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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages du 27 avril  2010


OTTAWA, le mardi 27 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 7, pour étudier l'état actuel et l'avenir du secteur énergétique du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est ouverte. Nous poursuivons notre étude du secteur énergétique qui vise l'élaboration d'un cadre pour une politique nationale relative à une énergie propre pour le Canada.

Je m'appelle David Angus. Je suis sénateur; je représente le Québec et je suis le président du comité. À ma droite se trouve notre vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. À sa droite sont assis Marc Leblanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement. J'aimerais aussi présenter le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie- Britannique; le sénateur Judith Seidman, du Québec, et le sénateur Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, qui sont avec nous ce soir. Nous accueillons également le sénateur Elaine McCoy de l'Alberta. À ma gauche est assise la greffière du comité, Lynn Gordon; le sénateur Daniel Lang, du Yukon, le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta; le sénateur Tommy Banks de l'Alberta et le sénateur Fred Dickson, de la Nouvelle- Écosse.

Bienvenue à tous. Bienvenue également aux invités, qui se trouvent ici, et à tous ceux qui nous écoutent par l'entremise de l'Internet ou sur le réseau CPAC.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui deux représentants de Statistique Canada : Marie Brodeur, directrice générale, Direction de la statistique de l'industrie, et Andy Kohut, directeur, Division de la fabrication et de l'énergie. Ce seront nos premiers témoins. Nous avons distribué aux membres du comité le document que vous nous avez remis, et j'en profite pour vous en remercier. Nous entendrons d'abord l'exposé de M. Kohut. Nous l'écouterons avec grand intérêt avant de passer aux questions.

Andy Kohut, directeur, Division de la fabrication et de l'énergie, Statistique Canada : Merci beaucoup. Nous sommes heureux d'avoir été invités à présenter un exposé devant votre comité et de pouvoir discuter de cette question avec les membres. C'est pour nous un plaisir de vous rencontrer.

Comme je l'ai indiqué, je suis directeur de la Division de la fabrication et de l'énergie à Statistique Canada. Nous nous occupons entre autres du programme des statistiques sur l'énergie. Dans le cadre de ce programme, nous recueillons des données touchant la production et la consommation d'énergie au Canada — de l'offre et de la demande. Le principal produit de notre programme est un document annuel, le Bulletin sur la disponibilité et écoulement d'énergie au Canada. Nos données sont utilisées par trois grands types de clients. Le premier est le Système de comptabilité national de Statistique Canada. Les données sur l'énergie que nous avons réunies sont intégrées aux indicateurs économiques clés produits par Statistique Canada, par exemple le produit intérieur brut. Le ministère des Ressources naturelles du Canada est un autre grand utilisateur de nos données. Du point de vue de l'efficience énergétique, ce ministère utilise nos données pour produire ses propres indicateurs clés de l'efficience énergétique. Il se sert également de nos données pour établir des rapports afin de satisfaire aux obligations internationales en matière d'information pour ce qui concerne l'énergie. Enfin, Environnement Canada utilise nos données pour produire des estimations sur les émissions de gaz à effet de serre. Cela vous donne une petite idée de ce que nous faisons.

Mais avant de commencer mon exposé, j'aimerais commenter le procès-verbal des réunions précédentes de votre comité; j'ai remarqué que, le 18 mars, le comité avait entendu des représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers et de l'Association canadienne du gaz, qui sont venus parler du cadre stratégique relatif à l'énergie. À un moment donné, ils ont mentionné qu'ils devaient être au courant des faits, des données et des tendances relatives à l'offre et à la demande d'énergie au Canada et ont souligné qu'ils commanderaient une étude sur le sujet.

J'aimerais vous signaler que nous recueillons des données en tout temps. Notre programme des statistiques sur l'énergie recueille des données sur l'offre et la demande, la production et la consommation, depuis des années. C'est de ce programme que l'on tire une grande partie des données dont nous traiterons aujourd'hui.

Le président : Si j'ai bien compris, vous dites que ces gens n'ont pas réellement besoin de commander une étude, parce que vous possédez déjà toutes ces données?

M. Kohut : Nous recueillons déjà ces données de façon régulière. Nous produisons des rapports qui sont publiés chaque année. J'imagine que cela veut dire que nous ne sommes pas assez connus.

Le président : Vous avez peut-être raison, mais je sais que vous vous êtes renseignés en demandant les transcriptions d'au moins trois de nos séances, par exemple, mais je sais aussi qu'un certain nombre de témoins sont au courant du bon travail que vous faites. C'est sur leur recommandation que nous vous avons invités ici aujourd'hui. Sachez aussi que nous avons écrit aux ministres et sous-ministres des Ressources naturelles et des domaines connexes de l'ensemble des provinces et des territoires et que nous avons préparé à leur intention un questionnaire complet. Tout cela sera intéressant.

J'aimerais vous faire savoir, chers collègues, que le taux de réponse semble satisfaisant. J'ai reçu jusqu'ici au moins cinq lettres où un ministre ou un sous-ministre accuse réception de ma demande en répondant qu'il s'intéresse à la question et préparera sans tarder les données demandées. Ces gens vont peut-être les tirer de votre site web, et je précise, pour le compte rendu, que votre adresse est celle-ci : www.statcan.gc.ca. Je crois que votre site offre des liens vers les différents centres d'intérêts liés à ce secteur. Est-ce que toutes les données se trouvent dans ce site?

M. Kohut : On trouve sur le site web différents boutons et liens qui nous amènent à des indicateurs clés concernant l'énergie ou d'autres indicateurs clés concernant par exemple l'économie du Canada ou le commerce international. On peut suivre différents chemins pour obtenir les données que l'on recherche.

Le président : C'est excellent.

Le sénateur McCoy : Combien est-ce que cela coûte?

M. Kohut : Une bonne partie des informations peuvent être obtenues gratuitement sur le site.

Le président : C'est important pour nous de connaître les données touchant à la fois l'offre et la demande, évidemment. Le sénateur McCoy, le sénateur Neufeld et d'autres personnes ont déclaré qu'on ne pouvait pas logiquement mener notre étude si nous n'avons pas en main des chiffres. Nous espérons pouvoir tirer de votre exposé de cet après-midi, et d'autres informations que vous pourriez nous fournir plus tard, au besoin, des renseignements extrêmement substantiels.

M. Kohut : Pour mon exposé d'aujourd'hui, je vous ai distribué un document. Il s'agit de diapositives qui donnent les messages ou les indicateurs clés grâce auxquels on peut brosser un tableau général du secteur de l'énergie du Canada. Si vous avez d'autres questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre aujourd'hui, je me ferai un plaisir de revenir. Je chercherai les données nécessaires pour les transmettre aux membres du comité.

Le président : Merci, monsieur.

M. Kohut : Comme le montre le premier graphique, le Canada est un important pays producteur d'énergie. Ce graphique montre la production de pétrole brut en 2009, en millions de barils par jour. C'est Statistique Canada qui a fourni les données affichées sur ce graphique, en ce qui concerne le Canada; le graphique lui-même, cependant, a été produit par l'Energy Information Administration des États-Unis. C'est cet organisme qui a recueilli les informations auprès des pays participants.

Comme vous le voyez sur ce graphique, le Canada se classe au septième rang mondial pour la production de pétrole brut et au deuxième rang pour les réserves connues.

Le président : Est-ce qu'il est question des réserves connues dans un autre graphique?

M. Kohut : Je peux vous donner les statistiques, mais vous en apprendrez plus sur ce sujet d'un de mes collègues de l'Office national de l'énergie, organisme qui produit des données sur les réserves énergétiques du Canada.

Le président : Je vois que tous les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, sont représentés sur ce graphique, mais qu'il y en a aussi d'autres. Est-ce que les pays qui figurent sur le graphique de la page 2 sont tous des exportateurs nets?

M. Kohut : Non. En ce qui concerne la production de pétrole, j'aimerais ajouter que la production de pétrole non classique, c'est-à-dire les sables bitumineux, a dépassé celle de pétrole classique ces dernières années et qu'on s'attend à ce que la croissance double d'ici 2025 — il se passe beaucoup de choses dans le secteur de la production de pétrole non classique, dans le secteur des sables bitumineux.

Le président : Quand vous dites « non classique », parlez-vous seulement des sables bitumineux?

M. Kohut : En général, le pétrole non classique est tiré des sables bitumineux, au Canada. Le processus classique consiste à forer et à pomper le pétrole; dans le cas des sables bitumineux, il s'agit tout simplement d'extraire le pétrole des sables et on peut en obtenir de grands volumes.

Je dois également souligner que le Canada est un joueur important quand on parle de production et d'exportation d'autres formes d'énergie, outre le pétrole. Pour ce qui est du gaz naturel, nous occupons le second rang mondial pour l'exportation, et le troisième pour la production. En ce qui concerne l'énergie nucléaire, nous occupons le septième rang pour ce qui est de la production. Pour l'énergie hydroélectrique, nous occupons le second rang en ce qui concerne la production. À l'échelle mondiale, le Canada est un joueur important du secteur de l'énergie.

Le président : Est-ce que les chiffres que vous venez de nous donner sur notre position dans le secteur du gaz naturel figurent sur l'une de ces pages? À la page 4 — merci, monsieur.

M. Kohut : Passons au graphique suivant. Le secteur de l'énergie joue un rôle important dans l'économie canadienne. Ce graphique montre quelle est la part des exportations totales dans différents secteurs. Les produits énergétiques, les machines et l'équipement et les biens industriels sont au sommet de la liste pour ce qui est de la proportion des exportations totales. Les produits énergétiques représentent 22 p. 100 des exportations, pour une valeur de 80,1 milliards de dollars. C'est une proportion importante.

On voit dans l'encadré que la composante de l'énergie n'a pas cessé de croître depuis 10 ans et a atteint le premier rang des exportations avant de reculer, l'an dernier, pendant le ralentissement économique. À l'heure actuelle, les produits énergétiques arrivent à peu près à égalité avec les machines et l'équipement. L'énergie est une composante importante du marché des exportations.

Les autres grands indicateurs économiques sont les suivants : le secteur de l'énergie a contribué pour 7 p. 100 au PIB; le pétrole et le gaz représentent la moitié de ce total; l'énergie électrique compte pour environ 30 p. 100 de ce chiffre.

Parlons des emplois. Plus de 270 000 personnes travaillent dans le secteur de l'énergie, ce qui représente environ 2 p. 100 des emplois au Canada, sans compter les stations-service, le commerce de gros et les industries d'amont, comme le secteur de la machinerie lourde ou le secteur du matériel de transport lourd qui fabriquent l'équipement utilisé dans le secteur de l'énergie. Quand on additionne tout cela, on comprend que le secteur de l'énergie est un des grands employeurs du Canada.

Le graphique suivant illustre la valeur des exportations canadiennes en 2009, par type de produits, en milliards de dollars. Les exportations de pétrole brut ont atteint 42,3 milliards de dollars, et celles du gaz naturel, 15,8 milliards de dollars. J'attire encore une fois votre attention sur l'encadré de la diapositive précédente, qui souligne que, l'année dernière, il y a eu une petite baisse des exportations de produits énergétiques en raison du ralentissement économique. Par exemple, par rapport à l'année précédente, les exportations de gaz naturel ont chuté de 28 milliards de dollars à 15,8 milliards de dollars, une différence d'environ 44 p. 100. Cette chute est due de manière générale au ralentissement économique.

Nous voulions illustrer par ce graphique le fait que le Canada évolue dans un marché continental de l'énergie. Presque toutes les exportations dont j'ai parlé sont destinées au marché américain.

À titre de comparaison, une proportion de 18 p. 100 du pétrole brut importé par les États-Unis vient du Canada, et ce volume représente 12 p. 100 du marché du pétrole brut des États-Unis. En outre, 82 p. 100 du gaz naturel importé par les États-Unis vient du Canada. Cela représente une part de marché de 15 p. 100. Nous sommes un partenaire important des États-Unis et nous sommes aussi pour eux une source d'énergie.

Même s'il est un grand producteur et un exportateur net dans le secteur de l'énergie, le Canada importe lui aussi de l'énergie. Comme vous le savez, nos lignes de transport et de distribution vont en général du nord au sud du Canada. Il se génère beaucoup d'énergie dans l'ouest du Canada, et ces produits sont ensuite distribués au sud, aux États-Unis. Nous devons ensuite importer des produits énergétiques dans l'est du Canada. La balance commerciale s'établit ainsi : les exportations d'énergie du Canada s'élèvent à environ 92 milliards de dollars; de ce montant, il faut soustraire des importations d'environ 37 milliards de dollars. Dans le secteur de l'énergie, nous avons donc un excédent commercial d'environ 55 milliards de dollars.

Pour le graphique de la cinquième diapositive, nous avons utilisé une carte dressée par le Centre canadien d'information sur l'énergie. Nous avons pensé qu'il serait efficace de montrer où étaient situées les réserves du Canada; le pétrole brut à gauche, le gaz naturel, à droite. Nous voulions montrer, grâce à ces cartes, que la production de l'énergie n'était pas répartie uniformément à l'échelle du pays. Le Canada possède des richesses énergétiques, ce qui est bien, mais elles ne sont pas distribuées également.

Sur la carte de gauche, les points rouges correspondent à des réserves en pétrole. Sur la carte de droite, les points bleus correspondent aux réserves de gaz naturel. Il y a aussi en médaillon la province de l'Alberta, où des points verts correspondent aux sables bitumineux.

Voici comment la production d'énergie est répartie au Canada par province. L'Alberta produit environ 64 p. 100 de l'énergie, surtout du pétrole et du gaz. Pour le pétrole et le gaz, elle accapare 73 p. 100 de la production du Canada. La Colombie-Britannique génère environ 13 p. 100 des produits énergétiques, notamment du pétrole et du gaz. En Saskatchewan, c'est 9 p. 100. Au Québec, c'est 4 p. 100, mais cette province est en outre le principal producteur d'énergie hydroélectrique. À l'est, dans les provinces atlantiques, il se produit un peu de pétrole sur les plates-formes extracôtières à Terre-Neuve-et-Labrador et un peu de gaz sur des plates-formes extracôtières, en Nouvelle-Écosse.

Et voici comment se distribue la production totale d'énergie par produit. Le pétrole représente 39 p. 100. Ce produit arrive au premier rang quant à la valeur de la production et des exportations, mais pas en ce qui concerne la consommation. J'y reviendrai un peu plus tard. Le gaz naturel compte pour 36 p. 100 de la production totale d'énergie. Les autres produits occupent des parts beaucoup plus petites : 8 p. 100 pour le charbon, 7,4 p. 100 pour l'hydroélectricité, 6 p. 100 pour l'énergie nucléaire, et je ne parle pas des autres petites sources d'énergie.

Le graphique suivant illustre la production d'électricité au Canada selon la source d'énergie. L'électricité est produite de diverses façons, au Canada, mais l'hydroélectricité arrive au premier rang, puisque 60 p. 100 de l'électricité au Canada est produite de cette façon. Comme je l'ai dit plus tôt, une part de 30 p. 100 de l'hydroélectricité est produite au Québec. L'énergie nucléaire représente 16 p. 100 des sources d'énergie, puis nous passons aux combustibles fossiles : le charbon en produit 15 p. 100, le gaz naturel, 5 p. 100, et le pétrole, 2 p. 100.

Le président : Est-ce que « uranium » désigne l'énergie nucléaire?

M. Kohut : En effet.

Je vais dire quelques mots au sujet des ressources renouvelables. Elles sont illustrées tout à fait à droite de la diapositive, sous la rubrique « Éolienne et marémotrice ». Elles représentent pour le moment moins de 1 p. 100 des sources d'énergie, mais leur croissance est rapide. Je dois signaler ici une difficulté. Bon nombre de ces installations d'exploitation des ressources renouvelables sont de petites dimensions. On voit surgir un peu partout au Canada bon nombre de petites installations d'exploitation de l'énergie solaire ou éolienne, qui sont souvent destinées à la consommation privée, par exemple pour des entreprises. Cela fait qu'il est difficile de dénombrer ce type d'installations, car nous ne sommes pas toujours au courant de leur existence. Quand il s'agit de petites installations qui ne sont pas connectées au réseau de distribution, par exemple, nous n'en avons pas connaissance. Il se peut donc qu'elles soient sous-représentées, dans notre graphique, car il est difficile d'en faire le compte complet.

Il y a aussi toute la question de la cogénération d'électricité. Dans certaines entreprises ou industries, les activités régulières produisent de la chaleur ou de la vapeur, qui peut être réutilisée comme source d'énergie. Les entreprises ou les industries peuvent utiliser la chaleur produite, par exemple, pour chauffer leurs propres immeubles et elles peuvent aussi utiliser la vapeur pour générer de l'électricité dont elles se serviront ou qui alimentera le réseau d'électricité. Dans ce dernier cas, nous pouvons comptabiliser l'électricité produite, mais, dans le cas contraire, si cette électricité ne sert qu'à l'entreprise ou l'entreprise qui l'a produite, nous ne serons pas au courant et nous ne pourrons pas en tenir compte. C'est pourquoi ce secteur est peut-être un peu sous-représenté, ce qui a une incidence sur les données relatives à l'efficience énergétique, qui ne seraient pas les mêmes si nous savions combien d'électricité de ces sources est consommée, quand nous ne sommes pas au courant des cas de cogénération. C'est un phénomène relativement nouveau, mais il s'étend rapidement car tout le monde cherche des façons de consommer de façon plus efficiente l'énergie.

Le graphique de la diapo 7 illustre la consommation d'énergie. Le Canada est un grand consommateur d'énergie. Le graphique illustre la consommation d'énergie selon deux aspects. Les barres bleues, d'abord, reflètent la consommation par habitant dans divers pays. On voit que le Canada est sous cet angle le plus grand consommateur d'énergie du monde. Parmi tous les pays inclus dans notre étude, le Canada est celui où il se consomme le plus d'énergie per capita. Il existe plusieurs bonnes raisons pour cela. Premièrement, notre population est relativement faible et distribuée sur un vaste territoire, ce qui fait en sorte, par exemple, que les coûts énergétiques du transport sont élevés. En second lieu, nous sommes un pays nordique au climat plutôt froid; nous consommons donc plus d'énergie pour nous chauffer. En troisième lieu, nous sommes également un pays développé, industrialisé, et le secteur industriel, dans ce type de pays, consomme davantage d'énergie. Nous possédons également un grand secteur de l'énergie, lui-même grand consommateur d'énergie, car l'extraction et la production consomment de l'énergie.

En chiffres absolus, le Canada se classe au septième rang au niveau mondial. C'est ce qu'illustrent les barres rouges. Le Canada fait toujours partie du peloton de tête des pays au chapitre de la consommation d'énergie.

Nous pouvons également étudier la consommation plus en détail, c'est-à-dire à l'échelon des provinces. L'Ontario est la province où il se consomme le plus d'énergie, soit environ 35 p. 100 du total. Et cette province compte 39 p. 100 de la population, à titre de comparaison. Étant donné sa grande population et sa base industrielle, ces chiffres ne sont pas étonnants. L'Alberta consomme 23 p. 100 de l'énergie du Canada, mais sa population ne représente que 10,7 p. 100 de l'ensemble de la population du pays. Encore une fois, cette consommation s'explique par l'important secteur de l'énergie, un des grands consommateurs. Au Québec, par contre, il se consomme 17 p. 100 de l'énergie, et la population représente 23,3 p. 100 de la population totale. Les Québécois sont, par habitant, de faibles consommateurs, mais la province n'a pas un secteur de l'énergie aussi important que celui de l'Alberta. En Colombie-Britannique, la consommation est de 11 p. 100, et la population, de 13 p. 100 du total.

Le président : Est-ce qu'on peut déduire de ces chiffres que la sous-consommation équivaut à une consommation plus efficiente?

M. Kohut : Cela n'est pas nécessairement le cas, pour toutes sortes de raisons. Cela dépend de la base économique de la province, de l'importance du secteur de l'industrie par rapport au secteur des services, par exemple, qui ne consomme pas les mêmes volumes d'énergie. Il faudrait faire des recherches plus poussées avant de tirer cette conclusion.

Le graphique 8 illustre la consommation d'énergie par secteur. Le secteur industriel du Canada est le plus grand consommateur d'énergie du pays. Il consomme environ 39 p. 100 de l'énergie consommée au Canada. Depuis 1990, la consommation a crû de 28 p. 100 environ; cette consommation croît régulièrement depuis environ 17 ans.

Le gaz est le combustible le plus couramment utilisé par cette industrie, qui consomme 32 p. 100 de l'énergie au Canada. C'est aussi une source d'énergie dont la croissance est la plus rapide. Sa consommation aussi a augmenté de 32 p. 100 depuis 1990. L'électricité arrive au deuxième rang des sources d'énergie du secteur industriel; ce secteur consomme environ 24 p. 100 de l'électricité consommée au Canada. Le pétrole arrive en troisième place, mais ne représente que 8 p. 100 de l'énergie consommée par cette industrie. Il est intéressant de constater, à ce chapitre, que la consommation de pétrole a également augmenté depuis 1990, mais pas de la même façon selon le type de pétrole. Ainsi, les industries utilisent de moins en moins, au fil du temps, le mazout lourd au profit de types de pétrole plus efficients.

Le secteur résidentiel arrive au second rang au chapitre de la consommation d'énergie. Il en consomme 16 p. 100. Le secteur résidentiel consomme de l'énergie pour le chauffage des locaux et de l'eau, la climatisation, les électroménagers, l'éclairage, et des choses du même type. Le gaz naturel est la source d'énergie la plus courante dans le secteur résidentiel; il compte aujourd'hui pour 47 p. 100 des sources d'énergie. Cette consommation a également augmenté de près de 30 p. 100 depuis 1990, et cela est probablement dû au fait qu'il y a plus de maisons, et que celles-ci sont plus grandes. La dimension moyenne des résidences a augmenté de 11 p. 100 depuis 1990. En outre, la climatisation est plus courante. Il n'y avait pas autant de climatiseurs en 1990. Il faut également tenir compte du fait que l'infrastructure de distribution du gaz naturel s'est beaucoup améliorée, à l'échelle du pays, depuis 1990.

Le secteur du transport de voyageurs consomme environ 16 p. 100 de l'énergie consommée au pays. Si nous y ajoutons le secteur du transport des marchandises, l'ensemble du secteur des transports consomme 28 p. 100 environ de l'énergie. C'est également un secteur important. L'essence à moteur représente 55 p. 100 de l'énergie consommée par le secteur des transports.

Le président : Est-ce que cela comprend le transport aérien?

M. Kohut : Oui.

Le président : Je me suis souvent posé des questions au sujet du transport aérien.

Prenons un avion qui décolle d'un endroit au Canada. Il a fait le plein de carburant ici, et il doit refaire le plein à Paris, à Londres, ou ailleurs. Est-ce que ce carburant est pris en compte?

M. Kohut : Nous comptons le carburant consommé au Canada. Il y a aussi des avions étrangers qui font le plein ici.

Le président : Alors, les 28 p. 100 ne comprennent pas l'énergie consommée par nos avions des lignes commerciales qui ne circulent pas dans l'espace aérien du Canada; c'est bien cela? Je ne sais pas, mais c'est ce que je comprends.

M. Kohut : C'est difficile à décrire de cette façon. Cependant, quand un avion fait le plein au Canada, ce carburant est inclus dans les données, que l'avion circule dans l'espace aérien du Canada ou d'ailleurs.

Le président : C'est ce que je voulais dire.

M. Kohut : De la même façon, quand un avion étranger fait le plein au Canada, qu'il circule au Canada...

Le président : Est-ce que ce carburant est compté?

M. Kohut : Oui; il est inclus dans les ventes de carburant.

Le sénateur Banks : Avant que vous passiez à une autre diapositive, j'aimerais que vous m'expliquiez une chose. Je comprends « Transport de voyageurs » et « Transport de marchandises », mais à quoi correspond « Commercial ».

M. Kohut : On parle par exemple des édifices commerciaux.

Le sénateur Banks : Cela comprendrait des commerces, mais pas des usines?

M. Kohut : Non, les usines font partie des immeubles industriels.

J'ai un autre commentaire à faire à propos de ce graphique. Depuis 1990, le PIB du Canada augmente plus rapidement que la consommation d'énergie. En dollars constants, le PIB a augmenté d'environ 55 p. 100, tandis que la consommation d'énergie a crû d'environ 20 p. 100. On pourrait dire que le fait que la croissance du PIB dépasse l'augmentation de la consommation d'énergie est un reflet de l'efficience énergétique due, soit à l'amélioration des technologies, soit à l'utilisation de types de carburant plus efficients. C'est une observation intéressante.

Le graphique suivant, celui de la diapo 9, illustre la consommation d'énergie par type de produit. Le Canada compte sur divers types d'énergie. Ce mode de présentation donne une bonne idée de notre consommation selon le type de combustible.

Le gaz naturel compte pour 26 p. 100 de la consommation totale du Canada; l'électricité, pour 22 p. 100, et le pétrole, pour 17 p. 100. C'est la consommation de gaz naturel qui augmente le plus rapidement, sa croissance est d'environ 30 p. 100 depuis 1990. Pour l'électricité, la croissance est d'environ 24 p. 100, et pour l'essence à moteur, d'environ 26 p. 100, depuis 1990.

Le sénateur Banks : Est-ce que cette consommation d'énergie est mesurée en dollars? On ne peut pas la mesurer selon le type, car on comparerait des pommes et des oranges. Donc c'est mesuré en dollars dépensés?

M. Kohut : Oui, c'est la consommation totale exprimée en dollars, de façon que l'on puisse comparer.

Le sénateur McCoy : Le pétrole et l'essence à moteur sont génériquement semblables, mais n'en sont pas à la même étape du raffinage; c'est bien ça?

M. Kohut : Oui.

Le sénateur McCoy : On pourrait donc dire que ces deux produits correspondent à 34 p. 100 des ressources.

M. Kohut : Oui, on peut les additionner.

Le sénateur McCoy : Et qu'est-ce que la rubrique « Autres » englobe?

M. Kohut : Les autres carburants, comme les déchets ligneux, la liqueur résiduaire, l'essence d'avion, le carburéacteur, le bois — toutes sortes de choses.

Le sénateur Neufeld : Dans « Pétrole », incluez-vous le carburant diesel? Le pétrole brut comprend l'essence d'aviation et le carburéacteur. Vous dites que les produits raffinés du pétrole comprennent le pétrole, l'essence à moteur et d'autres produits — y compris la biomasse, par exemple?

M. Kohut : Dans la barre qui représente le « Pétrole », on inclut le carburant diesel, le mazout léger, le kérosène et le mazout lourd; dans la barre « Autres », on inclut des produits comme les déchets ligneux, la liqueur résiduaire, l'essence d'aviation et le carburéacteur.

Le sénateur Neufeld : Pourriez-vous me dire pourquoi vous incluez la biomasse et le carburéacteur dans la barre « Autres »? La biomasse ce n'est pas du tout la même chose que le carburéacteur. Pourquoi les avez-vous mis ensemble plutôt que de les mettre avec le pétrole? Est-ce qu'il n'y a pas un peu de magie, là-dedans? Honnêtement, cela crée une confusion dans mon esprit.

M. Kohut : Nous avons classé ces produits dans différentes catégories. Nous avons toutes les données nécessaires. Aux fins du présent exposé, les produits qui formaient une petite catégorie ont été combinés.

Nous avons d'abord quatre grandes catégories, puis toute une série de petites. Plutôt que de présenter toutes les autres catégories séparément, nous avons décidé de les rassembler sous la rubrique « Autres ». Mais nous pouvons fournir une ventilation complète, si quelqu'un le demande.

Le dernier graphique illustre les prix de l'énergie. L'énergie est une importante composante de l'économie du Canada, et, au fil du temps, les prix de l'énergie présentent une certaine volatilité qui, par ricochet, a une incidence sur l'économie du pays. Nous avons choisi pour ce graphique de présenter les variations du prix du pétrole, afin de pouvoir faire une comparaison. Nous sommes remontés à 1990 pour montrer à quel point les prix du pétrole sont volatiles au fil du temps.

Dans cet exemple, les prix du pétrole brut sont touchés par différents facteurs. Ils sont par exemple touchés par l'offre et la demande : l'augmentation de la demande ou la réduction de l'offre peuvent entraîner une hausse des prix. Regardons ce graphique; j'aimerais attirer votre attention sur certaines périodes.

En 1974, par exemple, on voit une hausse abrupte des prix. C'est lorsqu'un embargo sur le pétrole a été imposé. Il y a également une forte hausse des prix du pétrole en 1981 en raison de la guerre entre l'Iran et l'Irak. Et il y a un autre pic vers 1991, la guerre du Golfe.

Nous voyons sur le graphique que les pics se succèdent. Le graphique ne comprend pas les données pour 2007 et 2008 — malheureusement —, mais il y a aussi eu des hausses à ce moment-là. Il se passe toutes sortes de choses, par exemple la guerre en Irak et la croissance des économies de l'Asie, par exemple, qui stimulent la demande et entraînent une hausse des prix.

Le prix du pétrole brut est soumis à toutes sortes de facteurs, qui peuvent le faire augmenter.

Le président : Quand vous parlez des « économies de l'Asie », c'est un euphémisme; vous parlez de la Chine, n'est-ce pas?

M. Kohut : Eh bien, la Chine est la principale économie, mais il y a d'autres économies en forte croissance, comme celles du Brésil et de l'Inde, par exemple. À mesure que ces pays se développent, la demande de pétrole augmente.

Cependant, d'autres facteurs peuvent jouer sur le mécanisme de l'offre et de la demande. J'ai parlé de la guerre, une ou deux fois, des tensions géopolitiques, mais d'autres facteurs sont liés par exemple au climat. L'ouragan Katrina, par exemple, a interrompu l'approvisionnement en pétrole dans la région du golfe du Mexique. Tous ces facteurs peuvent influer sur l'offre et la demande, et cela influe sur le prix du pétrole.

Depuis quelques années, nous avons vu que l'on déployait des efforts, à l'échelle internationale, pour stabiliser le plus possible le prix du pétrole en encourageant la transparence des marchés pétroliers. Nous avons participé au nom du Canada, aux côtés des représentants de plus de 90 pays, à un forum appelé la Joint Oil Data Initiative (initiative conjointe sur les données relatives aux réserves et à la production de pétrole). Cette initiative est pour les pays participants une façon parmi d'autres de tenter de fournir des données comparables, à jour et de qualité sur la production et les réserves de pétrole dans le but de créer un marché mondial plus transparent. Si l'approvisionnement est interrompu à un endroit, les pays sauront vers qui se tourner pour être approvisionnés; c'est une façon d'ôter un peu au marché du pétrole de son caractère mystique avec l'espoir que la transparence permettra de niveler un peu cette ligne brisée au fil du temps. Nous ne savons pas si l'initiative portera fruit, mais nous y participons.

Le président : C'est un autre type de régulation.

M. Kohut : Oui; bref, c'était un aperçu de la consommation et de la production d'énergie au Canada. Nous allons maintenant répondre avec plaisir à vos questions.

Le président : Mme Brodeur et vous avez donné là un excellent exposé. Notre liste de questions est longue. Le sénateur Mitchell, vice-président, est le premier.

Le sénateur Mitchell : C'était un exposé intéressant. J'ai des clarifications à demander. J'aurais aimé poser des questions pendant votre exposé, et j'en aurais eu davantage, tout comme mes collègues. J'ai de la difficulté à suivre. Vous n'avez pas parlé du gaz de schiste. Recueillez-vous des statistiques sur la production de cette énergie? Pouvez- vous nous dire quel volume est produit et où il est mis sur un marché?

M. Kohut : Le gaz de schiste est très à la mode. On a trouvé de grandes réserves au Canada, c'est-à-dire dans le sud de la Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique. Mais ces réserves ne sont pas encore très largement exploitées. Le gaz de schiste sera bientôt plus présent. Statistique Canada ne comptabilise pas les réserves. Notre collègue de l'Office national de l'énergie vous parlera davantage des réserves, un peu plus tard, mais nous savons qu'il existe de grandes réserves et qu'il est inévitable que la production et la mise en marché du gaz naturel au Canada augmentera. C'est à ce moment-là que nous inclurons ces données dans nos graphiques.

Le sénateur Mitchell : Je n'ai peut-être pas bien entendu, mais vous avez mentionné je crois que les exportations d'énergie totalisaient 92 milliards de dollars. Je suis allé voir à la page 4, où ces statistiques sont présentées sous forme de graphique, j'ai additionné tous les chiffres et j'arrive à un total de seulement 65 milliards de dollars environ.

M. Kohut : Oui; on ne parle pas des mêmes années. Les chiffres de ce graphique représentent l'année 2009. Les autres chiffres représentent l'année 2007. Dans le petit encadré, vous voyez que les exportations ont beaucoup baissé pendant cette période.

Le sénateur Mitchell : Il s'agit de la baisse de 44 p. 100 dont vous avez parlé et qui concerne aussi la production de gaz naturel?

M. Kohut : C'est cela.

Le sénateur Mitchell : Le graphique, dans l'encadré, montre la croissance de la production d'énergie, et on peut voir qu'elle amorce une remontée à la fin des années 1990. Est-ce que la croissance est liée aux changements apportés par le gouvernement de l'époque à la structure fiscale ayant trait aux sables bitumineux? Est-ce que la croissance coïncide avec ces changements?

M. Kohut : Je m'excuse, de quel graphique parlez-vous?

Le sénateur Mitchell : Celui de la page 3.

M. Kohut : Vous parlez de l'encadré à la page 3?

Le sénateur Mitchell : Oui; il y a un creux en 1997, puis la courbe se remet à monter. Est-ce que cette hausse reflète le début de la production massive de pétrole tiré des sables bitumineux?

M. Kohut : Ce graphique montre la part de l'énergie dans nos exportations.

Le sénateur Mitchell : D'accord.

M. Kohut : Les sables bitumineux devraient bien sûr avoir contribué à cette hausse, mais le graphique n'est pas lié à la production, si c'est ce que vous vouliez savoir.

Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé des exportations en tant que pourcentage du PIB et de la croissance de l'énergie, mais je ne crois pas que vous aviez exprimé en termes absolus quel pourcentage du PIB le secteur de l'énergie représente. Vous n'avez parlé que des exportations.

M. Kohut : Il représente environ 7 p. 100 du PIB.

Le sénateur Mitchell : L'énergie représente 7 p. 100 du total? C'est bien cela.

M. Kohut : L'énergie représente 7 p. 100.

Le sénateur Mitchell : C'est tout?

M. Kohut : C'est quand même beaucoup.

Le sénateur Mitchell : Pour finir, recueillez-vous des statistiques sur les émissions provenant de ces différentes sources d'énergie?

M. Kohut : Nous fournissons des données sur la production à Environnement Canada, et les responsables utilisent leurs propres formules. Ils calculent le volume des émissions selon le type et la qualité du carburant, et aussi selon l'industrie. Nous avons mis à l'essai, pendant à peu près cinq ans, une enquête sur les émissions de gaz à effet de serre. L'enquête est maintenant terminée. C'était un projet pilote; nous voulions savoir si nous étions capables d'élaborer une méthodologie et des processus pour recueillir ce type de renseignement. Le projet pilote a été concluant, mais le dossier a été transféré à Environnement Canada. Bref, la réponse est non. Nous ne recueillons pas, dans le cadre de notre programme, de données sur les émissions. Nous ne faisons qu'alimenter le processus.

Le sénateur Mitchell : Vous savez où les trouver.

M. Kohut : Oui, nous alimentons ce processus.

Le président : Ils utilisent un code secret, vous ne le saurez jamais.

Le sénateur McCoy : Est-ce que vous parlez de l'inventaire des gaz à effet de serre?

M. Kohut : C'est Environnement Canada qui s'en occupe, oui.

Le sénateur McCoy : On l'utilise toujours?

M. Kohut : Oui. Cependant, notre projet pilote est terminé. Nous avons mené, pour Statistique Canada, une enquête sur l'émission de gaz à effet de serre qui visait les 400 principaux émetteurs du Canada. Nous voulions vérifier notre capacité dans le domaine des enquêtes sur ce sujet. Nous avons produit de bonnes données, mais il ne s'agissait pas de remplacer l'inventaire dressé par Environnement Canada.

Le sénateur McCoy : J'ai tellement de questions à poser, mais je ne peux en poser que trois ou quatre environ, parce que tout le monde veut avoir son tour et qu'il faut être justes. Ce qui m'intrigue, c'est la façon dont toutes ces données sont recueillies. Vous dites que votre division s'occupe d'enquêtes. Est-ce que cela veut dire que vous faites des sondages auprès des entreprises? Faites-vous des enquêtes de façon aléatoire? En quoi consistent ces enquêtes?

M. Kohut : Le programme des statistiques sur l'énergie mène 22 enquêtes. Chacune est axée sur une composante différente du secteur de l'énergie, par exemple la production, la consommation ou le type de carburant. Ça vous donne une certaine idée de l'ampleur de notre programme.

Nous utilisons pour recueillir ces données des mécanismes que nous appelons des enquêtes. Dans certains cas, nous utilisons des sources de données administratives existantes. Par exemple, Statistique Canada utilise des données de nature fiscale obtenues de Revenu Canada.

Le sénateur McCoy : À quoi vous servent ces données?

M. Kohut : Nous les utilisons pour combiner des informations financières touchant la production et les coûts financiers.

Le sénateur McCoy : Est-ce que vous réunissez des données complètes sur des sujets particuliers?

M. Kohut : Oui.

Le sénateur McCoy : Est-ce que vous devez consulter la déclaration d'impôt de tous les Canadiens pour recueillir des données qui vous renseigneront sur les coûts de la production de carburant?

Marie Brodeur, directrice générale, Direction de la statistique de l'industrie, Statistique Canada : Oui, mais nous parlons d'un nombre limité d'entreprises, non pas de particuliers.

M. Kohut : Nous ne parlons pas de gens.

Le sénateur McCoy : Vous vous intéressez seulement à Shell Canada, Husky Oil ou Irving Oil?

M. Kohut : Oui, ça dépend de l'enquête. Pour certaines enquêtes, le nombre des répondants est assez petit. Il n'y a pas tant de raffineries de pétrole que ça au Canada.

Le sénateur McCoy : Il y en a à peu près onze.

M. Kohut : Oui.

Le sénateur McCoy : Il y aura donc des ensembles de données complets.

M. Kohut : C'est cela. Pour les grandes enquêtes, par exemple celles qui portent sur la consommation d'énergie par l'industrie, nous utilisons un échantillon d'environ 4 000 entreprises de toutes les régions du Canada. Nous avons constitué un échantillon que nous supposons représentatif, et ces 4 000 entreprises nous donnent une bonne idée de ce qui se passe au Canada. C'est-à-dire que nous prenons toutes les grandes entreprises et un échantillon de petites et moyennes entreprises pour constituer un échantillon bien représentatif. Mais notre échantillonnage est fondé sur des principes scientifiques; il n'est pas aléatoire.

Le sénateur McCoy : On s'intéresse ensuite sur la fiabilité de certaines de ces statistiques. On doit vous citer Mark Twain constamment; les statistiques et les autres statistiques.

Le sénateur Banks : « Les maudits mensonges. »

Le sénateur McCoy : C'est cela. On se pose des questions sur la fiabilité des différents ensembles de statistiques, et sur les nombres bruts seulement. Avant même qu'on tente de les interpréter.

M. Kohut : Avant de publier ces données, nous les soumettons à un vaste éventail de procédures d'assurance de la qualité. Quand nous recevons les données d'une entreprise ou d'une autre, nous les vérifions toujours auprès des responsables. Nous devons suivre un certain nombre d'étapes pour nous assurer que les données n'ont pas été affectées par un phénomène inhabituel. Nous utilisons une vaste gamme de mesures de contrôle de la qualité, en nous appuyant par exemple sur les données précédentes; nous vérifions des données d'autres sources pour voir si le tout est conforme. Notre système comprend des mécanismes de correction automatique. Nous ne publions rien sans être d'abord convaincus que les données sont de bonne qualité et nous pouvons assurer un suivi au fil du temps auprès des entreprises. Ainsi, nous connaissons bien l'industrie et, si quelque chose semble anormal, nous pouvons revoir les données avec les entreprises concernées pour savoir, le cas échéant, si la variation des données s'explique.

Le sénateur McCoy : Prenons l'exemple de l'Alberta. Je viens de l'Alberta, tout comme les sénateurs Mitchell et Banks. L'Alberta est une province productrice d'énergie.

Le sénateur Banks : Le sénateur Brown vient lui aussi de l'Alberta.

Le sénateur McCoy : Oui; il n'était pas là quand j'ai fait la présentation.

J'imagine que les données fournies dans le but de recevoir des redevances sont des données obtenues de première main. Ce sont des ensembles de données complets. Est-ce que l'Alberta vous donne ce type de renseignements? Existe-t-il un accord de coopération?

M. Kohut : Oui; nous avons conclu des ententes de transfert d'information avec quelques provinces. L'objectif est de réduire au minimum le fardeau imposé aux répondants. Si une entreprise fournit déjà certaines données à l'Alberta, par exemple, nous négocions un accord de communication des données avec elle, afin d'obtenir les données de l'Alberta. Nous n'allons pas poser à cette entreprise les mêmes genres de questions.

Nous avons conclu des accords semblables avec des organismes comme la Commission de l'énergie de l'Ontario, qui nous fournit des renseignements concernant environ 73 organisations. C'est une façon beaucoup plus rapide et plus simple d'obtenir des renseignements, et cela réduit le fardeau imposé à ces entreprises.

Le sénateur McCoy : Il y a ensuite la question de l'interprétation. Nous en avons eu un exemple. Il ne nous viendrait pas à l'idée, nous qui venons d'une province productrice de pétrole, de présenter des données sur le pétrole selon trois catégories; cela pourrait obscurcir le message. Il s'agit toutefois là d'une question d'interprétation, c'est pourquoi je m'arrêterai ici.

Un diagramme sur l'énergie, qui va de la production jusqu'à la consommation, est une bonne façon de présenter le dossier de l'énergie. Ce n'est pas une façon que nous avons souvent utilisée, au pays, parce que, à mon avis, nous n'avons jamais eu à présenter auparavant un dossier de l'énergie, ou, du moins, pas de la manière dont nous commençons à le faire et que nous avons apprise grâce à cette étude et à d'autres mécanismes.

Avez-vous élaboré des diagrammes sur les bilans énergétiques par région, ce qui serait la façon la plus informative de faire état de la situation?

M. Kohut : Nous avons établi le flux énergétique à l'échelle du pays, et nous avons donc conçu un graphique détaillé et compliqué, comme vous dites, qui suit le flux de l'énergie d'un bout à l'autre du système, en en montrant les intrants et les extrants, mais nous n'avons fait qu'un graphique à l'échelle nationale. Nous n'en avons pas fait pour les provinces ou pour les régions.

Le sénateur McCoy : Je sais que l'Alberta en a un, et j'ai parlé à son auteur, qui affirme que son collègue de Terre- Neuve-et-Labrador en a un semblable. Il ajoute qu'ils ont passé beaucoup de temps à négocier avec Statistique Canada pour connaître la terminologie des experts et pouvoir s'y conformer. J'avais compris que Statistique Canada avait commencé à interpréter de façon plus précise les données afin de pouvoir les comparer aux données fournies par les gens des secteurs de l'énergie des régions. Il me semble que c'est une nouvelle mesure positive, et je me demandais si vous alliez répéter l'expérience, ce qui nous permettrait peut-être de concevoir des diagrammes d'écoulement d'énergie, qui sont très utiles, pour toutes les régions du pays.

M. Kohut : Nous avons mis sur pied, un peu partout, des comités consultatifs fédéraux-provinciaux-territoriaux qui réunissent des représentants de l'énergie, et nous travaillons avec ces comités de façon régulière. Diverses personnes ont eu la même idée et disent que ce serait formidable si nous pouvions leur fournir ces diagrammes. Nous n'avons pas encore réussi à mettre ce projet en œuvre. Ce serait bien de pouvoir tout faire, j'imagine.

Le sénateur McCoy : Est-ce qu'une demande d'un comité sénatorial ne serait pas un incitatif?

Le président : C'est fini, monsieur le sénateur. Vous avez terminé. Merci.

M. Kohut : Si proche — vous étiez si proche.

Le sénateur Ogilvie : J'ai trouvé vos commentaires et votre interprétation des diapositives tout à fait captivants. J'aurais aimé que certaines de ces informations, certaines de vos statistiques, soient présentées dans un résumé. J'ai deux petites questions qui concernent la page 9. La façon dont vous présentez l'utilisation totale d'énergie par type est très intéressante.

Premièrement, vous utilisez, si j'ai bien compris, la valeur en dollars pour déterminer l'utilisation totale d'énergie par type. La valeur en dollars est une bonne façon de s'en sortir.

En ce qui concerne le contenu énergétique, de toute évidence, cela ne nous donne pas une indication précise, n'est-ce pas? La valeur calorifique exprimée en unités britanniques, les BTU, par exemple, change selon la source d'énergie, et elles sont nombreuses, et c'est pourquoi, quand je lis « utilisation totale d'énergie », j'ai tendance à penser plutôt au contenu énergétique réel qu'à la valeur en dollars. L'énergie éolienne, dans certains cas, possède une valeur en dollars élevée par mégawatt, par rapport par exemple à la production hydroélectrique. Cependant, vous estimez que la valeur en dollars est la meilleure façon de présenter la valeur globale.

M. Kohut : Eh bien, un dollar, c'est un dollar, c'est donc la façon la plus facile d'établir des comparaisons.

Le sénateur Ogilvie : Je maintiens mon point.

M. Kohut : Eh bien, c'est un bon point.

Le sénateur Ogilvie : Revenons à la façon dont vous avez constitué les catégories. Vous dites que l'essence d'aviation fait partie de la catégorie « Autres ». Pourriez-vous me dire à peu près quel pourcentage de ces « Autres produits » l'essence d'aviation représente — une simple approximation suffira.

M. Kohut : Nous ne donnons pas de simples approximations.

Le sénateur Ogilvie : C'est vrai, vous travaillez pour Statistique Canada. J'avais oublié. Il vous faudra un peu de temps. Vous pourriez peut-être nous transmettre l'information plus tard.

M. Kohut : Je vais en prendre note, je vous l'enverrai.

Le sénateur Ogilvie : Pendant que nous y sommes, dans quelle catégorie avez-vous inclus le diesel et le kérosène? J'imagine que le kérosène est classé avec le pétrole.

M. Kohut : Le diesel et le kérosène sont classés avec le pétrole.

Le sénateur Ogilvie : Le diesel et le kérosène sont donc tous deux classés avec le pétrole; merci.

Le sénateur Neufeld : Je m'intéresse aussi à la diapositive 9, le graphique intitulé Utilisation totale d'énergie par type, 2007. Est-ce que vous avez des statistiques plus récentes que celles de 2007?

M. Kohut : Nous pourrons vous présenter sous peu les statistiques de 2008.

Le sénateur Neufeld : Ce serait fantastique que vous nous envoyiez cette information.

J'aimerais aussi revenir à la diapositive 4 et vous pourrez nous envoyer d'autres informations à ce sujet également; vous n'avez pas à les donner tout de suite.

J'aimerais savoir de combien de barils il est question. Je comprends que l'on calcule en dollars, mais je voudrais savoir combien de barils de pétrole brut on produit? De combien de pieds cubes de gaz naturel s'agit-il? Combien produit-on de pétrole, je ne parle pas des produits du charbon — je crois qu'il s'agit des produits du pétrole raffinés — et combien produit-on d'électricité? A-t-on déduit les importations et exportations? Je ne m'attends pas à ce que vous ayez toutes les réponses. Ce serait très bien si vous les aviez, mais si vous ne les avez pas, vous pourriez nous les envoyer.

M. Kohut : Je n'ai pas tous ces renseignements sous la main, mais nous les avons. Je m'occuperai de vous les faire transmettre.

Le sénateur Neufeld : Vous tirez vos renseignements de nombreuses sources : la Energy Information Administration des États-Unis, pour la première diapositive, le Centre canadien d'information sur l'énergie, pour la diapositive 5. J'ai beau regarder la carte de l'Est du Canada, je ne vois pas de points rouges qui signalent la présence de pétrole brut. Je me demandais si la vue me faisait défaut ou s'il y a quelque chose que je ne sais pas.

M. Kohut : L'Est du Canada — oui, c'est bien dommage que ces cartes soient si petites — je vous encourage à aller sur le site du centre. Vous y trouverez toutes sortes de cartes qui concernent tous les types de carburants, et nous les avons trouvées utiles et intéressantes. Vous y trouverez plus de renseignements sur cette région.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous comparé ces informations avec celles que vous possédez pour vous assurer qu'elles sont correctes? Je connais un peu le Centre canadien d'information sur l'énergie, si vous voulez savoir.

M. Kohut : Je les ai copiées moi-même.

Le sénateur Neufeld : Donc, vous affirmez que toutes les informations que je pourrais recueillir sur ce site sont tout à fait conformes avec les vôtres. Est-ce que vous avez inclus dans votre exposé des informations tirées de ce site?

M. Kohut : Il n'y a pas de chiffres, dans cette diapositive. C'est simplement une illustration de l'endroit où on trouve des réserves de différents types au Canada. Nous n'avons pas utilisé leurs chiffres. Je trouve tout simplement que c'était une belle carte et une belle façon de montrer, sur le plan géographique, la production d'énergie.

Le sénateur Neufeld : Je trouve votre carte très utile, mais j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec les chiffres fournis par le Centre canadien d'information sur l'énergie ou si vous recueillez leurs données par le truchement d'une entente?

M. Kohut : Le Centre s'occupe des réserves. Nous n'avons pas d'informations sur les réserves. C'est le travail de l'Office national de l'énergie.

Le sénateur Neufeld : C'est la seule carte pertinente qui avait un lien avec notre discussion d'aujourd'hui, c'est cela?

M. Kohut : C'est cela.

Le sénateur Neufeld : Le Centre ne s'occupe que des réserves?

M. Kohut : Non, il s'occupe de toutes sortes de choses. Il essaie de réunir et de diffuser des informations sur toutes sortes de sujets. Il s'occupe également des réserves, et nous ne nous en occupons pas; l'Office national de l'énergie s'en occupe. Vous pourrez demander au prochain témoin.

Le sénateur Neufeld : Et c'est pourquoi nous devons vérifier auprès de chaque province.

La page 7 présente des informations fournies par l'Energy Information Administration des États-Unis. J'ai déjà vu ce type de graphique ailleurs. Est-ce que vous avez simplement emprunté une de ses cartes ou avez-vous contre-vérifié les informations? Je parle du Canada. Êtes-vous tout à fait d'accord avec ce graphique? Comment a-t-il été élaboré?

M. Kohut : Tous ces pays ont fourni des données. Dans le cas présent, il les ont fournies à l'Energy Information Administration des États-Unis. Cet organisme a ensuite calculé la consommation totale selon la population.

Le sénateur Neufeld : Comment a-t-il pu recueillir des informations sur la consommation?

M. Kohut : Nous lui envoyons des renseignements, et il fait des calculs pour établir la consommation par personne. Il divise les données par le nombre d'habitants du Canada, et c'est ainsi qu'il construit son graphique.

Le sénateur Neufeld : Est-ce que ces données reflètent tous les types d'énergie?

M. Kohut : Oui.

Le sénateur Neufeld : On parle de l'électricité, du gaz naturel et de tous les produits du pétrole brut?

M. Kohut : Dans ce graphique, c'est bien cela.

Le sénateur Neufeld : Je ne veux pas passer plus de temps là-dessus, mais j'aimerais bien un jour vous rencontrer pour savoir comment vous élaborez ces graphiques à barres. J'ai parfois l'impression qu'on traite l'information de la façon suivante : on a produit tel volume de pétrole brut, d'électricité ou de gaz naturel, on va diviser ce nombre par le nombre d'habitants et on saura ainsi quelle est la consommation par habitant.

Je crois que c'est, dans bien des cas, le calcul qui est fait. Ce n'est pas vraiment un nombre véridique, parce qu'une bonne partie de la production est exportée.

M. Kohut : Oui; j'espère bien qu'il n'utilise pas les données touchant la production.

Le sénateur Neufeld : Je l'espère aussi. La Norvège est un important producteur de pétrole et de gaz naturel, comme le Canada et les États-Unis. Bien sûr, ce n'est pas le cas de la Chine. En fait, je crois savoir que, dans la plus grande partie de ce pays, les gens n'ont pas accès à des produits du pétrole ou à l'électricité. Ce graphique est intéressant. Mais j'ai fini de poser des questions. Si nous avons le temps, j'en poserai d'autres au prochain tour.

Le sénateur Banks : J'ai une petite question : est-ce que vos statistiques comprennent des données sur les séismes?

M. Kohut : Non.

Le sénateur Banks : Merci.

Le président : Vous avez terminé?

Le sénateur Banks : Oui.

Le président : C'était comme une secousse sismique.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, je crois que je ne serai malheureusement pas capable d'être aussi bref que le sénateur Banks, mais je vais tenter d'être concis.

Je veux poursuivre sur ce que disait le sénateur Neufeld à propos du graphique de la diapo 7. Ce graphique m'a également fait sursauter. Il est important que les Canadiens et les membres de votre organisation qui examinent de tels graphiques s'assurent qu'ils ne nous donnent pas une fausse idée de la situation. Si ce graphique englobe les exportations, alors il s'agit d'un graphique trompeur. Dans un certain sens, il est juste, mais dans l'autre, il est erroné. Le Canada est un grand consommateur d'énergie, mais il possède les caractéristiques que vous avez évoquées au début. Durant votre exposé, vous avez fait allusion à la superficie du Canada, à son climat et à toutes ses autres variables qui caractérisent notre pays et dont notre société doit tenir compte. Il est important que ces caractéristiques soient inscrites à côté d'un tel graphique de manière à ce que les gens qui l'examineront ne tirent pas de conclusions simplistes ne correspondant pas véritablement à la réalité

Le président : L'information selon laquelle le Yukon comptait pour 90 p. 100 de cette consommation d'énergie ne vous a pas fait sursauter?

Le sénateur Lang : Non. Au Yukon, les hivers sont longs, et nous avons de grandes distances à parcourir. Il faut faire 12 heures de route pour se rendre d'un point A à un point B.

Je veux poursuivre sur ce que disait le sénateur McCoy, à savoir que nous devons examiner l'énergie qui est produite dans chaque région et chaque province, la quantité d'énergie qui y est consommée, ce genre de choses. Il est important que nous disposions de ce type de renseignements puisque c'est sur eux que seront fondées les décisions que pourraient prendre ou devoir prendre les provinces en ce qui a trait aux lignes de transmission, aux interconnexions, et cetera. Je suis d'accord avec le sénateur McCoy dans la mesure où je crois que Statistique Canada possède ces renseignements. Il s'agit de les mettre en ordre, je présume, puis de les rassembler, conjointement avec les provinces, au sein d'une banque de donnés nationale. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Kohut : À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de toutes les statistiques qui nous permettraient d'établir des bilans énergétiques provinciaux. Comme je l'ai mentionné, certains des résultats de nos enquêtes sont fondés sur des échantillons, et ceux-ci sont actuellement constitués de manière à être représentatifs à l'échelle non pas provinciale, mais nationale, en d'autres termes, pour obtenir des données valables en ce qui concerne un certain nombre de provinces, nous devons accroître la taille de l'échantillon pour disposer d'un nombre suffisant de répondants. Cependant, je prends bonne note de votre observation. Il s'agit de quelque chose qui nous a été suggéré à un certain nombre d'endroits, y compris au sein de notre conseil consultatif fédéral-provincial-territorial. Le représentant du Yukon a plaidé en faveur de l'établissement de bilans énergétiques provinciaux et territoriaux.

Le sénateur Lang : Si vous le permettez, j'aimerais poursuivre un peu sur cette question. Combien de temps vous faudra-t-il avant de décider d'adopter une telle approche?

Mme Brodeur : Il s'agit assurément d'une question de coût. Si nous augmentons la taille de l'échantillon, cela signifie que nous devons mener une enquête plus approfondie dans toutes les régions du Canada, ce qui entraîne des coûts supplémentaires. En outre, une augmentation de la taille de l'échantillon suppose un accroissement du fardeau de réponse, et nous devons faire preuve de prudence à cet égard. Il s'agit d'une question que nous pouvons prendre en note et poser à notre statisticien en chef.

Le sénateur Lang : Statistique Canada ne dispose peut-être pas de cette information à l'heure actuelle, mais je présume qu'il est probable que chaque province ou territoire possède environ 90 p. 100 de ces renseignements, en raison de ses activités et de sa façon de fonctionner. Ne serait-il pas judicieux de collaborer avec les 13 provinces et territoires, de leur demander de vous fournir les renseignements dont ils disposent, lesquels représentent peut-être une proportion de 90 p. 100 à 95 p. 100 de l'information dont vous avez besoin pour nous fournir ce que nous vous demandons?

M. Kohut : Il s'agit là d'une possibilité. Si nous faisions cela, nous pourrions nous heurter à certains problèmes, par exemple en ce qui concerne la méthode employée par chaque province pour recueillir de l'information. Tous ces renseignements ne sont peut-être pas parfaitement comparables, mais il s'agirait d'un point de départ.

Le sénateur Peterson : Selon la diapo 5, la production de pétrole extrait des sables bitumineux en Saskatchewan est très faible. Êtes-vous en mesure de chiffrer cette production, ou s'agit-il seulement d'une représentation graphique? Une certaine quantité de pétrole extrait des sables bitumineux est produite dans cette province.

M. Kohut : Vous voulez parler de la production albertaine qui déborde en Saskatchewan?

Le sénateur Peterson : Je pense qu'il s'agit d'un peu plus qu'un simple débordement. Avez-vous des chiffres à nous fournir?

M. Kohut : À ce moment-ci, je ne pense pas que nous sommes capables de chiffrer la production de pétrole non conventionnelle en Saskatchewan. Cette production viendrait s'ajouter à nos totaux.

Le président : Nous semblons complètement centrés sur nos intérêts provinciaux, mais l'énergie est un enjeu provincial.

Le sénateur Seidman : Je suis également intéressée par la répartition de la consommation et de la production d'énergie selon les régions, et par la façon dont vous vous y êtes pris pour vous assurer que cette information est présentée de la même façon pour chaque province. Je crois que vous avez déjà abordé ces deux questions, et je vais donc en rester là pour le moment.

Le sénateur Dickson : Vous avez évoqué la question des coûts liés à la collecte de ces renseignements. Pouvez-vous nous fournir une estimation de ces coûts, et nous donner une idée du temps qu'il vous faudrait pour mener à bien cette tâche? Ce renseignement me semble crucial pour les travaux du comité. Quel serait le coût de cette collecte de renseignements, et en admettant que vous disposiez du financement nécessaire, combien de temps vous faudrait-il pour mener à bien cette tâche?

Mme Brodeur : Ma réponse comportera deux volets. Nous devons d'abord discuter avec les provinces et établir ce que nous pouvons faire dans chaque province. Si chaque province dispose des renseignements nécessaires et si nous décidons d'adopter une formule commune, il s'agira probablement non pas tant d'une question de coût, mais plutôt d'une question de temps.

Je sais que quelques-unes des provinces les plus populeuses sont dotées de bureaux de statistique fiables pouvant recueillir ce type de renseignements. Nous ne pouvons pas demander à l'ensemble des provinces et territoires de nous fournir ces renseignements, et, par conséquent, nous devrons probablement mener une enquête à plus grande échelle.

Il ne s'agit pas forcément d'une question de temps; il s'agit plutôt d'une question de coûts. Ceux-ci peuvent être élevés. Hélas, je ne peux vous fournir une estimation des coûts à ce moment-ci. Nous avons besoin de temps pour nous pencher sur cette question.

Le sénateur Dickson : Puis-je vous demander d'examiner cette question et de revenir ici pour nous fournir une estimation des coûts, si l'horaire des consultations de votre comité consultatif vous permet de le faire?

Mme Brodeur : Oui, il s'agit d'un bon point. Nous pouvons discuter avec les provinces. Malheureusement, la réunion a lieu en octobre, et j'imagine que vous devez obtenir des résultats bien avant cela. Néanmoins, nous rencontrerons les provinces en octobre, et nous verrons ce que nous pouvons obtenir d'elles. En outre, si possible, nous examinerons ce que nous pouvons faire pour accroître l'ampleur du programme.

Le sénateur Neufeld : Nous avons recueilli des renseignements provenant de Statistique Canada. Nous avons élaboré un long questionnaire touchant la plupart des sujets dont nous parlons ici aujourd'hui. Comme l'a dit le président du comité avant le début de la réunion, nous avons envoyé ce questionnaire à l'ensemble des provinces et territoires, et nous leur avons demandé de nous indiquer s'ils étaient d'accord ou non avec les chiffres de Statistique Canada. En outre, nous leur avons demandé de fournir certains renseignements dont ne disposait pas Statistique Canada. Par conséquent, vous n'aurez peut-être pas à poser la question à quiconque. Nous pourrions être en mesure de vous fournir cette information lorsque nous la recevrons. Si vous êtes d'accord, nous vous transmettrons ces renseignements.

Mme Brodeur : Merci beaucoup.

Le président : Dites-moi, sénateur, ils n'auront aucuns frais à payer pour cette information? Leur budget est serré.

Le sénateur Neufeld : J'ai pensé que nous pourrions leur imposer certains frais, au moins les frais d'expédition par la poste.

Le sénateur Banks : Il y a une petite chose que j'aimerais confirmer.

Le président : Comme vous avez fait preuve d'une brièveté toute sismique un peu plus tôt, je vous le permets.

Le sénateur Banks : Je vais tenter d'être aussi bref. Je veux vous poser de façon précise une question qui a été posée plus tôt de façon allusive. Est-il possible pour vous de vous renseigner sur la question de savoir si les chiffres qui figurent au diagramme de la diapo 7 englobent les exportations? Le cas échéant, auriez-vous l'amabilité de nous transmettre la réponse?

M. Kohut : Oui, nous le ferons.

Le sénateur Mitchell : La diapo 5 semble être au centre de notre attention. Si vous examinez la carte qui se trouve à gauche de la diapo 5, vous remarquerez une énorme bande rouge sur les Territoires du Nord-Ouest. J'ai grandi avec l'idée qu'il y avait davantage de pétrole en Alberta qu'à tout autre endroit du monde.

Le sénateur Neufeld : Je croyais qu'il ne s'agissait que d'une tache d'encre.

Le sénateur Mitchell : Je me pose la question : cela est-il conforme à la réalité?

Le sénateur Neufeld : Car cela est inexact.

M. Kohut : Je commence à regretter d'avoir utilisé cette carte.

Le président : Je vous comprends. Pouvez-vous nous expliquer cela? L'information relative à la production pétrolière des Territoires du Nord-Ouest par rapport à celle de l'Alberta nous laisse perplexe.

M. Kohut : Plutôt que de me perdre en conjectures, je vais leur poser la question.

Le sénateur Mitchell : Je tiens à souligner que, selon la carte en question, la production pétrolière des Territoires du Nord-Ouest s'arrête exactement à la frontière du Yukon. Il n'y aurait aucun pétrole au Yukon.

Le sénateur Neufeld : Je pense qu'il s'agit simplement d'une tache d'encre.

Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous vous renseigner et nous fournir ultérieurement des renseignements à ce sujet?

M. Kohut : Oui.

Le président : Sénateur McCoy, voulez-vous ajouter un dernier mot là-dessus? Je crois que vous vouliez dire quelque chose. De fait, vous aviez quelque chose à dire. Allez-y, puis nous mettrons fin à ce débat.

Le sénateur McCoy : Je suis enchantée que le comité en soit arrivé à un consensus en ce qui concerne la nécessité de donner suite à la question de la collecte de données régionales. Je vous félicite et vous remercie de ne nous avoir aidés à en arriver à cette conclusion, car il est essentiel que nous tenions compte des différences entre les diverses régions au moment d'établir des politiques dans le secteur énergétique.

Afin d'élaborer des politiques convenables, le gouvernement fédéral doit disposer de données régionales absolument et irréfutablement remarquables, et il doit également pouvoir compter sur la collaboration des régions. S'il y a une chose que nous aimerions accomplir avec la présente étude, ce serait de convaincre le statisticien en chef de fournir aux décideurs les outils dont ils ont besoin. Il s'agirait là d'un formidable avantage pour le pays.

Le président : Madame Brodeur et monsieur Kohut, merci beaucoup à vous deux. Comme vous pouvez le voir, nous jouons un rôle actif dans ce domaine de recherche. Nous sommes ravis que vous vous soyez présentés devant nous pour nous faire part de ces données.

Bien sûr, personne n'ignore qu'on peut faire dire ce que l'on veut aux statistiques, mais je crois que le sénateur McCoy — de même que le sénateur Neufeld — a résumé à quel point il est essentiel que les recommandations politiques que nous formulerons à l'issue de la présente étude ne soient pas fondées sur des données trompeuses.

Il y a deux ou trois questions auxquelles vous devrez donner suite. Je crois que vous les avez prises en note. Si vous voulez bien nous transmettre ces renseignements, cela nous serait très utile. Je crois comprendre que vous seriez disposé à vous présenter de nouveau devant le comité si nous vous le demandions.

M. Kohut : Nous serions heureux de revenir ici.

Le président : Nous avons de la chance, car notre prochain témoin, Gaétan Caron, est le président désigné et premier dirigeant de l'Office national de l'énergie du Canada. Il était auparavant vice-président de l'office, poste auquel il avait été nommé en 2005. Avant cela, il était membre de l'office. Sa carrière est bien remplie. Je constate, par exemple, qu'il a occupé un certain nombre de postes au sein de l'Office national de l'énergie, dont celui d'ingénieur en chef et de directeur la réglementation financière.

Je remarque, monsieur, que vous avez travaillé pour l'Office national de l'énergie pendant la majeure partie de votre remarquable carrière.

Très tôt, lorsque nous avons embrassé la vie politique, nous nous sommes fait dire que le Canada était une fédération. Comme nous le savons tous, cela a une incidence sur chaque aspect de notre vie. Quels sont les domaines de compétence provinciale, de compétence fédérale et de compétence commune? Notre présente étude englobe les secteurs de l'environnement et de l'énergie; nous touchons donc, du moins théoriquement, à des domaines de compétence provinciale, alors que d'autres domaines relèvent exclusivement du fédéral. M. Caron nous parlera en détail de l'Office national de l'énergie, l'un des organismes exclusivement fédéraux. Je crois que M. Caron nous expliquera aussi comment l'Office national de l'énergie interagit avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du pays.

Je suis heureux de signaler que M. Caron a suivi les débats que nous avons tenus depuis le début de notre étude. Avant même d'entendre ce qu'il a à nous dire, je peux dire que, à mon avis, il se révélera être l'un des témoins clés pour notre étude. Je vous enjoins de l'écouter avec attention.

Sans plus tarder, monsieur, je vous cède la parole. Merci d'être présent ici ce soir.

Gaétan Caron, président et premier dirigeant, Office national de l'énergie du Canada : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici ce soir.

Monsieur le président, si je suis si heureux d'être ici, c'est que l'objectif de votre étude concorde avec celui que tente de réaliser, selon moi, l'Office national de l'énergie, à savoir aider les Canadiens à faire des choix éclairés et durables en matière d'énergie. Comme vous l'avez dit, depuis que j'ai reçu un premier courriel de Mme Gordon il y a environ un mois, j'ai lu la plupart des documents qui ont été produits. J'ai suivi les débats du comité sur CPAC. La semaine dernière, j'ai eu le plaisir d'entendre ce qu'avait à vous dire le professeur David Keith, qui avait participé aux dernières audiences relatives au projet gazier Mackenzie.

À la deuxième page du document que nous vous avons fourni, vous trouverez un aperçu des sujets dont je vais parler. Je tenterai d'être bref, car j'estime que la période de questions et de réponses constitue la partie la plus féconde des réunions de ce genre.

À la troisième page de mon document — laquelle est peut-être numérotée comme étant la page 2 — se trouve une diapo intitulée « Rôle de l'Office ». Je vais prendre quelques instants pour vous présenter l'Office national de l'énergie.

L'Office national de l'énergie est une organisation de taille moyenne qui compte environ 350 employés, lesquels sont tous installés dans les bureaux de l'office, à Calgary. Nous n'avons pas de bureau à Ottawa. Je dis souvent qu'Ottawa est l'une de nos régions, et en ce moment-même, je me considère comme étant en visite dans l'une de mes régions. L'office est non pas un groupe d'élaboration de politiques, mais une organisation qui s'intéresse à ce qui se passe concrètement sur le terrain.

Pour l'essentiel, nous avons trois rôles. Premièrement, nous réglementons les oléoducs et les gazoducs, lesquels relèvent de la compétence interprovinciale et internationale. À cet égard, nous ne sommes pas touchés par les conflits entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. En effet, comme les pipelines relèvent de la compétence interprovinciale et internationale, les choses se déroulent sans complications de cette nature. L'Office national de l'énergie est l'organisation de référence en ce qui concerne la réglementation en la matière.

Ce que j'apprécie particulièrement du mandat de notre organisation, c'est qu'il s'applique à l'ensemble du cycle de vie. Nous intervenons avant même qu'une demande soit soumise. Nous élaborons des lignes directrices sur la manière dont les entreprises doivent s'y prendre pour consulter les citoyens, les peuples autochtones, les groupes environnementaux et les propriétaires fonciers. Une fois les consultations terminées, nous tenons des audiences publiques — s'il s'agit d'un projet d'envergure — de manière à ce que tous les Canadiens qui ont quelque chose à dire puissent contribuer au débat public. Lorsque nous approuvons un projet de pipeline, nous continuons à jouer un rôle. Nous avons le pouvoir de surveiller et d'inspecter les travaux de construction. Nous avons l'obligation de rendre compte de l'exploitation des pipelines. En outre, il nous revient d'autoriser la cessation d'exploitation d'une installation avant qu'elle ne soit rendue à l'environnement naturel.

Nous réglementons également les droits et les tarifs liés à ces pipelines. Notre mandat est bien équilibré, et il englobe les domaines de l'économie, de la sécurité et de l'environnement — dans le monde, il y a peu de réglementations à guichet unique qui ratissent aussi large. J'estime que le Canada dispose d'une telle réglementation.

Deuxièmement, nous réglementons les lignes de transport d'électricité. Pour vous donner une idée de cette réglementation, je vous dirai qu'elle est d'une portée limitée puisque nous ne réglementons pas les lignes interprovinciales de transport de l'électricité. En vertu de notre loi, cette responsabilité pourrait nous incomber, pour autant que le Cabinet décide que telle ou telle ligne de transport est assujettie à la réglementation fédérale. Cependant, cela ne s'est jamais produit depuis que l'ONE a vu le jour, il y a 51 ans de cela. Nous réglementons environ 1 400 km de lignes internationales de transport d'électricité. Par comparaison, nous réglementons quelque 71 000 kilomètres d'oléoduc et de gazoduc. Ces deux secteurs d'activités ne sont pas de la même ampleur.

Troisièmement, nous réglementons les exportations et les importations d'énergie — plus précisément, les exportations de gaz naturel, d'électricité et de pétrole et les importations de gaz naturel. Nous intervenons principalement à la suite de plaintes, et nous réglementons ces importations et exportations en nous fondant sur les lois du marché et les règles de l'accès équitable aux marchés. Nous faisons preuve de souplesse dans l'application de la réglementation relative aux exportations, et nous sommes ouverts aux exceptions. L'important est que l'on considère que le marché fonctionne bien — tant que cela sera le cas, nous interviendrons selon une telle approche.

De surcroît — sorte de produit dérivé des trois secteurs d'activités dont je viens de parler —, comme il y a tant de choses que nous devons savoir à propos de l'énergie au Canada, nous informons les Canadiens de ce que nous apprenons à propos de la situation du secteur de l'énergie sur le plan de l'approvisionnement, du marché et des questions environnementales. En outre, en vertu de notre loi, le ministre des Ressources naturelles a le pouvoir de nous demander des conseils — et de prodiguer des conseils au gouvernement —, car nous sommes tenus, selon la loi, d'examiner toute question en matière d'énergie relevant du Parlement. Par conséquent, on peut affirmer qu'il existe un lien solide entre l'étude que vous menez actuellement et le mandat dont s'acquitte l'office depuis les 51 dernières années.

La page suivante du document que je vous ai fourni contient une des principales diapos dont je voulais vous parler. Cette diapo est intitulée « La réalité des hydrocarbures dans le monde ». Il y a environ deux mois, je me préparais à livrer un discours à Washington. J'ai demandé à mes employés de dénicher le scénario d'avenir le plus « vert » possible en ce qui concerne la demande énergétique. Je leur ai dit qu'ils pouvaient examiner tous les programmes environnementaux de la planète, et qu'ils présentent ceux qui pourraient nous permettre de répondre à la demande mondiale d'énergie en 2030.

Le trait plein qui se trouve dans le haut du graphique représente les combustibles fossiles et le trait plein au bas du graphique représentent les combustibles sans carbone. Selon ce scénario, si l'on additionne ces deux traits, la demande d'énergie primaire dans le monde augmentera de 20 p. 100 de 2007 à 2030. Lorsqu'il s'agit de la demande énergétique mondiale, c'est ce que j'appelle revenir sur terre. Ce scénario — que l'on appelle « scénario 450 » — a été élaboré par l'Agence internationale de l'énergie. Ce scénario suppose que les gouvernements du monde réussiront à mettre en œuvre des mesures efficaces — je n'ose dire des mesures musclées — en matière de renouvellement et de conservation. Ce scénario suppose que nous limitions la concentration des gaz à effet de serre à 450 parties par million d'équivalent de CO2, et que nous limitions à 2 degrés Celsius la hausse des températures mondiales. Si nous admettons toutes ces suppositions, d'ici 2030, la demande d'énergie dans le monde augmentera de 20 p. 100. Comme l'indique la ligne pointillée du graphique, s'il faut en croire ce scénario, les deux tiers de cette énergie proviendront des combustibles fossiles. Le dernier tiers proviendra des énergies renouvelables et des prétendues combustibles sans carbone, y compris l'énergie nucléaire.

Il m'a semblé, sénateurs, qu'il serait utile de vous présenter ce graphique ce soir. Il y a une chose qu'il est essentiel de retenir.

Le président : Vous avez dit « s'il faut en croire ce scénario ».

M. Caron : Oui.

Le président : Pouvez-vous nous dire si nous devons y croire?

M. Caron : Je vous le dirai, si vous me le permettez. Je vais vous répondre indirectement. J'espère avoir tort. Lorsque j'ai présenté ce graphique à Washington, un jeune homme du Sierra Club m'a dit que j'avais tort et qu'il croyait pouvoir me fournir un scénario selon lequel moins de combustibles fossiles seraient utilisés en 2030. Il m'a dit qu'il me le transmettrait par courriel.

Je n'ai toujours pas reçu ce scénario. J'espère qu'il est possible que nous soyons encore plus efficaces, mais ce scénario est le seul que j'ai pu dénicher. Je souhaite qu'il soit erroné, mais c'est le seul que nous ayons pu trouver.

Voici la chose essentielle à retenir : même si nous empruntons une autre voie afin de relever le défi climatique auquel nous faisons face, nous aurons besoin de toutes les formes d'énergie dont nous disposons pendant encore un bon moment. Si nous commençons à dénigrer certaines formes d'énergies moins propres, nous le regretterons pendant très longtemps. L'attitude qui consiste à distribuer les reproches n'est peut-être pas utile au moment où nous tenterons de trouver des solutions énergétiques pour le Canada et le reste du monde.

Cette diapo est utile dans la mesure où elle nous permet de prendre la mesure d'une réalité éventuelle. Nous savons que toutes les prévisions se révèlent erronées un jour ou l'autre. Je ne suis pas en train de dire que cela se produira, mais nous devrions prendre acte du fait que les hydrocarbures font partie de la solution qui nous mènera à la durabilité.

La diapo suivante, intitulée « La réalité des hydrocarbures au Canada », présente un scénario élaboré par l'office il y a quelques années. Il n'a pas encore été mis à jour. Il s'agit d'un scénario triple-E qui énonce quelques hypothèses. Il s'agit d'un scénario triple-E d'un genre différent. Si l'on examine ce scénario, on constate qu'il présente une situation plus ou moins semblable à celle du scénario précédent. Selon le scénario triple-E, environ un tiers de nos besoins d'énergie primaire peuvent être comblés par des combustibles sans carbone d'ici 2030. Je ne fournirai pas davantage de détails quant à ce qui distingue ce scénario de celui exposé à la diapo précédente — je voulais simplement vous mentionner l'existence du scénario triple-E.

La diapo suivante, intitulée « Durabilité », contient simplement une photo. Le message qui doit être transmis — le message que nous devons transmettre aux Canadiens et les thèmes du débat que nous devons tenir avec les Canadiens — peuvent être résumé de la façon suivante : durabilité, progrès et élaboration de solutions à nos problèmes.

Heureusement, en 1959, lorsque le Parlement a créé l'Office national de l'énergie à l'instigation du gouvernement de M. Diefenbaker, on a prévu d'inscrire dans la Loi sur l'Office national de l'énergie que l'office devait, au moment de prendre une décision, intégrer tous les aspects sociaux, environnementaux et économiques des questions portées à son attention. Je soutiens que la durabilité passe par l'intégration, et c'est la raison pour laquelle les travaux du comité sont si importants. Vous avez entendu toute une série de témoins. Je peux imaginer que vous vous heurtez à la difficile question de savoir comment vous devez vous y prendre pour intégrer les aspects sociaux, économiques et environnementaux au sein d'une seule et même solution pour l'avenir. Il est facile de vous prodiguer des conseils sur la manière d'améliorer la situation environnementale, la situation économique ou la situation sociale. Cependant, peu de gens sont tenus d'intégrer ces trois aspects et de conseiller, ou du moins d'informer les Canadiens à propos de ce que nous devons faire pour atteindre notre but, à savoir la durabilité.

La diapo suivante concerne notre avenir en matière de production d'électricité. Statistique Canada fait de l'excellent travail lorsqu'il s'agit d'expliquer le passé et le présent. Quant à l'Office national de l'énergie, il tente de donner un aperçu de ce que l'avenir nous réserve. Ce graphique porte sur notre production d'électricité dans l'avenir. Il s'agit simplement d'un scénario d'avenir, et, comme je l'ai mentionné, toutes les prévisions finissent par se révéler fausses; néanmoins, ce graphique contient quelques bonnes nouvelles.

Tout d'abord, on peut constater la vitalité du secteur de l'hydroélectricité. La production d'électricité au charbon demeure présente, mais diminue au fil du temps. La production d'électricité au gaz naturel augmente de façon continue, tout comme la production d'énergie au moyen de technologies de remplacement et émergentes. D'une part, j'espère que le scénario 450 de l'Agence internationale de l'énergie est erroné, mais, d'autre part, je suis certain que le Canada peut faire mieux en matière d'énergie renouvelable, pour autant qu'il se penche sur la question de la durabilité. Il faut intégrer les trois aspects de notre avenir.

Les défis que nous devons relever pour bâtir un avenir énergétique durable sont bien connus, et les quelques diapos suivantes portent sur quelques aspects que je veux porter à votre attention.

J'estime, d'un point de vue tant théorique que pratique, que le commerce fait partie de la solution. Considérons simplement les échanges d'électricité entre les provinces et entre le Canada et les États-Unis; cette capacité de transmettre de l'électricité contribue à la synergie de notre panier énergétique global. Ces échanges sont profitables sur le plan économique, et ils peuvent l'être également sur le plan environnemental. Les pays libre-échangistes comme le Canada sont mieux à même que les pays protectionnistes de récolter à la fois des gains économiques et environnementaux. Cela a été démontré tant en théorie que dans la pratique, et je ferai rapidement allusion à une théorie à laquelle ont recours les économistes, à savoir celle des avantages comparatifs. Un pays produit les biens qu'il peut produire avec profit, et les autres, il les achète à l'étranger. Le Canada est merveilleusement outillé pour tirer profit d'un certain nombre d'avantages comparatifs, notamment l'hydroélectricité, et nous ne devons jamais oublier que les pays qui ne se replient pas sur eux- mêmes obtiennent de meilleurs résultats sur la voie de la durabilité.

La diapo suivante, intitulée « Technologies complémentaires », livre le même genre de message. La triade classique formée de l'hydroélectricité, l'énergie éolienne et l'électricité au gaz naturel constitue un ensemble de technologies complémentaires, et le Canada possède tous les outils nécessaires pour en tirer parti.

La diapo suivante porte sur le rôle du consommateur. Durant vos réunions, vous avez parlé de deux célèbres Canadiens, M. et Mme Tout le monde, si je ne m'abuse. Ils sont devenus célèbres — j'ignore si c'est ce qu'ils voulaient, mais ils le sont devenus, grâce au comité.

On ne peut pas dire aux consommateurs ce qu'ils doivent faire. On peut créer un environnement au sein duquel ils désireront faire des choix éclairés et durables. Je crois que les Canadiens sont prêts à comprendre l'importance de la durabilité et à agir en conséquence, mais cela passe par un dialogue, lequel fait défaut. Nous devons établir avec les Canadiens un dialogue pour leur faire comprendre, en des termes simples, à quoi pourrait ressembler le monde de demain si nous combinions dans un même mouvement les aspects économiques, sociaux et environnementaux de l'avenir.

Pour ce qui est d'établir un dialogue avec M. et Mme Tout le monde, le comité peut faire de l'excellent travail, s'il a la patience requise.

Vous avez beaucoup entendu parler du réseau intelligent, de la transformation et de la croissance, et je serai ravi de répondre à vos questions à ce sujet, si vous en avez à me poser. Le réseau intelligent est un exemple de ce que peuvent engendrer l'intégration et l'établissement de liens entre les diverses parties du système. Le réseau intelligent contribue à ce que nous consommions moins d'énergie et à ce que l'énergie soit consommée à de meilleures fins. Je ne ferai pas d'autres commentaires à ce sujet.

L'Office national de l'énergie surveille les activités de captage et de stockage du carbone, mais il ne les réglemente pas, car, de toute évidence, la production et le développement énergétiques, de même que les activités connexes comme le captage et le stockage du carbone, relèvent habituellement des provinces. D'ailleurs, monsieur le président, vous avez fait allusion aux conflits de compétence entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous ne nous ingérons pas dans les activités que les provinces mènent de façon efficace, mais nous les surveillons. Nous pourrions être appelés à réglementer un pipeline de CO2 qui traverserait une frontière interprovinciale. Il s'agirait d'une intervention légitime, et nous serons prêts à prendre une telle mesure le cas échéant. Nous réglementons déjà deux ou trois pipelines de CO2.

Monsieur le président, vous m'avez demandé d'aborder la question des compétences fédérales et provinciales. Nous sommes actuellement à la recherche de solutions énergétiques qui vont dans le sens de l'intérêt public, et il est évident qu'une réglementation efficace constitue un aspect important de ce processus. À l'Office national de l'énergie, nous croyons en cette réglementation, et nous continuons sans relâche à chercher de nouvelles façons d'accroître son efficience, ne serait-ce que de manière infime.

Afin d'être efficace, un organisme de réglementation doit notamment réussir à faire participer les membres du public — ceux qui souhaitent s'exprimer à propos d'un projet énergétique qui les dérange — et à écouter les questions qu'ils ont à poser. À cet égard, au cours des dernières années, nous avons lancé deux ou trois initiatives sur lesquelles votre comité voudra peut-être se pencher — nous transmettrons à la greffière de l'information à leur sujet. L'une d'entre elles est l'Initiative de consultation relative aux questions foncières. On sait très bien que, partout au Canada, lorsqu'un projet de construction de pipeline est proposé, et que l'on prévoit que ce pipeline traversera des propriétés foncières, certains agriculteurs et éleveurs acceptent que le pipeline traverse leurs terres, d'autres refusent et d'autres ont des questions à poser. Il arrive parfois que l'industrie et l'organisme de réglementation parviennent à répondre à leurs questions de manière satisfaisante, mais il arrive également qu'ils soient incapables d'y répondre adéquatement. Depuis de nombreuses années, afin de nous rapprocher des éleveurs, des agriculteurs et des propriétaires fonciers, nous avons écouté ce qu'ils avaient à nous dire, et nous commençons à prendre des mesures pour donner suite à leurs préoccupations de manière à ce qu'ils aient confiance en nous et soient convaincus que nous les traiterons, eux et leurs préoccupations, avec tout le respect et tous les égards auxquels ils ont droit.

De même, nous nous sommes rapprochés — pour employer un terme diplomatique — des organisations non gouvernementales de l'environnement, les ONGE. Nous ne savons pas si ces ONGE ont le sentiment que les processus de l'Office national de l'énergie leur permettent de communiquer efficacement leurs réflexions et leurs préoccupations à propos des projets énergétiques. Nous avons déployé des efforts pour parler aux leaders d'opinion de ce secteur, pour être à l'écoute de leurs préoccupations et pour rendre nos processus encore plus malléables, souples et transparents de manière à ce qu'ils se sentent à l'aise de se présenter devant l'Office national de l'énergie dans le cadre d'un débat public.

Vous n'êtes pas sans savoir que le discours du budget contenait une mesure selon laquelle l'Office national de l'énergie deviendrait, grâce à une substitution de pouvoirs, une autorité en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cette proposition est contenue dans la Loi d'exécution du budget, de même que celle de l'établissement de programmes d'aide financière aux participants. Au Canada, l'Office national de l'énergie fait figure d'exception. Il s'agit de l'un des rares organismes de réglementation du secteur de l'énergie qui ne possède pas le pouvoir juridique de fournir une assistance aux gens qui veulent lui faire part de leurs préoccupations concernant un projet énergétique. Si la Loi d'exécution du budget est adoptée, l'office obtiendra le pouvoir juridique d'offrir du financement aux gens qui ont des préoccupations à exprimer ou des idées à formuler à propos de projets énergétiques majeurs.

Le président : Est-il logique que vous disposiez d'un tel pouvoir? Êtes-vous heureux de cela?

M. Caron : Je suis ravi, car comme je l'ai dit, l'Office national de l'énergie faisait figure d'exception. Évidemment, nous avons été favorables à cette idée de substitution de pouvoirs dès qu'elle a été proposée. Sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la LCEE, il existe un programme permettant aux participants d'obtenir une aide financière dans le cadre de certains types de procédures. Si la substitution de pouvoirs avait eu lieu, mais que l'on ne nous avait pas accordé le droit d'établir des programmes d'aide aux participants, cela aurait été désavantageux pour les personnes qui souhaitent participer aux audiences de l'Office national de l'énergie. Nous sommes ravis que cette proposition ait été soumise au Parlement. L'Office national de l'énergie continuera à fonctionner sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Sous sa forme actuelle, la LCEE permet au gouvernement, plus précisément au ministre de l'Environnement, de mettre en place un processus équivalent au processus prévu par la loi. Ce qui va changer, si je peux m'exprimer ainsi, ce sont les aspects procéduraux entourant l'exécution d'une bonne évaluation environnementale. Il s'agit d'une modification non pas de fond, mais de forme. Nous effectuons des évaluations environnementales depuis 51 ans, depuis que M. Diefenbaker a proposé au Parlement la création de l'Office national de l'énergie. Nous effectuons des évaluations environnementales aux termes de la LCEE, la loi pertinente, depuis que cette loi est entrée en vigueur, en 1995. Quelque 50 de nos 350 employés sont des spécialistes en matière d'environnement, de socioéconomie ou de participation des citoyens, et ils veillent à ce que le processus d'évaluation environnementale fonctionne bien et de manière professionnelle.

En ce qui concerne les audiences et la réglementation de l'exploitation énergétique et des projets de construction énergétiques, il n'y a pour ainsi dire aucune tension entre les organismes de réglementation provinciaux et l'Office national de l'énergie. On a donné l'exemple de la Colombie-Britannique, et on pourrait également mentionner la Régie de l'énergie du Québec et la Commission de l'énergie de l'Ontario — nous nous rencontrons plusieurs fois par année dans le cadre des réunions de la CAMPUT, l'Association canadienne des membres des tribunaux d'utilité publique. Nous sommes constamment en discussion. Nous sommes au courant des projets qui seront annoncés. Si un projet énergétique occasionne des conflits de compétence entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, nous discutons de ces problèmes, mais je dois dire qu'ils sont très rares, si tant est qu'il y en ait.

À mes yeux, l'initiative relative à la substitution de pouvoir et à l'aide financière aux participants représente une belle amélioration, qui ne nous empêchera pas de continuer à effectuer d'excellentes évaluations environnementales et de supprimer les frais généraux associés à un processus d'examens conjoints par une Commission, lequel exige l'affectation de tout un tas de personnes à des tâches administratives.

La dernière chose que j'aimerais mentionner à propos des initiatives, c'est que nous appuyons totalement le BGGP, le Bureau de gestion des grands projets, dirigé par Ressources naturelles Canada. En collaboration avec des administrateurs d'autres agences, y compris la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN, nous avons œuvré en vue d'instaurer au sein du gouvernement fédéral une culture de gestion de projets, et j'estime que cela donne de bons résultats. Nous commençons à récolter les fruits de notre effort collectif. Je suis d'avis que le BGGP évoluera lui aussi, et qu'il parviendra à mobiliser les autorités provinciales qui veulent également acquérir ce type de culture de gestion de projets — qui veulent également établir un budget et fixer des délais qu'ils seront fiers de respecter. Le processus permettra de réduire le temps consacré à ces grandes discussions publiques sur les projets d'énergie, tout en favorisant la poursuite des débats et en faisant en sorte que leur contenu demeure le même ou soit amélioré.

Le président : Avant de mettre fin à la partie de votre exposé portant sur les compétences et les initiatives réglementaires, j'aimerais vous poser une question : j'ai indiqué plus tôt — et vous en avez convenu — que l'autre organisme fédéral de réglementation du secteur de l'énergie était l'organisme du secteur du nucléaire.

M. Caron : La Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Le président : Pouvez-vous nous dire où se situe la ligne de démarcation entre cet organisme et le vôtre?

M. Caron : Le rôle respectif de chaque organisation est clairement défini. La CCSN s'occupe de la sûreté des réacteurs nucléaires, domaine qui relève principalement de la compétence fédérale et l'Office national de l'énergie s'occupe des pipelines et des exportations et importations d'énergie. Il n'y a aucun chevauchement de tâches. En ce qui concerne les relations fédérales, provinciales, territoriales, je ne peux m'exprimer au nom de la CCSN, mais je crois comprendre que tout fonctionne bien pour elle à ce chapitre, comme c'est le cas des relations que l'Office national de l'énergie entretient avec les provinces et les territoires pour ce qui est des oléoducs et des gazoducs.

La CCSN se verra elle aussi attribuer le pouvoir juridique de fournir de l'aide financière aux participants, et elle sera également reconnue comme étant la nouvelle autorité déléguée aux termes de l'actuelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour ce qui est de la tenue d'évaluations environnementales, lesquelles seront de la même qualité qu'auparavant, mais s'effectueront dans le cadre d'un processus simplifié.

Le président : La CCSN est-elle assujettie à la LCPE?

M. Caron : Non, elle est assujettie à une loi distincte, à savoir la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, adoptée en 1995. En anglais, l'organisme de réglementation et la loi qui le régit ont le même acronyme. À mes yeux, l'existence de la CCSN et de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires démontrent que la tenue d'évaluations environnementales de qualité supérieure, la méthode selon laquelle sont menées ces évaluations environnementales et la nécessité de tenir des évaluations environnementales valables avant que des décisions importantes soient prises dans le secteur de l'énergie ou à d'autres égards sont des questions qui sont prises au sérieux par notre pays. Il est tout à l'avantage du Canada de disposer d'une institution et d'une loi qui exigent qu'une évaluation environnementale en bonne et due forme soit menée avant que tout projet d'envergure ne soit entrepris.

L'adoption de la Loi d'exécution du budget aura simplement pour effet de simplifier l'administration de l'ensemble de ce processus. En outre, cela se traduira par des économies en réduisant ce que j'appellerai respectueusement le fardeau administratif; nous conserverons le même processus, mais nous permettrons à nos ressources limitées de se concentrer non pas sur le processus, mais sur son contenu. Au pire, la qualité des évaluations environnementales demeurera la même qu'auparavant, mais il est possible qu'elle s'améliore, et que nous parvenions à mener ces évaluations plus rapidement et à moindre coût.

Le président : Vous avez deux autres diapos à nous présenter?

M. Caron : Non, une seule. Avec cette dernière diapo, intitulée « Vers un avenir énergétique prometteur », je tente simplement, monsieur le président, de dire que, selon moi, le comité mène une étude importante, car il essaie, à mes yeux, de définir à quoi ressemble la réussite. Au risque de me répéter, j'affirmerai de nouveau que je suis d'avis que la durabilité passe par l'intégration au sein d'une même vision d'avenir des questions environnementales, économiques et sociales.

Il est trop facile d'affirmer que l'on a d'excellentes idées à formuler en matière d'environnement ou en matière d'économie. N'importe qui peut faire cela. Ce qui est difficile, c'est d'envisager l'avenir du Canada en tenant compte de façon globale du marché de l'emploi, de la qualité de l'environnement et des programmes sociaux, trois secteurs interreliés. Pour tenir de bonnes évaluations environnementales et pour créer et soutenir des programmes sociaux qui fournissent de l'aide aux gens qui en ont besoin, nous avons besoin d'argent et d'une économie prospère. Je soutiens que le secteur énergétique fait partie intégrante de cet avenir, et que l'intégration est une composante essentielle du secteur énergétique. Je vous enjoins de continuer d'étudier les mesures qui nous permettront de réaliser cet objectif.

Je sais que le comité n'a pas l'habitude de s'amuser à distribuer les reproches, mais ceux qui le font se contentent d'affirmer : « Cette énergie n'est pas propre » ou bien « Vous n'en faites pas assez ». Je n'adresserai pas de reproches à ceux qui passent leur temps à le faire, car cela signifierait que je me laisse prendre à leur jeu, mais j'avance que, si nous mettons l'accent sur des mesures concrètes, nous pourrons faire progresser le Canada. Je vous demande de soutenir les institutions qui sont continuellement à la recherche de façons d'améliorer leurs processus. J'espère que vous constaterez que l'Office national de l'énergie est l'une de ces institutions. À mes yeux, nous devons faire porter nos efforts sur la recherche de solutions, et placer la durabilité au centre de nos prétentions. Je vous félicite de votre travail.

Monsieur le président, il y a tant d'autres choses que j'aurais pu dire, mais j'ai probablement déjà dépassé le temps qui m'était alloué pour ma déclaration préliminaire. J'ai un vilain défaut : je me laisse gagner par l'enthousiasme dès que l'on aborde les questions faisant l'objet de la présente étude. Je salue votre travail. L'Office national de l'énergie sera ravi de contribuer à vos travaux de quelque manière que ce soit. Nous n'avons pas d'énormes ressources, mais nous pouvons peut-être vous aider, dans la mesure de nos modestes moyens.

Le président : Nous avons écouté attentivement. Plus tôt, vous étiez assis derrière les représentants de Statistique Canada pendant que ceux-ci présentaient leur exposé, et nous avons remarqué que vous aviez signifié votre accord en hochant vigoureusement la tête lorsqu'ils ont dit que vous étiez expert en matière de réserves d'énergie. Comme vous l'avez mentionné, il y a un bon nombre de sujets que vous n'avez pas abordés durant votre exposé, parmi lesquels les réserves d'énergie. Je tiens à le souligner au cas où l'un ou l'autre de mes collègues serait intéressé à approfondir cette question. Je cède la parole au vice-président, le sénateur Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Caron. Je pense que nous partageons votre enthousiasme. Vous avez dit que l'Office national de l'énergie sera probablement appelé à réglementer les pipelines dans les cas où ceux-ci, comme vous l'avez précisé, traversent une frontière interprovinciale. Est-ce à dire que tout pipeline servant au captage du carbone situé à l'intérieur d'une seule et même province sera réglementé par la province en question?

M. Caron : En règle générale, les choses se passent ainsi, sénateur. Toutefois, des exceptions peuvent s'appliquer lorsqu'un pipeline est situé entièrement sur le territoire d'une province, mais qu'il fait partie intégrante d'un réseau interprovincial, comme, par exemple, le gazoduc TransQuébec et Maritimes, le gazoduc TQM. Ce gazoduc est situé entièrement au Québec, mais il fait partie du réseau de pipelines de TransCanada. L'Office national de l'énergie réglemente le gazoduc TQM parce qu'il fait partie intégrante du réseau de TransCanada. Le fait que l'Office national de l'énergie soit l'organisme de réglementation de ce gazoduc est logique, et contribue au bon fonctionnement de la fédération canadienne.

Comme vous l'avez dit, sénateur Mitchell, la règle générale s'applique si le pipeline est situé dans une seule et même province et s'il s'agit d'un pipeline de CO2. On propose actuellement la construction de pipelines de ce genre. Au pays, il y en a beaucoup. J'en ai dressé une liste, que j'ai sous la main; elle n'est pas complète, mais ceux que j'ai répertoriés sont tous assujettis à une réglementation provinciale, sénateur.

Le président : Vous avez parlé d'un pipeline de CO2?

M. Caron : Je vous demande pardon. J'emploie des termes d'ingénierie. Le dioxyde de carbone est le produit que l'on injecte dans le sol pour faire le captage et le stockage du carbone.

Le sénateur Banks : Il y a un pipeline de ce genre qui part du Dakota du Nord et se rend jusqu'à Weyburn.

Le président : Je comprends cela, mais ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de pipelines que l'on qualifie spécifiquement de pipelines de dioxyde de carbone.

M. Caron : Je vous présente mes excuses— j'ai utilisé la formule chimique du dioxyde de carbone, à savoir CO2. Dans notre milieu, nous désignons souvent le dioxyde de carbone par sa formule chimique, mais ce dont il s'agit, c'est d'un pipeline de carbone.

Le sénateur Mitchell : D'aucuns font valoir qu'il est dangereux de tenter de séquestrer le dioxyde de carbone ou de l'utiliser aux fins de la récupération assistée des hydrocarbures. On soutient que le dioxyde de carbone ne peut être stocké, mais il me semble que cela va à l'encontre de l'intuition directe —il est lourd, mais il est conservé sous pression. Toutefois, il est également vrai qu'il remplace le gaz qui se trouve à cet endroit depuis des milliards d'années. Quelle est votre évaluation du danger? L'avez-vous évalué?

M. Caron : L'Office national de l'énergie n'a pas effectué d'évaluations indépendantes. Cela nous ramène à ce que nous disions plus tôt à propos des compétences. Nous savons que des autorités provinciales compétentes s'occupent de cette question.

Cependant, mon impression globale, c'est que le débat sur cette question se poursuit, et j'estime qu'il est sain que nous tenions ce débat. Je crois qu'il est bien que les citoyens s'expriment à propos des questions qui les préoccupent. J'estime également qu'il est bien que les entreprises, les gouvernements et les organismes de réglementation donnent suite à ces préoccupations au meilleur de leurs capacités.

Étant donné que la plupart des projets en sont toujours à l'étape de la conception, et que nous ne disposons toujours que d'un faible nombre d'installations de ce genre qui soient prêtes à fonctionner, j'estime que le moment est parfaitement bien choisi, dans la mesure où les connaissances scientifiques relatives à un stockage sécuritaire et les dimensions des installations commerciales évolueront probablement dans la même direction, à savoir celle de la réalisation d'un résultat sociétal qui convienne à tous.

Je ne crois pas qu'on puisse contrer la tendance. On peut avoir une certaine incidence sur elle, par exemple, au chapitre du taux de croissance d'une entreprise. C'est la réponse que je peux vous fournir, sénateur Mitchell. Je ne possède pas le savoir qui ferait de moi une personne qualifiée pour clore le débat. Il s'agit d'un débat valable, et je crois qu'il sera mené à bonne fin.

Le sénateur Mitchell : Deux graphiques que vous nous avez présentés mentionnent le charbon : le graphique de la diapo 4, qui fournit une vue d'ensemble de la demande d'énergie et le graphique de la diapo 6, où l'on peut voir la quantité de charbon utilisé pour la production d'électricité comparativement aux autres sources d'énergie.

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Ce qui me frappe, c'est que, dans le graphique de la diapo 6, la quantité de charbon utilisée semble ne pas vraiment diminuer d'ici 2020 — on constate une réduction digne de mention, mais pas vraiment considérable —, alors que dans le graphique de la diapo 4 la réduction de la quantité de charbon qui sera utilisée d'ici 2030 semble beaucoup plus importante.

Cependant, si l'on ne réduit pas la quantité de charbon utilisée dans les centrales thermiques alimentées au charbon — de fait, il ne semble pas y avoir de réduction notable à ce chapitre —, à quoi peut-on attribuer la réduction que l'on peut voir dans le graphique de la diapo 4? Pouvez-vous nous fournir une quelconque explication raisonnable?

M. Caron : Je comprends tout à fait votre question. J'aimerais pouvoir vous fournir une réponse immédiatement. Je m'apprêtais à mettre cela sur le compte de l'échelle du graphique, mais je ne peux pas m'en tirer comme ça.

Le sénateur Mitchell : La bande s'amincit au bout du graphique; elle est beaucoup plus mince qu'elle ne l'est au début.

M. Caron : Comme vous l'avez laissé entendre ave votre question, j'ai l'impression qu'une bonne partie du charbon consommé aujourd'hui est utilisé aux fins de la production d'électricité. Par conséquent, je ne peux répondre à votre question à ce moment-ci. Plutôt que de former des hypothèses, je vais demander à mes employés de se pencher là- dessus, et je transmettrai la réponse à Mme Gordon.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que ma question précédente. Le ministre Prentice a récemment annoncé qu'il souhaitait que les centrales au charbon délaissent le charbon au profit du gaz naturel — je n'ai pas de détails à vous fournir à propos de cette annonce ni de la manière dont M. Prentice entend réaliser cet objectif. Lorsque j'examine le graphique portant sur la production d'électricité, il me semble que très peu de changements vont se produire. Cela s'explique-t-il par le fait que ce graphique ne tient pas compte de l'annonce faite par M. Prentice?

M. Caron : Je peux vous assurer que l'annonce dont vous parlez n'a pas été prise en considération. Ce graphique a été réalisé il y a quelque temps déjà, à partir des connaissances sur lesquelles s'entendent l'industrie et le milieu universitaire. Ce graphique ne rend compte d'aucun changement de politique. Tendanciellement, à mesure que cette vision se concrétisera, nous pouvons nous attendre à ce que la bande s'amincisse davantage, toutes choses étant égales par ailleurs — et nous savons que ce n'est pas le cas.

Je vais me répéter, mais l'une des choses que j'ai apprises à propos des prévisions au cours des 30 dernières années, c'est qu'elles sont toutes erronées, mais qu'elles peuvent nous donner une idée vraisemblable de l'avenir. Le graphique dont nous parlons est un bon exemple — les prévisions qui y figurent sont déjà dépassées.

Tendanciellement, la bande s'amincira davantage, et quelque chose d'autre prendra l'espace laissé vacant. Si l'on tient compte des valeurs canadiennes et de l'éventuel établissement d'un prix pour le carbone au cours des quelques prochaines années, il est à prévoir que les sources d'énergie propres occuperont, au fil du temps, plus d'espace que les autres, toutes proportions gardées...

Le sénateur Mitchell : Cela est révélateur.

M. Caron : ... et c'est dans cette direction que nous voulons aller.

Le sénateur Mitchell : J'ai remarqué que le gaz de schiste ne figure pas dans ce graphique, et que, selon le graphique de la diapo 4, la demande de gaz naturel ne connaissait essentiellement aucune variation. Le graphique ne semble pas indiquer que l'importance du gaz de schiste pourrait s'accroître, mais cela pourrait être le cas. Si le graphique ne rend pas compte de cette possibilité, est-ce que cela est dû, là encore, au fait que vos données ne sont pas à jour?

M. Caron : Dans ce cas précis, si le gaz de schiste n'est pas mentionné, c'est effectivement parce que les données de ce graphique ne sont plus à jour, et aussi parce qu'il est un peu tôt pour savoir clairement ce que l'avenir nous réserve en ce qui concerne le gaz de schiste. Je vais confirmer ce que les représentants de Statistique Canada vous ont dit, même s'ils parlaient principalement du présent : je ne modifierai pas ces renseignements. C'est pour cette raison que j'ai suivi avec intérêt votre échange avec les représentants de Statistique Canada.

Monsieur le président, d'après mon langage corporel, vous avez saisi que je voulais vous parler du gaz de schiste. En 2009, selon nos estimations, le Canada a produit environ un demi-GPIC de gaz de schiste par jour. Pour vous donner un ordre de grandeur, le Canada produit actuellement 14 milliards de pieds cubes de gaz naturel par jour. La production décroît pour diverses raisons de nature tant géologique qu'économique — il est difficile de dissocier ces deux facteurs.

En 2009, un demi-GPIC de gaz de schiste étaient produits chaque jour au Canada. Selon les données recueillies par notre personnel auprès de personnes s'intéressant à l'avenir du gaz de schiste, en 2012 — la première année pour laquelle je dispose de données —, la production de gaz de schiste pourrait être cinq fois plus importante qu'en 2009, à savoir deux GPIC par jour. C'est dans le bassin sédimentaire de l'ouest du Canada et sur l'île de Sable que l'on produit du gaz de schiste. Dans ces régions, la production d'énergie sans gaz de schiste a tendance à diminuer en raison notamment de facteurs géologiques.

En 2020, d'après ces mêmes prévisions, la production de gaz de schiste pourrait s'élever à 4,3 GPIC par jour. Pour les personnes intéressées à savoir comment se répartit cette production, mentionnons que la majeure partie du gaz de schiste est produite en Colombie-Britannique — dans la formation de Horn River et celle de Montney. En Alberta, dans la région de Duvernay et dans le groupe de Colorado, on pourrait produire 60 MPIC de gaz de schiste par jour. Au Québec, dans les schistes d'Utica, la production pourrait s'élever à 100 MPIC par jour.

Ces chiffres sont fournis à titre d'indication générale fondée sur un consensus — je ne peux garantir la validité de l'une ou l'autre de ces prévisions. Toutefois, la chose à retenir, c'est que, en 2020, la production de gaz de schiste pourrait être 10 fois plus élevée qu'elle ne l'est actuellement, à savoir 0,5 GPIC par jour. Pour vous donner un ordre de grandeur, 4,3 GPIC par jour, cela représente la quantité de gaz naturel qui sera transportée par le pipeline de la route de l'Alaska, s'il est construit. Il s'agit d'énormes quantités potentielles.

Divers facteurs influeront sur cette production. Je n'adhère pas nécessairement au point de vue selon lequel l'ensemble de la production de gaz — hormis la production de gaz de schiste — connaîtra une décroissance spectaculaire. Il est difficile de savoir ce que le secteur en amont sera intéressé à investir non seulement dans le domaine du gaz de schiste, mais également dans le domaine des gaz plus traditionnels.

Les gens qui veulent creuser et faire des travaux de prospection géosismique agiront en fonction du prix du gaz. Nous ne savons pas quel sera ce prix. Étant donné le prix actuel, à savoir 4 $ le KPIC, le millier de pieds cubes, je ne suis pas certain que le marché a une idée claire de l'avenir du gaz naturel. J'espère que cela répond à votre question.

Le président : Ainsi, GPIC signifie milliard de pieds cubes, et KPIC signifie million de pieds cubes.

M. Caron : Non, KPIC signifie millier de pieds cubes. S'il est question de millions de pieds cubes, on dit MPIC.

Le président : Avez-vous dit que, d'ici 2012, la production de gaz de schiste serait cinq fois plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui? Ai-je bien compris?

M. Caron : Comme cela vous intéresse, je vais vous fournir des chiffres plus précis. En 2009, selon les chiffres que j'ai sous la main, la production canadienne était de 428 millions de pieds cubes par jour.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous dit que nous produisions 500 000 millions de pieds cubes en ce moment, ou récemment?

M. Caron : Non, en 2009, nous produisions 428 millions de pieds cubes par jour, mais j'ai changé subitement de façon d'exprimer cette quantité, puis j'ai parlé de 0,4 ou de 0,5 GPIC, à savoir des milliards de pieds cubes par jour. Il s'agit d'un facteur de 1 000.

Ensuite, j'ai dit que la production sera cinq fois plus élevée en 2012 puisque le chiffre exact dont je dispose — n'oubliez pas qu'il s'agit d'une prévision — est de 1 982 MPIC par jour, c'est-à-dire 1 982 millions de pieds cubes par jour. En 2020, on prévoit que la production sera de 4 320 MPIC par jour.

J'observe le secteur de l'énergie depuis 30 ans, et le gaz de schiste est l'une des plus agréables surprises dont j'aie été témoin. Il y a quelques années, on parlait beaucoup du méthane de houille, puis, par la suite, on l'a un peu délaissé, même s'il représente toujours une part appréciable de la production gazière.

À présent, on dit que le gaz de schiste va changer la donne. On a de bonnes raisons de le croire, dans la mesure où personne n'avait prévu son apparition. Si l'on en produit aujourd'hui, c'est en grande partie en raison de la technologie — le forage horizontal —, et aussi en raison d'une conjonction favorable des planètes. C'est tout ce que jeux dire pour expliquer cela.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que la production de un BTU d'énergie à partir de charbon produit davantage de gaz à effet de serre que la production de la même quantité d'énergie à partir de gaz naturel, de gaz de schiste ou de pétrole? Est-ce que la production de un BTU d'énergie à partir d'un combustible fossile produit la même quantité de gaz à effet de serre, quel que soit le combustible fossile utilisé? Nous savons que le gaz naturel est une énergie plus propre à d'autres égards.

M. Caron : La réponse est non, en raison de la composition chimique du combustible. Le gaz naturel est constitué principalement de méthane, dont la composition moléculaire est non pas CO2, mais CH4, un atome de carbone et quatre d'hydrogène. Plus la molécule est complexe, plus l'entité moléculaire est grosse et plus elle est en mesure de produire davantage que la simple énergie que l'on considère que le méthane peut produire. Je dirais que, sur le plan environnemental, la production de un BTU d'énergie à partir d'hydrocarbures produit davantage de gaz à effet de serre que la production d'une quantité semblable d'énergie à partir de gaz naturel, et c'est la raison pour laquelle ce dernier est perçu favorablement. Vu le prix actuel du gaz naturel, je ne suis pas certain que les effets environnementaux sont pris en considération. On peut affirmer, sans trop craindre de se tromper, que les États-Unis, par exemple, voudront prendre des mesures à l'égard de la production d'électricité au charbon. Je ne sais pas quand ils le feront, et je ne sais pas quel genre de courage il faut avoir pour s'attaquer à cette question, mais si nous croyons à la durabilité, si nous croyons que le monde entier peut s'améliorer en intégrant les considérations d'ordre social, économique et environnemental, alors force est de constater que le gaz naturel est destiné à jouer un rôle marginal dans l'avenir, marginal par rapport à d'autres molécules d'hydrocarbures prometteuses et plus complexes. Comme je l'ai dit lorsque je vous ai présenté mon premier graphique, celui qui nous donnait l'heure juste sur la situation, d'ici 2030, nous devrons utiliser toutes les sources d'énergie dont nous disposons. Ce que nous devons faire c'est de réduire l'empreinte environnementale d'un hydrocarbure chaque fois que nous avons l'occasion de le faire. C'est ce qu'on fait dans le secteur du pétrole et du gaz. On y investit des sommes considérables pour réduire l'empreinte environnementale de certains types d'exploitations, notamment celle de l'exploitation des sables bitumineux. Chaque jour, on utilise moins d'énergie que la veille pour produire une quantité semblable d'énergie. Bien sûr, nous devons également faire tout ce que nous pouvons pour créer un climat favorable aux investissements dans les sources d'énergie renouvelables. La route sera longue, nous devrons faire preuve de patience, et je suggère que nous concentrions nos efforts sur la recherche de solutions plutôt que de perdre du temps à déclarer que telle ou telle source d'énergie est plus ou moins propre que telle ou telle autre.

Le sénateur Banks : Je vais pour ainsi dire glisser en douce une question concernant le volet de vos activités qui touchent à la réglementation. Il s'agit d'un domaine qui m'intéresse personnellement. Mon oncle par alliance est originaire de l'Oklahoma. Il est venu s'installer au Canada, et il a créé une entreprise d'extraction de tuyaux de puits et de pipeline, ou poursuivi les activités d'une telle entreprise qui existait déjà. J'ai travaillé pour lui pendant un certain temps, puis, par la suite, j'ai obtenu un emploi d'été pour Northwestern Utilities. Il s'agissait d'un emploi lié à la sûreté et à la sécurité des pipelines du réseau de collecte près de Tofield, en Alberta, réseau qui alimente le système national. Évidemment, j'ai fait connaissance avec les agriculteurs et les éleveurs propriétaires des terres sur lesquelles passaient ces pipelines. Un peu plus tôt, vous avez parlé de la réglementation des conditions entourant la cessation d'exploitation d'un pipeline. Il arrive parfois qu'un pipeline doit cesser ses activités. Tous les pipelines fuient d'une façon ou d'une autre. Lorsqu'un pipeline est laissé à l'abandon, cela provoque une dégradation de l'environnement. À qui incombe la responsabilité en matière d'intendance? Par la force des choses, l'intendance des terres incombe aux agriculteurs et aux éleveurs. Est-ce que les propriétaires fonciers qui possèdent des terres sur lesquelles passe un pipeline qui a été abandonné sans qu'on leur demande leur avis — ils peuvent avoir leur mot à dire quant aux conditions entourant le passage du pipeline et l'ampleur de l'indemnité qui leur sera versée pour l'utilisation de leurs terres, les droits de passage, et ainsi de suite — seront laissés à eux-mêmes et devront assumer les coûts liés à la cessation d'exploitation du pipeline, aux fins de le laisser en place ou de l'enlever, selon la détermination dont fait preuve le propriétaire foncier?

M. Caron : Sénateur Banks, l'un des merveilleux résultats de notre Initiative de consultation relative aux questions foncières, c'est que nous avons écouté les points de vue des propriétaires fonciers, des éleveurs, des agriculteurs et de l'industrie, et nous avons nous-mêmes exprimé notre façon de voir les choses, et à l'issue de ce processus, il est devenu évident que la responsabilité dont vous parlez incombait à l'industrie. L'industrie a affirmé qu'elle devait s'acquitter de certaines responsabilités avant de pouvoir cesser d'exploiter un pipeline. L'industrie assume les responsabilités relatives à la remise en état des terres où se trouve le pipeline. Je ne me rappelle pas les termes exacts. Le rapport final de l'Initiative de consultation relative aux questions foncières dit tout cela dans une langue rigoureuse.

À titre d'organisme de réglementation, l'Office national de l'énergie estime avoir une autre responsabilité : nous n'autoriserons pas la cessation d'exploitation d'un pipeline tant que, d'une part, l'entreprise propriétaire du pipeline ne nous aura pas assuré qu'elle a fait tout ce qu'elle devait faire, mais également, d'autre part, tant que nous n'aurons pas mené une évaluation indépendante pour nous assurer que l'entreprise a bel et bien fait tout ce qu'elle devait faire. Sénateur Banks, je ne peux pas vous garantir, ce soir, que cet engagement fera en sorte qu'aucune poursuite au civil ne sera intentée dans l'avenir. Les tribunaux seront appelés à trancher cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que le secteur de l'énergie et l'Office national de l'énergie se sont engagés à ce que les terres soient remises dans leur état d'origine. Je ne me rappelle plus de la formulation exacte, mais il s'agit essentiellement de ce que nous avons affirmé. J'espère que cela répond au moins partiellement à votre question.

Le sénateur Banks : Oui, mais si on laisse de côté les poursuites éventuelles — selon moi, elles seront exceptionnelles —, selon votre réglementation, est-ce que le propriétaire du pipeline doit prendre en charge tous les coûts liés au processus de remise en état des terres après la cessation de l'exploitation d'un pipeline?

M. Caron : J'ai omis de répondre à ce volet de votre question. Un autre merveilleux résultat de notre Initiative de consultation relative aux questions foncières, c'est que nous avons décidé d'instaurer un processus financier comparable à celui qui est en place au sein de l'industrie nucléaire, processus selon lequel l'entreprise propriétaire d'un pipeline doit mettre de côté, au fil du temps, l'argent nécessaire à la remise en état. Nous avons mené une consultation au sujet de ce processus tout récemment. À l'heure actuelle, nous en sommes au point où des ateliers techniques sur les hypothèses de base sont tenus. Il s'agit d'un domaine complexe. Nous sommes en train de faire cela — nous examinons la question pour la première fois. Nous avons commencé à le faire il y a environ un an et demi. Il s'agissait de l'un des quatre volets de notre Initiative. Je ne vous dirai pas que tout cela est définitivement réglé, mais à force de détermination et de résolution, nous avons réussi à faire en sorte que ce processus se concrétise, à savoir que des sommes soient déposées dans un compte en fiducie ou quelque chose du genre de manière à ce que les entreprises qui doivent cesser d'exploiter un pipeline disposent des ressources financières nécessaires pour assumer les coûts liés à cette cessation d'activité, le tout sous notre surveillance.

Le sénateur Banks : Je ne veux pas avoir l'air d'insister, mais si je suis un propriétaire terrien, je n'aurai pas à assumer le moindre coût pour ce qui est de la remise en état des terres?

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Neufeld : Merci de ces précieux renseignements. J'ai le plus grand respect pour votre organisation, avec laquelle j'ai beaucoup collaboré en Colombie-Britannique.

Je veux aborder la question de la délégation de pouvoirs en matière d'évaluation environnementale. Je sais que vous avez mené des évaluations environnementales dans le passé, mais à présent, les choses vont un peu plus loin : la responsabilité relative à la tenue d'évaluations environnementales vous a été déléguée. Vous effectuerez l'évaluation environnementale, et après cela, il n'y en aura pas d'autres. Votre évaluation sera définitive. Pouvez-vous nous garantir que l'ACEE ne pourra pas, comme elle l'a fait dans le passé, décider qu'elle a besoin de renseignements supplémentaires et que l'évaluation doit être reprise? J'espère que, lorsque vous aurez parachevé votre évaluation environnementale, le dossier sera clos.

En outre, j'ai tenté de convaincre le ministre du fait que les provinces devraient se voir accorder le même pouvoir, et que les évaluations environnementales provinciales devraient primer sur les évaluations fédérales si elles sont de qualité égale ou supérieure. À ce jour, je n'ai pas réussi à convaincre le ministre ou l'ACEE de déléguer ce pouvoir aux provinces, mais au moins, il a été délégué à l'Office national de l'énergie. Pouvez-vous me dire avec certitude que les évaluations environnementales menées par l'Office national de l'énergie seront finales et définitives? J'ai vu trop souvent le contraire dans le passé.

M. Caron : Nous ne connaissons pas encore les détails entourant cette délégation de responsabilités. La première étape, c'est l'adoption de la Loi d'exécution du budget. Je ne veux pas présumer de ce qui se passera par la suite. Ce que je prévois, c'est que la décision quant à la voie qu'il convient d'emprunter, celle de l'ACEE au sein de l'Office national de l'énergie — sera prise tôt au cours du processus. Ce que j'escompte, c'est que la décision quant à la voie qu'il convient d'emprunter — celle de l'ACEE ou celle de l'Office national de l'énergie — sera prise tôt au cours du processus. Ainsi, si l'Office national de l'énergie se voit déléguer la responsabilité dans tel ou tel cas — et je crois qu'il en ira ainsi dans la vaste majorité des cas —, nous soumettrons directement l'affaire au Cabinet pour obtenir la réaction du gouvernement à l'égard de la proposition, puis nous étudierons la demande de certificat de commodité et de nécessité, si une telle demande est soumise.

Je suggère que, si l'Office national de l'énergie commence une évaluation environnementale, il puisse la terminer, et que nous soyons assujettis au même processus de validation que celui auquel nous nous sommes toujours soumis aux termes des dispositions législatives, à savoir une validation auprès du gouverneur en conseil pour obtenir une réaction du gouvernement à l'égard de la proposition. À mon avis, il n'y a aucun risque que l'Office national de l'énergie mène une évaluation environnementale pour ensuite se faire dire par une autre instance que cette évaluation laisse à désirer. Dans certains cas, il peut être préférable qu'une commission procède à un examen conjoint plutôt que de s'en remettre au seul pouvoir de l'Office national de l'énergie de mener une évaluation. Je ne peux pas en dire plus à ce sujet. J'ignore comment tout cela va se traduire dans les faits. Toutefois, il y a une chose que je peux dire aux investisseurs et aux promoteurs : si l'office entreprend de mener une excellente évaluation environnementale, il mènera à bien cette tâche.

Le sénateur Neufeld : Si je comprends bien, c'est le ministère qui décidera quelle voie empruntera l'évaluation environnementale.

M. Caron : C'est exact, au stade initial.

Le sénateur Neufeld : Je vais observer tout cela attentivement, et j'espère que les choses iront en ce sens, au moins à l'échelle interprovinciale. Nous verrons ce qui va se passer.

J'aimerais vous poser une question à propos du Bureau de gestion des grands projets, dont vous avez un peu parlé. J'étais membre d'un gouvernement lorsque ce bureau a été créé afin de faire progresser d'énormes projets en Colombie- Britannique — projets qui, je dois le préciser, en sont presque tous encore au point mort. Il y a environ 50 projets en cours au Canada; 25 sont en cours en Colombie-Britannique, et ils ne progressent toujours pas.

Quel est votre rôle au sein du Bureau de gestion des grands projets? Ces projets concernent habituellement des mines situées à l'intérieur d'une seule et même province — il ne s'agit pas de projets qui enjambent une frontière. Pouvez-vous m'expliquer la relation entre votre organisation et ce bureau?

M. Caron : L'Office national de l'énergie est simplement l'un des collaborateurs du Bureau de gestion des grands projets, ayant participé à l'instauration au sein du Bureau d'une culture de gestion de projets. L'Office national de l'énergie possède déjà une telle culture, qu'il met en application dans le cadre de ses propres activités. Nous sommes fiers de respecter la plupart de nos normes de service. Dans nos rapports annuels, nous indiquons, sénateur Neufeld, le temps qu'une personne peut prévoir attendre entre la fin d'une audience et le moment où nous lui signifierons notre décision.

Ce temps risque d'être plus long lorsque diverses organisations dépendent les unes des autres — l'Office national de l'énergie, le ministère des Pêches et des Océans, Transports Canada et d'autres ministères. Grâce à la culture qu'il a créée, le Bureau de gestion des grands projets a plus que jamais le désir de travailler en équipe.

Pour répondre à votre question, l'Office national de l'énergie a participé à l'étape de conception du BGGP. Nous étions de chauds partisans de sa création, et nous souhaitions ardemment qu'il fonctionne bien. À cette fin, nous avons mis notre personnel à contribution. Nous avons vu croître le BGGP. À présent, nous considérons qu'il a atteint au moins l'adolescence; il ressemble à un adulte, et il est capable de créer d'excellentes conditions pour la gestion de projets.

À présent que nous en sommes davantage à un stade opérationnel, nous sommes présents à la table lorsqu'un projet réglementé par l'Office national de l'énergie est présenté. Par exemple, le projet d'oléoduc Northern Gateway est dans la mire du BGGP. Lorsqu'une demande est soumise — nous nous attendons à ce que cela se produise incessamment —, le compte à rebours est lancé. L'Office national de l'énergie — tout comme les autres intervenants — devra s'acquitter de ses responsabilités en vue de respecter les normes de qualité et les délais qui auront été fixés dans le cadre d'un accord relatif à un projet.

Vous avez raison. De nombreux projets n'ont aucun lien avec l'Office national de l'énergie, et dans ces cas-là, nous nous abstenons de participer aux discussions.

Le président : Pouvez-vous nous dire quelles sont les autres organisations représentées au sein du BGGP?

M. Caron : Tous les ministères et toutes les agences du gouvernement fédéral qui participent à des projets miniers.

Le sénateur Neufeld : Ce sont toutes des organisations fédérales. On a créé le BGGP pour qu'il s'occupe d'un arriéré de grands projets. La plupart de ces grands projets en attente étaient situés — et le sont toujours — en Colombie- Britannique, mais il y en avait également ailleurs. On semble incapable de mener à bien l'évaluation environnementale. Je m'abstiendrai d'en dresser la liste, mais il existe de multiples facteurs qui ont ralenti les choses pendant des années, et qui continuent de ralentir les choses. Ce bureau a été créé à Ottawa pour accélérer ce processus. Je suis heureux que ce bureau existe pour prodiguer des conseils quant à la façon dont le processus devrait se dérouler.

Je veux dire quelques mots à propos des pipelines et de ce qui arrive aux agriculteurs qui possèdent des terres où passe un pipeline. Je connais bien cette situation, et j'ai tenté d'y remédier. Même si les travaux sont bien exécutés, il y a une dégradation des terres. Nous pouvons le constater dans les champs des agriculteurs. Il n'y a qu'à examiner ce qu'il advient d'un champ ensemencé pendant les dix premières années, voire davantage, suivant la construction d'un pipeline. Il y a un agriculteur dans la salle qui pourrait nous en parler. Il faut beaucoup de temps avant qu'une terre où un pipeline a été construit soit rétablie. Même si le constructeur du pipeline retire la couche arable avec le plus grand soin et qu'il la remet par la suite, le pipeline crée une chaleur qui n'était pas là auparavant et qui a une certaine incidence sur la croissance des végétaux. En outre, le territoire est perturbé. Il s'agit d'un énorme problème.

Je présume que vous collaborez étroitement avec les provinces, notamment l'Alberta, la Saskatchewan et la Colombie- Britannique, sur la question des pipelines et de leurs répercussions sur les propriétaires fonciers. Vous organisez et menez vous-même vos propres consultations, ce qui est formidable, mais j'aimerais savoir si vous intégrez certaines connaissances que possèdent ces provinces au moment de vous occuper de ces problèmes.

Au début des années 1990, un pipeline a été construit. Il s'étend de Fort Saint-Jean à Chicago. Je ne me rappelle plus du nom de ce pipeline.

M. Caron : C'était celui d'Alliance Pipeline.

Le sénateur Neufeld : Merci. L'Office national de l'énergie était responsable de ce pipeline.

M. Caron : Oui, c'est exact.

Le sénateur Neufeld : Avant que je ne quitte la province, des gens des collectivités agricoles venaient me voir pour se plaindre du fait que les terres endommagées avaient davantage été remises en état en Alberta qu'en Colombie- Britannique, et ces gens communiquent toujours avec moi pour formuler des plaintes à cet égard. Il n'est peut-être pas inutile que je vous informe du fait que ces gens de ma province d'origine sont perplexes lorsqu'elles entendent l'Office national de l'énergie affirmer : « Laissez-nous nous occuper de cela — nous allons surveiller tout cela. »

Je ne veux pas me montrer négatif. Je tente seulement de vous aviser du fait que ce problème existe. L'agriculteur m'a amené sur ses terres au cours des cinq dernières années et il peut me montrer ce qui s'est passé.

M. Caron : Merci, sénateur. Je suis au courant de la situation dont vous parlez.

Le président : Certains sénateurs se sont demandé si j'allais assermenter le sénateur Neufeld à titre de témoin. Vous pouvez peut-être confirmer ou infirmer l'exactitude de son témoignage.

M. Caron : Je peux confirmer que l'établissement de relations entre les sociétés d'exploitation de pipeline, les propriétaires fonciers et l'Office national de l'énergie est une œuvre en cours d'élaboration. L'Office national de l'énergie est le premier à reconnaître l'existence de cette situation, et je crois que les sociétés d'exploitation de pipeline la reconnaissent aussi. Le dialogue n'est pas terminé.

En ce qui concerne les provinces, l'Initiative de consultation relative aux questions foncières était un processus ouvert et public en tous points. Les provinces ont été invitées à y prendre part; certaines ont accepté de le faire, et d'autres ont considéré que cela n'était pas une priorité pour elles. Je ne me souviens plus dans quelle mesure la Colombie-Britannique a participé à l'initiative, mais elle a été invitée à le faire. Cette initiative était un processus ouvert.

Pour ce qui est des plaintes des propriétaires fonciers relatives à l'état insatisfaisant de leurs terres, l'une des améliorations que nous avons apportées concerne l'établissement de services téléphoniques directs destinés aux propriétaires fonciers. Ceux-ci sont encouragés à utiliser la ligne sans frais que nous avons créée. Notre fonction, du moins dans un premier temps, consiste à favoriser le dialogue. Les propriétaires fonciers qui ne sont pas satisfaits des réponses qui leur sont fournies peuvent passer à l'étape suivante, qui consiste à demander un règlement judiciaire du différend et une intervention.

Le sénateur Neufeld : Si vous voulez bien me remettre votre carte professionnelle, je la donnerai à l'homme dont je vous parle.

M. Caron : J'en serais ravi. Je ne le connais pas personnellement, mais il est probablement connu de l'organisation que je représente.

Suis-je heureux des progrès que nous avons réalisés? Non. Est-ce que je pense que nous pouvons faire mieux? Oui. Vais-je baisser les bras? Non, jamais.

Le président : Nous allons maintenant entendre le point de vue des agriculteurs.

Le sénateur Brown : Merci, monsieur. Je veux poser une question à propos du graphique de la diapo 3, qui indique que d'ici 2030, la part des combustibles sans carbone passera d'environ 13 p. 100 à 32 p. 100, une augmentation de 19 points de pourcentage, pour ainsi dépasser les combustibles fossiles. Ma lecture de ce graphique est-elle correcte?

M. Caron : Non. Je vous remercie de me poser la question. En fait, ce graphique n'est pas clair. La ligne pointillée se rapporte à l'axe vertical de droite, qui indique la proportion des besoins énergétiques mondiaux qui seront comblés par les combustibles sans carbone. La ligne pointillée atteint 33 p. 100. C'est ce que je tentais de dire. En 2030, le tiers de nos besoins énergétiques totaux seront comblés par des combustibles non fossiles.

Pour répondre à votre question, la croissance des combustibles sans carbone est indiquée par la ligne du bas, celle qui commence à 2 000. Les chiffres de cet axe sont fournis en MTep, en millions de tonnes d'équivalent pétrole.

Le sénateur Brown : D'après mes calculs, il s'agissait d'une croissance de 19 points de pourcentage.

M. Caron : Nous passons de 2 000 à 4 000 environ — il s'agit donc d'une croissance de 100 p. 100. Ce scénario englobe l'énergie nucléaire.

Le sénateur Brown : Je comprends. C'est la question que je voulais vous poser. Quels sont les combustibles considérés comme des combustibles sans carbone? Cette catégorie englobe l'uranium, le nucléaire, l'énergie éolienne et l'hydroélectricité.

M. Caron : La catégorie des combustibles sans fossile comprend également l'hydroélectricité.

Le sénateur Brown : Cela clarifie les choses.

M. Caron : La ligne pointillée dans le haut du graphique représente les combustibles fossiles. Cette vaste catégorie comprend notamment le charbon, le gaz naturel, le pétrole et les produits pétroliers.

Le sénateur Brown : Je suis l'agriculteur du comité, et à ce titre, j'appuie les propos tenus par le sénateur Neufeld. Cela me semble tout de même curieux : les seules canalisations qui ont été construites sur mes terres agricoles sont des canalisations d'eau — il s'agissait de tuyaux de plastique d'un diamètre de dix pouces servant à alimenter mes systèmes d'irrigation par pivot central. Nous avons nous-mêmes creusé les terres avec une excavatrice pour installer ces canalisations, puis nous avons procédé au remblayage. Pendant des années, ces terres ont été plus fertiles qu'elles ne l'étaient avant l'installation de ces canalisations.

Le sénateur Neufeld a raison de dire que les terres sur lesquelles ont été construites des pipelines transportant des sources d'énergie sont moins fertiles qu'elles ne l'étaient auparavant, peu importe la façon dont la couche arable a été replacée. J'ignore pourquoi les canalisations de transport de combustible sont nuisibles et les canalisations d'eau ne le sont pas, mais il s'agit d'une différence que j'ai pu observer et je possède plus de 25 ans d'expérience dans le domaine de l'irrigation.

M. Caron : Nous entendons aussi des histoires de ce genre. Je ne saurais vous dire combien de fois cela est arrivé. À de nombreux endroits, les terres se sont relativement bien remises de ces travaux de construction, mais on entend beaucoup moins parler de ces histoires de réussite que de celles concernant des agriculteurs ayant, à juste titre, des préoccupations. Notre tâche consiste à écouter tout le monde.

Le sénateur Brown : Est-ce que certains membres de votre personnel sont formés pour défendre le point de vue opposé à celui des agents fonciers? Pendant longtemps, mon épouse et moi avons coprésidé une campagne du collège Olds, lequel a commandé une grande étude sur la formation à offrir aux propriétaires fonciers pour qu'ils puissent négocier avec les compagnies pétrolières. Avez-vous, au sein de votre organisation, des employés dont la tâche consiste à aider les agriculteurs à défendre le point de vue opposé de celui des agents fonciers?

M. Caron : Oui. Un certain nombre de nos employés ont reçu une formation relative au mécanisme approprié de règlement des différends — pour utiliser l'expression technique que je vous ai expliquée. Pour l'essentiel, ce mécanisme est axé sur l'acquisition d'une bonne capacité d'écoute et la recherche de solutions profitables à tous. Parfois, le propriétaire foncier et la compagnie pétrolière n'en sont pas à leur premier affrontement. Parfois, ce sont de petites lacunes sur le plan de l'écoute mutuelle qui empêchent l'établissement d'un consensus. Certains de nos employés ont reçu une bonne formation pour composer avec ces problèmes. Dans certains cas, ils y arrivent, et dans d'autres, ils n'y arrivent pas. Quand je l'ai dit, nous ne baissons jamais les bras.

Le sénateur Peterson : Merci, monsieur, de votre exposé. En ce qui concerne la sécurité énergétique, il est dit que la Loi d'urgence sur les approvisionnements d'énergie et la Loi sur les mesures d'urgence nous donnent les moyens de conserver nos approvisionnements d'énergie au pays en situation de crise nationale occasionnée par des pénuries, et cetera. Sous le régime de l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, pouvons-nous conserver ces approvisionnements d'énergie?

M. Caron : L'ALENA établit dans quelle mesure nous pouvons le faire. Vous faisiez référence à des lois, n'est-ce pas?

Le sénateur Peterson : Oui, au simple fait que des lois autorisent le gouvernement fédéral ou le Canada à conserver son énergie. D'après ce que je crois comprendre, sous le régime de l'ALENA, le Canada ne peut faire cela.

M. Caron : L'ALENA comporte des dispositions spécifiques à cet égard, mais je ne peux pas vous les citer. Ces dispositions énoncent la façon dont les approvisionnements doivent être répartis en cas de pénurie. Si je comprends bien — et je ne suis pas expert en la matière —, les dispositions de l'ALENA à ce sujet portent sur la façon dont un approvisionnement limité doit être réparti entre deux pays liés par un accord de libre-échange en cas de pénuries, lesquelles sont essentiellement des situations passagères. Cette répartition est fondée sur la façon dont les approvisionnements sont habituellement répartis.

Ces dispositions n'ont jamais été éprouvées, que je sache, au cours des 30 années que j'ai passées au sein de l'Office national de l'énergie, car le Canada est un pays libre échangiste, un pays ouvert, et cela rend forcément superflus les systèmes qui régissent la distribution de l'énergie entre le Canada et les autres pays. Un bon nombre de nos pipelines traversent les frontières de notre pays, et les entreprises sont promptes à réagir.

Par exemple, imaginons qu'une unité de compression explose, ce qui arrive rarement. Imaginons qu'une station de compression fonctionne mal, et que le débit d'un pipeline soit réduit de moitié. Immédiatement, partout en Amérique du Nord, les appels d'urgence seront effectués, et tout le monde s'entraidera pour faire en sorte que le pipeline recommence à fonctionner à sa pleine capacité.

En ce qui a trait à l'approvisionnement de molécules d'hydrocarbures, celles-ci proviennent de tant d'endroits différents qu'il est difficile d'imaginer qu'une crise puisse voir le jour sans que nous ayons pu l'anticiper. Là encore, le Canada a l'avantage de disposer d'une grande diversité de sources énergétiques, parmi lesquelles les hydrocarbures. Les sociétés d'exploitation de pipeline du pays ont appris à collaborer. Elles sont capables d'affronter la concurrence pour obtenir des parts de marché, mais en cas de problème ou en cas d'urgence, elles sont capables de collaborer au règlement d'une situation problématique passagère.

Je suis conscient du fait que je ne réponds pas parfaitement à votre question. Je ne suis pas capable de vous dire comment je réagirais s'il survenait un problème lié à l'ALENA. Je n'ai jamais eu à faire face à une telle situation. Toutefois, je sais où trouver les dispositions législatives pertinentes, comment intervenir rapidement et comment faire en sorte que toutes les lois du territoire soient observées.

Le sénateur Peterson : Si jamais nous menons une étude sur l'énergie au sens les plus larges, il nous faudrait examiner cette question et adopter une position à son égard. Cela pourrait avoir une incidence sur l'étude.

M. Caron : Je ne pense pas que l'Office national de l'énergie puisse faire cela à l'intérieur d'un cadre juridique, mais je peux valider cette information. Si cette question vous trotte dans la tête, vous devriez l'examiner.

Le président : Ce qui trotte dans sa tête, ce sont les réserves d'uranium.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je ne veux pas répéter les commentaires qui ont été faits. En tant que membre du comité, nous avons reçu plusieurs courriels de propriétaires mécontents. C'est un peu normal, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Une revue a même été créée et qui résume toutes les insatisfactions.

M. Caron : J'ai vu cette revue.

Le sénateur Massicotte : Vous devez être au courant. Comme vous dites, le défi est là et le travail est en cours.

J'aimerais revenir au tableau intitulé « World's Hydrocarbon Reality ». On remarque que le taux de combustibles à zéro carbone passe de 6 à 12 p. 100. En suivant la ligne noire, on voit que ce taux est maintenant à 30 p. 100. Comment peut-il augmenter à 31 p. 100 alors que la ligne verte n'est qu'à 12 p. 100? Où est l'autre 18 p. 100?

M. Caron : Je m'aperçois que mon tableau doit être amélioré, car ce n'est pas ce qu'on voulait communiquer. La ligne pointillée du milieu, entre les deux lignes, se réfère à l'échelle de droite, soit les pourcentages. En suivant la ligne pointillée, on voit qu'en 1990 le pourcentage des combustibles qui étaient zéro carbone était de 18 p. 100. En 2030, selon ce scénario, le taux s'élèvera à 33 p. 100.

Lorsque vous suivez les lignes solides continues, vous devez regarder à l'échelle de gauche.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez des lignes vertes et rouges de gauche.

M. Caron : Voilà. La ligne inférieure indique qu'en 1990 les combustibles à zéro carbone représentaient, en termes de satisfaction de la demande, environ 2 000 mégatonnes, en unité de pétrole équivalent. En l'an 2030, ces combustibles à zéro carbone représenteront 4 200 mégatonnes.

Le sénateur Massicotte : Ce taux de 4 200 représente le taux de combustible à zéro carbone en 2030.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, on parle de 10 000 pour les combustibles fossiles.

M. Caron : Exactement.

Le sénateur Massicotte : Mais les deux représentent 30 p. 100 en 2030?

M. Caron : Non. La ligne pointillée indique, par rapport à la ligne inférieure, le pourcentage du total.

Le sénateur Massicotte : Mais les deux sont à 30 p. 100 en 2030.

M. Caron : Non. Seuls les combustibles à zéro carbone sont à 30 p. 100. Il faut additionner les deux lignes pour obtenir la consommation globale d'énergie. Si vous additionnez les deux, vous obtenez le total. La ligne inférieure par rapport au total représente 33 p. 100. J'en conclus que ce graphique doit être amélioré afin d'être plus explicite. Je m'excuse de la confusion.

Le sénateur Massicotte : Votre mandat a pour but de vous assurer qu'il y a une équité entre les différents intervenants dans les secteurs. Avez-vous pour mandat de poursuivre ou de vendre une vision? Est-ce de vous assurer que les intervenants satisfont aux besoins?

M. Caron : Oui. Notre vision, c'est l'impartialité. Nous n'avons pas d'objectif autre que l'intérêt public. Puisque nous sommes un organisme quasi judiciaire en matière de droit et en termes de conscience, nous avons l'obligation d'avoir l'esprit ouvert jusqu'à la fin d'un débat.

En audience publique, lorsqu'on entend les groupes environnementaux, les propriétaires, les fermiers et les gens du secteur des affaires, notre devoir est d'écouter avec beaucoup d'attention pour bien comprendre l'opinion de gens. Lorsqu'on aura entendu le dernier mot de la plaidoirie finale, nous commençons à délibérer.

Le sénateur Massicotte : Avec votre comité?

M. Caron : La loi permet à trois personnes de prendre des décisions au nom de l'office.

Le sénateur Massicotte : Ces trois personnes font partie du comité composé de 12 membres?

M. Caron : La loi nous permet d'avoir neuf membres permanents et jusqu'à six membres temporaires. Nous avons présentement sept membres permanents et cinq membres temporaires. Avec ces gens nommés par le gouverneur en conseil, nous formons des groupes de trois personnes qui ont l'autorité légale de prendre des décisions au nom de l'office.

Le sénateur Massicotte : Ces membres temporaires et permanents viennent de quels secteurs? Est-ce que plusieurs proviennent de compagnies de pétrole et du domaine des consommateurs?

M. Caron : Le gouvernement a fait un excellent travail. Il a réussi à trouver des gens d'un peu partout au Canada qui ont des antécédents très variés. Nous avons des avocats, des spécialistes en environnement, des économistes, personnellement je suis ingénieur. Notre personnel est composé de 350 personnes qui ont des antécédents en ingénierie, en droit, en économie, en comptabilité et en finances. Notre mandat est très bien intégré.

[Traduction]

Le sénateur McCoy : Il s'agit peut-être d'un sujet dont vous avez parlé pendant que je me trouvais à l'extérieur de la salle et que j'encourageais les représentants de Statistique Canada à poursuivre leur travail en ce qui concerne les données, mais il me semble que vous avez parlé brièvement, pour l'essentiel, des pipelines interprovinciaux et internationaux et de leurs règlements, du moins en ce qui concerne les installations.

M. Caron : Oui, c'est exact.

Le sénateur McCoy : Délivrez-vous des permis d'exploitation?

M. Caron : Oui, sénateur. Si nous estimons qu'un projet est d'intérêt public, nous délivrons un certificat d'utilité publique.

Le sénateur McCoy : Ce certificat est-il renouvelable annuellement?

M. Caron : Il est valide pendant toute la durée de vie du projet.

Le sénateur McCoy : S'agit-il d'un certificat d'exploitation ou d'un certificat énonçant que la société peut commencer l'exploitation? Surveillez-vous l'exploitation du pipeline?

M. Caron : Sénateur, l'Office national de l'énergie doit s'acquitter de responsabilités durant l'intégralité de ce que nous appelons le cycle de vie du projet. Nous réglementons, dans une certaine mesure, la façon dont une société doit s'y prendre pour consulter le public avant même de pouvoir nous soumettre une demande de permis et de certificat. Grâce au processus d'audiences, nous alimentons le débat public à propos du projet. Nous conservons la compétence dans les cas où nous approuvons le projet et, par conséquent, nous surveillons et contrôlons la construction des installations. Nous surveillons les activités des sociétés, à savoir les aspects de ces activités qui sont liées à la sécurité, à l'environnement et à l'économie, et nous surveillons activement la cessation d'exploitation de ces pipelines de manière à ce que les terres soient remises dans un état correspondant à leur état d'origine.

Le sénateur McCoy : En ce qui concerne la transmission d'électricité, avez-vous pris des mesures en vue de réglementer les échanges d'électricité entre les provinces?

M. Caron : Non, nous ne l'avons pas fait. Notre mandat est clair : nous réglementons les lignes internationales de transport d'électricité. Nous réglementons 1 400 kilomètres de lignes de transport d'électricité, comparativement à 71 000 kilomètres de gazoduc et d'oléoduc.

Selon la Loi sur l'Office national de l'énergie, l'office réglemente les lignes interprovinciales de transport d'électricité désignées par le gouverneur en conseil, mais en 51 ans, cela n'est pas arrivé une seule fois.

Le sénateur McCoy : Nous parlons donc de lignes internationales. Est-il exact de dire que les lignes internationales sont ces lignes orientées nord-sud et qui partent du Québec, du Manitoba et de la Colombie-Britannique?

M. Caron : Oui, sénateur. En fait, je dirais qu'elles sont orientées sud-nord et nord-sud, dans la mesure où les échanges d'électricité s'effectuent dans les deux sens — les deux pays profitent de l'ouverture des frontières.

Le sénateur McCoy : Que réglementez-vous exactement? Est-ce que vous réglementez la construction, l'exploitation et la cessation d'exploitation, si une telle chose se produit?

M. Caron : En ce qui concerne les lignes de transport d'électricité, notre pouvoir de réglementation est comparable à celui dont nous disposons en ce qui concerne les pipelines, à l'exception du fait que nous ne réglementons pas les droits et les tarifs. Dans le cas des pipelines, nous réglementons les droits qu'une société d'exploitation de pipeline peut exiger de ses expéditeurs — cela est énoncé à la partie IV de la loi. Aucune disposition législative équivalente n'existe pour ce qui est des lignes internationales de transport d'électricité.

Le sénateur McCoy : Comment les produits d'exportation sont-ils réglementés? L'électricité est peut-être réglementée de façon différente que les autres produits. Auparavant, vous délivriez des permis d'exportation de pétrole et de gaz. Délivrez-vous encore ces permis?

M. Caron : Nous le faisons toujours. De nos jours, la majeure partie des échanges sont des échanges à court terme, et, par conséquent, nous réglementons de façon souple. L'exportation à court terme de gaz, d'électricité ou de pétrole s'effectue selon une procédure normalisée, et il incombe à ceux qui sont opposés à l'exportation d'intervenir, mais il est difficile de concevoir qu'une telle intervention pourrait survenir puisqu'il s'agit d'une exportation à court terme.

Quant aux exportations à long terme, selon la Loi sur l'Office national de l'énergie, nous avons toujours l'obligation d'exiger d'un exportateur qu'il obtienne un permis. Le style de réglementation applicable à chacun des trois produits a été quelque peu modifié, mais pour ce qui est de l'exportation, le fait de détenir un permis représente un atout non négligeable, dans la mesure où le titulaire du permis dispose d'une plus grande certitude quant à sa capacité de faire des exportations durant une longue période. Cependant, le processus d'acquisition d'un permis d'exportation à long terme est plus substantiel que celui qui permet d'obtenir un permis d'exportation à court terme; des considérations plus vastes en matière d'intérêt public sont examinées, principalement en ce qui concerne l'accès équitable au marché et la réglementation fondée sur les plaintes, et la nécessité de veiller à ce que les Canadiens se voient accorder la même possibilité que les Américains — dans le cas des échanges entre le Canada et les États-Unis — d'obtenir des services à des conditions semblables.

Le sénateur McCoy : Avant, vous déterminiez la quantité de ressources et de réserves disponibles avant de délivrer un permis pour l'exploitation de ces ressources et réserves.

Le sénateur Lang : Ma première question fait suite à celle du sénateur Neufeld concernant les évaluations environnementales et le fait que l'Office national de l'énergie disposera d'une responsabilité hiérarchique bien définie. Est-ce que des délais seront fixés dans le cadre de ces audiences? Est-ce que les délais seront fixés par règlement de manière à ce que les promoteurs doivent les respecter, ou seront-ils laissés à la discrétion des promoteurs et des autres intervenants, et fixés en fonction du type d'installation ou de projet énergétique?

M. Caron : Nous ne le savons pas encore. Notre intention, c'est que les processus de l'Office national de l'énergie soient substitués aux autres. Je peux affirmer que, dans le cadre de l'initiative du BGGP, nous comparons chaque mois la durée effective des projets à la durée prévue aux termes de l'accord relatif au projet. Tout grand projet fait l'objet d'un accord dans le cadre duquel chaque agence et chaque ministère responsable s'engagent à prendre un certain nombre de mesures.

Depuis de nombreuses années, l'Office national de l'énergie rendait compte, de son propre chef, à propos de ses normes de service. Par exemple, dans le cas d'une audience publique sur un projet de pipeline, notre norme de service énonce que, huit fois sur dix, nous communiquons notre décision — et les motifs connexes — dans les trois mois suivant la fin de l'audience.

J'ignore si cette norme deviendra une exigence législative. J'ignore ce que le Parlement souhaite faire à cet égard, et je ne pense pas que le Parlement se penche actuellement sur cette question. Je ne peux donc pas vous en dire davantage à ce sujet.

Le sénateur Lang : Je voulais savoir si les délais pourraient être fixés par règlement. Nous entendons tous parler depuis longtemps du gazoduc du Mackenzie, et, pour autant que je sache, aucune décision définitive n'a été prise ou ne sera prise. Cette situation me préoccupe, et je tiens à faire savoir que, selon moi, des délais que tous les intervenants seraient tenus de respecter devraient être fixés par règlement. Aujourd'hui, l'homme à la tête de l'entreprise est peut- être un bon gars, mais que se passera-t-il lorsque quelqu'un d'autre prendra sa place?

Je veux également aborder la question des réserves. Selon vos prévisions, d'ici 2030, la demande d'énergie augmentera d'au moins 20 p. 100.

M. Caron : Il s'agit de la demande énergétique mondiale.

Le sénateur Lang : Oui. De toute évidence, nous souhaitons profiter de cette augmentation. Vous pourriez peut-être nous donner un aperçu des réserves dont nous disposons et continuerons de disposer pour l'exportation et la consommation nationale. Vous pourriez peut-être également dire un mot à propos des réserves potentielles dans l'Arctique.

M. Caron : À titre d'ingénieur, sénateur, je vous parlerai de la quantité de combustible qui circule dans nos pipelines et que nous fournissons aux marchés. En réponse aux questions du sénateur Mitchell, j'ai parlé précédemment du gaz de schiste. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit à ce sujet. Nos réserves de gaz naturel sont assez grandes pour répondre aux exigences canadiennes pendant un très long moment. Actuellement, nous produisons chaque jour 14 milliards de pieds cubes de gaz naturel. Le gaz de schiste changera la donne. D'après ce que l'on peut constater et selon les prévisions d'avenir, le Canada possède le gaz naturel dont il a besoin pour des décennies. Proportionnellement, toutes choses étant égales par ailleurs, les exportations aux États-Unis représentent environ la moitié de notre production actuelle de 14 milliards de pieds cubes par jour. Cette quantité diminuera proportionnellement. Je ne crois pas que toutes choses seront égales par ailleurs. Si l'utilisation de gaz naturel augmente par suite de choix environnementaux pris par la société, les ressources vont se raréfier, et le prix va augmenter. Davantage de personnes voudront investir dans le forage et les travaux de prospection sismiques, et davantage de gaz sera découvert. Il est difficile, du point de vue économique, de définir exactement la quantité de ressources contenues dans le sol, car les technologies, les signaux du marché et les entrepreneurs étant ce qu'ils sont, on réussira à trouver d'autres ressources si le prix est avantageux.

En ce qui concerne le pétrole, les chiffres sont quelque peu différents, mais comparables. À l'heure actuelle, en arrondissant un peu, le Canada a suffisamment de réserves pour produire trois millions de barils de pétrole par jour, y compris le pétrole issu de l'exploitation des sables bitumineux, qui représente environ la moitié de cette quantité, à savoir 1,5 milliard de pieds cubes par jour. Si nous nous projetons dans l'avenir, nous pouvons prévoir que nous continuerons à produire autant de pétrole, voire davantage, et que la proportion de pétrole provenant des sables bitumineux s'accroîtra.

Le sénateur Lang : Est-ce que cette quantité doublera?

M. Caron : C'est possible. Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais je fournirai au à la greffière du comité des renseignements relatifs à la croissance anticipée du secteur des sables bitumineux.

Au Canada, la demande de pétrole est de 1,7 million de barils par jour. Nous produisons plus de pétrole que nous n'en consommons. Le Canada est extrêmement avantagé en ce qui concerne le pétrole et l'hydroélectricité. Nous exportons environ 1,8 milliard de barils par jour, et nous en importons 0,8 milliard, car il est plus avantageux économiquement pour l'Ouest du Canada d'exporter du pétrole et pour l'Est du Canada d'en importer. Les exportations nettes de pétrole s'élèvent à environ 37 p. 100.

Pour vous donner un ordre de grandeur, nous produisons environ trois millions de barils de pétrole par jour, alors que la production mondiale est d'environ 86 millions de barils par jour. Le Canada occupe donc une place enviable au sein des pays producteurs de pétrole, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un pays peu populeux. Par comparaison, les États-Unis voudraient produire 30 millions de barils par jour. Cela changerait complètement la donne sur le marché mondial.

Le président : J'aimerais tirer quelque chose au clair. Nous produisons trois millions de barils de pétrole par jour. Le Canada utilise et consomme 1,7 million de barils, et il exporte 1,8 million de barils. Cela donne un total de 3,5 millions de barils.

M. Caron : Nous importons également 0,8 million de barils. Les exportations nettes représentent 37 p. 100 de notre production.

Le président : De quels pays importons-nous du pétrole? Du Venezuela?

M. Caron : Nous importons du pétrole du Venezuela et d'autres pays.

Le sénateur Lang : Je veux poursuivre sur un autre sujet. Je ne sais pas avec certitude si l'Office national d'énergie joue un rôle dans ce secteur, mais nous avons évoqué plutôt la diversification de nos exportations. À l'heure actuelle, nous exportons aux États-Unis. Je présume que EnCana est le promoteur d'un projet de pipeline servant à l'exportation de pétrole.

M. Caron : Sénateur Lang, le promoteur du projet auquel vous faites allusion est Enbridge. Il s'agit du projet Northern Gateway, qui devrait nous être soumis d'ici un mois environ. Cet oléoduc servirait à transporter du pétrole sur la côte ouest en vue de son éventuelle exportation.

Comme ce projet ne nous a pas encore été soumis, je peux en parler — de fait, il m'est interdit de parler d'un projet qui fait l'objet d'un examen. L'Office national de l'énergie est prêt. Le ministre Prentice et l'Office national de l'énergie ont établi une commission conjointe pour écouter de façon méthodique — une collectivité à la fois — ce que les Canadiens ont à dire à propos du projet. Notre commission et notre équipe sont prêtes à passer à l'action. Cependant, aucune demande ne nous a encore été soumise. Pour ce qui est de la diversité des marchés, le rôle de l'Office national de l'énergie est d'évaluer les projets de pipeline pour déterminer lesquels devraient être approuvés, et ce, de façon équitable, dans l'intérêt public et après avoir écouté les Canadiens. C'est notre travail.

Le sénateur Banks : Pour faire suite à la question du sénateur Lang, pouvez-vous formuler une opinion ou nous indiquer votre position à propos de la valeur ajoutée? Nous exportons plus de pétrole brut que nous n'exportons de pétrole ou de produits pétroliers raffinés. Nous exportons du bitume en Chine et dans d'autres pays, où des emplois seront créés et où une valeur s'ajoutera au produit, qui sera vendu à un prix beaucoup plus élevé. L'intérêt national vous préoccupe. Ne croyez-vous pas que l'intérêt national serait mieux servi si nous exportions le produit fini, après l'avoir extrait et traité au pays? Cela coûterait plus cher, mais, dans l'intérêt national, ne devrions-nous pas cesser d'être des bûcherons et des porteurs d'eau et produire ici même, au pays, des produits à valeur rajoutée? Est-ce que cela relève du champ de compétence de l'office?

M. Caron : Avec votre question, sénateur Banks, vous avez très bien mis en évidence ce que l'on entend par « durabilité ». En 1959, avec l'assentiment du Parlement, M. Diefenbaker a créé l'Office national de l'énergie afin qu'il se penche sur toutes les questions qu'il juge pertinentes, et ce, de façon indépendante. L'office est considéré comme une organisation indépendante, et il doit se préoccuper de l'approvisionnement, des marchés, de la faisabilité économique et de tout autre facteur que ses membres jugent pertinent.

Dans le cadre de nos audiences, il est arrivé que l'on nous pose la même question que vous venez de me poser. Lorsqu'on demande à l'office d'approuver la construction d'un pipeline, on fait parfois valoir que l'approbation du projet permettra la création de nombreux emplois; l'office tient compte de ce facteur, et l'intègre à la décision qu'il rendra dans l'intérêt public. Un groupe formé de trois membres de l'office examine chaque demande au cas par cas en intégrant toutes les questions pertinentes. Il n'existe aucune réponse prédéfinie à la question de savoir s'il est bon ou mauvais pour le Canada d'autoriser des initiatives à faible ou à forte valeur ajoutée ou de permettre que des poursuites soient intentées au pays. Cette réponse fait partie intégrante de l'intérêt public. Nous ne disposons pas d'une telle politique, si c'est ce que vous voulez savoir. Nous devons nous présenter à chaque audience avec l'esprit ouvert, et nous devons écouter ce que les promoteurs, les syndicats et toutes les autres parties ont à dire à propos du projet. À la fin des audiences, nous remercions tous ceux qui y ont participé, nous nous consultons puis nous prenons une décision.

Le sénateur Seidman : Je veux poser une autre question à propos de l'électricité. Vous avez dit que chaque province réglementait son propre marché de l'électricité. Un témoin qui s'est présenté devant le comité a laissé entendre qu'une plus grande intégration du marché de l'électricité serait avantageuse pour les provinces. Par exemple, un ménage d'une province pourrait acheter son électricité dans une autre au prix du marché déréglementé.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la faisabilité de ce genre d'intégration des marchés provinciaux?

M. Caron : Il me semble qu'il s'agit là du rôle des institutions publiques comme l'Office national de l'énergie et ses équivalents provinciaux. Les organismes publics de réglementation, y compris la Régie de l'énergie du Québec, la Commission de l'énergie de l'Ontario et l'Office national de l'énergie doivent être plus précis. À titre d'organisme de réglementation n'intervenant pas dans le secteur de l'élaboration des politiques, notre fonction consiste à créer un environnement au sein duquel les investisseurs et les forces du marché peuvent évoluer. Si une plus grande intégration des marchés peut profiter au Canada, j'estime que l'organisme de réglementation doit être favorable à cela.

Comme je l'ai indiqué au sénateur Banks, si je ne m'abuse, je souligne au passage qu'un organisme de réglementation ne peut avoir une opinion prédéfinie quant à l'opportunité ou l'inopportunité d'un projet. Nous devons d'abord écouter ce que toutes les parties intéressées ont à dire — ce n'est qu'après que nous pouvons prendre position.

En ce qui concerne l'intégration des marchés, les organismes de réglementation, y compris celui que je représente, n'ont pas pour fonction de contrarier les décisions économiquement rentables prises par le marché. Le jour où la réglementation deviendra un obstacle à l'intégration, vous m'entendrez dire : « Houston, nous avons un problème. »

À ce moment-ci, je ne saurais vous dire, sénateur, si le niveau actuel d'intégration est attribuable à une réglementation déficiente ou excessive. La situation actuelle est peut-être due en partie aux lois naturelles de l'économie. Je ne suis pas certain que le marché n'aurait pas trouvé une façon de s'intégrer davantage s'il existait un moyen de le faire et si les organismes de réglementation avaient entravé cette intégration.

Il est possible que je me trompe, car l'office n'a pas d'activités dans le secteur du commerce interprovincial. Ainsi, je ne suis pas en train de formuler un avis sur la question de savoir si les organismes de réglementation doivent promouvoir ou freiner le commerce interprovincial. Néanmoins, j'estime que les organismes de réglementation doivent s'effacer lorsque le marché tente de trouver une solution en matière d'intégration.

Je suis d'accord avec la prémisse de votre question : l'intégration engendre presque toujours des gains, tant économiques qu'environnementaux, comme le démontre la théorie ou la notion des avantages comparatifs. J'espère, sénateur, que j'ai répondu, au moins dans une certaine mesure, à votre question.

Le président : C'était une bonne question. Le présent marathon tire à sa fin. Nous allons maintenant entendre l'honorable sénateur Dickson, d'Halifax.

Le sénateur Dickson : J'abandonne.

Le président : Non, vous disposez d'autant de temps que les autres. Votre nom figure à la fin de la liste, mais nous ne diminuerons pas le temps qui vous est accordé.

Le sénateur Dickson : Merci.

Je suis heureux que vous ayez soulevé la question de la durabilité. J'estime que c'est là-dessus que nous devons nous appuyer pour aller de l'avant. Il est dommage que le gouvernement ait mis autant d'années avant d'agir en ce sens.

J'ai tant de questions à poser que je ne sais pas par où commencer. Quoi qu'il en soit, il y a un aspect qui semble avoir été particulièrement négligé, à savoir celui de l'approvisionnement en ressources surtout en ce qui concerne le gaz à Terre-Neuve-et-Labrador. Est-ce que les chiffres dont vous disposez tiennent compte des réserves récupérables et des autres choses du genre? En outre, Banc Georges est resté en dehors de tout ça depuis un bon moment. Banc Georges refuse d'agir, et d'après ce que je crois comprendre, d'immenses réserves s'y trouvent. Cela nous amène à la partie inférieure du fleuve Churchill et à la manière dont cette ressource est exploitée. Tous ces facteurs sont interreliés.

Il y a une autre question sur laquelle j'aimerais que vous vous exprimiez. On trouve du gaz de schiste au Nouveau- Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

M. Caron : C'est exact. Il y a du gaz de schiste à ces endroits. Permettez-moi de vous dire que Terre-Neuve-et- Labrador — pour ce qui est du pétrole — et la Nouvelle-Écosse — pour ce qui est du gaz — tiennent une place de premier plan dans les scénarios que nous envisageons et les idées que nous présentons aux Canadiens pour l'avenir. Ces deux régions productrices d'énergie occupent actuellement une place quelque peu différente pour ce qui est de nos projets d'avenir, mais elles font toutes deux partie intégrante de nos projets d'avenir.

Fait intéressant, le pétrole produit au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador est expédié non pas par pipeline, mais par d'autres moyens. Nous ne portons pas d'attention particulière à ce qui se passe dans le secteur pétrolier à Terre-Neuve-et-Labrador, mais notre personnel communique continuellement avec les gens de la province et se tient au courant de l'évolution des choses. Les chiffres que nous présentons ont toujours été validés par des pairs et combinés à ceux établis par les personnes qui savent ce qui se passe.

Le gaz produit à l'île de Sable et dans le cadre des autres initiatives qui en sont au stade de la planification est transporté par pipeline. En ce qui concerne la question des pipelines, nous savons exactement de quoi il retourne. Bien sûr, à l'heure actuelle, la majeure partie du gaz transporté dans les pipelines provient de l'île de Sable, et on s'attend à ce que l'exploitation à Deep Panuke commence bientôt et qu'elle permette, au minimum, de compenser la baisse naturelle de la production de gaz naturel à l'île de Sable.

Nous gardons un œil sur ces projets, et vous avez raison : on ne connaît pas bien le potentiel de la région parce qu'il y a eu un certain ralentissement au chapitre de la prospection et de l'exploitation, du moins en ce qui a trait au gaz. Cependant, il faut également souligner qu'il s'agit de deux nouveaux bassins, et qu'il est normal, dans ces cas-là, que nous ne sachions pas trop à quoi nous en tenir. Toute cette histoire de gaz de schiste nous a pris par surprise, surprise agréable, je dois dire. Nous ignorons si l'avenir nous réserve d'autres surprises agréables en ce qui concerne les quantités de gaz naturel disponibles pour le commerce qui se trouvent en Nouvelle-Écosse et ailleurs dans la région. De par la manière dont elle a agi, la province de Terre-Neuve-et-Labrador nous a permis de constater à quel point les perspectives étaient encourageantes pour ce qui est de l'exploitation de cette ressource. C'est ce que je peux dire pour répondre à votre question, du moins pour le moment.

Je reconnais que mon graphique concernant le Nouveau-Brunswick, et de même celui qui concerne le Québec, comprennent des chiffres relatifs au gaz de schiste. Il y a si peu de temps que nous avons découvert le potentiel de cette région que je ne peux absolument pas vous dire quelle sera l'ampleur de la production de gaz de schiste. Cela dit, il vaut la peine de garder un œil là-dessus et de surveiller activement tout cela, de manière à ce que les gens sachent comment ces approvisionnements énergétiques transformeront ce secteur dans l'avenir.

Le sénateur Dickson : Ma deuxième question porte sur la mesure dans laquelle vous avez ou n'avez pas entièrement exercé d'autres pouvoirs de réglementation en ce qui concerne le pipeline extracôtier de l'île de Sable.

M. Caron : J'ai quelque chose à vous raconter à propos de ce pipeline.

Le sénateur Dickson : Allez-y.

M. Caron : Le cas de ce pipeline extracôtier est un bon exemple de coopération interprovinciale. Le processus a été enclenché par l'agence environnementale, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, au moins deux organismes de la province, l'Office national de l'énergie et une commission composée de cinq membres. Puis, après la tenue de l'évaluation environnementale, trois membres du conseil de l'Office national de l'énergie ont mené à bien la tâche, au- delà de l'évaluation environnementale. Il s'agit d'un exemple parfait de la manière dont la fédération canadienne peut fonctionner, en dépit d'une certaine incertitude sur le plan des compétences respectives des différents échelons de gouvernement.

En outre, le cas de Deep Panuke a été un bel exemple de partenariat entre l'OCNEHE, l'Office Canada-Nouvelle- Écosse des hydrocarbures extracôtiers, et l'Office national de l'énergie. Il existe divers points de vue sur la question de savoir qui a compétence relativement au pipeline extracôtier de Deep Panuke. L'OCNEHE et l'ONE aiment régler les problèmes. Un commissaire de l'OCNEHE a assisté à l'audience avec l'un des membres de notre conseil, nommé aux termes de l'article 15 de la loi, pour écouter les témoignages pour notre compte. Il s'agissait d'une audience parmi d'autres, et nous avons fait abstraction de ces incertitudes en matière de compétence.

Le sénateur Dickson : Avez-vous fixé le tarif pour ce qui est du pipeline extracôtier?

M. Caron : C'est une bonne question. J'imagine que nous avons peut-être autorisé le tarif aux termes de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la LOPC, mais je n'en suis pas tout à fait certain. Je vais vérifier cela.

En vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie, nous réglementons les droits et les tarifs. Cependant, j'ai un doute : je vais vérifier. Je m'engage de nouveau à fournir à Mme Gordon une réponse sur la question de savoir en vertu de quelle loi nous réglementons le pipeline extracôtier à ces deux endroits.

Le sénateur Dickson : Ma dernière question porte sur le transport interprovincial d'énergie, qu'il s'agisse des pipelines ou des lignes de transport d'électricité. Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, la Loi sur l'Office national de l'énergie comporte à présent une section à ce sujet; il s'agit d'une simple question de décret.

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Dickson : Ensuite, vous pouvez réglementer. Pouvez-vous nous dire pourquoi rien n'a été fait en plus de 50 ans?

M. Caron : Sénateur, j'imagine que cela n'a pas été nécessaire sur le plan opérationnel. Il s'agit d'un outil dont nous disposons, mais que nous n'avons pas utilisé.

Le sénateur Dickson : Croyez-vous que la raison tient à une question de besoin opérationnel, ou plutôt à l'évolution, au fil du temps, du climat politique?

M. Caron : Je l'ignore, car cela ne dépend pas de nous. Si on nous l'avait demandé, nous aurions répondu : « Certainement ». Nous aurions le pouvoir juridique de le faire, et nous aurions traité la question avec impartialité, comme nous le faisons dans le cadre de toutes nos autres activités.

Je ne peux rien présumer en ce qui concerne la raison qui explique l'absence de motivation, si vous préférez.

Le sénateur Dickson : J'aimerais formuler un commentaire.

Le sénateur Dickson : Je sais que le sénateur Mitchell et tous les gens de l'ouest du pays répondront la même chose, et qu'ils soient d'accord ou non avec moi, il s'agit de mon hypothèse : est-il vrai que, en ce qui concerne le premier pipeline, le gazoduc de l'Alberta, le premier ministre de l'Alberta ne voulait rien savoir du gouvernement fédéral? De même, d'autres provinces du Canada ne veulent rien savoir du gouvernement fédéral depuis à peu près 50 ans. Aujourd'hui, durant une réunion d'un autre comité, nous avons discuté des Postes, et quelqu'un a finalement dit : « Nous mettrons sur pied un groupe de travail, nous établirons des principes, nous examinerons la Loi sur les postes et nous vous reviendrons avec des idées en matière de gestion. Qui sait si cela ne débouchera pas sur de nouvelles dispositions législatives?

Si nous prenons en considération ce que le sénateur Banks a dit à propos des produits à valeur ajoutée, il viendra un temps — ou peut-être pas — où un nouveau président arrivera à la tête des États-Unis, et où quelqu'un devra se pencher sur les questions plus fondamentales de politique publique, et les politiciens seront jugés sur leurs réponses. Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus? Quelque chose doit se passer.

M. Caron : Mes commentaires nous ramèneront à ce que vous disiez à propos de l'Alberta Gas Trunk Line, l'AGTL, système qui fait encore aujourd'hui la fierté des Albertains, et que l'on peut comparer à Hydro-Québec. Pendant très longtemps, les universitaires et les observateurs du secteur de l'énergie affirmaient qu'ils ne savaient pas avec certitude si l'AGTL devait être réglementée par le provincial ou le fédéral. Rien ne s'est passé jusqu'à tout récemment, contrairement à ce qui s'est produit avec Alberta Government Telephones, AGT, durant les années 1980, situation que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes — représentant le gouvernement fédéral — et le gouvernement provincial ont mis sept ans à régler. Ce qui s'est produit avec AGT ne s'est jamais produit dans le secteur des pipelines en Alberta.

Je ne peux expliquer pourquoi, mais évidemment, il y a presque deux ans, TransCanada Pipeline — qui était propriétaire, à l'époque, de ce qui s'appelait alors AGTL, et qui s'appelle désormais le système Alberta ou Nova — s'est adressé à l'Office national de l'énergie pour que celui-ci reconnaisse le système Nova comme un système de nature fondamentalement fédérale puisque le principal pipeline de ce système relie la Saskatchewan et le Québec, en plus de transporter du carburant du nord au sud.

Il s'agit d'un exemple classique de la façon dont le monde fonctionne. Tout d'abord, nous ne cherchons pas à acquérir de nouveaux pouvoirs — cela ne fait pas partie de notre philosophie. Nous ne passons pas notre temps à affirmer que nous souhaiterions réglementer ceci ou cela. Nous tentons de faire en sorte que le système fédéral fonctionne en faisant preuve d'ouverture à l'égard des suggestions qui nous sont présentées, et, le cas échéant, nous les examinons de façon impartiale.

TransCanada Pipeline en a surpris plus d'un en demandant un important transfert de compétence relativement à quelque 20 000 kilomètres — je ne me souviens plus du nombre exact — de canalisations. Essentiellement, TransCanada Pipeline s'est adressée à l'Office national de l'énergie de la façon suivante : « En passant, nous voulons que ce système soit réglementé par le fédéral; y voyez-vous un inconvénient? » Les choses se sont déroulées de la manière habituelle : nous avons tenu une audience, nous avons écouté toutes les parties et toutes les préoccupations soulevées, mais cela n'a pas créé de grands remous. Je n'irai pas jusqu'à affirmer que cette audience s'est déroulée sans histoire, mais comparativement à ce qui s'est passé dans le cas de l'AGT, le service téléphonique en Alberta, j'ose dire qu'elle s'est déroulée sans encombres. Nous avons écouté tout le monde.

Si je me rappelle bien, cette audience a eu lieu entre telle et telle date en 2009, puis, le lendemain, l'Alberta Utilities Commission et l'Energy Resources and Conservation Board de l'Alberta nous ont dit : « Acceptez cette responsabilité. » Nous avons dit : « Merci beaucoup. » Quelques minutes plus tard, la réglementation fédérale était attribuée à l'Office national de l'énergie.

Cet exemple démontre la façon dont l'office traite les questions de nature constitutionnelle. L'office est une organisation pragmatique. Il donne suite aux demandes qui lui sont soumises. Il écoute ensuite toutes les parties de manière équitable. L'office tente, chaque fois qu'il le peut, de faire fonctionner le système fédéral en partenariat avec les provinces. La plupart du temps, il réussit à le faire.

J'espère que j'ai réussi à répondre en partie à votre question. Il s'agissait d'une vaste question, et je vous ai fourni une réponse partielle.

Le sénateur Massicotte : Nous avons parlé de l'importance du gaz de schiste. Selon vos prévisions, la production de gaz de schiste sera multipliée par 10. J'ai lu la semaine dernière dans je ne sais plus quel journal que le plus important fonds spéculatif américain du secteur pétrolier et gazier — fonds spéculatif qui fait des prévisions quant à tous les mouvements sur le marché pétrolier et gazier, prévoyait que le gaz de schiste allait se révéler être une déception parce que l'amortissement durant la première année peut atteindre jusqu'à 50 p. 100. Ce n'est que maintenant qu'on découvre cela.

Disposons-nous de données fiables en ce qui a trait à l'importance de cette ressource, ou en sommes-nous toujours à l'étape de la spéculation?

M. Caron : Il est intéressant que vous mentionniez cet article — j'ai lu la même chose que vous. Je vais être bref. J'estime que tout cela nous ramène à ma théorie selon laquelle toutes les prévisions sont erronées. Nous avons des raisons de croire que l'importance du gaz de schiste peut s'accroître. Le gaz de schiste a été une agréable surprise. Quant à savoir dans quelle mesure il aura une incidence sur l'importance du gaz conventionnel, et dans quelle mesure cette situation nous renseigne sur ce qui se passera avec les prix dans l'avenir, je ne saurais le dire. Nous ne savons comment expliquer ce qui se passe en ce moment avec le gaz naturel. Une partie de la réponse se trouve dans le ralentissement économique de l'an dernier, et on peut également évoquer la simple nature cyclique de l'industrie. Je travaille au sein de l'office depuis 31 ans, et pendant cette période, j'ai été témoin d'innombrables mouvements cycliques. Je trouve toujours intéressant d'entendre un point de vue comme celui exprimé dans l'article que vous avez mentionné, mais je demeure également sensible au point de vue opposé — je tente de garder l'esprit ouvert quant à la question de savoir quelle orientation prendra l'industrie.

À titre d'organisme de réglementation, l'Office national de l'énergie doit demeurer alerte, saisir les occasions d'activité à valeur ajoutée lorsqu'elles se présentent et garder l'esprit ouvert. Le gaz de schiste peut devenir très important au Québec. Ce matin ou hier, j'ai lu, dans le Globe and Mail, je crois, un article à propos de ce qui pourrait se passer entre Montréal et Québec. Nous ne possédons pas suffisamment de renseignements de nature géologique, comme c'est le cas, par exemple, en ce qui concerne l'île de Sable, sur la côte est. Il existe toutefois des signes prometteurs.

Le président : Sénateur, gardez-vous de la vente à découvert du gaz de schiste. Nous avons passé une soirée édifiante.

[Français]

Monsieur Caron, nous avons beaucoup apprécié votre comparution ce soir. Votre témoignage d'expert nous a beaucoup touchés.

[Traduction]

Nous avons apprécié cela. Vous nous avez proposé de revenir témoigner devant le comité, et je suis certain que nous accepterons votre offre. Nous ne sommes pas près d'avoir terminé notre étude. Nous apprenons à mesure que nous progressons. Votre contribution est très utile.

Collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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