Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 2 - Témoignages du 13 avril 2010
OTTAWA, le mardi 13 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Au cours de la présente réunion, le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles poursuivra son étude sur l'élaboration d'un cadre stratégique en vue de la mise en place d'une politique énergétique pour notre merveilleux pays. Cette étude est menée depuis quelque temps déjà, et j'espère qu'elle se prolongera pendant encore un bon moment, car il s'agit d'une étude vaste et importante.
Aujourd'hui, nous aurons la chance d'entendre le témoignage d'un homme que la plupart, voire la totalité des personnes ici présentes connaissent, à savoir Bruce Carson. Nous sommes heureux de l'accueillir parmi nous ce soir. Il témoignera à titre de directeur exécutif de l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada. M. Carson a connu une brillante carrière à Ottawa, si je me fie à ce que j'ai pu voir au cours de mes 17 dernières années à titre de sénateur. Avant d'occuper ses présentes fonctions, il a été un conseiller spécial principal en matière de politiques du CPM, le cabinet du premier ministre Harper. M. Carson est titulaire d'une maîtrise en droit, avec spécialisation en droit constitutionnel, de l'Université de Toronto.
L'École de l'énergie et de l'environnement du Canada est le fruit d'un projet de recherche et d'éducation mené en collaboration par l'Université de Calgary, l'Université de l'Alberta et l'Université de Lethbridge. Les activités de l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada portent principalement sur le développement énergétique et la gestion environnementale durables. M. Carson nous en dira plus long à ce sujet, mais avant de lui céder la parole, je tiens à mentionner que l'étude approfondie entreprise par le comité porte sur l'ensemble du secteur de l'énergie — nous nous pencherons non seulement sur les sources traditionnelles d'énergie comme les combustibles fossiles, mais également sur les sources d'énergie de remplacement, lesquelles suscitent de plus en plus d'attention. Notre objectif est de tenter de rassembler des informations sur tous les types d'énergies. Au Canada, nous avons l'immense chance de disposer d'une extraordinaire diversité de ressources merveilleuses, et nous voulons trouver le moyen le plus efficient, le plus propre et le plus durable de les utiliser afin de combler les besoins des Canadiens, sans jamais perdre de vue les disparités et les différences régionales ni, bien sûr, les besoins particuliers de chaque province.
Nous sommes sensibles aux questions constitutionnelles. Il y a toujours des gens pour nous rappeler que l'énergie et l'environnement sont des questions qui relèvent des provinces, mais je crois que tout le monde s'entend pour dire que ces deux questions ont une incidence sur chaque aspect de la vie de l'ensemble des Canadiens, et, par conséquent, elles transcendent certains de ces intérêts purement locaux. Nous tentons de trouver une façon de travailler en coopération avec les provinces. Dans le cadre de cette démarche, nous avons constaté qu'une kyrielle d'études similaires étaient menées au Canada; ces études ne sont pas forcément identiques, mais elles se ressemblaient suffisamment pour que nous décidions de les examiner plus attentivement. Nous nous sommes rendu compte du fait que cela risquait de se traduire par un important chevauchement des travaux.
À cet égard, monsieur Carson, nous avons été informés des merveilleux travaux qui sont menés à l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada. Plusieurs autres groupes, par exemple les représentants de l'initiative relative au cadre stratégique pour l'énergie et l'environnement, nous ont parlé de leurs activités, et nous nous sommes entendus pour échanger de l'information et travailler en coopération dans l'avenir. Lorsque nous serons finalement prêts à rendre compte au gouvernement de nos constatations et de nos recommandations, j'espère que nous pourrons dire que nous avons profité de l'ensemble de vos travaux. J'imagine que nos travaux sont parallèles, et c'est la raison pour laquelle nous sommes enchantés que vous ayez pu vous présenter devant nous. Je suis conscient du fait que je me montre quelque peu bavard, mais je tenais à vous dire, monsieur Carson, à quel point nous sommes heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui, particulièrement pour nous parler de l'étude que vous menez avec vos collègues. Je vous cède la parole.
Bruce Carson, directeur exécutif, École de l'énergie et de l'environnement du Canada : Merci, monsieur le président. Je tiens tout d'abord à vous dire que je crois que vous ne recevrez jamais un témoin qui reconnaît davantage que moi la valeur du travail accompli au Sénat et par les sénateurs, puisque j'ai moi-même été membre du personnel du Sénat de 1993 à 2004. J'éprouve également beaucoup de sympathie et d'empathie pour vos collègues de la Bibliothèque du Parlement, où j'ai travaillé comme chercheur à la Division du droit et du gouvernement de 1979 à 1981. Je vous sais gré de me donner l'occasion d'être ici.
Avant de commencer mon exposé proprement dit, je tiens à souligner que, d'après moi, vous vous penchez sur une question réellement importante. Il me semble que, partout où je me rends, je rencontre des gens qui veulent jouer un rôle dans le secteur de l'énergie, et que chaque groupe auquel je m'adresse, y compris les ONG — les organisations non gouvernementales —, les groupes de réflexion et les associations industrielles, veulent s'investir dans un domaine particulier du secteur de l'énergie.
Nous allons parler de politique énergétique et de l'élaboration d'une politique en la matière. D'une manière indirecte, j'ai découvert que très peu de personnes avaient véritablement pris le temps de réfléchir à la politique énergétique. Une pléthore de gens très intelligents, des scientifiques, ont mené des travaux de recherche sur l'énergie, mais nous avons besoin d'un cadre stratégique pour structurer ces travaux. Nous serons heureux de vous fournir notre soutien, sous quelque forme que ce soit, car nous avons tenté de canaliser tous les travaux de l'ensemble des intervenants de manière à ce que tous conjuguent leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun. Tout le monde travaille, dans une certaine mesure, en vue d'élaborer une politique que nous pourrons présenter au Sénat, et ensuite au gouvernement. Aussi étrange que cela puisse paraître, le désir actuel de travailler en ce sens est probablement attribuable à la conférence de Copenhague.
Vous travaillez sur une question qui pourrait être grandement profitable pour le pays. J'en parlerai de façon plus détaillée ultérieurement, mais je tiens à signaler dès maintenant que nous disposons de merveilleuses ressources naturelles d'un océan à l'autre, et que, si nous agissons de façon appropriée, nous pourrons, d'après moi, en profiter pendant des années et des années. Cependant, si nous nous y prenons mal, nous risquons de dilapider cet atout extraordinaire dont nous disposons du simple fait que nous occupons la moitié nord du continent.
Tout d'abord, je souligne que j'ai prononcé le présent exposé à deux ou trois occasions devant d'autres auditoires avant de me présenter devant vous pour m'assurer qu'il était au point. Je l'ai d'abord présenté dans le cadre d'une petite conférence sur l'énergie géothermique au Yukon, puis devant quelques étudiants en droit de l'Université de Calgary, et enfin, hier, durant une conférence sur l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, et l'énergie. Les gens semblent vivement intéressés à aller de l'avant dans le secteur des politiques. Bref, j'ai eu quelques occasions de mettre à l'essai le présent exposé, et tout devrait donc bien aller, mais nous verrons bien.
L'École de l'énergie et de l'environnement du Canada, l'EEEC, a été établie dans le cadre du budget de 2007 à titre de Centre d'excellence en matière de commercialisation d'idées novatrices dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. Comme le sénateur Angus l'a souligné, l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada est le fruit de la collaboration des trois principales universités de recherche de l'Alberta, et, à la faveur des occasions qui se sont présentées à nous, nous avons été en mesure de faire appel aux experts de l'Université de l'Alberta, de l'Institut pour l'énergie durable, l'environnement et l'économie de l'Université de Calgary et de l'Institut de l'eau de l'Université de Lethbridge pour qu'ils nous aident dans nos travaux. Si je fais cette mise en contexte, c'est pour vous dire que, au moment où j'ai commencé à occuper mon présent poste à temps plein, après le budget de 2009, et où l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada a été désignée à titre de Centre d'excellence en matière de commercialisation d'idées novatrices, nous avons décidé de faire en sorte que notre établissement devienne, en quelque sorte, un groupe d'élaboration de politiques, car si tant est que je possède une quelconque expertise, c'est bien dans ce domaine.
Nous avons œuvré à l'élaboration d'une politique environnementale avant la conférence de Copenhague, et nous continuerons à le faire en vue de la 16e Conférence des Parties, qui se tiendra à Mexico.
En ce qui concerne le secteur de l'énergie, comme je l'ai dit précédemment, divers groupes de réflexion se sont réunis à Winnipeg l'automne dernier, notamment le Conference Board du Canada, l'Institut C.D. Howe et l'Institut Pembina. Tous les secteurs étaient représentés. En tout, 11 ou 12 groupes étaient présents, en plus de notre groupe. L'objectif était de déterminer si nous nous entendions, d'une façon ou d'une autre, pour dire que le Canada devait se doter d'une stratégie nationale sur l'énergie propre.
L'un des autres groupes qui étaient présents était l'Energy Policy Institute of Canada, association qui représente les industries énergétiques de tous genres et de toutes les régions du pays, et qui comprend notamment l'Initiative de cadre énergétique, qui s'intéresse principalement aux combustibles fossiles. Dans le cadre de ces rencontres, nous avons discuté avec John Manley, du Conseil canadien des chefs, et avec Perrin Beatty et Shirley-Ann George, de la Chambre de commerce du Canada. Tout le monde tente d'agir pour faire avancer les choses dans le domaine.
Si nous nous intéressons à la question de l'énergie, c'est notamment parce que le monde évolue, et que le Canada se trouve dans une position idéale pour tirer profit de cette évolution, étant donné ses capacités énergétiques et ses réserves d'énergie, lesquelles proviennent autant des combustibles fossiles que de sources renouvelables. Toutefois, nous craignons que, sans stratégie nationale englobant toutes les formes d'énergie, le Canada risque de rater l'occasion qui se présente à lui.
Les réalités qui expliquent l'importance de l'énergie au Canada sont relativement simples. Les aspirations économiques de chaque région du Canada reposent sur l'énergie. Le secteur de l'énergie constitue le plus important investisseur privé de capital au Canada, et continue d'attirer au pays la plus importante proportion d'investissements étrangers directs, et ce, partout au pays. En outre, les réserves de pétrole du Canada — des réserves prouvées de 179 milliards de barils — sont les deuxièmes en importance au monde, après celles de l'Arabie saoudite, en partie grâce à la vitalité et, à présent, à l'accessibilité du secteur canadien des sables bitumineux.
De surcroît, nous exploitons toutes les formes d'énergie renouvelables. Cela fait peu de temps que je travaille dans le domaine, mais j'ai trouvé intéressant de constater qu'un certain nombre d'entreprises œuvrant dans le secteur des combustibles fossiles œuvrent également dans le secteur des énergies renouvelables, en plus de mener des recherches en la matière. Pour donner une idée de l'importance des sables bitumineux, mentionnons que, selon l'Institut canadien de recherche en matière d'énergie, d'ici 2020, l'industrie des sables bitumineux fera croître le PIB, le produit intérieur brut du Canada, de 3 p. 100, et générera 5,4 millions de dollars en années-personnes d'emploi, dont 44 p. 100 à l'extérieur de l'Alberta.
D'autres aspects entrent en ligne de compte et font l'objet de débats, notamment la fourniture d'énergie à bon marché, l'énergie en tant qu'élément de la sécurité nationale, les répercussions sociales et environnementales de l'énergie et l'opinion de la population canadienne quant aux changements climatiques.
Un certain nombre de rapports ont été publiés dans le monde entier, mais le plus important entre eux est celui de l'International Energy Agency, paru en 2009 et intitulé World Energy Outlook. Ce rapport donne une idée de l'évolution de la demande mondiale d'énergie d'ici 2030. Cette étude n'est pas irréprochable. Les auteurs ne mentionnent pas d'où proviendra le financement qui permettra de mener les activités de prospection et de développement sur lesquelles sont fondées leurs prédictions. En outre, les auteurs font abstraction de l'accroissement de la population, laquelle doit être prise en considération. Cela dit, il s'agit de l'étude de base sur l'accroissement de la demande.
À ce sujet, l'étude présente deux scénarios, et je suis certain que d'autres avant moi y ont fait allusion. Le premier scénario évoque la possibilité du statu quo, à savoir une croissance de 1,5 p. 100 par année de la demande en pétrole de 2007 à 2030, assortie d'une croissance globale de 40 p. 100; une croissance annuelle de 2,5 p. 100 de la demande de production d'électricité au charbon et au gaz d'ici 2030; enfin, une croissance de la demande en énergies renouvelables, mais moins importante que la demande en énergies provenant de combustibles fossiles. Puis, pour répondre à la demande liée à cette croissance — demande provenant de la Chine, de l'Inde et des pays en voie d'industrialisation, lesquels sont de plus en plus industrialisés —, des sommes astronomiques devront être investies. Selon les auteurs du rapport, ce montant s'élèverait à 26 billions de dollars d'ici 2030.
Le deuxième scénario, à savoir la solution faible en carbone, a été appelé le scénario 450. Là encore, les experts à l'origine de cette étude estiment qu'une partie des cibles en matière de réduction des émissions de carbone seront atteintes grâce à l'efficience énergétique des immeubles, de l'industrie, des transports et des nouvelles technologies. Même dans un tel scénario, l'accroissement de l'utilisation des combustibles fossiles et des énergies renouvelables exigerait des investissements de 10,5 billions de dollars environ.
Les deux scénarios sont coûteux, et lorsque les auteurs évoquent l'approvisionnement nécessaire, ils passent essentiellement sous silence la provenance de cet approvisionnement.
Pour ce qui est de l'approvisionnement, pour diverses raisons de nature géopolitique, économique et environnementale, bon nombre de ressources demeurent inexploitées. L'un des grands avantages de notre pays, c'est qu'il s'agit d'une démocratie ouverte, qui croit au libre-échange et qui n'est pas dominée par des sociétés pétrolières appartenant à l'État. Cependant, dans le reste du monde, les sociétés pétrolières nationales prennent de plus en plus d'importance. Une proportion de 80 p. 100 des réserves mondiales de pétrole appartiennent à des sociétés d'État, et l'énergie est devenue — ou pourrait devenir — un moyen d'action géopolitique, ce qui pourrait provoquer des troubles économiques et sociaux.
À titre d'exportateur net d'énergie, le Canada se distingue des autres pays qui exportent de l'énergie.
Comme je l'ai dit, dans l'avenir, nous devrons non pas restreindre nos choix en matière d'énergie, mais les élargir. Nous devrons également accroître l'accès à ces ressources. La carte routière que nous élaborerons devrait porter sur toutes les formes d'énergie.
Le président a mentionné l'Initiative de cadre énergétique. Nous avons collaboré avec les membres de ce groupe. Au moment d'élaborer le document qu'ils ont publié l'automne dernier, ils ont discuté notamment des principes généraux et des piliers sur lesquels nous devrions nous fonder.
J'estime que la première chose à faire au moment d'envisager l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'énergie propre est d'examiner quelques principes. Le document de l'Initiative de cadre énergétique mentionne des fondements économiques, sociaux et environnementaux, sur lesquels sont placés quelques piliers, qui sont mentionnés dans mes notes. Je crois qu'il y en a six, et je vais les passer en revue.
Il s'agit tout d'abord de s'engager à faire une utilisation durable de l'énergie, tant au chapitre de l'alimentation que de la consommation. Depuis que je suis appelé à m'intéresser à la question, j'ai été frappé par l'importance que l'on accorde actuellement à la réduction de la consommation, par opposition à la consommation habituelle et à l'accroissement de l'extraction de combustibles.
Il s'agit ensuite de s'engager à développer, à produire et à transporter les ressources énergétiques de manière durable; de veiller à adopter une approche durable en matière d'énergie et de changements climatiques; de faire en sorte d'obtenir un soutien continu du public en ce qui a trait à la construction et à l'exploitation; d'améliorer continuellement les capacités et les possibilités en matière de recherche de pointe et d'innovation technologique; enfin, de faire en sorte que les divers gouvernements adoptent une approche fondée sur la collaboration de façon à assurer la cohérence des politiques nationales.
Tout le monde ici présent sait que nous parlons ici d'un domaine... J'allais dire de compétences partagées. Cependant, si vous discutez avec les représentants d'un gouvernement provincial, ils vous diront probablement qu'il ne s'agit pas d'un domaine de compétences partagées, et que le gouvernement fédéral possède les ressources. Toutefois, du point de vue des politiques, la participation du fédéral dans ce secteur a une portée générale.
J'ai eu accès à un document élaboré par Roger Gibbons, de la Canada West Foundation. Il s'agit d'une personne que vous devriez inviter à témoigner devant vous, si ce n'est déjà fait. M. Gibbons est d'avis que, au moment d'élaborer une politique canadienne en matière d'énergie, nous devons nous inspirer de la Loi canadienne sur la santé. Jetez un coup d'œil à ce que nous avons fait dans le domaine de la santé — nous disposons de la Loi canadienne sur la santé, qui énonce des principes généraux, mais la mise en œuvre ou l'administration des services de santé est déléguée aux provinces, lesquelles agissent à l'intérieur du cadre global de la loi fédérale. Il s'agit d'une bonne façon de déterminer comment surmonter les problèmes intergouvernementaux.
Le président : Monsieur Carson, vous faites un travail fantastique. Je remarque que vous êtes sur le point d'aborder la section suivante de votre exposé, laquelle porte sur les liens entre l'énergie et l'environnement. Vous savez, le comité a connu une certaine crise d'identité; de fait, comme son nom l'indique, nous nous intéressons à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles, et certaines personnes se demandent comment nous parvenons à traiter de ces questions contradictoires. Le nom du comité relève de l'oxymore.
Deux ministères sont concernés ici — d'une part, RNCan, à savoir Ressources naturelles Canada, et, d'autre part, Environnement Canada. Pourtant, vous mentionnez d'un même souffle vos travaux entourant la conférence de Copenhague et les problèmes environnementaux dans le cadre d'une approche multilatérale, laquelle pourrait se révéler être — ou ne pas être — la bonne approche à adopter.
Avant que vous n'abordiez la prochaine partie de votre exposé, il serait utile que vous nous disiez dans quelle mesure nous devrions consacrer du temps et des efforts aux aspects environnementaux, étant donné que tout le monde semble à présent admettre les connaissances scientifiques à ce sujet. Les effets de l'activité humaine sur les changements climatiques sont admis, et des problèmes environnementaux évidents et reconnus par l'industrie doivent être réglés par le secteur privé, qui doit se pencher sur les questions de l'utilisation et du développement de l'énergie. Si je dis cela, c'est parce que je sais que vous connaissez ma position sur le sujet.
M. Carson : Je vais maintenant parler des blocs qui doivent être installés sur les piliers que j'ai mentionnés précédemment. J'aurais souhaité que l'Initiative de cadre énergétique utilise le terme « pierres d'assise » plutôt que « piliers », car il est plus facile de poser des blocs sur des pierres d'assise que sur des piliers. Un certain nombre de blocs peuvent être posés sur les piliers, et le premier que nous devons prendre en considération est l'environnement. Comment pourrait-il en être autrement?
Toutefois, au moment d'élaborer une politique énergétique, j'estime que nous devons éviter de nous laisser complètement obnubiler par l'environnement. Vous avez évoqué les problèmes occasionnés par le nom de votre comité; je vous signale que je dirige une institution qui s'appelle l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada, et que je suis moi aussi en quelque sorte écartelé entre deux notions contradictoires.
En fait, j'estime qu'il s'agit de deux notions non pas contradictoires, mais tout à fait compatibles. Nous devons veiller à ce que toute politique en matière d'énergie soit une politique en matière d'énergie propre. C'est pourquoi nous avons évoqué l'idée d'une stratégie nationale ou canadienne sur l'énergie propre. L'énergie doit être propre — nous devons nous préoccuper de la réduction des émissions de carbone.
Comme je le mentionne dans mes notes, j'estime qu'il est important que nous commencions à envisager la tarification du carbone comme moyen de réduire les émissions. Il s'agit simplement de réduire les émissions de carbone des diverses sources d'énergie canadiennes, et également de prendre en considération les répercussions sur l'environnement et la qualité de l'eau des polluants liés à l'énergie.
Une stratégie sur l'énergie propre englobe un nombre important de questions générales. De toute évidence, l'environnement est l'une d'entre elles; la question de l'offre et de la demande en est une autre.
Notre pays a la chance d'être un exportateur net d'énergie. Nous devons également nous rendre compte du fait que les Canadiens figurent au premier rang mondial des consommateurs d'énergie par habitant. Nous devons veiller à ce que la stratégie que nous élaborerons aborde la question de la réduction de la consommation d'énergie.
L'une des idées qui ont été mises de l'avant est l'installation d'appareils comme des compteurs intelligents, qui permettent aux gens de contrôler leur propre consommation d'énergie. Peter Tertzakian, de l'Alberta Research Council est une autre personne que vous devriez inviter à témoigner devant vous, si ce n'est déjà fait. Il a publié deux livres sur cette question. L'un d'entre eux s'intitule A Thousand Barrels a Second, et l'autre, The End of Energy Obesity.
Sa principale thèse est la suivante : au moment de consommer de l'énergie, nous devrions songer à la source dont elle provient. Au moment d'allumer une ampoule ou un téléviseur, nous devrions prendre conscience de la somme d'énergie que nous demandons à la source de nous fournir. J'estime qu'il y a beaucoup de travail à faire à ce chapitre, et que des mesures en la matière devraient s'inscrire dans une stratégie.
Nous devons également envisager le commerce d'énergie et des exportations d'énergie avec des pays autres que les États-Unis. Il est merveilleux que nous disposions d'un marché prêt à recevoir notre produit, mais il est quelque peu inquiétant de songer que, pour une raison ou une autre, nous pourrions perdre cet important marché. Que ferions-nous dans un tel cas? Je ne crois pas que nous sommes suffisamment prêts à envoyer du pétrole sur la côte ouest pour l'expédier vers les marchés en plein essor que sont la Chine, l'Inde et le Japon. Nous devons également être conscients de cela.
Nous collaborons avec les États-Unis dans le cadre d'un certain nombre d'initiatives en cours. Le Dialogue sur l'énergie propre n'est que l'une de ces initiatives. Nous travaillons de concert avec les États-Unis sur un certain nombre de questions liées à l'énergie et à l'environnement.
Au chapitre de la fabrication et des technologies, j'estime que la réduction des émissions de gaz à effet de serre passe par les technologies de transformation et les technologies innovatrices. Nous devons nous pencher sur les moyens à prendre pour mettre en place un climat favorable à l'investissement.
Avec son fonds pour l'énergie propre ou son fonds pour les technologies propres, l'Alberta a trouvé un moyen intéressant d'aller chercher de l'argent dans les poches des entreprises dont le niveau d'émissions de gaz à effet de serre dépasse le niveau maximal fixé afin de le réinvestir dans les nouvelles technologies. Les grands émetteurs versent de l'argent dans un fonds où s'accumulent des sommes substantielles pouvant être réinvesties dans les technologies.
Des questions de réglementation ont été évoquées dans le discours du Trône, de même que dans le budget, si je ne m'abuse. Il s'agit non pas tant de réduire le nombre de dispositions réglementaires de façon à ce que les problèmes environnementaux disparaissent ou soient éludés, mais de tenter de rationaliser la réglementation de manière à éviter que les entreprises doivent se conformer à deux ou trois dispositions différentes énonçant une seule et même chose.
L'un des sujets les plus importants abordés durant la réunion touchant l'ALENA à laquelle j'ai assisté hier concernait l'éducation, les ressources humaines et la formation. Une partie des travailleurs du secteur de l'énergie approche de l'âge de la retraite, et les universités — de même que l'industrie — devraient veiller à ce que les technologies qui seront nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre soient présentées aux étudiants.
Il s'agit là de quelques idées que j'ai glanées auprès de personnes beaucoup plus intelligentes que moi, et qui ont déployé beaucoup d'efforts pour tenter de mettre en place ce qui pourrait se révéler être le squelette d'une stratégie canadienne sur l'énergie propre.
Le président : Monsieur Carson, votre exposé était clair, et vous l'avez présenté de façon admirable. Comme vous venez tout juste de le dire, vous nous avez fourni le squelette d'une politique, et vous nous avez donné un aperçu de la façon dont nous pourrions nous y prendre pour mettre de la chair autour de l'os et ainsi élaborer une véritable politique.
Avant de céder la parole à mes collègues et de leur permettre de poser des questions, je vais exercer le privilège que me confère mon titre de président. Vous avez dit à deux ou trois reprises que vous participiez à une étude similaire à la nôtre, et vous nous avez gentiment offert de travailler en collaboration avec nous. Je pense que cela est extraordinaire, puisque, comme vous l'avez dit, il se peut que nous touchions ici à quelque chose d'important. De toute évidence, cela s'applique également à vous.
Il serait intéressant pour nous de connaître la méthode que vous employez pour mener votre étude. Demeurez-vous isolé dans une tour d'ivoire? Demandez-vous à d'autres personnes de contribuer d'une certaine façon à vos travaux, comme nous le faisons? Possédez-vous une solution miracle qui vous permet d'obtenir tous vos renseignements?
M. Carson : Personne ne pourrait jamais m'accuser de demeurer enfermé dans une tour d'ivoire. L'intérêt de participer aux activités d'un certain nombre d'organisations comptant des membres de l'industrie tient à ce que cela permet de faire affaire directement avec les entreprises elles-mêmes. Je ne crois pas négliger qui ou quoi que ce soit. Prenez Hal Kvisle, qui dirige TransCanada Pipelines. Dites-lui : « Vous êtes à la tête de Bruce Power. Des personnes intelligentes travaillent pour vous. Alors parlez-moi de vos questions de politique pour les 20 prochaines années. » Je pourrais dire la même chose de Steve Snyder, qui dirige TransAlta. Demandez-lui de prendre la direction de centrales thermiques alimentées au charbon. Demande-lui de vous parler des problèmes auxquels il fera face au cours des nombreuses années à venir.
Il s'agit là de personnes qui ont beaucoup réfléchi à la façon dont devra s'y prendre l'industrie pour survivre au cours des prochaines années. Il s'agit des personnes qui tentent de déterminer à quoi ressembleront les marchés et les technologies, ce genre de choses.
À cette fin, il n'existe aucune solution miracle. Il s'agit de les mettre en commun et de les examiner. Cependant, c'est en vous adressant aux industries elles-mêmes que vous obtiendrez, selon moi, beaucoup de réponses à vos questions.
J'ai été surpris de constater que peu de gens — et je sais que vous avez entendu certains d'entre eux — ont consacré beaucoup de temps à travailler sur la question de la politique énergétique. C'est à l'Université de Calgary que j'ai rencontré pour la première fois certaines de ces personnes. À ce moment-là, je cherchais à définir la place qu'occupaient les politiques au sein de l'organisation dénommée Carbon Management Canada, laquelle a bénéficié de la merveilleuse générosité du gouvernement fédéral et a reçu 25 millions de dollars, et qui recevra ultérieurement, si je ne m'abuse, de l'argent du gouvernement de l'Alberta. Il s'agit d'une organisation qui fait partie des réseaux des Centres d'excellence, et qui regroupe des scientifiques de toutes les régions du pays pour mener des recherches sur la réduction des émissions de carbone.
J'ai été surpris de constater que la question des politiques figurait tout au bas de la liste des sujets à aborder des personnes auprès desquelles j'étais assis et qui étaient là pour présenter des propositions. Tous les sujets abordés étaient de nature scientifique, puis, en tout dernier lieu figuraient les questions de politiques. Lorsque je me suis rendu compte de cela, je leur ai posé la question suivante : comment vous y prendrez-vous pour appliquer toutes ces connaissances scientifiques si vous ignorez quelles politiques seront adoptées?
J'ai tenté de faire en sorte que la question des politiques figure en tête de liste, mais en vain. Il s'agissait de l'un des quatre thèmes qu'entendait aborder Carbon Management Canada, et il s'agissait du quatrième en importance. C'est comme ça.
Ma réponse à votre question était longue, mais je tenais à souligner qu'il serait utile que vous commenciez à vous intéresser aux intervenants des divers secteurs.
Le président : C'est exact. Vous nous avez fourni une réponse utile. J'aurais quelque chose à ajouter. Récemment, une importante délégation du comité a assisté à Globe 2010, conférence sur l'énergie qui a eu lieu à Vancouver. Ceux d'entre nous — dont je ne faisais pas partie — qui avaient participé aux congrès Globe précédents ont constaté qu'un changement majeur était survenu.
Pour résumer ce que nous avons observé, il est à présent admis que les données scientifiques dont nous disposons sont authentiques et que les gouvernements agissent en conséquence, mais que le problème ne sera pas réglé par les gouvernements. Il s'agit d'un problème mondial. Cependant, les membres de l'industrie se sont ouverts les yeux, ont pris conscience du fait qu'il s'agissait d'un véritable problème et ont reconnu qu'ils disposaient des moyens nécessaires pour prendre rapidement des décisions efficientes, qu'ils disposaient des ressources financières nécessaires et devaient être prêts à délier les cordons de leurs bourses.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec cela. C'est ce que nous avons entendu. Les membres du comité estiment que cela est merveilleux, et, à présent, nous devons fournir aux membres de l'industrie une carte routière fondée sur les propositions qu'eux et leurs collègues ont faites, car ils sont toujours aussi peu disposés à investir de l'argent à mauvais escient.
Êtes-vous d'accord? Est-ce que cela concorde avec vos propres constatations?
M. Carson : Je pense que, de façon générale, tous les membres de l'industrie reconnaissent que cela est nécessaire. Il y a, au sein de l'industrie, une véritable compréhension à cet égard. D'aucuns pourraient affirmer que l'industrie cherche à servir ses propres intérêts; cela est possible, mais cela sert également les intérêts du pays. Cette approche présente donc beaucoup d'avantages mutuels.
L'industrie devra faire en sorte que cela se concrétise, car c'est à elle qu'il revient de faire les premiers pas, et non pas au gouvernement. Les diverses sociétés qui produisent ou consomment de l'énergie, par exemple General Electric, DuPont et d'autres entreprises du genre, sont vivement intéressées à ce que cela fonctionne. Je ne peux qu'être d'accord avec vous.
Je trouve intéressant que vous ayez qualifié l'événement Globe 2010 de conférence sur l'énergie. En fait, il s'agissait d'une conférence sur l'environnement. Zoe Addington, qui travaille pour le gouvernement et qui était présente à la conférence, en est arrivée à la même conclusion : même si l'événement était qualifié de conférence sur l'environnement, dans les faits, au fil de la conférence, la question de l'énergie a pris de plus en plus de place, de même que la question de savoir ce que nous devons faire pour protéger cette merveilleuse ressource que nous possédons de façon à nous assurer que nous ne la dilapidons pas.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Carson. Votre exposé était très intéressant. Il est formidable d'accueillir ici quelqu'un de l'Alberta, quelqu'un qui possède des connaissances aussi approfondies que les vôtres. Vous avez mentionné que vous aviez mis votre exposé à l'essai devant deux ou trois auditoires, et que ces expériences s'étaient révélées concluantes. De fait, votre exposé était parfait. Il contenait exactement les renseignements dont nous avons besoin. Vous avez réellement fait progresser notre réflexion — la mienne, à tout le moins — à propos de la façon dont nous devons structurer notre étude. Nous vous remercions beaucoup de cela.
Vous avez également indiqué qu'il était important de faire en sorte que les questions relatives aux politiques soient traitées en priorité, avant les questions de nature scientifique ou d'autres natures. Nous disposons d'un nombre considérable de données scientifiques. Ce que vous dites s'inscrit dans la suite logique de l'observation formulée par Marc Jacquard au cours d'une récente réunion, selon laquelle nous devrions mettre en place des politiques et commencer à travailler. Selon moi, nous en sommes plus ou moins rendus là.
J'ai été particulièrement intéressé par la partie de votre exposé qui portait sur les questions environnementales. Vous avez mentionné que le cadre devrait notamment faire en sorte que des instruments de politiques comme la tarification du carbone soient envisagés. J'ai deux questions à vous poser à ce propos. Où en sommes-nous dans l'étude de ces mécanismes? Si vous deviez faire un choix à ce moment-ci, opteriez-vous pour un système de quotas et d'échanges ou pour une taxe sur le carbone?
M. Carson : Merci, sénateur. Selon une perspective nationale, l'expérience albertaine présente un certain intérêt. En fait, il ne s'agit plus d'une expérience. Des dispositions législatives ont été adoptées. Un fonds pour les technologies vertes a été constitué et fonctionne bien, sous la présidence d'Eric Newell, et des sommes y sont versées. Un prix a été fixé pour le carbone. D'aucuns feront valoir qu'il est trop peu élevé, mais il n'en demeure pas moins qu'un prix a été fixé pour le carbone. Il est intéressant d'observer comment cela fonctionne dans les faits. Les administrateurs du fonds pour les technologies vertes, lequel est doté d'un budget de plus de 100 millions de dollars, si je ne m'abuse, ont diffusé une demande de manifestations d'intérêt. Je crois que, au bout du compte, ils ont reçu plus de 200 ou de 300 propositions, d'une valeur qui pourrait atteindre environ un milliard de dollars. Cela suscite de l'intérêt, du moment où un prix est fixé pour le carbone.
Que devons-nous faire à ce moment-ci? Le plan Prendre le virage était assorti d'un fonds pour les technologies. Nous n'avons jamais véritablement fixé un prix pour le carbone, mais un fonds pour les technologies avait été constitué, et la tarification du carbone devrait être mise en place. J'ai toujours cru que le système de quotas et d'échanges était une solution très judicieuse, dans la mesure où ce système était également adopté par les États-Unis. Il faudrait mettre en place un système nord-américain de quotas et d'échanges, lequel comprendrait aussi, de toute évidence, le Mexique. Si les États-Unis refusent de s'aventurer sur ce terrain, que choisiront-ils de faire? Je ne pense pas non plus qu'ils opteront pour une taxe sur le carbone.
Au début de mai, je me rendrai à Washington avec le premier ministre de l'Alberta pour discuter de ce qui se passe en Alberta avec un certain nombre de législateurs. Je me demande tout haut si nous adopterons une approche continentale en matière de réglementation, selon laquelle la cible initiale de réduction des émissions sera fixée à 17 p. 100 sous les niveaux de 2005 ou de 2006 d'ici 2020 — des cibles ont également été fixées à l'horizon 2050. Comment parviendrons-nous à fixer un prix pour le carbone? David McLaughlin, de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, a mené un bon nombre d'études sur la question du prix qu'il conviendrait de fixer pour le carbone, et ses travaux à ce sujet n'ont rien à envier à ceux des autres. Il est difficile de prévoir si une taxe sur le carbone ou un système de quotas et d'échanges sera mis en place dans un avenir rapproché. Si les États-Unis ne veulent pas d'un système de quotas et d'échanges, il n'y a aucune raison que le Canada aille dans cette direction. Cela serait illogique. Mettrons-nous en place un système de quotas et d'échanges harmonisé avec celui de l'Europe? Je ne le pense pas.
Pour couper court à cette longue réponse, je vous dirai simplement que je ne sais vraiment pas ce que nous devons faire. Toutefois, j'aime bien ce qui a été fait en Alberta, à savoir la mise en place d'une tarification sur le carbone, un point c'est tout. Un fonds a été établi, il fonctionne et il permet effectivement de recueillir des sommes qui seront réinvesties dans la recherche.
Le sénateur Mitchell : Ma prochaine question concerne votre observation selon laquelle toute politique en matière d'énergie devait comporter un volet sur la production d'énergie au moyen de sources propres et renouvelables. Auriez-vous une quelconque idée de l'objectif qui devrait être fixé, en pourcentage, à cet égard?
M. Carson : En raison du montant des investissements et du barème, il serait difficile de fixer un objectif de 10 p. 100, mais ce serait bien qu'un objectif de cet ordre soit fixé à l'horizon 2020. Nous avons parlé des diverses énergies renouvelables, lesquelles commencent à réduire le recours aux combustibles fossiles. Je n'ai aucun chiffre magique à vous fournir, mais je sais que beaucoup de technologies novatrices devront être mises en place afin d'atteindre un tel objectif, surtout en ce qui concerne le stockage d'électricité et ce genre de choses. Il serait extraordinaire que nous nous fixions un objectif d'environ 10 p. 100 d'ici 2020.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit quelque chose qui a attiré mon attention, à savoir que, en Alberta, on affirme souvent que, si les États-Unis cessaient d'acheter notre pétrole — selon moi, il s'agit non pas d'une possibilité, mais d'un chantage —, nous n'aurons qu'à l'expédier en Chine et dans d'autres pays. Vous avez indiqué que nous n'étions pas suffisamment prêts à faire face à une telle perspective, étant donné l'état de nos infrastructures.
M. Carson : Oui.
Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Dans quel état se trouvent nos infrastructures, et que devrons-nous faire de plus?
M. Carson : On a proposé la construction de d'oléoducs, mais il ne s'agit que de propositions. Si nous envisageons de diversifier le marché, nous pouvons parler de gaz naturel liquéfié et de ce genre de choses, mais dans les faits, il est plutôt question de transporter le pétrole de l'Alberta et de la Saskatchewan sur la côte ouest. J'ai participé de loin à certaines des négociations entourant le pipeline de la vallée du Mackenzie. Lorsque ces pourparlers ont commencé, j'étais stagiaire en droit — cela fait longtemps, plus longtemps que je ne veux le croire. Étant donné le climat dans lequel nous évoluons et notre approche actuelle en matière de réglementation, je ne pense pas qu'un oléoduc sera construit de sitôt. Vous pourriez vous pencher là-dessus dans le cadre de vos travaux. Les Autochtones, les provinces, les groupes communautaires et les entreprises elles-mêmes pourraient aller de l'avant au sein d'une structure réglementaire visant la protection de l'environnement. Il serait extrêmement intéressant pour vous, sénateurs, d'examiner, dans le cadre de votre rapport, les mesures incitatives qui pourraient être prises — par le truchement d'une réforme de la réglementation — pour faire en sorte qu'une telle chose se concrétise plus rapidement. À ce moment-ci, si nous disons aux Américains que nous cessons de faire des affaires avec eux et que nous chercherons des clients ailleurs, je crois qu'ils nous diraient simplement « Bonne chance », car les clients sont plutôt rares.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être ici, monsieur Carson. Je veux poursuivre la discussion sur les choix qui s'offrent à nous, à savoir le système de quotas et d'échanges, la taxe sur le carbone et les dispositions réglementaires. Ce matin, j'ai lu une entrevue donnée par le ministre Prentice. Ce dernier expliquait que les Américains envisageaient deux options, à savoir le système de quotas et d'échanges et, peut-être, la réglementation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela, mais je serais tenté d'avancer que la voie réglementaire, qui suppose l'adoption d'un ensemble de politiques visant à contraindre l'industrie, les producteurs ou les consommateurs à changer leurs habitudes, entraînerait des résultats épouvantables. Nous recevons déjà beaucoup de rapports où il est indiqué que nous savons tous quels sont les problèmes auxquels nous faisons face et que nous savons que le marché ferait en sorte que les solutions soient adoptées de la façon la plus efficiente possible, mais qu'il y a beaucoup d'interventions du gouvernement, de politiques sociales et de pressions sociales qui ont pour effet de nous mettre les bâtons dans les roues.
Si, par hasard, les Américains optaient pour la voie réglementaire, et si nous devions, comme vous l'avez fait valoir, emprunter une voie similaire, cela constituerait-il un autre fardeau ou obstacle majeur nous empêchant de faire le choix qui s'impose?
M. Carson : Il semble que cela n'a pas été le cas en Alberta. Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt, et que je continuerai de répéter, puisqu'il s'agit d'une mesure simple : il s'agit de fixer une limite, et d'exiger que ceux qui la dépassent versent de l'argent dans un fonds. Fixez une limite, et créez un fonds pour recueillir les sommes versées par les contrevenants.
La question est de savoir si, dans les faits, cette option en matière de conformité est légitime à l'échelle internationale. Il s'agit là d'une autre question qui devra être examinée à mesure que nous progressons. Les pays d'Europe ou d'une autre région du monde pourraient le dire : « Vous ne faites que remettre à plus tard toute mesure de lutte contre les gaz à effet de serre. Vous ne posez aucun geste concret. Vous vous contentez de verser des sommes dans un fonds. »
Je suis davantage préoccupé par cela que par la complexité d'une telle mesure. Peu importe ce que nous ferons, ce sera compliqué.
Nous devrons également tôt ou tard nous pencher sur la question des utilisateurs en aval. À toutes les réunions auxquelles j'assiste, il est invariablement question des grands émetteurs finaux. Il n'est pas question des gens qui consomment le pétrole, le gaz et l'énergie en tant que tels. J'ignore quand quelqu'un s'attaquera à la question des utilisateurs en aval. Cependant, tant que nous ne le ferons pas et tant que le Canada ne sera pas le premier consommateur net d'énergie en importance dans le monde, nous ne modifierons pas nos habitudes de consommation. Cela deviendra également un problème.
Le ministre Prentice n'a pas tort d'affirmer que, peu importe les mesures que le Canada choisit de prendre, il devra s'assurer qu'elles soient harmonisées avec celles des États-Unis. Il ne s'agit pas de savoir si nous emboîtons le pas aux Américains ou si ce sont eux qui nous imitent. Sur le plan de la compétitivité, il est logique que nos choix soient en harmonie avec ceux des Américains — je parle non pas d'une parfaite conformité, mais assurément d'une certaine harmonie. Les choix que fera le Canada dans le secteur de l'électricité seront différents de ceux que feront les États-Unis.
Si le Canada décide de ne pas adopter le système de quotas et d'échanges, alors, à mon avis, la voie réglementaire est celle qui s'impose. J'estime que nous pouvons emprunter cette voie sans que cela ne soit trop compliqué. Cependant, vous avez raison de dire que les choses pourraient se compliquer à mesure que nous nous approchons des utilisateurs en aval.
Le sénateur Massicotte : Penchons-nous sur cet argument. Il est frustrant de penser que nous ne pouvons pas faire grand-chose avant que les États-Unis décident ce qu'ils veulent faire, et que nous devons leur emboîter le pas.
L'argument souvent présenté, c'est que nous possédons un produit de commerce international — du pétrole, du gaz, appelez-le comme vous le voulez — pour lequel il existe un marché international concurrentiel. Je comprends que l'on ne peut pas taxer le producteur à un point tel que cela nuira à sa compétitivité à l'échelle internationale. Si nous optons pour une taxe sur le carbone, nous devons décider qui paiera cette taxe. On peut décider de taxer le consommateur, comme on le fait avec la TPS, la taxe sur les produits et services. Le consommateur n'a pas à être concurrentiel sur le marché international, et n'aura jamais à le faire. La décision du Canada en ce qui a trait à l'échelon auquel sera imposée la taxe sur le carbone sera peut-être influencée par celle des États-Unis. Nous devrions peut-être nous attarder davantage aux utilisateurs en aval. Il faudrait peut-être envoyer un signal de prix pour que les gens commencent à changer leurs habitudes.
Pendant 20 ou 30 ans, on nous a incités à acheter des produits canadiens. Récemment, j'ai lu qu'à peine 0,5 p. 100 des consommateurs se sentaient interpellés par un tel message. Peu importe ce que nous souhaitons, il se peut que nous n'arrivions à rien sans l'envoi d'un signal de prix ou la fixation d'un coût orientant le comportement des consommateurs.
M. Carson : Tout cela est lié en grande partie à l'éducation. C'est sur ce plan que nous avons véritablement échoué. Lorsque je dis « nous », je pense aux établissements d'enseignement, et cetera. Depuis quelque temps, j'entends parler de la notion de compréhension de l'énergie, à savoir des connaissances qui permettraient aux consommateurs de prendre conscience du fait qu'ils peuvent limiter leur consommation d'énergie. Un véritable volet éducationnel devra figurer en bonne place dans toute stratégie élaborée par le Sénat, de manière à ce qu'il soit reconnu que les consommateurs peuvent réellement restreindre leur consommation d'énergie.
Dans un certain nombre de pays européens, par exemple en Norvège et en Suède, certaines stratégies ont été mises en œuvre afin d'augmenter le prix de l'énergie, et d'autres mesures concomitantes ont été prises pour veiller à ce que les personnes à faible revenu ne soient pas complètement désavantagées. Cela exige beaucoup de modifications mineures du régime fiscal. Pour éviter cela, il s'agit, là encore, d'emprunter une voie réglementaire.
Quant aux États-Unis, nous pouvons mettre nos cibles en harmonie avec les leurs, et nous pouvons collaborer avec eux dans des secteurs particuliers. Le gouvernement a récemment annoncé la mise en place de normes obligatoires en matière d'émissions d'échappement. À ce chapitre, nous pouvons aller dans le même sens que les États-Unis. Comme je l'ai dit plus tôt à propos de l'électricité, les normes canadiennes en matière d'électricité sont plus élaborées et seront plus rigoureuses que celles des États-Unis, pour la simple raison que notre production d'électricité renouvelable est plus importante que celle des Américains.
Il existe des moyens de faire cela, et nous pouvons commencer à les utiliser. Dans tout cela, l'important sera d'apprendre aux consommateurs à conserver davantage l'énergie qu'ils ne le font actuellement.
Le sénateur Lang : Je vous sais gré d'avoir pris le temps de vous présenter devant nous aujourd'hui. J'espère que votre réunion de l'automne dernier au Yukon s'est bien passée.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite durant votre exposé, à savoir que l'école que vous dirigez est à la tête d'une association de groupes de réflexion comprenant notamment l'Institut C.D. Howe et l'Institut Pembina. Vous collaborez avec 11 ou 12 groupes en vue d'élaborer une stratégie nationale sur l'énergie propre.
À quel moment prévoyez-vous que notre organisation se verra remettre un document complet aux fins d'examen?
M. Carson : Un certain nombre de groupes travaillent en collaboration. Le groupe qui a un délai à respecter pour la remise d'un rapport est l'Energy Policy Institute of Canada, l'EPIC, association industrielle regroupant 25 à 30 sociétés du secteur de l'énergie et entreprises utilisant une quantité importante d'énergie. Ce groupe prévoit avoir parachevé son document d'ici deux ans, sinon il se retrouve dans le pétrin.
Je souhaite recevoir d'ici la fin de l'été un document qui présente au moins l'étude dans ses grandes lignes. Ainsi, nous pourrions commencer à en discuter avec vous. Nous avons besoin de ce document plus tôt que tard, mais le délai s'étend jusqu'à l'année prochaine.
Le sénateur Lang : Cela rejoint la préoccupation soulevée par les gens autour de la table et par d'autres personnes, à savoir que le compte à rebours est commencé. Nous avons parlé de 2020 et de 2050. Nous sommes presque en 2011, et, à part peut-être beaucoup de réunions, je constate que peu de choses sont faites au pays en ce qui a trait au développement de l'énergie propre.
Passons à une autre question. Vous avez parlé du cadre global énonçant les responsabilités du gouvernement fédéral et celles relevant des gouvernements provinciaux. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet, en raison des différences constitutionnelles entre les responsabilités du gouvernement fédéral et celles des provinces. Peut-être pourriez-vous également nous dire ce que vous nous recommanderiez de faire dans l'avenir à ce chapitre.
M. Carson : Toute stratégie nationale à ce sujet doit obtenir l'adhésion du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Lorsque je rencontre des groupes, je tente de faire valoir qu'il existe un nombre considérable de questions de portée générale qui ont une incidence positive sur l'ensemble des provinces et des industries, par exemple la croissance des marchés.
Il serait difficile pour une province d'être en désaccord avec une démarche du gouvernement fédéral qui consisterait à présenter et à expliquer une stratégie qui comporterait des mesures visant à faire en sorte que nous élargissions les marchés pour notre énergie. Comment faire cela? Ce qui est bien avec cela, c'est, entre autres, qu'il s'agit d'une responsabilité qui concerne le commerce international et qui relève donc davantage du gouvernement fédéral que des provinces, même si celles-ci jouent un rôle dans ce secteur.
C'est de cette façon que l'on doit traiter avec les diverses provinces. Le gouvernement fédéral doit éviter d'arriver avec ses gros sabots sous prétexte qu'il veut aider les provinces, car cela ne fonctionnerait pas vraiment. Il doit se présenter comme le gouvernement national, et exposer aux provinces les choses que chaque échelon de gouvernement peut faire dans ses propres domaines de compétence. Si nous travaillons tous ensemble, et nous devons le faire, puisque les types d'énergie varient selon les régions du pays, le produit final sera assez satisfaisant.
C'est de cette manière que je tenterais d'aborder les choses. Le gouvernement fédéral doit établir des thèmes généraux comportant des volets communs et qui ne vont pas à l'encontre de ce que les provinces pourraient vouloir faire.
Le sénateur Brown : Je suis heureux que vous ayez parlé des utilisateurs en aval. À mon avis, il y a un gros éléphant dans la salle que tout le monde fait semblant de ne pas voir, et cet éléphant est le consommateur. Il y a quelques mois, le magazine National Geographic a fait paraître un article qui démontrait que les maisons et les immeubles comptaient parmi les plus importants consommateurs d'énergie et les plus importants producteurs de déchets, sauf s'ils sont adéquatement isolés, entre autres.
Il semble que l'instrument le plus simple dont nous disposions serait une certaine forme de taxation souple. On peut adopter toutes sortes de dispositions réglementaires, mais on doit sans cesse les modifier et tenter de les appliquer. En imposant une taxe tant au niveau de la production qu'à celui de la consommation, il me semble que l'on éduquera assez rapidement les consommateurs.
En Europe, il est tout à fait normal de payer 4, 5 ou 6 $ pour un gallon d'essence. Le prix de l'essence a déjà été plus élevé que cela. Le prix de l'essence monte parfois à un niveau très élevé là-bas, mais c'est aussi ce qui a permis aux Européens de concevoir des automobiles véritablement écoénergétiques. Je pense que nous pourrions faire la même chose, mais, à cette fin, nous devons nous pencher sur la question de la taxation et étudier attentivement la question de savoir quel degré de souplesse nous pourrions donner à une telle taxe.
M. Carson : D'un point de vue pragmatique, cela se traduirait par une augmentation du coût, quelle que soit l'origine de cette augmentation, puis par bien d'autres choses. Ce que je n'ai pas mentionné, et la question a été soulevée de temps à autre, c'est qu'il serait intéressant de discuter également avec les municipalités. Les codes du bâtiment relèvent des municipalités. Ils relèvent également des provinces, mais ce sont les municipalités qui les appliquent. En outre, les municipalités sont responsables de l'aménagement du territoire dans les grandes régions européennes.
À l'heure actuelle, je passe du temps à Calgary. Comme vous le savez, sénateur, à Calgary, il y a des maisons partout. Il y a des maisons énormes, et on en retrouve jusqu'au fin fond des banlieues. Je ne sais pas comment nous pouvons apprendre à la population que le grand rêve canadien consiste non pas vraiment à posséder sa propre maison en banlieue d'une grande ville canadienne, mais plutôt de posséder un appartement au centre-ville pour éviter les dépenses d'énergie liées aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail, si ce n'est par l'enseignement et en donnant différents types d'exemples de comportement.
Il y a d'autres pratiques que nous pourrions promouvoir davantage, par exemple le télétravail et ce genre de choses qui réduisent la consommation d'énergie. Nous ne prenons pas suffisamment de mesures pour encourager le recours à de telles mesures.
Nous pouvons envisager l'augmentation du prix, mais il y a bien d'autres choses que nous pouvons faire. Discuter avec les municipalités et s'intéresser à ce qu'elles font est une chose. Le sénateur Angus et moi-même avons eu le privilège de nous rendre à Copenhague — où je n'étais jamais allé auparavant —, et nous avons pu constater le nombre de pistes cyclables et de bicyclettes, de même que la façon dont sont utilisées ces bicyclettes. Il faisait assez froid lorsque nous étions là, mais il y avait partout des gens qui roulaient à vélo. Je l'ignorais, mais gare à vous si vous osez marcher sur la section de la chaussée ou du trottoir réservée aux vélos : les cyclistes ne se soucieront pas de vous, et vous rouleront tout simplement dessus. Heureusement, le sénateur Angus et moi sommes relativement agiles, et nous avons réussi à échapper à ce danger.
Il y a là-bas une tout autre façon de voir les choses. Il semble que cela leur a réussi. Ce ne serait pas une mauvaise idée d'examiner ce qui se fait là-bas lorsque nous en serons rendus à approfondir la question. Des chercheurs ont étudié cela et savent ce qui a fonctionné dans les pays où la consommation d'énergie a été réduite.
L'une des choses qui m'ont frappé, car je ne voyage pas très souvent à l'étranger, a été de constater que ce pays ne dispose d'aucune véritable source d'énergie dérivée de combustibles fossiles. Je sais que cela peut paraître naïf de la part d'un homme de mon âge. Je me doutais bien que tous les pays du monde n'étaient pas aussi favorisés que nous le sommes à ce chapitre, mais j'ignorais qu'il y avait des pays où la rupture d'un oléoduc risquait de provoquer un chaos à grande échelle.
Cela contribue également au fait que, là-bas, on est capable de modifier le comportement de la population, c'est-à-dire des consommateurs. Nous avons tant de choses à apprendre des municipalités et des pays qui ont réussi à réduire leur consommation d'énergie.
Le sénateur Banks : Comme vous avez évoqué la question des utilisateurs en aval, je souligne que le comité a publié, il y a quelques années, un rapport où il était indiqué que ce que nous devions faire, pour l'essentiel, était de changer la vie des gens — non pas seulement leur façon de consommer, mais leur façon de vivre. Nous en sommes arrivés à cette conclusion après avoir examiné plusieurs autres milieux et systèmes, et avoir examiné la façon dont s'y sont pris d'autres pays et quelques États pour changer le mode de vie de leur population, en ce qui a trait non seulement à la consommation d'énergie, mais également au tabagisme, par exemple, aux questions de santé et à toutes sortes d'autres égards. En nous fondant sur le fait que tous les pays ayant pris des mesures pour changer le mode de vie de leur population avaient réussi à le faire, nous avons conclu que, pour amener le public à changer sa façon de vivre, ce qui aura une incidence sur sa consommation d'énergie, il faut prendre un certain nombre de mesures que vous avez toutes évoquées plus tôt. Aucune d'entre elles ne fonctionnera à elle seule. L'arrondissement des prix n'aura aucun effet à lui seul, mais une telle mesure doit être prise. La même chose vaut pour l'éducation. Le fait de susciter la peur chez les consommateurs afin d'exercer un contrôle sur leur consommation d'énergie n'aura aucun effet à lui seul, mais nous devons le faire.
Nous avons conclu qu'il fallait adopter une approche globale et prendre toutes les mesures de ce genre. Si nous en omettons ne serait-ce qu'une seule, la consommation d'énergie ne diminuera pas. Est-ce que cela est compatible avec ce que vous disiez?
M. Carson : Je crois que oui, sénateur. Ce que je tentais de dire en réponse à une question du sénateur Brown, c'est qu'il est possible d'augmenter le coût de l'énergie, mais que, selon moi, cela n'aura pas pour effet de diminuer la consommation d'énergie. Les gens achèteront peut-être de plus petites voitures pendant quelque temps, jusqu'à ce que le prix de l'essence diminue de nouveau.
Vous avez raison : toutes les mesures doivent être prises de façon concomitante. C'est la raison pour laquelle il serait avantageux de sortir cette étude de l'oubli. Vous pourriez également inviter à témoigner ces personnes qui ont observé les changements de comportement survenus dans les pays ayant véritablement réussi à réduire la consommation d'énergie. Cela constituera assurément l'un des éléments clés de toute politique ou stratégie en matière d'énergie que vous mettrez au point. La question des utilisateurs en aval doit être prise en considération.
Le sénateur Banks : En rapport avec ce que disait le sénateur Lang, pouvez-vous m'indiquer quel est le sujet du rapport de l'EPIC? Nous croyons que nous parviendrons à présenter une proposition en vue de l'élaboration d'une stratégie, d'une procédure ou d'un plan — choisissez le terme qui vous convient — national en matière d'énergie. Sur quoi portera le rapport que l'EPIC vous présentera à la fin de l'été?
M. Carson : Je l'ignore, puisque nous en sommes à mi-chemin de nos travaux. J'espère que les divers secteurs auront quelques très bonnes idées à nous présenter en ce qui concerne les paramètres d'une politique en matière, par exemple, d'énergie nucléaire ou d'énergie éolienne, ce genre de choses. Il est à souhaiter que ce rapport nous soit présenté avant la fin de l'été.
J'espère que, à ce moment-là, nous disposerons de quelques principes généraux qui me permettront de mieux expliquer que je ne le fais aujourd'hui les principales idées qui seront utiles au moment de concevoir une stratégie.
Nous pourrions ainsi en arriver à une politique à laquelle adhèrent les intervenants de l'industrie. Comme je l'ai dit plus tôt, il peut sembler, à première vue, que l'industrie mette au point une politique servant ses propres intérêts, mais comment discuter avec le gouvernement? Nous ne pouvons pas élaborer une stratégie qui ne viserait qu'à servir les intérêts de l'industrie, car une telle politique aurait pour effet de paralyser le gouvernement, à tel point que le comité ne pourrait ni y adhérer, ni la voir d'un bon œil.
Je pense que nous en serons là à la fin de l'été, mais il pourrait être utile que nous demeurions en contact avec les gens de la Bibliothèque du Parlement et que nous les tenions au courant de nos progrès.
Le sénateur Banks : Permettez-moi de vous poser une question évoquant celle de l'œuf et de la poule. Vous avez dit que le gouvernement fédéral avait une responsabilité de portée générale, et vous avez mentionné le régime national de soins de santé à titre d'exemple de modèle qui pourrait fonctionner. Cependant, vous avez également dit que, dans les faits, les solutions devaient être fournies par l'industrie — et je présume que vous entendez par là l'ensemble du secteur de l'énergie...
M. Carson : Oui.
Le sénateur Banks : ... au gouvernement.
À mon avis, il s'agit de deux choses contradictoires, même si je les ai présentées de façon exagérément simplifiée. C'est l'œuf et la poule. J'ai l'impression, d'une part, que la plupart des entreprises du secteur de l'énergie, les entreprises traditionnelles de production d'énergie générant du carbone, disent, dans les faits, qu'elles sont prêtes à s'atteler au règlement de ce problème, qu'elles veulent simplement qu'on leur fournisse un cadre réglementaire et que, à partir de là, elles trouveront une solution. D'autre part, nous savons que le gouvernement s'en remet principalement à l'industrie, à ses ressources et aux gens qui la composent pour ce qui est de la détermination des solutions.
C'est un échange de politesses : après vous, Alphonse, je vous en prie, Gaston. Pendant ce temps, à peu près rien ne se passe. Je vous pose donc la question : qui vient en premier, l'œuf ou la poule?
M. Carson : Dans le cadre de l'élaboration des politiques sectorielles, il faut recueillir les commentaires de l'industrie pour ensuite pouvoir définir les paramètres d'une politique globale. L'un doit venir avant l'autre : il faut obtenir les observations de l'industrie, pour ensuite y ajouter ce que j'ai appelé les questions de portée générale.
Tout cela s'élabore pendant que vous progressez. Cependant, nous ne voulons pas présenter une stratégie nationale sur l'énergie propre qui englobe l'ensemble de l'industrie de l'énergie. Lorsque je dis « nous », je suppose que j'entends par là moi-même et les personnes qui ne font pas partie du gouvernement à l'heure actuelle. La stratégie doit recevoir l'appui de l'industrie de l'énergie, et doit aider celle-ci à accroître sa sensibilisation à l'égard de l'environnement, à conquérir de nouveaux marchés, ce genre de choses. Il faut d'abord obtenir le point de vue des différents secteurs, pour ensuite y superposer une vision globale.
Le sénateur Dyck : Je viens de la Saskatchewan. Il y a deux ou trois semaines, j'ai eu le plaisir de visiter l'Université de Regina, plus particulièrement les installations de recherche sur le captage et la séquestration du dioxyde de carbone. Ma question porte sur cette technologie spécifique.
Selon vous, et d'après le genre de travail que vous menez au sein de votre école, s'agit-il là d'une option viable? S'agit-il d'une option qui pourrait être viable sur le plan commercial, et, le cas échéant, dans combien de temps cette technologie pourrait-elle être employée à grande échelle?
M. Carson : Cette technologie est utilisée ailleurs, et je crois qu'elle coûte cher. Il n'y a pas de doute là-dessus. Cependant, comme quelqu'un me l'a expliqué il y a quelque temps, la première centrale électrique a probablement coûté cher. Par conséquent, je crois que les technologies qui changent la donne sont toujours coûteuses. Seulement, à un certain moment, elles deviennent de plus en plus utilisées dans l'ensemble des divers secteurs, et le coût lié à leur mise en œuvre diminue.
La question du coût ne me préoccupe pas tant que ça. Ce qui me préoccupe, ce sont tous ces travaux de sciences humaines à propos du captage et du stockage du carbone et du cadre réglementaire entourant ces activités. Qui assurera ces activités? En Australie, c'est l'État lui-même qui s'est chargé d'assurer les projets en cours.
Il y a beaucoup de travaux de sciences humaines qui doivent être menés en même temps que la technologie se perfectionne. Nous collaborons avec les Américains dans le cadre du dialogue sur l'énergie propre, lequel donne lieu à bien des travaux.
Je me souviens également de discussions que j'ai eues avec l'ancien greffier, qui voyageait davantage que moi. De retour d'Allemagne, nous parlions des technologies que possède ce pays. L'Allemagne dispose peut-être des technologies, mais le Canada possède la géologie rendant effectivement possible sa mise en œuvre et sa mise à l'essai.
Il est important que nous le fassions, et il est également important que nous le fassions bien en nous fondant sur une approche réglementaire.
Le sénateur Dyck : Vous avez soulevé la question de la réglementation. Dans le document que vous nous avez fourni, vous évoquez la nécessité de créer un processus réglementaire efficace qui respecte les besoins des promoteurs, des investisseurs et de tous les intervenants. Les Premières nations font-elles partie de ces intervenants auxquels vous faites allusion?
M. Carson : Tout à fait.
Le sénateur Dyck : Est-ce que des organisations des Premières nations participent à votre processus de consultation ou d'élaboration de politiques? Comment les faites-vous participer à l'élaboration de ces dispositions réglementaires?
M. Carson : Je suis ravi que vous me posiez la question, car je ne me suis pas du tout occupé de cette question. J'en ai discuté avec Shawn Atleo, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, avec lequel j'ai déjà travaillé ici. Nous avons coprésidé un groupe de travail sur les revendications particulières, et nous avons obtenu de bons résultats.
Nous avons discuté de la façon de mettre à contribution les Premières nations au moment de tenter de trouver la solution à cet égard. L'un des mandats de l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada consiste à réunir les différents intervenants; nous sommes très heureux d'avoir un tel mandat et de toucher du financement du gouvernement fédéral, qui nous permet de convoquer les bonnes personnes au bon moment.
Le chef, qui s'était rendu aux États-Unis, avait observé ce qui se fait là-bas et semblait très enthousiaste quant à certaines choses qu'il avait vues, selon le chef, dis-je, nous devrions réunir les intervenants de l'industrie, les chefs des Premières nations du Canada et des États-Unis et les gouvernements tant fédéral que provinciaux pour qu'ils puissent discuter ensemble des diverses manières dont les Premières nations peuvent participer de façon positive à une démarche en matière de réglementation. Il s'agit là d'une recommandation à laquelle nous envisageons de donner suite.
En ce qui concerne la réforme de la réglementation, il s'agit, selon moi, non pas tant d'assurer à quiconque que l'élaboration se poursuivra, mais, du moins, de supprimer l'échéancier. Il s'agit du principal problème auquel tout le monde se heurte en matière de réglementation. Le problème tient non pas à des chevauchements, mais à l'échéancier. Les gens investiront des sommes substantielles, et ils veulent que tout se fasse en temps utile. Il est extraordinaire que l'on puisse faire en seulement cinq ans quelque chose qui devait en prendre dix, mais, au moins, après cinq ans, nous savons où nous en sommes par rapport à l'échéancier de dix ans. C'est l'un des aspects les plus importants de la réforme de la réglementation.
Le sénateur Seidman : Je suis réellement sensible au titre que vous avez donné aux notes que vous nous avez fournies, à savoir « La nécessité d'une véritable stratégie nationale sur l'énergie propre au Canada ».
Dans votre exposé, vous avez affirmé que nous avions besoin d'une carte routière qui tient compte de toutes les sources d'énergie disponibles actuellement et de la façon dont nous devons nous y prendre pour les exploiter de façon plus responsable et plus efficiente. Vous avez évoqué les piliers qui constituent le fondement d'une stratégie nationale, puis les blocs qui doivent être posés sur ces piliers afin d'élaborer la stratégie en tant que telle.
J'aimerais que nous parlions de l'un de ces blocs, dont il a été question précédemment, si je ne m'abuse, à savoir la relation entre l'énergie et l'environnement. Vous avez dit que la relation entre la politique énergétique et la politique environnementale était cruciale, et que nous devions donc étudier la question de la tarification du carbone. Étant donné que je suis un nouveau membre du comité, je vous saurais gré de nous dire comment le prix du carbone pourrait être fixé et quel cadre de référence pourrait être utilisé par les organismes de réglementation.
En outre, toujours à propos de ce pilier, vous avez affirmé qu'il fallait atténuer les autres répercussions environnementales liées à l'énergie, notamment les répercussions sur la qualité de l'eau et de l'air ainsi que sur la santé humaine. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. Carson : Pour ce qui est de la tarification du carbone, comme je l'ai dit précédemment, d'après les réunions et les discussions que nous avons tenues, il est certain qu'il serait avantageux, si un prix était fixé pour le carbone, que ce prix soit le même partout en Amérique du Nord, de manière à ce que nous puissions demeurer concurrentiels par rapport à nos amis des États-Unis et du Mexique. Il s'agirait de l'un des premiers aspects à prendre en considération au moment d'établir un prix pour le carbone.
Le deuxième aspect à prendre en considération consiste à fixer un prix qui a une incidence sur le comportement des gens. Si des représentants d'une quelconque ONG se trouvaient ici, ils vous diraient que nous ne parviendrons pas à modifier le comportement des gens si nous n'instaurons pas une tarification du carbone.
Comment devons-nous nous y prendre? En toute franchise, je l'ignore. L'Union européenne a fixé un prix pour le carbone dans le cadre d'un système de quotas et d'échanges. Au départ, cela n'a pas très bien marché, mais il semble que, à présent, cela fonctionne assez bien. L'Alberta a instauré une tarification du carbone, comme je l'ai indiqué au sénateur Mitchell. Je ne dis pas que nous devons adopter une approche par tâtonnements, mais nous devons regarder ce qui se fait ailleurs et déceler ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. À coup sûr, d'aucuns pourraient faire valoir que le prix fixé par l'Alberta est peut-être trop bas, mais les sommes recueillies grâce à cette mesure sont versées dans un fonds pour les technologies, et, par conséquent, on peut dire que cela fonctionne.
J'ignore comment nous devons nous y prendre, si ce n'est que les gouvernements du Canada, des États-Unis et du Mexique doivent dire : voici quel est le prix du carbone. Cependant, durant les réunions que nous avons tenues, d'importantes préoccupations ont été soulevées quant à la possibilité que, en période de ralentissement économique, la tarification du carbone puisse avoir pour effet d'aggraver les choses. Tous ceux qui tenteront de tirer au clair cette question devront trouver un juste équilibre entre l'économie et l'environnement, et tenter de déterminer quel devrait être le prix pour le carbone.
La table ronde nationale a mené une étude assez approfondie sur la façon de fixer un prix sur le carbone, sur les répercussions d'un prix trop élevé ou trop bas et sur l'incidence d'une telle tarification sur les comportements.
Au moment d'élaborer votre rapport, examinez les travaux menés par la table ronde, mais examinez également ce qui a donné de bons résultats ailleurs. L'une des choses dont je me soucierais, ce serait de veiller à ce que le prix fixé soit le même partout en Amérique du Nord.
L'une des principales préoccupations soulevées par beaucoup de personnes qui formulent des critiques à propos de l'exploitation des sables bitumineux tient à la perception selon laquelle de grandes quantités d'eau sont utilisées et ne sont pas réutilisées, et des préoccupations ont également été soulevées quant à la possibilité d'écoulement dans le réseau hydrographique, ce genre de choses. Ces préoccupations doivent être prises en considération dans le cadre de toute structure visant à établir un juste équilibre entre l'énergie et l'environnement, structure qui doit nous permettre de déterminer si, dans les faits, ces préoccupations sont fondées — ce que j'ignore — et de faire en sorte qu'elles ne se concrétisent pas.
En ce qui a trait aux polluants, là encore, cela revêt une importance pour la santé humaine. Au moment d'élaborer une stratégie de ce genre, nous devons tenir compte de la santé humaine, laquelle est un élément de l'aspect « énergie et environnement ».
Le sénateur Dickson : Monsieur Carson, j'ai été épaté par votre exposé et par le fait que vous êtes à présent directeur de l'École de l'énergie et de l'environnement du Canada.
Comme je suis originaire de la côte est, vos propos m'ont plu énormément, puisque, en ce qui concerne l'approvisionnement, on ne peut contester le fait que, à l'heure actuelle, les ressources semblent se trouver sur la côte ouest, en Colombie-Britannique. Monsieur le président, je me trouve ici aujourd'hui en remplacement du sénateur Neufeld, mais même si je suis originaire de la côte est, je n'aurais d'autres choix que de prendre le parti de la côte ouest si un litige voyait le jour aujourd'hui. J'espère que vous m'inviterez de nouveau, de temps à autre, à participer aux réunions du comité à titre d'invité, car je m'intéresse à la question de l'énergie.
Monsieur Carson, avez-vous discuté avec beaucoup de personnes de la région de l'Atlantique? Quelques groupes de réflexion et universités se trouvent dans cette région, et le premier ministre Williams est vivement intéressé par le projet dans la partie inférieure du fleuve Churchill. Quels travaux ont été menés dans les provinces de l'Atlantique?
M. Carson : Je suis ravi que vous me posiez cette question, sénateur. C'est extraordinaire d'avoir un emploi, et je suis chanceux d'occuper mon poste actuel.
Elizabeth Beale, qui dirige le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, fait partie de l'association de groupes de réflexion dont j'ai parlé plus tôt, et elle a beaucoup contribué à faire avancer les choses à cet égard. L'été dernier, j'ai eu la chance d'être invité à la réunion conjointe des premiers ministres des provinces de l'Atlantique et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre qui a eu lieu à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Plus précisément, il s'agissait de la réunion des premiers ministres des provinces de l'est du Canada et les gouverneurs des États de la Nouvelle-Angleterre. Le Québec participait à cette réunion; comme je l'ai indiqué au premier ministre Charest, j'ignorais que le Québec était une province de l'Est, mais il était tout de même présent.
Tout ce dont il a été question au cours de cette réunion doit faire partie de ce dont nous sommes en train de discuter, sénateur. Des travaux ont été menés en ce qui concerne les marées. Lorsque je me trouvais là-bas, l'étude qui devait être menée a été approuvée. Tout le monde s'en réjouissait. Nous devons également examiner tous les travaux effectués là-bas sur les zones extracôtières et sur d'autres sujets. Nous sommes chanceux que le Conseil économique des provinces de l'Atlantique fasse partie de notre groupe de réflexion.
Je dois également mentionner Carbon Management Canada, dont je n'ai pas beaucoup parlé, qui fait partie du réseau des Centre d'excellence et dont les quartiers généraux sont établis à l'Université de Calgary. Carbon Management Canada réunit des chercheurs et des universités de toutes les régions du pays afin de mener des études sur la réduction des émissions de carbone. Cette organisation comprend des scientifiques des universités Memorial et Dalhousie et d'autres universités de l'Est du Canada. Nous avons hâte que tout cela démarre au cours de la prochaine année et que les membres de cette organisation puissent participer davantage à nos activités dans l'avenir.
Vous avez absolument raison de dire que les problèmes de l'est du Canada en matière de sécurité énergétique sont différents de ceux de l'Ouest du Canada. Dans l'Ouest du Canada, ces problèmes sont liés aux marchés, alors que dans l'Est du Canada, ces problèmes ont trait à la question de savoir où se procurer l'énergie que l'on ne produit pas soi-même. Un oléoduc se termine à un certain endroit. Il s'agit d'un aspect que nous devons prendre en considération. Notre rapport et le vôtre doivent traiter notamment de la façon dont le Canada envisage la question de la sécurité énergétique, et, à ce chapitre, la vision des choses de l'ouest du Canada est complètement différente de celle de l'Est du Canada.
Le sénateur Dickson : En ce qui concerne la demande, quelles sont vos prévisions quant à la demande en énergie du nord-est des États-Unis? Il pourrait s'agir d'un facteur qui pourrait inciter au développement d'installations dans la partie inférieure du fleuve Churchill, par exemple, ou d'installations de production d'énergie marémotrice. En ce qui concerne cette dernière, nous avons 25 années de retard. J'étais là lorsque la centrale hydroélectrique de basse chute a été construite à Annapolis. C'était en 1979 ou en 1980 environ. Il existe un énorme potentiel de production d'énergie marémotrice. Je suis un chaud partisan de ce projet, mais les Terre-Neuviens disposent d'une ressource et d'un potentiel immenses en matière d'énergie marémotrice, tout comme le Québec. Y a-t-il un marché dans l'est des États-Unis, oui ou non?
M. Carson : Cela soulève une autre question, à savoir des réseaux de distribution d'électricité conçus de façon intelligente. Il y a tant d'aspects à prendre en considération qu'il est difficile de rassembler tout cela dans une seule et même stratégie. J'imagine que c'est un problème que nous avons en commun. Les réseaux actuels de distribution d'électricité sont vieux. Ils fonctionnent, mais ils sont vraiment vieux. Nous voulons tirer parti de toutes ces nouvelles sources d'énergie électrique, mais comment ferons-nous pour saisir cette merveilleuse occasion que nous avons de vendre de l'électricité aux États de la Nouvelle-Angleterre si nous n'investissons pas de sommes substantielles dans le réseau de distribution?
J'aimerais également dire quelques mots sur l'extraordinaire développement au large des côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, et de la façon dont cela pourrait s'inscrire dans un processus d'accroissement de la sécurité énergétique de l'est du Canada. À ce chapitre, ce qui coûtera très cher, ce sera la transmission de l'électricité, pour ne rien dire du développement dans la partie inférieure du fleuve Churchill. Il s'agit là de projets majeurs qui devront être lancés.
Si vous observez les réseaux de distribution d'électricité du Canada, vous constaterez qu'ils sont orientés non pas d'est en ouest, mais du nord au sud. Si nous nous sommes engagés dans toute cette histoire de groupes de réflexion, c'est notamment parce que Jim Carr et Sandy Riley, du Business Council of Manitoba, tentaient de déterminer comment mettre en place ce réseau de distribution d'électricité est-ouest d'une façon raisonnable sur le plan économique. Il s'agit là de projets majeurs qui devront être lancés à un moment ou à un autre si nous voulons nous assurer que, lorsque nous entrons au bureau le matin, la lumière s'allume lorsque nous appuyons sur l'interrupteur.
Le président : Je tiens à souligner que, aujourd'hui, le sénateur Dickson est sur une lancée. Il a livré son premier discours un peu plus tôt dans la journée. Je vous encourage vivement à lire le hansard demain, car il a accompli de l'excellent travail, de façon énergique.
M. Carson : Le sénateur Dickson et moi nous connaissons depuis longtemps. L'une des choses que j'ai faites lorsque je travaillais ici, et dont je suis particulièrement fier, a été d'œuvrer au règlement du litige touchant la part de la Couronne survenu en Nouvelle-Écosse, que le sénateur Dickson connaît infiniment mieux que moi. Au moins, nous avons réussi à régler le litige.
Le sénateur Dickson : En ce qui concerne les sommes nécessaires pour mettre au point de nouvelles technologies et toutes ces choses abstraites dont tout le monde parle — et que je trouve moi-même abstraites —, comment ces sommes se comparent-elles avec le coût de la construction d'un réseau national de distribution d'électricité? Nous jetons de l'argent par les fenêtres. Je ne devrais pas dire cela, mais chaque groupe reçoit de l'argent, des millions de dollars, et pourtant, nous sommes ici à discuter de la nécessité d'un réseau national. Si vous voulez lorgner vers les États-Unis, pourquoi ne pas vous y rendre et leur vendre des quantités énormes d'énergie propre? Nous pourrions dire au président Obama de cesser de s'en faire avec la production énergétique des États-Unis, car nous avons tout ce qu'il lui faut ici. Nous n'aurions qu'à lui demander d'investir de l'argent au Canada, et que nous lui vendrons l'électricité que nous produisons.
M. Carson : Il s'agit peut-être de la prochaine phase du dialogue sur l'énergie propre : donnez-nous de l'argent et nous produirons de l'électricité pour vous.
Le sénateur Dickson : Le sénateur Mitchell a dit que nous devions être des chefs de file. Nous en avons l'occasion.
M. Carson : J'ai horreur de l'ambivalence, sénateur, mais je pense que nous devons faire les deux : d'une part, il faut examiner les données scientifiques, aussi floues soient-elles — d'ailleurs, après la présente réunion, je retournerai à Calgary et consulterai certains prétendus professeurs de mes amis —, mais, d'autre part, toutes ces connaissances scientifiques et ces technologies qui changent la donne doivent être utilisées aux fins de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En outre, il faudra que quelqu'un se penche sérieusement sur nos capacités en matière de transmission. Nous nous rendons dans des réunions, et tout le monde ici le fait aussi, où des gens parlent des voitures électriques et nous disent combien ce sera merveilleux lorsque tout le monde conduira de telles voitures. Durant une réunion, quelqu'un a dit qu'une voiture électrique pourrait passer de zéro à 60 km/heure en trois secondes. C'est formidable, mais le soir, lorsque vous rentrez à la maison, vous devez brancher votre voiture à une prise de courant dans le garage.
Premièrement, l'électricité nécessaire au fonctionnement de ces voitures provient d'une centrale thermique alimentée au charbon. Deuxièmement, les lignes de transmission sont si vieilles qu'il faut les refroidir la nuit pour qu'elles puissent fonctionner efficacement le jour.
Je ne veux pas que l'on croie que je suis un ennemi du progrès; je trouve merveilleux que nous parlions des voitures électriques, et cetera, mais pour que cela fonctionne, il faudra investir des sommes astronomiques dans les infrastructures. Dès que nous discutons de la nécessité de ce type de stratégie, nous nous heurtons à cela, et nous ne pouvons l'éviter. Nous nous dispersons, en quelque sorte.
Vous n'avez pas tort, sénateur. Un peu d'argent ici et là, un peu d'autre chose ici et là. Je ne suis pas en train de critiquer quelque gouvernement que ce soit, ni même l'un ou l'autre des partenaires de l'industrie qui joue un rôle dans tout cela, car les entreprises qui produisent de l'énergie à partir de combustibles fossiles ont également quelques activités dans le secteur de l'énergie éolienne, quelques activités dans le secteur de l'énergie solaire, et ainsi de suite. Le problème tient à ce que nous devons établir, de façon concertée, l'ordre des priorités, de façon à ce que nous puissions dire : voici ce que nous allons faire maintenant, et voici ce que nous ferons ensuite, de manière à ce que cela soit profitable.
Le président : Vous n'avez pas été avare de votre temps, monsieur Carson. Trois éloquents sénateurs veulent poser une question supplémentaire. Auriez-vous l'obligeance d'y répondre?
M. Carson : Oui.
Le sénateur Mitchell : Le sénateur Seidman, entre autres, vous a posé des questions à propos de la tarification du carbone et de la marche à suivre pour en arriver là. Vous avez parlé du système de quotas et d'échanges, et cetera, mais le sénateur Seidman tentait de savoir quel serait exactement un prix raisonnable pour le carbone.
Comme j'aime le dire à mes amis du Parti conservateur, pourquoi ne pas nous adresser aux marchés? Nous croyons tous aux marchés. Le marché européen, par exemple, un marché de 100 milliards de dollars, où il y a beaucoup de liquidités, et où, par conséquent, la loi de l'offre et de la demande fonctionne efficacement — peut-être pas à l'origine, mais à l'heure actuelle, oui. De mémoire récente, la tonne de carbone s'est vendue probablement à un prix oscillant entre 15 $ et 30 $.
Avez-vous la moindre idée du lien entre le prix de la tonne de carbone sur le marché aujourd'hui — disons 30 $ — et ce qu'il en coûte réellement pour réduire d'une tonne les émissions de carbone, et croyez-vous que cela vaille la peine pour nous de poursuivre dans la voie de la tarification? Il s'agit d'un lien important. En fait, l'une des conséquences à tirer de ce lien, c'est qu'il pourrait se révéler que, dans les faits, il en coûte moins cher de réduire d'une tonne nos émissions de carbone que d'empêcher un consommateur d'acheter quelque chose qui produit une tonne de carbone.
M. Carson : Assurément, il faut éviter que l'établissement d'un prix pour le carbone devienne un permis de polluer. Il faut donc que le prix soit suffisamment élevé pour être efficace, mais suffisamment bas pour qu'il ne nuise pas à l'industrie concernée et devienne la goutte qui fait déborder le vase. Au bout du compte, il se pourrait qu'aucune énergie ne soit plus produite.
Je tente de me souvenir de ce que mentionnait le rapport McLaughlin, de la table ronde nationale. Il était question, si je ne m'abuse, d'un prix oscillant entre 40 et 100 $ la tonne. Je ne suis pas expert en la matière, mais nous devons tenir compte de cela au moment d'élaborer toute stratégie faisant intervenir une tarification du carbone.
Le hic, c'est que tout le monde est d'accord pour instaurer une tarification du carbone, mais que ce consensus s'effondre dès qu'il est question du prix en tant que tel. Le problème, c'est le prix. Je reviens toujours au cas de l'Alberta, où un prix a été fixé. D'aucuns feront valoir que ce prix est trop peu élevé; il est supérieur à 1 $, et inférieur — bien inférieur — à 400 ou 500 $.
À coup sûr, cela vaut la peine de poursuivre dans cette voie, mais de toute évidence, je ne peux pas vous éclairer davantage puisque je ne suis pas aussi ferré en la matière que peuvent l'être Bob Page ou Dave McLaughlin, de la table ronde. Je sais qu'ils ont témoigné devant le comité, mais je pense qu'il serait utile que vous les invitiez de nouveau à témoigner devant vous. Il serait également utile que vous discutiez avec des représentants de l'Union européenne quant à la manière dont fonctionne le système européen de tarification du carbone et des répercussions que ce système a eues sur les industries concernées.
Le sénateur Mitchell : En Alberta, dans le cadre du régime instauré par le gouvernement provincial, les agriculteurs ont vendu leur crédit pour le carbone à un prix de 6 $ la tonne. Je pense qu'il y a là-bas beaucoup de carbone à bon marché à se procurer, du moins pendant une période de transition vers un système plus rigoureux de réduction des émissions industrielles. Ce qui est bien avec le marché, c'est qu'il vous permet de fixer un prix peu élevé, du moins pendant un certain temps, qui peut tenir lieu de période de transition.
M. Carson : L'une des choses dont nous avons discuté était la suivante : si nous envisageons d'instaurer un quelconque système de tarification de carbone, nous devons le faire en nous assurant, d'une façon ou d'une autre, que nous pouvons l'évaluer au fur et à mesure qu'il est mis en œuvre. Nous ne voulons pas connaître les mêmes problèmes que ceux qui ont affligé l'Union européenne au moment où celle-ci a instauré son premier système de tarification. Nous ne voulons pas être obligés de tout réévaluer et de tout recommencer.
Le sénateur Lang : Je veux attirer votre attention sur la question de l'éducation, des ressources humaines et de la formation. Vous avez parlé de ressources humaines adéquatement formées. Sur ce point précis, j'aimerais que nous nous penchions sur l'organisation que vous dirigez.
L'école existe depuis 2007. Vous avez reçu un financement d'environ 15 millions de dollars. Vous travaillez en collaboration avec trois institutions dûment agréées. Au cours de ces trois années, avez-vous réussi à inciter les jeunes générations à s'intéresser aux sciences et aux études universitaires touchant les questions environnementales? Le nombre de personnes qui s'intéressent à ces questions a-t-il augmenté?
M. Carson : Oui.
Le sénateur Lang : Est-ce que d'autres universités suivent votre exemple et modifient les cours qu'elles offrent de façon à inciter les gens à poursuivre des études dans ce domaine?
M. Carson : Pour revenir à la réunion sur l'ALENA à laquelle j'ai participé hier, une des questions qui ont été posées par quelques personnes des États-Unis et du Mexique était la suivante : comment inciter les gens à étudier dans ce domaine? Cette question a été posée en lien avec le fait que bon nombre de travailleurs des secteurs du pétrole, du gaz et de l'électricité — bref, du secteur de l'énergie — s'apprêtent à prendre leur retraite.
À cet égard, nous sommes sur la bonne voie. Les trois universités avec lesquelles nous collaborons offrent des cours axés sur ces questions. Je sais que M. David Layzell s'est présenté devant vous il y a quelque temps; il dirige l'Institut de l'énergie durable, de l'environnement et de l'économie de l'Université de Calgary. Elles offrent des cours axés sur les connaissances pratiques que devront posséder les jeunes qui veulent travailler dans le secteur de l'énergie.
Un autre facteur que nous devons prendre en considération, c'est le fait que le secteur de l'énergie est l'unique locomotive de l'économie canadienne. Il s'agit d'une industrie en pleine croissance, et elle offre donc des possibilités. Habituellement, tous les étudiants en ingénierie dénichent un emploi bien avant d'obtenir leur diplôme; l'an dernier, cela n'a pas été le cas, mais, de mémoire récente, c'était la première fois depuis longtemps qu'il en était ainsi.
Il y a deux choses qui jouent en notre faveur. D'une part, nous disposons d'une structure universitaire très souple qui nous permet de former et d'instruire des jeunes pour qu'ils travaillent dans le domaine, et, d'autre part, nous disposons d'un marché qui est prêt à les accueillir au moment où ils obtiennent leur diplôme.
En outre, le mot « énergie » suscite l'intérêt partout au pays, à telle enseigne que presque toutes les universités veulent jouer un rôle dans le domaine. Des instituts similaires à celui dont je vous ai parlé ont donc été créés dans toutes les régions du Canada. Comme je l'ai mentionné, je pense que nous sommes sur la bonne voie, mais uniquement en raison de notre capacité de structurer nos programmes d'études d'une manière qui réponde aux besoins de l'industrie. Nous permettons aux étudiants de poursuivre leurs recherches à l'université, ou alors d'aller travailler au sein d'une entreprise, puisqu'il existe un marché facile.
Le sénateur Banks : Monsieur Carson, vous devez rassembler un tas de connaissances abstraites à seule fin de fabriquer un seul objet en acier inoxydable. Il serait avantageux pour nous qu'une bonne partie de ces connaissances scientifiques ne soient plus abstraites. Nous les appliquons chaque jour, dans notre vie quotidienne.
La manière dont nous produisons aujourd'hui de l'énergie à partir de combustibles fossiles n'a à peu près rien à voir avec la façon dont nous le faisions il y a 20 ans. Nous devrions demander à Eric Newell de venir nous parler de ce sujet.
J'ai trois questions à vous poser. Premièrement, les activités de votre école sont-elles fondées sur l'hypothèse de base selon laquelle la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit faire partie intégrante de toute politique, stratégie ou plan national en matière d'énergie?
Deuxièmement, on évoque actuellement la possibilité d'envoyer aux États-Unis notre combustible nucléaire irradié pour qu'il y soit retraité et stocké. Est-ce que cela changerait la donne dans le secteur de l'énergie nucléaire canadien?
Troisièmement, j'aimerais que vous formuliez des observations à propos de la dichotomie entre le forage en mer sur la côte est, lequel a grandement contribué à l'économie de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador, et le moratoire sur le forage en mer sur la côte ouest.
M. Carson : En ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ma réponse est oui. Personne n'ignore que je ne suis pas un scientifique. Quelqu'un m'a expliqué récemment que le fait de se servir de l'atmosphère comme d'un égout n'était pas une solution à long terme. Même si l'on remet en question les données scientifiques, on doit prendre conscience du fait que nous n'agissons pas de la bonne façon. Nous devrons prendre des mesures à cet égard.
Pour ce qui est du combustible nucléaire irradié, je n'ai pas d'opinion claire quant à la proposition de l'expédier aux États-Unis. L'industrie nucléaire canadienne a ses propres problèmes à régler et ses propres défis à relever, indépendamment de la gestion des déchets nucléaires. Nous devons aller de l'avant pour agir en fonction de ce que EACL, Énergie atomique du Canada limitée et l'Ontario souhaitent faire en ce qui concerne la production d'énergie nucléaire. Le Canada a été pendant longtemps un acteur important dans le secteur de l'énergie nucléaire, et il serait donc dommage de ne pas prendre part à la renaissance de cette industrie. Il s'agit d'une occasion extraordinaire pour le Canada et pour le développement de l'industrie nucléaire canadienne. L'Ontario s'emploie à remettre à neuf certaines centrales nucléaires ou à en fermer d'autres pour en construire de nouvelles afin de remédier au problème lié aux actuelles centrales thermiques alimentées au charbon.
Je ne peux pas faire de commentaires à propos du maintien ou de la levée du moratoire sur le forage en mer au large de la côte ouest, puisque mes connaissances à ce sujet sont limitées. Toutefois, je peux vous dire que les projets de forage au large des côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse ont été conçus de façon extraordinaire.
Le président : Vous avez parlé de la renaissance du nucléaire, et cela m'amène à vous poser une question. Dans le cadre de notre présente étude, j'ai été intéressé à connaître l'ampleur de l'utilisation de l'énergie nucléaire au Canada. En général, les gens ne semblent pas comprendre que l'énergie nucléaire compte pour près de 50 p. 100 de l'énergie produite en Ontario. Globalement, l'industrie nucléaire est responsable de 15 p. 100 de l'énergie produite au Canada. En France, cette proportion est bien supérieure à 90 p. 100, si je ne m'abuse, qu'il s'agisse d'énergie consommée à des fins résidentielles ou industrielles.
Vous évoquez une renaissance du nucléaire, mais croyez-vous vraiment que le public commence à saisir que les avantages du nucléaire ont plus de poids que leurs craintes relatives aux déchets nucléaires, et que nous pourrions venir à bout du syndrome « pas dans ma cour »?
M. Carson : C'est difficile à dire. L'une des choses sur lesquelles nous devons insister lorsque nous travaillons sur cette question est la nécessité réelle de diversifier nos sources d'énergie. De toute évidence, une telle diversification réduira le recours au pétrole et au gaz. Nous devrions nous efforcer de nous doter de toutes les formes d'énergie.
En ce qui concerne l'énergie nucléaire, bon nombre des craintes qu'avaient les gens auparavant devraient se dissiper. Cela nous ramène à l'éducation, et à notre capacité de produire de l'énergie nucléaire de façon sécuritaire. Au Canada, depuis que nous avons commencé à produire de l'énergie nucléaire il y a de cela de nombreuses années, nous avons agi de façon incroyablement sécuritaire.
J'insisterais sur la nécessité de disposer d'un véritable ensemble de sources d'énergie.
Le président : Un ensemble de sources d'énergie propres.
M. Carson : Tout à fait, un ensemble de sources d'énergie propres. Et le nucléaire doit en faire partie.
Le président : La prochaine personne qui témoignera devant nous est un jeune homme ambitieux qui travaille pour le ministre Prentice. Vous l'avez rencontré aujourd'hui. Il a utilisé l'expression « superpuissance de l'énergie propre » pour décrire l'objectif que devait poursuivre le Canada. Lorsqu'ils ont entendu cela, mes collègues du comité m'ont chuchoté à l'oreille : « Mais ne sommes-nous pas déjà une superpuissance de l'énergie propre? »
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, pour conclure notre réunion?
M. Carson : Nous devons définir ce que nous entendons par « superpuissance de l'énergie propre ». Le Canada dispose d'un nombre incroyable de ressources. Nous avons la chance d'occuper la moitié nord du continent nord-américain. Je ne saurais vous dire ce qui fait qu'un pays est considéré comme une superpuissance dans ce domaine, mais pour jouer un rôle à l'échelle mondiale à cet égard — si c'est cela que nous voulons faire —, nous devons disposer d'une stratégie globale qui oriente notre action. Je ne suis pas certains que nous en soyons encore là. Si nous voulons devenir une superpuissance de l'énergie propre, nous devons disposer d'une carte routière qui nous permette d'atteindre cet objectif et qui oriente notre action une fois cet objectif atteint.
Nous en sommes peut-être rendus là. Ma préoccupation, et je crois que c'est aussi la préoccupation du comité, est la suivante : si nous ne disposons pas de paramètres judicieux et de moyens de les mettre en place — cela nous ramène une fois de plus aux questions de portée générale —, nous pourrions perdre ce merveilleux avantage que nous avons, et tout le temps et les efforts que nous avons consacrés pour l'exploiter seront perdus.
Je suis la personne qui est la plus mal placée pour vous inciter à faire quoi que ce soit, mais je vous encouragerais néanmoins, vous et votre comité, à continuer à travailler là-dessus. Si nous mettons en place la bonne structure, nous deviendrons une superpuissance, si nous ne le sommes pas déjà. Je pense que le ministre Prentice serait d'accord avec cela. En outre, une structure appropriée nous permettrait de conserver ce titre de superpuissance.
Le président : Au nom de tous mes collègues ici présents, je peux dire sans hésitation que nous avons grandement apprécié votre contribution à notre réunion d'aujourd'hui, monsieur Carson. Cela est évident, si je me fie à l'attitude attentive manifestée par mes collègues et aux questions qu'ils vous ont posées. Vos propos nous ont envoûtés.
Personnellement, je suis stupéfait de la compréhension que vous avez acquise en un temps relativement court quant aux enjeux d'un domaine crucial pour l'avenir de notre pays. Je vous félicite de tout ce que vous faites à ce chapitre. Je vous remercie de votre contribution, et je vous propose de collaborer avec nous dans la suite de nos travaux en vue de l'élaboration de notre carte routière à l'intention des décideurs.
Jeudi matin, à 8 heures, nous entendrons le ministre de l'Environnement, M. Jim Prentice.
(La séance est levée.)