indonésie. Ses membres comptent des pays d'origine, des pays de transit et des pays de destination. Le premier objectif est d'améliorer l'uniformité et l'exhaustivité, si je peux m'exprimer ainsi, des mesures prises par chaque pays membre pour régler le problème. J'ai souligné un peu plus tôt le fait que certains pays n'ont pas de loi nationale qui reconnaît le passage de clandestins comme une infraction criminelle, alors une partie de la solution consiste à améliorer le cadre législatif dans la région. Une autre partie consiste à faciliter la collaboration opérationnelle, par exemple, entre les organismes d'application de la loi. Nous aimerions aussi que le processus de Bali aille dans le sens que vous venez d'indiquer, vers un régime commun à toute la région qui aborde tous les aspects du problème, y compris ce que vous venez de dire, soit la manière de traiter les allégations selon lesquelles les droits fondamentaux de la personne seront bafoués si elle est renvoyée dans son pays.
Nous avons proposé l'idée d'un centre de traitement régional comme faisant partie du cadre régional pour éliminer les incohérences et uniformiser les méthodes, car il est actuellement très difficile pour un pays de régler à lui seul le problème de la traite. C'est l'explication.
Le sénateur Day : Nous nous préoccupons du fait qu'il existe des réfugiés légitimes que nous voulons aider, tout en sachant que d'autres personnes essaient de profiter du système. Ça me surprend que vous n'en trouviez pas beaucoup qui tirent avantage du système en Australie, que vous n'en renvoyiez pas beaucoup. C'est probablement pour ça que vous avez autant d'immigrants illégaux, parce que le message de ceux qui retournent dans leur pays est « vous êtes mieux d'avoir une demande légitime, sinon vous serez renvoyé ». Si le nombre de renvois est peu élevé, ça peut encourager l'immigration illégale.
M. Brown : Vous avez raison, le taux d'installation est relativement élevé, mais je crois que c'est en partie dû au fait que nous n'avons pas d'arrangements en matière de gouvernance pour faciliter le retour. Nous y travaillons. Nous avons signé une entente avec le Sri Lanka et, plus récemment, avec l'Afghanistan, alors je crois que le nombre de retours va augmenter. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, le nombre de retours — certains sont volontaires, d'autre pas — est important. Je crois que l'Australie suivra cette voie.
Bien entendu, vous avez raison de dire qu'en voyant un taux élevé d'installation, les gens vont continuer de venir. Nous nous inquiétons surtout des immigrants qui arrivent par la mer. Personne en Australie ne dit qu'il ne faut pas accepter les réfugiés légitimes. Nous disons qu'il ne faut pas accepter les gens qui utilisent ce mode d'arrivée pour obtenir l'accès à nos systèmes et à nos programmes d'une manière qui désavantage ceux qui méritent peut-être davantage notre protection.
Nous mettons prudemment l'accent ici sur l'arrivée par la mer. J'espère qu'il n'y a pas de confusion. Nous ne sommes pas en train de dire que l'Australie essaie de mettre un frein à ses programmes humanitaires, de les limiter ou de les restreindre d'une manière quelconque. Ce n'est pas le cas. Nous tentons simplement de régler le problème de l'arrivée illégale par la mer.
Le sénateur Day : Les réfugiés arrivés par la mer que vous décidez d'autoriser à rester ont-ils une revendication légitime? Ou est-ce qu'ils restent parce que vous ne réussissez pas à établir que leur revendication est illégitime? Quel statut ont-ils? Comment se comparent-ils à ceux qui ont soumis une demande d'immigration en Australie en respectant les lois de l'immigration et qui attendent depuis des années? Quel statut ces réfugiés ont-ils par rapport à celui des immigrants qui arrivent par le processus normal? Ce que je me demande, c'est s'ils sont des resquilleurs.
Mme Harvey : Leur statut est le même. Une fois qu'une personne a obtenu le droit de s'installer en Australie, elle a la résidence permanente comme tout autre résident permanent au pays, peu importe la façon dont elle est arrivée.
Concernant la question du resquillage, nous voulons gérer le programme de façon prudente. Un certain nombre de personnes sont réinstallées selon la partie du programme sur les réfugiés, d'autres, selon la partie humanitaire. C'est un peu différent. Nous faisons une gestion prudente du nombre de réinstallations pour ces parties du programme. Le grand nombre d'arrivées illégales par la mer pèse sur le programme.
La présidente : Je serai brève, parce que nous manquons de temps. Qui paie le coût des retours? Est-ce l'Australie?
M. Brown : Oui.
La présidente : Le sénateur Dallaire veut intervenir brièvement.
Le sénateur Dallaire : S'il a été déterminé qu'un jeune a fait partie d'un groupe armé comme enfant soldat — et il y a en eu beaucoup dans cette partie du monde, comme vous le savez — est-ce qu'il fera automatiquement l'objet d'un refus ou est-ce qu'il existe un processus pour reconnaître les antécédents d'un jeune qui a été utilisé comme soldat?
M. Brown : J'ai bien peur de devoir prendre aussi cette question en note. Les valeurs morales des réfugiés sont examinées de façon attentive lors de l'évaluation. Concernant les enfants soldats, je ne suis pas certain du traitement que reçoivent les mineurs ayant de tels antécédents. Il faudra que je vérifie auprès de notre personnel. Je vais le faire et vous donner une réponse dès que possible.
Le sénateur Dallaire : Si c'est possible, je l'apprécierais. Dans certains pays, ces jeunes se font refuser l'entrée simplement parce qu'ils ont utilisé des armes, même s'ils étaient enfants soldats, ce qui va à l'encontre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant. Je vous serais reconnaissant de me revenir là-dessus.
La présidente : Merci beaucoup. Au nom de tous, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir au Sénat et d'avoir préparé le terrain. C'est une loi que nous envisageons ici. Nous espérons discuter bientôt avec notre propre conseiller spécial en matière de passage de clandestins et de migration illégale, mais nous apprécions la mise en contexte que vous nous avez présentée. Vous avez attiré l'attention de tous sur le fait que nous devons envisager la question ensemble, avec toutes les nations du monde, en particulier celles qui ont la cote comme l'Australie et le Canada.
M. Brown : Les deux meilleures nations.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le haut-commissaire. Merci aussi à monsieur Soar et à madame Harvey. Nous avons apprécié votre présence.
Nous avons amorcé la discussion aujourd'hui avec le projet de loi que le comité étudie à l'heure actuelle, soit le projet de loi S-13, connu sous le nom de Shiprider. Il s'agit d'un accord cadre entre le Canada et les États-Unis qui permettra de mener des opérations conjointes dans les eaux transfrontalières. Le ministre nous en a parlé, et nous avons lu de nombreuses notes d'information sur le sujet.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir des agents des services de police qui voient la question d'un point de vue terrestre ou maritime et qui ont participé aux projets pilotes.
Du Service de police de Windsor, nous accueillons le chef adjoint Jerome Brannagan et le surintendant Vince Power. De la Police provinciale de l'Ontario, nous recevons le surintendant principal Brian Deevy, commandant, Bureau du soutien régional, et le sergent d'état-major Brad R. Schlorff, Bureau du soutien régional, Gestion des services d'urgence.
Monsieur le surintendant principal Deevy, vous n'avez pas participé à l'élaboration du projet de loi, mais vous connaissez bien le sujet, car vous avez travaillé avec les équipes intégrées de la police des frontières.
Surintendant principal Brian Deevy, commandant, Bureau du soutien régional, Police provinciale de l'Ontario : Nous avons participé à de nombreuses opérations conjointes en Ontario avec nos partenaires des services de police fédéraux et nationaux.
Je suis heureux d'être ici ce soir pour présenter le point de vue d'un service de police provinciale sur le projet de loi S- 13. Comme vous le savez, en Ontario, du Manitoba au Québec, il est impossible de se rendre aux États-Unis ou d'en revenir sans traverser un plan d'eau, bien qu'il y ait cet endroit singulier où un bon golfeur arriverait à frapper sa balle de l'autre côté de la frontière. Cette proximité est exploitée de façon criminelle depuis l'établissement de nos deux pays, un bateau étant souvent l'instrument de cette exploitation.
J'ai fourni un document d'information sur les services de police travaillant sur la frontière entre l'Ontario et les États-Unis. Plus de 90 p. 100 du territoire est sous la surveillance de la Police provinciale de l'Ontario, et 18 services de police municipaux s'occupent du reste, notamment mes amis de Windsor, qui assument des responsabilités de police marine. Il y a environ 396 000 plans d'eau en Ontario, dont près de 95 p. 100 relèvent de la Police provinciale de l'Ontario.
Le maintien de l'ordre dans les voies navigables est fondé sur la sécurité. Nos policiers font respecter les lois fédérales et provinciales qui visent à protéger la population contre les blessures et la mort. Les services de recherche et de sauvetage occupent une grande partie de notre temps. L'objectif de la police est de réduire le nombre de blessés et de morts. Statistiquement, au cours des 10 dernières années, nous avons fait de grands progrès à cet égard. Ces mesures sont prises à l'échelle des détachements de première ligne. La Police provinciale de l'Ontario dispose de 144 bateaux de différentes tailles, et quelque 350 policiers sont affectés à des tâches maritimes. La majeure partie du travail est effectuée aux détachements situés le long de la frontière, là où la plupart des activités de plaisance ont lieu.
La prestation de services de police marine n'est qu'une des nombreuses tâches avec lesquelles les commandants des détachements doivent jongler au quotidien, eux qui doivent affecter des ressources limitées à des demandes qui se font souvent concurrence. L'agent de la Police provinciale de l'Ontario qui conduit un bateau aujourd'hui pourrait aussi bien être affecté à la circulation demain, devoir calmer une bagarre dans un bar au centre-ville ou intervenir lorsqu'un voleur tente d'entrer chez vous.
La prestation de services de police le long de la frontière, que ce soit aux points d'entrée ou entre ceux-ci, nécessite non seulement la présence d'agents en uniforme sur la première ligne, mais aussi la fourniture d'importantes ressources d'enquête. La criminalité transfrontalière nous a poussés à mettre sur pied des unités d'enquêtes spécialisées qui s'investissent beaucoup dans les partenariats avec les organismes d'application de la loi canadiens et américains. Les enquêtes sur la fraude transfrontalière, les enquêtes multinationales sur la pornographie et, bien sûr, notre unité provinciale antiterroriste dépendent de relations semblables.
Exploiter les ressources au maximum fait partie de notre quotidien, et le partage avec nos voisins est le meilleur moyen d'y arriver. Nous tirons parti des ressources de nos partenaires municipaux et de la GRC dans presque tout ce que nous faisons. Nous jouissons aussi de solides relations avec nos collègues américains, comme la Garde côtière américaine, en particulier dans les détachements locaux où nos agents de première ligne interagissent quotidiennement avec leurs homologues américains de l'autre côté de la frontière. Une interaction efficace repose sur de bonnes relations et sur des façons de faire non officielles.
Pour en revenir aux policiers en uniforme qui travaillent sur les patrouilleurs dans les eaux limitrophes, au cours d'une saison type, les membres de la Police provinciale de l'Ontario consacrent plus de 55 000 heures aux activités maritimes d'application de la loi. Nous exploitons tous les partenariats possibles au Canada pour garder nos bateaux sur l'eau, notamment en concluant des ententes avec nos collègues municipaux, des agents de la GRC, des agents de conservation, et cetera, pour maximiser notre présence. Si nous étions en mesure d'accroître ce réseau de partenaires de l'autre côté de la frontière, la présence et l'efficacité policières augmenteraient considérablement.
Bien que la Police provinciale de l'Ontario n'ait pas participé aux discussions officielles sur Shiprider, elle a pris part à de nombreuses autres initiatives de sécurité maritime avec la GRC, que ce soit au sein de l'organisme ou sur le terrain, alors elle a suivi l'évolution du programme Shiprider. Nous croyons fermement que c'est la voie à suivre pour atténuer les difficultés posées par cette ligne invisible dans l'eau qui représente la frontière internationale, et que seuls les gens honnêtes respectent.
Shiprider n'est pas une panacée, mais il pourrait certainement contribuer à rendre notre travail plus efficace. Nous sommes particulièrement intéressés par une participation possible comme cela est proposé à l'alinéa 7(1)b) du projet de loi, et nous sommes très ouverts aux discussions sur la nomination des agents de la Police provinciale de l'Ontario comme agents maritimes transfrontaliers d'application de la loi.
Chef adjoint Jerome Brannagan, Service de police de Windsor : Mesdames et messieurs les sénateurs, la mission du Service de police de Windsor est de prévenir la criminalité et de mener des enquêtes, d'offrir son soutien et de faire respecter la loi en partenariat avec la communauté.
Les grandes nations que sont le Canada et les États-Unis d'Amérique sont séparées par un plan d'eau de 1 kilomètre de large sur 22 kilomètres de long entre Windsor, en Ontario, et Détroit, au Michigan.
La rivière Détroit coule au-dessus du tunnel Détroit-Windsor qui relie les centres des deux villes. Elle coule aussi sous le pont Ambassador, qui relie la super autoroute de l'ALENA du Mexique à la Voie maritime du Saint-Laurent. Ces deux postes frontaliers sont les plus fréquentés en Amérique du Nord. Au chapitre de la sécurité et de l'économie, ils ont une incidence énorme sur la prospérité des deux pays.
Ce cours d'eau est un des plus fréquentés par les plaisanciers en Amérique du Nord. Quelque 400 000 embarcations de plaisance des deux pays sillonnent la rivière Détroit en haute saison. La rivière accueille aussi la circulation constante des cargos en provenance de l'océan Atlantique qui traversent le réseau hydrographique des Grands Lacs. Quelque 1 700 navires commerciaux ou océaniques ont fait halte à Windsor en 2010, et 3 000 bateaux de plus sont passés par la rivière Détroit.
Les trois options de passage d'un pays à l'autre permettent aux criminels de faire passer des marchandises illicites à la frontière internationale. Les organisations criminelles profitent depuis des années de l'incapacité des organismes d'application de la loi à travailler ensemble de façon efficace à la frontière canado-américaine. Ces occasions d'enfreindre la loi constituent une menace directe pour les citoyens de Windsor et de la province de l'Ontario, de même que de tout le pays, en raison de l'importation illégale de marchandises interdites comme de la drogue, des armes à feu et des clandestins. La grande valeur de ces marchandises est accrue en raison du haut niveau de risque associé à la traversée de frontières internationales, par voie terrestre ou maritime, à des fins criminelles.
Le Service de police de Windsor doit d'abord et avant tout protéger les citoyens et les visiteurs de la ville de Windsor. Nous sommes en première ligne, nous sommes les premiers intervenants pour toute activité qui menace la sécurité, même si cette activité a des répercussions à l'échelle provinciale ou nationale.
Je le souligne parce que, bien que le mandat de notre service de police municipal vise la ville de Windsor, nous sommes pleinement conscients que notre intervention pourrait concerner une affaire ayant une grande incidence sur la région, la province, voire le pays. Nos services de police ne s'inscrivent pas dans une stratégie nationale ou provinciale, mais nous acceptons notre responsabilité à titre de premiers intervenants pour tout incident qui pourrait survenir sur notre territoire.
Le Service de police de Windsor conclut depuis longtemps des partenariats avec d'autres organismes d'application de la loi. Nous nous sommes régulièrement associés au ministère de la Défense nationale, à l'Agence des services frontaliers du Canada, à la Gendarmerie royale du Canada, à la Police provinciale de l'Ontario et à de nombreux organismes d'application de la loi des États-Unis.
En octobre 2009, le Service de police de Windsor a eu la chance unique de prendre part au projet pilote BEST, Border Enforcement Security Task Force. Il s'agit d'une initiative de la US Immigration and Customs Enforcement ciblant les régions frontalières entre le Canada et les États-Unis. Le projet BEST est l'œuvre de nombreux organismes d'application de la loi canadiens et américains qui ont travaillé de concert pour améliorer les enquêtes transfrontalières portant sur des activités criminelles. BEST a beaucoup de points communs avec Shiprider. Nous trouvons qu'il est très avantageux que des policiers de Windsor travaillent sur la rive américaine de la rivière. L'avantage le plus important est l'accès en temps réel à de l'information et à des renseignements qui ont des répercussions sur ma ville, ma province et mon pays.
Comme leurs amis de la Police provinciale de l'Ontario, les policiers de Windsor qui travaillent sur les voies navigables sur de nombreux bateaux des deux pays sont toujours prêts à soutenir un autre organisme dans le besoin, plus souvent par devoir moral que par devoir juridique. Les agents de la marine du Service de police de Windsor travaillent chaque jour sur l'eau avec leurs homologues américains. Shiprider donne l'autorité légale de soutenir le mandat des agents d'application de la loi, qui est d'assurer la sécurité des citoyens.
Au Service de police de Windsor, nous appuyons Shiprider et nous vous sommes reconnaissants de nous donner la chance de faire valoir notre point de vue. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
La présidente : Il est merveilleux et rare de siéger au Canada et d'entendre des agents des services de police de différentes administrations dire « venez nous aider à résoudre ce problème », plutôt que « pas dans ma cour ». Je vous en remercie. Un peu plus tard, j'aimerais que vous compariez BEST, Shiprider et les autres programmes.
Le sénateur Dallaire : J'ai présidé le comité consultatif des Services nationaux de police, et une panoplie d'administrations différentes se croisent sur l'eau. Ma question porte sur la communication d'information, dont vous nous parliez, en particulier de renseignements, sur le plan de la protection des sources et de la diffusion, ainsi que de la responsabilité de regrouper ces renseignements pour que vous puissiez les utiliser. Qui est réellement responsable? Comment vous y prenez-vous? Ça ne se fait pas de vive voix. Disposez-vous de réseaux sécurisés pour communiquer ces renseignements?
M. Brannagan : Le Service de police de Windsor est d'avis que l'information joue un rôle crucial. Il est très difficile d'échanger de l'information par des systèmes de communication sécurisés. Nous n'en avons pas. C'est certainement une lacune. Cependant, l'information que nous recueillons par notre agent d'application de BEST aux États-Unis est protégée parce qu'il la rapporte au pays avec lui. C'est de cette façon que nous traitons les renseignements transfrontaliers pour BEST. Sur l'eau, ce sont des canaux ouverts.
M. Deevy : Nous avons un bureau de renseignements à la Police provinciale de l'Ontario où il y a un processus bien établi pour la collecte, l'analyse et la communication de l'information. Nous avons beaucoup appris depuis l'enquête sur l'affaire Arar, et nous avons changé nos façons de faire. Nous nous assurons de suivre ces nouvelles règles. Elles compliquent la communication des renseignements, mais elles garantissent sa pertinence. Nous en sommes très conscients.
Ce qui fait la force de Shiprider, c'est que des agents d'application de la loi canadiens et américains travailleront ensemble sur les mêmes bateaux. Ils n'auront pas besoin de se communiquer des renseignements, ils seront ensemble. Ils pourront tous les deux voir ce qui se passe. Si c'est du côté américain de la frontière, les Américains dirigeront les opérations, et si c'est du côté canadien, ce sera aux Canadiens de le faire.
Le sénateur Dallaire : Nous parlons de services policiers axés sur le renseignement, c'est-à-dire préventifs. Vous avez tous les deux abondamment utilisé cette expression. Vous devez avoir l'information au préalable, et l'information doit circuler. Ma question concerne la complexité de la diffusion de l'information de façon rapide et sécuritaire. Aucun réseau national ne nous permet de le faire actuellement, et bien que nous discutions ici d'opérations sur l'eau, ça s'applique partout. Est-ce exact?
M. Deevy : Il y a des réseaux sécurisés pour la communication de l'information. À la Police provinciale de l'Ontario, nous pouvons chiffrer les messages transmis à l'interne. Je pense que c'est aussi vrai pour d'autres services de police, mais je ne suis pas un expert en la matière. Mon domaine, c'est la gestion des services d'urgence et l'intervention en cas d'urgence. Nous avons une unité d'enquête sur le crime organisé qui pourrait répondre à ça. Je devrai peut-être la consulter pour répondre à cette question.
Surintendant Vince Power, Enquêtes, Service de police de Windsor : Je peux apporter des précisions. Il y a deux problèmes ici. Il y a depuis longtemps des problèmes d'interopérabilité en ce qui concerne les communications entre les Américains et les Canadiens. Toutefois, sur le plan du renseignement, nous sommes très semblables à la Police provinciale de l'Ontario. Une base de données de renseignement provinciale, le Service de renseignements criminels Ontario, renferme de l'information en temps réel pouvant être diffusée. De notre point de vue, à Windsor, nous pouvons certainement obtenir, par un agent en poste à Détroit, des renseignements sur la situation en temps réel provenant de ses homologues américains.
Le sénateur Dallaire : Nous travaillons ici avec un partenaire plutôt complexe qui est un service national, la Garde côtière américaine. Ses paramètres sont très différents en ce qui concerne la diffusion de l'information et la protection des sources. Vous ne doutez aucunement que l'information vous sera fournie rapidement pour que vous puissiez accomplir votre mission dans la zone maritime?
M. Brannagan : Mes agents de la marine m'indiquent qu'au fil des ans, ils ont observé différents critères relativement aux renseignements qui seront fournis à nos agents de première ligne, et c'est compréhensible. La sécurité nationale est parfois en jeu, et nous comprenons ça.
Mes agents m'ont dit savoir que la Garde côtière américaine, avec qui ils travaillent chaque jour, possède souvent des renseignements provenant des États-Unis qui ne sont même pas transmis à ses agents sur les bateaux dans les municipalités. Tout un chacun détermine qui diffusera un renseignement et jusqu'où il sera diffusé. La plupart du temps, ces renseignements ne semblent pas se rendre aux agents de première ligne, que ce soit à bord des bateaux ou dans les voitures de patrouille.
Le sénateur Dallaire : Je m'intéresse surtout à vos principes de fonctionnement sur l'eau, parce que je n'ai pas l'impression qu'à vous tous vous avez de nombreux bateaux en votre possession, qui risquent de se croiser la nuit. Quelle est votre capacité de déploiement sur l'eau la nuit?
M. Brannagan : À Windsor, nous déployons des patrouilleurs le jour, l'après-midi et le soir. Notre unité compte deux bateaux, et je peux vous dire, étant moi-même un plaisancier assidu, qu'il y a une augmentation considérable de la présence des Américains sur la rivière Détroit, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Je suis moi-même un riverain, et j'ai l'occasion de les voir jour et nuit. Ils étaient sur un brise-glace il y a une semaine. Ils sont tout le temps là, beaucoup plus que ce nous voyons du côté du Canada.
Quant aux opérations nocturnes, ils travaillent la nuit, et nous travaillons la nuit aussi. La rivière Détroit est une voie de transport très fréquentée, alors les plaisanciers sont vigilants sur l'eau la nuit parce que les cargos vont et viennent constamment.
M. Deevy : Il en est de même pour la Police provinciale de l'Ontario. Nous avons 144 bateaux qui opèrent jour et nuit, lorsque le besoin se présente, mais ce n'est pas beaucoup si vous tenez compte de la longueur de la frontière et de la superficie à couvrir. Il s'agit de recueillir des renseignements sur la situation et d'affecter les ressources là où ça compte le plus. Travailler de concert avec nos partenaires, que ce soit nos services de police municipaux ou ceux de l'autre côté de la frontière, nous permet d'en obtenir plus pour notre argent, et Shiprider s'inscrit ou pourrait s'inscrire dans le droit fil de ces partenariats.
Le sénateur Dallaire : Les UAV, les FLIR et les systèmes de vision nocturne ne sont pas encore entièrement déployés, en tout cas certainement pas du côté du Canada. Est-ce exact?
M. Brannagan : Oui, mais ils le sont du côté des États-Unis.
Le sénateur Dallaire : Est-ce que nous avons dû armer nos gardes-frontières?
M. Brannagan : Devions-nous le faire? Nous sommes venus en avion de Windsor aujourd'hui avec un agent du renseignement de l'ASFC, et nous en avons justement discuté. D'après nous, il faudra des années pour que la culture nécessaire devienne ancrée en chacun, car la majorité des employés de l'agence ont été engagés à une époque où il n'était pas question de porter d'arme, et ils n'avaient pas du tout l'intention de le faire au cours de leur carrière. Pour beaucoup d'entre eux, il a été difficile d'apprendre, après 5, 10, 15, voire 20 ans, qu'ils devaient porter une arme.
Dans la région de Windsor, nous avons deux postes frontaliers, comme je l'ai mentionné, et un nombre important d'employés de l'ASFC ne sont toujours pas très heureux à l'idée de porter une arme à feu.
Le sénateur Dallaire : Ça a coûté 1 milliard de dollars juste pour armer nos gardes-frontières.
M. Brannagan : Je comprends. C'est beaucoup d'argent.
Le sénateur Dallaire : Vous pouvez imaginer ce que nous essayons de mettre en œuvre ici.
Le sénateur Plett : C'est de l'argent bien dépensé.
La présidente : Sur le plan du maintien de l'ordre, c'est sans doute un plus.
M. Brannagan : Oui. Nous travaillons dans le domaine de la prévention du crime, et j'ai le plus grand respect pour l'ASFC. Ses agents ont cependant une formation très différente de celle que les policiers reçoivent, et leurs responsabilités sont bien différentes. Dans l'ensemble, nous faisons tous la même chose, mais nos responsabilités diffèrent dans la façon dont nous faisons face à nos défis personnels, qu'on soit policier ou garde-frontière à l'ASFC.
M. Deevy : Le port d'une arme est dicté par la menace. Ils ont fait valoir que la menace était importante et qu'ils devaient donc être armés.
Pour en revenir à la question du renseignement, le sergent d'état-major Schlorff a mis sur pied le Centre des opérations de la sûreté maritime, un centre de fusion de données de renseignement que vous connaissez peut-être.
Le sénateur Dallaire : Où est-il situé?
La présidente : Il refuse de nous le dire, mais certains membres du comité l'ont visité.
Sergent d'état-major Brad R. Schlorff, Bureau du soutien régional, Gestion des services d'urgence, Police provinciale de l'Ontario : Il est situé près de Niagara-on-the-Lake.
Le sénateur Dallaire : Le MDN dirige ceux qui sont situés sur la côte, mais vous dirigez celui-ci?
M. Schlorff : La GRC dirige le Centre des opérations de la sûreté maritime des Grands Lacs, mais le MDN est présent aussi.
Le sénateur Day : Parlons de la Police provinciale de l'Ontario et du nombre de projets coopératifs auxquels elle a déjà participé. Est-ce que ça fait partie de votre budget normal, ou bien recevez-vous une aide fédérale?
M. Deevy : Des fonds sont parfois fournis par la province, selon l'initiative. Dans certains cas, nous sommes partenaires dans des opérations policières conjointes menées par le fédéral, mais nous devons payer la note pour ça. Ce n'est pas financé par la GRC.
Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants de chaque opération policière conjointe à laquelle nous avons participé, alors je ne peux pas vous donner une réponse complète. Je sais que l'Unité provinciale de contrôle des armes mise sur pied il y a deux ou trois ans, peut-être plus, était une unité financée par la province et dirigée par la Police provinciale de l'Ontario à laquelle des partenaires municipaux et fédéraux ont participé. Le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives aux États-Unis est aussi un important partenaire de l'Unité provinciale de contrôle des armes. Habituellement, nous devons payer la note pour les initiatives auxquelles nous participons.
Le sénateur Day : Vous avez dit être en faveur du projet de loi que nous étudions, le projet S-13. Vous avez parlé tout particulièrement du paragraphe 7(1). Vous seriez heureux d'être nommé agent selon cette disposition, je présume.
Croyez-vous que l'administration fédérale va verser des fonds à l'administration provinciale ou directement à la Police provinciale de l'Ontario pour ces activités?
M. Deevy : Nous nous sommes penchés sur la question. Nous avons 350 policiers affectés à des tâches maritimes à toute heure du jour ou de la nuit. Une augmentation du nombre de policiers affectés à ces tâches ne sera pas forcément nécessaire. Il faudrait simplement qu'ils soient nommés pour qu'ils puissent travailler avec leurs partenaires américains.
La présidente : Ce qui signifie suivre la formation.
M. Deevy : Le processus de formation et le processus de nomination. Par la suite, ils pourront travailler avec leurs homologues américains.
Par exemple, deux agents de la marine à bord d'un bateau de la Police provinciale de l'Ontario pourraient rejoindre deux membres de la Garde côtière américaine à bord d'un autre bateau, et deux personnes pourraient changer de bateau, de sorte qu'il y ait un Canadien et un Américain dans chaque équipe. S'il s'agit d'agents de la marine ayant reçu une formation complète et la formation requise par Shiprider, il n'y a pas de problème. Est-ce que ça serait très coûteux? Nous n'augmentons pas le nombre de policiers affectés à des tâches maritimes, nous en obtenons juste plus pour notre argent.
Le sénateur Day : Je présume qu'avec Shiprider, vous avez fait des tests pour voir comment ça fonctionne. Si le projet de loi S-13 est adopté, la loi s'appliquerait à toutes les voies navigables qui forment la frontière, et il pourrait y avoir une augmentation importante des activités.
M. Deevy : Oui. Nous n'avons pas participé aux projets pilotes pour Shiprider. Nous les connaissons, en suivons l'évolution et en appuyons l'orientation. Il s'agit de fournir des services de police intégrés, de collaborer et d'exploiter au maximum les ressources disponibles. Il faut combler les lacunes dont les criminels pourraient tirer parti pour traverser la frontière. Nous n'avons pas directement participé aux projets pilotes, cependant.
Le sénateur Day : Vous avez parlé de 350 policiers de la Police provinciale de l'Ontario affectés à ces tâches, mais ce n'est pas à temps plein, non? Vous avez indiqué qu'ils pourraient faire ceci ou cela.
M. Deevy : C'est saisonnier. Pendant la haute saison, soit à la fin du printemps, en été et au début de l'automne, ils sont affectés à ces tâches à temps plein. Le reste du temps, ils assurent le maintien de l'ordre en général.
Le sénateur Day : Avez-vous calculé combien d'années-personnes la Police provinciale de l'Ontario a consacrées à ce type de tâches maritimes?
M. Schlorff : Nous y consacrons en moyenne 55 000 heures par année. Nous pouvons le calculer en équivalents temps plein, si vous en avez besoin. C'est le temps que nous passons sur l'eau chaque saison.
Le sénateur Day : Par quoi dois-je diviser 55 000? C'est combien de temps, un équivalent temps plein?
M. Schlorff : C'est environ 1 400 heures, mais je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Day : Si ce n'est pas le cas, vous me le direz. Sinon, je diviserai 55 000 par 1 400 pour trouver ce que je cherche.
En ce qui concerne Windsor, est-il envisagé de nommer certains de vos agents conformément à l'article 7 du projet de loi?
M. Brannagan : Oui. Nous en serions heureux, en raison du style de services policiers que nous devons assurer sur l'eau dans notre région, qui est relativement petite. Vous avez entendu le représentant de l'Australie; nous n'avons certainement pas ces problèmes à Windsor. Toutefois, la voie navigable y est très fréquentée. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la Garde côtière américaine, la Sécurité intérieure, la patrouille frontalière, le bureau du shérif du comté de Wayne, le service de police de la Ville de Détroit ainsi qu'une dizaine d'autres organismes américains sillonnent régulièrement la rivière Détroit. Ils travaillent tous les jours avec mes agents. Le problème, c'est la frontière invisible au milieu de la rivière.
Lorsque mes agents arrêtent un bateau sur la rivière pour faire une vérification, il n'est pas rare que ce bateau dérive en eaux américaines. Légalement, ils ne peuvent alors pas appliquer la loi.
Pour que nous puissions tirer parti de l'article 7 de Shiprider, comme le surintendant Deevy l'a mentionné, j'enverrais des agents sur les bateaux des Américains, qui enverraient des agents sur mes bateaux, et nous serions en mesure de gérer efficacement ces 22 kilomètres d'eau pour les deux nations.
D'après moi, nous devons envisager une réponse municipale plutôt qu'une réponse nationale. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, ça ne signifie pas que nous ne sommes jamais confrontés à des problèmes qui ne sont pas d'envergure municipale ou nationale, et nous acceptons cette responsabilité. C'est là que nous soumettrions la question à la GRC, à l'ASFC ou à tout autre organisme.
Le fait de permettre à mes agents de travailler à bord des bateaux américains et aux Américains de travailler à bord des bateaux de la police de Windsor pour les activités d'application de la loi dans les deux pays n'entraînerait absolument aucun inconvénient.
Le sénateur Day : Prévoyez-vous un transfert de fonds à votre service de police si vous deviez participer?
M. Brannagan : « Prévoir » et « souhaiter » sont deux choses différentes, monsieur le sénateur.
La présidente : Je ne crois pas que le projet de loi soit structuré ainsi.
M. Brannagan : J'aimerais bien qu'il le soit. Nous sommes un service de police municipal et assumons ces responsabilités. Si l'administration fédérale voyait qu'elle bénéficie de la relation entre le Service de police de Windsor et la Garde côtière américaine, je suis certain que nous pourrions défendre notre point de vue et que les fonds seraient très bien utilisés.
Le sénateur Day : Merci beaucoup.
La présidente : Pour dire les choses clairement, le projet de loi tel qu'il est rédigé vise officiellement la GRC et la Garde côtière américaine, et personne d'autre. C'est juste une possibilité, si ces personnes ont reçu la formation nécessaire.
Le sénateur Day : L'article 7 prévoit cette possibilité.
La présidente : Vous pouvez former d'autres personnes, mais aucun transfert de fonds n'est prévu. Ce n'est pas dans cette optique que l'accord cadre est envisagé.
Le sénateur Day : Un sénateur prudent tente de déterminer qui doit payer la note.
Le sénateur Marshall : Vous avez parlé de quelques services de police et services de police américains, puis vous avez fait référence à une dizaine d'autres organismes. Comment ces services deviennent-ils tous intégrés de sorte que les services que vous offrez semblent homogènes aux yeux d'un profane? Chaque organisation a sa propre culture, alors il doit bien y avoir quelque chose qui les unit toutes. Est-ce que le temps fait bien les choses, ou est-ce qu'il y a de la formation? Comment cela se passe-t-il?
M. Brannagan : En général, en ce qui nous concerne, ce sont les relations que nos agents entretiennent avec tous ces organismes américains que j'ai mentionnés. Une chose est sûre, dans ma région, c'est la Garde côtière américaine qui est l'organisme responsable sur l'eau, et elle prend ce rôle très au sérieux. Lorsqu'une opération policière conjointe a lieu, comme le Red Bull Air Race que nous avons accueilli pendant quelques années à Windsor sur la rivière Détroit ou les concours internationaux d'art pyrotechnique de renommée mondiale, la Garde côtière américaine prend les commandes, parce que le commandement sur la voie navigable lui a été confié. C'est elle qui prend les commandes.
Le sénateur Marshall : Est-ce que ça arrive que les choses n'aillent pas rondement, qu'après l'opération, vous fassiez votre bilan et vous vous disiez « bon sang, nous n'avons pas bien maîtrisé la situation cette fois-ci »?
M. Brannagan : Les opérations maritimes, tout comme n'importe quelle opération terrestre, comportent pour la plupart leur lot de difficultés et de défis. Cependant, je peux vous dire qu'en faisant le bilan de la majorité des opérations maritimes, le problème le plus important qui revient, c'est l'absence d'autorisation légale pour appuyer un Américain ou un Canadien.
Voici un parfait exemple. Une de mes unités maritimes, avec deux agents à bord, aborde un bateau en eaux canadiennes. Il y a quatre criminels à bord, et mes agents interviennent. Ce faisant, ils demandent de l'aide. La Garde côtière américaine les avise qu'elle sera là dans 30 secondes. Mes agents se demandent où peut bien être le bateau qui doit être là dans 30 secondes. Trente secondes plus tard, un hélicoptère les survole et se tient à environ 75 pieds de notre bateau, avec les occupants du bateau intercepté. Un agent de la Garde côtière américaine armé et attaché à l'hélicoptère fait sentir sa présence en sortant de l'habitacle et en laissant savoir aux criminels qu'ils sont armés et prêts à soutenir les agents canadiens.
Le sénateur Marshall : Y a-t-il des protocoles normalisés? Il doit y avoir des choses qui sont très bien définies, et d'autres, comme vous l'avez dit, qui varient en fonction des relations.
M. Brannagan : Tout à fait. Au mois d'août, un exercice important organisé par la Garde côtière américaine aura lieu sur l'eau. Il durera trois jours environ. Tous les bateaux d'application de la loi de la région sont dans le scénario. La Garde côtière américaine planifie cet exercice depuis six mois déjà. Tous les organismes concernés s'assoient ensemble et prennent connaissance du projet et de la façon dont ils y participeront. Comme je l'ai mentionné, pour toute autre opération, la Garde côtière américaine prend les commandes dans ma région, et ses agents fournissent avec empressement toute information nécessaire à mes agents sur l'eau, sur tout incident qui pourrait se produire.
La Garde côtière américaine dirige un programme appelé Channel Watch qui prévoit l'interception de chaque bateau privé se trouvant dans une section donnée de la rivière Sainte-Claire et du lac du même nom. Tous les organismes y participent. Les renseignements qui sont recueillis grâce à ce programme sont diffusés à tous les organismes, y compris le nôtre.
Le sénateur Marshall : Combien d'organismes y a-t-il au total? Est-ce 20 ou 30?
M. Brannagan : Pour toute la rivière, du lac Sainte-Claire au lac Érié, si on compte les organismes fédéraux, il y a probablement 25 organismes différents du côté des Américains. Les petites régions et municipalités américaines ont souvent des bateaux qui patrouillent dans leur coin. Du côté canadien, il y a le Service de police de Windsor, le Service de police de LaSalle, la Police provinciale de l'Ontario et la GRC, du lac Sainte-Claire au lac Érié.
M. Deevy : Je peux vous donner un exemple. Il y a quatre agents de la marine dans le comté de Lambton. Nous patrouillons le sud du lac Huron, le lac Sainte-Claire et la rivière Sainte-Claire de concert avec les Américains. Ce sont toutes des voies navigables communes. Fred Wessels est l'inspecteur qui supervise ce détachement local. Il a noué des relations avec la Garde côtière américaine, les agents de la police d'État du Michigan, divers services de police municipaux du côté américain de la frontière, la patrouille frontalière, le bureau du shérif. Il y a beaucoup de parties intéressées. La Garde côtière américaine est l'organisme responsable, mais M. Wessels interagit régulièrement avec tous ses partenaires américains de la police et cherche toutes les occasions possibles de le faire, officiellement ou non. Il fait tout ce qu'il peut pour améliorer les activités d'application de la loi des deux côtés de la frontière.
Le sénateur Marshall : C'est assez impressionnant de voir autant d'organismes réussir à travailler ensemble efficacement. Merci.
Le sénateur Plett : Je vous remercie d'être venus, messieurs. J'aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur Dallaire, soit l'armement de nos gardes-frontières.
Tout d'abord, j'appuie cette mesure. Je pense que c'était de l'argent bien dépensé, peu importe le coût. À mon avis, il est probable que les jeunes gardes-frontières soient plus favorables à cette mesure que les gardes-frontières plus âgés, mais je n'en suis pas certain.
En ce qui concerne Shiprider en particulier, il s'agit en fait d'agents mieux formés, ceux de la Police provinciale de l'Ontario, du Service de police de Windsor et de la GRC. Ce ne serait pas les gardes-frontières qui seraient normalement à bord des bateaux de Shiprider, n'est-ce pas?
M. Brannagan : C'est l'impression que j'ai aussi.
Le sénateur Plett : En réalité, donc, qu'ils aient reçu ou non la formation n'a aucune incidence ici.
Dans le cadre législatif actuel, sans les mesures prévues par le projet de loi S-13, si vous êtes à la poursuite d'un bateau, devez-vous vous arrêter à la frontière? Une fois que les méchants sont de l'autre côté de la ligne imaginaire, devez-vous faire marche arrière?
M. Brannagan : Nous n'avons pas à faire marche arrière, mais nous ne pouvons pas intervenir. Vu notre emplacement, notre bateau passe beaucoup de temps en eaux américaines, mais nos agents ne peuvent pas intervenir dans ces eaux.
Le sénateur Plett : Vous pourriez prévenir les Américains par radio, continuer à suivre le bateau et aviser les Américains de l'endroit où il se dirige? Remarquez, ils le sauraient probablement déjà.
M. Brannagan : C'est exact.
M. Deevy : C'est un peu une stratégie à l'aveuglette. Le problème, c'est lorsque nous sommes sur l'eau, que nous sommes témoins de quelque chose, puis que nous traversons cette ligne imaginaire et que nous tentons de joindre les Américains. Ils ne sont peut-être pas sur l'eau ce jour-là, peut-être qu'ils sont en mission ailleurs. Il n'y a aucune garantie. C'est loin d'être aussi bon qu'une équipe intégrée qui peut aller là où bon lui semble pour prendre la situation en main et intervenir.
Le sénateur Plett : Nous avons soulevé la question plus tôt. Au Canada, à certains moments de l'année, on peut tous marcher sur l'eau. Qu'est-ce qui arrive pendant cette partie de la saison? Est-ce que le programme Shiprider s'applique toujours lorsque les lacs et les voies navigables sont gelés?
M. Deevy : Nous avons discuté de ça. D'après ce que je comprends, Shiprider vise les services de police marine. Lorsque l'eau se transforme en glace, le programme Shiprider ne s'applique plus, à moins qu'au fil du temps, en s'inspirant des leçons apprises, Shiprider se transforme en un programme plus vaste.
C'est un très bon point. Les criminels font la navette en motoneige. Nous avons des patrouilles à bord de véhicules automobiles pour la neige. De nombreux agents de la Police provinciale de l'Ontario participent à ces patrouilles pendant les mois d'hiver. Le problème est le même. Dès qu'ils traversent la frontière, les agents ne peuvent plus intervenir.
La présidente : Vous serez heureux d'apprendre que lorsque le ministre était ici plus tôt, il a pris la question en délibéré. Nous avons soulevé la question des motoneiges et de la glace.
Le sénateur Plett : J'habite dans une région appelée MOM's Way, un acronyme pour Manitoba, Ontario et Minnesota. La région forme un triangle. Le cas du lac des Bois nous préoccupe bien évidemment. J'en profite pour amener ma dernière question.
J'appuie fermement Shiprider. J'estime que c'est un très bon programme, et je suis impatient de voir le projet de loi à l'étude adopté par les deux chambres. Cependant, que pourrions-nous faire pour l'améliorer? Y a-t-il des éléments qui ne sont pas prévus dans le programme et que nous pourrions ajouter?
M. Deevy : J'ai lu le projet de loi, mais je ne suis pas avocat. Je ne sais pas si je l'interprète correctement. Le sergent d'état-major Schlorff et moi en avons discuté. Si le projet est adopté, je ne crois pas qu'il y ait une garantie que les agents de la Police provinciale de l'Ontario ou ceux du Service de police de Windsor soient nommés.
Tout d'abord, il serait préférable qu'il y ait une certaine forme d'assurance que d'autres services de police municipaux et provinciaux auront l'occasion de participer pour maximiser les avantages du programme. J'ai donné l'exemple du comté de Lambton. Nous avons quatre agents de la marine là-bas. Je voudrais que tous les quatre soient nommés pour que chaque jour, un policier de la marine qualifié déjà nommé soit en poste. Il pourrait alors téléphoner de l'autre côté de la frontière, demander qui est en poste ce jour-là et proposer au policier de travailler ensemble. Vous pourriez ainsi en obtenir plus pour votre argent pendant la haute saison dans le cadre du programme Shiprider.
Le sénateur Plett : Je trouve intéressant que vous disiez que vous ne seriez pas nécessairement nommés ou que les agents du Service de police de Windsor ne seraient pas nécessairement nommés. Qui serait nécessairement nommé?
La présidente : Le libellé du projet de loi est explicite, parce qu'il s'agit d'un accord entre deux pays. Ottawa ne peut pas faire intervenir des services de police provinciaux ou municipaux. Ça se passe entre le Canada et les États-Unis. Dans l'accord cadre, il y a la garde côtière du côté américain, et la GRC du nôtre.
Le sénateur Plett : Les seuls agents qu'Ottawa peut nommer seraient ceux de la GRC?
Le sénateur Day : Non. L'article 7 indique clairement que l'autorité centrale peut nommer une personne qui est agent de police nommé ou employé en vertu d'une loi provinciale.
Le sénateur Plett : Et s'ils concluaient une entente avec la Police provinciale de l'Ontario?
La présidente : Oui. Une entente qui soit distincte de l'accord. Ils peuvent le faire, mais je pense que vous avez entendu le ministre dire que s'il y avait un besoin particulier ou s'il fallait faire appel à un expert dans un domaine particulier, on pourrait aller de l'avant. Cet accord entre deux pays peut seulement viser des services de police nationaux. Ils ne peuvent pas l'ordonner. Ils peuvent le demander, par contre. Vous pouvez accepter et suivre la formation, et tout fonctionne bien, mais ils ne peuvent l'écrire dans la loi parce que ça ne relève pas de leur champ de compétence.
Le sénateur Dallaire : Parce que c'est un projet de loi-cadre, le document mentionne cette possibilité. À en juger par les propos du ministre, plus il obtient de l'aide des municipalités et des provinces, plus il obtiendra de l'aide.
Le sénateur Plett : J'ai l'impression que ces messieurs seraient tous disposés à participer. Merci beaucoup, messieurs, je vous en suis reconnaissant.
La présidente : Je pense que la question est là. Vous nous dites que vous l'accepteriez, mais ce n'est pas quelque chose que le gouvernement fédéral peut exiger. Ils peuvent y laisser la disposition, de sorte que s'il y a un intérêt, cet intérêt serait reconnu.
Le sénateur Dallaire : Les Américains ont une capacité énorme et ils continuent à l'augmenter avec de nouvelles technologies, comme les UAV. Ils vont conclure cet accord avec nous, ce qui leur donne des atouts, tout comme nous en gagnons aussi de cette façon.
Pendant la guerre froide, beaucoup d'employés des services de renseignement inventaient des menaces pour s'assurer que nous avions une grande capacité. Nos amis au sud de la frontière disposent d'une grande capacité. Font-ils face à assez de menaces pour que cette capacité soit toujours exploitée? Inventent-ils des menaces pour soutenir indirectement, ne serait-ce que par leur attitude, que nous avons besoin de tout ça parce que le Canada est une véritable passoire et que c'est pour ça que nous devons agir?
M. Brannagan : Ils nous fournissent à nous, au Service de police de Windsor, des chiffres sur les produits saisis grâce aux mesures policières fondées sur le renseignement, et il s'agit de véritables marchandises. La quantité est considérable. Il existe une menace bien réelle que nous voyons chaque jour en tant que policiers. Je ne sais pas si vous voulez la qualifier de menace nationale. Je comprends que Shiprider est un programme national et que ses intérêts sont nationaux. Toutefois, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, bien que nous n'ayons pas de stratégie nationale sur les services de police, nous comprenons certains enjeux nationaux du simple fait que nous offrons tous les jours des services de police municipaux. Les problèmes des municipalités se transforment parfois en problèmes de sécurité nationale, nous en sommes conscients.
Le surintendant Power peut parler de ce que nous avons saisi au fil des ans depuis que nous participons à BEST.
Surint. Power : L'opération BEST que nous avons pu voir à Windsor a été très profitable. Nous avons mené de nombreuses opérations avec nos homologues américains, et avec l'aide de notre agent en poste à Détroit, nous avons saisi des stupéfiants d'une valeur totale d'environ 1,6 million dans la seule année 2010. Nous constatons que les gens utilisent Windsor comme escale pour l'entrée de stupéfiants aux États-Unis et utilisent Détroit comme point d'entrée au Canada pour la contrebande de stupéfiants ou d'armes par l'autoroute. Ils ne restent pas tous à Windsor, ce n'est qu'une porte d'entrée.
Nos agents appuient les initiatives et les projets auxquels nous avons travaillé. En ville uniquement, on a trouvé pour plus de 4 millions de dollars de stupéfiants. Nous ne pouvons retracer exactement d'où ils viennent, mais nos unités des stupéfiants et du renseignement ont connu un immense succès.
Le sénateur Dallaire : Leur perception, cependant, est que la menace provenant du Nord est beaucoup plus grave que celle que nous percevons en provenance du Sud, est-ce exact?
M. Brannagan : Je dirais que oui.
Le sénateur Dallaire : Que ce soit des armes ou autre chose. Merci.
La présidente : Je vous remercie beaucoup, messieurs. Il nous est très utile d'avoir des observateurs de ce processus bien informés parce que nous avons dû nous pencher sur les EIPF et le programme BEST pour étudier cette question. Je vous remercie pour ces informations. Nous examinons le projet de loi en détail, et vous nous avez aidés. Merci de vous être déplacés, je sais que la route a été longue pour venir jusqu'ici.
Voilà qui termine notre réunion d'aujourd'hui sur le projet de loi S-13, ou Shiprider, portant sur les activités maritimes conjointes entre le Canada et les États-Unis. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
(La séance est levée.)