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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 1 - Témoignages du 18 mars 2010


OTTAWA, le jeudi 18 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni aujourd'hui à 8 h 2 pour examiner l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite à tous la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle David Angus, je suis le président du comité et je représente la province de Québec. Sont ici aujourd'hui le sénateur Mitchell de l'Alberta, qui est aussi vice-président du comité; le sénateur Richard Neufeld de la Colombie-Britannique; le sénateur Bert Brown de l'Alberta; le sénateur Tommy Banks de l'Alberta; le sénateur Dan Lang du Yukon; le sénateur Judith Seidman de Montréal, Québec; et le sénateur Elaine McCoy de l'Alberta.

Sont également présents notre précieuse greffière, Lynn Gordon, ainsi que deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement — institution que l'un de nos invités d'aujourd'hui connaît particulièrement bien —, Sam Banks et Marc Leblanc. Voilà pour notre équipe.

À ceux d'entre vous qui ne le savent pas, j'aimerais signaler qu'en plus des personnes présentes dans cette salle, des spectateurs du monde entier suivent nos délibérations sur Internet et en webcast, sans oublier le réseau CPAC. Nous allons donc poursuivre notre examen de l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement.

Tout le monde sait que le Canada est un gros producteur d'énergie, dans un monde où la demande énergétique augmente régulièrement alors que l'offre en énergie conventionnelle diminue. Il faut également tenir compte d'un autre problème auquel sont confrontés tous les gouvernements, à savoir comment assurer la sécurité énergétique tout en réduisant les émissions de carbone.

Les cibles fixées par les gouvernements canadiens pour les émissions de carbone et les dispositions d'un accord global sur les changements climatiques vont certainement avoir des effets déterminants sur l'organisation de notre futur système énergétique. En conséquence, le comité a estimé que le moment était venu d'avoir un débat national sur l'avenir du secteur énergétique canadien et de mettre en place un cadre général pour l'élaboration d'une stratégie politique dans ce domaine. C'est dans cette optique que nous avons entrepris notre étude l'automne dernier.

Nous nous réjouissons de constater que nous ne sommes pas les seuls à y avoir pensé. Je sais qu'il y a au moins trois, sinon quatre, groupes au Canada qui cherchent activement à mettre en place un cadre général de ce genre. Je pense qu'il est bon de conjuguer nos efforts, ne serait-ce que pour éviter les chevauchements, et d'essayer tout au moins de coopérer dans l'examen de cette question.

Mardi dernier, nous avons entendu des représentants du Conseil canadien de l'énergie, qui a lui aussi entrepris le même genre d'étude. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux représentants de l'Initiative de cadre énergétique, avec lesquels le vice-président et moi-même avons eu l'honneur de déjeuner avant Noël. C'est à cette occasion que nous avons constaté que leur initiative était en phase avec notre mission, si bien que nous les avons invités à comparaître devant notre comité, d'où leur présence ici aujourd'hui.

J'ai le plaisir de vous présenter Peter Boag, président de l'Institut canadien des produits pétroliers, et Michael Cleland, président de l'Association canadienne du gaz.

Comme ils vont vous l'expliquer dans quelques instants, l'Initiative de cadre énergétique a été lancée et pilotée par les présidents de quatre associations canadiennes représentant les sociétés de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz : l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association canadienne de pipelines d'énergie, l'Institut canadien des produits pétroliers et l'Association canadienne du gaz. Je suis sûr que nos témoins vous en diront davantage sur cette initiative.

Comme je le disais, Michael Cleland est président et directeur général de l'Association canadienne du gaz. Avant de travailler à l'ACG, il a été vice-président principal, affaires gouvernementales, de l'Association canadienne de l'électricité, l'ACE. Avant d'entrer à l'ACE en 2000, il a été sous-ministre adjoint, secteur de l'énergie, à Ressources naturelles Canada, après avoir été directeur général de la direction de la politique énergétique. Il a donc toutes les compétences voulues pour parler d'un cadre général pour l'élaboration d'une politique publique dans ce domaine. De 1987 à janvier 1990, il a été directeur adjoint de la division de la politique sur les ressources, au ministère des Finances.

M. Boag est président de l'Institut canadien des produits pétroliers, l'ICPP, qui regroupe au niveau national les grandes sociétés canadiennes de raffinage, de distribution et de commercialisation de produits pétroliers destinés aux transports, au chauffage résidentiel et à des usages industriels. Depuis 18 ans, il joue un rôle important dans la promotion des politiques publiques et la direction d'associations industrielles. Il a été nommé président de l'ICPP en 2007, après avoir été président et directeur général de l'Association des industries aérospatiales du Canada.

Messieurs, je vous remercie de comparaître devant notre comité ce matin. Nous avons reçu le texte de votre exposé et en avons distribué des exemplaires aux membres du comité. Nous allons suivre le scénario habituel, c'est-à-dire que vous allez faire vos déclarations liminaires, et ensuite, les sénateurs vous poseront des questions.

Je vais devoir m'absenter entre 8 h 50 et 9 h 30, mais ne vous inquiétez pas, je serai de retour à temps pour vous poser une ou deux questions.

M. Boag, vous avez la parole.

Peter Boag, président, Institut canadien des produits pétroliers, Initiative de cadre énergétique : Merci et bonjour, sénateurs. Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité ce matin au sujet de l'étude importante que vous avez entreprise. J'aimerais vous parler d'une initiative lancée conjointement à la fin de 2008 par quatre associations de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz, et qui s'est poursuivie pendant une bonne partie de l'année 2009. L'Institut canadien des produits pétroliers et l'Association canadienne du gaz représentent des entreprises qui se situent en aval de la chaîne. Malheureusement, nos collègues de l'Association canadienne des pipelines d'énergie et de l'Association canadienne des producteurs de pétrole ne pouvaient pas être présents aujourd'hui, mais ils vous adressent leurs salutations. Ils espèrent avoir une autre occasion de discuter avec vous de cette importante question.

Le président : Notre objectif aujourd'hui est d'avoir quelques échanges sur la question, afin de savoir si nous sommes sur la même longueur d'onde. Par la suite, vous pourrez revenir pour une discussion plus approfondie.

M. Boag : Je vais vous parler des quatre ou cinq premières pages de notre exposé, après quoi je laisserai la parole à M. Cleland qui vous donnera des explications plus détaillées sur l'Initiative de cadre énergétique.

D'où nous est venue l'idée d'un cadre énergétique? Le concept en a été élaboré vers la fin de 2008, lorsque les dirigeants de nos quatre associations ont reconnu l'importance de mieux faire connaître l'énergie et la politique énergétique du Canada. Ils avaient en effet constaté que le peu de discussions qui portaient sur le sujet se déroulaient à l'intérieur de silos étanches, et qu'on n'était pas suffisamment conscient des liens critiques qui existent entre l'énergie, l'économie et l'environnement — les 3E comme on les appelle souvent —, si bien qu'il y avait peu de débats ou de dialogues sur les trois secteurs à la fois.

Les entreprises qui se situent en aval de la chaîne estimaient pour leur part que les discussions se limitaient trop souvent au secteur de l'énergie et à l'approvisionnement énergétique, au lieu de porter sur l'ensemble de la filière énergétique. C'est un point sur lequel nous allons beaucoup insister pendant notre exposé et au cours de la discussion qui s'ensuivra. Pour l'essentiel, je vous dirai que tout débat sur l'énergie au Canada doit englober à la fois la consommation énergétique et l'approvisionnement énergétique, car tout cela se tient. Ce que font les consommateurs d'énergie est aussi important, pour l'avenir énergétique du Canada, que ce que font les producteurs d'énergie.

L'ICE est le fruit d'une collaboration qui s'est poursuivie pendant une bonne partie de l'année 2009. L'objectif implicite était la mise en place d'un cadre général qui permettrait de donner une certaine cohérence à une filière énergétique de plus en plus compliquée et en évolution constante. Nous avons obtenu la collaboration de divers intervenants, notamment de l'industrie, d'universités, de centres de réflexion, d'organisations environnementales non gouvernementales, et d'un certain nombre de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Au cours de l'année 2009, nous avons organisé une série d'ateliers et avons eu une discussion fructueuse avec les membres du Conseil des ministres de l'Énergie et des Mines, à l'occasion de leur conférence, l'automne dernier à St John's, Terre-Neuve-et-Labrador. Le point d'orgue de nos activités a été l'organisation, à Ottawa cette même année, d'un forum d'une journée sur l'énergie. Toutes ces activités nous ont conduits à l'élaboration de notre document final sur l'ICE, que nous ferons parvenir à votre comité dès qu'il aura été traduit, ce qui ne saurait tarder. Une fois le cadre défini, nous avons demandé à six chercheurs indépendants, qui avaient participé aux discussions et aux ateliers sur l'ICE, de rédiger six documents objectifs sur les six piliers identifiés. Voilà comment nous en sommes arrivés là où nous en sommes aujourd'hui.

Beaucoup nous ont demandé : pourquoi maintenant? Pourquoi avons-nous décidé de faire ça? Qu'est-ce qui nous a amenés à lancer l'Initiative de cadre énergétique? La nécessité d'avoir un cadre de discussion cohérent ne date pas d'hier. Certes, nous nous sommes débrouillés tant bien que mal sans cadre général pendant des décennies, alors pourquoi maintenant? Je vous dirai simplement qu'à notre avis, il n'y a jamais eu une convergence aussi grande entre les enjeux, les pressions et les opportunités en ce qui concerne l'énergie, et que les débats publics n'ont jamais été aussi divers et intenses. Tous ces facteurs montrent qu'il est urgent d'entamer ce genre de dialogue afin d'élaborer une stratégie d'ensemble.

L'une des pressions auxquelles je faisais allusion est l'évolution de la situation en ce qui concerne l'approvisionnement, l'abordabilité devenant un facteur clé de l'équation. Une deuxième pression est le rôle de l'énergie, et le degré d'influence du Canada dans le monde. Dans ses remarques liminaires ce matin, le président du comité a parlé de sécurité énergétique. Les États-Unis, comme d'autres pays, s'intéressent beaucoup à la question, alors que les Canadiens se sentent généralement à l'abri de ce problème, vu la richesse de leur sous-sol. Il n'en demeure pas moins que la sécurité des approvisionnements est une question qui doit concerner tout le monde, y compris le Canada qui est un producteur et un exportateur important d'énergie. Dans le débat sur la sécurité énergétique, nous ne pouvons pas nous contenter d'être de simples spectateurs.

La troisième pression vient de la nécessité de définir le rôle des marchés et des capitaux privés, d'une part, et du secteur public et réglementaire, d'autre part, car nous avons les deux au Canada. La quatrième pression vient du fait que nous avons au Canada un mélange complexe de répercussions environnementales (la terre, l'eau, l'air et l'habitat), d'impacts esthétiques et d'incidences sur les habitudes de vie, qui donnent lieu à des controverses incessantes que nous sommes de moins en moins capables de régler.

La cinquième pression représente sans doute le plus grand enjeu environnemental puisqu'il s'agit de savoir comment faire face aux changements climatiques. Ce sont donc tous ces facteurs qui nous ont convaincus que le moment était venu de lancer notre Initiative de cadre énergétique.

En quoi consiste le cadre énergétique? À mettre en place une structure qui permet de mieux faire connaître l'énergie et la politique énergétique et de donner au débat sur la politique énergétique la cohérence nécessaire; et qui permet de définir un contexte, d'établir des fondements et des principes sous-jacents et d'énoncer les grands axes sur lesquels s'articulera la politique, sans oublier les résultats que nous escomptons. Nous voulons encourager l'utilisation d'un langage commun, pour faciliter et promouvoir le dialogue entre les divers groupes d'intérêts de notre société, d'autant plus que le Canada renferme de nombreuses juridictions. De par notre Constitution, l'énergie est un dossier qui intéresse un grand nombre de juridictions.

Le cadre énergétique fournit une tribune pour bien faire comprendre l'urgence de la question, ce qui nous paraît absolument nécessaire, et pour élaborer une vision commune, ce qui est essentiel à l'établissement d'une politique énergétique musclée et intégrée, parfaitement adaptée à la complexité et à l'étroite imbrication des différents éléments de toute la filière énergétique, car je ne parle pas seulement de l'industrie énergétique. Il permet également de réfléchir à toute la question d'une façon cohérente et intégrée dans toutes les juridictions concernées. Il permet enfin de prendre en compte tous les intérêts en jeu, tout en fournissant la souplesse nécessaire pour adapter les orientations politiques à des secteurs et juridictions particuliers.

Voilà ce que nous entendons par cadre énergétique, mais je me dois de préciser que ce n'est ni une stratégie ni une politique mais plutôt un moyen pour y parvenir. Autrement dit, nous estimons que le cadre énergétique est un outil qui facilite l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique intégrée, mais que le contenu de cette politique doit être déterminé par les différentes juridictions.

Vu sous cet angle, le cadre énergétique est un instrument qui permet aux divers intervenants de toute la filière énergétique de participer à l'établissement d'un consensus à long terme sur une politique énergétique canadienne. Il s'agit donc davantage d'un processus que d'une politique ou d'une stratégie. Le tableau de la diapositive suivante vous montre comment cela fonctionne. Je vais donner la parole à M. Cleland dans un instant, pour qu'il vous donne plus de détails sur cette stratégie. En quelques mots, elle consiste à définir les fondements qui serviront à identifier les six piliers de la future politique. Ensuite, la stratégie nous amène à tirer des conclusions et à définir une vision, si vous voulez, de l'énergie au Canada à long terme.

Les fondements du cadre énergétique s'articulent autour des trois grandes composantes du développement durable : l'économie, la société et l'environnement, qui forment à notre avis un socle critique. C'est dans ce contexte d'ensemble qu'il faut replacer le cadre énergétique : les fondements et les principes, les piliers de l'élaboration de la politique et les conclusions qui conduiront à la définition d'une vision à long terme.

À partir de ces fondements, nous avons identifié six piliers pour l'élaboration de la politique, piliers qui, tous ensemble, constituent un cadre intégré. Ces piliers nous amènent ensuite vers les objectifs de sécurité, de fiabilité, d'abordabilité, d'innovation et de durabilité, qui correspondent à notre vision énergétique pour le Canada.

Après ces quelques mots d'introduction, je vais maintenant donner la parole à M. Cleland pour une description plus détaillée du cadre énergétique.

Michael Cleland, président-directeur général, Association canadienne du gaz, Initiative de cadre énergétique : Comme l'a dit M. Boag, je vais vous expliquer plus en détail en quoi consiste le cadre énergétique.

Mais auparavant, je me dois de préciser que cette stratégie n'est pas coulée dans le béton. M. Boag vous a parlé de ce que nous avons fait en 2009, mais nous avons d'autres activités que nous organisons cette année, et dont nous parlerons tout à l'heure. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il n'y a pas une seule façon de voir les choses et une seule solution. L'objectif avant tout est d'entretenir un dialogue pour dégager un consensus au Canada sur toute la question de l'énergie. Quelles sont nos valeurs à nous, Canadiens? S'agissant des principes, et j'y reviendrai plus longuement tout à l'heure, l'important est que nous poursuivions notre réflexion et que nous prenions en compte vos commentaires et ceux d'autres intervenants au fur et à mesure.

On considère souvent les principes comme une liste de choses souhaitables et, une fois qu'elle est dressée, on s'empresse de passer au vif du sujet. Je ne pense pas que ce soit la même chose ici, et mes collègues de l'Initiative de cadre énergétique seront certainement d'accord avec moi. Pour dresser cette liste, il est important de ne pas se tromper, d'où la nécessité de poursuivre le dialogue sur nos valeurs en tant que société.

Après ces quelques mots d'introduction, je vais vous parler maintenant de ce que nous appelons les fondements économiques.

Le président : Me permettez-vous une petite intervention? Étant donné votre expérience de la mise en œuvre des politiques au gouvernement fédéral, vous devez avoir une bonne idée des problèmes que pose la multiplicité des juridictions et du véritable dédale dans lequel nous nous trouvons au Canada du fait que, en apparence du moins, ce dossier relève des provinces. Je tenais à le dire, car j'ai lu votre curriculum vitae et vous me paraissez être la personne idéale pour entreprendre ce genre de projet. Je tenais à le dire.

M. Cleland : Je vous remercie. M. Boag vous a dit tout à l'heure ce que le cadre énergétique était et ce qu'il n'était pas, et je pense que cette définition s'applique ici.

En dernière analyse, c'est à chaque juridiction qu'il incombe de définir sa propre politique, de la mettre en œuvre et de la poursuivre. Il serait présomptueux de notre part d'essayer de dire aux gouvernements de Terre-Neuve-et- Labrador, de l'Alberta, du Québec ou de l'un des territoires ce qu'il doit faire exactement en matière de politique énergétique. Dans un sens, le cadre énergétique pourra servir de toile de fond aux politiques provinciales, et constituer ainsi un socle commun à tous les Canadiens en matière d'énergie.

Le président : Vous ignorez peut-être, car j'ai oublié de le dire au début de la réunion, que nous comptons parmi les membres du comité deux anciens ministres provinciaux qui sont experts en la matière, le sénateur McCoy et le sénateur Neufeld. Ils nous sont d'une aide précieuse pour mieux comprendre les enjeux dans ce domaine, et justement, ils font une nette distinction entre une structure habilitante, comme celle-ci, et l'élaboration de la politique elle-même. Le sénateur McCoy, en particulier, a bien insisté sur le fait que l'industrie a besoin de conseils et d'orientations — les quatre grandes associations que vous représentez —, mais personne jusqu'à présent ne nous a présenté un cadre de ce genre. Je vous dis cela simplement pour vous montrer que cet aspect de l'élaboration des politiques nous pose des problèmes.

M. Cleland : Merci. Comme je le disais, j'espère que ces informations vous seront utiles dans votre étude.

Sans vouloir m'y attarder, car nous pourrions passer une heure et même plus sur chacun de ces principes, je vous dirai cependant qu'en ce qui concerne les fondements économiques, le principe de l'ouverture des marchés, tant au niveau national qu'au niveau international, semble aujourd'hui largement accepté, mais qu'il ne l'est au Canada que depuis 20 ou 25 ans car ce n'est qu'au milieu des années 1980 que nous avons adopté cette position vis-à-vis de l'énergie. Le Canada, les États-Unis et certains pays européens sont parmi les quelques pays au monde qui adhèrent à cette école de pensée. Nous estimons que ce principe doit être réaffirmé, car notre réussite dans ce domaine en dépend.

Le deuxième fondement, qui concerne l'application cohérente et uniforme des règles, est un principe que le Canada doit respecter au maximum. À l'heure actuelle, et je vous parle bien sûr au nom des entreprises du secteur privé, nous nous retrouvons souvent en concurrence avec des sociétés d'État, des gouvernements municipaux et des entreprises municipales, si bien que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

Si l'on songe aux investissements que l'Agence internationale de l'énergie préconise en matière d'énergie, et aux réorientations radicales de nos budgets énergétiques que réclament les responsables du dossier des changements climatiques, le total des investissements nécessaires est époustouflant. Et la seule façon de les réunir sera d'attirer des investissements du secteur privé.

À notre avis, et bien sûr nous sommes là pour en discuter, si vous voulez attirer des investissements du secteur privé, il faut que les investisseurs privés soient convaincus que les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.

Enfin, pour ce qui est de la transparence des prix de l'énergie au Canada, nous en sommes loin. S'agissant de l'électricité, chacun comprend les raisons politiques pour lesquelles il est difficile de tarifer l'électricité à son coût marginal et à son coût futur inéluctable. Il serait déraisonnable de notre part de sous-estimer cette difficulté. Néanmoins, lorsque les Canadiens vont devoir faire des choix énergétiques, ils auront besoin de connaître les prix réels, y compris le coût du carbone. Encore une fois, le Canada a encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. C'est à notre avis un principe fondamental. Contrairement au premier principe, celui-ci suscite encore beaucoup de controverse.

Passons maintenant aux fondements sociaux. Nous estimons que l'exploitation et le transport des ressources énergétiques servent l'intérêt national, mais cette affirmation s'accompagne de réserves, que vous trouvez à la deuxième puce de la diapositive : les coûts et avantages de l'exploitation de l'énergie ne sont pas toujours répartis également. Nous avons tendance à faire fi des préoccupations locales avec l'expression « pas chez moi », mais je ne suis pas vraiment sûr que ce soit une bonne façon d'aborder la question. Même si ça nous irrite parfois, il faut reconnaître que les collectivités locales doivent assumer des coûts qui ne sont pas toujours pris en compte.

Vous voyez que l'un de nos piliers concerne l'approbation par le public. Il faut que nous engagions un véritable dialogue au Canada afin de trouver le moyen de résoudre ces problèmes en moins de temps, de façon plus efficiente et, au bout du compte, à la plus grande satisfaction des parties intéressées.

La troisième puce concerne les coûts de l'énergie. M. Boag a indiqué tout à l'heure qu'à notre avis, les coûts de l'énergie vont certainement augmenter, pour un certain nombre de raisons fondamentales, notamment le coût du carbone et les changements climatiques. Les consommateurs doivent être informés des coûts réels, comme je le disais à propos de la diapositive précédente. Cependant, il y a des façons d'atténuer les effets de ces coûts, notamment pour les consommateurs vulnérables; c'est une question qui relève de la politique sociale, mais qui est liée à la tarification de l'énergie. Pour autant, le moyen que nous utilisons pour atténuer cet impact ne doit pas masquer le prix réel de l'énergie, et il y a plusieurs façons d'y parvenir.

Enfin, il y a les questions liées à la santé et à la sécurité humaines. Outre sa fiabilité, un système énergétique doit avant tout être sûr et perçu comme tel par les Canadiens. À ce chapitre, la performance de l'ensemble du système canadien est remarquable, et nous pouvons en être fiers alors que nous accueillons de nouvelles technologies, de nouveaux investissements et de nouvelles façons de faire pour répondre aux défis du changement climatique.

La santé et la sécurité humaines sont des principes incontournables, que nous ne pouvons compromettre. Si les Canadiens viennent à en douter, ce sera très grave. La protection de la santé et de la sécurité humaines relève principalement de nous, mais nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour établir des règles adéquates et pour s'assurer qu'elles sont respectées. Mais pour l'essentiel, c'est à nous qu'il incombe de protéger la santé et la sécurité humaines, et nous continuerons d'améliorer nos pratiques dans ce sens.

S'agissant des fondements environnementaux, le changement climatique dominait complètement le débat jusqu'à la tenue du sommet de Copenhague et de quelques autres événements connexes. Il est surprenant de constater dans quelle mesure le changement climatique a depuis lors disparu de bien des radars, mais il reviendra, c'est sûr. En attendant, cette science fait l'objet d'une polémique, et c'est normal. Mais il y a fort à parier que nous devrons un jour ou l'autre prendre les mesures qui s'imposent, sans parler des autres problèmes environnementaux dont nous devons nous préoccuper.

Vous avez, j'en suis sûr, des exemples de situations où les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre mettent à mal d'autres enjeux environnementaux. Les centrales hydroélectriques au fil de l'eau, en Colombie- Britannique, en sont un bon exemple, sans parler de la controverse qui a récemment éclaté à Oakville au sujet de l'emplacement d'une centrale électrique alimentée au gaz naturel. Même si nous estimons que ces préoccupations ne sont pas justifiées, là n'est pas le problème. Ce qu'il faut bien comprendre dans ce cas, c'est que la population s'oppose aux émissions associées à un projet qui est pourtant manifestement dans l'intérêt de l'Ontario si celui-ci veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Nous devons donc prendre en compte ces émissions dès le départ, sinon, le problème nous rattrapera tôt ou tard.

Nous devons prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique dans l'ensemble de l'économie. À notre avis, c'est une nécessité fondamentale. Une molécule de carbone reste toujours une molécule de carbone. Au bout du compte, si nous voulons atteindre cet objectif de façon efficiente, nous devons nous assurer que cela se répercute sur tous les consommateurs d'énergie, même si c'est une chose difficile à faire accepter, surtout au niveau politique. Nous avons vu ce qui s'est passé aux États-Unis et ce qui a tout l'air d'être un échec au Congrès américain, mais au Canada, nous sommes encore loin de cette étape décisive.

Tout projet de développement énergétique a ses conséquences environnementales, qu'il s'agisse de fermes éoliennes, de centrales hydroélectriques, de centrales électriques alimentées au charbon ou de systèmes utilisant des produits pétroliers. Nous devons donc tenir compte de ces conséquences. Nous sommes convaincus que c'est avec l'aide du secteur privé, du gouvernement et de la réglementation que les approches axées sur le risque peuvent conduire aux résultats environnementaux que nous escomptons.

Permettez-moi maintenant de vous dire quelques mots sur les six piliers. Je ne m'y attarderai pas si ce n'est pour vous dire que le premier pilier n'est pas là par hasard. Nous devons en effet nous intéresser d'abord à la demande et nous demander de quels services énergétiques les Canadiens ont besoin et ont envie, et de quelle façon nous pouvons leur fournir ces services de la façon la plus écologique, la plus efficiente, la plus abordable et la plus fiable. Cela touche à des questions comme la tarification de l'énergie, l'application de règles égales pour tous et la mise en œuvre de politiques sociales pour atténuer les impacts sur les consommateurs à faibles revenus. Nous allons devoir trouver des procédés plus durables pour l'exploitation de nos ressources, et nous assurer qu'elles sont transformées et acheminées sur les marchés de façon plus durable. Encore une fois, pour en revenir aux principes, nous estimons que l'atteinte de cet objectif passe par des approches axées sur le risque.

S'agissant de l'énergie et du changement climatique, il est essentiel d'adopter une approche durable, mais celle-ci ne doit pas être isolée des autres. Le changement climatique fait partie intégrante de la politique énergétique ou en tout cas de l'idée que nous nous faisons de la filière énergétique. La plupart des gaz à effet de serre proviennent de la production ou de la consommation d'énergie. Il faut que le prix du carbone soit fixé à l'échelle de l'économie tout entière et que les autres objectifs y soient rattachés si nous voulons faire oublier notre performance lamentable en matière d'émissions de gaz à effet de serre au Canada depuis 20 ans.

J'ai parlé tout à l'heure de l'acceptation par le public. Nous allons nous retrouver face à un grave problème si nous continuons de faire l'autruche. De plus en plus, qu'il s'agisse de lignes électriques, de pipelines ou de nouveaux projets de production d'énergie, les collectivités locales s'y opposent. Il est de plus en plus difficile de fonctionner. Il faut donc amorcer un nouveau type de dialogue si nous voulons vraiment résoudre ce problème.

S'agissant d'« amélioration continue de la capacité et des moyens », les gens oublient souvent que ce type d'amélioration exige beaucoup de compétences humaines, notamment en matière de politique, de réglementation, d'innovation et de recherche technologique. Et pourtant, ce pilier est absent de bien des radars, notamment les radars politiques. Les réductions budgétaires opérées récemment par les gouvernements fédéral et provinciaux risquent de mettre à mal cette capacité, et il va falloir se pencher sur la question. Les ressources ne jaillissent pas du sol spontanément, et les règlements ne tombent pas du ciel. Comme la machine n'a pas encore remplacé l'homme dans ce domaine, le Canada va donc devoir investir davantage dans le développement de cette capacité.

S'agissant de « l'adoption d'une approche coopérative pour définir l'engagement intergouvernemental », c'est certainement plus facile à dire qu'à faire. Sénateur, vous avez parlé de la répartition, dans la Constitution, des responsabilités en matière d'énergie au Canada. Il arrive que cette approche fonctionne bien, mais la plupart du temps, ce n'est pas le cas. Nous estimons que, si nous réussissons à nous entendre au moins sur certaines de ces notions fondamentales, la collaboration sera plus facile. Il y va de l'intérêt du Canada. Lorsque nous parlons d'« engagement intergouvernemental », nous incluons les gouvernements étrangers, non seulement celui des États-Unis mais aussi ceux de nos principaux partenaires du monde entier.

La diapositive suivante est intitulée « Une vision pour l'avenir ». J'ai déjà parlé de la nécessité de développer « une compréhension de base de la situation du Canada en matière d'énergie ». À cet égard, nous avons lancé un projet dont nous serons ravis de vous parler plus en détail si vous nous réinvitez. Nous devons réfléchir davantage à ce que doivent être nos objectifs fondamentaux. C'est une question à laquelle nous-mêmes n'avons pas accordé suffisamment d'attention, et nous devons donc réfléchir sérieusement à ce que doivent être les perspectives énergétiques du Canada en 2020 et en 2050. Qu'elle est notre vision? Pour pouvoir arrêter une stratégie, nous devons avoir une vision, dont le point de départ doit être la situation actuelle.

Comment pourrions-nous évaluer les politiques d'une façon plus intégrée, afin d'avoir une meilleure idée de la situation d'ensemble?

Nous travaillons actuellement sur deux ou trois sujets précis. M. Boag et moi pilotons les discussions sur ce que nous appelons les piliers 1 et 3. Par exemple, l'utilisation finale et le système de distribution de l'énergie peuvent-ils être repensés en fonction de nos objectifs en matière de changements climatiques? À notre avis, ce secteur de la filière énergétique joue un rôle au moins aussi grand que le système de production, ce qu'on a tendance à oublier. On a tendance à en attribuer la plus grande responsabilité au système de production, ce qui est non seulement injuste mais surtout improductif. Nous devons donc nous intéresser davantage au secteur de la distribution si nous voulons vraiment opérer les changements rendus nécessaires par nos objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre pour 2050.

Parallèlement, nous travaillons avec nos collègues de l'Association canadienne des producteurs de pétrole et de l'Association canadienne de pipelines d'énergie sur les dossiers de la réforme réglementaire et de l'acceptation par le public, qui sont des dossiers distincts mais néanmoins intimement liés à ce dont je parlais à l'instant. La réforme réglementaire n'aboutira pas si nous ne nous intéressons pas, en parallèle, à la question de l'acceptation par le public.

Je m'en tiendrai là, pour l'instant, afin de laisser le président ouvrir la période des questions.

Le président : Je vous remercie tous les deux de vos exposés fort intéressants. Vous avez réussi à faire une synthèse brillante d'un dossier pourtant volumineux.

Je ne peux pas m'empêcher de vous poser la question suivante : les quatre associations que vous représentez semblent, en apparence du moins, s'intéresser aux sources énergétiques traditionnelles de gaz et de pétrole, entre autres, c'est-à-dire celles qu'on connaît depuis toujours. Je ne vous ai pas entendu parler d'énergie « nucléaire », « hydroélectrique », « éolienne » ou « de remplacement ». Je n'ai peut-être pas été assez attentif, mais j'ai l'impression qu'il nous manque, à nous politiciens, un morceau du casse-tête. Je trahis peut-être mon ignorance de certains aspects de ce dossier, mais j'aimerais quand même savoir ce que vous avez à me répondre.

M. Boag : Je vais me lancer. Je vous ferai remarquer que nous n'avons pas parlé non plus de pétrole et de gaz en particulier. Nous avons essayé d'adopter une position neutre à cet égard, dans le contexte de la préparation du cadre énergétique, mais il est bien évident que tout ce travail a été fait par des gens qui représentent la chaîne de valeur du pétrole et du gaz naturel. Nous avons toutefois sollicité la participation des autres secteurs que vous avez mentionnés, afin d'examiner le dossier énergétique dans son ensemble. Nous estimons que l'Initiative de cadre énergétique est extrêmement pertinente, non seulement pour notre propre secteur industriel mais aussi pour les autres formes d'énergie, et qu'elle ne se limite pas au secteur du pétrole et du gaz naturel.

M. Cleland : Je suis tout à fait d'accord avec M. Boag. Si vous reprenez notre exposé et que vous remplacez le mot « énergie » par « électricité », vous verrez que vous n'aurez sans doute rien d'autre à changer. À mon avis, cela valide la réponse de M. Boag.

Cela dit, nos industries s'intéressent de plus en plus aux autres aspects de la question. M. Boag et moi-même, ainsi que nos associations et les industries concernées, attachent de plus en plus d'importance à l'efficacité énergétique. Dans le secteur du gaz naturel, nous nous y intéressons depuis 15 ans. Nous mettons en place des programmes d'efficacité énergétique, et nous allons même plus loin. Nous investissons dans des technologies nouvelles, au niveau du consommateur, et dans des systèmes combinés électricité-chaleur extrêmement efficaces. Les industries d'énergie traditionnelle sont conscientes de ce qui s'annonce. Certes, nous avons nos propres intérêts à défendre, mais si nous réussissons à mettre en place un cadre énergétique adéquat, nous serons en mesure de nous adapter d'autant plus facilement.

Le président : C'est ce que je voulais vous faire dire, car bien des analystes politiques nous disent de nous méfier des représentants des grandes sociétés gazières et pétrolières qui ne voient que leurs propres intérêts. Ici, le conflit d'intérêts est tabou, et nous ne pouvons même pas accepter un verre d'eau sans avoir vérifié auparavant qui en est le fournisseur. Je voulais donc vous donner l'occasion de dissiper ces mythes. Je suis pour ma part convaincu que vous faites ce qu'il faut et que nous poursuivons le même objectif ultime, à savoir des énergies propres et efficientes et des systèmes de distribution plus efficaces, si, comme vous l'avez fort bien dit, nous voulons faire oublier notre performance lamentable en matière d'émissions de gaz à effet de serre au Canada depuis 20 ans. Nous travaillons dans le même contexte, mais cette fois-ci, nous n'avons plus le droit à l'échec car le temps presse.

Je parlais tout à l'heure de l'expertise de mes collègues. Le sénateur Banks a été le président dévoué du comité pendant de nombreuses années, et il nous a emmenés dans toutes sortes d'endroits où nous ne serions jamais allés, notamment l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, et l'Agence internationale de l'énergie, l'AIE, sans oublier l'industrie nucléaire. Ces visites étaient très instructives. Sénateur Banks, vous avez la parole.

Le sénateur Banks : Bonne chance pour votre réunion.

Messieurs, je suis content de vous revoir. Merci d'être venus. Je voudrais vous parler d'une politique énergétique nationale, mais pas de la Politique nationale sur l'énergie, qui était une erreur épouvantable, ce que les tribunaux ont reconnu, et qui a nui à ma province, même si cela a été compensé par des remboursements fiscaux. Je crois que vous étiez là à l'époque, si je me souviens bien.

M. Cleland : C'était juste avant que j'arrive.

Le sénateur Banks : Je vous prie de m'excuser. J'aimerais donc parler d'une politique énergétique nationale, sans lettres majuscules, et en lui donnant un autre nom, sinon elle n'aura aucune chance de survivre.

La situation constitutionnelle de notre pays est unique au monde, à certains égards. Nous sommes l'un des rares pays à ne pas avoir ce qu'on pourrait qualifier de politique énergétique nationale, alors que le Canada consomme beaucoup d'énergie. Tout le monde en connaît la raison, et vous l'avez mentionnée : la fragmentation des responsabilités entre les juridictions.

Mais soyons réalistes : pensez-vous qu'il soit possible de susciter un niveau de coopération, peut-être en commençant par un cadre énergétique, un niveau de coopération tel que nous avons des chances d'en arriver à ce qu'on pourra considérer comme une politique énergétique nationale au Canada?

M. Cleland : Je vais commencer par vous dire oui et non à la fois. Oui dans la mesure où le Canada, en tant qu'entité nationale, a besoin de définir sa position en matière d'énergie face au monde entier, et a besoin aussi de la communiquer aux Canadiens pour qu'ils sachent à quoi s'en tenir. Une utilisation plus efficace de l'énergie est un objectif qui sert l'intérêt national, et le gouvernement fédéral dispose de leviers et de mécanismes pour aider les provinces à atteindre cet objectif. Il est également dans l'intérêt national de s'assurer que toutes les régions du Canada sont en mesure d'exploiter leurs ressources de façon responsable, que les habitants des provinces peuvent profiter des bienfaits économiques de cette exploitation, et que ces bienfaits économiques se répercutent sur tout le reste du pays. Le gouvernement fédéral a d'autres responsabilités précises en ce qui concerne les pipelines et l'énergie nucléaire notamment.

Mais à part cela, je ne pense pas. Ces questions relèvent des gouvernements provinciaux. Ils sont sur place et sont mieux à même de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Le gouvernement fédéral aurait tort de vouloir s'immiscer dans ces domaines. Essayer d'obtenir l'accord des dix provinces et des trois territoires sur une politique du gouvernement fédéral serait franchement une perte de temps. À mon avis, on se retrouverait avec le plus bas dénominateur commun. Notre initiative est fondée sur le dialogue et la discussion. Elle permet également au gouvernement national d'avoir son mot à dire dans ses sphères de responsabilité, notamment notre vie nationale en général.

Le sénateur Banks : Vous avez parlé de prix réalistes, et je suppose que cela signifie la prise en compte de tous les coûts, à court terme et à long terme, car à l'heure actuelle, certains de ces coûts sont intégrés dans ce que nous payons tous pour l'énergie que nous consommons. Nous savons tous, et le public s'en rend compte de plus en plus, que les prix que nous payons ne sont pas réalistes, surtout si on est comptable ou que l'on compare ces prix avec ceux qui sont pratiqués dans presque tous les autres pays du monde. Quel est le moyen le plus efficace d'instaurer des prix réalistes? Autrement dit, je vous demande votre opinion. Si vous étiez le souverain du pays et que vous deviez choisir entre un système d'échange de crédits carbone, par exemple, et la taxe carbone, même si elle est difficile à faire accepter politiquement, que choisiriez-vous comme moyen le plus efficace d'atteindre l'objectif dont nous parlons? Malgré les difficultés politiques que cela représente, faut-il que le gouvernement ait la volonté de régler le problème? Tout le monde voudrait qu'il soit réglé, mais chacun s'empresse d'ajouter : à condition que ça ne me coûte rien. Que pensez-vous de ce genre d'attitude tout à fait déraisonnable, de la prise en compte de tous les coûts et, éventuellement, d'une taxe carbone?

M. Cleland : Avant de vous répondre, permettez-moi de vous dire que, plus on entre dans les détails, plus on se rapproche des positions et des opinions des associations individuelles. Je tiens donc à préciser que je parle au nom de ma propre association. Je ne pense pas que mes opinions soient aux antipodes de celles de mes collègues, mais je préfère indiquer clairement que je ne parle pas au nom de leurs associations.

Mon association estime que le moyen le plus efficace de fixer le coût du carbone à un niveau réaliste est une taxe carbone, mais elle se rend bien compte que cette option n'est plus sur les radars pour le moment. Si le gouvernement décide d'adopter un système d'échange de crédits carbone, il faudra que ce système soit appliqué à l'ensemble de l'économie. Comme je l'ai déjà dit, une molécule de carbone est une molécule de carbone, et elle a toujours le même effet sur l'environnement.

Dans l'idéal, il vaudrait mieux commencer par un système d'enchères plutôt qu'un système d'allocations. Nous avons tout lieu de croire, d'après ce que nous avons vu jusqu'à présent, qu'un système d'allocations fera l'objet d'intenses pressions politiques. En effet, les lobbyistes vont rivaliser entre eux pour essayer d'avoir l'avantage. À mon avis, c'est un moyen inefficace pour fixer le coût du carbone.

Enfin, il va bien falloir un jour s'attaquer au problème du prix. La façon la plus intelligente et la plus efficace d'atteindre nos objectifs est de se baser sur le prix, plutôt que de demander au gouvernement de désigner les technologies gagnantes, et de faire ainsi des perdants, ou de lancer des programmes particuliers.

M. Boag : Permettez-moi d'ajouter ceci : que l'on parle de taxe carbone ou d'échange de crédits carbone, aucune de ces deux solutions ne fait l'unanimité dans les différentes branches de l'industrie. Par contre, tout le monde s'entend sur la nécessité de fixer un coût pour le carbone, un coût qui reflète ce que M. Cleland disait tout à l'heure, à savoir qu'une molécule de carbone reste toujours une molécule de carbone. Ce coût doit être le même dans l'ensemble de l'économie, et le système doit être efficace et simple.

C'est pour cette raison que, dans notre industrie, certains pensent que le meilleur moyen est une taxe carbone, malgré les difficultés que cela représente sur le plan politique. D'autres restent convaincus que, bien conçu, un système d'échange de crédits carbone est la solution.

L'une des plus grandes difficultés que pose ce système est l'allocation : comment peut-on allouer des crédits? D'aucuns prétendent que la façon la plus efficace et la plus efficiente d'allouer des crédits est de le faire par voie d'enchères. Il y a aussi la question du calendrier d'implantation d'un tel système, qui ne fait pas l'unanimité dans notre industrie. Va-t-on en revenir à un ancien système d'enchères partielles, d'allocation de crédits en fonction de certains critères?

Dans la pratique, le défi est de concevoir un système non seulement qui fonctionne mais aussi qui ne crée pas d'injustice ou de complexité excessive, ce qui lui ôterait toute efficacité.

Les débats se poursuivent parmi les membres de l'industrie quant à la façon de le faire, mais ils s'entendent sur la nécessité de le faire, comme l'indique le document sur l'Initiative de cadre énergétique, c'est-à-dire de prendre en compte tous les coûts de l'énergie, y compris les coûts externes, notamment le carbone.

Le sénateur Banks : Des taxes carbone ont déjà été instaurées dans certaines provinces, et le ciel ne leur est pas tombé sur la tête.

Si j'ai bien compris, la plupart des intervenants dont vous parlez demandent simplement d'être informés des règles, et ils sont prêts à s'y conformer? Mais tant que personne ne leur dit rien, il n'y aura que peu de progrès.

M. Cleland : Je vais vous donner un exemple. Il y a environ trois semaines, nous avons eu notre premier atelier avec nos responsables provinciaux de la réglementation afin de voir comment on pourrait intégrer les nouvelles technologies dans le système, qu'il s'agisse de réseaux thermiques, de systèmes combinés électricité-chaleur, de nouvelles énergies renouvelables ou de biométhane. Mais voilà, nous sommes tous pris entre l'arbre et l'écorce : les responsables de la réglementation, nous et les autres parties prenantes.

Nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce parce que, tant que nous n'avons pas un prix pour le carbone que nous pouvons intégrer dans la réglementation, il est impossible de calculer des coûts raisonnables étant donné que personne ne sait ce que sont ces coûts. Le prix du carbone est donc la première étape à franchir, et ensuite, la machine se mettra en marche.

Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Vous avez fait allusion aux provinces qui ont instauré une taxe carbone. Puisqu'il s'agit de la Colombie-Britannique et du Québec, cela signifie qu'une fraction considérable de la population du Canada a déjà accepté le principe de cette taxe. Apparemment, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a indiqué qu'une taxe carbone était la solution qu'il privilégiait, car il ne veut pas que cet argent sorte de la province, par conséquent nous avons une troisième province intéressée. Finalement, les provinces qui ont adopté une taxe carbone sont en passe de représenter une bonne partie de la population du Canada.

Le sénateur Banks : Et il n'y a pas d'émeutes dans les rues.

Le vice-président : En effet, c'est curieux.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Banks, il n'y a peut-être pas d'émeutes dans les rues mais il y a des élections, tôt ou tard.

Le sénateur Banks : C'est la même chose.

Le sénateur Neufeld : J'en ai fait l'expérience.

Messieurs, je suis heureux de vous revoir. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger des points de vue.

Plutôt que de parler de taxes carbone ou de choses de ce genre, je préfère reprendre mon sujet favori, puisque c'est en partie ce dont il est question ici. J'aimerais savoir comment nous pouvons aider Fred et Martha à mieux comprendre ce qu'est l'énergie, d'où elle vient, qui la consomme et en quelles quantités. Il n'y a pas que ça, mais c'en est une partie.

Quand j'étais responsable de l'énergie en Colombie-Britannique, je disais toujours que le public n'était pas suffisamment informé de l'utilité de ces produits parce que les gouvernements et l'industrie ne s'acquittaient pas bien de leurs responsabilités à cet égard. Quand on veut retirer tous les cosmétiques des étagères, il faut commencer par cesser de les utiliser.

Les gens ne comprennent pas ces choses. Il faut donc leur expliquer. Quand on parle d'acceptation par le public, je pense qu'il est extrêmement important que nous expliquions aux gens pourquoi nous avons besoin des produits que personne ne veut voir fabriquer à proximité de chez lui.

C'est une situation que je rencontre souvent là où j'habite, et même quand j'étais ministre. Les gens ne veulent pas avoir un derrick à 100 mètres de chez eux. On en voit là où j'habite mais pas à Victoria, à Vancouver ou à Calgary, où se trouvent les sièges sociaux des grandes sociétés gazières et pétrolières.

Une fois que vous aurez rassemblé toutes ces informations, ce que je trouve par ailleurs excellent et je vous en félicite, comment allez-vous les communiquer au grand public?

D'un autre côté, il y a tous ceux qui ne veulent pas que nous utilisions ces produits et qui réussissent très bien à faire passer leur message. Nous avons connu ce genre de situation en Colombie-Britannique avec l'industrie forestière. Lorsque les écologistes sont allés voir nos clients européens et leur ont montré des photos de coupes à blanc — il est vrai que ces coupes à blanc étaient épouvantables, et que certaines des choses qui se faisaient il y a longtemps ne se font plus aujourd'hui — eh bien, les gens ont gobé tout ce qu'ils disaient.

Il va falloir que l'industrie et les gouvernements fédéral et provinciaux trouvent le moyen de faire comprendre au public que nous avons besoin de ces produits. Cela ne veut pas dire pour autant que nous méprisons l'environnement, mais il y a certainement des leçons à tirer de ces expériences passées.

J'aimerais bien savoir ce que vous comptez faire de toutes les informations que vous aurez rassemblées. Nous sommes comme Fred et Martha. Nous sommes de mieux en mieux renseignés sur toutes sortes de choses, mais nous ne sommes qu'un petit groupe. Il faut trouver le moyen de communiquer toutes ces informations au grand public.

J'ai quelques idées sur la façon de faire passer le message dans les écoles, mais c'est pour le long terme. À court terme, nous devons trouver un moyen d'informer les gens.

Très franchement, même si j'estime que l'industrie n'est pas la seule responsable, je trouve quand même qu'elle a fait l'autruche pendant trop longtemps et que c'était une erreur. Bien sûr, c'est facile de le dire avec du recul, mais je pense quand même que c'était une erreur monumentale car il faut beaucoup de temps pour faire comprendre aux gens pourquoi ils ont besoin de lignes de transmission, de pipelines, de puits de pétrole et de gaz naturel, d'éoliennes et d'usines alimentées au gaz naturel à proximité de la ville de Toronto, qui compte le plus grand nombre d'habitants au Canada.

Ils ont besoin d'électricité, ils doivent faire attention aux émissions de gaz à effet de serre, mais, et on peut les comprendre, ils ne veulent pas de ces installations à proximité de chez eux : mettez-les ailleurs, mais surtout pas chez moi.

Comment peut-on régler ce problème? Je n'ai pas l'impression que vous en parlez dans votre exposé, et vous n'avez rien dit à ce sujet au cours de votre déclaration. En fait, j'ai été surpris que vous n'en parliez pas.

M. Boag : Sénateur Neufeld, vous avez mis le doigt sur un aspect très important de toute la question, dont nous allons devoir nous occuper très sérieusement. L'Initiative de cadre énergétique va nous y aider. Le niveau d'éducation des Canadiens en matière d'énergie est assez faible, notamment ce qui concerne le rôle de l'énergie dans pratiquement tout ce que nous faisons, le fait que le Canada soit un gros producteur d'énergie et aussi le fait que nous soyons d'énormes consommateurs d'énergie. Ce sont des choses qu'on ne dit pas à des gens comme Fred et Martha, si bien qu'ils ne s'en rendent pas compte. Les Canadiens ne pensent pas à tous les équipements et infrastructures qui sont nécessaires en amont pour qu'ils puissent avoir de la lumière en appuyant sur un interrupteur, de la chaleur quand ils branchent leur chauffage ou de l'essence quand ils veulent faire le plein de leur voiture.

Nous sommes sur le point de lancer un projet qui nous donnera un instantané de la situation énergétique actuelle du Canada. Intitulé Canada's Energy Circumstances, ce projet sera une description factuelle de la situation actuelle, et le document sera accessible au Canadien moyen. Autrement dit, il ne sera pas rédigé dans un jargon technique, tout en étant suffisamment complet et bien documenté. La communication de ces informations au public est une autre paire de manches. Mais on va commencer par produire un instantané cohérent, complet et accessible de notre situation énergétique actuelle, aussi bien en ce qui concerne la demande et l'utilisation finale de l'énergie qu'en ce qui concerne la distribution de l'énergie. Et ensuite, on verra comment on transmet ces informations aux Canadiens.

M. Cleland : Permettez-moi d'ajouter, même si ça n'est pas une réponse à votre question, que vous avez mis le doigt sur une question très importante, qui mériterait que votre comité s'y attarde.

Il y a toutefois plusieurs petites choses qui devraient nous permettre de progresser dans ce sens. La première consiste à investir dans l'information. M. Boag vous a parlé d'un projet particulier que nous avons entrepris à cet égard. Un certain nombre d'entre nous participons activement au Centre canadien d'information sur l'énergie, qui est financé essentiellement par les entreprises gazières et pétrolières en amont. Le Centre reçoit de plus en plus de crédits des gouvernements fédéral et provinciaux; il reçoit également des fonds de nos associations. On devrait sans doute le mettre davantage à contribution, d'autant plus que c'est une source objective, mais il n'a pas toujours les ressources nécessaires car, n'étant pas particulièrement intéressant pour les gouvernements, il ne se trouve pas sur leur liste de priorités. L'industrie finira sans doute par se demander si ce n'est pas elle qui devrait reprendre le flambeau, mais en attendant, elle appuie les activités du Centre. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que l'industrie doit s'en occuper. Ça va venir, mais ça prend du temps.

De plus, nous devons inviter les groupes environnementaux et d'autres groupes connexes à discuter avec nous de toute cette question. Mon association a lancé un projet intitulé Quality Urban Energy Systems of Tomorrow, QUEST, après avoir eu des discussions avec Pollution Probe de Toronto où l'on a constaté que personne n'essayait de repenser la façon dont nous distribuons et utilisons l'énergie dans nos collectivités. Devrions-nous étudier la question tous ensemble? Devrions-nous communiquer l'information? Pour l'instant, nous avons réussi à faire participer différents groupes à nos activités, mais nous n'avons pas encore communiqué l'information aux consommateurs. C'est la prochaine étape.

Le sénateur Neufeld : Je suis heureux d'entendre tout cela. Les gouvernements et l'industrie sont toujours prêts à entreprendre des études et à publier des rapports sur du beau papier, mais quand Fred et Martha veulent avoir des informations, il faut qu'ils se procurent ces rapports.

Nous devrions faire un meilleur usage des médias, y compris la télévision, qui coûte cher, et Internet. Il faut que le message attire l'attention des gens en moins de cinq secondes, sinon, ils ne s'en souviennent pas. Il doit certainement y avoir une façon systématique et très visible de faire passer un message pendant plus d'une semaine. De cette façon, l'industrie et les gouvernements pourraient expliquer aux gens pourquoi nous avons besoin d'énergie et pourquoi nous consommons de l'énergie. Je n'aime pas me faire dire que les Canadiens sont d'énormes consommateurs d'énergie, car on n'ajoute jamais que nous sommes aussi un très vaste pays. Nous sommes un pays froid, en comparaison des pays qui pensent que nous sommes d'énormes consommateurs d'énergie. Nous avons parlé du prix de l'énergie, et des coûts de l'électricité dans d'autres pays. Mais on ne dit pas ce que ces pays incluent dans le coût total de production de l'électricité. Ils incluent des taxes qui servent à financer des services publics. Je ne pense pas que nous voulons en faire autant.

Si le prix de l'énergie doit augmenter, il faut que cela corresponde à l'évolution des coûts d'exploitation et de production de l'énergie. Et nous devons fournir toutes les informations pertinentes au public. Je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi. De plus, ces informations doivent être accessibles, c'est-à-dire qu'il ne faut pas être obligé de lire 18 rapports d'études pour savoir ce qu'est un pétajoule. Autrement dit, l'information doit être vulgarisée afin que le public puisse s'y intéresser et la comprendre.

Le sénateur Seidman : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Neufeld. Ce que nous ont dit les témoins ce matin est matière à réflexion, et ils ont bien insisté sur le fait qu'il fallait commencer par définir les principes sans se tromper. Je suis d'accord. Je remarque notamment que l'un des piliers est « l'approbation publique continue pour la construction et l'exploitation ». On n'a pas entendu beaucoup parler des fondements sociaux d'un système énergétique durable, surtout en ce qui concerne la santé et la sécurité humaines et l'évaluation des coûts et avantages. Il me semble évident que le succès d'une politique énergétique dépend beaucoup de son acceptation par les Canadiens.

Pour poursuivre dans la même veine que mon prédécesseur, j'aimerais que vous me donniez plus de précisions sur ce qui se passe en aval, à l'étape de la consommation de l'énergie; j'aimerais aussi que vous me disiez comment on pourrait mieux éduquer les consommateurs et quel pourrait être le rôle du gouvernement fédéral à cet égard.

M. Cleland : Cette question comporte de nombreux aspects, et nous allons les prendre un par un. En ce qui concerne les activités en aval, il faut que les gens comprennent à quoi sert l'énergie, pourquoi nous l'utilisons et quels sont les facteurs qui la conditionnent. Depuis une trentaine d'années, les groupes environnementalistes présentent leur façon de voir les choses, et avec raison : l'énergie nous permet de bénéficier de certains services; grâce à un simple branchement, elle nous permet de nous déplacer, de chauffer nos maisons en hiver, de faire tourner nos usines et de faire fonctionner toutes sortes d'appareils comme les téléviseurs et d'autres matériels électroniques.

Nous n'achetons pas l'énergie en tant que telle, même si nous payons pour ça, mais nous achetons les services.

Si on aborde la question sous cet angle, on ouvre la porte à toutes sortes de perspectives intéressantes qui pourraient nous permettre de satisfaire ces besoins de façon beaucoup plus intelligente et beaucoup plus efficiente, sans compromettre le service de base, et d'une façon peut-être moins nuisible à l'environnement puisqu'on pourrait par exemple envisager de combiner des énergies externes provenant de lignes électriques ou de gazoducs avec des ressources locales, par exemple des ressources souterraines. Pour l'instant, ce sont des choses qui ne sont pas rentables, mais qui pourraient l'être un de ces jours.

Quoi qu'il en soit, le problème est que, d'une part, je veux que ma maison soit chauffée mais que, d'autre part, je ne veux pas avoir à y penser, dans cet ordre-là. La question est alors de savoir si l'industrie de la distribution de l'énergie, qui est le secteur que M. Boag et moi-même représentons, et les autres industries peuvent, en collaboration avec le gouvernement, mettre en place des systèmes qui nous offriront, au bout d'un certain temps, la fiabilité voulue à un coût moindre, sans entraîner pour autant une diminution de la fiabilité et de la sécurité et tout en diminuant l'impact environnemental. Nous sommes convaincus qu'en abordant la question sous l'angle de la demande, nous pouvons accomplir bien des choses. Cette initiative n'est qu'un début, mais comme je le disais tout à l'heure, la question comporte de nombreux aspects.

Le sénateur Lang : Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue. Je vous félicite de nous avoir fait un exposé court et précis et de nous avoir présenté les grands principes sur lesquels vous articulez votre initiative. Tout à l'heure, le sénateur Banks a parlé d'une politique énergétique nationale. Il vaudrait peut-être mieux utiliser le terme « cadre général » et parler d'un cadre énergétique national, vu l'existence de plusieurs juridictions. Il ne faut pas oublier qu'au Canada, la Constitution donne à 14 juridictions différentes des responsabilités dans ce domaine. Enfin, c'est simplement une suggestion.

Au départ, nous devons informer le public, comme l'ont fait remarquer le sénateur Neufeld et le sénateur Seidman. Nous avons récemment reçu des témoins du Congrès mondial de l'énergie, et de son pendant au Canada. Quelles sont vos relations avec eux?

M. Cleland : Mon association a des contacts avec eux. Je suis membre de droit de leur conseil d'administration, et le président de mon association en est membre depuis un certain temps. C'est sans doute le cas de la plupart des associations.

M. Boag : Notre association n'a pas de liens directs avec eux, mais nos membres, oui.

Le sénateur Lang : Je vous pose la question parce que c'est un domaine qui est assez nouveau pour nous tous. Chacun d'entre nous apporte l'expérience de sa région et de son parcours personnel. Nous essayons d'avoir une meilleure idée de qui fait quoi, afin de ne pas réinventer la roue, et c'est pour cela que je me doutais qu'il devait y avoir des liens entre une organisation comme la vôtre et le Congrès mondial de l'énergie et son pendant au Canada. Je crois savoir que deux autres organisations ont entrepris une étude semblable à la nôtre, et nous avons l'intention d'en informer les Canadiens afin que nous travaillions tous ensemble dans le même sens.

Vous avez peut-être des choses à nous dire à ce sujet. Lorsque nous avons rencontré ces gens-là hier, je leur ai demandé pourquoi je n'avais jamais entendu parler d'eux avant alors que nous sommes censés travailler dans le même domaine. Comment pourrait-on renforcer nos liens afin de travailler tous dans la même direction? Chaque organisme a peut-être décidé d'en assumer la responsabilité afin d'atteindre l'objectif plus rapidement, et c'est une solution qui peut marcher.

M. Cleland : J'ai plusieurs choses à dire, après quoi je laisserai la parole à M. Boag.

Tout comme pour la question du sénateur Neufeld, le problème est de savoir comment s'y prendre. C'est un peu comme rassembler des chats en troupeau. Lorsque les gens comparaissent devant votre comité, vous devriez leur poser la question et vous devriez préconiser une plus grande coordination.

Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Même au sein de notre association, les intérêts ne convergent pas toujours. Les entreprises que M. Boag représente et celles que je représente se font concurrence sur certains marchés. Nos priorités ne sont pas toujours les mêmes.

Il y a une limite à ce genre de collaboration, mais je pense qu'en tant que comité sénatorial, vous pouvez encourager les gens à collaborer davantage. C'est essentiel. Il y aura toujours des groupes avec des opinions légèrement différentes. C'est le monde qui veut ça. Mais je pense quand même que nous pouvons accroître la collaboration.

Le sénateur Lang : Je vais continuer dans la même veine. Vous nous avez dit que vous aviez organisé des ateliers. Ceux qui ont comparu devant nous hier ont fait la même chose, mais il leur reste encore deux ou trois ateliers. Ne pourriez-vous pas leur demander d'y participer, car vous auriez quelque chose à apporter? Quand on réunit plus de gens et plus d'argent, on accroît généralement sa visibilité. On pourrait travailler ensemble sur les différents éléments du cadre énergétique commun et essayer d'en arriver à quelque chose.

M. Boag : Ça vaut la peine d'essayer. M. Cleland a bien décrit le contexte en disant que, pour collaborer, il faut qu'il y ait une convergence d'intérêts. Cela dit, on peut toujours essayer de voir si cette convergence existe, ça en vaut la peine à mon avis.

M. Cleland : Il y a quand même une certaine collaboration. Récemment, j'ai eu l'occasion de donner des conseils aux gens qui organisaient l'atelier à Ottawa, par exemple. Ça ne se voit peut-être pas, mais il y a certainement plus de collaboration et de coordination qu'on ne le pense.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, j'aimerais maintenant passer à quelque chose de complètement différent, la question du prix.

Quand on parle d'une taxe carbone et d'un système d'échange de crédits carbone, je ne suis pas convaincu qu'il faille nécessairement faire un choix entre les deux. En ce moment, le baril de pétrole est à 80 $. Vous avez dit tout à l'heure que le coût de l'énergie va certainement augmenter. Si c'est le cas, le consommateur va payer davantage, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter d'autres taxes. À partir de quel moment une taxe n'a-t-elle plus de raison d'être parce que l'énergie coûte tellement cher qu'elle devient quasi inabordable?

M. Cleland : C'est une question délicate. Je vais vous donner deux réponses. Premièrement, un économiste vous dira qu'à l'heure actuelle, le carbone est une externalité environnementale non tarifée, et que, tant que nous n'intégrerons pas ce coût dans le prix à la consommation, les consommateurs ne feront pas des choix efficients.

Le prix du pétrole, c'est autre chose. Ça monte et ça descend, mais ce prix-là ne tient pas compte de l'externalité environnementale. La réponse pragmatique est la suivante : les gouvernements essaient de prendre des mesures face au problème du carbone, sans trop se poser de questions quant à leur cohérence et à leur bien-fondé, entre autres. Les gouvernements prennent beaucoup de mesures que je qualifierais de superflues. C'est du brassage de papier. Ce sont des mesures qui perturbent l'économie de l'énergie, qui ajoutent des coûts et qui rendent le système sans doute moins efficient qu'il pourrait l'être, tout simplement parce que ces mesures, il faut le dire, sont plus populaires, plus faciles à mettre en œuvre et beaucoup moins compliquées que s'escrimer à calculer le coût réel.

Je ne pense pas que ce soit, pour la société, une meilleure solution et je dirais même qu'au bout du compte, notre système énergétique n'en sera pas plus abordable pour autant. En fait, je suis convaincu que c'est une mauvaise solution pour la société dans son ensemble. On sélectionne les mauvaises technologies aussi facilement que les bonnes — en fait, plus facilement même —, alors qu'un prix, à notre avis, est plus susceptible d'aboutir à des améliorations de l'efficience.

Cela dit, il est indéniable que nous comptons sur une énergie bon marché pour faire tourner notre économie, et que cela nous a bien servi jusqu'à présent. Il est indéniable également qu'un segment de la société canadienne, les faibles revenus, va souffrir d'une augmentation des prix de l'énergie, et qu'il faudra en tenir compte.

Le sénateur Brown : J'ai entendu plusieurs mots qui me préoccupent. On parle d'énergie durable. J'ai l'impression qu'on fournit de l'énergie durable au monde entier depuis un certain temps. Il me semble que, chaque année, on découvre un nouveau gisement important, comme le gisement de gaz de schiste qu'on a découvert au Texas et qui remplace les gisements du golfe du Mexique. Plusieurs provinces se sont lancées dans la production de méthane. C'est en Saskatchewan qu'on a découvert le gaz de schiste.

Il me semble que le moteur de l'énergie durable est la consommation de l'énergie, car quand le prix augmente, les producteurs en produisent davantage. Dans les sables bitumineux de l'Alberta, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, a fait grimper le prix jusqu'à 140 $ le baril, ce qui a causé l'effondrement de nombreuses économies. Je me souviens qu'avant la création de l'OPEP, le pétrole coulait à flots en Arabie Saoudite, à cause du prix, et ils n'avaient même pas besoin de pomper tellement il y avait de la pression. Et ce pétrole, ils le vendaient 50 cents le baril.

Alors quand on emploie les mots d'énergie durable, ça me laisse perplexe car tôt ou tard, il va bien falloir qu'on se tourne vers les centrales nucléaires ou d'autres choses du genre. L'Ontario avait lancé un grand projet et, pas plus tard que la semaine dernière, il a annoncé qu'il ne pouvait pas produire la quantité d'énergie éolienne qu'il avait prévue. Le projet, qui était censé produire 1 100 mégawatts, n'a permis d'en produire que 150 parce que les vents n'étaient pas assez réguliers. Or, il semblerait qu'on peut construire cinq centrales nucléaires pour le prix d'une installation éolienne. Alors quand on parle d'énergie durable, tout dépend du prix maximum qu'on est prêt à accepter.

L'autre terme qui me préoccupe est l'idée d'un prix « transparent ». Je n'arrive pas vraiment à comprendre comment on peut y parvenir, parce que le coût de construction du barrage Hoover, par exemple, a été rentabilisé au quintuple ou presque. Je suis sûr qu'avec l'hydroélectricité produite au Québec, le projet de la baie James est rentabilisé depuis longtemps. Autrement dit, à part l'entretien des centrales et des lignes électriques, c'est de l'énergie bon marché. Pour ce qui est des sables bitumineux, par exemple, d'après les derniers chiffres que j'ai entendus, il fallait que le baril atteigne 40 $ pour que ça soit rentable. À 80 $ le baril, les perspectives sont bonnes. Les exploitants de sables bitumineux continuent de mettre au point de nouvelles technologies. Il y a quelques semaines à peine, ils m'ont envoyé une brochure sur un nouveau solvant qu'on injecte dans les sables bitumineux et qui permet d'en extraire le pétrole in situ.

Cela m'amène à la conclusion suivante, qui n'est pas facile, je le reconnais. Vous en avez déjà parlé. Étant donné que les coûts de l'énergie ne sont pas les mêmes dans beaucoup de pays, pourquoi ne pas prendre le taureau par les cornes et fixer un coût à la consommation? Tous ceux qui utilisent un véhicule consomment davantage de carburant. J'habite dans une zone rurale en Alberta et je conduis un véhicule à quatre roues motrices. Je suis aussi coupable que tous ceux qui ont ce genre de véhicule.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

Le président : Quelle est votre question, sénateur?

Le sénateur Brown : Ma question est la suivante : pourquoi n'avons-nous pas le courage de fixer un coût à la consommation, que l'énergie vienne du Québec, de l'Alberta ou du Manitoba, qui a beaucoup d'hydroélectricité? Quand allons-nous prendre le taureau par les cornes et dire que l'énergie coûte tant dans cette région et voilà le prix qu'il faudra payer, vu le niveau de consommation?

M. Boag : Ça revient à une taxe carbone.

Le sénateur Brown : Oui, si vous voulez.

M. Cleland : Permettez-moi de vous répondre. Mettons la question du carbone de côté pour l'instant. Le prix de la majeure partie de l'énergie que nous consommons au Canada reflète les coûts, qui sont fixés dans un marché libre. Ces coûts tiennent compte des coûts liés à un grand nombre de règlements environnementaux, lesquels visent à assurer que le prix de l'énergie est fixé à un niveau acceptable sur le plan environnemental. Les coûts comprennent également les coûts sociaux sous-jacents, par exemple les coûts de transport de l'énergie sur les terres appartenant à des propriétaires privés. La plupart de ces coûts sont déjà intégrés dans les prix que paient les consommateurs et, en général, ils suscitent la bonne réaction chez le consommateur.

Deux exceptions à cela : le carbone et l'électricité, pour toutes sortes de raisons historiques. C'est facile de blâmer l'électricité, et je vais me montrer prudent, mais à l'heure actuelle, pour les consommateurs d'un grand nombre de provinces canadiennes, le coût de l'électricité a atteint un niveau historique, par rapport au coût des futurs systèmes de production électrique, et il faudra envisager sérieusement d'aller dans cette direction. Ce sont là les deux véritables exceptions à un système qui fonctionne passablement bien.

Le sénateur Brown : Je comprends ce que vous voulez dire au sujet du carbone. Aux États-Unis, ils pourraient produire toute leur électricité avec des centrales alimentées au charbon, sauf que cela pose énormément de problèmes sur le plan environnemental et qu'ils s'inquiètent des émissions de carbone produites par ces centrales. Le charbon est la source d'énergie la plus importante dans toute l'Amérique du Nord, mais on n'en utilise que de très petites quantités. Si on augmentait le prix de ce type d'énergie afin de financer le coût de construction des épurateurs, puisque cette technologie existe, serait-ce une façon équitable de fixer le prix de l'énergie pour les gens de la région qui n'ont que du charbon? Je ne vois pas comment on peut avoir un prix unique pour l'énergie dans toute l'Amérique du Nord.

M. Cleland : Vous avez sans doute raison, et en fait, je suis assez d'accord avec vous. Dans ce cas, on pourrait évaluer le coût environnemental selon un mécanisme approprié, et les consommateurs réagiront en conséquence. Pour notre industrie, il est évident que cela encouragera la production d'électricité à partir de centrales alimentées au charbon. De notre point de vue, cela semble prometteur. C'est le genre de question qu'il faut se poser, mais il faut être prudent et s'assurer qu'on comprend bien tous les éléments de la situation et qu'on n'oublie pas des coûts réels. Personnellement, je ne voudrais pas encourager le gouvernement à se laisser aller à imposer toutes sortes de frais, taxes ou autres. Nous n'en avons pas besoin. Si le marché fonctionne bien, nous en obtenons presque tout ce que nous en escomptons.

Le sénateur Brown : Si des organisations comme la vôtre, l'Association canadienne de pipelines d'énergie et les autres, et des représentants de centrales alimentées au charbon commencent à réclamer que ceux qui consomment davantage d'énergie dans une région donnée paient cette énergie plus cher, cela va donner au gouvernement le courage nécessaire pour prendre le taureau par les cornes, même si ça lui coûte des votes.

M. Cleland : Monsieur le président, je vous encourage vivement à répéter cela aux groupes environnementaux que vous convoquerez. Bon nombre d'entre eux évitent de se prononcer sur la question. C'est pourtant le message qu'ils devraient communiquer, et s'ils le font, nous les appuierons, car nous ne pouvons pas le faire tout seuls.

Le président : Merci, je prends note.

Le sénateur McCoy : Merci, et bienvenue à nouveau parmi nous. Vous avez le sourire aux lèvres.

Le président : Merci, mais j'ai toujours le sourire aux lèvres.

Le sénateur McCoy : Dans ce cas, ça ne signifie rien de particulier. Je suis ravie de me retrouver avec vous, messieurs, et avec vos collègues par la pensée.

Il y a beaucoup à dire sur toutes ces questions, et l'une des difficultés est bien entendu d'avoir une bonne idée de la situation afin de pouvoir poser les bonnes questions. J'aimerais d'abord que vous nous expliquiez comment vous faites pour arriver à l'essentiel. Je ne suis pas sûre que nous, dans notre comité, nous ayons les éléments essentiels. Certes, nous commençons à peine à explorer le sujet, mais nous sommes loin de l'avoir maîtrisé. Est-ce ce à quoi vous faites allusion quand vous parlez de « compréhension de base de la situation du Canada en matière d'énergie »?

M. Boag : Oui. Je disais tout à l'heure que nous allons faire un instantané de la filière énergétique au Canada, en partant de la demande et de l'utilisation finale de l'énergie, jusqu'aux approvisionnements, et ce, au niveau national, avec certains éléments régionaux — en raison des questions de juridiction. On espère ainsi déceler des tendances sous- jacentes dont il faudra tenir compte. Autrement dit, l'objectif est de faire une description factuelle de la situation énergétique au Canada, en 2010.

Le sénateur McCoy : Avez-vous commandé cette étude?

M. Boag : Elle est presque terminée. Elle devrait l'être au courant de la semaine prochaine.

Le sénateur McCoy : Elle sera d'une grande utilité.

M. Boag : M. Cleland me corrigera si je me trompe, mais l'échéance fixée est la fin mai, n'est-ce pas?

M. Cleland : Oui, aux environs. Le moment venu, nous serons ravis de vous la faire parvenir.

Le sénateur McCoy : Merci. C'est ce que j'espérais.

Je pense que le plus gros problème, ce n'est pas tant le changement climatique que notre incapacité à parler d'un autre élément de l'équation, le prix à la consommation. C'est presque l'inconnue de l'équation. On a l'habitude de parler du volet approvisionnement, et même du volet distribution, mais on ne parle jamais du volet consommation, même si un grand nombre de sénateurs s'y intéressent, comme vous avez pu le constater, à juste titre d'ailleurs. Nous n'avons pas encore appris à en parler si ce n'est pour dire qu'il faudra faire des sacrifices. Pas étonnant alors que personne ne s'y intéresse, à moins d'y être contraint.

Dans vos diapositives, le premier pilier concerne « l'utilisation finale durable de l'énergie ». Toutefois, lorsque vous parlez de l'élaboration d'une politique au sujet du premier pilier, vous parlez de distribution durable de l'énergie. Il me semble qu'il y a une nuance entre les deux.

M. Boag : Je vais reprendre la réponse que M. Cleland vous a donnée tout à l'heure en vous disant qu'il faut voir toute la question de l'utilisation finale de l'énergie en partant du principe qu'on ne consomme pas de l'énergie simplement dans le but d'en consommer. On consomme de l'énergie parce qu'on veut recevoir certains services, qu'il s'agisse de se déplacer, de s'éclairer, de se chauffer ou de faire tourner des usines. Il suffit d'un simple branchement, pour reprendre les termes de M. Cleland. Voilà ce que nous entendons par distribution et services. Or, cette distribution consomme de l'énergie, et c'est ce que nous essayons d'examiner.

Les Canadiens veulent que l'énergie leur apporte certains services, par exemple l'éclairage ou le chauffage. C'est de cela que nous parlons, mais il faudrait peut-être employer des mots plus précis.

Le sénateur McCoy : Surtout dans l'industrie de l'énergie où, quand on parle de « distribution », on pense tout de suite à des pipelines, entre autres.

M. Cleland : Oui, vous avez mis le doigt sur un problème de vocabulaire que nous devrons corriger.

Le sénateur McCoy : Non, je crois que ça participe d'une nouvelle philosophie.

M. Cleland : C'est un terme que nous employons de façon délibérée, et je vais essayer de vous expliquer. « Utilisation finale » signifie efficience énergétique de l'utilisation finale, par exemple, le fait de changer d'ampoules. Quand on parle de distribution et d'utilisation finale, on parle du système qui amène l'énergie à votre porte. Il s'agit donc des lignes électriques et des canalisations. Il y a aussi toute la question des sources d'énergie locales, que ce soit l'énergie solaire ou géothermique ou la transformation des déchets, qui est un secteur potentiellement très important.

Vous connaissez le tableau qui montre, d'un côté, l'arrivée de l'énergie primaire dans l'économie, et, de l'autre côté, l'utilisation finale de l'énergie. Pour ce qui est de l'énergie primaire, vous mettez de côté les exportations et les importations, et vous réduisez de moitié cette quantité d'énergie primaire à cause des déchets que le système produit en raison de toutes sortes de défauts intrinsèques. Nous ne pouvons pas éliminer tous ces défauts, mais nous pourrions sans doute en éliminer pas mal. Il y a aussi d'autres sources de gaspillage d'énergie.

Ce que je veux dire c'est que, dans le périmètre d'une ville ou d'une collectivité, l'utilisation finale et le système de distribution sont intrinsèquement liés.

Le sénateur McCoy : C'est ce que dit Peter Tertzakian, en substance.

M. Boag : C'est exact. L'exemple le plus flagrant est celui de l'électricité et de l'ampoule électrique, où les chiffres sont de 100 et de 2. L'entrant d'énergie primaire est de 100 unités et, au bout du compte, ce qui est consommé ou produit sous forme de lumière tout à la fin du cycle représente 2 unités.

M. Cleland : Vous avez mis le doigt sur un autre point fondamental. Un député fédéral m'a dit un jour : « On ne peut pas pointer du doigt les consommateurs ». Je lui ai répondu qu'en effet, ce serait politiquement insensé de faire ça. Si la discussion se limite à pointer du doigt les consommateurs, à leur dire que ce sont des énergivores, des gaspilleurs indécents, alors ce n'est pas la peine de discuter.

Par contre, si la discussion vise à se remuer les méninges pour faire en sorte que l'utilisation finale de l'énergie se fasse d'une façon plus intelligente, plus propre et plus efficiente, tout en donnant aux gens le même niveau de service — pour qu'ils puissent continuer à conduire leurs enfants à la pratique de hockey, à ne pas se soucier si la maison est chauffée ou éclairée convenablement — alors là, on discute sérieusement. Bien entendu, il faut mobiliser les gens, et ça c'est plus compliqué, mais l'essentiel c'est d'avoir une discussion positive, plutôt que de dire aux gens que ce sont de mauvais citoyens parce qu'ils consomment trop d'énergie.

Le sénateur McCoy : C'est peut-être ce qu'il nous faut : présenter les faits sur la situation énergétique et entamer un dialogue. Ce n'est peut-être même pas la peine d'avoir une politique, un cadre général ou même une stratégie; il suffirait de présenter les faits et d'engager un dialogue, en présence, peut-être, de certains de nos dirigeants.

Je suis étonnée de voir les gens s'invectiver d'un bout à l'autre du Canada, alors que les circonstances varient beaucoup d'une région à l'autre, notamment en raison de la géographie. C'est parce que les ressources se trouvent à tel ou tel endroit que les gens ont été amenés à faire certains choix. Des expériences se font, mais les gens ne tardent pas à reprendre leurs invectives, alors que la collaboration et le dialogue positif sont beaucoup plus utiles.

Voilà ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si ça fait partie de l'Initiative de cadre énergétique, mais notre comité pourrait certainement apporter sa contribution. Si vous êtes d'accord avec moi, comment, à votre avis, pourrions-nous amener les gens à comprendre qu'il vaut mieux avoir une discussion constructive?

Si vous ne voulez pas répondre tout de suite, vous pouvez prendre le temps d'y réfléchir.

M. Cleland : Ce n'est pas que je ne veux pas vous répondre, mais je ne suis pas sûr d'être en mesure de le faire. C'est une question importante et complexe. Vous pourriez d'ailleurs peut-être y répondre aussi bien que nous. En tout cas, ça devrait être un objectif fondamental.

Au début de la réunion, lorsque nous parlions d'approbation par le public, j'ai cité l'expression qu'on entend souvent : « pas chez moi ». Je n'ai jamais assisté à une conférence sur l'énergie sans que quelqu'un ne la prononce. Ça fait rire tout le monde, mais ce n'est pas drôle. Ça revient à blâmer les autres parce qu'ils nous empêchent de réaliser nos projets.

Peut-être qu'ils ont de bonnes raisons, peut-être que ces raisons ne sont pas justifiées, mais si vous n'en discutez pas avec eux pour envisager d'autres possibilités, vous ne le saurez jamais. Il faut renoncer aux invectives et aux comportements agressifs qui les entretiennent.

Le sénateur McCoy : Il faudra trouver une recette magique pour formuler les questions, car elles peuvent avoir une influence sur la qualité du débat.

Le sénateur Mitchell : J'écoute attentivement cette conversation, et il me vient à l'esprit qu'on a peut-être besoin de nouvelles technologies en matière d'énergie et de changement climatique, mais qu'on en a certainement besoin pour communiquer plus efficacement avec le public. Il va falloir s'en occuper.

Vous avez parlé d'allocation de crédits et de marchés, en disant préférer un système d'enchères à un système d'allocations. Quelle devrait être, à votre avis, l'envergure de ces marchés? Il y a toute une polémique sur l'argent qui ne devrait pas sortir de notre province. L'échelle que vous envisagez, c'est le Canada ou l'Amérique du Nord? Généralement, plus un marché est grand, mieux il fonctionne, mais il y a des contraintes politiques.

M. Cleland : Vous voulez parler d'un système d'échange de crédits carbone sur un marché du carbone.

Le sénateur Mitchell : Oui, c'est dans ce contexte.

M. Cleland : J'avoue être extrêmement sceptique de voir de mon vivant l'instauration d'un marché du carbone nord- américain, sans parler d'un marché mondial. Je pense que ce sera très compliqué, mais je me trompe peut-être. Je me souviens quand j'ai commencé à travailler sur ce dossier, juste après Kyoto, au début de 1998, c'est-à-dire il y a 12 ans. Je me suis mis à réfléchir à un système canadien d'échange de crédits carbone, suite à ce que nous avions décidé l'automne précédent, et des collègues me disaient : « pas besoin d'avoir la tête à Papineau ». Aujourd'hui, je constate qu'il a fallu huit ans pour amener l'homme sur la Lune, mais qu'en 12 ans, nous n'avons fait aucun progrès au Canada pour mettre en place un tel système. On se rend compte finalement que c'est extrêmement compliqué.

Le sénateur Mitchell : Si vous voulez savoir pourquoi nous ne sommes pas près d'avoir ce genre de marché au Canada, je vais vous le dire : c'est parce que c'est politiquement compliqué à mettre en place.

M. Cleland : Justement, c'est la raison pour laquelle j'estime, et mon association est assez d'accord avec moi, qu'une « taxe » est beaucoup plus simple à mettre en œuvre, tout en ayant la même efficacité.

Le sénateur Mitchell : Je me répète peut-être, vu ce que vous venez de dire, mais si nous décidions de choisir cette solution, comment vous y prendriez-vous? Accorderiez-vous des déductions?

M. Cleland : Il faudra absolument en prévoir, car il y a des éléments externes au système. Par contre, si les systèmes englobent toute la filière énergétique, il reste relativement peu de déductions possibles. Mais sinon, oui, il faut en prévoir.

M. Boag : Je dirais la même chose, mais, quelle que soit la solution retenue, l'objectif est d'avoir un système aussi étendu que possible, ce qui réduit de plus en plus les possibilités de déductions.

Le sénateur Mitchell : De sorte qu'elles sont éliminées?

M. Boag : Oui.

Le sénateur Mitchell : Il a été brièvement question tout à l'heure de gaz de schiste. Il paraît que les gisements sont énormes. Cela va-t-il avoir une incidence sur les marchés de l'énergie, et notamment sur les produits énergétiques canadiens qui sont exportés aux États-Unis?

M. Cleland : D'après tout ce que nous avons pu lire et entendre jusqu'à présent, le gaz de schiste a vraiment changé la donne dans l'industrie gazière en Amérique du Nord. Pour l'instant, il serait vraiment difficile de dire le contraire. La quantité des ressources disponibles, leur emplacement et leur coût d'exploitation ont radicalement modifié la situation que nous avions il y a trois ans.

Il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire avec le gaz naturel — et je vais faire attention de ne pas faire la promotion de ma propre association —, il y a toutes sortes de bonnes idées, bonnes pour l'environnement et bonnes pour les consommateurs. Et c'est plus facile aujourd'hui qu'à une époque où le prix se situait à 10 ou 12 $.

À l'autre bout du système, toutefois, les producteurs canadiens vont devoir lutter pour rester compétitifs. Les juridictions canadiennes qui produisent du gaz naturel — dont la plus importante est la Colombie-Britannique, avec ses gisements de schiste — vont certainement devoir se remuer les méninges pour préserver la compétitivité de leurs producteurs, car elle n'est plus ce qu'elle était il y a quelques années vu l'existence d'autres sources d'approvisionnement.

Le sénateur Mitchell : Que pensez-vous des technologies de séquestration et de stockage du carbone? Quel rôle pourraient-elles jouer à l'avenir?

M. Boag : Je ne suis pas un spécialiste de la séquestration et du stockage du carbone. Cela dit, c'est une technologie qui a beaucoup de potentiel. On verra bien. Il y a encore pas mal de détails techniques à régler, mais le Canada pourrait devenir un chef de file dans l'utilisation de cette technologie. C'est certainement une solution qui mérite qu'on s'y intéresse sérieusement.

Le sénateur Mitchell : À propos des équipements technologiques, vous avez dit que le gouvernement fédéral ne devrait pas se mêler de désigner des gagnants et des perdants, et cela m'intéresse tout particulièrement. Je suppose que vous faites allusion aux fonds qui ont été créés à raison de 15 $ la tonne, si je ne me trompe, comme soupape de sécurité face aux forces du marché. Je ne critique pas l'Alberta, car je pense qu'elle a un bon système, en tout cas c'est un système qui lui convient. Faisiez-vous aussi allusion à ce genre d'initiative, où un petit groupe de gens décide comment dépenser cet argent? Pourquoi ne pas laisser les entreprises prendre ces décisions sur un marché libre?

M. Cleland : Il y a plusieurs aspects à prendre en considération. D'abord, il faut faire une distinction entre le financement de nouvelles technologies et leur déploiement sur le marché.

S'agissant de la mise au point de nouvelles technologies, je crois qu'il est justifié de créer de tels fonds vu l'existence d'une externalité positive, comme diraient les économistes. Ces fonds auront des conséquences positives pour beaucoup de gens, en plus de ceux qui y auront investi de l'argent. Le principe d'un fond réunissant des crédits gouvernementaux et de l'argent du secteur privé pour la mise au point de nouvelles technologies me semble être une solution tout à fait sensée. Ce que l'Alberta a décidé de faire à cet égard me semble tout à fait sensé, d'après ce que j'en sais.

S'agissant du déploiement sur les marchés, nous disons simplement que, si le gouvernement estime avoir besoin d'offrir des incitatifs pour faire ce genre de choses, qu'il offre alors des incitatifs axés sur la performance plutôt que sur la technologie. Autrement dit, si un équipement permet d'améliorer la consommation énergétique de façon rentable, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre ou d'avoir d'autres effets positifs sur l'environnement comme la réduction de la pollution atmosphérique, le gouvernement devrait envisager de financer cet équipement quelle que soit la technologie en cause, plutôt que de devoir se référer à une liste pour savoir si l'équipement fait partie des technologies approuvées, sinon il est écarté.

M. Boag : Permettez-moi d'ajouter que, dans le domaine de l'énergie, le fait de subventionner un carburant plutôt qu'un autre parce qu'on a retenu une technologie plutôt qu'une autre, au lieu de se fonder sur la performance, est un principe que nous n'approuvons pas.

Le sénateur Lang : J'aimerais vous poser une question au sujet des systèmes de réglementation. Il y en a 14 au Canada, qui sont tous différents, et cela me ramène au fameux « pas chez moi ». Les partisans du « non » gagnent à presque tous les coups, notamment parce que le système que nous avons mis en place le permet.

Votre organisation a-t-elle réfléchi à toute la question des systèmes de réglementation et a-t-elle des modifications positives à proposer, afin qu'on puisse entamer un dialogue sérieux sur ces modifications, plutôt que d'avoir une situation où on est soit pour, soit contre?

M. Cleland : J'aurai plusieurs observations à faire. Comme nous l'avons dit dans nos exposés, nos collègues de l'ACPP et de l'ACPE s'intéressent à la question. Nous collaborons avec eux, mais c'est eux qui pilotent le dossier. Ils seraient donc mieux en mesure que nous de vous renseigner.

Il y a des choses qui se font. Certes, il ne sera pas facile de faire de grands changements car les règlements se sont accumulés, au fil des années, dans les différentes juridictions, et on ne peut pas réorganiser tout cela du jour au lendemain. Je félicite le gouvernement d'avoir fait un petit pas en avant en donnant à l'Office national de l'énergie le pouvoir de faire des évaluations environnementales des projets qui relèvent de son champ de compétence. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est un pas dans la bonne direction. Il y a beaucoup d'autres petites choses qui nous permettraient de progresser dans ce sens, notamment si on décidait de n'avoir plus qu'une seule évaluation, de sorte que le gouvernement fédéral n'aurait pas à faire ce que les provinces font déjà. Mais là encore, nos collègues pourraient beaucoup mieux vous renseigner que nous.

Je vais me permettre de vous donner un conseil, pour ce qu'il vaut. Votre comité devrait inviter un groupe de témoins représentant des perspectives différentes pour parler principalement de cette question, car c'est certainement l'une des plus grandes priorités auxquelles le Canada aura à faire face au cours des 10 prochaines années.

Le sénateur Banks : Il est toujours plus facile de calculer le coût de ce qu'on fait que le coût de ce qu'on ne fait pas, car dans le premier cas, on a des éléments factuels, alors que dans le deuxième cas, on n'a que des conjectures.

J'aimerais quand même avoir votre opinion sur le coût de nos omissions dans deux domaines. Premièrement, est-ce que nous payons déjà plus cher ou est-ce que nous allons finir par payer plus cher l'énergie au Canada à cause de la multiplicité des juridictions responsables? Je reconnais que c'est assez théorique. Deuxièmement, pouvons-nous et devrions-nous examiner toute la question du coût qu'entraîne notre refus de prendre le taureau par les cornes? C'est facile de dire : « telle quantité de carbone coûtera tant ou le coût à la consommation sera de tant ». Peut-on vraiment calculer ces coûts ou tout au moins calculer ce qu'il nous en coûtera si nous ne le faisons pas?

M. Boag : Vous avez mis le doigt sur le fond du problème. Il est très difficile de calculer ce qu'il nous en coûtera si nous ne faisons rien parce qu'il faut alors faire des hypothèses abstraites et nébuleuses.

D'un autre côté, je vais vous donner un exemple d'une situation qui, à mon avis, s'accompagne d'un coût. C'est lié à votre question, sénateur, sur la multiplicité des juridictions responsables et sur les changements à apporter pour améliorer la coordination entre ces dernières. Le coût dont je parle ne s'exprime pas nécessairement en dollars. Cet exemple est propre à notre secteur. Je veux parler de la décision prise par plusieurs juridictions canadiennes d'adopter chacune ses propres normes de carburant, y compris pour les carburants renouvelables. Ainsi, la norme applicable aux carburants renouvelables varie légèrement d'une province à l'autre. Le gouvernement fédéral essaye de mettre en place une norme fédérale, mais ses efforts n'ont toujours pas abouti. Dans ce cas, on peut parler de coût dû à la résilience du système. Avec les différences subtiles qui existent entre les provinces, nous avons fini par créer un marché individuel dans chaque province, pour l'essence aussi bien que pour le diesel.

Le sénateur Banks : N'est-ce pas la définition même de l'inefficacité?

M. Boag : Tout à fait.

Je vais revenir à la question du coût que représente la résistance du système à répondre à des chocs externes et à des problèmes d'approvisionnement. Les barrières artificielles nous empêchent de décider rapidement de transférer du carburant d'une juridiction à l'autre.

Voilà donc un exemple du coût que peut représenter la fragmentation des juridictions responsables, qu'il s'agisse d'un problème d'ordre météorologique ou d'un problème concernant une raffinerie. Si une raffinerie tombe en panne alors qu'elle est la principale source d'approvisionnement d'une juridiction et qu'elle produit un carburant répondant précisément à la norme de cette juridiction, qu'il s'agisse d'une norme sur un carburant renouvelable ou d'une norme sur la qualité des ingrédients d'un autre type de carburant, la résilience du système est en jeu puisqu'il ne peut pas répondre à une pénurie dans une juridiction en lui expédiant du carburant à partir d'une autre juridiction. Le produit n'est plus fongible au-delà de la frontière.

Pour en revenir à votre question sur les défis qui se posent, je vous dirai que c'est là un exemple de différence juridictionnelle auquel on ne peut pas nécessairement associer un coût en dollars mais qui représente certainement un coût dû à l'incapacité du système d'offrir les services énergétiques dont les consommateurs ont besoin.

Le sénateur Banks : Si ce coût existe, va-t-on réussir à l'exprimer en dollars?

M. Boag : Peut-être. Je ne suis pas en mesure de le prédire. Quoi qu'il en soit, cela vous montre comment une réglementation délibérée peut fragmenter des marchés et créer des problèmes qui, au bout du compte, représentent un coût, que ce coût puisse s'exprimer en dollars ou qu'il se traduise par l'incapacité du système d'offrir aux consommateurs les services dont ils ont besoin.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple, qui n'est pas canadien mais qui montre bien l'absurdité de la situation. C'était aux États-Unis, peu après l'ouragan Katrina. La plupart des raffineries états-uniennes et nord-américaines se trouvent sur la côte du golfe du Mexique. Elles ont donc dû cesser leurs activités pendant très longtemps. On ne trouvait plus de carburant dans des États comme la Louisiane. L'un de nos membres, qui exploite aussi une raffinerie au Colorado, était prêt à expédier gratuitement du carburant à la Louisiane afin de lui permettre de répondre à des besoins qu'elle ne pouvait pas satisfaire. Eh bien, parce que ces deux États n'avaient pas tout à fait les mêmes normes de qualité, cela n'a pas pu se faire. C'était une situation d'urgence, et le système démontrait par là qu'il était capable de réagir à cette situation en faisant don de grandes quantités de carburant. Une réglementation imposant des normes de qualité très légèrement différentes entre les deux États a rendu la chose impossible.

Le président : Ce sera comme ça avec les voitures provenant du Québec, à l'avenir.

Avez-vous d'autres questions?

Le sénateur Brown : Je me dois de vous applaudir lorsque vous dites que vous ne pensez pas voir, de votre vivant, un système d'échange de crédits carbone au Canada. Un représentant du gouvernement de l'Alberta a dit un jour, au sujet d'un tel système : « Si j'ai besoin de perdre 20 livres et que j'embauche quelqu'un d'autre pour perdre ces 20 livres, restera-t-il autant de graisse dans la nature qu'avant?

Le président : C'est un commentaire, sénateur?

Le sénateur Brown : Oui.

Le président : Intéressant.

J'aimerais conclure en vous remerciant, messieurs, ainsi que vos associations. Je crois que vous vous êtes lancés dans un exercice utile et, je l'espère, productif. Le sénateur McCoy vous a aimablement demandé de nous faire parvenir le rapport et les autres données que vous aurez recueillies, de sorte que nous n'aurons pas à faire un travail que vous aurez déjà fait avec beaucoup de compétence.

À ce propos, nous sommes en train de construire un site Web consacré à notre étude. On pourra y consulter nos délibérations. Nous vous invitons à nous faire des suggestions sur les sujets que nous devrions examiner dans notre intérêt à tous. D'avance je vous en remercie.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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