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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 3 - Témoignages du 22 avril  2010


OTTAWA, le jeudi 22 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 34 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement), et pour procéder à l'examen article par article du projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable et la Loi sur le vérificateur général (participation du Parlement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les invités, Mme Elizabeth Beale, notre témoin aujourd'hui, je vous souhaite la bienvenue.

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles poursuit ses travaux. Nous continuons notre étude sur le secteur de l'énergie et sur l'élaboration, il faut l'espérer, d'un cadre national pour une politique gouvernementale d'énergie propre. Nous avons tenu tout un éventail d'audiences à ce sujet et, pour finir, nous projetons de nous rendre dans au moins quatre régions du pays où nous organiserons des tables rondes pour entendre d'autres points de vue.

Nous en sommes aux dernières semaines de la phase 1 de notre étude, pendant laquelle les membres du comité tentent de mieux comprendre ce secteur complexe où s'entremêlent l'énergie, l'environnement, les diverses questions liées au réchauffement et au changement climatiques et leurs répercussions sur le secteur de l'énergie et la nécessité de mettre au point de nouvelles technologies d'énergie propre.

Nous sommes heureux d'accueillir notre témoin d'aujourd'hui, Mme Elizabeth Beale, présidente-directrice générale du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, le CEPA. J'ai eu l'honneur, au sein d'autres comités et en particulier du Comité des banques, d'entendre les opinions du CEPA. Selon moi, il n'y a pas d'organisation plus à même de nous présenter la perspective de la région atlantique.

Mme Beale est présidente-directrice générale du CEPA depuis 1996. Auparavant, elle a travaillé pendant 10 ans comme économiste-conseil auprès des niveaux supérieurs de gouvernement sur la planification régionale et la stratégie économique pour le Canada atlantique. Sa politique et ses intérêts de recherche couvrent une gamme étendue de sujets en rapport avec l'économie des provinces de l'Atlantique, y compris l'énergie, le marché de l'emploi et les stratégies d'innovation. Mme Beale a réalisé de nombreuses études sur des sujets de politique publique et elle fait souvent des commentaires dans les médias.

Madame Beale, nous avons tous reçu un exemplaire de votre mémoire. Je vous en remercie. S'il vous plaît, présentez-nous votre exposé.

Elizabeth Beale, présidente-directrice générale, Conseil économique des provinces de l'Atlantique : Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. J'ai comparu devant un certain nombre de comités au fil des ans, mais jamais à ce sujet, et je me réjouis donc de pouvoir le commenter ici. J'ai une quinzaine de minutes de commentaires à formuler avant d'ouvrir la discussion, si cela vous convient. Je vous ai remis trois documents. Le premier est un résumé de l'exposé, et il contient certaines informations. Le deuxième réunit deux de nos publications trimestrielles régulières, dont l'une donne les détails de la production énergétique dans la région et l'autre traite des émissions de gaz à effet de serre, les GES. Je mentionnerai les deux dans mes remarques.

Je vais d'abord examiner rapidement ce qui se passe sur le plan des ressources énergétiques et de la production d'énergie au Canada atlantique, le rôle du secteur de l'énergie dans l'économie des régions — parce que l'investissement et la production dans ce secteur ont entraîné des changements importants dans la région — et l'importante question des défis que soulève le changement climatique et de sa signification pour les dossiers stratégiques contemporains. Je terminerai par un résumé des questions relatives à une stratégie d'énergie propre et de ce qui devrait maintenant se passer du point de vue du Canada atlantique.

Le CEPA est un organisme de politique publique indépendant et sans but lucratif qui a été créé conjointement dans les années 1950 par le milieu des affaires et les provinces du Canada atlantique. Nous sommes soutenus par nos membres, et ceux-ci représentent un large éventail d'organisations du secteur privé, des gouvernements de la région, de nombreux syndicats et de nombreuses autres institutions de toutes les provinces atlantiques. Nous produisons des rapports réguliers et des études spécialisées sur les tendances économiques. Nous tenons fréquemment des consultations sur divers thèmes — y compris celui-ci — et nous organisons des conférences à l'intention de nos membres. Nous sommes une organisation largement représentative.

Le thème d'aujourd'hui, évidemment, occupe une place très importante dans nos délibérations sur l'avenir de l'économie de la région. Je mentionnerai aussi que nous ne sommes pas les seuls intéressés. Nous travaillons maintenant avec un réseau de groupes de réflexion sur la politique publique canadienne pour préciser le concept de stratégie d'énergie propre. Je sais que vous avez entendu précédemment des témoins qui font également partie de ce groupe, et je suis heureuse que nous participions à cette initiative et que nous collaborions à un projet aussi important.

Si vous passez à la page 4 de cette publication, vous trouverez une carte, et en vis-à-vis une liste des projets, une carte des lieux de production. Je crois qu'il est facile de saisir la situation sur une telle carte si vous n'êtes pas familier avec ce qui se passe au Canada atlantique. Évidemment, un énorme investissement a été consenti pour la mise en valeur de diverses ressources énergétiques au cours des 15 dernières années, toujours poussé par la demande, en particulier celle du nord-est des États-Unis. Nous avons maintenant tout un éventail d'activités. Le dossier le plus important à l'heure actuelle concerne le pétrole extracôtier, sur les Grands Bancs de Terre-Neuve-et-Labrador.

Il y a maintenant trois champs en production, dont celui d'Hibernia, le plus important, qui est entré en production en 1997. Le développement du projet d'Hibernia Sud est en cours, et les limites de ce gisement sont en voie d'être précisées. Le deuxième projet est celui de Terra Nova, qui a démarré en 2002, et le projet White Rose, qui a débuté en 2005. Ce sont trois importants gisements de pétrole en exploitation, dont les limites sont constamment repoussées. Un quatrième champ, Hebron, devrait entrer en exploitation en 2017.

En tout, environ 11,5 p. 100 de la production pétrolière au Canada provient de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est une part non négligeable, même si je dois vous expliquer qu'elle diminuera à mesure que d'autres gisements entreront en production dans l'Ouest du Canada. Quoi qu'il en soit, cela demeure très important.

Il y a aussi des intérêts beaucoup plus modestes dans le domaine du gaz naturel, en particulier le projet de gaz naturel de l'île de Sable, dont l'exploitation a démarré en 1999. La production de ce champ est limitée et elle a déjà commencé à diminuer. Un nouveau champ, Deep Panuke, est en voie d'être mis en valeur et sa mise en production est prévue pour 2011.

La plus grande partie du gaz extracôtier de la Nouvelle-Écosse est expédiée sur le marché de la Nouvelle-Angleterre. Nous avons aussi un peu de gaz naturel, du gaz de shale, côtier, et l'exploration de ce champ se poursuit. La plus grande partie de ce gaz de shale est utilisée localement ou expédiée dans le gazoduc que nous avons actuellement. Le gaz naturel a beaucoup moins d'importance que le pétrole extracôtier pour l'économie de la région.

Nous avons aussi d'importantes ressources hydroélectriques, en particulier au Labrador, mais également au Nouveau-Brunswick, sur l'île même de Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Le projet des chutes sur le cours supérieur du Churchill a démarré en 1969. Vous êtes certainement au courant de ce projet. Il est encore très controversé en ce qui concerne les droits à cette énergie, que le Québec détient jusqu'en 2041.

Terre-Neuve-et-Labrador a adopté une stratégie énergétique très dynamique. La province a formé Nalcor Energy et élargit son rôle en matière de mise en valeur des ressources énergétiques. Elle a adopté des plans importants pour mettre en valeur le cours inférieur du Churchill. Certaines dates sont indiquées ici, mais je n'y accorderais pas trop de poids car elles ne cessent de changer dans le cas de ces grands projets. Évidemment, c'est une très belle occasion pour cette province et aussi pour le Canada en général.

On a aussi recours au nucléaire dans la région, bien que le réacteur soit actuellement fermé en raison d'une vaste remise à neuf. Ce réacteur se trouve à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. La date de sa remise en service a été reportée à plusieurs reprises.

Il y a aussi trois raffineries qui fonctionnent dans la région. La plus grande raffinerie du Canada se trouve à Saint John, au Nouveau-Brunswick. C'est une raffinerie de la société Irving. Et une nouvelle usine de gaz naturel liquéfié, le GNL, est entrée en production, à Saint-Jean, également en 2009.

Vous constaterez par ailleurs l'ampleur de l'activité industrielle dans la région de Saint-Jean. De fait, le Nouveau- Brunswick avait adopté des plans plutôt ambitieux en vue de créer une plateforme énergétique dans la région. À l'heure actuelle, une partie de cette activité a été interrompue en raison de l'incertitude des prix à long terme de diverses formes d'énergie.

Évidemment, cette usine de GNL, exploitée en collaboration par un certain nombre de partenaires, espère un jour avoir accès au gaz naturel produit par Terre-Neuve-et-Labrador. À l'heure actuelle, le gaz provient de Trinité-et- Tobago, mais à long terme l'usine voudrait s'associer à ce qui se passe sur les Grands Bancs.

L'expansion se poursuit à l'heure actuelle dans toutes les administrations en ce qui concerne les énergies renouvelables. Un certain nombre de parcs éoliens sont maintenant établis au Canada atlantique. Les principaux se trouvent à l'Île-du-Prince-Édouard et, plus récemment, au Nouveau-Brunswick, mais toutes les administrations se sont fixé des cibles ambitieuses dans ce secteur. Comme vous le verrez, un des grands dossiers au Canada atlantique est celui de la dépendance de la région face aux combustibles fossiles pour la production d'électricité. Les questions relatives à l'établissement de cibles d'énergie renouvelable et aux efforts à déployer pour les atteindre sont très importantes dans la région.

Finalement, je veux mentionner qu'évidemment, les progrès dans le secteur énergétique sont étroitement liés à la capacité d'acheminer l'énergie vers le marché, alors la transmission et l'interconnectivité sont des questions primordiales. Le gazoduc Maritimes & Northeast Pipeline a été construit en 1999 pour acheminer le gaz de l'île de Sable vers les marchés américains, et le gazoduc Brunswick le relie maintenant à l'usine de GNL Canaport. Nous avons également assisté à une certaine expansion de la capacité de transport entre le Nouveau-Brunswick et le Maine, pour faciliter les exportations d'électricité. Les discussions se poursuivent au sujet du renforcement du corridor, généralement entre le Nouveau-Brunswick et le Maine, pour faciliter d'autres exportations d'énergie. Il convient de souligner que trois des provinces atlantiques, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince- Édouard, doivent passer par le Nouveau-Brunswick ou ailleurs pour accéder au marché américain.

Je veux faire valoir quelques points, en particulier en ce qui concerne le pétrole extracôtier, qui est le principal moteur de l'activité et de l'investissement dans la région. Premièrement, les réserves sont beaucoup plus importantes qu'on ne l'avait évalué au départ et ce, pour tous les champs. Autrement dit, le fait de préciser les limites a permis d'élargir ces champs pétroliers. Toutefois, malgré tout, la production a déjà plafonné, d'après ce que nous savons maintenant des dimensions de l'activité. La production augmentera à nouveau lorsque le projet Hebron sera lancé, mais ensuite il faut prévoir un déclin à compter de 2023. C'est déjà un sérieux problème. Il est difficile de mener de nouvelles activités d'exploration, et la chose est souvent discutée dans l'industrie et au sein des gouvernements, surtout à Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi en Nouvelle-Écosse.

Nous n'avons pas vu s'établir une robuste plateforme d'exploration, contrairement à ce qui s'est produit dans nombre d'autres régions pionnières du monde. Cela reflète le fait que certains des résultats ont été très décevants du côté du gaz naturel, ce qui a certainement découragé l'investissement. En outre, cela découle simplement du fait que les coûts d'exploration sont énormes dans ces milieux difficiles, et ce facteur ne joue pas seulement au Canada atlantique. Si nous voulons repousser les limites des zones mises en valeur dans tout le Canada, nous devons nous demander si nous offrons des encouragements adéquats pour que les projets se concrétisent.

La province, ce qui est fort significatif, a acquis des intérêts. J'ai mentionné que Terre-Neuve-et-Labrador avait des intérêts considérables dans cette industrie et, de fait, elle a acheté des participations en capital dans le projet Hebron et dans le projet Hibernia Sud. Je crois que la province serait disposée à s'engager plus encore dans ces projets si elle en avait la possibilité. Il suffit de penser à l'expérience de la province dans la mise en valeur du cours supérieur du Churchill pour comprendre qu'elle prend très au sérieux cette possibilité et la nécessité d'assurer une présence provinciale forte dans la mise en valeur de ces importantes ressources énergétiques.

La mise en valeur des ressources extracôtières a été facilitée par des accords, l'Accord atlantique Canada-Terre- Neuve, conclu en 1985, et l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les ressources pétrolières offshore, établi en 1982, qui permettent aux provinces d'imposer la ressource comme si elles en étaient les propriétaires. Ces accords ont en outre assuré une protection transitoire contre les pertes et en matière de péréquation, même s'il faut bien admettre que cela n'a plus de pertinence dans le cas de Terre-Neuve-et-Labrador, parce que la province est devenue prospère. Plus important encore, ces accords offrent un modèle intéressant pour la gestion de la ressource, la gestion intercompétences, et ils ont donné lieu à de solides normes en matière de santé et de sécurité, de forage et de production. Initialement, certains craignaient que nous n'ayons pas un cadre de réglementation assez solide et que la mise en valeur soit retardée par l'application incohérente des règles, mais vous entendez très peu de plaintes à cet égard aujourd'hui dans l'industrie. Autrement dit, nous avons adopté un bon modèle grâce à ces accords, et votre comité voudra peut-être en tenir compte lorsqu'il cherchera des moyens de faire la même chose à l'échelle nationale.

Permettez-moi maintenant de passer au troisième point de mon exposé, le rôle du secteur de l'énergie au Canada atlantique. À l'heure actuelle, le secteur de l'énergie est évidemment la plus importante source d'investissement dans l'économie du Canada atlantique. Notre organisation réalise annuellement une étude détaillée de l'investissement, et au cours des 10 dernières années l'investissement attribuable au secteur énergétique a représenté systématiquement entre 55 et 65 p. 100 de tous les investissements au Canada atlantique, toutes nos études le montrent. L'activité est concentrée à Terre-Neuve-et-Labrador, comme vous le constatez dans le graphique présenté dans cette section.

Cela a constitué un facteur primaire de croissance de la production. Plus de 25 p. 100 de la production de l'économie régionale est directement attribuable à ce secteur. Toutefois, cette évolution a de gigantesques conséquences pour une foule d'autres industries, par exemple les services professionnels et toutes les entreprises d'approvisionnement qui desservent aujourd'hui l'industrie. Cela a un énorme effet, par exemple sur la construction résidentielle et commerciale à St. John's, à Terre-Neuve. C'est un énorme facteur de croissance. Dans l'économie de Terre-Neuve-et-Labrador, près de 65 p. 100 de la croissance de la production des 10 dernières années est attribuable aux secteurs des mines et de l'énergie réunis. Cela est considérable, et pourtant l'effet sur l'emploi est minime. Il n'y a environ que 18 000 personnes qui travaillent directement dans cette industrie dans tout le Canada atlantique. Cela reflète la nature fortement capitalistique des projets extracôtiers. Les choses sont très différentes pour la mise en valeur des ressources énergétiques extracôtières et le développement côtier. Cela constitue un immense défi, évidemment, pour la diversification économique d'une province comme Terre-Neuve-et-Labrador, qui a perdu sa base d'emplois, une grande industrie comme la pêche, et qui n'a pas la possibilité de remplacer ces emplois grâce à sa principale activité dans le nord.

Pour ce qui est de l'avenir, l'investissement au Canada atlantique continuera d'être dominé par l'activité dans le secteur de l'énergie, qu'il s'agisse d'expansion des champs actuels ou de certaines possibilités dans le domaine minier, qui est encore très important. Le graphique au haut de la page 3 montre bien la proportion relative ce ces ressources. Pour ceux d'entre vous qui sont familiers avec ce qui se passe en termes de mise en valeur des sables bitumineux de l'Alberta, cela vous donne une idée du niveau relatif de l'investissement au Canada atlantique.

L'énergie est devenue la principale source de produits d'exportation de la région. Ces produits viennent dans une large mesure de la raffinerie de Saint John, mais il y a aussi d'autres produits énergétiques, et il faut bien constater que l'incidence des prix a sensiblement diminué en 2009. Toutefois, dans l'ensemble, une bonne partie des produits qui ont disparu dans les autres secteurs des ressources sont ainsi remplacés. De fait, tant la part que la valeur absolue de ces produits, par exemple les produits forestiers, ont chuté dans la région ces dernières années.

Pour ce qui est des redevances, leur incidence a été considérable, en particulier à Terre-Neuve-et-Labrador. L'énergie représente maintenant environ un tiers de la base des recettes de la province. À la fin de mars, Terre-Neuve- et-Labrador avait perçu environ 7,5 milliards de dollars en redevances provenant de l'exploitation du pétrole extracôtier, et le projet Hibernia devrait à lui seul rapporter encore 13 milliards de dollars. Comme les redevances sont fortement décalées vers la fin du projet, elles augmentent à mesure que la production augmente. La province devrait aussi toucher 13 milliards de dollars de plus grâce au seul projet Hibernia Sud. Ce sont d'énormes retombées, mais qui ne dureront que pendant une période bien déterminée, sauf si l'exploration donne des résultats et autorise de nouvelles mises en production.

Cela a pour Terre-Neuve-et-Labrador une importance considérable. La province a cessé de percevoir des paiements de péréquation et elle est maintenant considérée comme prospère, simplement en raison de la nature de cette activité.

Pour ce qui est des défis que présente le changement climatique, nous avons produit un de nos petits bilans sur la question il y a 18 mois. Il convient de signaler que les émissions du Canada atlantique ont considérablement diminué ces dernières années, jusqu'en 2005. Nous avons plus ou moins suivi la tendance de l'économie canadienne jusqu'à ce moment.

En 2005, les émissions ont diminué. Cela était dans une large mesure attribuable à la réduction de l'activité industrielle, en particulier dans le secteur forestier, qui consomme énormément d'électricité. Une grande partie des émissions de GES au Canada atlantique vient du fait que nous sommes tributaires des combustibles fossiles pour la production d'électricité.

Nous voulons peut-être parler du projet de vente de la Société d'Énergie du Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec. Vous comprendrez peut-être mieux l'origine de ce projet en voyant ce qui s'est passé en termes de réduction des émissions, ici. Évidemment, l'industrie forestière au Canada atlantique est fortement concentrée au Nouveau- Brunswick, qui est la province qui exporte le plus, ou du moins qui exportait le plus avant l'émergence du secteur énergétique à Terre-Neuve-et-Labrador. Le Nouveau-Brunswick a perdu un grand nombre de scieries depuis le milieu de la décennie, et il cherchait désespérément à acquérir de l'énergie à meilleur marché par l'entremise d'Hydro-Québec. C'est ce qui explique sa décision de conclure cette entente. C'était le véritable motif, et je crois que vous le constatez sur cette diapositive.

Toutefois, les émissions en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick sont encore supérieures à la moyenne nationale en raison de l'importance des combustibles fossiles pour la production d'électricité. En Nouvelle-Écosse, par exemple, environ 90 p. 100 de la production actuelle est fondée sur le charbon. C'est évidemment un énorme défi pour la province, pour l'avenir, en termes de stratégies dans le domaine des ressources renouvelables et de risques pour la structure de coûts si jamais nous adoptons la tarification du carbone, et même sans cela, en ce qui concerne notre capacité d'exporter vers les États-Unis. Si nous ne parvenons pas à réduire notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles, en Nouvelle-Écosse, cela pourrait avoir un effet sur l'exportation des ressources renouvelables.

En conséquence, nous avons assisté à une expansion continue de l'énergie éolienne, en particulier, mais la province explore aussi les possibilités qu'offrent les marées, et il y a des propositions fondées sur la biomasse. Les provinces envisagent aussi des mesures comme les tarifs incitatifs, pour encourager adéquatement cette évolution.

Je terminerai par quelques commentaires sur la stratégie d'énergie propre et sur son opportunité et son importance au Canada atlantique. Évidemment, c'est un secteur important pour le Canada atlantique. De fait, il suffit d'examiner ce qui s'est passé à Terre-Neuve-et-Labrador pour reconnaître que cela a déjà révolutionné l'économie de la région. Les questions relatives à l'environnement dominent le paysage. Il faut les examiner d'un double point de vue. Les trois provinces maritimes essaient de se défaire de leur dépendance à l'égard des combustibles fossiles, et nous devons réfléchir très sérieusement à la façon dont nous, en tant que pays, pouvons offrir un cadre approprié pour encourager un tel changement.

Il y a la nécessité d'améliorer la sécurité de l'offre. Le gaz naturel n'est pas un combustible très répandu au Canada atlantique à l'heure actuelle. Nous ne sommes pas raccordés au réseau de gazoducs dont bénéficient nombre de régions du pays. Une stratégie nationale d'énergie propre devrait nous fournir un cadre de réglementation uniforme et transparent. Je vous rappelle mes commentaires sur les accords et sur un modèle dont les administrations pourraient s'inspirer pour collaborer adéquatement afin d'établir tout cela.

La discussion sur la création d'un réseau énergétique national est importante pour le Canada atlantique, même s'il est déjà fortement question d'établir un réseau régional pour aider les provinces à s'approvisionner en hydroélectricité du Labrador, par exemple. Comme vous le savez, pour arriver à la région cette énergie doit passer par le Québec ou être acheminée par câble sous-marin. Il y a peu d'informations publiques sur les coûts véritables ou la faisabilité d'un tel projet, et c'est un des défis qu'il faut relever pour progresser dans ce dossier dans la région. Nous avons une structure complexe qui réunit quatre provinces, mais nous avons aussi deux sociétés privées, la Nova Scotia Power, avec sa société de portefeuille, Emera, et la Maritime Electric and Fortis à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un défi complexe, avec deux sociétés d'État et deux entreprises privées dont il faut tenir compte.

Finalement, les questions relatives aux ressources extracôtières et à la poursuite des activités d'exploration sont importantes au Canada atlantique. Contrairement à ce qu'offrent les sables bitumineux, nous ne pouvons pas envisager une longue période de croissance. Il s'agit d'une production à horizon limité. En Nouvelle-Écosse, nous avions un petit gisement pétrolier qui a été mis en valeur et qui est maintenant épuisé, et la même chose est en train de se produire dans le cas du gaz naturel. Nous savons qu'à défaut d'exploration adéquate, cette industrie finira par disparaître.

Je m'arrête ici. J'espère vous avoir présenté un aperçu utile.

Le président : Merci beaucoup, madame Beale, de cet exposé très détaillé.

Je crois que vous avez parlé de « trois provinces atlantiques ». Est-ce que Terre-Neuve-et-Labrador n'en fait pas partie?

Mme Beale : Permettez-moi de préciser ce point. Il y a trois provinces maritimes qui sont adjacentes les unes aux autres, soit l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Terre-Neuve-et-Labrador n'est pas considérée comme une province maritime. Elle est évidemment entrée dans la Confédération beaucoup plus tard. Toutefois, elle est considérée comme l'une des quatre provinces atlantiques. Alors lorsque vous utilisez le terme « atlantique », vous parlez généralement des quatre provinces, mais les Maritimes ne sont que trois.

Le président : Certaines personnes considèrent que, réunies, elles forment un royaume dont le roi se trouve à St. John's. Nous qui vivons dans le centre du Canada, toutefois, n'en savons rien.

Le sénateur Mitchell : Merci, madame Beale, de ces explications claires et précises au sujet de l'économie et du secteur énergétique dans la région atlantique.

Nous étudions tout un éventail de questions, dont l'une est la sécurité énergétique, qui constitue un problème dans les Maritimes. Je crois avoir compris ce que vous avez dit, mais je veux le confirmer. Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, la région n'est pas autosuffisante sur le plan énergétique, avec le pétrole et le gaz, mais qu'avec les ressources des Grands Bancs elle le serait. Est-ce bien cela?

Mme Beale : Pour ce qui est de la consommation dans la région, l'essentiel de la production pétrolière est exportée. La raffinerie de Saint-Jean importe également une quantité considérable de brut qu'elle traite avant de le réexporter. Je ne sais pas si nous pouvons vraiment dire que le Canada atlantique est une région autosuffisante en termes de pétrole, car l'industrie est essentiellement axée sur l'exportation.

Le sénateur Mitchell : Et pourquoi donc? Pourquoi n'essayez-vous pas de parvenir à l'autosuffisance? Est-ce que la chose est impossible sur le plan économique? Est-ce que vous ne consommez pas suffisamment de pétrole?

Mme Beale : Le Canada atlantique est très peu peuplé, il ne compte que 2,2 millions d'habitants, et l'industrie a donc été conçue en fonction de l'exportation.

Si vous me demandez ce que nous pourrions faire de plus pour ajouter de la valeur à notre niveau de production plutôt que de simplement exporter, c'est une question importante. Elle s'inscrira dans les discussions sur le développement de l'industrie. Par exemple, on a déjà songé à construire une autre usine de GNL en Nouvelle-Écosse et à l'utiliser comme assise pour créer une industrie pétrochimique dans la province. Ce projet est maintenant abandonné. Des discussions similaires ont porté sur d'autres stratégies industrielles à Terre-Neuve-et-Labrador, pour déterminer ce que nous pourrions faire pour encourager le raffinage. L'idée ne manque pas d'intérêt, mais pour l'instant cela est encore axé sur l'exportation.

Le sénateur Mitchell : Ajouter de la valeur à la production, c'est aussi une question sérieuse dans l'Ouest. Nous exportons tellement, et nous cherchons constamment des moyens de conserver une partie de notre production pour y ajouter de la valeur.

Vous avez dit que 90 p. 100 de votre production d'énergie provenait de centrales au charbon et que cela constituait un grave problème en termes d'émissions de GES et qu'il fallait s'y attaquer. À cet égard, est-ce que vous proposez un régime de capture et de stockage du CO2? Si oui, comment vous y prendrez-vous pour mettre cela au point?

Mme Beale : Il est actuellement question de capture et de stockage du CO2 en Nouvelle-Écosse. À ma connaissance, il n'y a pas de projet concret pour l'instant. Lorsque vous accueillerez les représentants de l'industrie, vous devrez poser la question à ceux qui connaissent bien la capacité géologique de stockage du CO2 en Nouvelle-Écosse.

C'est une discussion importante pour la Nouvelle-Écosse. Il est toujours difficile de traiter les questions pour l'ensemble de la région atlantique lorsqu'il s'agit d'émissions de GES. Terre-Neuve-et-Labrador possède encore une capacité hydroélectrique considérable et elle s'intéresse donc peu aux ressources renouvelables.

Le Nouveau-Brunswick a également une importante capacité hydroélectrique, et même si la centrale nucléaire de Point Lepreau est fermée pour l'instant elle sera remise en service. Le Nouveau-Brunswick s'efforce déjà de réduire sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles et de fermer des centrales qui utilisent ces combustibles. La province a vu diminuer ses besoins en raison du fléchissement de la demande industrielle, comme je l'ai indiqué précédemment. Le Nouveau-Brunswick est en mesure d'agir de façon plus ordonnée dans ce dossier.

Le principal défi vient de la situation en Nouvelle-Écosse, où l'on continue à brûler du charbon. La province était productrice de charbon. Les mines de charbon ont été fermées il y a relativement peu de temps, et il est même question d'en rouvrir quelques-unes. Toutefois, à long terme, la province reconnaît la nécessité de s'attaquer au problème.

Les consommateurs paient déjà un supplément pour l'électricité dans la province. Honnêtement, nous devons verser une prime énorme si nous ne réussissons pas à nous adapter avant la tarification du carbone.

Le sénateur Mitchell : C'est la première fois que j'entends un témoin nous dire que la capacité d'exportation énergétique du Canada vers les États-Unis pourrait s'en ressentir si les États-Unis devaient s'attaquer sérieusement aux émissions de carbone et à leurs effets.

Si vous étiez premier ministre pendant une journée et que vous deviez choisir entre un système de plafonnement et d'échange et une taxe sur le carbone, que feriez-vous pour fixer le prix du carbone?

Mme Beale : J'ai lu les remarques de quelques autres témoins. Je ne vous apprendrais rien, je vous dirais la même chose que tous les autres économistes.

Le sénateur Mitchell : C'est-à-dire?

Mme Beale : Nous préférons tous une taxe sur le carbone. Il n'y a pas beaucoup de divergences de vues entre nous. Il faut envoyer des signaux de prix clairs. Vous demandez aux entreprises d'investir sans connaître les conséquences au niveau des prix. Nous savons tous qu'il faut régler cela. La façon la plus cohérente et la plus transparente d'y parvenir, c'est au moyen d'une taxe. Nous pouvons discuter de la faisabilité d'une telle mesure, mais c'est une question importante.

Le sénateur Neufeld : Je viens de la Colombie-Britannique. Lorsque j'étais ministre de l'Énergie, nous avons tenté, comme d'autres gouvernements en Colombie-Britannique, d'ouvrir de nouvelles possibilités d'exploitation extracôtière pour la Colombie-Britannique. L'opposition était énorme.

Nous avons étudié ce qui s'est passé au Canada atlantique, dans le golfe du Mexique et en Alaska. Comment avez- vous réussi à désamorcer la question de l'impact sur l'industrie de la pêche dans les Grands Bancs? Est-ce que l'industrie de la pêche avait déjà disparu lorsque l'industrie de l'exploitation extracôtière du pétrole et du gaz a démarré là-bas, et c'est pour ça que les choses ont été plus faciles? Je sais qu'on pourrait discuter longtemps de cette question, mais essayez de nous fournir une réponse brève.

Mme Beale : Au tout début des projets de mise en valeur et d'exploration, dans les années 1980 et 1990, l'opposition à la mise en valeur des ressources extracôtières était considérable de la part de certains secteurs fondés sur l'exploitation des ressources. La discussion a bel et bien eu lieu, et l'opposition était forte. Toutefois, ces industries ont été frappées par des changements pendant la phase de développement. La pêche commençait déjà à décliner au Canada atlantique au début des années 1990. Cela a quelque peu atténué les pressions exercées par cette industrie.

Ce qui a le plus joué, c'est le fait que la consultation sur la mise en valeur a adopté une attitude ouverte. Ce facteur est intervenu en Nouvelle-Écosse, lors des audiences sur le projet de l'île de Sable et, plus récemment, le projet de Deep Panuke. Cela a aussi joué à Terre-Neuve-et-Labrador. Le processus de consultation a été bien mené dans la région; c'est du moins mon impression. Cela a contribué à calmer une partie des opposants à la mise en valeur.

La mise en valeur des ressources extracôtières est encore une question sensible au Canada atlantique, en particulier quand il s'agit de zones fragiles, aux environs de la baie de Fundy. Tout un processus a été élaboré pour régit les routes maritimes qui traversent certaines zones fragiles. La question a été également soulevée dans le Maine, dans le contexte de projets énergétiques industriels dans cet État.

L'exploration est interdite dans certaines parties de la Nouvelle-Écosse, en raison de leur vulnérabilité, par exemple sur le Banc Georges. Il y a des pressions qui s'exercent pour que ces secteurs soient rouverts. La question n'est peut-être pas au premier plan, mais elle n'a pas disparu.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais revenir sur une question que le sénateur Mitchell a posée. Est-ce que le Canada atlantique produit suffisamment de pétrole pour maintenir une capacité de raffinage? Sinon, d'où viennent les importations qui permettent de faire tourner ces raffineries?

Mme Beale : Ces questions devraient être posées aux représentants de l'industrie concernée.

La raffinerie existe depuis un certain temps déjà. Elle utilisait un produit importé bien avant la mise en valeur du pétrole du Canada atlantique. Nous traitons maintenant une plus grande quantité de ce pétrole brut dans les raffineries de la région, plutôt que de l'expédier directement, sous forme de brut, à l'extérieur de la région. Le marché du pétrole est toutefois un marché mondial. Je crois savoir que les raffineries achètent le meilleur produit au meilleur prix, où que ce soit dans le monde. La raffinerie est un important fournisseur sur le marché américain, pas seulement en Nouvelle- Angleterre, bien plus loin encore.

Le sénateur Neufeld : Je constate que vous me conseillez de poser la question aux raffineurs. Toutefois, si je vous comprends bien, il n'y a pas suffisamment de pétrole au Canada atlantique pour alimenter les raffineries. On peut dire que le Venezuela fournit de grandes quantités de brut, n'est-ce pas?

Mme Beale : Oui, je le pense.

Le sénateur Neufeld : C'est bon à savoir, car le brut vénézuélien n'est pas toujours très propre, et lorsque nous parlons de la production des sables bitumineux, la controverse est vive. C'est pour cette raison que j'ai posé ma question.

Je vais maintenant passer aux émissions de gaz à effet de serre. À la page 5 de votre exposé, vous dites :

Les émissions de GES des provinces de l'Atlantique ont été en croissance constante de 1990 à 2005, en phase avec les taux de croissance nationaux jusqu'à 2005. Depuis lors, les émissions ont diminué en raison du déclin du secteur forestier dans le Canada atlantique.

Nous avons un immense secteur forestier en Colombie-Britannique, mais il ne contribue pas beaucoup aux émissions de GES. Est-ce que ce déclin est lié à l'énergie qui était produite dans des centrales au charbon pour faire tourner ces installations? Est-ce bien là le lien avec les GES, ou est-ce que je me trompe?

Mme Beale : Je ne suis pas suffisamment informée au sujet de l'industrie forestière en Colombie-Britannique pour savoir comment on y fait fonctionner les usines. Au Canada atlantique, la situation dans les usines a évolué au fil des ans. Elles consommaient bien sûr de grandes quantités d'électricité produite par le principal fournisseur provincial à partir de combustibles fossiles.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le sénateur Massicotte : Madame Beale, votre sommaire est très intéressant.

Vous avez affirmé dans votre rapport que les besoins en énergie de Terre-Neuve-et-Labrador et de la majorité des provinces atlantiques avaient diminué en raison d'une baisse de la demande de l'industrie forestière. Vous avez aussi indiqué que c'est le cas pour Terre-Neuve-et-Labrador en ce qui concerne les futurs projets de barrage, et pourtant on parle encore du projet du cours inférieur du Churchill. Vous avez fait remarquer qu'il faut sans doute discuter d'un réseau national.

Il semblerait que le projet sur le cours inférieur du Churchill est devenu inutile, à moins que nous instaurions un réseau national. Comment pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait s'engager sur cette voie? Actuellement, cette énergie est de compétence provinciale. Est-ce qu'il y a un rôle, là, pour le gouvernement fédéral? Comment voyez- vous les choses?

Mme Beale : Je vais d'abord parler de la mise en valeur de l'hydroélectricité, puis j'aborderai la question du réseau électrique.

Terre-Neuve-et-Labrador est une petite province. Je ne veux pas parler au nom des provinces, mais son plan énergétique vise principalement à mettre ses ressources énergétiques en valeur aux fins d'exportation. Il n'est pas nécessaire d'exploiter ces ressources pour la consommation dans la province. Le projet sur le cours supérieur du Churchill fournit depuis des années à la province de l'électricité destinée à l'exportation. Une centrale sur le cours inférieur du Churchill suivrait le même modèle. Toutefois, dans les plans relatifs au cours inférieur du Churchill, il n'y a pas de ligne qui puisse transporter l'énergie du Labrador de l'autre côté du détroit de Belle-Isle, à Terre-Neuve. Une part importante de la stratégie actuelle consiste à mettre en valeur le cours inférieur du Churchill pour que l'énergie puisse être envoyée vers Terre-Neuve. Toutefois, il s'agirait seulement d'une petite partie de la production totale d'une éventuelle centrale sur le cours inférieur du Churchill. Le projet demeure orienté vers l'exportation.

Est-ce qu'il nous faut un réseau électrique national pour que l'énergie puisse passer d'un territoire à l'autre? Nous avons déjà un système de libre accès tarifé que les administrations sont tenues d'offrir pour permettre l'exportation vers les États-Unis. Toutefois, comme vous le savez, de nombreux obstacles limitent la capacité, et notamment les énormes besoins en infrastructure. Il suffit de penser à ce qu'il faudrait pour transporter efficacement l'électricité de Labrador Hydro vers le Canada atlantique ou même vers les grands marchés d'exportation. Nous devons réfléchir à l'infrastructure qui conviendrait et à la façon de la mettre en place. Est-ce que cela serait favorisé par la création d'un réseau électrique national ou régional, comme on le propose?

Je formule cela sous forme de question parce que je ne sais toujours pas ce que cela entraînerait, exactement, ni comment cela fonctionnerait.

Le sénateur Massicotte : À cet égard, nous lisons souvent dans les journaux que Terre-Neuve-et-Labrador déplore le manque de coopération du Québec. La province presse souvent le gouvernement fédéral d'intervenir et d'arbitrer la question ou d'invoquer certaines des lois existantes en matière de commerce interprovincial.

Sur les plans politique ou juridique, peut-on sérieusement penser que le gouvernement fédéral devrait intervenir et imposer sa volonté à ces provinces?

Mme Beale : Je crois savoir qu'il y a des dossiers juridiques à l'étude à ce sujet au Québec. Oui, je pense que cela est sérieux, du point de vue de Terre-Neuve-et-Labrador, et que la question devrait nous préoccuper tous. C'est un poids important qui pèse sur notre fédération et sur les relations fédérales-provinciales dans notre pays. Selon moi, il ne faut vraiment pas minimiser l'importance de ce conflit. Je ne peux pas dire si l'existence d'un cadre national nous aiderait à régler certains de ces problèmes. Il ne s'agit pas de s'ingérer dans d'autres compétences mais plutôt d'établir des règles claires sur la façon dont nous nous attendons à ce que les provinces collaborent dans des industries importantes comme l'industrie énergétique.

C'est une question qui n'est toujours pas réglée, et Terre-Neuve-et-Labrador a pris une position très ferme dans ce dossier. Selon la province, Québec a fait échec aux plans de Terre-Neuve-et-Labrador qui visaient à réaliser le projet sur le cours inférieur du Churchill. En outre, il y a des questions de prix en ce qui concerne l'accès, le transport du produit en passant par le Québec et l'établissement d'un prix équitable pour le transport.

Le sénateur Banks : Vous avez dit que la proportion de pétrole qui était raffiné et exporté, par opposition à l'exportation de brut, avait augmenté. Est-ce que vous savez quel est ce pourcentage?

Mme Beale : Je suis désolée, je n'ai pas ces chiffres. Je ne veux pas citer un chiffre au hasard, car je me tromperais probablement.

Le sénateur Banks : Nous pourrons poser la question aux représentants des raffineries.

Vous avez mentionné très rapidement l'énergie marémotrice. Est-ce que c'est parce qu'elle n'a pas encore beaucoup d'importance et qu'on ignore ce qu'il adviendra d'elle?

Mme Beale : C'est une technologie relativement nouvelle. Des installations marémotrices extracôtières sont en production dans d'autres régions du monde, mais chaque endroit et chaque compétence ont des problèmes particuliers pour déterminer quelle technologie est la plus importante ou la plus efficace pour harnacher l'énergie des marées. Nous utilisons l'énergie marémotrice en Nouvelle-Écosse depuis le milieu des années 1970, mais l'industrie n'a pas encore atteint un niveau qui permette la production. Actuellement, nous entamons une nouvelle phase d'étude de la technologie pour produire de l'énergie marémotrice dans la baie de Fundy, et la société AMIRA International investit dans ce projet. Je n'ai toutefois pas retenu cette énergie parmi les principales ressources parce que nous ne pouvons pas encore vraiment la considérer comme susceptible d'apporter une contribution à la production.

Le sénateur Banks : Les questions de politique nationale, surtout celles qui sont liées aux subventions, sont souvent réglées dès leur apparition et parfois en fin de compte par des mesures législatives. Notre comité a eu le triste devoir d'examiner, puis de condamner l'exploitation du charbon au Cap-Breton. C'était une décision difficile, mais nous l'avons prise. Maintenant, on nous parle de temps à autre de la mine Donkin, qui pourrait être relancée. Apparemment, elle a été drainée, et je crois comprendre qu'elle a de nouveaux propriétaires. Qu'est-ce que vous savez de cela?

Mme Beale : Je n'en ai qu'une vague idée.

Le sénateur Banks : Nous aussi.

Mme Beale : Je n'ai sans doute pas vraiment d'information à vous communiquer à ce sujet. Voici ce que je sais. Il n'y a pas très longtemps que la mine est fermée, mais maintenant il serait possible de la rouvrir. Le projet n'est pas sans importance en raison de l'endroit où il est situé. L'île du Cap-Breton est une des régions où l'économie est la plus déprimée en Nouvelle-Écosse, et la perspective de relancer l'industrie du charbon constitue un encouragement sur la scène locale.

Le sénateur Banks : Est-ce que vous savez si les propriétaires sont des gens de l'endroit?

Mme Beale : Non. Je suis désolée; je ne peux rien vous dire à ce sujet.

Le sénateur Banks : Nous le découvrirons d'autres façons.

Le président : Nous constatons que Xstrata est une des compagnies importantes.

Mme Beale : C'est exact. Xstrata oeuvre déjà au Canada atlantique, dans d'autres entreprises minières.

Le sénateur Banks : On nous parle constamment des objectifs nationaux en matière de réduction des émissions. Du point de vue du Canada atlantique, un objectif national est une question simple dont on peut discuter, mais il existe d'énormes écarts en termes de ressources et de consommation d'énergie de toutes origines dans différentes provinces et différentes régions du pays.

Dans quelle mesure pensez-vous que le développement dans l'Atlantique est compatible avec l'atteinte de ces objectifs, et comment ces objectifs pourraient-ils être équitablement répartis entre les diverses régions ou provinces du Canada?

Mme Beale : Est-ce que vous parlez des objectifs relatifs à la stratégie d'énergie propre et de la possibilité de construire un système qui serait équitable pour toutes les régions du Canada?

Le sénateur Banks : Oui. Nous avons fixé une cible nationale de réduction. C'est quelque chose qu'on peut bien faire au Manitoba; c'est une tout autre affaire en Alberta ou à Terre-Neuve-et-Labrador. Est-ce que cela fonctionnera? Est- ce que cela sera équitable? Est-ce que nous arriverons à une conclusion satisfaisante et raisonnable?

Mme Beale : Je crois qu'il le faut. En ce qui concerne certaines des discussions que le comité a déjà tenues au sujet du type de cadre à instaurer, ce cadre devrait offrir les encouragements voulus en termes de structure de réglementation efficace, et ne pas favoriser une forme d'énergie par rapport aux autres. Ce sont là des principes fondamentaux, comme la capacité d'améliorer le rôle de la technologie et de l'innovation dans le secteur de l'énergie. Toutes des conditions sont essentielles à la réussite d'une stratégie énergétique.

Du point de vue du Canada atlantique, nous pourrions largement bénéficier de l'adoption d'un cadre national qui pourrait contenir des cibles de réductions des émissions ou encourager l'établissement d'une tarification du carbone. Cela pourrait favoriser l'accroissement de la capacité de transport interprovincial. Cela pourrait encourager la région à réfléchir en commun à la façon d'améliorer ses exportations vers les États-Unis mais cela pourrait aussi améliorer la structure des coûts d'énergie dans la région même.

Le Canada atlantique est souvent un concept abstrait. Il n'a pas de mandat unifié, alors il faut que tous ses éléments se réunissent et voient ce qui s'offre à eux. Pour l'instant, chacun s'en tire mieux en travaillant de son côté; du moins, cela était vrai par le passé. Une stratégie nationale créerait certains liens qui aideraient la région à former un tout cohérent.

Pour tout dire, la région a des défis à relever relativement à la réduction des émissions. Nous sommes maintenant dans un monde dominé par cette question, alors un cadre national serait utile au Canada atlantique et ne lui nuirait pas nécessairement.

Le sénateur Brown : Je suis émerveillé par les efforts que vous avez déployés pour nous fournir de l'information sur l'énergie au Canada atlantique. J'y suis allé cinq ou six fois, mais jusqu'à maintenant, je ne connaissais pratiquement que les chutes Churchill et Hibernia. Cela m'a toujours fasciné.

Le sénateur Banks a posé une question que j'avais l'intention d'aborder, mais je vais la poser à nouveau. Je veux parler de l'énergie marémotrice. Cela me fascine chaque fois que je vais là-bas. Pouvez-vous nous dire ce que le projet le plus important produit en termes de mégawatts pour l'instant? Est-ce que quelqu'un a calculé les possibilités de l'énergie marémotrice? Je suis fasciné par le fait que l'océan se retire chaque soir et qu'il revient tous les jours.

Mme Beale : La baie de Fundy est un lieu exceptionnel. J'espère que vous allez voter en sa faveur. Est-ce que le vote est toujours ouvert pour désigner les Sept Merveilles du monde? C'est un endroit absolument remarquable.

Je suis désolée; je ne peux pas vous fournir l'information que vous demandez. C'est là que je dois admettre que je suis économiste, je ne suis pas spécialiste du secteur énergétique. Toutefois, si le comité s'y intéresse, je sais que les entreprises qui mettent ces projets sur pied seraient ravies de passer quelque temps avec vous pour vous expliquer ce qui se passe.

Franchement, je crois qu'elles vous diraient qu'il faudra encore beaucoup de temps avant que l'énergie marémotrice fournisse une production viable. Pour l'instant, on étudie encore les turbines qui donnent les meilleurs résultats dans les conditions difficiles de la baie de Fundy, où les marées sont les plus hautes au monde et où le débit qui traverse ces turbines est énorme.

Le sénateur St. Germain : Madame Beale, merci d'être venue ce matin. La question du sénateur Massicotte touchait un point qui m'intéresse particulièrement. Dans quelle mesure est-ce que l'environnement se ressent du fait que le cours inférieur du Churchill et ces divers barrages ne sont pas mis en valeur? Les projets semblent entravés par les conflits de compétence entre provinces. J'en parle parce que dans les autres comités où je siège ou que je préside nous avons constaté que les conflits de compétences sont incroyables dans notre pays, si l'on songe à ce qui se passe en Europe. Les Européens collaborent en matière d'éducation et dans divers autres dossiers.

Vous avez mentionné la possibilité d'une ligne de transmission sous-marine. Est-ce que les obstacles créés par les divergences d'opinions sur la façon dont cela devrait se faire sont vraiment considérables? Il n'y a pas d'énergie plus propre que l'électricité, et pourtant le conflit entre Terre-Neuve et Québec au sujet du projet sur le cours supérieur du Churchill a des dimensions historiques. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Cela n'est pas non plus sans rappeler ce qui s'est passé entre le Nouveau-Brunswick et le Québec, l'échec de cette entente à la dernière minute, et je pense que cela tient principalement à des raisons politiques.

Mme Beale : Il est certain que la mise en valeur du potentiel hydroélectrique du Labrador présente d'immenses possibilités pour le pays. Cela ne profiterait pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador; cela créerait d'importants avantages pour tout le pays.

Est-ce que nous avons des estimations sur les effets sur la structure des coûts ou la réduction des émissions de GES? Il n'y a pas d'études à ce sujet. C'est l'une de difficultés à surmonter lorsqu'on cherche à faire avancer la politique publique dans un secteur où nous ne disposons tout simplement pas d'analyses publiques.

Pour avoir un meilleur accès à l'énergie hydroélectrique du Labrador, on pourrait par exemple passer par le Québec, comme cela se fait pour l'énergie du cours supérieur du Churchill à l'heure actuelle, mais évidemment cette production ne se rend pas dans les trois provinces maritimes. La vente d'Énergie Nouveau-Brunswick aurait permis d'amener l'énergie d'Hydro-Québec, mais ce projet est maintenant abandonné.

Est-ce qu'on pourrait le reprendre? Oui, mais à quel prix?

L'autre solution consisterait à construire un lien sous-marin. Terre-Neuve-et-Labrador a déjà l'intention d'acheminer l'hydroélectricité du cours inférieur du Churchill vers l'île de Terre-Neuve. Il faudrait ensuite construire d'autres liens entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick.

Toutefois, il faut bien reconnaître que l'essentiel de l'énergie produite serait encore destinée à l'exportation. Elle passerait de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick au Nord-Est des États-Unis. Les provinces maritimes ne constituent pas un marché assez important pour justifier la mise sur pied d'un grand projet pour les alimenter. Il faut encore considérer qu'il s'agit d'un projet d'exportation pour que la chose soit viable.

Est-ce que nous en connaissons les coûts? Nous avons réalisé une vaste étude sur la vente proposée d'Énergie Nouveau-Brunswick et nous en avons une autre en cours actuellement. Une foule de chiffres ont été avancés au sujet du coût véritable de la construction de liens sous-marins. Cela allait de 2 milliards à 4 milliards de dollars. Malheureusement, nous n'avons tout simplement pas cette information dans le domaine public. Nous examinons des choix de politique publique sans disposer de l'information nécessaire.

Le sénateur St. Germain : Est-ce qu'une politique de réseau électrique national pourrait débloquer certaines de ces possibilités qui sont impensables actuellement en raison des conflits de compétences?

Mme Beale : Vous avez raison. Cela permettrait aux compétences d'examiner ces questions sous forme de grands dossiers de politique et d'envisager les conséquences en termes de coût pour les compétences concernées ou pour l'ensemble du pays. Nous n'avons tout simplement pas un tel mécanisme à l'heure actuelle. Les entreprises et les gouvernements concernés ne laissent pas voir leur jeu.

Le sénateur Seidman : Vers la fin de votre rapport de l'été 2009 sur la production d'énergie et les projets au Canada atlantique, vous mentionnez que le recrutement de travailleurs qualifiés pourrait poser des difficultés. Vous dites que ces travailleurs sont généralement peu nombreux dans la région et que cela pourrait faire monter les coûts et retarder le projet.

Les pénuries de travailleurs qualifiés n'ont pas encore été soulevées dans notre étude. Cela ne s'inscrit pas dans notre mandat. Toutefois, vous dites qu'il faut reconnaître que les pénuries de travailleurs qualifiés pourraient faire obstacle à l'amélioration de la politique énergétique.

Outre des investissements considérables et de la formation, au niveau tant fédéral que provincial, est-ce que vous avez des suggestions à formuler au sujet de ce que nous devrions faire pour corriger ces pénuries dans la mesure où elles touchent précisément le secteur de l'énergie?

Mme Beale : Les pénuries de main-d'oeuvre qualifiée sont un sujet important. Je n'en ai pas parlé compte tenu du mandat de votre comité, mais nous avons examiné la question en profondeur. Lorsque l'activité dans les sables bitumineux s'intensifiera — quel que soit le moment où cela surviendra —, cela aura effectivement une incidence au Canada atlantique car il y aura alors un exode de la main-d'oeuvre qualifiée de la région. C'est ce qui s'est toujours produit par le passé. Lorsque de grands projets sont mis en chantier dans l'Ouest du Canada, ils provoquent une émigration constante de travailleurs du Canada atlantique. Cela vaut en particulier pour les jeunes travailleurs.

Quant à la façon dont les compétences abordent ce problème, la majorité des provinces du Canada atlantique ont des politiques ou des programmes pour offrir de la formation supplémentaire dans des métiers industriels choisis, ceux où la pression est la plus forte. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que la région intéressera et conservera ces travailleurs lorsqu'ils auront terminé leur formation.

Un des problèmes, au Canada atlantique, vient de l'énormité du développement des projets, qu'il s'agisse d'un important projet minier à la baie Voisey ou d'un autre projet extracôtier. La phase de développement est relativement brève, même si elle s'étire sur plusieurs années. La plupart des emplois sont créés à la phase de développement, et à la fin de cette phase le travailleur doit chercher du travail ailleurs. L'échelle des projets dans l'Ouest du Canada a créé une demande constante de travailleurs. Ce n'est pas un problème facile à régler.

Le président : J'aimerais signaler — un peu à la blague — que notre collègue à la retraite, l'ancien premier ministre provincial John Buchanan que nous connaissons certainement très bien, nous a souvent suggéré une solution simple au problème des pénuries de main-d'oeuvre des provinces maritimes : fermer Fort McMurray. Toutefois, nos amis de l'Alberta avaient généralement quelques réserves.

En l'absence de tout défenseur de l'Île-du-Prince-Édouard, je veux poser deux ou trois questions. La carte que vous nous avez présentée, à la page 3 ou 4 du document, semble montrer que la province possède certaines installations d'éoliennes, mais qu'elle n'a pas d'autres sources d'énergie.

Pourriez-vous commenter la situation de l'Île-du-Prince-Édouard en matière de production éolienne, nous indiquer si la province a d'autres sources d'énergie et préciser comment la population relativement modeste de la province s'alimente en énergie?

Mme Beale : La province achète l'essentiel de son énergie du Nouveau-Brunswick. Elle s'intéresse de très près à l'énergie éolienne : l'Île-du-Prince-Édouard a été l'un des premiers promoteurs de cette industrie. Elle produit aussi de l'énergie éolienne destinée à l'exportation. Par ailleurs, la province est très active sur le plan de la gestion de la demande. Les coûts sont relativement élevés, simplement parce que l'Île-du-Prince-Édouard est tributaire de sources énergétiques de l'extérieur de la province. Il existe aussi un certain nombre de plateformes intéressantes qui utilisent l'énergie résiduelle dans la ville de Charlottetown.

Toutes proportions gardées, les exigences de l'industrie sont modestes. L'Île-du-Prince-Édouard n'a pas les mêmes besoins que de nombreuses autres compétences dans le domaine industriel.

Le président : Divers intervenants nous ont dit que le Canada, puisqu'il n'a que 32 millions d'habitants et en raison des coûts de mise en valeur, devrait s'intéresser à des sources d'énergie plus importantes que l'énergie solaire et éolienne. Le professeur David Keith nous parlé de la question cette semaine.

Il me semble, à en juger non seulement par ce que vous nous avez dit mais aussi par ce que j'ai appris à travers les branches, que l'Île-du-Prince-Édouard pourrait être autosuffisante simplement grâce à l'énergie éolienne, est-ce que c'est exact?

Mme Beale : Je n'en suis pas certaine. L'Île-du-Prince-Édouard était certainement favorable à l'idée de s'approvisionner en hydroélectricité du Québec si l'entente avec le Nouveau-Brunswick avait été adoptée, car elle considérait que c'était vraiment un atout. Je ne sais pas ce que l'avenir réserve à l'Île-du-Prince-Édouard pour ce qui est d'une autosuffisance énergétique fondée sur la technologie éolienne, mais la province a certainement de belles perspectives dans le domaine de l'énergie éolienne.

Le président : Elle en a. Je m'attendais à ce que notre nouveau collègue, le sénateur Dickson, parle de ces questions. Il semble bien réservé, ce matin.

Le sénateur Frum : Outre la réouverture du réacteur CANDU, vous avez mentionné une étude de faisabilité concernant un deuxième réacteur. Il s'agirait de remplacer la production d'électricité des centrales au charbon par une production nucléaire. Comment se déroule le débat sur la scène politique dans la région?

Mme Beale : Je vais préciser que la mention d'un second réacteur figure dans cette publication de l'été dernier. Depuis, les plans relatifs à un deuxième réacteur ont été mis de côté. De fait, la proposition de relancer le réacteur existant est continuellement reportée, et nous envisageons maintenant la remise en service pour 2011.

C'est vrai, le nucléaire n'a pas vraiment la cote au Nouveau-Brunswick. Le projet de deuxième réacteur suscite une certaine opposition. Toutefois, le Canada atlantique n'a pas la même dynamique que nombre d'autres régions du pays lorsqu'il s'agit d'activités à grande échelle et à forte consommation d'énergie, sans doute parce que l'économie tourne au ralenti depuis de nombreuses années. Les trois provinces maritimes constituent la région où la croissance est la plus faible au Canada depuis 10 ou 15 ans. La population de nombreux secteurs de la région rêve d'expansion industrielle, mais la construction d'installations de gaz liquéfié soulève de l'opposition, tout comme le développement du nucléaire ou des centrales au charbon. Il serait impossible, en Nouvelle-Angleterre, de construire de telles installations dans le contexte actuel, car la réglementation est très contraignante et l'opposition publique est très forte dans les zones urbaines. Au Canada atlantique, toutefois, la population est bien disposée à l'égard du développement industriel, et l'opposition est beaucoup moins forte.

Le président : Cet intérêt s'exprime de plus en plus, mais la question est complexe. À la centrale nucléaire de Point Lepreau, les travaux de réparation et de remise à neuf seront menés à bien. Évidemment, c'est le grand frère qui paiera la majorité des coûts. Est-ce que l'ajout d'un autre réacteur ou d'un autre type d'installations dans les Maritimes permettrait de répondre à la demande d'énergie?

Mme Beale : Une grande partie de l'énergie produite à Point Lepreau est exportée vers les États-Unis. Il ne faut peut-être pas simplement penser en termes de production interne et d'utilisation au Canada atlantique, puisqu'il y a encore une lourde responsabilité sur le plan des exportations. Il me faudrait étudier la question. Certes, la Nouvelle- Écosse a des dispositions législatives qui limitent le développement et la production. Le sénateur Dickson en sait peut- être plus que moi à ce sujet. J'ai l'impression que l'opposition à cette activité est beaucoup moins forte qu'elle ne l'était par le passé. Est-ce que cela crée les conditions voulues, à long terme, pour développer l'énergie nucléaire? Pour l'instant, tous les problèmes liés à la remise en état de Point Lepreau viennent des coûts élevés du projet et des coûts connexes de l'énergie qu'il faut acheter pour compenser la diminution. Toutefois, lorsque la centrale sera remise en service, sa contribution en énergie bon marché sera immense.

Le président : Vous dites qu'il n'y a pas de réaction « pas dans ma cour », que cela a été réglé dans les années 1970 et 1980 au Nouveau-Brunswick.

Mme Beale : Si je dis que la mentalité « pas dans ma cour » ne se manifeste pas, vous allez immédiatement recevoir des plaintes du Canada atlantique.

Le président : Je ne vous attribuerais pas la citation.

Mme Beale : Je ne veux pas dire cela. J'essaie de situer les choses dans leur contexte, d'expliquer pourquoi il n'y a pas autant d'opposition dans une région qui, par le passé, a connu une croissance beaucoup plus faible et ne souhaite rien de plus qu'une reprise de l'activité industrielle.

Le sénateur Dickson : Madame Beale, merci de cet excellent exposé que vous nous avez présenté au nom du Canada atlantique. Comme d'habitude, il était détaillé et complet.

Je constate ce qui se passe dans l'Ouest, où les premiers ministres collaborent pour mettre au point des lois qui régissent les émissions. Quelle est la province du Canada atlantique qui a la législation environnementale la plus stricte? Dans quelle mesure est-ce que les provinces de l'Atlantique collaborent? Est-ce que les trois provinces maritimes s'entendent bien? Est-ce qu'elles travaillent de concert? Est-ce qu'il y a des lois compatibles? Quelle est la place de Terre-Neuve-et-Labrador dans tout cela?

Mme Beale : Je ne peux pas comparer le niveau des contrôles environnementaux des provinces. Évidemment, le Nouveau-Brunswick a une stratégie assez vigoureuse dans ce domaine. Il faut aussi accorder un certain crédit à cette province car elle suit cette voie depuis plusieurs années déjà.

Pour ce qui est de la coopération, il est vrai qu'en matière de politiques et de stratégies énergétiques, notamment, tous les projets d'intégration ont suscité une vive opposition. C'était l'un des résultats négatifs du projet de vente d'Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec, un projet qui a créé d'énormes tensions entre les éléments du Canada atlantique. Il y avait l'opposition très publique du premier ministre Danny Williams, à Terre-Neuve-et-Labrador, et des préoccupations exprimées plus calmement en Nouvelle-Écosse. Pendant le déroulement du processus, le volet de l'entente sur la vente des actifs de transport a été révisé, ce qui reflétait en partie les pressions qui s'exerçaient.

J'ai l'impression que les provinces collaborent très bien dans les petits dossiers, mais pas nécessairement dans les grands dossiers, et je considère que l'énergie et l'environnement sont de grands dossiers. Terre-Neuve-et-Labrador serait tout à fait opposée à toute ingérence dans le développement de ce qu'elle considère comme des ressources qui lui appartiennent et qui doivent servir premièrement les intérêts de la province. Toutefois, toutes les provinces s'efforcent généralement de réaliser leurs projets énergétiques respectifs dans leur propre intérêt. À bien des égards, la loi sur les accords a encouragé cette attitude, parce qu'elle constitue une plateforme entre le gouvernement fédéral et les diverses provinces plutôt que d'offrir une base plus large.

Le sénateur Dickson : Quelle est l'importance du marché américain pour l'énergie produite au Canada atlantique? Est-ce que ce marché est en croissance?

Mme Beale : Je crois qu'il faut poser la question à certains des grands exportateurs, AMIRA International ou J.D. Irving par exemple, parce qu'ils sont directement concernés par cette activité. Ils auront un point de vue beaucoup plus précis. Nous savons généralement que l'énergie est principalement acheminée vers la région de Boston. Toutefois, à l'extérieur de cette région, c'est l'industrie qui peut le mieux vous répondre.

Le sénateur Dickson : J'aimerais savoir ce que vous pensez de la coopération et du Québec. Si je me souviens bien, quand les premiers ministres se réunissent, ils convoquent une réunion des premiers ministres des Maritimes. Lorsque le premier ministre Williams arrive, on parle d'une réunion des premiers ministres du Canada atlantique. Lorsque les gouverneurs des États américains y participent, on dit qu'il s'agit d'une réunion avec les premiers ministres de l'Est du Canada. C'est à ce moment que le Québec entre en jeu.

Je vous remercie de vos commentaires. Je me souviens que, dans les années 1980, l'élément moteur en Nouvelle- Écosse était le charbon. Il dominait le marché et rapportait d'immenses profits à la Nouvelle-Écosse. Il y avait des mines au cap Breton, et elles étaient mises en valeur, mais les provinces maritimes étaient incapables de collaborer dans le domaine de l'énergie. Aujourd'hui, le charbon n'est plus en vogue. Il vient de n'importe où.

C'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Je félicite le Nouveau-Brunswick d'avoir mis au point le concept d'une plaque tournante énergétique à Saint John. Je peux comprendre cela. Je dois également reconnaître les efforts du premier ministre Ghiz, qui propose, si j'ai bien compris, une deuxième ligne de transport d'énergie sous le pont de l'Île- du-Prince-Édouard.

Que pensez-vous des possibilités d'améliorer la coopération, non seulement entre les provinces atlantiques — puisque certains des décideurs veulent faire cavalier seul parce qu'ils veulent conserver les retombées sur leurs territoires, où ils en ont besoin —, mais aussi si l'on tend la main au Québec? Vous avez l'Ouest, là-bas, et ces provinces sont bien organisées, croyez-moi. Nous avons l'Ontario, et on ne peut rien dire de plus : l'Ontario est toujours bien organisée. Et puis il y a nous, dans l'Est. J'aime le Québec; il faudrait le faire participer et nous devrions essayer de le faire participer. C'est mon opinion. Il faudra du temps; je ne verrai pas cela de mon vivant. J'aimerais que vous commentiez la question.

Mme Beale : Est-ce que nous devrions ériger des barricades tout autour du Canada atlantique et essayer de réussir seuls? Non, je ne le pense pas. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. De nombreuses personnes dans la région croient que nous pourrions le faire. Je n'en suis pas convaincue. C'est la raison pour laquelle toutes les discussions portent encore sur une industrie d'exportation pour le Canada atlantique. Nous sommes une très petite région. Est-ce que nous devons nous attaquer à ce problème? Oui, nous le devons, parce que notre structure de coûts n'est pas harmonisée lorsqu'il s'agit de production d'électricité dans la région. Si nous ne réglons pas ce problème, il pourrait sensiblement décourager le développement industriel dans une province comme la Nouvelle-Écosse. Cela est important. Pouvons-nous y arriver seuls? Non, je ne le pense pas.

Toutefois, il y a un tel antagonisme pour l'instant, tant publiquement que dans les coulisses, entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, qu'il serait vraiment très difficile de mettre sur pied une initiative qui réunirait les cinq provinces. C'est peut-être précisément la raison pour laquelle il nous faut une stratégie énergétique nationale — pour nous aider à aller au-delà de ces questions. Je suis terre-à-terre. Je crois que les provinces atlantiques collaboreront parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement.

Quant à ce que vous avez dit au sujet de la production de charbon en Nouvelle-Écosse, je crois que la Maritime Energy Corporation a été créée à la fin des années 1960. Nous réfléchissons donc à ces questions depuis fort longtemps, mais nous n'avons pas agi précisément parce qu'il était plus facile pour chaque province de produire et d'utiliser sa propre électricité. La situation a évolué. Il nous faut maintenant réfléchir à ces questions. Nous ne pouvons pas assurer la sécurité de l'offre si nous ne pensons pas en termes de transport interprovincial. Nous avons toutes sortes de défis communs à relever en matière d'environnement. Vous ne pouvez pas vous arrêter à la frontière pour régler ces questions, il faut adopter une perspective plus vaste. Est-ce qu'il faut mobiliser le Québec? Oui, absolument.

Le sénateur Mitchell : Je veux commenter votre point de vue sur la taxe sur le carbone. Il est intéressant que dans le cadre de notre étude, les représentants de l'industrie et d'associations comme la vôtre indiquent toujours que s'ils avaient le choix ils préféreraient une taxe sur le carbone. Cela m'intéresse.

Hier, quelqu'un m'a dit que c'était simplement une autre façon de retarder les choses. Je ne vous accuse pas d'avoir cette intention. Je suis certain que vous arrivez à cette conclusion du point de vue de l'économiste. Cela est intéressant. Il y a une nette distinction entre simplement adopter cette position pour retarder les choses, comme une mesure tactique — pour compliquer la situation, puisque nous envisageons maintenant un régime de plafonnement et d'échange et dire « Nous n'aimons pas la notion de plafonnement et d'échange; nous voulons une taxe sur le carbone » —, et exercer des pressions pour obtenir une telle taxe. Cette distinction serait valable s'il y avait des intérêts à défendre.

Est-ce que vous savez s'il y a des pressions qui s'exercent sur les entreprises dans les Maritimes pour instaurer une solution précise comme une taxe sur le carbone plutôt qu'un régime de plafonnement et d'échange, dans ce dossier? Est-ce que votre organisation a le mandat de préconiser une solution plutôt qu'une autre?

Mme Beale : Pouvons-nous préconiser une solution? Certainement. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous pourrions intervenir dans ce secteur de façon plus tranchée, simplement parce que nous venons de le désigner comme l'un de ceux où nous voulons intensifier nos efforts.

Quant à l'attitude envers une taxe sur le carbone plutôt qu'un régime de plafonnement et d'échange au Canada atlantique, je crois qu'il reste encore beaucoup à faire pour que la population comprenne bien ne serait-ce que les grands enjeux qui expliquent pourquoi il nous faut fixer des cibles pour le contrôle des émissions. Je crois que la population comprend très mal la chose, et le débat au niveau international n'aide en rien. Par exemple, nombre d'habitants de la Nouvelle-Écosse commencent à peine à reconnaître que nous sommes de gros émetteurs et que, tôt ou tard, nous devrons payer, à moins de réussir à réduire rapidement les émissions dans la province.

Je ne crois pas que la majorité de la population comprenne bien ces questions. Je crois que tous les reports de mise en oeuvre complète d'un programme quelconque donnent simplement aux citoyens l'impression qu'ils n'auront pas à faire face à ce problème pendant leur vie active ou la vie active de leurs entreprises. Tant qu'ils ne sont pas confrontés à une augmentation de 20 ou 30 p. 100 d'ici deux ou trois ans, les gens sont prêts à oublier le problème, à penser que cela surviendra beaucoup plus tard, qu'ils n'auront pas à y faire face.

Le sénateur Neufeld : En Colombie-Britannique, il y a une taxe sur le carbone. Je ne suis pas d'accord avec vous; je crois que la population comprend fort bien qu'on lui demande de faire bouger les choses, au moins dans ma région.

J'ai eu des discussions au sujet d'une stratégie énergétique nationale avec le président et avec les membres du comité. Je viens de l'Ouest du Canada et je me souviens très bien du Programme énergétique national. Je ne veux pas me retrouver dans une situation de cette nature.

Lorsque vous parlez d'une stratégie énergétique nationale, pour l'Est du Canada, est-ce que vous parlez de la façon dont un réseau électrique pourrait être mis en place? Si c'est pour l'exportation, je crois que le Canada ne devrait pas en payer les coûts. Cela devrait être financé grâce à un régime en vertu duquel si vous exportez, vous devez exporter suffisamment pour payer les coûts. J'entends des messages opposés et je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire.

Mme Beale : Je l'ai présenté comme une question parce que je ne le propose pas, certainement pas pour l'instant. Il nous faut réfléchir à ce genre de questions. Par exemple, pour quelle raison est-ce que le Canada investit dans l'infrastructure pour créer un réseau électrique? La même question s'est présentée entre Manitoba Hydro et l'Ontario. Il y a des questions, ici, en matière de transport. Quelle que soit l'option envisagée, la question des rôles fait toujours problème. Il ne s'agit pas simplement de transport d'électricité. Chaque fois que vous intervenez et que vous offrez un encouragement quelconque, vous faussez les coûts compétitifs des autres fournisseurs. Vous changez la donne.

Je crois qu'une stratégie énergétique nationale aurait pour fonction d'établir certains paramètres généraux pour une industrie qui est essentielle à l'avenir du Canada. À bien des égards, c'est à cause de l'affaire du Programme énergétique national que cela n'est pas encore en place.

Je perçois un changement de position au sein de l'industrie, tant dans l'Est que dans l'Ouest du Canada, en ce qui concerne la nécessité de régler les grandes questions qui nous empêchent d'aider l'industrie à progresser. Cela serait pertinent pour l'exportation du pétrole des sables bitumineux en général, quelle que soit la destination, et aussi pour l'exportation des produits vers l'extérieur de la province.

L'infrastructure est peut-être un élément du problème, mais je ne formule pas nécessairement de proposition à ce sujet. Il est tout aussi important d'adopter un cadre de réglementation commun et des cibles claires pour la réduction des émissions que d'examiner les questions relatives à l'infrastructure.

Le sénateur Dickson : Je suis du même avis que le sénateur Neufeld, mais sans doute pour des raisons différentes. Le Programme énergétique national a été une catastrophe. Oublions-le pour l'instant.

La négociation d'une entente sur les ressources extracôtières entre la Nouvelle-Écosse et le Canada, pour parler brièvement de cette province, ne s'appuyait pas sur de nombreuses études. Pour contourner rapidement le contexte de la réglementation au Canada — les provinces, les politiques, et cetera. —, la Nouvelle-Écosse pouvait entre autres établir son droit à posséder sur une base commerciale une ligne de transport pour les ressources extracôtières et les ressources infracôtières.

Je ne veux pas revenir sur l'historique de tout cela, mais est-ce que ce ne serait pas une solution si le comité en examinait le caractère raisonnable et prenait l'initiative de réunir les quatre provinces atlantiques et le Québec? Nous pourrions commencer à Hull et, tôt ou tard, nous les inviterions toutes, ou encore nous pourrions aller là-bas pour déposer un document.

Comme le dit le sénateur Neufeld, le système de transport doit être rentable. Quelle que soit la composition de notre groupe, nous aurions tous des intérêts dans le système de transport. Le modèle à suivre est celui de la Maritimes & Northeast Pipeline. Elle existe encore, et je crois que c'est un fort bon modèle. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous voulez peut-être y réfléchir un peu et nous présenter votre opinion ultérieurement.

Mme Beale : C'est une idée intéressante. Comment pouvons-nous la mettre en pratique à l'heure actuelle, c'est l'une des questions que nous étudions. Nous aurons peut-être des idées plus précises à vous présenter ultérieurement.

Le président : Madame Beale, si cela vous convient, je vous demande de rester parmi nous. Nous allons traiter de l'autre point qui est inscrit à notre ordre du jour sans faire de pause. Nous pourrons ensuite vous remercier de façon plus officielle. En outre, j'ai une demande précise à vous adresser. Est-ce que cela vous convient?

Mme Beale : D'accord.

Le président : Chers collègues, nous allons maintenant passer au deuxième point à l'ordre du jour, c'est-à-dire l'étude article par article du projet de loi S-210, un projet de loi d'initiative parlementaire parrainé par le sénateur Banks. Notre comité l'a déjà examiné, nous l'avons étudié et nous l'avons renvoyé sans modification au Sénat. Il a franchi l'étape de l'examen au Sénat et il a été renvoyé à la Chambre des communes. Il était sur le point d'être promulgué lorsque la session a été prorogée.

Ce projet de loi est à nouveau devant nous, inchangé. Le sénateur Banks nous en a remis un sommaire qui a été distribué à tous les membres. Le comité de direction était d'avis que cette façon de procéder suffirait pour les nouveaux membres — le sénateur Frum et un ou deux autres — qui n'étaient pas ici lors de la session précédente —, afin d'éviter de convoquer à nouveau divers témoins. Cela semble avoir été une recommandation unanime du comité de direction.

Nous avons décidé et recommandé de demander au sénateur Banks de prononcer quelques mots au sujet du projet de loi, pour nous rafraîchir la mémoire. Je passerai ensuite immédiatement à l'examen article par article, ce matin. Est- ce que vous êtes tous d'accord pour que nous procédions ainsi?

Le sénateur Neufeld : Oui.

Le président : Vous avez tous le document qui a été préparé, alors je crois que nous pouvons commencer. Il est daté du 10 avril.

Le sénateur Banks : Chers collègues, je suis heureux que vous acceptiez de procéder comme le président l'a suggéré. Pour éviter les malentendus, je précise qu'il existe une règle permanente à la Chambre des communes qui stipule que lorsqu'un projet de loi a été mis de côté à la Chambre en raison d'une prorogation, il peut être ramené exactement au point qu'il occupait immédiatement avant la prorogation, à condition que le Sénat l'approuve à nouveau sans aucune modification et le renvoie à la Chambre des communes.

Si les membres du comité recommandent aujourd'hui que le projet de loi soit renvoyé sans modification et si le Sénat accepte d'approuver à nouveau le document en troisième lecture, le projet de loi S-210 sera renvoyé à l'étape de l'étude en comité à la Chambre des communes. Il a déjà franchi le cas de la deuxième lecture là-bas, avec le consentement unanime de tous les partis à la Chambre des communes. Il a été renvoyé au comité aux fins d'examen, ce qui était considéré comme une simple formalité, et, comme le président l'a indiqué, il aurait ensuite fort probablement été promulgué.

Ce projet de loi modifie deux lois existantes; la première est la Loi fédérale sur le développement durable et la seconde, la Loi sur le vérificateur général.

En ce qui concerne la Loi fédérale sur le développement durable, le projet de loi vise à corriger l'omission, dans cette loi, de la participation du Sénat à tous les rapports et débats qui découlent de la publication de rapports du gouvernement et de ses divers ministères sur le développement durable.

Dans le cas de la Loi sur le vérificateur général, la modification est apportée à la demande du vérificateur général. Il s'agit d'éliminer certaines contraintes quant au nombre d'occasions où, au cours d'une session parlementaire, le commissaire à l'environnement et au développement durable, qui relève du Bureau du vérificateur général, a l'occasion de présenter un rapport à la Chambre des communes sur des questions qui peuvent survenir.

Par exemple, dans l'état actuel des choses et sans cette modification, si le commissaire présentait son rapport à la Chambre des communes en septembre et que quelque chose survenait en octobre, il faudrait attendre 11 mois avant qu'il puisse à nouveau s'adresser à la Chambre des communes. Le projet de loi assouplit considérablement cette contrainte.

J'espère que vous êtes tous d'accord, et je vous demande de bien vouloir passer au vote afin que le président puisse renvoyer immédiatement ce projet de loi au Sénat sans modification. J'espère que le Sénat appuiera à nouveau son adoption à la troisième lecture, de sorte que nous pourrons le renvoyer sans modification à la Chambre des communes.

Le président : Y a-t-il des questions pour le sénateur Banks?

Je vois que tout le monde examine attentivement le projet de loi. Cela me semble de bon augure, j'espère que vous l'approuverez à l'unanimité, conformément au paragraphe 96(7.1) du Règlement, sans qu'il soit nécessaire de l'étudier article par article. Ce projet de loi est intitulé projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable et la Loi sur le vérificateur général (participation du Parlement).

Est-ce que j'ai votre consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Merci, chers collègues.

Est-ce que le projet de loi est adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Je déclare le projet de loi adopté.

Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat sans modification?

Des voix : Oui.

Le président : Je déclare le projet de loi adopté à l'unanimité. Monsieur le sénateur, je le renverrai dans les plus brefs délais au Sénat, sans modification.

Le sénateur Banks : Merci, monsieur le président, merci chers collègues.

Le président : C'était peut-être un interlude intéressant pour vous, madame Beale. C'est ainsi que se déroule parfois le travail du législateur.

La séance de ce matin m'a paru particulièrement productive. Vous nous avez apporté exactement ce que nous cherchions. Dans les secteurs où vous pensez qu'il vaut mieux solliciter l'appui de vos membres ou d'entreprises du secteur privé pour enrichir le débat, vous l'avez clairement indiqué. Cela nous ouvre des perspectives.

Nous avons l'intention, comme je l'ai dit précédemment, de nous rendre finalement dans votre région et d'organiser des tables rondes et des audiences publiques sur ces questions. Entre-temps, si la chose est possible, je vous demanderais de présenter ces questions aux membres compétents du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Vous les verrez clairement dans la transcription — je crois que vous y avez accès —, et vous pourriez nous transmettre par écrit, par l'entremise de la greffière, les commentaires qu'ils formuleront? La phase de notre étude au cours de laquelle nous organiserons les tables rondes se déroulera d'ici la fin de l'année — mais pas avant le mois d'octobre. Est-ce que vous pouvez faire cela?

Mme Beale : Certainement.

Le président : Je vous remercie infiniment.

Le sénateur Massicotte : Je pense que le sénateur Neufeld pourrait m'aider. J'essaie de comprendre la question des exportations d'hydroélectricité vers les États-Unis. Au Québec, cette semaine, il y avait un important article qui critiquait la nouvelle centrale que le gouvernement du Québec veut construire; je crois qu'il s'agit de 450 mégawatts. Dans l'article, on affirmait que cette année le prix moyen pour les exportations québécoises vers les États-Unis s'établissait à six cents le kilowatt. L'auteur de l'article affirmait que les coûts de production d'une nouvelle centrale s'élevaient à 10 cents le kilowatt. Je crois que quelqu'un a mentionné devant moi sept cents le kilowatt.

Combien est-ce qu'il en coûte de construire des lignes de transport — disons pour le projet sur le cours inférieur du Churchill — en comparaison du coût de remplacement pour construire une centrale et distribuer la production? Est-ce un élément important du coût total? Si nous obtenons 7 ou 10 cents, est-ce que les lignes de transport représentent un coût important?

Le président : J'ai bien peur de devoir déclarer que la séance du comité est terminée. Vos remarques sont inscrites dans le procès-verbal. Nous nous réunissons régulièrement, et les membres du comité suivant sont déjà dans la pièce. J'ai promis à la greffière que les Sénateurs allaient remporter la prochaine joute et, en outre, que nous lui laisserions la salle à temps.

Je termine en vous remerciant d'avoir eu l'amabilité de venir ici et de nous faire part de vos points de vue. Merci encore, et j'espère que nous vous rencontrerons dans les Maritimes.

(La séance est levée.)


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