Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 6 - Témoignages du 11 mai 2010
OTTAWA, le mardi 11 mai 2010
Le Comité sénatorial de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 18 h 7 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement.
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, honorables sénateurs et monsieur Gibbins. Il s'agit d'une réunion officielle du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Cette réunion devait débuter à 17 heures, mais a été retardée en raison des travaux qui avaient lieu dans la Chambre du Sénat. Je présente nos excuses aux témoins.
Nous sommes ici pour poursuivre notre étude sur le secteur de l'énergie et l'élaboration d'un cadre stratégique en vue de la mise en place d'une politique énergétique nationale.
Je suis le sénateur David Angus, du Québec. Sont présents ici aujourd'hui le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, vice-président du comité; Mark Leblanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur Fred Dickson, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta; Mme Lynne Gordon, greffière du comité; le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Dan Lang, du Yukon, le sénateur Paul Massicotte, du Québec, et le sénateur Judith Seidman, du Québec.
Monsieur Gibbins, il nous a été fortement recommandé de vous recevoir à titre de témoin. Si je ne m'abuse, vous avec suivi nos travaux.
M. Roger Gibbins témoignera par vidéoconférence depuis Calgary. Il est président-directeur général de la Canada West Foundation, un groupe de recherche sur les politiques publiques bien connus établis à Calgary et dont les activités s'étendent aux quatre provinces de l'Ouest. Avant de prendre les rênes, en 1998, de la Canada West Foundation, M. Gibbins était professeur de sciences politiques à l'Université de Calgary, où il a commencé sa carrière universitaire en 1973 et occupé un poste de directeur de département de 1987 à 1996.
Une nomination permanente en qualité de professeur à la faculté de sciences politiques lui permet de poursuivre son association avec l'Université de Calgary. M. Gibbins est l'auteur, le co-auteur ou le directeur de la publication de 22 livres et de plus de 40 articles et chapitres d'ouvrages traitant principalement de thèmes et de questions concernant l'Ouest canadien.
Monsieur Gibbins, je crois que vous connaissez Bruce Carson, qui a témoigné devant le comité. Si j'ai bien compris, vous n'avez aucune déclaration préliminaire à présenter, mais vous formulerez quelques observations improvisées à propos de ce que vous croyez comprendre de nos travaux. Vous nous direz ce que vous pensez de notre étude et de notre orientation. Nous aurons peut-être quelques questions à vous poser par la suite.
Roger Gibbins, président-directeur général, Canada West Foundation : C'est bien. J'ai quelques observations à vous présenter. J'ai sous les yeux un document rédigé de manière très schématique — je n'ai soumis au comité aucun document en bonne et due forme qui aurait pu être utilisé par les traducteurs, et je m'en excuse. Ma journée s'est passée de telle façon qu'il m'a été impossible de le faire.
Ma déclaration préliminaire sera brève. Je tiens à dire pourquoi j'en suis arrivé à la conclusion qu'il était essentiel que le Canada se dote d'une stratégie énergétique nationale. Je veux vous dire quelques mots concernant les moyens que nous avons pris pour tenter de lancer une conversation nationale. Je parlerai ensuite brièvement de la Loi canadienne sur la santé, et j'expliquerai en quoi cette loi peut contribuer à notre réflexion à propos d'une stratégie énergétique nationale. Tout cela ne me prendra que quelques minutes.
Je crois que vous connaissez tous la justification d'une stratégie énergétique nationale — il s'agit d'une question avec laquelle vous avez été aux prises d'une façon ou d'une autre. Je vais résumer cette justification en six brefs points.
Premièrement, l'absence de politique énergétique semble étrange eu égard à l'importance de l'énergie pour l'économie du pays. L'énergie revêt une importance telle pour nos exportateurs et pour le fonctionnement interne de l'économie que nous ne pouvons pas, selon moi, tolérer davantage l'absence de politique en la matière.
Deuxièmement, il est important que la politique énergétique ne soit pas qu'un résidu de ce que nous faisons à d'autres égards. Je crains que nous ne concentrions toutes nos énergies sur les changements climatiques, et que l'énergie soit reléguée au second plan. J'estime que l'énergie est une question beaucoup trop importante pour être traitée de cette façon.
Troisièmement, je suis d'accord avec la position du gouvernement du Canada selon laquelle il est important d'harmoniser la politique du Canada avec celle des États-Unis. Il est difficile de le faire puisque nous ne savons pas en quoi consistera la politique américaine. Cependant, il est encore plus difficile de procéder à une telle harmonisation lorsque nous ne savons pas en quoi consistera notre propre politique. À ce moment-ci, nous n'avons rien à harmoniser avec les Américains.
Quatrièmement, c'est une question d'échelle. Je ne suis pas certain qu'il soit raisonnable pour un pays de la taille du Canada d'avoir 14 politiques énergétiques fédérales, provinciales et territoriales différentes. Cela est tout à fait illogique si l'on considère que la population de l'Alberta est à peu près équivalente à celle du comté de San Diego. Ce qui est logique, c'est d'adopter une stratégie énergétique assortie d'un cadre national.
Cinquièmement, il faut mentionner une préoccupation qui a été soulevée par beaucoup de gens d'affaires, à savoir qu'une politique énergétique exagérément provincialisée aura pour effet de fragmenter davantage une union économique déjà rudement morcelée.
Enfin, sixièmement, il est important que les Canadiens de l'ouest du pays participent à cette discussion. Ils doivent en quelque sorte « tenir la plume », c'est-à-dire rédiger l'ébauche de la stratégie énergétique nationale.
Nous avons tenté de faire progresser cette conversation nationale d'un certain nombre de manières. Nous avons mené deux ou trois projets pour tenter de déterminer à quel point les Canadiens de l'Ouest étaient hantés par le fantôme du programme énergétique national. D'après ce que j'ai constaté, le spectre de ce programme plane davantage sur Ottawa que sur les salles de conférence de Calgary. Nous avons constaté que la nécessité d'une stratégie énergétique nationale semble aller de soi à un point tel qu'il est difficile de les mobiliser. Ils considèrent cette stratégie comme quelque chose d'essentiel.
Nous avons tenté de travailler au sein d'autres groupes de réflexion. Nous avons notamment participé à l'initiative dont Bruce Carson a parlé.
Avant que nous ne passions à la période de questions, il y a une dernière chose que j'aimerais dire. J'ai tenté d'avancer que la Loi canadienne sur la santé était un modèle duquel il serait utile de s'inspirer au moment de réfléchir à ce à quoi pourrait ressembler une stratégie énergétique nationale. La Loi canadienne sur la santé énonce un ensemble de principes directeurs qui tiennent en six mots. C'est à proprement parler incroyable. Les six mots en question sont les suivants : gestion publique, intégralité, universalité, transférabilité et accessibilité. Ces principes sont ensuite liés à l'administration provinciale du système de soins de santé au Canada.
La loi fonctionne bien. Je pense que nous pouvons nous en inspirer dans le cadre de notre réflexion à propos d'une stratégie énergétique nationale et demander aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'élaborer un ensemble de stratégies. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un certain rôle en ce qui concerne la supervision et le financement de la mise en œuvre dans les provinces et les territoires, et encourager la poursuite des objectifs énergétiques nationaux. Je crois que cela est possible.
Il s'agira d'une tâche ardue sur le plan des politiques, mais peu importe — l'ampleur de cette tâche n'est pas une excuse que peut présenter le gouvernement du Canada pour justifier son inaction.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Gibbins. J'ai lu Canada's Power Play : The Case for a Canadian Energy Strategy for a Carbon-Constrained World. Il s'agit d'un excellent rapport, et à titre de membre du comité, je l'ai trouvé encourageant parce qu'il traite exactement de la même question que celle sur laquelle nous nous penchons, à savoir les paramètres du cadre que nous tentons d'élaborer.
L'une des questions sur lesquelles vous mettez l'accent dans ce document — et que vous avez effleurée aujourd'hui — est celle de la compétence. L'importance que vous accordez à cette question met en évidence une bonne partie de l'objet de nos discussions et de nos réflexions puisque nous sommes préoccupés notamment par la question de savoir comment intégrer la stratégie fédérale nationale et celles des 13 provinces ou territoires.
Je suis intéressé par l'analogie que vous établissez avec la stratégie en matière de soins de santé. Vous avez mentionné les six mots sur lesquels était fondée cette stratégie — êtes-vous capable de nous dire les six mots que nous pourrions utiliser dans le cadre de la stratégie énergétique nationale et qui décriraient bien la manière dont seraient coordonnées les compétences du fédéral et des provinces? S'agit-il des six mêmes mots?
M. Gibbins : Je ne suis malheureusement pas capable de vous fournir les mots que vous me demandez, mais je peux vous dire que certains de ces mots, en ce qui concerne la politique énergétique, sont assez évidents, par exemple sécurité, efficience et conservation. Je crois que nous ne serons peut-être pas capables d'élaborer un modèle aussi succinct que celui de la Loi canadienne sur la santé, mais cette loi contient les principes fondamentaux dont nous tentons de nous inspirer.
Nous voulons un système sécuritaire, sûr, fiable et compatible avec les objectifs des citoyens canadiens en matière d'environnement, et un système qui reconnaît la particularité du Canada à titre d'exportateur net d'énergie, situation inhabituelle parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Le sénateur Mitchell : C'est exact, merci. Dans votre rapport, vous parlez d'une chose que j'ai trouvée intéressante, à savoir cette idée selon laquelle le gouvernement pourrait devoir contribuer à éduquer la population à propos de l'énergie et des changements climatiques. J'ai souvent dit que la réduction des émissions de carbone passe non pas tant par l'adoption d'une kyrielle de nouvelles stratégies que par la mise au point d'une nouvelle technologie qui aiderait les gens à comprendre que nous devons réduire les émissions.
D'après vous, quel rôle devrait jouer le gouvernement à cet égard, et à quel point les mesures qu'il prendra peuvent- elles être musclées?
M. Gibbins : Le gouvernement du Canada a joué récemment un rôle d'éducateur au moment de convaincre les Canadiens que les changements climatiques et le réchauffement de la planète étaient des questions auxquelles ils devaient s'attarder, même s'il faut souligner que le gouvernement ne l'a pas fait à l'origine. Cependant, j'estime que ce sont plutôt les Canadiens qui jouent le rôle d'éducateur, et le gouvernement du Canada qui joue le rôle d'élève.
Des initiatives d'éducation ont eu lieu. Rick Mercer a parlé du Défi d'une tonne, et beaucoup d'activités de relations publiques ont été tenues à propos de la conservation de l'énergie et de ce que nous pouvons faire à cet égard. À mon avis, ce qui nous manque, c'est une initiative qui ferait mieux saisir aux Canadiens la complexité et l'importance du système énergétique national lui-même, et le rôle que joue l'énergie au sein de l'économie du pays.
Il est important, par exemple, que les Canadiens soient conscients du fait que l'énergie représente 25 p. 100 de nos exportations au moment de réfléchir à ce que pourrait signifier pour notre pays dans l'avenir la conversion à une économie faible en carbone.
Le sénateur Mitchell : Vous avez fait allusion à la nécessité de fixer un prix pour le carbone. Il y a de nombreuses mesures que nous pourrions prendre, mais est-ce que la tarification du carbone constitue la première priorité, ou du moins l'une des premières priorités?
En outre, j'aimerais savoir si vous privilégiez une taxe sur le carbone ou l'instauration d'un système de quotas et d'échanges?
M. Gibbins : J'en suis arrivé, de mauvais gré, à une conclusion. Vous devez garder présent à l'esprit que je suis non pas un économiste, mais un politologue. Il s'agit d'une distinction importante.
Ma conclusion est la suivante : au bout du compte, toute solution fructueuse au problème des changements climatiques ira de pair avec une tarification du carbone. Ce qui m'a toujours préoccupé, c'est que nous instaurions des mécanismes de prix visant exclusivement la production de l'énergie — faisant fi de la consommation de l'énergie — et que les sommes générées par ces mécanismes soient redistribuées de façon inappropriée.
À mes yeux, il est tout à fait raisonnable d'instaurer une quelconque forme de taxes sur le carbone. Ce genre de taxe génère des recettes qui faciliteront la mise en œuvre d'une stratégie énergétique nationale, laquelle devrait être, selon moi, la plus simple et la plus transparente possible. Si les systèmes de quotas et d'échanges me rendent perplexe, c'est qu'ils sont extrêmement difficiles à comprendre, et qu'il est difficile d'analyser leur incidence sur l'économie et sur la redistribution régionale ou de faire des prévisions à cet égard. Si le carbone est un problème, taxez-le et laissez-nous faire fonctionner le système.
Le sénateur Mitchell : Il arrive souvent que nos discussions sur la stratégie énergétique nous mènent à la question de la distribution nord-sud de l'énergie et de l'électricité. Pourtant, à l'opposé, il y a cette idée selon laquelle nous devrions peut-être créer un réseau de distribution orienté est-ouest. Le principal argument contre la création de ce réseau tient aux coûts que cela supposerait. Vous êtes-vous penchés sur cette question?
M. Gibbins : L'idée d'un réseau de distribution orienté est-ouest est souvent évoquée, surtout lorsqu'il est question de l'intégration du Manitoba au sein d'un réseau régional ou national de distribution d'énergie. Au fil du temps, cette idée est devenue pour moi non pas plus claire, mais plus difficile à comprendre, et je ne crois pas posséder les connaissances ou l'expertise nécessaire pour en parler devant le comité. J'aimerais bien pouvoir le faire, mais je ne crois pas en être capable.
Le président : Avant de céder la parole au sénateur McCoy, j'aimerais porter à votre attention les propos qu'a tenus un témoin au cours de notre dernière réunion à propos d'un réseau de distribution d'énergie, au cas où vous n'en auriez pas eu vent. Richard Marceau, qui a enseigné à l'Université de Montréal, a parlé d'électricité et de la nécessité de tirer parti d'un réseau intelligent pour créer un système plus efficient. Il a indiqué que, à cet égard, au Canada, en raison de la façon dont les choses fonctionnent, les montagnes Rocheuses commençaient quelque part entre l'ouest de l'Ontario et la frontière Ontario-Manitoba. Cela vous semble-t-il logique? En d'autres termes, le réseau qui relie le Manitoba à la Colombie-Britannique fonctionne bien, et le réseau qui relie l'Ontario à l'est du pays fonctionne bien aussi, mais c'est le lien entre ces deux réseaux qui constitue le problème.
M. Gibbins : Je crois que cela est exact, même si un réseau qui relie le Manitoba à la Saskatchewan connaît également d'importantes difficultés. L'autre chose qu'il convient de garder présente à l'esprit, c'est que, selon toute probabilité, nos marchés primaires — notre potentiel de croissance énergétique — se trouvent au sud. Il n'y a pas énormément de demande sur le réseau est-ouest.
Ce qui pourrait stimuler les connexions est-ouest, ce sont les préoccupations relatives à la sécurité et à l'autosuffisance énergétiques. Ces deux aspects pourraient être importants, mais, pour le meilleur ou pour le pire, la demande sur le marché a tendance à se trouver au sud plutôt qu'à l'est ou à l'ouest, et cela, peu importe l'endroit où l'on se trouve au pays.
Le sénateur McCoy : Je suis ravie de voir que vous prenez part à ce qui est en train de devenir les débuts d'un dialogue national sur l'énergie. Je suis d'accord avec bon nombre de vos commentaires selon lesquels il est temps pour nous d'établir un consensus dans l'ensemble du pays.
Comme vous l'avez mentionné, je crois que votre domaine d'expertise concerne plutôt la gouvernance — comment nous nous gouvernons et comment nous pouvons créer un consensus au fil du temps au sein d'un système fédéral comme le nôtre. J'aimerais que nous nous penchions quelque peu sur cette question.
Au préalable, il y a un autre point dont nous devons tenir compte — il faut reconnaître que la complexité de la question de l'énergie tient au fait que chaque région dispose de ressources différentes. Par exemple, le panier d'énergies dont dispose le Québec — les ressources disponibles pouvant être exploitées — est considérablement différent de celui dont vous et moi profitons en Alberta.
Vu cette diversité régionale et le système fédéral dans lequel nous évoluons, que pouvez-vous nous dire d'éclairant à propos des moyens que nous pourrions prendre pour établir un consensus national positif qui nous permettra d'aller de l'avant?
M. Gibbins : Vous avez indiqué combien il sera difficile d'en arriver à un consensus. Deux ou trois choses me viennent à l'esprit. Premièrement, ce consensus doit prendre sa source dans les provinces et les territoires.
Je ne suis pas en train de dire que l'initiative ne peut voir le jour à Ottawa. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de catalyseur, mais les gouvernements des provinces et des territoires doivent participer au débat sur les politiques, en raison non seulement de la complexité de ce débat, mais également du fait que les gouvernements, particulièrement ceux des provinces, ont de lourdes responsabilités et une énorme influence sur le plan constitutionnel à cet égard. Il s'agit du premier élément : il faut qu'un grand nombre d'intervenants participent aux discussions.
Deuxièmement — et je vais revenir à l'analogie avec la Loi canadienne sur la santé —, nous pouvons soutenir qu'une chirurgie de remplacement de la hanche se déroule à peu près de la même façon en Alberta et au Québec. Il existe peut- être quelques différences marginales pour ce qui est de la façon de procéder, mais ces différences sont accessoires. Ainsi, nous pouvons dire que nous disposons d'un système raisonnablement uniforme.
Quant au système énergétique, nous devons admettre qu'il est beaucoup moins uniforme. En ce qui concerne l'énergie, nous ne disposons jamais d'un ensemble de principes aussi contraignant pour les gouvernements provinciaux que ceux contenus dans la Loi canadienne sur la santé en ce qui a trait à l'administration du système de soins de santé. Cela est impossible en raison des différences que vous avez mentionnées.
Nous devons partir de ce fait et admettre que les différences font partie de la vie — nous composerons avec elles. Nous devons, dans un premier temps, pour faire en sorte que les provinces participent aux discussions, reconnaître ces différences et, dans un second temps, reconnaître que les provinces ont un véritable rôle à jouer dans l'instauration d'une certaine forme de cohérence nationale, surtout lorsqu'il est question de négocier avec les États-Unis.
Prises isolément, les provinces canadiennes ne font pas le poids face aux États-Unis. La Saskatchewan est un acteur important du secteur énergétique, mais sa population est équivalente à celle d'environ 650 villes dans le monde. Les provinces ne font pas le poids. Par conséquent, elles auraient avantage à s'unir pour élaborer une stratégie nationale englobant leurs propres intérêts et aspirations.
Le sénateur McCoy : Examinons plus avant cette question. Je sais que, au sein de la Canada West Foundation, vous vous intéressez depuis longtemps aux besoins et aux atouts des municipalités canadiennes — vous avez salué de nombreuses façons les initiatives et l'innovation locale en matière de politiques. Il pourrait être utile de réfléchir davantage au rôle que pourraient jouer les municipalités du pays; nous devrions examiner la façon dont elles pourraient prêter leur concours à une stratégie, mais également, peut-être, envisager la possibilité qu'elles en élaborent une qui pourrait porter plus particulièrement sur la manière dont nous utilisons l'énergie au pays. Il s'agit d'une idée que je lance, même s'il est peut-être un peu trop tôt pour le faire — nous en sommes au début du dialogue.
M. Gibbins : Les municipalités canadiennes font preuve d'une grande innovation sur le plan des politiques. Les gouvernements fédéral et provinciaux commettraient une terrible erreur en prenant des mesures qui étoufferaient d'une façon ou d'une autre la capacité d'innovation des administrations municipales. Nous ne voulons pas d'une stratégie qui paralyse les gouvernements provinciaux, et, de la même façon, nous ne voulons pas d'une stratégie qui paralyse les administrations municipales, car c'est à cet échelon que se manifeste l'innovation.
La question stratégique à laquelle nous devons répondre est la suivante : qui doit être présent, dans un premier temps, à la table de négociation? Le fait est que nous avons beaucoup de travail à faire aux échelons fédéral et provincial avant de penser à demander aux administrations municipales de participer au dialogue.
Le sénateur McCoy : Je vous encourage à rencontrer Peter Tertzakian et à bien comprendre tout ce qu'il avance. J'ai passé deux ou trois heures avec lui aujourd'hui. Il s'agit d'un résident de Calgary dont les livres ont été traduits en plusieurs langues. Le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, un admirateur de M. Tertzakian, a commandité — avec d'autres bailleurs de fonds du secteur énergétique — le dîner qui a eu lieu aujourd'hui.
Durant ce dîner, M. Terkzakian a signalé que, dans les faits, le Canada n'avait qu'un seul débouché international pour son énergie, à savoir le marché américain. Le plafonnement du marché et d'autres facteurs nous mènent à conclure que les États-Unis n'auront pas vraiment besoin d'importer davantage d'énergie canadienne — particulièrement du gaz naturel — parce qu'ils possèdent du gaz de schiste en abondance. En revanche, la Chine, la Corée et le Japon sont vivement intéressés par nos approvisionnements.
M. Tertzakian fait valoir que le Canada doit mieux comprendre où sont situés les marchés qui lui permettront de prendre de l'expansion et de demeurer prospère. M. Tertzakian a-t-il participé aux discussions que vous avez tenues?
M. Gibbins : Pour vous répondre en deux mots, je vous dirai que, selon moi, M. Tertzakian est le plus important penseur canadien en ce qui concerne la politique et l'évolution énergétiques du pays. Il tente de faire en sorte que l'accent soit mis non plus sur l'approvisionnement, mais sur la demande.
L'avertissement qu'il nous lance quant à la possibilité de la diminution de la demande provenant du marché américain doit être pris au sérieux. À l'heure actuelle, nous sommes prisonniers d'un marché continental. Cette situation a d'importantes conséquences sur les questions à long terme. Une stratégie énergétique nationale devrait donc mentionner, entre autres, les mesures que le Canada doit prendre pour diversifier ses débouchés en matière d'énergie.
Le sénateur Massicotte : Je vous saurais gré de nous dire ce que vous pensez de ce qui est en train de se passer aux États-Unis. De toute évidence, l'économie canadienne est intégrée à l'économie américaine. Par conséquent, nous devons tenir compte de ce que feront les États-Unis avant de déterminer de façon définitive ce que nous ferons.
Y a-t-il des choses que le Canada devrait entreprendre dès maintenant, sans attendre les États-Unis? La plupart des pays européens ont fait des progrès en ce qui concerne la mise au point de technologies et de pratiques permettant d'accroître l'efficience énergétique.
M. Gibbins : Je suis tout à fait d'accord avec l'opinion selon laquelle il y a un risque à attendre que les Américains agissent. Nous pourrions attendre longtemps. Il se pourrait que le cadre stratégique des États-Unis se révèle incomplet ou incompatible avec les intérêts du Canada.
J'estime qu'il y a deux ou trois choses que nous devons faire. Premièrement, le comité doit poursuivre ses travaux. Nous pouvons déterminer quels sont nos intérêts et nos aspirations en matière d'énergie. Nous parlons d'harmoniser la politique canadienne avec le politique américaine, mais que voulons-nous harmoniser au juste? Nous ne connaissons même pas la position du Canada.
Deuxièmement, le Canada peut commencer à prendre des mesures. Il peut commencer à examiner la question des débouchés, que le sénateur McCoy a mentionnés, et la question de savoir comment dissiper les craintes que peuvent avoir les Canadiens à propos de la sécurité énergétique. Le Canada n'a pas fait de grands progrès en ce qui concerne la conservation d'énergie et la réduction de la demande d'énergie — il s'intéresse aux mesures à prendre pour fournir davantage d'énergie au système. Nous ne nous sommes pas penchés aussi attentivement que nous aurions dû le faire sur les moyens de réduire la demande.
Le lancement d'une discussion nationale permettra à tout le moins au Canada d'être prêt si les Américains viennent frapper à sa porte. Puis, s'ils ne viennent pas, le Canada ne se retrouvera pas le bec dans l'eau, comme je crains que cela pourrait arriver, vu la complexité du conflit actuel au sein du système du Congrès américain.
Le sénateur Massicotte : Dans votre rapport intitulé Canada's Power Play, vous parlez de la technologie dont nous avons besoin pour faire avancer les choses. Quelques experts qui ont témoigné devant le comité ont affirmé que le Canada devrait se concentrer sur certaines formes d'énergie afin d'acquérir une expertise plutôt que d'importer la totalité des technologies dont il a besoin en matière d'énergie propre.
Êtes-vous d'accord avec ce point de vue? Le cas échéant, sur quelle forme d'énergie devrions-nous axer nos recherches en vue de mettre au point ici même des technologies d'énergie propre? Par exemple, la technologie éolienne nous vient de l'étranger, comme la plupart des technologies.
M. Gibbins : Nous devons nous garder de surestimer notre capacité d'innovation en ce qui concerne bon nombre des technologies d'énergie renouvelable. Le marché intérieur canadien n'est pas immense. Sur le plan de l'innovation technologique, nous accusons un retard par rapport à ce qui se fait en Europe. Nous ne disposons pas d'énormes capacités d'investissement.
Je dois dire, à contrecœur, que le Canada sera, dans bon nombre de cas, non pas un concepteur de technologies d'énergie renouvelable, mais un acheteur des technologies mises au point à l'étranger. Le Canada ne se trouvera pas à la frontière entre les deux.
Je crois que le Canada peut s'atteler à la tâche de mieux exploiter ses ressources énergétiques classiques. La force du Canada, c'est le pétrole, le gaz, le charbon et l'hydroélectricité. C'est dans ces secteurs qu'il a obtenu de bons résultats dans le passé. La voie d'avenir du Canada se trouve dans le perfectionnement des technologies d'exploitation de ces ressources.
Par exemple, je suis pessimiste quant à la possibilité que le Canada puisse investir davantage que l'Allemagne dans la production d'énergie éolienne. Le Canada n'a aucun avantage concurrentiel dans des domaines comme celui-là. Par conséquent, il doit se concentrer sur ses atouts, qui se trouvent dans les domaines que j'ai mentionnés — l'hydroélectricité et les hydrocarbures.
Le sénateur Massicotte : En ce qui a trait aux Américains, trois indices de prix s'offrent à nous — le système de quotas et d'échanges, la taxe sur le carbone ou des mesures réglementaires. Il semble y avoir un risque que les États-Unis adoptent une approche fondée exclusivement sur des mesures réglementaires, car celle-ci serait plus opaque sur le plan politique. Cela décourage certaines personnes.
Vous êtes extrêmement favorable à la tarification du carbone. Ne s'agit-il pas d'un moyen inefficace d'envoyer un signal de prix quant aux coûts du carbone?
M. Gibbins : Je suis beaucoup plus favorable à une tarification transparente et directe du carbone. L'approche réglementaire préconisée par les États-Unis constitue un recul. Il s'agit également de l'approche que les Américains sont le plus susceptibles d'adopter.
Hélas, cela rendra le marché américain encore plus difficile à pénétrer pour les Canadiens. La réglementation américaine est extrêmement légaliste — il est difficile pour les Canadiens d'évoluer dans un tel environnement. Je crois que les Canadiens seront mieux lotis avec des lignes directrices, des buts et des objectifs législatifs clairs. Je crains que, à court terme, les États-Unis n'adoptent pas des lignes directrices, des buts et des objectifs de cet acabit. Une telle situation désavantagera le Canada.
Le sénateur Banks : Monsieur Gibbins, je suis heureux de vous revoir. Il me semble que nous nous voyons fréquemment pour discuter de divers sujets, mais le sujet dont nous parlons aujourd'hui est très important.
Le comité s'est précédemment penché sur la question des facteurs qui inciteront les consommateurs à consommer l'énergie de manière efficiente. Nous avons examiné ce qui se fait dans les quelques pays du monde qui semblent avoir obtenu de bons résultats à cet égard — des pays populeux et d'autres qui le sont moins.
Nous en sommes arrivés à la conclusion que tous les facteurs doivent être en place. Nous devons éduquer les consommateurs, les caresser dans le sens du poil, leur enjoindre d'agir et leur offrir des mesures incitatives — utiliser le bâton et la carotte — et nous devons faire preuve de leadership et adopter des mesures réglementaires.
Le parallèle que vous avez établi avec la Loi canadienne sur la santé est pertinent, mais pour dire les choses grossièrement, cette loi fonctionne pour la simple et bonne raison que le fédéral achète la conformité des provinces. La Loi canadienne sur la santé est exécutée par ce que le fédéral envoie de l'argent aux provinces. Je soutiens que, sans cet argent, elle ne le serait pas.
Quelle est la carotte que le gouvernement fédéral peut utiliser pour inciter la conformité avec un système énergétique national ou un ensemble de lignes directrices?
M. Gibbins : Si vous examinez les programmes fédéraux-provinciaux qui ont été fructueux dans le passé, vous constaterez que, dans la presque totalité des cas, il y avait à la clé un avantage financier pour les provinces et certains transferts fédéraux aux provinces. Cela m'amène à conclure qu'une stratégie énergétique nationale doit comporter un élément financier. Cela nous ramène à la taxe sur le carbone.
En outre, cela signifie que nous devons cerner les objectifs nationaux qui peuvent être réalisés par l'entremise des provinces, et rendre disponibles les ressources du gouvernement fédéral pour mobiliser les provinces. Par exemple, des investissements fédéraux massifs dans l'innovation technologique constitueraient une carotte non négligeable pour les gouvernements provinciaux.
Il se peut que je mette davantage l'accent sur les carottes que sur les bâtons, mais c'est parce que les carottes seront un aspect important d'une stratégie. C'est ainsi que les choses se passent au Canada; cela n'est pas mauvais — cela signifie que le gouvernement fédéral ne parviendra pas à mettre en place une stratégie énergétique nationale sans délier les cordons de sa bourse. Cette stratégie doit comporter de véritables mesures incitatives de nature financière.
Le sénateur Banks : Selon vous, existe-t-il une carotte qui satisfera à la fois l'Alberta et le Québec, pour utiliser deux exemples opposés? Il s'agit de deux importants producteurs d'énergie, mais qui produisent leur énergie de manière différente.
M. Gibbins : J'estime que toute stratégie nationale doit jeter un pont entre le secteur canadien de l'hydroélectricité et le secteur canadien des hydrocarbures. Nous devons trouver un moyen de le faire.
Dans le secteur de l'hydroélectricité — et je vous rappelle que je ne suis pas un expert en la matière —, nous avons constaté que beaucoup de progrès intéressants avaient été réalisés sur le plan de la production : la production d'hydroélectricité à petite échelle, la production d'hydroélectricité au fil de l'eau, et cetera. Quel sera le rôle à long terme que joueront les projets hydroélectriques qui ont été lancés au Québec?
Le fait de tenter d'intégrer les différents types de production locale d'hydroélectricité au sein de systèmes plus vastes constituera un véritable défi sur le plan des politiques, et pour le relever, nous devrons faire preuve d'une grande innovation en matière de politiques. Le gouvernement fédéral doit contribuer à encourager un tel travail, un travail différent de celui qui doit être encouragé en Alberta, ou, par exemple, les mesures à prendre doivent viser davantage le captage et le stockage du carbone ou d'autres aspects liés au secteur des hydrocarbures.
Le sénateur Banks : Nous avons cherché le mot magique qui permettrait de définir ce que nous tentons d'élaborer en matière d'énergie nationale, et vous avez mentionné le mot « stratégie ». S'agit-il du mot qu'il convient d'employer? Tout mot qui ne commence pas par un « p » fera l'affaire.
M. Gibbins : Je n'aurais eu aucun problème avec le mot « programme ». Jimmy Carter était président des États-Unis lorsque le Canada a adopté le Programme énergétique national. Le fait que nous ayons échoué aussi lamentablement il y a 30 ans ne signifie pas que nous sommes incapables de faire mieux.
Si j'ai employé le terme « stratégie », c'est non pas tant pour éviter un terme embarrassant, mais surtout parce qu'il rend bien compte de ce que vous tentez de faire : établir un ensemble d'objectifs et présenter les outils qui nous permettront de les réaliser. Il s'agit d'une stratégie qui vise le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales. À mes yeux, ce dont nous parlons en ce moment, c'est non pas tant d'un programme pur et simple que d'une stratégie. Il s'agit de plus qu'un programme — cela doit être plus qu'un programme.
Le sénateur Banks : Cependant, ne convenez-vous pas que les lignes directrices contenues dans une telle stratégie devraient pouvoir être mises à exécution?
M. Gibbins : Oui et non. L'exécution se fera par l'entremise de mécanismes financiers. En outre, les principes de la stratégie seront mis à exécution si les gouvernements reconnaissent qu'ils s'adressent aux mêmes électeurs — s'ils reconnaissent qu'ils ont des aspirations et des intérêts communs. À mon avis, le système fédéral ne fonctionne pas autant grâce à la menace qu'on est souvent porté à le croire — il laisse beaucoup de place à la bonne volonté. Cependant, en fin de compte, il fonctionne aussi grâce à la circulation des ressources financières.
Le sénateur Lang : J'ai deux ou trois questions à poser. Lorsque vous avez parlé d'énergie propre, vous n'avez pas mentionné l'énergie nucléaire. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à propos du nucléaire.
M. Gibbins : En ce qui concerne le nucléaire, nous voguons à la dérive. Le Canada n'a pas encore décidé si le nucléaire devrait jouer un rôle important ou significatif dans le cadre de notre stratégie énergétique pour l'avenir. Là encore, d'importantes disparités régionales entrent en ligne de compte.
Dans le secteur de l'énergie nucléaire, le Canada fournit du minerai d'uranium à d'autres pays. Le Canada est actif dans ce secteur. Pour ce qui est de la production d'énergie et d'électricité, nous n'avons pas encore déterminé ce que nous voulons faire. À un certain moment, le gouvernement fédéral devra s'arrêter et réfléchir à l'importance de la place qu'il souhaite accorder au nucléaire au sein de notre panier d'énergies dans l'avenir.
À mon avis, le nucléaire doit faire partie de ce panier d'énergies. Cependant, il s'agit là d'une opinion qui n'est pas fondée sur une grande expertise ou une vaste expérience. Instinctivement, je vous dirais que, à long terme, si la réduction des émissions de carbone constitue notre principale tâche, le carbone devra être considéré comme faisant partie de la solution d'une façon ou d'une autre. Je vous demande toutefois de ne pas prendre cette opinion pour argent comptant.
Le sénateur Lang : Comme vous, je vois deux solutions. S'il est question d'énergie propre et d'améliorer le bilan carbone du Canada, et si nous envisageons d'adopter des énergies propres, je vois deux solutions : l'hydroélectricité et le nucléaire.
Passons à un autre sujet. Vous n'avez pas mentionné la question des évaluations environnementales et des coûts liés à la poursuite des grands projets. Quelle est votre opinion à propos de la fusion des programmes fédéral et provinciaux d'évaluation environnementale? À l'heure actuelle, il y a deux systèmes, ce qui, de toute évidence, a pour effet que nous devons attendre non pas des mois, mais des années avant qu'une décision finale soit rendue à propos de certains de ces projets.
M. Gibbins : Si, pendant une journée, j'étais investi de pouvoirs divins et que je n'étais autorisé à les utiliser qu'à une seule fin, j'emploierais ces pouvoirs pour faire en sorte de rendre possibles les procédures environnementales fédérales- provinciales. À mes yeux, il est aberrant que de tels systèmes à deux vitesses viennent compliquer le développement des projets. Les gouvernements du Canada ont réalisé des progrès raisonnables à ce chapitre. Cependant, le monde des affaires semble être d'avis que le processus d'évaluation environnementale demeure plus lent et plus long qu'il ne devrait l'être, et ce point de vue me semble exact.
Le sénateur Lang : Je veux aborder une autre question, à savoir celle des émissions de carbone et de gaz à effet de serre. Dans ce rapport, il est mentionné que l'ouest du Canada est responsable de 54 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, comparativement à 30 p. 100 pour le reste du Canada. Autrement dit, on compare l'Alberta et la Saskatchewan au reste du pays.
Comment nous y prendrons-nous pour élaborer une stratégie qui puisse concilier l'Alberta et la Saskatchewan et le reste du pays, sachant que le bilan carbone, et par conséquent les coûts, sont beaucoup moins importants dans l'est que dans l'ouest du pays?
M. Gibbins : Il y a deux ou trois choses que nous pouvons faire. Premièrement, nous devons nous attarder non seulement à la production, mais également à la consommation d'énergie. En d'autres termes, l'Alberta et la Saskatchewan produisent de l'énergie, mais celle-ci est consommée ailleurs, et il est important de tenir compte de l'empreinte laissée par cette consommation. Nous commettons une erreur en portant toute notre attention sur la production d'énergie.
Deuxièmement, nous devons nous pencher sur la question du réinvestissement des recettes fédérales engendrées par l'une ou l'autre des mesures qui sont prises. Ces recettes doivent être réinvesties pour régler le problème là où il se trouve — s'il se trouve dans le secteur de la production, c'est là que nous devons réinvestir ces sommes, mais le secteur de la consommation ne doit pas être laissé en plan.
L'Alberta et la Saskatchewan, en particulier, sont responsables d'une bonne partie du problème d'émission de carbone au Canada. Par conséquent, ces provinces doivent faire partie intégrante de la solution. Cela est juste. Les provinces l'admettent volontiers. Toutefois, la responsabilité doit également être partagée à un certain degré, de sorte qu'une personne qui consomme de l'énergie à Toronto paie à peu près le même prix qu'une personne qui consomme de l'énergie d'une manière semblable à Whitehorse, à Vancouver ou à Calgary.
Le sénateur Lang : Je suis d'accord avec cela.
Le président : Quoi, même en ce qui concerne Whitehorse?
Le sénateur Lang : Oui.
Le sénateur Peterson : Vous avez forgé l'expression « stratégie énergétique nationale »; elle me plaît, mais vous avez également dit que cette stratégie soulevait davantage de préoccupations à Ottawa qu'en région, ce qui me surprend. Je me serais attendu à ce que ce soit l'inverse. Si ce que vous dites est vrai, cela contribuera au lancement du processus.
Comme notre étude est très vaste et que l'énergie concerne toutes les régions du pays — tout le monde a un rôle à jouer dans ce domaine — il est possible que nous puissions entreprendre un dialogue sans craindre de dresser une région contre une autre. Croyez-vous qu'une conférence conjointe fédérale-provinciale pourrait contribuer à lancer ce dialogue?
M. Gibbins : Il faut trouver un catalyseur. C'est la raison pour laquelle les groupes de réflexion et des gens comme Bruce Carson ont agi : pour tenter de créer un certain mouvement à l'extérieur des gouvernements qui inciterait les gouvernements à s'engager dans ce processus politique.
Dans le cadre de notre travail, nous avons tenté de prouver que nous pouvons tenir cette conversation sans courir de graves risques sur le plan politique. Nous voulons démontrer qu'il est possible de discuter des questions énergétiques nationales dans l'ouest du pays sans en subir de contrecoups politiques. Nous tentons de créer un lieu où il soit possible de discuter non pas en toute quiétude, mais dans une certaine quiétude.
Comment trouver ce catalyseur? Il sera judicieux de tenir, dans un avenir rapproché, une réunion fédérale-provinciale- territoriale. Il s'agit d'un mécanisme dont nous ne nous sommes pas servis au Canada depuis un bon moment, et il serait logique de réunir tous les gouvernements du Canada pour discuter d'un sujet comme celui de l'énergie. Cependant, il faut les réunir en partant du principe que l'élaboration du cadre stratégique dont nous parlons est non pas une fin, mais un moyen — il s'agit d'un point de départ pouvant servir de catalyseur, mais il s'agit d'un premier pas dans notre mission qui consiste à apprendre aux Canadiens pourquoi cette question est si importante et pourquoi nous devons y consacrer nos énergies.
Le sénateur Brown : J'ai été ravi de vous entendre parler de l'importance de la consommation d'énergie par rapport à l'importance de l'exploitation. Comment ferons-nous, à votre avis, pour concilier les énormes paiements de transfert avec une politique nationale englobant les diverses formes d'énergie produite dans les différentes provinces? Nous serons appelés à élaborer une politique à un moment où de nouvelles énergies de remplacement commencent à être exploitées presque chaque jour.
M. Gibbins : Le Canada compte un certain nombre de programmes qui redistribuent la richesse d'une région à l'autre. Certains de ces programmes, par exemple le programme de péréquation, sont clairement définis, alors que d'autres le sont moins — cela tient à la manière dont ils ont été conçus.
À mon avis, nous devons élaborer non pas une politique de redistribution, mais une politique énergétique en bonne et due forme. Je ne suis pas en train d'affirmer que nous ne devrions pas redistribuer la richesse dans le pays. À mon avis, la redistribution est une question distincte, et nous disposons de mécanismes distincts pour nous en occuper.
Toutefois, si je veux éviter le plus possible que la stratégie énergétique s'encombre d'éléments relatifs à la redistribution, je veux que l'on reconnaisse que les investissements fédéraux éventuels dans le secteur de l'énergie varieront d'une région à l'autre. Les investissements dans la baie de Fundy, à Calgary ou à Whitehorse ne seront pas les mêmes. Nous pouvons composer avec ces différences.
Le sénateur Dickson : Je vous sais gré de ces observations éclairantes, surtout en ce qui concerne la nécessité pour le comité de recommander l'adoption de mesures législatives fédérales. Pourquoi avons-nous besoin de mesures législatives fédérales? Comme vous, je suis d'avis que l'énergie est un élément essentiel de l'économie canadienne — elle compte pour 25 p. 100 de notre économie. Par conséquent, le comité devrait se pencher attentivement sur la possibilité d'adopter de telles mesures législatives. Je suggère que nous adoptions une loi sur la stratégie énergétique du Canada — débarrassons- nous du mot « national ».
Revenons sur l'analogie que vous avez établie avec la Loi canadienne sur la santé. Par coïncidence, comme vous le savez probablement, le sénateur Keon prendra bientôt sa retraite. Il a participé à l'élaboration du rapport Kirby- LeBreton sur le système canadien de soins de santé, publié en 2002. L'une des principales recommandations de ce rapport était la création d'un conseil national des soins de santé. En d'autres termes, quels moyens devons-nous prendre pour nous assurer que le dialogue se poursuit en dépit des changements de gouvernement? Comment mobiliser le secteur privé? Le Conseil national des soins de santé a présenté son premier rapport en 2009. Ce rapport était intitulé La valorisation de l'argent : Renforcer le système canadien de soins de santé.
Supposons que la loi est adoptée et que la Chambre des communes donne suite à cette recommandation, si tant est qu'il s'agisse d'une recommandation : comment le dialogue pourra-t-il être poursuivi par la suite, selon vous? Par l'entremise d'une entité comme le Conseil national des soins de santé, ou par l'entremise du gouvernement?
M. Gibbins : Je n'ai pas beaucoup réfléchi à cette question, mais il me semble que l'énergie occupe une place si importante au sein des économies provinciales et de l'économie nationale que la poursuite de cette discussion ne me préoccupe pas à court terme. Dans l'avenir, toute une série de facteurs — qu'il s'agisse d'éruptions dans le Golfe, d'accords internationaux sur les changements climatiques ou de quoi que ce soit d'autre — auront une incidence sur le système énergétique du Canada. Dans ce domaine, notre parcours sera parsemé d'embûches.
Je crois que le débat demeurera animé en raison des répercussions des changements technologiques et des chocs environnementaux. Le lancement de la discussion me préoccupe davantage que son maintien. Je suis peut-être trop optimiste, mais je ne suis pas préoccupé par la poursuite du débat.
Le sénateur Lang : Je veux revenir à une question qui a été abordée plus tôt, à savoir l'instauration possible d'une taxe sur le carbone, un système de quotas et d'échanges et des coûts réglementaires, et l'incidence de mesures de ce genre sur le prix de l'énergie.
Votre organisation a-t-elle songé au fait que lorsque le prix du pétrole atteint un certain niveau — les consommateurs ont admis le principe selon lequel ils devront saisir toutes les occasions d'économiser de l'énergie —, une taxe sur le carbone ou un système de quotas et d'échanges n'est peut-être plus nécessaire? Pour moi, ces mesures ne sont que de nouvelles taxes, et si le pétrole est taxé, il coûtera plus cher aux consommateurs. Vous avez peut-être des observations à formuler à ce sujet?
M. Gibbins : Il s'agit d'une question épineuse. Comme il a été mentionné plus tôt, une stratégie efficace comporte des mécanismes et des mesures réglementaires de fixation des prix et d'autres types de mesures.
Par exemple, à lui seul, l'établissement d'un prix pour le carbone ne permettra pas de réduire substantiellement la demande, à moins que l'on soit prêt à fixer un prix si élevé qu'il en résulte une importante inégalité sociale. Le revenu que je touche me permettrait probablement de m'accommoder d'une hausse substantielle du prix de l'essence — ce prix pourrait doubler sans que ma qualité de vie ne s'en trouve diminuée de quelque façon que ce soit. On ne peut en dire autant d'une pléthore d'autres gens qui ne pourraient composer avec une telle augmentation, soit parce que leur revenu est trop bas, soit parce qu'elles consomment beaucoup d'essence parce qu'elles vivent dans un lieu éloigné ou pour toute autre raison. Il est important de lancer un signal de prix si nous voulons inciter les gens à économiser l'énergie, mais une telle mesure ne nous permettra pas à elle seule de réaliser nos objectifs.
Il y a une deuxième idée qui découle de votre question : lorsque nous commençons à réfléchir à une stratégie, nous devons envisager à la fois des scénarios de prix élevé et des scénarios de prix peu élevé, et nous assurer que cette stratégie permet de composer avec l'un ou l'autre de ces scénarios.
Peter Tertzakian a raison. Il se peut que nous nous dirigions vers une situation où les prix seront peu élevés, situation différente de celle où le prix du baril de pétrole s'élève à 200 $ ou 300 $.
Il faudra mettre ce scénario à l'essai. En ce qui concerne mon dernier point, il faudra toujours tenir compte des signaux de prix, mais les signaux de prix, à eux seuls, ne résoudront pas notre problème, sauf si nous sommes prêts à imposer au pays des inégalités sociales inacceptables.
Le président : Monsieur Gibbins, malheureusement, même si nous aurions voulu poursuivre, nous approchons de la fin de notre temps de parole.
Cependant, avant de passer à autre chose, j'aimerais que vous nous parliez un peu de la Canada West Foundation. Je veux bien qu'il s'agisse d'un organisme indépendant de recherche sur les politiques, mais il doit tout de même être financé par quelqu'un. Qui contrôle cette fondation, et que signifie l'épithète « indépendant »?
M. Gibbins : Quand tout va bien, j'aime à penser que c'est moi qui tient les rênes, mais je n'en suis pas sûr.
La Canada West Foundation est un organisme de bienfaisance. De 65 à 70 p. 100 du financement vient des projets soutenus par les gouvernements du Canada — les administrations fédérale, provinciales et municipales. Les gouvernements sont notre principale source de financement. La part du financement provenant des entreprises est de 2 à 4 p. 100, mais cela dépend de ce que nous faisons à un moment donné.
On ne peut donc pas dire que la fondation est à la solde du secteur pétrolier. Il y a des jours où j'aimerais avoir accès à ses ressources, mais cela n'est pas le cas. Nos préoccupations concernent plutôt le maintien de la prospérité de l'économie de l'Ouest du Canada, dont fait partie le secteur de l'énergie.
Le président : Cela est utile. Vous avez dit exactement les mots que j'espérais entendre.
Je dirai pour conclure que je crois que nous allons vous revoir. Vous pourriez vous présenter ici de nouveau pour discuter de cette étude que nous effectuons, et que vous appuyez, je crois.
M. Gibbins : Ce sera un grand plaisir pour moi de pouvoir vous être utile. Merci de m'avoir donné cette occasion.
Le président : Merci.
Nous aurons le privilège, pendant notre seconde table ronde, d'entendre des témoins de Technologies du développement durable Canada. TDDC est une fondation indépendante que le gouvernement vient tout juste de mettre sur pied. Cette organisation a fait preuve de générosité à notre égard dans le cadre de la conférence Globe 2010. Un certain nombre des membres de notre comité ont assisté à la conférence tenue en mars 2010, à Vancouver et à la conférence de presse marquant la publication de votre rapport. Nous avons alors découvert que nous avions bien des points dont nous voulions discuter ensemble.
C'est avec plaisir que nous accueillons Mme Vicky Sharpe, présidente-directrice générale de TDDC. La mission de cet organisme est de soutenir le développement et la commercialisation de technologies propres qui amélioreront la performance économique et environnementale au Canada. En tant que présidente fondatrice, Mme Sharpe a fait passer les fonds investis de 100 millions de dollars à plus de 1 milliard de dollars et a aussi réussi à mobiliser des fonds du secteur privé, ce qui fait en sorte que les projets de technologies propres du portefeuille de TDDC valent maintenant 1,6 milliard de dollars.
Forte de son expérience de plus de 25 ans dans l'industrie de l'énergie, Mme Sharpe sait intégrer le développement durable aux pratiques commerciales, c'est-à-dire l'activité principale. Mme Sharpe a fait partie de nombreux comités, y compris à titre de conseillère internationale sur les questions de développement durable. Elle a représenté le secteur énergétique canadien au sein du forum des gens d'affaires de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC) en plus de présider le Conseil consultatif national de l'énergie, des sciences et de la technologie et le conseil d'administration de Clean Air Canada Inc.
Mme Sharpe est accompagnée ce soir par Sailesh Thaker, vice-président, Relations avec l'industrie et les intervenants — je crois que la plupart d'entre nous l'ont déjà rencontré à Vancouver —, et par Rick Whittaker, vice- président aux investissements et chef de la technologie.
Je crois que les témoins sont au courant de ce que nous essayons d'accomplir. J'ai eu le bonheur et le privilège de rencontrer Mme Sharpe et de pouvoir lui expliquer ce que nous faisons et quels sont nos objectifs, et elle a transmis ces renseignements aux deux collègues qui l'accompagnent.
J'ai eu l'impression, et j'espère que vous serez d'accord avec moi, qu'elle peut apporter beaucoup à nos délibérations, car elle envisage la question de l'énergie sous la forme d'un dialogue sur l'air ou l'énergie propre et qu'elle voit le Canada comme une future superpuissance de l'énergie propre. On entend toutes sortes de mots à la mode lancés à tort et à travers, mais je crois qu'enfin, on peut en avoir une idée claire.
Madame Sharpe, je crois que vous avez une déclaration à faire — le document a été distribué — et que vous voulez également présenter une vidéo qui est en anglais, mais qui sera traduite et sera disponible en français sur le système, si vous voyez ce que je veux dire. Comment allons-nous procéder, madame Sharpe?
Vicky Sharpe, présidente-directrice générale de Technologies du développement durable Canada : Merci, monsieur le président, merci à tous les sénateurs. Je suis heureuse d'avoir l'occasion d'être ici, ce soir, avec mes collègues. Nous allons tenter de cacher notre grande nervosité, et nous espérons pouvoir contribuer à vos délibérations.
Si vous le voulez bien, j'aimerais parler un peu de notre organisation et des occasions qui nous ont permis de nous faire une opinion. Nous allons ensuite parler des aspects clés de la réussite de la commercialisation des technologies propres. Nous allons alors visionner la vidéo. Si cela ne vous convient pas, vous pourrez toujours visionner cette vidéo sur notre site web; nous pouvons aussi vous distribuer des cédéroms.
Le président : C'est bien.
Mme Sharpe : Ensuite, je parlerai de la superpuissance de l'énergie propre et des aspects que nous considérons comme importants; je formulerai également des recommandations.
Le président : C'est parfait; vous avez la parole. Nous arrêterons lorsque vous aurez terminé.
Mme Sharpe : J'aimerais préciser que la vidéo est disponible dans les deux langues officielles. Elle a été traduite.
Le président : Je ne faisais que répéter ce que le greffier m'avait dit. Je pensais que j'avais compris.
Mme Sharpe : TDDC a le privilège de pouvoir travailler avec un vaste éventail d'entreprises qui sont en train de mettre au point des technologies propres. Nous avons appris comment elles doivent fonctionner et quelles formes de financement elles doivent obtenir pour se rendre jusqu'au marché. Comme le président l'a dit, nous cherchons à nouer des liens avec les entreprises et avec le secteur privé pour nous assurer que les fonds publics sont utilisés de façon optimale et que nous pouvons laisser les responsabilités et le financement entre les mains du secteur public.
Notre fondation indépendante — elle relève du Parlement par le truchement du ministre des Ressources naturelles du Canada — bénéficie d'un soutien égal lorsqu'elle reçoit du financement d'Environnement Canada. Nous avons aussi des échanges constants avec Industrie Canada. Nous jouons beaucoup avec les ministères.
Le président avait tout à fait raison de le dire : nous avons financé de nombreux projets et nous avons eu le privilège de travailler avec ces entreprises. Notre mandat consiste essentiellement à permettre à des idées et à des résultats de recherche de sortir du laboratoire et à atténuer les risques liés à la technologie. Nous orientons les entreprises vers les marchés qui seront réceptifs à cette technologie, et, ensuite, nous faisons entrer ces applications pratiques dans le secteur privé.
Dans ce processus qui consiste à mener les technologies vers le secteur privé, nous sommes également en mesure d'étudier les avantages environnementaux qui découlent de ces technologies. Bien que ces avantages concernent la pureté de l'air, le ralentissement des changements climatiques, la propreté de l'eau et la salubrité des sols, 89 p. 100 des technologies que nous avons soutenues procurent au moins deux de ces avantages environnementaux. Quelque 65 p. 100 de ces technologies en fournissent trois. Nous obtenons donc des avantages doubles ou triples en ce qui concerne l'environnement, ce qui est important. Ainsi, nous n'avons pas besoin de les catégoriser.
Notre thèse sous-jacente, c'est que nous pouvons faire de bonnes choses pour l'énergie et pour l'environnement, et que nous pouvons le faire selon des modèles d'affaires; ce n'est pas contre-productif, c'est tout à fait intégré. Les trois quarts de notre portefeuille portent sur l'énergie propre.
Le président : Quelles étaient vos sources de financement, au début, et comment votre organisme a-t-il pu croître de la façon extraordinaire que j'ai décrite, dans mes premières phrases?
Mme Sharpe : Nous étions au départ un simple projet bénéficiant d'un financement gouvernemental de 100 millions de dollars. C'était en 2002, mais il est vite devenu évident qu'il y avait là pour le Canada une occasion de faire quelque chose. Nous avons été inondés de demandes.
Au départ, les gens n'avaient pas compris l'enjeu de la « propreté »; au lieu de dire « nous produisons des technologies propres », ils parlaient plutôt de matériaux de pointe ou disaient « nous cherchons à réduire la pollution de l'air ». Mais le concept des technologies propres n'avait pas encore pris.
Par la suite, grâce à l'engouement suscité, le financement est passé à 550 millions de dollars, et nous avons mis sur pied ce que nous appelons le Fonds Technologies du DD. Ce fonds, comme vous le verrez dans le document, au point 2, qui porte sur la chaîne d'innovation, nous permet de combler ce qu'on appelle le « fossé de précommercialisation », enjeu critique, non seulement pour les technologies propres, mais aussi pour l'innovation en général à l'échelle du Canada, puisque des recherches sont réalisées dans les laboratoires. Nos universités et nos collèges sont très efficaces au chapitre de la recherche, mais le fossé n'est pas comblé. Il est encore trop tôt pour que le secteur privé investisse. Le gouvernement est donc à ce moment-là dans une position idéale pour intervenir et fournir ce type de mesures incitatives.
Le deuxième fonds, d'une valeur de 500 millions de dollars, est le Fonds de biocarburants ProGen, qui a été créé par le gouvernement actuel. Il est axé sur une autre composante importante de la commercialisation des technologies propres, ce que nous appelons le fossé de dépenses en capital de risque. Les gens connaissent peut-être mieux l'investissement dans les technologies de l'information et les communications qui exigent peu de dépenses en capital de risque et qui sont rapidement rentables. Ces entreprises sont choyées par les investisseurs.
Cependant, comme vous pouvez l'imaginer, les investissements dans l'énergie propre sont plus élevés. Il n'est pas facile de répondre à ces grands besoins au chapitre des capitaux; l'industrie du capital de risque ne s'y intéresse tout simplement pas. Ce qu'il faut, c'est du financement par emprunt. Les institutions ne sont pas encore prêtes à assumer le risque lié à cette technologie.
Dans le cadre de sa stratégie concernant l'adoption d'une norme sur les carburants renouvelables, le gouvernement voulait créer un mécanisme qui favoriserait l'investissement dans les biocarburants qui ne sont pas d'origine alimentaire et nous permettrait de nous assurer de satisfaire à nos obligations touchant la réduction des répercussions de l'utilisation du carburant au Canada à l'aide de biocarburants de la prochaine génération. Le second fonds s'occupe justement de ce mécanisme.
Le président : On m'avait dit, au début, que vous représentiez une société de capital de risque. Cependant, comme vous dites, le capital de risque dont vous parlez ne saurait dépendre du capital de proximité, et votre organisation est en quelque sorte un hybride.
Mme Sharpe : C'est certainement un hybride. Les premiers travaux que nous avons réalisés avec le Fonds Technologies DD nous permettent, je crois, de dire que nous pouvons nous comparer au milieu du capital à risque, même si nous consacrons des sommes extraordinairement élevées à l'encadrement des entreprises. Tandis que l'entreprise qui cherche des capitaux de risque se fait répondre par les investisseurs que son offre n'est pas intéressante, nous lui disons que ce qu'elle a à offrir pourrait avoir de la valeur pour le Canada, et nous lui offrons alors de l'aider à aller de l'avant.
Vous avez raison, monsieur le président, le secteur de l'énergie propre exige un type de participation différent, et c'est pourquoi nous allons peut-être nous comporter davantage comme un investisseur privé. En ce qui concerne le Fonds des biocarburants ProGen, nous fonctionnons essentiellement comme un investisseur, car les banques ne fourniront pas de financement par emprunt dans ce contexte.
Notre premier fonds vise à verser des subventions aux entreprises. Cela se fait aux premières étapes, et le risque est élevé. Avec le second fonds, le Fonds des biocarburants ProGen, nous nous intéressons aux technologies à rendement élevé qui ne sont pas encore exploitées à grande échelle, mais qui ont prouvé leurs capacités, et les montants que nous versons sont remboursables. L'objectif est le suivant : après avoir consacré un certain temps à diriger les usines de production à grande échelle, TDDC — et, donc, le gouvernement — peut se retirer du projet. Le projet sera restructuré, et, si tout va bien, le financement par emprunt remplacera notre participation, et le gouvernement sera remboursé.
Ces deux fonds sont complémentaires. J'attirerais votre attention sur le diagramme qui se trouve dans le mémoire : voyez comment cela se déroule. Au bout du compte, il s'agit d'amener ces technologies sur le marché. Si elles n'atteignent pas le marché, elles ne procurent aucun avantage économique ou environnemental aux Canadiens.
Le président : Vous parlez du diagramme de la page 3?
Mme Sharpe : Le diagramme de la section 2. Le diagramme du point 2 illustre les fossés de précommercialisation et de dépenses en capital de risque.
Le président : Est-ce que tout le monde a devant les yeux le diagramme de la page 2?
Mme Sharpe : Nous voulons attirer votre attention sur un point essentiel à la réussite commerciale des technologies : il faut reconnaître que la plupart des innovations au Canada proviennent de PME. C'est ce que nous avons constaté, à TDDC : dans 92 p. 100 des projets et des technologies que nous soutenons, ce sont souvent de petites et moyennes entreprises — bien souvent des petites — qui détiennent les droits de PI. Vous avez un diagramme sur ce sujet à la section 3.
Le sénateur McCoy : Des Canadiens de toutes les régions du pays nous écoutent, ce soir, et vous parlez en codes. Vous avez parlé de PME et de PI. Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer ces termes?
Le président : Il s'agit des petites et moyennes entreprises.
Le sénateur McCoy : Je crois que vous dites des choses importantes, et j'aimerais que vous parliez en termes clairs.
Mme Sharpe : Toutes mes excuses. Au point 3 du mémoire, vous voyez une diapositive qui montre que les petites et moyennes entreprises sont les moteurs de l'innovation au Canada — pas seulement dans le domaine des technologies propres, mais elles font un travail important dans ce domaine. Ce sont elles qui ont sorti la propriété intellectuelle — ou PI — du milieu universitaire, et qui détiennent les droits.
Souvent, ces entreprises ne comptent pas plus de 10 employés, souvent moins. Ces employés ont travaillé très dur, souvent pendant une dizaine d'années, avant d'arriver à l'étape où l'entreprise pourra proposer sa technologie sur le marché et en tirer enfin un profit.
Les petites et moyennes entreprises, les PME, savent de toute évidence s'adapter; elles sont promptes à réagir. Cependant, elles sont sous-capitalisées et n'ont pas nécessairement établi les liens nécessaires avec le type d'entreprises qui achèteront leurs technologies et en seront les utilisateurs finaux.
À TDDC, nous avons créé ce que nous appelons un consortium de mise en marché. Quand nous finançons un projet, nous exigeons qu'il prévoie un utilisateur final ou un hôte pour la technologie, de même que tout autre intervenant qui favorisera la commercialisation de la technologie. C'est une façon d'assurer de meilleures chances de réussite à cette technologie, et aussi de veiller à ce qu'on n'améliore pas la technologie pour le plaisir de l'améliorer : il faut que les caractéristiques de rendement aient été définies par l'utilisateur final et, en conséquence, que le produit soit utile sur le marché.
Il s'agit là d'un élément clé. De fait, nous passons beaucoup de temps à discuter avec les associations qui représentent les groupes d'utilisateurs finaux — par exemple l'Association canadienne de l'électricité, quand il s'agit de services publics — ou avec les grandes entreprises, afin de leur présenter toutes ces possibilités d'innovation.
J'attirerais maintenant votre attention sur la section 4, qui porte sur un sujet que j'ai déjà abordé. Nous avons la capacité de faire entrer ces technologies sur le marché plus rapidement et plus en profondeur si les multinationales prennent le relais. Ce sont souvent elles qui vont obtenir la licence d'exploitation de la technologie, mais nous devons faire en sorte qu'elles mettent les technologies sur le marché rapidement.
Comme vous pouvez le voir sur le diagramme, nous travaillons avec toute une gamme de sociétés que vous connaissez certainement, comme EnCana pour les sables bitumineux, SNC Lavalin et Cascades, et Loblaws pour le commerce de détail. Cependant, nous travaillons également avec des entreprises de réputation internationale qui nous permettent d'entrer sur les marchés d'exportation.
J'attire maintenant votre attention sur la diapositive 5; vous voyez que dans tout ce qu'il fait par le truchement de TDDC ou d'autres entités, le gouvernement ne consent qu'une petite part des sommes nécessaires par rapport à ce que le secteur privé doit investir. Nous devons attirer des investisseurs du secteur privé. Cela veut dire que notre administration doit être attrayante pour les investisseurs et que nous devons également veiller à intéresser les bons investisseurs.
Voyez-vous, nous avons créé un programme « de financement complémentaire » dans le cadre duquel nous rencontrons des intervenants d'autres pays afin de susciter leur intérêt. Nous travaillons beaucoup, par exemple, avec la Bourse de Toronto; une proportion importante des sociétés de capital de risque qui y sont inscrites font partie du portefeuille de TDDC. Nous présentons des investisseurs potentiels aux entreprises de notre portefeuille qui cherchent du financement.
Je vous signale que nous avons réuni, pour 37 de nos entreprises qui ont terminé ou sont sur le point de terminer un projet chapeauté par TDDC, plus de un milliard de dollars de financement complémentaire. Le gouvernement en profite à deux titres, en premier lieu au moment du démarrage des projets et en second lieu lorsqu'il s'assure des investissements du secteur privé qui favoriseront la réussite et la rentabilité de ces entreprises.
Il est intéressant de constater que les investissements étrangers directs, illustrés ici, représentent environ 50 p. 100 du financement de nos entreprises. C'est environ 20 p. 100 de plus que la moyenne canadienne. Nous voyons également ici que la technologie propre représente un débouché au chapitre de l'exportation et des marchés mondiaux. Nous avons été capables d'attirer des investisseurs étrangers. Nous avons au Canada des technologies de calibre mondial dont nous pouvons être fiers, et les investissements directs étrangers témoignent de nos progrès dans ce domaine.
Le président : J'aimerais préciser — encore une fois, c'est une histoire fantastique — que ces sociétés et le gouvernement ne se contentent pas de donner de l'argent aux entreprises pour le démarrage, ils les présentent à des investisseurs qui pourront les aider plus tard. Vous ne détenez aucune part dans ces entreprises. Vous ne nommez personne au conseil d'administration, c'est cela?
Mme Sharpe : Nous n'en avons pas le droit; notre entente de financement nous interdit de participer de quelque façon que ce soit. Nous nous disons parfois entre nous que nous aurions désiré pouvoir le faire. Nous aurions pu obtenir un rendement intéressant. Cependant, pour le premier fonds, toute participation nous est interdite.
Le président : Allons-nous bientôt pouvoir visionner la vidéo?
Mme Sharpe : Oui. Je vais rapidement ajouter, en passant au point 6, qu'un environnement politique intégré et responsable est plus propice à la réussite. Cependant, nous nous sommes creusé la tête pour comprendre ce qu'on doit attendre de l'industrie.
On entend beaucoup dire à quel point les technologies et les cartes routières technologiques sont fantastiques. Nous avons travaillé avec les représentants de l'industrie pour connaître leur vision, pour savoir ce qu'ils veulent accomplir et comment ils envisagent leur productivité dans l'avenir. Nous avons ensuite collaboré avec eux et avec d'autres intervenants pour savoir comment nous pouvons combler ces besoins. Il s'agit à la fois d'exigences techniques et non techniques, et nous les faisons connaître ensuite plus largement.
Nous parlons ici des analyses d'investissement du DD. Notre premier rapport à ce sujet concernait le secteur pétrolier et gazier. Nous avons également produit des rapports sur les biocarburants, l'hydrogène et l'électricité renouvelable. C'est la partie de l'équation qui concerne l'offre. Du côté de la demande, nous avons examiné l'efficience énergétique des édifices commerciaux et des véhicules de transport industriel et commercial — leur empreinte environnementale est très grande, mais c'est aussi un secteur où les occasions de changement sont nombreuses.
Tous ces rapports d'analyse d'investissement sont accessibles sur notre site web. Je crois que vous en avez un exemple dans votre trousse. Si vous voulez les consulter sur cédérom ou dans un rapport, nous vous les procurerons avec plaisir. Essentiellement, nous reconnaissons l'importance des moyens utilisés pour faire avancer ces technologies.
Je vais faire un dernier commentaire sur le point 7, puis je vous parlerai de la diversité de notre portefeuille. Vous voyez que le Canada dispose d'énormes capacités, que ce soit au chapitre de combustibles fossiles plus propres ou de la production d'énergie propre ou encore de l'utilisation de cette énergie propre. Plus de 5 000 entreprises sont enregistrées dans notre base de données. Nous avons examiné plus de 1 700 demandes. Peu importe l'orientation que votre comité retiendra, je suis convaincue que les entreprises canadiennes seront prêtes à relever le défi.
[Présentation audiovisuelle.]
Mme Sharpe : Si jamais les membres du comité désirent profiter de l'occasion pour visiter quelques-unes de nos entreprises, afin de constater la grande diversité des technologies que le comité peut aider à voir le jour, nous nous ferons un plaisir de vous y emmener. Nous pouvons visiter des entreprises d'Ottawa ou de n'importe quelle région du pays.
Le président : Je suis convaincu que nous allons profiter de l'occasion.
Mme Sharpe : J'aimerais mettre en relief certaines des choses que nous recommandons. Nous avons démontré qu'il y a encore beaucoup à faire.
Au point 12 de notre document, un diagramme montre les possibilités que nous pourrions mettre à profit. Il s'agit du diagramme des technologies d'assainissement qui vous permet de comprendre les débouchés technologiques et de voir s'ils sont rentables, et il établit la séquence des différentes technologies. Ce modèle a été élaboré par TDDC et McKinsey and Company à partir de données exclusives. Nous avons « canadiennisé » les courbes d'assainissement des autres pays, que vous avez peut-être déjà vues. Nous avons fait cela avec l'aide de nos collègues d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada. Ces courbes s'appuient sur une mine d'informations.
Nous avons en main les données qui nous permettent de dire que ce modèle est pertinent, non seulement au regard de ce que nous pouvons faire, au Canada, — elles nous permettent également de déterminer quelles sont les possibilités d'exportation les plus prometteuses. Étant donné que, au Canada, 70 p. 100 du produit intérieur brut provient des produits d'exportation, c'est une possibilité que nous devons bien examiner.
Cela nous montre également quels types de méthodologies nous devons utiliser lorsque nous discutons de la tarification du carbone. Certaines méthodes sont rentables et doivent être assorties de modifications de la réglementation si l'on veut encourager leur adoption par le grand public. D'autres méthodes supposent davantage de risques technologiques et sont plus coûteuses. Elles seraient considérablement plus avantageuses si le gouvernement fédéral les appuyait.
Il faut également reconnaître que nous créons de nombreux débouchés, sous forme d'emplois verts de grande qualité axés sur le savoir. Au point 14, nous présentons une étude réalisée par un organisme avec lequel nous travaillons qui fait état de l'effet multiplicateur du soutien de ces emplois technologiques — on crée 50 p. 100 plus d'emplois en investissant dans le domaine de la photovoltaïque qu'en le faisant dans celui de la construction d'autoroutes, et près de deux fois plus d'emplois dans le domaine de la biomasse qu'en santé. Les occasions de générer des retombées ne manquent pas.
Le gouvernement, à notre avis, a un rôle central à jouer en ce qui concerne l'adoption d'une stratégie nationale sur l'énergie. Au point 16 de notre document, nous expliquons comment il peut jouer ce rôle. Les provinces ont de toute évidence la capacité nécessaire et sont bien placées pour adopter des mesures fiscales d'encouragement, par exemple l'établissement de tarifs incitatifs à l'échelon provincial. L'harmonisation à l'échelle du pays doit tenir compte des différences entre les provinces.
Cependant, seul le gouvernement fédéral a la capacité de favoriser la reconnaissance internationale du pays. C'est à lui également que revient le rôle important de mobiliser les investisseurs du secteur privé afin que les investisseurs s'intéressent à notre pays plutôt qu'à d'autres.
Les grandes responsabilités du gouvernement fédéral l'amènent à prendre en charge la chaîne d'innovation pour tout le secteur technologique, mais, de toute évidence, c'est l'énergie propre qui vous intéresse. Les statistiques qui concernent l'ensemble du marché montrent que le Canada, même s'il obtient de bons résultats au chapitre des droits de propriété intellectuelle et des produits, n'en retire pas autant d'avantages qu'il le pourrait. Au chapitre des dépenses en recherche et développement des entreprises, le Canada se situe dans la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Encore une fois, le gouvernement fédéral pourrait utiliser ce poste de dépenses pour augmenter les chances de réussite du Canada.
Je m'arrête maintenant pour écouter vos questions.
Le président : Tout cela est fascinant.
La fin de semaine dernière, j'étais aux États-Unis pour assister à une séance du Groupe interparlementaire Canada- États-Unis. Nous avons discuté de l'énergie géothermique. Il y avait là des gens pour qui l'énergie géothermique est une source sans égale. Pourquoi est-ce que nous nous intéressons à l'énergie solaire et à l'énergie éolienne quand on peut trouver dans la Terre elle-même des moyens de se chauffer ou de se rafraîchir?
L'énergie géothermique se situe au milieu de la courbe dont vous avez parlé; elle n'occupe qu'une toute petite place. Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'énergie géothermique? Est-ce un domaine d'avenir pour le Canada? Est-ce que nous devrions tenter de l'exploiter?
Mme Sharpe : Selon nous, l'énergie géothermique compte deux volets. Il y a d'une part les thermopompes et l'énergie géothermique qui sert à chauffer les résidences; je crois que vous avez déjà discuté de ce type de technologie. Elle est relativement peu coûteuse et est rentable à long terme. Cette technologie s'adresse aux particuliers.
D'autre part, il y a l'énergie géothermique qui sert à produire de l'énergie; c'est complètement différent. En général, c'est en Nouvelle-Zélande ou en Islande que cette technologie est le plus exploitée, car les sources thermiques y sont près de la surface.
On pourrait un jour envisager le forage de grande profondeur pour exploiter l'énergie géothermique. Cependant, ce n'est pas encore possible et cela ne le sera pas avant longtemps. Il y a peut-être un potentiel; cependant, à mon avis, l'énergie géothermique illustrée au milieu de cette courbe concerne les applications résidentielles, non pas la production d'énergie.
Le président : Est-ce que les immeubles à bureaux, par exemple, entrent dans la catégorie des applications résidentielles?
Mme Sharpe : C'est possible. Nous avons réalisé — à Okotoks, en Alberta — un projet dans le cadre duquel on a installé une pompe géothermique centrale pour alimenter un groupe de maisons. Elle a été jumelée à un système qui captait l'énergie solaire. C'est quelque chose que l'on peut envisager pour un grand groupe de maisons.
Le seul problème, quand on parle des édifices commerciaux, c'est qu'il est plus difficile d'accéder au sous-sol dans les environnements urbains. Souvent, un mécanisme qui convient mieux aux applications commerciales — par exemple, aux édifices à bureaux — est le stockage thermique de la glace.
Le sénateur Banks : À ce que j'en sais, le projet d'Okotoks n'utilise pas tout à fait le type d'énergie géothermique puisé en profondeur dont vous parlez; il s'agit d'entreposage, n'est-ce pas? On utilise le soleil pour chauffer l'eau, et cette eau est entreposée dans le sol.
Mme Sharpe : Vous avez tout à fait raison. On ne parle pas d'énergie géothermique puisée en profondeur.
Le sénateur Banks : Dans votre recommandation sur une stratégie énergétique canadienne, au point 16, vous dites que « [...] le gouvernement peut jouer un rôle déterminant dans la définition et l'instauration d'une stratégie énergétique nationale ». Cela correspond bien à ce que nous entendons de toutes parts. Mais cela suppose qu'une telle chose existe. Est-ce qu'une telle chose existe, ou en êtes-vous le fruit?
Mme Sharpe : Nous ne somme certainement pas le fruit d'une telle stratégie. Le besoin existe, et maintenant l'industrie dit qu'elle veut une telle stratégie. L'industrie veut pouvoir compter sur un message uniforme et durable. C'est à partir de là qu'elle investira à long terme, mais pour le moment, nous n'avons rien.
Ce que nous disons, c'est que nous croyons que le travail réalisé par TDDC et McKinsey revêt une grande valeur, parce que nous avons encore du travail à faire. Encore une fois, si vous le permettez, une fois que nous aurons poursuivi ce travail avec nos collègues, nous serions heureux de revenir ici vous présenter certaines informations plus précises sur les possibilités les plus intéressantes et les moins coûteuses.
Le sénateur Banks : Il faudrait ajouter « si nous en avons une »après l'expression « stratégie énergétique nationale ». Nous n'en avons pas une encore.
Je ne sais pas si vous avez entendu M. Gibbins, le témoin qui vous a précédé aujourd'hui. Il a dit quelque chose, et j'aimerais avoir votre commentaire sur ce sujet. Si j'ai bien compris, il a dit, au sujet des sources d'énergie de remplacement, que nous accusions un tel retard — ce sont les mots qu'il a utilisés — qu'à son avis, nous allons plutôt être des utilisateurs de technologies mises au point ailleurs, pas des innovateurs. Je ne sais pas si vous l'avez entendu dire cela.
Le président : Il parlait en particulier de l'énergie éolienne; il a souligné qu'il s'agissait d'énergie éolienne. Je ne sais pas s'il appliquait ce commentaire uniquement à l'énergie éolienne.
Le sénateur Banks : Vous travaillez dans le domaine des sources d'énergie de remplacement. Est-ce que M. Gibbins avait raison ou tort?
Mme Sharpe : En premier lieu, il est vrai que nous devons nous concentrer, et nous devons miser d'abord sur nos forces. En ce qui concerne les sources ordinaires d'énergies renouvelables dont tout le monde parle — les énergies solaire et éolienne — il ne fait aucun doute que certains pays d'Europe ont commencé, il y a déjà 20 ans, à construire cette technologie pour faire en sorte qu'elle donne des résultats.
Cependant, à l'échelle mondiale, le marché de l'énergie propre représente environ 6,5 billions de dollars, et il inclut les énergies solaire et éolienne. Nous croyons pouvoir profiter de ces débouchés là où nous sommes particulièrement forts. Le Canada est reconnu pour ses capacités dans le domaine des capteurs, des systèmes et de la métallurgie, pour ses mines, et nous savons aussi mettre à profit nos réalisations passées, comme dans le cas de Nortel ou d'autres entreprises.
Nous avons mis nos forces à profit pour soutenir deux entreprises, 6N Silicon et Arise Technologies, qui facilitent toutes deux la production à moindre coût de silicium. Par nos façons de faire, nous essayons de réduire les coûts de cette technologie de façon qu'elle soit plus viable sur le plan économique. Si ces entreprises réussissent, elles créeront d'énormes débouchés sur les marchés d'exportation.
Nous avons pris du retard, à certains égards, dans l'ensemble. Nous ne devrions pas nous lancer dans la construction de grandes turbines. Elles sont construites en Europe. Cependant, le Canada peut apporter sa contribution en ce qui concerne des éléments de ces systèmes qui en augmentent la fiabilité et en réduisent le prix. Le Canada pourra également avoir accès au grand marché mondial.
Je parle de l'utilisation de silicium dans l'énergie solaire. Les deux entreprises dont j'ai parlé produisent à moindre coût du silicium destiné aux applications solaires. En ce qui concerne l'énergie éolienne, nous aidons des entreprises qui utilisent des systèmes à entraînement direct, car les engrenages sont souvent une cause de pannes. Pourquoi ces parcs d'éoliennes ne sont-ils toujours pas compétitifs? La fiabilité n'est pas au rendez-vous. Encore une fois, nous avons au Canada des technologies qui permettent d'augmenter le rendement des parcs d'éoliennes. Je crois que le marché est déjà ciblé, mais nous ne devrions pas renoncer entièrement à ce marché.
Le sénateur Banks : Pourriez-vous nous donner une idée générale de la réussite et de l'échec? Je demande cela parce qu'il est risqué de parier sur une technologie donnée. Bien des gens ont parié sur le VHS plutôt que sur son concurrent, et c'est le concurrent qui a gagné. Pourtant, il est prouvé que cette technologie l'emporte sur l'autre; la technologie beta est de loin supérieure à ce que RCA a fini par imposer.
Est-ce qu'il vous arrive de miser sur le mauvais cheval? Quelle est votre moyenne? Est-ce que nous risquons de miser sur le mauvais cheval?
Mme Sharpe : C'est une bonne question. Notre taux d'insuccès se situe autour des 12 p. 100.
Le sénateur Banks : Est-ce que je peux investir dans votre entreprise?
Mme Sharpe : Nous en serions ravis. Les gens parlent de la possibilité de reconnaître les gagnants, mais cela n'est peut-être pas une bonne stratégie pour le gouvernement, dans la mesure où celui-ci doit créer un environnement propice; TDDC, pour sa part, travaille avec l'industrie afin, justement, de reconnaître les gagnants. Nous choisissons plusieurs entreprises qui peuvent être compétitives, et nous croyons que c'est de cette façon que bâtit des entreprises solides.
Le sénateur Banks : D'une certaine façon, nous sommes tous des investisseurs, n'est-ce pas?
Le président : Peut-être, mais nous ne touchons pas de dividendes, ni d'ailleurs Mme Sharpe et ses collègues. Je ne sais pas si le moment est bien choisi, mais j'aimerais qu'il soit inscrit dans le compte rendu qu'un de vos cadres s'appelle Angus; il est chef de l'exploitation. Il n'a aucun lien avec M. Angus, ici présent?
Mme Sharpe : Non, aucun.
Le président : Il n'a aucun lien avec moi.
Le sénateur Brown : Dans votre document, vous parlez des centrales alimentées au charbon. Elles ont beaucoup d'importance pour ma province, et aussi pour les États-Unis. La principale source d'énergie des États-Unis, c'est le charbon. Est-ce que vous avez réussi à doter ces centrales au charbon d'épurateurs plus efficaces ou à produire un type ou un autre de technologie pour ces usines?
Mme Sharpe : Oui. Le charbon est une ressource importante, et les centrales au charbon sont moins coûteuses que d'autres centrales utilisant des énergies de remplacement.
Nous pilotons également un certain nombre de projets visant une utilisation plus propre des combustibles fossiles. L'un d'eux, mené avec SaskPower, vise à réduire les émissions de mercure de ces usines. Le projet a été mené à terme et a porté ses fruits. En fait, il permettra aux centrales alimentées au charbon de respecter la réglementation avant l'échéance prévue.
Ce qui est important, aussi, en ce qui concerne la question du captage et du stockage du carbone, c'est que ces technologies ne fonctionnent que si le flux d'émission de l'usine est relativement propre, et pour les catalyseurs qui permettent de capter le CO2, le mercure est un véritable poison. Ces travaux pourraient présenter des avantages dans les deux secteurs et c'est pourquoi, oui, nous nous y intéressons.
Le sénateur Seidman : Ce que vous faites est intéressant. Nous parlons beaucoup d'une politique ou d'une stratégie nationale de l'énergie. J'aimerais savoir si votre organisme et vous avez une approche intégrée ou générale en ce qui concerne les types de projets que vous financez et que vous appuyez. Le cas échéant, sur quoi est fondée cette approche? Est-elle fondée sur les tendances actuelles, sur un certain type de méthode stratégique de prise de décisions, sur vos propres priorités ou sur la compétitivité?
Comme l'a mentionné le sénateur Banks, des témoins nous ont dit que nous avons, au Canada, du retard en ce qui concerne bon nombre de ces nouvelles technologies. L'un des témoins a mentionné que nous pourrions nous concentrer sur une approche en particulier derrière laquelle nous pourrions tous nous regrouper et que nous pourrions financer, et qui permettrait au Canada de se distinguer. Pouvez-vous nous parler un peu de cette possibilité?
Mme Sharpe : Avec plaisir. Je vais jeter un pavé dans la mare et vous dire que, quand on observe les secteurs économiques au Canada, on constate que nous sommes, de toute évidence, grandement privilégiés puisque nous possédons un secteur des ressources naturelles et de nombreuses autres ressources qui permettent à notre qualité de vie d'être ce qu'elle est. Qu'il s'agisse de la foresterie, du bois et des produits du bois, ou encore de l'agriculture, du pétrole et du gaz, ou des technologies basées sur la biomasse, technologies au sujet desquelles nous possédons beaucoup de connaissances et la matière première, ce qui fait de nous des chefs de file — si nous voulons conserver ces industries, elles doivent être concurrentielles à l'échelle internationale.
Quand nous parlons de mettre l'accent sur une approche, nous parlons d'une approche qui permet à ces secteurs d'être concurrentiels. Nous parlons aussi d'adopter non seulement des technologies efficaces, mais aussi de nouvelles technologies qui permettront de tirer des revenus d'autres sources, ce qui les rendra plus fortes. Nous voulons faire évoluer certaines de ces activités fondées sur les produits de base vers le haut dans la chaîne de valeurs de façon à être concurrentiels. Nous devons donc mettre l'accent sur nos secteurs.
Je crois qu'il ne serait pas opportun de chercher une solution qui nous aiderait à nous sortir de cette diversification, puisque cela reviendrait à perturber entièrement notre modèle économique. Quand nous possédons toute une gamme de technologies que nous développons, nous nous retrouvons à offrir un menu de solutions technologiques à ces secteurs, qui peuvent choisir celles qui leur conviennent.
Par exemple, dans le secteur des produits du bois, nous collaborons avec une entreprise qui dispose d'un mécanisme de pyrolyse du tilleul d'Amérique. Elle fabrique, à partir d'un flux de déchets, un certain nombre de produits, dont des résines qui peuvent remplacer des résines chimiques pour fabriquer des panneaux de particules, et aussi de l'énergie.
Nous avons une autre technologie qui permet de produire des colorants alimentaires à partir du même type de chose. Si vous utilisez de la sauce barbecue, les substances aromatiques qui la composent sont produites à partir de déchets de bois grâce à une technologie canadienne. Nous prenons les déchets de bois d'une entreprise qui a besoin de solidifier ses marchés de trouver de nouvelles sources de revenu. Nous pensons que nous devons offrir cette variété et ne pas nous contenter de choisir une seule réponse.
Comment choisissons-nous les projets que nous soutenons? Nous avons, comme je l'ai mentionné, ces analyses d'investissement du DD. Elles prennent du temps, mais ce que nous disons à l'industrie, c'est : « De quoi avez-vous besoin pour réussir? » Nous déterminons ensuite où l'entreprise veut aller et de quelle façon nous pouvons lui offrir des solutions technologiques. Une vaste gamme d'options stratégiques — qui intéresseraient sûrement le comité — viennent s'ajouter à ce processus et peuvent permettre d'améliorer et d'accélérer la mise en œuvre de ces technologies sur le marché.
Quand nous recevons une demande, nous nous posons les questions suivantes : est-ce que l'entreprise répond aux besoins de l'industrie canadienne? Est-ce qu'elle permet de combler les possibilités d'exportation à l'échelle mondiale?
Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Seidman : Oui, ce sont des renseignements très utiles. Merci.
Le sénateur McCoy : J'ai deux questions. D'abord, vous avez parlé des DIRD. Je ne me souviens jamais de la signification de ce sigle.
Mme Sharpe : Il s'agit des dépenses gouvernementales en recherche et développement; le sigle DERD signifie les dépenses des entreprises en recherche et développement.
Le sénateur McCoy : Ces dépenses sont habituellement exprimées sous la forme d'un pourcentage du PIB.
Mme Sharpe : C'est exact.
Le sénateur McCoy : Le président Obama a récemment annoncé qu'il souhaitait que les dépenses gouvernementales en R-D atteignent 3 p. 100 du PIB; cet objectif comprenait les dépenses gouvernementales et les dépenses des entreprises, n'est-ce pas?
Mme Sharpe : Je ne suis pas au courant de cette nouvelle déclaration. Selon les chiffres dont nous disposons, les dépenses des entreprises américaines correspondent à 1,8 p. 100 du PIB. Le Canada dépense 1 p. 100 du PIB. Quand je parle du Canada, je veux parler non pas du gouvernement mais bien des industries.
Le sénateur McCoy : Je crois que le Président des États-Unis a annoncé, dans sa volonté d'encourager une économie verte, qu'il souhaitait que ces dépenses atteignent 3 p. 100 du PIB.
Mme Sharpe : Oui.
Le sénateur McCoy : Pensez-vous que cette approche devrait être l'un des volets de la stratégie générale de l'énergie que nous envisageons?
Mme Sharpe : Je crois que c'est une suggestion formidable. Le mécanisme qui attirera plus d'investissements de la part des entreprises permettra de régler bon nombre des enjeux que nous avons soulevés aujourd'hui à propos des investissements durables dans l'environnement et des mesures incitatives à ce sujet.
Nous faisons face à un véritable enjeu, parce qu'il faut, d'une part, doubler la valeur des investissements — ou la tripler, comme dans le cas qui nous occupe —, et parce que, d'autre part, il y a peu d'industries qui investissent de l'argent. Nous avons perdu des entités comme Nortel, ce qui fait que nous n'avons plus ce type d'investissement ayant de nombreuses retombées avantageuses. Je crois que c'est une excellente idée.
Le sénateur McCoy : Cela s'inscrira aussi dans la tradition du Sénat. Un ancien sénateur avait présenté, il y a environ 30 ans, une politique en matière de technologies et recommandait le même objectif.
J'aimerais parler de cette courbe de réduction. Je vous inciterais à parler directement de cette courbe de réduction. C'est la première fois que je vois une courbe de réduction pour le Canada. J'ai demandé à bon nombre de gens de m'en fournir une. Je suis enchantée de voir que vous en avez créé une. C'est un outil de communication utile.
J'aimerais que vous l'expliquiez. Montrez-nous pourquoi cela nous entraîne dans ce qu'on appelle souvent le domaine de l'efficacité énergétique et pourquoi nous sommes poussés vers les solutions de captage et de stockage du carbone, même si elles sont coûteuses.
Mme Sharpe : Avec plaisir. Si vous n'avez jamais vu cette courbe auparavant, c'est parce qu'elle a été créée tout récemment. Elle sort tout juste de l'imprimerie — elle est encore toute chaude. Il ne serait pas raisonnable de ma part de vous donner une explication sans m'adresser à mon collègue, Rick Whittaker, qui a grandement contribué à l'élaboration de cette courbe. Je vais donc, si vous le permettez, demander à M. Whittaker de répondre à votre question.
Rick Whittaker, technicien en chef et vice-président, Investissements, Technologies du développement durable Canada : Pour répondre à la question, je commencerais d'abord par préciser que cette courbe est un aperçu, une image partielle, de la situation, au Canada, des technologies émergentes à l'échelle mondiale. Il n'y a pas encore de courbe de réduction en tant que telle pour le Canada. Le Canada doit élaborer une courbe de réduction, et cela fait partie des tâches dont nous nous occupons actuellement.
Nous avons constaté que le Canada est responsable de 2 p. 100 du problème des changements climatiques à l'échelle mondiale, mais nous avons des solutions qui semblent, à notre avis, pertinentes à l'échelle de la planète. Quelles sont les possibilités à l'échelle mondiale? La courbe que vous avez entre les mains, qui est le résultat de la première étape de nos travaux, se penche sur l'application des technologies canadiennes à l'échelle mondiale, tout au long de cette courbe mondiale de réduction. Nous estimons que les technologies canadiennes sont pertinentes relativement à 72 p. 100 des solutions de technologies propres à l'échelle mondiale. Cela représente donc, pour le Canada, une possibilité de s'affirmer et de dire : « Mettons l'accent sur l'exportation de certaines de nos technologies énergétiques propres ».
Si nous voulons véritablement élaborer une stratégie nationale de l'énergie ou une stratégie canadienne de l'énergie, nous pourrions peut-être nous demander sur quels aspects et sur quelles forces nous devrions mettre l'accent. Nous ne pouvons pas nous distinguer dans le secteur de l'énergie éolienne, mais nous pourrions peut-être mettre l'accent sur certains aspects de nos forces en matière de mines et de métallurgie. C'est ce qui ressort à tout le moins en partie de cette courbe. La prochaine étape de notre travail consiste à déterminer de quels moyens le gouvernement canadien dispose mis à part la technologie. Les politiques, par exemple, protègent nos forêts, et c'est le genre de moyens que nous avons à notre disposition pour régler le problème des changements climatiques.
La dernière chose que j'aimerais dire à propos de cette diapositive, c'est le fait que le côté gauche de la courbe traite des façons d'agir sur l'efficacité énergétique; il s'agit de méthodes de réglementation que l'on peut prendre, plutôt que de chercher à mettre sur pied un système de quotas et d'échanges, à fixer une taxe ou un prix sur le carbone, ou d'autres mesures du genre. Il y a probablement de nombreux moyens rentables qui sont déjà à notre disposition, mais que nous ne pouvons pas adopter parce qu'il y a d'autres obstacles sur notre chemin. On pourrait peut-être simplement commencer par mettre l'accent sur ces moyens.
Le sénateur McCoy : En d'autres termes, si nous lisons l'échelle qui apparaît à la gauche de la courbe de réduction, on voit qu'il s'agit de 80 $ de moins, ou, dans ce cas, 80 euros par tonne de CO2 pour atteindre la quantité de la réduction de CO2 inscrite le long de la ligne horizontale. L'épaisseur de chacune des colonnes nous indique donc la quantité de CO2 que nous éliminons ou utilisons.
Mme Sharpe : Oui, c'est exact. La quantité de CO2 est indiquée par la largeur de la colonne.
Le sénateur McCoy : La ligne verticale nous dit combien ça coûte. Ce n'est pas cher, et presque la moitié des activités se retrouve du côté rentable de l'échelle, ce qui est une révélation.
M. Whittaker : En effet.
Le sénateur McCoy : C'est une superposition d'une courbe européenne — où s'agit-il plutôt de la courbe de réduction de McKinsey aux États-Unis?
M. Whittaker : Il s'agit de la version 2 de la courbe de coût de la réduction des gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Elle a été tracée pour plus de 22 pays et de 60 régions. C'est un important ensemble de données mondiales. Pour notre part, il s'agit d'un aperçu des 184 entreprises que nous avons sélectionnées. Nous en avons visité 5 000 et retenu 184, à qui nous avons fourni des données validées, dans la mesure du possible, sur les coûts et la réduction. Nous avons observé ce que cela donnait quand nous superposions ces données aux autres données mondiales, et c'est ce qui a constitué la première étape de nos travaux.
Le sénateur McCoy : Allez-vous aussi tracer une courbe qui ne concernera que le Canada?
M. Whittaker : C'est notre intention.
Le sénateur McCoy : Quand pensez-vous qu'elle sera prête?
M. Whittaker : Il y a actuellement une proposition à l'étude par les ministères pour que nous procédions à ce travail. Il y a beaucoup d'intérêt pour ce travail, et nous recevons un grand soutien. Si tout va bien — si nous sommes capables de financer la prochaine étape du projet — nous pourrions obtenir des résultats dès cet automne.
Le président : Quand vous parlez du « ministère », parlez-vous de RNCan?
M. Whittaker : RNCan et Environnement Canada.
Le président : Les deux?
M. Whittaker : Oui.
Le président : Combien demandent-ils?
Le sénateur McCoy : Oui, combien demandez-vous? Pouvez-vous nous le dire?
Mme Sharpe : Ce sont eux qui détermineront le montant du financement. Nous avons financé la première partie, et ce sera plusieurs milliards de dollars...
M. Whittaker : Millions.
Mme Sharpe : ... qu'ils devront investir. Nous n'avons pas les moyens de le faire. Ce n'est pas trop cher compte tenu de la qualité de l'information, qui sera si utile.
Le président : Est-ce le genre de projet qui peut être financé à partir du Fonds pour l'énergie propre? Souhaitez-vous obtenir une affectation en particulier?
Mme Sharpe : Non, ce n'est pas pour TDDC. Nous ferons le travail, avec nos collègues, mais ils paieront les travaux à partir de leur budget de fonctionnement. Nous n'avons pas à aller aussi loin. Il y a un accord qui confirme que les travaux doivent être faits, et ils trouveront l'argent pour procéder aux deux étapes à venir.
Le sénateur McCoy : Vous pouvez citer mes paroles et dire que je vous appuie fermement. Pouvez-vous s'il vous plaît nous tenir au courant de votre réussite, par l'entremise de notre greffière, du président et du comité directeur, le cas échéant? Je crois que c'est une chose que nous devrions étudier le plus rapidement possible si nous le pouvons.
Mme Sharpe : Nous serons heureux de transmettre cette information à nos collègues.
Le sénateur Mitchell : D'abord, j'aimerais en savoir plus sur la façon dont fonctionne votre financement. Je crois que vous avez reçu 550 millions de dollars pour le Fonds de technologies du DD et 500 millions de dollars pour le Fonds de biocarburants ProGen. Combien avez-vous dépensé et, par conséquent, combien vous reste-t-il à investir?
Mme Sharpe : En ce qui concerne le Fonds des technologies du DD, nous avions affecté 464 millions de dollars à la fin de l'année dernière. Selon le taux de demandes que nous recevons habituellement, nous pensons que le financement aura été entièrement dépensé d'ici la fin de l'exercice. En fait, la partie du financement destinée à la qualité de l'air et aux changements climatiques a déjà été dépensée, et nous espérons obtenir une modification qui nous permettra de déplacer une partie de l'argent pour poursuivre nos activités. Nous devons veiller à ne pas perdre notre élan si nous voulons que notre entreprise demeure viable et active, et c'est un aspect que nous aimerions régler, si possible.
Le Fonds de biocarburants ProGen est associé, pour nous, à de solides et bonnes occasions d'affaires. Nous recevons un grand nombre de demandes solides. Le Canada est un chef de file en ce qui concerne les biocarburants de la prochaine génération. Jusqu'à présent, nous nous sommes seulement engagés dans un petit projet parce que les modalités d'utilisation de ce fonds exigent que nous ayons des technologies de portée commerciale. Ce que tous les pays du monde ont constaté — les États-Unis ont vécu la même chose avec le fonds mis sur pied par le département de l'Énergie —, c'est que les technologies ne sont pas prêtes à être utilisées à grande échelle. Il reste du travail à faire pour en augmenter la portée. Cependant, nous nous attendons, cette année, à envisager quatre autres applications. L'une a déjà atteint un certain stade de développement, ce qui signifie qu'elle ne peut presque pas du tout être interrompue.
Le sénateur Mitchell : Quand vous parlez de modifier les cadres qui déterminent l'affectation des fonds, est-ce que vous voulez dire que vous souhaitez prendre de l'argent dans le Fonds de biocarburants ProGen et le verser dans le Fonds des technologies du DD?
Mme Sharpe : L'accord de financement — le contrat que nous avons avec le gouvernement — n'est pas du tout le même pour ces deux fonds. Ce fonds était accompagné d'une solide exigence de la politique, ce qui fait que ce n'est pas notre décision. Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question. Nous pensons que le Fonds de biocarburants ProGen peut véritablement avoir une incidence dans les secteurs de l'agriculture et de la foresterie, qui peuvent produire les biocarburants, et, donc, présenter un avantage à long terme. Ce que nous disons, c'est que le Fonds des technologies du DD devrait être reconnu pour ses propres avantages, et nous demandons donc clairement une recapitalisation de ce fonds.
Le sénateur Mitchell : L'argent que le gouvernement vous donne et que vous investissez n'est pas une pure et simple dépense faite par le gouvernement. Les 10 ou 12 p. 100 que vous perdez en sont peut-être une, mais c'est de l'argent qui vous est avancé et que vous investissez. Vous ne pouvez pas recevoir de capitaux propres, mais est-ce que vous investissez l'argent à un certain taux d'intérêt?
Mme Sharpe : Non, nous ne le faisons même pas. Ce que prévoyait la politique initiale, c'était que, comme il n'existait pas de marché des technologies propres, nous devions créer ce marché, et l'argent nous était fourni comme une subvention. Il n'y avait pas de remboursement associé à cette subvention. Nous ne touchons aucun rendement, mais le gouvernement aura...
Le sénateur Mitchell : Les entreprises qui réussissent vous remboursent?
Mme Sharpe : Non, elles ne le font pas. Le gouvernement en tire un revenu parce que les entreprises engagent des gens et paient des impôts. Nous avons procédé à une analyse des emplois et avons constaté que, seulement dans 25 de nos 184 entreprises, il y a peut-être 500 emplois qui ont été créés au cours des deux dernières années. Nous avons aussi procédé à une évaluation de 47 autres entreprises qui possèdent des technologies liées à la fabrication et avons conclu qu'elles pourraient créer, au cours des quatre ou cinq prochaines années, environ 4 000 emplois directs; on ne parle pas d'emplois indirects, ni d'autres choses. Pour le Canada, le rendement vient de la création d'emplois et des recettes fiscales.
Le sénateur Mitchell : Je crois que vous avez déjà implicitement répondu à la question, mais y a-t-il plus d'occasions que d'argent à investir dans celle-ci? Vous n'êtes pas en train de repousser les limites pour trouver des occasions d'investir, n'est- ce pas? Y a-t-il beaucoup de bonnes occasions? C'est la première partie de la question.
Il y a d'autres financements; vous êtes en concurrence avec le financement du système de quotas et d'échanges, qui est de 15 $ la tonne, en Alberta. Je ne sais pas par quel nom on le désigne. Y a-t-il un marché suffisant?
Mme Sharpe : Il y a un marché suffisant, tout à fait. Nous avons pour principe d'utiliser le terme « investir » parce que c'est de cette façon que nous traitons le financement. Nous prenons des décisions comme s'il s'agissait d'investissements dans le secteur privé, sauf que nous tenons aussi compte, pour prendre nos décisions, des avantages pour l'environnement.
Toutefois, nous constatons que les entreprises qui s'adressent à nous le font souvent prématurément. Nous collaborons donc avec elles en coulisse pour les aider à élaborer leurs plans d'affaires et à acquérir les capacités qui leur permettront d'obtenir du financement.
Nous pourrons continuer à verser du financement. Nous n'avons pas assisté à une diminution du nombre de demandes. Nous constatons la valeur de ce financement et nous voyons que nous sommes en mesure de permettre à des entreprises canadiennes de devenir plus compétentes.
Nous ne sommes pas en concurrence avec les autres fonds dans les autres provinces. De fait, TDDC a fourni, en marge de ses activités, des conseils sur nos méthodes, qui ont fait l'objet d'un examen de la part de la vérificatrice générale, laquelle a établi un bilan de santé positif et a affirmé que nos processus étaient solides.
Nous avons collaboré avec les responsables du Fonds de l'innovation des énergies propres de la Colombie- Britannique et du fonds Energy Environment Technology de l'Alberta, qui joue le rôle de mécanisme de vérification de la conformité en Alberta. Nous avons aussi collaboré avec des représentants de fonds de l'Ontario, et nous établissons des liens au Québec. Pour nous, nos collègues des provinces constituent une occasion de collaborer, de faire des investissements communs et de pousser la technologie plus loin.
Il y a un troisième point que j'aimerais soulever en ce qui concerne le fait que le Canada retire ou non un rendement des investissements qu'il fait à notre organisation. Notre évaluation provisoire par une tierce partie a été effectuée et présentée au conseil en juin 2009, et une analyse de rentabilité a été effectuée à l'aide de la méthode reconnue par le gouvernement. Ces mesures ont permis de constater que le rendement obtenu est de 12 fois la somme investie par TDDC dans les technologies ou dans les entreprises.
Pour vous donner une idée des chiffres, le grand public investit 62 millions de dollars par l'entremise de TDDC dans 25 de nos entreprises, et les retombées prévues vont d'environ 446 millions de dollars à plus de 1,3 milliard de dollars. Les retombées moyennes sont de 750 millions de dollars pour un investissement de 62 millions de dollars de notre part.
À notre avis, il y a là une valeur distincte.
Le président : Il s'agit des 25 meilleures entreprises?
Mme Sharpe : Ce sont les 25 entreprises les plus près du marché.
Le président : Je comprends; les autres ne sont pas aussi près du marché.
Mme Sharpe : Nous ne nous sommes pas encore penchés sur les autres entreprises parce qu'elles sont plus loin du marché; il aurait fallu faire des hypothèses plus hasardeuses. Nous préférions travailler avec un plus petit ensemble de données.
Nous espérons, évidemment, que le nombre d'entreprises se multipliera grandement. Vous pourrez trouver, sur notre site Web, les résultats de l'évaluation intermédiaire de même que la réponse de la direction à cette évaluation.
Nous en sommes encore au tout début. Notre organisation existe depuis seulement huit ans. Malgré tout, l'évaluateur a fait remarquer que le rendement était exceptionnel compte tenu du fait que le fonds est récent.
Le sénateur Mitchell : Ma dernière question concerne l'énergie nucléaire. Je crois que vous avez eu des expériences, d'une façon ou d'une autre, avec cette source d'énergie. Nous aimerions connaître les perspectives concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire comme source de carburant en remplacement des centrales électriques au charbon.
Mme Sharpe : TDDC n'a pas financé de nombreux projets qui utilisaient l'énergie nucléaire. Nous avons un projet de fusion, qui a du potentiel. Une évaluation du projet a permis de déterminer que c'était l'un des projets qui offrait le plus de possibilités, tout comme aux États-Unis. Mais soyons clairs : il faudra encore plusieurs dizaines d'années.
Nous avons d'autres projets qui peuvent apporter une aide supplémentaire à l'industrie du nucléaire, mais dans de moindres proportions. Je dirais donc que nous ne parlons pas beaucoup au nom de cette industrie. J'ai moi-même travaillé dans cette industrie, mais c'était il y a longtemps. De toute évidence, le nucléaire est une façon de produire de l'énergie qui présente de grands avantages du point de vue des émissions de gaz à effet de serre. Nous pensons donc qu'il y a là une grande valeur potentielle.
La sécurité de la technologie de modération à eau lourde est reconnue, et je ne crois pas vous apprendre quelque chose si je vous dis que la décision d'aider notre industrie nucléaire à aller de l'avant se prendra à l'échelle nationale. Nous devons accroître nos ventes à l'échelle internationale. Le volet national est aussi important, de toute évidence, et il représente une grande part de l'énergie utilisée en Ontario. Cela demeure tout de même une question importante.
Le président : À propos de l'énergie nucléaire, vous avez tout à fait raison. On nous a dit que le gouvernement tente d'en arriver à une décision nationale. Il y a des points de vue contradictoires. Nous avons été impressionnés par ce qui se fait en France. Même si l'expérience a été plutôt mitigée en Ontario — ou peut-être que quelqu'un a pris une autre direction que celle qu'il aurait dû prendre —, nous estimons que l'énergie nucléaire a une certaine valeur. Nous en sommes au tout début de nos travaux. Si nous devions décider d'aller vers l'énergie nucléaire, cela prendrait sûrement l'allure d'une révélation.
Dernièrement, la lecture des feuilles de thé donne à penser que nous allons peut-être dans l'autre direction.
Pour nous, qui devons formuler des recommandations, comme vous l'avez fait dans votre document, ce qui est fort utile, diriez-vous que nous faisons preuve d'un optimisme démesuré si nous recommandions que l'on envisage sérieusement l'énergie nucléaire? Est-ce que cette forme d'énergie — nous l'avons mise à l'essai et nous avons manqué le bateau — coûte si cher qu'il faudrait peut-être même éviter de perdre notre temps à y réfléchir?
Mme Sharpe : C'est une technologie qui coûte cher, et le coût total de la construction des installations est rarement celui qui était prévu au départ, ce qui fait que le coût total constitue un enjeu. Toutefois, une fois qu'elles sont construites et fonctionnelles, les centrales nucléaires ne coûtent pas si cher.
Leurs facteurs de capacité demeurent toutefois le véritable enjeu. À l'époque où la plupart des centrales de l'Ontario ont été mises en place, elles atteignaient des taux de 80 p. 100 ou de 85 p. 100 — les 5 p. 100 supérieurs de la technologie nucléaire, à l'échelle mondiale. Pour déterminer s'il s'agit d'une solution à long terme, il faut observer ce qui se passe une fois que les centrales fonctionnent depuis un certain temps et la façon dont elles sont exploitées. Honnêtement, les problèmes ne sont bien souvent pas d'ordre technologique. Ils sont d'ordre administratif.
Le président : Nous pouvons aussi voir SNC-Lavalin dans la liste impressionnante des grandes entreprises du secteur privé qui vous aident à faire connaître vos membres, entre autres. On nous a dit que SNC-Lavalin avait mis au point une solution nucléaire qu'elle tente actuellement d'exploiter peut-être en Afrique du Sud.
Êtes-vous au courant de ce projet? Nous prévoyons inviter des représentants de SNC-Lavalin pour nous en dire plus, mais j'ai l'impression que ce pourrait être passionnant.
Mme Sharpe : Je ne peux pas vous répondre; cela dépasse mes compétences.
Le président : Nous savons que vous possédez des connaissances à ce sujet que vous avez fait partie de l'industrie pendant un certain temps, est-ce juste?
Mme Sharpe : Oui, mais c'était il y a quelques dizaines d'années.
Le sénateur Peterson : Merci d'avoir présenté votre exposé. J'ai quelques questions. Vous avez mentionné que vous êtes associés avec le Centre de recherche en technologie pétrolière à Regina et que l'investissement porte ses fruits. Il y a aussi le Centre international d'essai pour le captage du CO2 à l'Université de Regina. Êtes-vous associé avec ce centre? Avez-vous eu des discussions avec ses représentants, ou ont-ils communiqué avec vous?
Mme Sharpe : Non, ils n'ont pas communiqué avec nous. Nous avons trois projets en cours avec le CRTP, mais nous n'avons pas de lien direct avec l'autre organisme.
Le sénateur Peterson : Je pose cette question parce que nous avons un projet pilote concernant le captage du CO2 à la centrale Boundary Dam, qui est alimentée au charbon.
Mme Sharpe : Nous connaissons bien ce projet. Vous allez découvrir que les représentants de Ressources naturelles Canada s'occupent beaucoup du captage et du stockage du carbone. Une grande part du Fonds pour l'énergie propre est destinée au captage et au stockage du carbone, y compris dans les centrales alimentées au charbon. Ce sont eux qui ont offert le plus de financement dans ce secteur récemment, mais ils n'ont pas communiqué avec nous, et nous ne participons pas à ces activités. D'après ce que je comprends, la CRTP participe à cette initiative, et nous collaborons avec le CRTP.
Nous avons un projet de captage et de stockage du carbone, le projet Aquistore, qui est l'un des essais les plus importants qui se penchent sur le stockage du dioxyde de carbone dans les aquifères salins. Nous participons à la création du savoir dans ce secteur.
M. Whittaker : Nous participons au projet de la centrale Boundary Dam de SaskPower et aussi au projet de la rivière Poplar, en ce qui concerne le nettoyage du mercure, et c'est un peu le précurseur pour le CO2.
Le sénateur Peterson : Oui, cela se passe bien, c'est pourquoi je me demandais s'ils avaient communiqué avec vous.
J'ai une question à propos du point 7 et de la production d'énergie propre. Vous ne mentionnez pas l'énergie nucléaire dans l'image. Est-ce que c'est parce que vous ne vous en occupez pas? C'est une méthode de production d'énergie qui n'émet pas de gaz à effet de serre, alors ne devrait-elle pas s'y trouver? Il y a une nouvelle technologie qui utilise des centrales modulaires pouvant produire aussi peu que 450 mégawatts et dont la production peut augmenter si la demande augmente. Pensez-vous que l'énergie nucléaire doit continuer à apparaître sur notre écran radar?
Mme Sharpe : C'est un secteur important qui mérite d'être analysé, et il revient au gouvernement de prendre une décision concernant l'importance qu'on y accordera. Les coûts associés à la construction, à la modification ou au renforcement de la technologie nucléaire canadienne sont beaucoup plus importants que ce que peut se permettre TDDC. Nous nous sommes concentrés sur tous les autres secteurs parce que nous pouvons entraîner plus de retombées pour le Canada et aider une gamme beaucoup plus vaste d'industries. De ce point de vue, la technologie nucléaire n'est pas de notre ressort.
Le sénateur Mitchell : Je comprends. Vous pourriez peut-être ajouter une autre case dans l'image qui dirait : voilà une autre source d'énergie propre dont nous ne pouvons pas nous occuper parce qu'elle coûte trop cher. Il y a actuellement 46 centrales en construction dans le monde; ce n'est pas un pur produit de l'imagination; l'industrie est bel et bien réelle. Je veux qu'elle demeure dans notre écran radar à titre de source de production d'énergie propre.
Le sénateur McCoy : Nous voulons une courbe de réduction pour le Canada de façon que l'énergie nucléaire soit mentionnée quelque part.
Le président : Elle représente déjà un pourcentage important.
Le sénateur Banks : Je crois comprendre que vos deux fonds ne font pas du tout l'objet d'une rotation. Une fois que vous avez dépensé l'argent, ils n'existent plus et ne reviendront pas, s'il n'y a pas de nouveaux crédits parlementaires.
Mme Sharpe : C'est tout à fait juste.
Le sénateur Banks : Quand une nouvelle technologie est développée, il y a une version de cette technologie en laboratoire, une version sur papier et une version sur le terrain. Est-ce que vous investissez dans ces trois versions? Investissez-vous dans la dernière étape, quand on peut supposer que la technologie peut exister en pratique et fonctionner à l'échelle commerciale?
Mme Sharpe : Je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter cette précision. Nous n'investissons pas dans les projets à l'étape de l'expérimentation. Il nous arrive, dans certains cas, de mettre à l'essai une technologie à petite échelle dans un contexte non théorique. De fait, il s'agit toujours de travail sur le terrain, mais ce peut être à petite échelle. La démonstration constitue une autre part de notre mandat; il s'agit habituellement d'une illustration à plutôt grande échelle du rendement de la technologie dans une application concrète. C'est sur cette étape que nous mettons l'accent, et on ne peut pas compter sur les investissements du secteur privé pour cette étape.
Le sénateur Banks : Vous n'investissez pas à l'étape du laboratoire?
Mme Sharpe : Non.
Le sénateur Banks : Vous n'investissez pas dans les projets sur papier ou en cours d'expérimentation, mis à part quelques exceptions. Vous entrez en jeu quand la technologie a été éprouvée et permettra probablement de construire quelque chose de viable sur le plan commercial?
Mme Sharpe : Non, la technologie n'est pas éprouvée. Notre mandat en est un de développement et de démonstration. Toute la technologie sur laquelle nous nous penchons n'est pas encore utilisée à l'échelle commerciale et ne suscite pas encore de recettes. Nous nous en occupons à partir de sa sortie du laboratoire. Prenons une personne qui s'occupe d'un projet dans une université et qui reçoit du financement du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, ou d'un organisme du genre. Supposons que c'est un professeur qui possède la propriété intellectuelle et qui dirige le projet à l'université ou qui crée une entreprise pour mettre à l'essai une première étape d'application à plus grande échelle. Si nous estimons que cette technologie présente un potentiel suffisant sur le marché, nous allons prendre un risque à l'étape préliminaire, c'est-à-dire à l'étape du développement, qui fait partie de notre mandat. La production d'énergie à partir des déchets constitue un autre secteur qui présente d'excellentes possibilités pour le Canada. Les utilisateurs finaux, comme les municipalités, par exemple, ne veulent pas courir de risque en supposant qu'une technologie qui fonctionne à petite échelle fonctionnera adéquatement pour eux et en utilisant cette technologie de façon prématurée. Nous pouvons fournir de l'argent pour la mise à l'essai de la technologie à plus grande échelle.
Le président : Sénateur Banks, je suis heureux que vous ayez posé cette première question, mais je suis étonné que vous n'ayez pas posé la question qui suit en toute logique. J'aurais aimé que vous la posiez.
Le sénateur Banks : Ce serait à un membre du gouvernement de le faire.
Le président : Il vaudrait mieux que ce ne soit pas le cas.
Le sénateur Banks : Pensez-vous recevoir de nouveaux crédits parlementaires de façon à pouvoir poursuivre votre travail, ou prendrez-vous votre retraite à la Barbade?
Mme Sharpe : Nous ne prévoyons jamais rien.
Le sénateur Banks : En avez-vous fait la demande?
Mme Sharpe : Nous avons posé la question, et nous avons reçu un appui considérable de la part d'un certain nombre de ministres. Ils sont à tout coup fascinés par le travail que nous faisons et le fait que nous mettons l'accent sur le secteur privé. Toutefois, un certain nombre d'élections ont eu lieu, ce qui signifie des changements de ministres. Ces changements n'ont pas toujours été à notre avantage. Nous avons aussi vécu un ralentissement économique, qui a certainement eu des répercussions sur certaines de nos occasions d'investir.
Nous pouvons tous travailler ailleurs dans le secteur privé. Tout le monde, à TDDC, vient du secteur privé. Je ne prévois pas prendre ma retraite pour l'instant. Nous sommes emballés de voir le succès que peut avoir le Canada à l'échelle internationale avec ce dont il dispose. Nous nous sommes rendus en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Quand les responsables de ces fonds souverains ou de ces grandes sociétés voient ce que nous avons à offrir, ils me disent qu'ils ne savaient pas que les capacités du Canada en matière de technologie propre étaient si importantes. Nous voulons récolter les fruits de nos efforts et faire des gains importants grâce aux fonds publics investis. C'est clairement dans cette direction que nous allons.
Le sénateur Banks : Si on revient à vos activités, il vous faut, pour conserver la même efficacité, un milliard de dollars de plus.
Mme Sharpe : Ce chiffre est doux à mon oreille.
Le président : Sénateur, vous vous en sortez bien jusqu'à maintenant, mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout. Je propose ce qui suit : si les membres du comité sont aussi enthousiastes et emballés que le président du comité et les témoins à propos des perspectives d'avenir, que pouvons-nous faire pour aider à assurer la viabilité de TDDC?
Mme Sharpe : Nous sommes heureux de connaître votre réaction, compte tenu de votre savoir et du travail que vous faites. Si nous devons faire partie de l'une ou l'autre de vos recommandations, je suis certaine que cela nous sera très utile. Honnêtement, si nous voyons que l'accent est mis sur certaines des technologies et certains des marchés qui ont, à notre avis, de la valeur, et que vous formulez des recommandations à propos de ces technologies, indépendamment de TDDC, ces entreprises et le pays ne pourront qu'en tirer d'énormes avantages.
Le président : Nous ne l'avons pas mentionné précédemment, comme j'aurais probablement dû le faire, mais nous sommes diffusés, ce soir, sur la CPAC et sur le web, qui possède un lien direct avec la circonscription de Mégantic—L'Érable, celle de l'honorable Christian Paradis. Souhaitons qu'ils aient écouté attentivement les audiences.
Il est 20 h 30, et il y a un autre événement ce soir auquel bon nombre de vos entreprises participent. À cause des retards à la Chambre, vous avez une bonne heure et demie de retard. Je vous remercie donc très sincèrement, au nom du comité et de tous nos collègues du Sénat. Vous avez fait un travail exceptionnel. J'espère que nous nous rencontrerons de nouveau; nous nous apprêtons à terminer la première étape de notre étude et publierons notre rapport au début juin.
Nous serons de retour à l'automne et entendrons des représentants des divers secteurs. Nous examinerons cette courbe — n'est-ce pas, madame McCoy — et élargirons un peu nos centres d'intérêt.
Merci, monsieur Whittaker, madame Sharpe et monsieur Thaker. La séance a été des plus agréables.
Mme Sharpe : Merci. Ça a été un honneur.
(La séance est levée.)