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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7 - Témoignages du 27 mai 2010


OTTAWA, le mercredi 27 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 10, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement). (Sujet : L'exploration et le forage pétrolier/gazier au large des côtes du Canada : la situation actuelle des activités/règles et règlements applicables.)

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle David Angus. Je suis originaire de la province de Québec, dont je suis l'un des représentants au Sénat, et je préside ce comité.

Nous comptons parmi nous aujourd'hui le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta, notre vice-président; MM. Sam Banks et Marc LeBlanc, nos deux recherchistes de la Bibliothèque du Parlement; le sénateur Richard Neufeld, ancien ministre des Ressources naturelles de la Colombie-Britannique; le sénateur Judith Seidman de Montréal; le sénateur Bert Brown de l'Alberta; le sénateur Daniel Lang du Yukon; Mme Lynn Gordon, notre greffière loyale et efficace; le sénateur Linda Frum de Toronto; le sénateur Tommy Banks de l'Alberta qui m'a précédé à la présidence, et le sénateur Paul Massicotte du Québec. Je crois savoir qu'un ou deux de nos collègues se joindront à nous plus tard.

Je suis ravi d'accueillir ce matin nos témoins, nos téléspectateurs sur le réseau CPAC et ceux qui suivent nos travaux sur le web. À mes yeux, nous tenons ce matin une réunion spéciale de ce comité. Un sondage réalisé par le groupe de recherche EKOS nous a révélé la semaine dernière que 50 p. 100 des Canadiens sont préoccupés par ce qui se passe dans le golfe du Mexique à la suite de l'explosion de la plate-forme pétrolière de British Petroleum. Ils estiment que tous les forages extracôtiers devraient cesser immédiatement. Certains d'entre eux ne voient là qu'une mesure temporaire dans l'attente d'un examen de la sécurité de ces activités, alors que d'autres sont partisans d'une interruption définitive de ces forages. Nous avons eu l'occasion de lire plusieurs articles dans la presse à ce sujet. Nos collègues de la Chambre des communes étudient toute cette question du forage extracôtier d'un point de vue plus large.

Le comité de direction de notre comité est d'avis qu'il se peut que le public soit mal informé ou induit en erreur sur les forages extracôtiers qui se déroulent actuellement au Canada et du danger imminent qu'ils peuvent présenter, s'il y en a. C'est ainsi qu'il nous semble, a priori, que le danger est nul en l'absence de forage.

C'est pourquoi nous avons décidé de tenir une série d'audiences pour présenter les faits au grand public. Nous espérons l'informer de façon précise et lui permettre d'apaiser ses craintes. Nous ne nous y érigeons en rien en juges. Nous avons lu, écouté et parlé aux responsables du gouvernement pour obtenir leurs garanties, et nous les acceptons pour ce qu'elles valent. Nous allons maintenant écouter ce que les témoins ont à nous dire.

Il n'y a pas de forage sur la côte Ouest ni dans l'Arctique, mais c'est un type d'activité très fréquent sur la côte Est, et il en est ainsi depuis un certain temps.

Nous sommes ravis que nos deux témoins aient pu se joindre à nous ce matin. M. Ruelokke est le président-directeur général de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Il est ingénieur professionnel et possède une vaste expérience de travail en conception et construction techniques, en services de soutien offshore, en fabrication/construction navale offshore et en administration dans la fonction publique. Il a occupé de nombreux postes de direction dans les secteurs publics et privés avant d'être nommé en 1996 sous-ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie de Terre-Neuve-et-Labrador. Il occupe ce poste à l'Office des hydrocarbures extracôtiers depuis octobre 2006.

M. Stuart Pinks est le président-directeur général de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. C'est un spécialiste des opérations et de la réglementation qui jouit d'une large expérience acquise au Canada, au Venezuela, en Malaisie et en Thaïlande. En janvier 2009, il a été nommé président-directeur général de l'Office Canada-Nouvelles-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Auparavant, depuis son arrivée au service de l'office en 2002, il y avait exercé les fonctions de directeur de la santé, de la sécurité et de l'environnement et d'agent principal de la sécurité.

Je suis convaincu que vous allez nous fournir beaucoup plus de détails, mais je crois avoir compris que, dans les grandes lignes, les forages sur la côte Est du Canada relèvent des pouvoirs et de la supervision des organismes provinciaux de réglementation, que vous dirigez tous deux, et non pas de l'Office national de l'énergie, qui assume les pouvoirs fédéraux en la matière. Toutefois, je crois savoir que l'Office national de l'énergie est impliqué dans une certaine mesure dans ce qui se passe sur la côte Est, mais je me trompe peut-être.

Je sais que vous avez déjà témoigné devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes. Nous suivons leurs délibérations et nous avons vu vos témoignages. Monsieur Ruelokke, nous écoutons vos commentaires préliminaires.

Max Ruelokke, président-directeur général, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je voudrais commencer ma déclaration en vous exprimant la profonde sympathie que nous tous, à l'Office Canada-Terre-Neuve et Labrador des hydrocarbures extracôtiers, éprouvons pour les familles et amis des victimes de l'explosion du Deepwater Horizon le 20 avril. À eux tous, nous adressons nos pensées et nos prières.

L'office a été créé en 1985, en vertu de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve, afin de réglementer les opérations relatives au pétrole et au gaz de la zone extracôtière de Terre-Neuve, pour le compte des gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador. Notre office est composé de trois membres nommés par le gouvernement du Canada, de trois autres nommés par celui de Terre-Neuve-et-Labrador et de moi-même qui suis le président-directeur général, nommé par les deux gouvernements.

Notre personnel compte 69 employés, totalisant environ 600 ans d'expérience combinée dans le gaz et le pétrole extracôtiers. Notre mandat couvre quatre domaines clés : la sécurité des travailleurs, la protection de l'environnement, la gestion des ressources et les retombées industrielles. L'énoncé de mission de l'office confirme que la sécurité des travailleurs et la protection de l'environnement seront primordiales dans toutes les décisions de l'office. L'office ne prend pas part à la définition ou à l'administration des redevances ou des taxes visant les activités extracôtières. Nous ne faisons pas la promotion de l'industrie. C'est le rôle des gouvernements. Notre rôle est d'assurer la surveillance réglementaire des activités des exploitants. Le terme « exploitant » désigne les sociétés qui détiennent des permis d'exploitation délivrés par l'office.

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve prévoit la nomination d'un délégué à la sécurité pourvu d'importants pouvoirs et responsabilités touchant la sécurité des travailleurs, ainsi que d'un délégué à l'exploitation dont les pouvoirs touchent la gestion des ressources. La législation prévoit qu'une ordonnance rendue par le délégué à la sécurité ne peut pas être annulée par l'office, et a préséance sur une décision rendue par le délégué à l'exploitation. Cette loi accomplit donc déjà ce que les États-Unis se proposent maintenant de faire en ce qui concerne la séparation de certaines responsabilités du Minerals Management Service. En bref, notre loi prévoit qu'en ce qui concerne la sécurité par rapport à la gestion/production des ressources, la sécurité est prépondérante.

Le forage pétrolier et gazier au large de Terre-Neuve-et-Labrador a commencé il y a plus de quarante ans, en 1966. Depuis, quelque 355 puits ont été forés, dont 144 puits d'exploration. Quinze de ces puits l'ont été en eaux profondes, c.-à-d. à 500 mètres ou plus. La production de pétrole dans notre zone extracôtière a commencé en 1997. À la fin de mars 2010, 1,1 milliard de barils de pétrole avaient été produits par trois projets : Hibernia, Terra Nova et White Rose. Depuis le début de la production, quelque 1 100 barils de pétrole brut ont été déversés dans notre zone extracôtière, soit à peu près 1 baril pour 1 million de barils produits. Il n'y a pas eu d'éruption dans notre zone extracôtière. Évidemment, nous préférerions qu'il n'y ait pas eu de blessé ou de déversement, mais nous croyons que le dossier en cette matière dans notre zone extracôtière est tout à fait respectable.

Actuellement, un programme de forage d'exploration se déroule dans notre zone extracôtière. Chevron Canada Limited est en train de forer le puits d'exploration Lona O-55, à 430 kilomètres au nord-est de St. John's, à une profondeur d'environ 2 600 mètres. Je décrirai ce projet plus en détail dans quelques minutes.

Le mandat de l'office est d'interpréter et d'appliquer les dispositions de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve et ses règlements qui touchent l'industrie extracôtière. Outre l'application de la loi, l'office fournit à l'industrie des directives basées sur notre propre expérience et expertise, et sur les meilleures pratiques du monde entier.

Les événements du golfe du Mexique nous rappellent que des accidents peuvent survenir. Les règlements et les organismes chargés de les appliquer visent à ce que le risque d'un incident au large des côtes soit réduit à un niveau qui est « le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre ». C'est une réalité avec laquelle doivent composer les organismes de réglementation dans le cadre de leurs responsabilités. C'est précisément pour cette raison que les organismes de réglementation de la sécurité cherchent à améliorer la sécurité et à prévenir les accidents.

Avant même qu'un programme de forage ne soit envisagé et avant que les permis correspondants ne soient délivrés pour une zone d'exploration potentielle, l'office procède à une évaluation environnementale stratégique des opérations possibles dans cette région. Cette initiative est en sus des exigences de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique et de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. L'évaluation environnementale stratégique du secteur du bassin Orphan, où se trouve le puits Lona O-55, a été entreprise en 2003 et le public a été invité à formuler des observations à la fois sur le document définissant la portée de cette évaluation, au début du processus, et sur la version provisoire du rapport final. Ce dernier a été publié sur le site web de l'office en novembre 2003 et il est encore disponible aujourd'hui. Même s'il s'agit nécessairement plus d'un aperçu synoptique que d'une évaluation de projets spécifiques, l'évaluation environnementale stratégique a examiné, entre autres, les risques potentiels des éruptions et le devenir des hydrocarbures.

Je tiens à vous décrire le processus d'approbation réglementaire pour les programmes de forage.

Dans le cadre du processus de planification d'un programme de forage, et avant que toute autorisation concernant le programme ne soit délivrée, une évaluation environnementale du programme proposé est réalisée. L'évaluation est effectuée en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique. Dans le cas du programme de forage du bassin Orphan, l'évaluation a été terminée en juillet 2006, avant que Chevron ne soit autorisée à forer un premier puits dans la région, le puits d'exploration Great Barasway F-66 en eaux profondes. La documentation associée à cette évaluation, comme toutes les évaluations de l'office, est accessible au public et les principaux documents peuvent encore être téléchargés depuis le site web de l'office.

La supervision, par l'office, d'un programme de forage au large des côtes commence dès la phase initiale de planification, généralement 18 mois ou plus avant tout programme proposé. L'examen opérationnel et l'approbation des programmes de forage constituent un processus à deux niveaux qui exige, d'une part, une autorisation d'exploitation, et d'autre part, une approbation de forer un puits (AFP) pour chaque puits faisant partie du programme de forage.

Avant de recevoir l'autorisation d'exploitation, un certain nombre d'obligations légales doivent être remplies. Le candidat doit avoir complété le processus d'évaluation environnementale. L'exploitant doit avoir obtenu un certificat d'aptitude d'une autorité de certification tierce et indépendante, une lettre de conformité de Transports Canada pour les installations de forage, et il doit présenter un plan de sécurité, un plan de protection de l'environnement et un plan d'urgence qui comprend un plan d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures. En outre, l'exploitant doit présenter des documents sur la responsabilité financière. Enfin, il doit fournir une attestation d'aptitude fonctionnelle attestant que les équipements et installations qui seront utilisés au cours de son programme sont aptes aux usages prévus, que leurs procédures d'utilisation sont appropriées, que le personnel est qualifié et compétent, et que l'installation respecte toutes les normes nécessaires au Canada. C'est seulement après que toute cette documentation est présentée à l'office et approuvée par nous qu'un exploitant peut aller de l'avant.

Le contrôle du forage et des puits est un aspect crucial des opérations en mer et il est décrit en détail dans le cadre réglementaire. Cela comporte un examen de divers volets : les capacités techniques et la planification de l'exploitant à l'égard de la conception des puits et des tubages, le contrôle des puits, la prévention et la détection des surpressions et des vibrations, et l'établissement de limites d'exploitation par temps très mauvais. De plus, nous examinons les exigences de déconnexion d'urgence et nous évaluons la disposition des puits d'intervention. Nous nous assurons également que tout le personnel a la formation nécessaire en contrôle des puits et en prévention des éruptions. Un examen est effectué pour vérifier qu'il y a une redondance adéquate des systèmes de commande des blocs obturateurs de puits (BOP), en prévision de toute situation qui pourrait causer une déconnexion du puits.

La surveillance de ces aspects est réalisée d'une manière systématique par le système d'évaluation de la sécurité de l'office, qui comprend un examen du système de gestion de la sécurité de l'exploitant et la confirmation que celui-ci a déterminé les risques et les mesures à instaurer pour réduire ces risques au niveau le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre.

Enfin et surtout, les professionnels de l'office en matière de sécurité et d'environnement examinent les plans d'urgence pour le projet, dans le cas où un incident se produirait en dépit des mesures préventives mises en place. Ces plans comprennent un plan d'intervention en cas de déversements d'hydrocarbures, qui décrit en détail la structure de commandement que l'exploitant mettra en place en cas de déversement. Il décrit aussi le lien de ce plan avec ceux des autres exploitants et des gouvernements, ainsi que les ressources disponibles sur place, dans l'Est de Terre-Neuve et à l'échelle nationale et internationale pour les interventions en cas de déversement. Les ressources disponibles localement incluent les grands systèmes de confinement et de récupération (barrages flottants et récupérateurs), chacun ayant une capacité de pompage de plus de 50 000 barils par jour.

La modélisation détaillée du devenir potentiel d'un déversement à ces endroits, s'appuyant sur 40 années de données météorologiques, indique que même si un grand déversement se produisait dans notre zone de forage, il serait peu probable que le pétrole approche des côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Ainsi, des scènes comme on voit actuellement sur la côte de la Louisiane ne se produiraient pas ici. Les impacts d'un déversement qui surviendrait aussi loin au large des côtes canadiennes pourraient néanmoins être sérieux et exiger une intervention immédiate, mais ce serait une situation passablement différente de ce que nous voyons aux États-Unis ces jours-ci.

Le président : Je suis navré de vous interrompre, mais le terme « déversement » peut avoir plusieurs sens. Est-il synonyme d'explosion? Vous parlez des effets d'un déversement touchant la Louisiane. Parlez-vous de tous les types de fuite possibles?

M. Ruelokke : Oui. Un déversement peut être causé par un tuyau de chargement, par exemple, lorsque le pétrole est transféré d'une installation de production vers un pétrolier. Il peut découler d'un accident à bord du navire ou de l'installation elle-même, et il peut également se produire à la suite d'une explosion sous-marine, comme ce fut le cas avec l'incident Deepwater Horizon.

Le président : C'est un cas beaucoup plus catastrophique, j'imagine.

M. Ruelokke : Oui, il est beaucoup plus difficile à contrôler.

Le deuxième volet du processus d'approbation de forage comprend l'obligation d'obtenir une approbation de forer un puits (AFP) pour chaque puits foré. L'AFP doit contenir des renseignements détaillés sur le programme de forage et de conception, y compris l'équipement BOP, le tubage et le programme de cimentation, ainsi que le pronostic géologique. Cette demande est examinée, avant la délivrance de l'AFP, par une équipe multidisciplinaire au sein de l'office, composé d'ingénieurs, de techniciens, de géologues, de géophysiciens et de spécialistes de l'environnement.

Les directives actuelles de forage et de production couvrent toutes les questions critiques en matière de barrières de puits, de prévention des explosions et de contrôle des puits, y compris les aspects touchant les BOP, le tubage et la cimentation, ainsi que les exigences détaillées et les attentes relatives à l'achèvement des puits. Ces directives reflètent des normes élevées et la pensée moderne en matière de forage, de cimentation et de contrôle des puits.

Chevron Canada Limited a obtenu une AFP pour le puits Lona O-55 après avoir respecté toutes les exigences réglementaires sur le forage et la production, et les directives de l'office. Le plan de sécurité de Chevron couvre tous les risques, y compris une éruption, et décrit comment ces risques seront gérés. Le plan de sécurité décrit l'utilisation d'un équipement approprié, de procédures appropriées et d'un personnel compétent pour procéder à des opérations de forage en toute sécurité. Chevron utilisera le navire de forage Stena Carron, un navire de forage en milieu hostile de 6e génération, des plus modernes.

Le BOP peut être activé à partir du plancher de forage en utilisant l'un des deux systèmes de commande hydraulique. Cette redondance permet de s'assurer que l'équipe de forage peut obturer le puits. Le navire est également pourvu de trois systèmes de secours capables d'activer les BOP et d'obturer le puits s'il y a lieu : un système acoustique, un système d'intervention par véhicule téléguidé (ROV) et une fonction AutoMode (AMF) qui active automatiquement le BOP et obture le puits en cas de perte de signal.

Avant de commencer les opérations sur le puits d'exploration Lona O-55, le Stena Carron avait été affrété par ConocoPhillips dans le bassin Laurentien au large de la côte Sud de Terre-Neuve-et-Labrador. Le puits East Wolverine G-37 de ConocoPhillips est également en eaux profondes, à 1 900 mètres, et il a été foré avec succès à la profondeur finale, diagraphe puis obturé.

Le président : Veuillez m'excuser, mais j'aimerais, alors que vous abordez la description des opérations, que vous nous fournissiez un chiffre, soit la distance en mer à laquelle ces activités sont menées? Je sais qu'un champ pétrolifère est plus étendu qu'un simple point sur la carte.

M. Ruelokke : Dans le cas du puits actuel, le Lona O-55 qui est en cours de forage dans le Nord-Est de Terre-Neuve, il est situé à environ 430 kilomètres au nord-est de St. John's. Le puits East Wolverine, lui, se trouve à 120 milles de la terre la plus proche, soit l'extrémité sud-ouest de la baie Placentia. C'est au sud de Terre-Neuve dans la région appelée le bassin Laurentien, qui se trouve à environ 120 milles de la terre la plus proche. Le puits dont nous parlons actuellement est situé à presque 300 milles.

Le président : Est-ce que ce sont là les deux situés au large de Terre-Neuve qui sont opérationnels?

M. Ruelokke : Nous disposons de quatre systèmes qui forent des puits au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Sur notre plate-forme fixe de production, celle d'Hibernia, nous avons deux unités de forage de puits de production. Il n'y en a qu'une en service actuellement, qui fore un puits de production dans le bloc AA d'Hibernia.

Je ne traite ici que du puits d'exploration. C'est le seul à être en cours de forage actuellement. Outre les installations de forage fixes dont nous disposons sur la plate-forme Hibernia, nous avons deux unités mobiles de forage extracôtier appelées semi-submersibles, dont l'une se trouve au chantier naval de Marystown où elle fait l'objet de certains travaux périodiques et spécialisés de révision. L'autre plate-forme semi-submersible, appelée GSF Grand Banks, fore actuellement un puits de production dans le champ pétrolifère North Amethyst pour White Rose.

Enfin, le Stena Carron est le navire spécialisé qui fore le puits d'exploration que je décris dans mon exposé.

Le président : Ici aussi, à quelle distance se trouve-t-il?

M. Ruelokke : Il est à près de 400 kilomètres au nord-est de St. John's.

Le puits Lona O-55 été foré par battage le 10 mai 2010. Le bloc obturateur (BOP) a été entièrement pressurisé et son fonctionnement testé, y compris les systèmes d'activation de secours, et il a été mis en marche pour être installé sur une colonne, puis sur la tête du puits. Chevron continue de mener ses opérations de forage selon l'AFP et le puits devrait être achevé au début de septembre, si le calendrier est respecté.

Monsieur le président et membres du comité, après un incident comme celui qui est survenu dans le golfe du Mexique, un organisme de réglementation comme le nôtre procède, par mesure de prudence, à un examen interne afin de déterminer si on peut améliorer davantage nos mesures de surveillance pour répondre aux préoccupations à l'égard des risques que représente le forage extracôtier.

À la lumière de la situation qui prévaut dans le golfe du Mexique et des vives inquiétudes dans le public au sujet des opérations de forage en cours au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, l'office a pris les mesures ci-dessous pour superviser les opérations sur le puits Lona O-55 de Chevron. Ces mesures s'ajoutent aux exigences déjà contenues dans la réglementation sur le forage et la production et dans les directives connexes.

Une équipe a été créée au sein de l'office pour assurer la surveillance réglementaire des activités de Chevron. Cette équipe est composée du délégué à la sécurité, du délégué à l'exploitation, des membres de l'équipe de gestion de l'office et de quelques cadres supérieurs possédant une vaste expérience dans la surveillance réglementaire des programmes de forage. Chevron est censée fournir à temps des rapports quotidiens (sept jours par semaine), afin que cette équipe dispose toujours d'information à jour.

La société Chevron est tenue de rencontrer l'équipe de surveillance de l'office toutes les deux semaines pour examiner tout ce qui touche le puits. Le délégué à la sécurité de l'office présidera ces réunions.

De plus, Chevron doit fournir à l'ingénieur de l'exploitation des puits, à l'office, des rapports portant sur les éléments suivants : les essais des blocs BOP, les essais fonctionnels du système de commande acoustique, les essais fonctionnels de la capacité d'intervention du véhicule téléguidé (ROV) et les essais fonctionnels du système Automode (AMF), ainsi qu'une évaluation de l'état de préparation du système ROV en termes d'équipement, de procédures et de pièces de rechange.

Chevron est, en outre, censée suivre l'évolution de l'incident Deepwater Horizon et de fournir des évaluations périodiques de l'application, au puits Lona O-55, de toute leçon tirée de cet incident, en particulier ce qui touche l'exploitation du puits, le matériel BOP et l'état de préparation en cas de déversement.

La fréquence des vérifications et des inspections à bord du Stena Carron sera d'environ trois à quatre semaines. Normalement, les vérifications et les inspections des installations extracôtières ont lieu aux trois à quatre mois.

Pour ce puits, comme pour tous les puits d'exploration, on a relevé un certain nombre de cibles possibles, de zones du substratum où il paraît possible de trouver des hydrocarbures. Avant de pénétrer toute cible, Chevron doit cesser les opérations pour examiner et vérifier, à la satisfaction du délégué à la sécurité et du délégué à l'exploitation, que tous les équipements, systèmes et procédures appropriés sont en place pour permettre le déroulement des opérations en toute sécurité et sans polluer l'environnement.

De plus, avant de pénétrer toute cible, Chevron doit s'assurer, à sa satisfaction et à celle de l'office, que tout le personnel et tout l'équipement d'intervention en cas de déversement, selon ce que prévoit son plan d'urgence en cas de déversements d'hydrocarbures, sont disponibles pour un déploiement rapide.

Chevron doit également prendre des dispositions pour qu'un représentant de l'office soit présent à bord du Stena Carron pour observer les opérations de cimentation de la dernière colonne de tubage avant d'entrer dans toute zone cible. Des observateurs seront également présents pour assister aux essais des BOP, aux exercices de contrôle des puits et pour observer les essais de pression à la phase de cimentation.

Dans le cas des essais des blocs BOP, un représentant de l'autorité de certification sera également présent.

En temps voulu, Chevron doit fournir, pour examen et évaluation par l'équipe de surveillance de l'office, une copie du programme proposé d'achèvement du puits qui sera remise au personnel pour sa mise en oeuvre. Chevron doit également prendre les dispositions nécessaires pour qu'un représentant de l'office soit à bord du Stena Carron pour observer le programme d'achèvement du puits.

En conclusion, l'office croit administrer un régime robuste de sécurité et de protection de l'environnement. Les exploitants travaillent ici dans un milieu difficile, qui exige de la diligence de leur part pour réduire les risques au niveau le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre. Il nous incombe, à titre d'organisme de réglementation, de superviser leurs programmes, un rôle auquel nous tous, au sein de l'office, nous nous dévouons.

Le président : Je vous remercie, monsieur Ruelokke. Je vais maintenant demander à votre collègue, M. Pinks, de nous faire part de ses commentaires préliminaires et, après vous avoir entendu tous les deux, nous aurons des questions à vous poser.

Mais avant, tant que nous avons vos commentaires à l'esprit, je crois savoir que votre office a un site web auquel vous avez fait allusion. Si, par exemple, nous voulons savoir qui en sont les membres, quels sont leurs noms et prendre connaissance de leurs curriculum vitae, nous trouverons l'information sur ce site web?

M. Ruelokke : C'est bien cela.

Le président : Nous y trouverons donc tout cela, en plus des données administratives internes. Nous n'avons donc pas besoin de nous y attarder maintenant.

M. Ruelokke : C'est exact.

Le président : La seule autre chose qui m'a frappé, comme mes collègues j'en suis sûr, est que vous nous assurez que les activités qui relèvent de votre organisme sont menées de façon sécuritaire et raisonnable, alors que vous avez une page et demie de texte disant « Chevron doit faire ceci, Chevron doit faire cela, Chevron doit aussi faire ceci ». Cela m'apparaît comme des exigences que vous imposez, en utilisant vos termes, « étant donné ce qui s'est passé » dans le cas de Deepwater Horizon. Je tiens à savoir si vous estimez que tout se faisait de façon également sécuritaire avant que vous n'ajoutiez ces exigences, ou cela a-t-il été un rappel à l'ordre?

M. Ruelokke : Non. Nos usages et nos procédures qui s'appliquent normalement permettent de forer des puits en toute sécurité, et l'ont fait effectivement. Toutefois, dans le cas de l'incident de Deepwater Horizon, nous faisons face à un certain nombre d'interrogations dont nous ignorerons les réponses tant que le bloc obturateur du puits n'aura pas été récupéré et examiné.

Comme c'est toujours le cas pour un organisme de réglementation, lorsque des éléments inconnus ont contribué à un incident survenu dans une autre administration, nous devons examiner ce que nous faisons et comment nous le faisons pour nous assurer d'être protégés contre de tels incidents dans la zone relevant de nos pouvoirs. Un niveau additionnel de surveillance a donc été mis en place et le restera tant que le forage de ce puits n'aura pas été terminé avec succès.

Le président : Je vous remercie de ces précisions. Monsieur Pinks de l'Office de la Nouvelle-Écosse, la parole est à vous.

Stuart Pinks, président-directeur général, Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers : Je vous remercie de nous avoir invités à venir vous rencontrer.

Permettez-moi de commencer en vous faisant part des regrets de notre présidente, Diana Dalton, qui aurait aimé être présente ce matin. Elle avait rendez-vous depuis longtemps pour passer un examen médical mineur qui l'obligeait à être à Halifax aujourd'hui, ce qui explique son absence.

À la différence de la façon dont les choses sont organisées chez nos collègues de l'Office de Terre-Neuve-et-Labrador, nos postes de présidente et de président-directeur général ne sont pas occupés par la même personne. M. Ruelokke, lui, occupe les deux alors que moi, je n'en occupe qu'un.

Le président : Nous vous prions de transmettre nos meilleurs vœux à votre présidente. Nous pourrions fort bien l'inviter à comparaître si elle le désire, mais je suis certain que vous saurez faire face à la musique, comme si elle était là.

M. Pinks : Je vais faire de mon mieux.

Pour commencer, je tiens à vous remercier de cette occasion de venir vous rencontrer et de vous fournir de l'information sur l'état des équipements d'urgence dont nous disposons et sur la mesure dans laquelle notre réglementation actuelle convient pour régir les activités extracôtières du secteur pétrolier en Nouvelle-Écosse.

J'ai préparé des notes d'allocution, qui vous ont été communiquées en anglais et en français, et je vais les suivre, même s'il se peut que je saute par-dessus quelques sections parce que le mandat de notre office et la législation qui le régit sont très comparables à ceux de l'Office Canada-Terre-Neuve et Labrador des hydrocarbures extracôtiers. De nombreux aspects de l'ensemble des procédures d'autorisation et de surveillance que M. Ruelokke vous a déjà décrites sont très comparables aux nôtres. Nos deux offices collaborent étroitement au niveau de la direction et à celui du fonctionnement pour administrer des ensembles comparables de textes législatifs et réglementaires de façon aussi cohérente et harmonieuse que possible.

Je vais commencer par vous présenter brièvement notre office et vous décrire son mandat.

Notre office a été constitué en 1990. Nous sommes un organisme conjoint et indépendant du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse. À notre conseil d'administration, deux personnes sont nommées par le gouvernement fédéral, deux par le gouvernement provincial et une est nommée conjointement par les deux paliers, Mme Diana Dalton. Elle est donc nommée par les deux gouvernements et relève de Ressources naturelles Canada au fédéral et du ministère de l'Énergie au niveau provincial. Nous réglementons les activités pétrolières dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse, soit sur environ 45,5 millions d'hectares.

L'exploration pétrolière au large des côtes de la Nouvelle-Écosse a débuté dans les années 1950 par des travaux d'analyse sismique. Le premier puits d'exploration a été foré en 1967 et, depuis cette époque, nous comptons maintenant au total 207 puits qui ont été forés dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. Pendant la même période, deux projets ont vu le jour et sont maintenant en production, et un troisième est en préparation. Il n'y a actuellement aucun forage dans la région extracôtière de la Nouvelle-Écosse.

Les activités de forage au large de la Nouvelle-Écosse ont connu des hauts et des bas. Nous sommes actuellement dans un de ces « bas » puisqu'aucun puits d'exploration ou de production n'est en cours de forage actuellement.

Le président : Le Banc Georges, qui fait actuellement l'objet d'un moratoire, se trouve-t-il dans votre zone?

M. Pinks : Il se trouve effectivement dans la zone dont nous sommes responsables, mais il fait l'objet d'un moratoire depuis de nombreuses années et notre office ne lancera donc aucun appel d'offres pour procéder à des travaux d'exploration sur le Banc Georges. La période d'application du moratoire a été prolongée récemment de trois ans, jusqu'en 2015.

Le président : Oui. Je suppose qu'il en est de même pour la partie américaine du Banc Georges.

M. Pinks : Oui. Bien évidemment, celle-ci ne relève pas de nos pouvoirs. Les nôtres vont jusqu'à la frontière entre le Canada et les États-Unis.

Le président : Il n'y a donc aucun forage en cours, comme vous venez de le dire.

M. Pinks : Aucun forage n'est en cours dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse.

Le président : J'en déduis donc que, pendant la phase d'exploration, des forages ont lieu pour chercher des hydrocarbures.

M. Pinks : C'est exact.

Le président : C'est à cette étape qu'on trouve des hydrocarbures et les autres activités suivent par la suite. Y a-t-il des activités quelconques de ce genre actuellement?

M. Pinks : Je vais en traiter un peu plus en détail dans la suite de mon exposé. Si vous me permettez de poursuivre, je vais vous fournir des explications d'ici peu.

Le mandat que nous confère la réglementation, tout comme pour l'Office de Terre-Neuve, englobe la réglementation de la santé et de la sécurité des travailleurs extracôtiers, la protection de l'environnement, la prévention du gaspillage des ressources en hydrocarbures, ainsi que les retombées industrielles locales. Nos pouvoirs réglementaires découlent de la législation sur l'accord entre le fédéral et la province et de la réglementation promulguée en application de celle-ci. Nos offices ont les pouvoirs et les moyens de publier des documents d'orientation, qui fournissent des interprétations et des conseils sur la façon dont les exploitants doivent se conformer à la législation et à la réglementation en vigueur quand ils mènent leurs activités extracôtières. Nous avons actuellement au-delà de 20 documents distincts d'orientation affichés sur notre site web et transmis à l'industrie.

Le Projet Cohasset-Panuke a débuté en 1992 et était en opération jusqu'en 1999. Ce fut le premier projet pétrolier extracôtier du Canada. Il a produit au total 44,5 millions de barils de pétrole léger. J'entends ici par « pétrole léger », un condensat parmi les plus légers. Ce n'est pas la même chose que du pétrole brut. Il se rapproche davantage de l'essence naturelle, quand on le regarde. Pendant la durée de vie du projet, qui s'est étalée sur sept ans, nous n'avons enregistré aucun déversement important ni aucun incident de contrôle de puits.

Le président : À quelle distance était-il au large?

M. Pinks : Il était à environ 250 kilomètres au sud-est de Halifax.

Le seul projet actuellement en production au large des côtes de la Nouvelle-Écosse est le Projet énergétique extracôtier de l'île de Sable. Il produit du gaz naturel à partir de cinq champs distincts dans des eaux dont la profondeur va de 20 à 75 mètres. Ces champs sont situés à environ 225 kilomètres de la côte Est de la Nouvelle-Écosse. La production a commencé en décembre 1999, et il est prévu qu'elle se poursuive pendant la présente décennie.

Quelques découvertes de moindre importance faites par le passé font actuellement l'objet d'études pour venir éventuellement s'ajouter à ce projet, et toute nouvelle découverte pourrait prolonger sa durée de vie au-delà de la fin de la décennie. Ce projet produit actuellement environ 350 millions de pieds cubes standard de gaz naturel par jour. Le gaz est acheminé par pipeline sous-marin jusqu'à une usine de transformation située à Goldboro. Une partie de ce gaz est consommée dans le Canada atlantique, mais la plus grande partie est acheminée par gazoduc vers les États-Unis à destination de la région de Boston.

Le projet de mise en valeur du gisement extracôtier de gaz Deep Panuke de la société Encana est actuellement en cours de développement. Il vise l'extraction de gaz naturel d'une zone extracôtière située en eau peu profonde, à environ 250 kilomètres au sud-ouest de Halifax. Le gaz sera transporté jusqu'à Goldboro par un second pipeline sous-marin. On prévoit que la production commencera en 2011, donc dans le courant de l'année prochaine, et qu'elle se poursuivra pendant une vie moyenne de 13 années. Pendant la vie du projet, un maximum de 900 milliards de pieds cubes de gaz naturel sera produit.

Comme vous l'aurez peut-être constaté, il ressort de ce qui précède que la région extracôtière de la Nouvelle-Écosse est riche en gaz et que seules de petites quantités d'huile légère y ont été découvertes jusqu'à maintenant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de quantités importantes de pétrole au large de la Nouvelle-Écosse, mais que, jusqu'à maintenant et dans cette zone, c'est surtout le gaz naturel qui a été exploité.

Le président : Lorsque vous parlez d'eaux peu profondes, sont-elles définies par une profondeur minimale et maximale?

M. Pinks : Les eaux peu profondes dans lesquelles nous travaillons ont moins de 100 mètres. Par le passé, nous avons procédé à quelques forages en eaux profondes, dans 2 à 3 000 mètres de creux, mais comme je l'ai déjà dit, actuellement, il n'y a pas de forage en Nouvelle-Écosse.

Le régime réglementaire en place prévoit que toute activité ou tout ouvrage planifié dans la zone extracôtière doit d'abord être autorisé par l'office. Pour obtenir l'autorisation de procéder à un type de travaux ou d'activités précis, nous devons avoir reçu une demande d'un détenteur de permis. Il y a un certain nombre d'éléments à prendre en considération dont M. Ruelokke a parlé de façon passablement détaillée, y compris la preuve de moyens financiers permettant de faire éventuellement face aux responsabilités, les considérations de sécurité, de protection de l'environnement, de conservation des ressources, de retombées industrielles, de certifications, de déclarations et de permis d'exploitation. Tous ces éléments doivent être pris en compte et évalués lorsqu'on étudie une demande.

Du point de vue de notre office, la santé et la sécurité des travailleurs extracôtiers et la protection de l'environnement viennent en tête. Ce sont des questions essentielles pour notre office. Le règlement prévoit qu'une demande d'autorisation pour des opérations de forage ou de production doit être accompagnée d'un plan faisant état des mesures de sécurité et d'un plan de protection de l'environnement ainsi que de plans d'urgence et de procédures d'intervention en cas d'urgence.

Ces plans doivent prouver que l'exploitant a mis en place des systèmes efficaces de gestion de la sécurité et de l'environnement et ils doivent montrer que l'exploitant a bien cerné les risques en matière de santé, de sécurité et d'environnement qu'entraîneraient les activités proposées, qu'il a évalué correctement ces risques et déterminé les modalités indispensables pour les atténuer ou les gérer afin de les ramener à un niveau aussi faible que cela est raisonnable en pratique.

Comme l'a dit M. Ruelokke, les activités de forage et production dans la zone extracôtière imposent de procéder à une évaluation environnementale en application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Notre office exerce des pouvoirs fédéraux et agit concrètement comme le principal organisme réglementaire dans la réalisation de ces évaluations environnementales. Nous procédons également à ces évaluations en conformité avec la Loi fédérale sur les espèces en péril, qui est destinée à protéger précisément ces espèces. Ces évaluations environnementales doivent être réalisées, et il doit être déterminé que le projet n'est pas susceptible de causer des effets environnementaux négatifs importants avant que l'office n'autorise un ouvrage ou une activité.

M. Ruelokke vous a parlé de son processus d'attribution des certificats d'aptitude. Nous avons le même. Il se présente comme un mécanisme indépendant qui a été approuvé et prévu par le règlement, règlement qui précise qui peut agir de façon indépendante pour procéder aux vérifications en fonction de l'étendue des travaux approuvés par notre délégué à la sécurité. Ce délégué approuvera également les programmes d'entretien, d'inspection et d'essai et les manuels opérationnels. Nous nous assurons que la totalité du programme de certification d'aptitude a été préparé et appliqué comme il convient.

Le président : Il m'apparaît clairement en vous écoutant jusqu'à maintenant que, pour ces évaluations, vos deux organismes exercent concurremment ou conjointement les pouvoirs en la matière avec le gouvernement fédéral. Vos deux offices interagissent-ils entre eux et avec l'Office national de l'énergie? Y a-t-il le même type de synergie et d'interaction?

M. Ruelokke : Oui, c'est bien le cas. Les trois offices ont consacré collectivement beaucoup d'efforts au cours des deux ou trois dernières années à la nouvelle réglementation sur les forages et la production. Nous avons également rédigé et publié conjointement des guides ou des directives, en particulier en notre nom propre et en celui de la Nouvelle-Écosse. M. Pinks et moi-même discutons de ces questions au moins toutes les deux semaines, et parfois plus souvent. Nos employés sont en relations permanentes les uns avec les autres et ils le sont également avec les responsables de la réglementation internationale. Nous constituons collectivement un groupe de responsables de la réglementation internationale qui se réunit assez souvent de façon informelle, mais officiellement, une fois par année.

Le président : S'agit-il là du groupe des huit principaux pays procédant à des forages ou à de l'exploitation extracôtière?

M. Ruelokke : Oui.

Le président : Ce groupe comprend également le Groenland si je ne me trompe?

M. Ruelokke : Non, pas pour l'instant. Il comprend la Norvège, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Brésil, l'Inde, le Canada et les Pays-Bas.

Le Groenland s'apprête à lancer son premier programme de forage extracôtier. Nous avons eu des communications officieuses avec le Groenland. J'ai pris la parole à une conférence organisée à Copenhague, il y a un an et demi, sur la façon dont nous réglementons l'industrie. Nous croyons qu'ils sont intéressés à tirer les leçons de notre expérience, mais ils ne nous ont pas encore adressé de demande officielle.

M. Pinks : Si je peux ajouter quelque chose, en ce qui concerne l'Office national de l'énergie, dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse, nous avons actuellement un gazoduc qui transporte le gaz du projet Sable situé à 225 kilomètres au large jusqu'à la terre. Il est soumis à notre réglementation et à celle de l'Office national de l'énergie. Le gazoduc en eaux profondes du projet Panuke, qui a été installé, mais qui n'est pas encore opérationnel, mais qui devrait l'être l'année prochaine, relève également à la fois de nos pouvoirs et de ceux de l'Office national de l'énergie. Nous interagissons beaucoup dans le domaine des gazoducs.

Au niveau fédéral, le régime réglementaire extracôtier en place est très complexe. De nombreux ministères et organismes s'intéressent à ce régime, que ce soit du fait de la réglementation ou parce que cela touche à leur propre domaine d'intérêt. Nous consacrons beaucoup de temps à faire de la coordination, au sujet de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, avec Environnement Canada, Pêches et Océans Canada, Transports Canada et d'autres.

Le président : Est-ce aussi le cas avec la Garde côtière?

M. Pinks : Oui, avec la Garde côtière. Nous essayons, d'un point de vue gouvernemental, d'avoir une approche coordonnée à la réglementation et à la surveillance des activités gazières et pétrolières au large.

Le président : C'est un domaine sur lequel nous voulons nous concentrer parce qu'il semble y avoir quantité de pouvoirs conflictuels, une situation qui peut facilement déboucher sur un désastre. Vous nous fournissez déjà des assurances dans ce domaine, ce qui est une bonne chose.

M. Pinks : Je vais sauter quelques-unes des activités quotidiennes auxquelles nous nous adonnons pour assurer la surveillance, parce qu'elles sont très comparables à celles que M. Ruelokke a déjà décrites.

Les règlements appliqués par l'office sont des règlements adoptés et promulgués par les gouvernements. Un élément clé du régime réglementaire est un ensemble de lignes directrices émises par notre office, et par son équivalent à Terre-Neuve-et-Labrador, pour aider les exploitants à comprendre et à interpréter les règlements afin de les respecter.

La nouvelle réglementation sur le forage et la production est entrée en vigueur en décembre dernier. En collaborant avec nos collègues de l'autre office extracôtier et de l'Office national de l'énergie, nous avons rédigé quatre documents complets d'orientation sur le forage et la production, des conseils concernant le plan de sécurité, de protection environnementale et d'acquisition de données. Ces quatre documents constituent un complément très important à la réglementation qui indique aux exploitants ce qu'ils doivent faire pour se conformer aux objectifs et aux paramètres définis par cette réglementation.

En ce qui concerne les interventions d'urgence, l'office s'efforce avant tout de s'assurer que les exploitants ont pris les mesures nécessaires pour prévenir les accidents dangereux et les déversements. En cas d'accidents graves, de déversements ou de rejets non contrôlés d'hydrocarbures pendant une activité autorisée, c'est l'office qui prendra la direction de l'intervention gouvernementale. La seule exception à cette règle est le cas d'une rupture éventuelle d'un gazoduc ou d'un oléoduc, alors que l'Office national de l'énergie et nous assumerions conjointement la direction de l'intervention gouvernementale pour veiller à la coordination de toutes les mesures prises par les autres organismes gouvernementaux devant s'impliquer. Toutefois, l'exploitant assume l'entière responsabilité de contenir le déversement et de réparer les dommages.

Notre office et celui de Terre-Neuve-et-Labrador se sont dotés d'un plan d'urgence qui serait déclenché si un événement important le justifiait. Le rôle de l'office diffère en fonction de l'importance du déversement et de l'intervention de l'exploitant : surveillance des activités de l'exploitant, directives à l'exploitant ou, dans les situations les plus graves, la gestion des mesures d'intervention.

Les exigences réglementaires en place stipulent que le personnel qui travaille en zone extracôtière possède une formation de très haut niveau et des compétences démontrées. L'industrie a préparé un document, qui a été ratifié par les deux offices extracôtiers, qui énonce l'ensemble complet des exigences de formation de tous les travailleurs extracôtiers. Je crois que nous sommes parvenus à un niveau mondial, voire même supérieur, en matière de respect de nos attentes et de nos normes. Les plans d'urgence décrits ci-dessus doivent expliquer en détail la façon dont l'exploitant obtiendrait rapidement l'équipement requis dans le cas peu probable où il deviendrait nécessaire de mettre en oeuvre les plans opérationnels et d'utiliser le puits de secours.

Certains des réservoirs de gaz naturel au large de la Nouvelle-Écosse contiennent une quantité d'hydrocarbures légers liquides appelés condensat. Si du condensat devait s'échapper, un panache s'échapperait et se disperserait en aval de la source. Par contre, étant donné les propriétés du condensat, l'épaisseur de l'irisation en surface qui en résulterait serait mesurée en microns. Le condensat flotterait donc et sa couche serait si mince qu'il serait impossible de la mesurer avec une règle. Son étendue totale serait relativement limitée étant donné qu'il se dissiperait rapidement par évaporation ou dissolution dans les couches supérieures de la colonne d'eau.

Le président : Alors, avec le condensat, que fait le gaz?

M. Pinks : Le gaz s'échappe tout simplement dans l'atmosphère.

Le président : Est-ce que les puits de gaz ne présentent aucun risque important de pétrole brut épais et noir?

M. Pinks : Tous les opérateurs doivent conclure un contrat avec une organisation d'intervention environnementale, par exemple la Société d'intervention Maritime, Est du Canada (SIMEC), pour disposer de ressources et de compétences additionnelles lorsqu'elles sont nécessaires pour intervenir en cas de déversement. Transports Canada peut, en outre, offrir des services de surveillance aérienne.

L'Équipe régionale des interventions d'urgence de l'Atlantique est dirigée par Environnement Canada. Transports Canada, la Garde côtière canadienne, le Service canadien de la faune, Environnement Canada, et de nombreux autres ministères, gouvernements provinciaux et groupes autochtones font aussi partie de cette équipe régionale. Ces organismes peuvent nous faire largement profiter, nous et l'exploitant, de leurs compétences sur le terrain s'il fallait intervenir en cas de déversement.

En conclusion, l'office est d'avis que le régime réglementaire en place offre un niveau élevé de sécurité et de protection de l'environnement. L'office est vigilant pour ce qui est de remplir son mandat, il tient tous les opérateurs responsables de leurs actions et exige qu'ils respectent les normes en place. Nous sommes, comme c'est le cas de tout le monde actuellement, désireux de tirer les leçons de l'accident malheureux survenu dans le golfe du Mexique. Au fur et à mesure que nous disposerons de plus d'informations, nous en tirerons les leçons et verrons comment les appliquer à notre système réglementaire de la Nouvelle-Écosse, en discutant avec nos homologues de l'Office de Terre-Neuve et Labrador et de l'Office national de l'énergie.

Le président : Je vous remercie, monsieur Pinks. Vous nous avez fait deux exposés très clairs et très enrichissants pour nous permettre de débuter cette étude. Je me permets de rappeler aux honorables sénateurs que l'objet de notre réunion n'est pas d'essayer de décider ce qu'il faudra faire à l'avenir, mais de préciser, pour les Canadiens, quelle est l'étendue des risques, s'il y en a, et quelle est la situation actuelle. Les Canadiens pourront tirer leurs propres conclusions.

Le sénateur Mitchell : Vos exposés étaient très intéressants et fort rassurants puisqu'il est manifeste que le Canada gère ce type de projets avec beaucoup de compétence.

L'une des raisons pour lesquelles nous procédons à cette étude aussi rapidement, en réponse à la suite de l'accident de British Petroleum, est que nous consacrons aussi beaucoup d'effort à l'élaboration d'une stratégie énergétique pour le Canada. Cette ressource pétrolière est très importante parmi les ressources énergétiques canadiennes destinées aussi bien à la consommation extérieure qu'à l'exportation.

Pouvez-vous nous confirmer ce qu'on nous a déjà dit, soit que 12 p. 100 de la production canadienne de pétrole brut se fait en zones extracôtières? Quelle est la proportion de la production de gaz naturel dans les zones extracôtières?

M. Ruelokke : Environ 35 p. 100 du pétrole brut léger traditionnel produit par le Canada provient des zones extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador. Je ne sais pas avec certitude s'il s'agit de 12 p. 100 du total, qui comprendrait alors la production des sables bitumineux. Quant au gaz nature, je vais laisser M. Pinks vous répondre.

M. Pinks : La Nouvelle-Écosse expédie actuellement quelque 350 millions de pieds cubes de gaz naturel par jour. Je vais devoir vérifier, mais je dirais que cela représente environ 10 à 20 p. 100 du total de la production canadienne.

Le sénateur Mitchell : Je vous en serais reconnaissant si vous pouviez le vérifier.

M. Pinks : Je vais le faire.

Le sénateur Mitchell : J'ai maintenant une question plus technique. J'ai lu, et M. Ruelokke l'a confirmé, que le Stena Carron, le navire faisant des forages, dispose de trois systèmes redondants en cas d'explosion, dont vous avez traité dans votre exposé.

Nous avons donc des systèmes de secours lorsque ce navire fore. Nous trouvons du pétrole, nous commençons à le pomper et le puits se trouve à 430 kilomètres des côtes. De quels mécanismes de secours disposons-nous une fois le forage terminé? Combien de temps faut-il pour amener sur place d'autres équipements dont nous aurions besoin à 430 kilomètres de la côte?

M. Ruelokke : Je vais vous parler un peu des puits de production. Un puits d'exploration est obturé lorsqu'il est terminé. Par la suite, il pourra être intégré à un système de production, mais il est parfois aussi simplement abandonné.

Le concept de base que nous appliquons comme responsables de la réglementation est qu'il doit y avoir deux barrières de confinement pour tout type d'échappement non contrôlé d'hydrocarbures. Dans un puits d'exploration, la première barrière est constituée par la boue de forage, qui est utilisée dans le cadre du processus de forage pour équilibrer la pression hydrostatique des hydrocarbures.

Lorsque vient le temps d'abandonner un puits, la barrière principale est maintenue en place jusqu'à ce qu'une autre barrière du même type soit installée. C'est ce qu'on appelle un « bouchon de ciment ». Il ne s'agit pas de ciment au sens propre, mais c'est le terme que l'industrie utilise et nous allons donc le conserver. Une couche de ciment est injectée dans le puits, qui peut avoir une hauteur de 30 ou 40 mètres, et qui constitue alors la barrière principale. Si vous voulez exploiter ce puits, vous forez cette barrière et insérez une valve de sécurité ou valve de contrôle sous la surface qui est placée probablement 30 ou 40 mètres, ou même 100 mètres en dessous de la couche de boue. Au sommet de ce puits, vous installez ce qu'on appelle un arbre de Noël ou arbre de production, qui comporte des valves de sécurité également, et vous avez alors un système de barrière à deux niveaux. Ce sont là des barrières différentes de celles que vous trouvez dans un puits d'exploration, mais elles ont le même objectif.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous déjà eu un de ces systèmes qui tombent en panne ou un déversement de pétrole d'un puits de production?

M. Ruelokke : Nous avons actuellement un peu moins de 100 puits de production en service à Terre-Neuve, et le premier est entré en service en 1997. Nous n'avons eu aucun problème de rejet de polluants par n'importe lequel de ces puits de production.

Le sénateur Mitchell : Y a-t-il des canalisations à sortir de ces puits?

M. Ruelokke : Non. Nous utilisons deux systèmes différents au large. La première installation mise en place a été celle d'Hibernia, qui est une structure basée sur la gravité. C'est une énorme structure de béton, avec des superstructures d'acier, qui s'appuie sur les fonds marins à environ 85 mètres de profondeur. Les puits sont creusés à partir de l'intérieur de cette installation et remontent jusqu'à la surface.

Le pétrole ainsi recueilli est au début entreposé dans la partie creuse de la structure de béton qui sert de cuve, puis transféré. Nous avons deux oléoducs de chargement en mer qui ont chacun une longueur d'environ un kilomètre. Lorsqu'un pétrolier arrive, il s'amarre à l'un de ces systèmes de chargement en mer. Le pétrole est alors pompé des cuves vers le pétrolier par le système de chargement afin de l'acheminer sur les marchés.

Nous avons également deux systèmes flottants de production au large, deux installations en forme de navire appelées Terra Nova et SeaRose. Elles produisent du pétrole à partir d'un certain nombre de gisements sous-marins. Des excavations dans le fond marin assurent la protection contre les glaces qui pourraient envahir la région, et les têtes de puits se trouvent donc en dessous du niveau normal du fond de la mer. Le pétrole est pompé à la surface dans ces centres et coule ensuite dans une série de canalisations qui l'amènent à ces structures en forme de bateau où là également il est entreposé de façon temporaire. Chacune peut entreposer près d'un million de barils de pétrole.

Chaque semaine ou à peu près, un pétrolier navette vient s'amarrer à l'arrière de l'installation de production flottante. Une canalisation flottante de transfert est installée entre l'installation et le pétrolier. Elle sert à pomper le pétrole. Une fois le pompage terminé, le pétrolier se débranche, libère la canalisation et appareille.

Nous n'avons aucun oléoduc, comme c'est fréquemment le cas dans le golfe du Mexique, dans la mer du Nord ou dans d'autres régions, allant d'une installation de production à une installation située à terre. La totalité de notre pétrole est transportée à terre par des pétroliers.

Le sénateur Mitchell : Enfin, pourquoi ne forez-vous qu'un puits actuellement? Est-ce uniquement une question de coût?

M. Ruelokke : Nous attribuons des permis d'exploration à la suite d'appels d'offres. Nous utilisons comme critère le montant des dépenses d'exploration. L'entreprise qui s'est qualifiée par ailleurs comme exploitant et qui s'engage à dépenser le plus d'argent pour explorer le lot en question se voit attribuer le permis, qu'elle peut conserver pendant neuf ans. L'entreprise dispose de cinq ans pour forer un puits. Si elle ne l'a pas fait au bout de cette période, elle peut bénéficier d'un prolongement d'une année après quoi elle perd son permis.

Nous avons connu une situation particulière avec le forage d'un bloc. C'est Chevron qui détient le permis. Elle a foré un puits il y a trois ans qui, à l'époque, s'est probablement révélé le forage le plus coûteux au monde, à plus de 200 millions de dollars. Ce n'est pas un chiffre dont nous sommes fiers. Chevron revient maintenant forer un second puits en eaux profondes, en encourant probablement les mêmes dépenses, mais avec plus de succès que pour le premier, nous l'espérons.

Ce sont les opérateurs qui décident de forer en fonction des permis d'exploration que nous attribuons. Chaque année, nous attribuons un certain nombre de ces permis. À n'importe quel moment au cours d'une année, nous pouvons avoir trois à quatre puits d'exploration en cours de forage. Il se trouve qu'actuellement il n'y en a qu'un à être en cours.

Le sénateur Banks : Notre intérêt est presque licencieux parce que nous parlons de choses qui, tout le monde l'espère, ne se produiront jamais, et nous faisons tous l'hypothèse qu'il en sera ainsi, mais, comme vous l'avez dit, monsieur Ruelokke, cela se produit parfois. Quand c'est le cas, la garantie que le risque a été réduit au maximum raisonnable en pratique ne présente plus aucun intérêt.

J'imagine que dans le cas malheureux qui touche la Louisiane, il y a probablement, au moins sur papier sinon dans la réalité, un régime comparable d'une certaine façon à celui que vous nous avez décrit. Malgré cela, des accidents se produisent.

Nous avons au moins une certaine familiarité avec les questions d'assurance, qui vont faire l'objet de ma question, ayant eu à nous occuper de la production d'énergie nucléaire, parce qu'elle relève de la responsabilité du gouvernement fédéral. Nous nous sommes penchés sur cette question et nous nous apprêtons à le faire à nouveau.

J'aimerais que vous abordiez un sujet, que je crois avoir bien compris. L'exploitant dont vous me parlez, qu'il s'agisse de Chevron ou de ConocoPhillips, n'est pas l'entreprise qui procède au forage du puits. Il arrive fréquemment qu'une entreprise de forage s'en occupe à forfait pour l'exploitant, quel qu'il soit.

J'aimerais que vous nous parliez de la chaîne des responsabilités et des garanties le long de celle-ci. Vous avez parlé de la capacité budgétaire à réagir à ce type d'événement. J'imagine que dans les pires circonstances possible, parce que nous les avons prises en compte dans le cas du nucléaire, les responsabilités éventuelles pourraient aller bien au-delà des ressources dont dispose l'exploitant.

Je suppose qu'il y a des assurances et que vous pouvez nous parler du régime d'assurance, en nous disant qui le gère, à quoi il s'applique, s'il est coûteux et si les entreprises s'assurent elles-mêmes. Comment cela fonctionne-t-il? Y a-t-il des moyens d'urgence pour faire face aux responsabilités financières qui pourraient découler d'un incident entraînant des responsabilités supérieures aux ressources dont disposent les exploitants?

Le président : Sénateur Banks, si vous me permettez d'ajouter quelque chose, nous croyons savoir que des mesures législatives limitent la responsabilité, et que cela fait l'objet de discussions sur la Colline du Parlement. Vous pourriez y faire allusion, si j'ai raison.

M. Ruelokke : Nous exigeons des exploitants qu'ils présentent des instruments attestant qu'ils ont les moyens financiers de faire face à leurs responsabilités. En cas de déversement, si celui-ci n'est imputable en rien à l'exploitant, s'il s'agit d'un cas fortuit ou d'un cas dans lequel il n'a joué aucun rôle, sa responsabilité est plafonnée à 250 millions de dollars. Toutefois, si l'exploitant a fait une faute, ou que l'un des entrepreneurs travaillant pour lui a commis une erreur, ce qui est généralement le cas, sa responsabilité n'est pas limitée.

Je ne peux vous dire avec certitude comment s'y prend une entreprise comme Chevron pour s'assurer. Il y a des entreprises qui ont des moyens financiers énormes. Comme nous avons pu le constater, en voyant ce qui se passe maintenant dans le golfe du Mexique, il semble que British Petroleum ait dépensé probablement près d'un milliard de dollars au cours des 40 derniers jours.

Si vous comparez ces montants à ses profits pendant le trimestre ayant précédé immédiatement cet accident, je crois qu'ils étaient de 6,1 milliards de dollars, ce qui fait que cette entreprise dispose de moyens considérables. Lorsque nous faisons affaire avec des entreprises comme Chevron, la situation est comparable.

Vous avez tout à fait raison d'aborder la relation entre l'entreprise faisant le forage et l'exploitant. Il y a un certain nombre d'entreprises de forage. Transocean Ltd. est celle impliquée dans le golfe du Mexique, et c'est peut-être la plus importante dans le monde. Nous avons deux plates-formes de Transocean dans la zone relevant de nous, deux plates-formes semi-submersibles.

Le puits d'exploration en cours de forage actuellement l'est par une entreprise du nom de Stena, une entreprise suédoise. C'est une entreprise qui fait des forages depuis au moins 12 ou 13 ans. Elle dispose d'une flotte de navires récents destinés à travailler dans des conditions difficiles. C'est ainsi que les deux plates-formes qui vont forer au large du Groenland le mois prochain appartiennent toutes deux à Stena.

Je ne dispose actuellement d'aucune information sur les relations entre ConocoPhillips et Stena dans le domaine des assurances. Il s'agit d'information que des gens comme M. Pinks et moi pouvons probablement trouver pour vous la communiquer lorsque nous retournerons à nos bureaux.

Le sénateur Banks : Je vous en serais reconnaissant, parce que c'est une question qui est au cœur du problème. Je n'ai pas de doute que ConocoPhillips ou quelque autre entreprise que ce soit est en mesure d'assumer ses responsabilités en cas d'urgence. Ce que je désire savoir est si l'entreprise suédoise de forage ou Transocean ont les mêmes moyens. Comment se sont-elles organisées et quelle est la nature des relations contractuelles entre l'entreprise de forage et l'exploitant à qui vous avez attribué un permis. C'est ce que nous voulons savoir.

Nous n'avons pas besoin de savoir s'il s'agit d'un cas fortuit parce que la responsabilité incombe alors au Canada, je crois, mais nous devons savoir ce qui se passe en cas de déficience ou de négligence de la part de l'entreprise qui procède au forage. Nous vous en serions reconnaissants si vous pouviez trouver cette information.

M. Ruelokke : Nous allons certainement le faire.

Le sénateur Massicotte : Si j'ai bien compris, c'est avec ConocoPhillips que vous êtes en relation. Est-ce exact?

M. Ruelokke : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Que cette entreprise sous-traite ou fasse elle-même le forage n'intervient en rien dans votre relation contractuelle. Est-ce exact? Qu'il s'agisse d'un contrat limitant la responsabilité ou comportant d'autres mesures, cela importe peu. ConocoPhillips est responsable envers nous du montant intégral, peu importe qu'elle soit ou non à l'origine du problème. Est-ce exact?

M. Ruelokke : Oui. C'est exact.

M. Pinks : Oui. C'est la précision que je voulais ajouter. La demande que nous approuvons est celle d'un exploitant qui, dans le cas mentionné par M. Ruelokke, est Chevron. Ce qu'ils font à l'interne ne nous concerne pas.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi avez-vous parlé des cas fortuits? Si un éclair les touche ou que quelque chose d'autre se produit, leur responsabilité est-elle dégagée?

M. Ruelokke : Leur responsabilité est plafonnée à 250 millions de dollars.

Le sénateur Massicotte : La responsabilité de ConocoPhillips envers vous, en vertu des dispositions du contrat, est plafonnée à 250 millions de dollars s'il s'agit d'un cas fortuit.

M. Ruelokke : C'est ce que disent la loi et le règlement.

Le sénateur Massicotte : Les vents forts et les icebergs entrent-ils dans la catégorie des cas fortuits?

M. Ruelokke : Nous avons eu les deux cas et l'exploitant est responsable de tout dommage causé par ceux-ci.

Le sénateur Massicotte : Il ne s'agit donc pas de cas fortuit?

M. Ruelokke : Je ne suis pas avocat et la définition de « cas fortuit » ne relève probablement pas de mes compétences d'ingénieur.

Le président : N'y a-t-il pas un plafond de 40 millions de dollars ailleurs également?

M. Ruelokke : La législation fixe un plafond de 30 millions de dollars qui est porté à 70 millions de dollars par la réglementation et dans les directives, puis à 250 millions de dollars.

M. Pinks : Si vous faites le total pour un puits de forage, vous atteignez 350 millions de dollars parce qu'il s'agit de montants cumulatifs. Pour les 30 premiers millions de dollars, qui constituent la responsabilité absolue, nous allons exiger que les offices aient accès, au besoin et sans aucune restriction, à ce montant de 30 millions de dollars si l'exploitant n'a pas fait immédiatement tout ce qu'il aurait dû faire. L'exploitant nous fournira ensuite des niveaux additionnels de garanties financières, jusqu'au montant de 350 millions de dollars, qui est actuellement le montant que nous exigeons pour attester que l'exploitant a les ressources financières nécessaires pour faire face à toute éventualité. Cela ne limite cependant pas sa responsabilité. S'il a commis une erreur ou une faute, la loi précise que c'est le principe du pollueur payeur qui s'applique.

Le sénateur Dickson : Je tiens à poursuivre sur les sujets abordés par les sénateurs Banks et Massicotte. L'un d'entre vous a indiqué que certains instruments permettent de couvrir une partie du volet passif des bilans de ces entreprises. Pourriez-vous nous fournir des indications sur la nature de ces instruments? S'agit-il de lettres de crédit émises par des institutions financières?

M. Ruelokke : Ce sont en général des lettres de crédit.

M. Pinks : Il peut s'agir d'espèces. Certaines entreprises ont en réalité déposé des montants en espèces. Nous avons reçu des lettres de crédit, des billets à ordre et des cautions d'émetteurs, émises chacune par des tiers différents. Quand nous vérifions que les entreprises ont effectivement les moyens financiers d'assumer les responsabilités qui pourraient leur incomber, jusqu'à un montant de 350 millions de dollars pour l'échelon supérieur, nous étudions les bilans. Si vous examinez les bilans de Chevron, Shell et ExxonMobil, vous constatez qu'elles ont les moyens de verser 350 millions de dollars si elles le doivent.

Le sénateur Dickson : Il est certain que les bilans d'un grand nombre d'entreprises peuvent avoir souffert des perturbations financières récentes dont nous avons été les témoins depuis 18 mois.

Faites-vous appel à un consultant de l'extérieur, à quelqu'un qui n'appartient pas à votre personnel ni à l'office? J'ai beaucoup d'estime pour les gens de l'office, ils sont compétents et ils font un excellent travail. Cependant, faites-vous appel à des consultants ou à des analystes financiers de l'extérieur pour analyser ces instruments?

M. Pinks : Nous ne l'avons pas fait. À ce jour, nous avons été en mesure d'obtenir les types d'instruments qui nous ont paru convenir. Nous traitons avec les plus gros intervenants du secteur extracôtier, et ces montants ne sont donc pas énormes en regard de la taille des entreprises.

Il est certain que si nous devions traiter avec des entreprises plus petites, c'est une question à laquelle nous devrions accorder davantage d'attention et nous devrions également faire un suivi pendant la durée de vie du projet pour les raisons que vous avez signalées, pour le cas où leur situation financière évoluerait.

Le sénateur Dickson : Étant donné les bouleversements financiers que nous avons vécus au cours des derniers mois et ce qui s'est passé dans le golfe, allez-vous modifier vos pratiques et contrôler ces instruments plus étroitement ou faire appel à des consultants de l'extérieur? Je suis curieux, à la suite des questions qu'ont posées les sénateurs Banks et Massicotte. Je ne joue pas ici à l'avocat.

M. Pinks : Je crois qu'il serait juste de dire qu'à la suite de l'incident survenu dans le golfe, quand il sera possible d'en tirer des leçons, à la fois en ce qui concerne les coûts et les répercussions, nous réviserons tous les aspects de réglementation et de la responsabilité financière, et la preuve de la responsabilité financière sera un élément de cette révision. Je crois toutefois qu'il vaut mieux attendre d'avoir recueilli un peu plus d'informations avant de commencer à imposer des modifications radicales.

Le sénateur Dickson : Au sujet de ce qui se passe dans le golfe, les offices de Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve ont-ils constitué une équipe qu'ils ont envoyée sur place? Quelle est votre stratégie? Il me semble qu'il serait prudent d'être présent sur place.

M. Ruelokke : Nous n'y avons pas envoyé d'équipe. Je parle ici au nom de mon office.

Nous entretenons d'excellentes relations avec le Minerals Management Service, qui est l'organisme de réglementation américain, parce que nous faisons tous partie du Forum des organismes de réglementation internationaux. En vérité, j'ai déjà communiqué avec les dirigeants, mais nous les laissons tranquilles. Ils ont déjà passablement à faire.

Nous aurons l'occasion d'étudier en détail ce qui a été fait avec eux, et avec les autres responsables de la réglementation, pour en tirer les leçons. Pour l'instant, nous ne voulons pas être un fardeau additionnel pour eux. Nous savons tout ce qui se fait dans le golfe, mais nous n'avons pas voulu y être présents pour l'instant.

Le sénateur Banks : Pour en terminer avec cet aspect, le président a bien défini ce qui nous intéresse. Si vous deviez prendre l'exemple de la Louisiane, 350 millions de dollars — je m'excuse 30 millions de dollars — seraient loin d'être suffisants. Nous aimerions donc savoir si vous pensez que ces plafonds sont les bons étant donné les événements et le contexte dans lequel vous travaillez, que vous avez décrit comme difficile dans le meilleur des cas.

En second lieu, et je crois que vous nous avez donné cette garantie, mais je veux m'en assurer, pouvons-nous être certain, en ce qui concerne les recours, que rien dans l'entente ne vient exonérer quelqu'un, ce qui rendrait les choses plus difficiles pour accéder aux ressources financières de l'exploitant, à qui vous accordez le permis, et du sous-traitant, qui procède réellement au forage, pour faire la distinction entre les deux, qui vous empêcherait d'encaisser les fonds que vous pourriez vouloir consacrer à la lutte contre les répercussions d'un accident? Je ne suis pas sûr de m'exprimer très clairement, mais j'espère que vous comprenez ce que je demande.

Le président : On sent ici l'influence de Danny Williams.

M. Ruelokke : Comme l'a dit M. Pinks, nous attribuons un permis à l'exploitant. Nous avons pris un exemple nous concernant avec le cas de Chevron. S'il devait y avoir un incident avec le Stena Carron, dont la nature s'approche un tant soit peu de celle de l'incident survenu avec Deepwater Horizon, nous tiendrions alors Chevron Canada Limited responsable de la situation et, par leur intermédiaire, leur société mère.

Nous avons déjà eu quelques indications aux premiers jours de l'incident survenu dans le golfe du Mexique, et le Président Obama y a fait allusion, de rejet des responsabilités entre l'exploitant et certains entrepreneurs. C'est là un différend qui finira par être résolu par les tribunaux, mais du point de vue du gouvernement américain, tout comme ça le serait du nôtre, la responsabilité incombe à l'exploitant à qui le permis a été attribué, et c'est donc lui qui doit assumer tous les coûts. La mesure dans laquelle il peut tenter de recouvrer les coûts en question auprès d'un entrepreneur impliqué dans l'accident ne nous concerne en rien. Elle est à trancher entre eux.

Le sénateur Banks : Vous n'étudiez pas ou ne vous préoccupez pas de la nature de l'entente entre l'exploitant et le foreur.

M. Ruelokke : C'est exact.

Le sénateur Lang : Cela peut intéresser le comité, mais j'ai pris aujourd'hui connaissance d'un communiqué de presse. Les forages prévus dans la mer de Beaufort et dans d'autres régions de l'Alaska ont été interrompus par le secrétaire à l'intérieur des États-Unis en attendant qu'on sache ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique et qu'on y ait trouvé une solution.

Comme le président l'a indiqué, nous sommes ici pour être rassurés sur le fonctionnement de notre système réglementaire qui ne devrait pas permettre que ce qui s'est passé dans le golfe se produise ici. M. Ruelokke, lorsque vous avez témoigné devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, il y a quelques jours, vous avez dit :

Nous avons entendu des hypothèses qui n'ont pas vraiment été confirmées et qui ne le seront probablement pas jusqu'à ce que le BOP en cause dans cet accident soit récupéré. Cependant, d'après ce que nous comprenons, ce qui s'est produit n'aurait jamais pu se produire ici, au Canada.

Vous avez ensuite traité du système de double barrière.

Pourriez-vous nous expliquer en termes simples, à la portée de ceux qui sont ici, mais aussi des téléspectateurs, en quoi nos exigences sont si différentes de celles qui étaient en vigueur dans le golfe du Mexique?

M. Ruelokke : Je vous remercie de cette question. Je dois vous dire tout de suite, comme je l'ai fait précédemment, que je fais référence ici à des renseignements que nous avons reçus, mais qui n'ont pas encore été confirmés. Toutefois, nous les avons obtenus de sources très fiables.

Nous pensons que Deepwater Horizon s'apprêtait à cesser d'exploiter le puits Macondo et à l'abandonner. Lorsqu'un exploitant se prépare à abandonner un puits, il conserve la boue de forage dans le puits alors qu'il se prépare en même temps à couler ce bouchon de ciment. Vous ne retirez jamais la barrière principale de boue de forage tant que l'autre barrière principale n'a pas été mise en place, avant que le béton en question ait pu prendre et qu'on ait vérifié sa résistance à la pression au-dessus et en dessous pour avoir la certitude que le puits est maintenant sécurisé. À ce moment-là, vous évacuez la boue de forage et nettoyez le tout. Vous vous servez généralement pour cela d'une solution d'eau fortement salée qu'on appelle de la saumure, et vous condamnez le puits. Nous croyons savoir que, dans le golfe, ils ont commencé à pomper la boue de forage avant d'avoir coulé le bouchon de ciment, ce qui revient à dire qu'ils ont supprimé la barrière principale de boue sans disposer d'une autre. C'est ce que nous croyons.

Le bloc obturateur constitue toujours une seconde barrière. Malheureusement, dans ce cas-ci, quelque chose l'a empêché de fonctionner. Nous ne pensons pas que les mécanismes de contrôle aient été en cause, mais plutôt qu'il y a eu une défaillance interne dans le bloc obturateur. Une fois encore, cela n'est pas prouvé et nous n'en avons pas eu confirmation, mais c'est ce que nous en déduisons. Ce n'est pas quelque chose que nous pourrions tolérer.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, lorsque le Stena Carron s'adonne à ces activités sur les puits situés au large de Terre-Neuve-et-Labrador, notre personnel est présent pour vérifier que Chevron fait bien ce qui doit être fait, conformément à nos exigences, et dans le respect, bien évidemment, de leurs propres procédures de forage. Ils nous ont indiqué qu'en se fiant à l'information qu'ils reçoivent du golfe du Mexique, les procédures utilisées là-bas n'étaient pas les mêmes que celles appliquées par Chevron. Ils n'auraient pas procédé de la même façon. Nous ne saurions dire si les procédures de BP ont été respectées ou non. Nous l'ignorons. Toutefois, nous sommes convaincus que nos procédures, quand elles sont respectées, et elles le seront, ne permettraient pas qu'un tel accident se produise. Cela dit, je ne peux vous garantir qu'il n'y aura jamais d'explosion. C'est une garantie impossible à donner.

Le sénateur Lang : Dans son témoignage devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, le représentant de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, M. Pryce, a indiqué qu'il y avait eu quatre explosions au cours des 30 dernières années, deux dans le Nord et deux dans le Canada atlantique. Vous avez indiqué précédemment qu'il n'y avait jamais eu d'explosion dans votre région. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il affirme qu'il y en a eu deux dans l'Atlantique. Je suppose que les dispositifs de sécurité ont fonctionné et qu'il n'y a donc pas eu d'explosions comparables à celle qui s'est produite en Louisiane?

M. Pinks : Les deux explosions dont a parlé M. Pryce dans le Canada atlantique se sont en réalité produites au large de la Nouvelle-Écosse, toutes deux au début des années 1980. En juin 1984, il y a eu une explosion sur un puits de Shell, Uniacke G-72. C'était un puits de gaz naturel. L'explosion a duré pendant 13 jours et a libéré deux millions de pieds cubes standard de gaz et jusqu'à quatre mètres cubes par jour de condensat. Cela représente environ 33 barils de condensat par jour. Comme je l'ai expliqué précédemment, le condensat se décompose rapidement. Il s'évapore ou se dissout dans la partie supérieure de la colonne d'eau. Cet accident s'est produit sur une plate-forme semi-submersible. Le bloc obturateur n'a pas fonctionné. Il y a eu une surpression qui a endommagé une partie des commandes du bloc obturateur, et il n'y avait pas, à l'époque, les commandes de secours qui sont en place aujourd'hui. À la suite de cet incident, certaines modifications ont été apportées à la technologie pour améliorer la fiabilité. Le puits a été fermé avec succès au bout de 13 jours, et les dommages causés à l'environnement ont été très limités.

La seconde explosion s'est produite en avril 1985 sur un puits de Mobil Oil Canada, West Venture N-91. Il s'agissait d'un type d'explosion différent. C'était ce que nous appelons une explosion sous-marine; le cuvelage dans le trou n'a pas tenu. Une fois encore, il s`agissait de gaz naturel. Du gaz naturel d'une formation souterraine a pu s'infiltrer dans une autre formation souterraine, et il ne s'est donc pas échappé. Il n'y a pas eu de rejet dans l'océan ni dans l'atmosphère. Il a fallu forer un puits d'intervention pour boucher ce puits. Cet incident n'a pas été dû à une défaillance du bloc obturateur, mais du cuvelage dans le trou.

Ces incidents se sont produits en 1984 et en 1985, il y a donc 25 ans, et la technologie a passablement évolué depuis cette époque.

Le sénateur Lang : Cela m'amène au cœur d'une autre question. Pour que le comité sache ce dont il s'agit, en 1979, une explosion s'est produite dans le golfe du Mexique, et il a fallu neuf mois pour boucher ce puits.

Ma question s'adresse aux deux organismes gouvernementaux de réglementation et aux responsables du forage. Combien de temps, de travail et d'argent faut-il à ces organisations pour améliorer la recherche et le développement dans le domaine des forages extracôtiers? Bien évidemment, je ne m'attends pas à une réponse précise, mais j'aimerais en avoir une idée. Vous nous avez dit auparavant ne pas être en mesure de garantir à 100 p. 100 qu'un incident ne se produira pas. Combien de temps et d'efforts sont consacrés aux nouvelles technologies, à la recherche et au développement, que ce soit par le gouvernement ou par le gouvernement et par les entreprises? Cette information est-elle partagée au niveau international, qu'elle provienne de Grande-Bretagne, de Norvège, des États-Unis ou d'ailleurs?

M. Ruelokke : Je vais m'efforcer de répondre à cette question.

En 2004, l'Office de Terre-Neuve-et-Labrador a décidé que les entreprises pétrolières relevant de notre administration devaient consacrer un certain budget à la recherche et au développement, à l'éducation et à la formation. La réglementation ne précisait pas les domaines dans lesquels cet argent devait être dépensé, uniquement qu'il devait l'être.

En 2004, ExxonMobil Canada exploitait du pétrole sur les gisements Hibernia et Pétro-Canada sur le gisement Terra Nova. Par la suite, Husky Energy Inc. a préparé le projet White Rose. Husky Energy s'est conformée aux nouvelles directives. Pétro-Canada et ExxonMobil ne l'ont pas fait. Elles ont eu gain de cause devant un certain nombre de tribunaux jusqu'à ce que la Cour suprême soit appelée à décider si elles étaient tenues ou non de respecter ces lignes directrices. Pendant toute cette période, ces deux entreprises n'ont pas procédé à ces dépenses. Il y a un peu plus d'un an, la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre leur appel des décisions des tribunaux inférieurs et ExxonMobil et Pétro-Canada ont alors commencé à se conformer à ces lignes directrices.

Celles-ci exigent, en moyenne, que les entreprises dépensent entre 25 et 35 millions de dollars par année collectivement en recherche et en développement, en éducation et en formation à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous ne les autorisons pas à dépenser cet argent ailleurs. Elles pourraient dépenser la totalité en éducation et en formation.

Les exploitants, à titre individuel et collectif, ont préparé un plan de dépenses en recherche et en développement au sein du secteur. Dans celui-ci, ils ont cerné un certain nombre de domaines dans lesquels ils vont engager des dépenses, mais ce document subira encore des révisions avant d'être finalisé. Je suis convaincu qu'il consacrera un budget important à l'amélioration de nos moyens de contrôle sous-marin des puits.

La décision n'a pas encore été prise, mais les responsables de la réglementation que nous sommes tiennent sans aucun doute à voir ce genre de chose. Je suis convaincu que les exploitants, à la lumière de ce qui s'est passé dans le golfe du Mexique, le voudront également. Nous mettons en place les lignes directrices pour nous assurer qu'ils dépensent l'argent, et ils leur incombent de choisir sur quel volet de leurs activités ils vont dépenser cet argent.

Le sénateur Lang : Lorsque la décision sera prise, pourriez-vous nous indiquer ce qui sera exigé de ces entreprises?

M. Ruelokke : Très certainement.

M. Pinks : Une fois encore, grâce à notre implication dans le Forum des organismes de réglementation internationaux, diverses administrations à travers le monde impliquées dans le forage pétrolier et gazier en mer, et en particulier en eaux profondes, se sont dotées de programmes comparables pour canaliser les budgets de recherche dans les domaines prioritaires. C'est ainsi que les États-Unis canalisent les fonds vers la recherche sur les technologies en eaux profondes et leur développement. Le Royaume-Uni et la Norvège dépensent des montants considérables pour étudier tous les aspects de la sécurité et de la protection de l'environnement. Un bon réseau d'échange d'informations et de technologies s'est mis en place à la suite de ces diverses initiatives de recherche. Le Canada n'est pas tout seul dans son coin.

Le président : J'ai fait allusion à la plate-forme Ocean Ranger, qui se trouvait sur le champ pétrolifère Hibernia. Il n'y a pas eu d'explosion, mais ce fut un accident terrible.

M. Ruelokke : Je sais fort bien ce qui s'est passé. J'étais à l'époque entrepreneur en plongée et nous avons perdu cinq de nos employés dans cet accident.

Le président : Je suis navré.

M. Ruelokke : J'ai passé beaucoup de temps à travailler sur l'Ocean Ranger. Ce fut une combinaison, comme pour la plupart des catastrophes, de procédures déficientes ou de manque de respect des procédures, d'équipement défaillant et de mauvaises décisions.

Le président : À quelle date était-ce?

M. Ruelokke : L'accident est survenu dans la nuit du 14 au 15 février 1982. Tout a débuté avec un incident mineur. Une canalisation de chargement s'est déplacée et a heurté un hublot dans la salle de contrôle des ballasts, c'est-à-dire à l'endroit où se trouvaient les commandes du système de valves de la plate-forme. L'eau sur le panneau de commande a provoqué l'ouverture et la fermeture de certaines valves et la plate-forme a commencé à gîter.

Toutefois, la gîte a été corrigée. L'alimentation électrique du système de contrôle des ballasts a été fermée. La valve a été activée par des moyens pneumatiques, ce qui a provoqué également la fermeture de tout le système de commandes pneumatiques. Tout s'est bien passé jusqu'à minuit, c'est-à-dire jusqu'au changement de quart. Nous ne savons pas avec certitude ce qui s'est produit, mais nous pensons que les employés du nouveau quart ont décidé de remettre en service le système de commande des ballasts sur le panneau. La Commission royale d'enquête sur la catastrophe de l'Ocean Ranger a indiqué que si l'alimentation du système de contrôle des ballasts était restée fermée, la plate-forme aurait résisté à la tempête et nous n'aurions perdu aucun employé. C'est la décision de remettre en marche le système de contrôle des ballasts qui a conduit au désastre.

Le président : Il s'agit du rapport produit par l'ancien juge en chef Alex Hickman.

M. Ruelokke : Oui.

Le sénateur Neufeld : Le sénateur Lang m'a retiré de la bouche certaines des questions que je voulais vous poser. Comme vous l'avez dit tous les deux, nous allons tirer les enseignements de la catastrophe survenue dans le golfe du Mexique et, probablement, corriger notre réglementation en conséquence. Malheureusement, des gens sont décédés.

Les procédures de forage extracôtier à travers le monde sont relativement comparables parce que chacun apprend des autres. Je suis curieux de connaître vos réponses au sénateur Lang. Si je me souviens bien, lors de leur condamnation, vous cimentez les puits avant de retirer le BOP ou de travailler avec le BOP. Pourquoi n'est-ce pas une pratique aussi répandue à travers le monde? Même si l'exploitation du gaz naturel est totalement différente, les travaux dans les régions extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador sont-ils très différents de ceux réalisés à d'autres endroits dans le monde, ou ont-ils fait quelque chose qu'ils n'auraient pas dû faire dans le golfe du Mexique?

M. Ruelokke : Je crois que c'est la seconde solution. Si on avait utilisé les bonnes pratiques du domaine pétrolier et respecté la réglementation, le bouchon de ciment aurait été installé, se serait solidifié et aurait fait l'objet de tests de pression avant de pomper la colonne de boue. Cela n'a pas été fait. Je suis passablement certain que la réglementation américaine l'aurait exigé.

Le président : La rumeur veut, comme vous l'avez dit, qu'une dispense ait été accordée.

Le sénateur Neufeld : Le problème est sensiblement le même que lorsqu'on travaille sur la terre ferme. Les choses ne sont pas très différentes, surtout quand on fait face à des pressions élevées.

Mon autre question concerne les puits d'intervention. Elle est hypothétique, mais pensez-vous qu'à l'avenir les puits d'intervention devront être forés avant l'entrée en production pour qu'on dispose d'une solution de secours? À ce qu'on lit dans la presse, je crois que c'est ce qu'on fait actuellement dans le golfe du Mexique.

M. Ruelokke : Ils sont en train de forer deux puits d'intervention. Toutefois, je pense que la question est de savoir si nous allons envisager à l'avenir d'imposer de façon régulière le forage de puits d'intervention dans le cadre du programme d'exploration.

Notre réglementation ne l'exige pas pour l'instant. C'est une question intéressante qui concerne la recherche d'un équilibre, parce que toute activité de forage de puits dans une formation d'hydrocarbures présente un certain risque. Si vous décidez de forer deux fois plus de puits que vous n'en avez besoin, vous doublez en pratique les risques. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas modifier la réglementation, mais il faudrait beaucoup de discussions avant de décider s'il convient de prendre une telle décision.

Le sénateur Neufeld : Qui assume les responsabilités en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador lorsqu'un puits est bouché ou abandonné? La responsabilité incombe-t-elle pour l'éternité à la société pétrolière ou le gouvernement accepte-t-il une part de responsabilité?

M. Ruelokke : À mon avis, c'est l'exploitant qui continue à être responsable du puits.

Le sénateur Neufeld : C'est votre avis, ou est-ce qu'il en est réellement ainsi?

M. Ruelokke : C'est mon avis. Nous ne sommes pas confrontés très souvent à cette question et je devrais donc consulter des membres de mon personnel avant de pouvoir vous donner une réponse ferme. Toutefois, à mon avis, l'exploitant reste responsable.

Le sénateur Neufeld : En Nouvelle-Écosse, vous avez un champ pétrolifère qui est fermé et sans aucune production. Qui en est responsable. Il s'agit de pétrole, n'est-ce pas?

M. Pinks : Nous avons effectivement certains puits de pétrole et certains puits de condensat de pétrole qui ont été fermés. Je vais le vérifier, mais je suis du même avis que M. Ruelokke, à savoir que l'exploitant reste responsable.

Cela dit, l'abandon d'un puits impose d'exécuter intégralement un certain nombre de tâches. Les offices doivent accorder l'approbation de la fermeture du puits, ce qui implique pour nous de procéder à un examen pour nous assurer que tout a été scellé et testé comme il convient et pour nous convaincre que les exploitants ont fait et bien fait tout ce qu'il fallait faire pour condamner ce puits.

Le sénateur Neufeld : Vous voudrez bien nous dire si cette responsabilité est alors transférée à l'organisme qui se déclare satisfait de ce que les exploitants ont fait ou si, même si l'organisme en question est satisfait, les exploitants continuent à assumer les responsabilités. Le sénateur Banks a des questions qui découleront de votre réponse.

Le président : Permettez-moi de vérifier un point : vous vous êtes bien engagés à nous remettre un graphique des régimes de responsabilité?

M. Ruelokke : Oui, nous nous y sommes engagés.

M. Pinks : Nous avons ces trois éléments.

Le président : Que le sénateur Neufeld a complété. Pourrez-vous transmettre l'information à notre greffière, Mme Gordon, qui veillera à ce que nous en recevions tous copie?

M. Ruelokke : Certainement.

Le sénateur Banks : J'ai une brève question complémentaire à ce sujet, juste pour m'assurer que la question du sénateur Neufeld est claire, parce que nous sommes confrontés à cette situation quand une série de puits est fermée sur un gisement. Sur terre, à ce que je crois savoir, au bout d'un certain temps, le propriétaire du terrain assume une certaine part de responsabilité. Je pose la question, mais je sais qu'elle n'est pas complètement résolue. Toutefois, dans le prolongement de la question du sénateur Neufeld, qu'advient-il si l'entreprise disparaît? Pouvez-vous nous le dire?

M. Pinks : Nous allons étudier cette question.

Le sénateur Banks : Certaines sociétés pétrolières viennent de disparaître.

M. Ruelokke : Tout à fait.

Le sénateur Banks : Qui est alors responsable? Quelles assurances sont données? Par le passé, il n'y en avait aucune. A-t-on maintenant la garantie qu'une réserve a été constituée pour permettre, en cas de disparition de l'entreprise, de faire face aux problèmes qui pourraient survenir sur un champ de captage abandonné.

Le président : Sénateur Banks, nous savons tous maintenant que vous avez quitté l'Alberta pour vous installer ici.

Le sénateur Banks : Je ne déménagerais jamais de l'Alberta, monsieur le président.

Le sénateur Massicotte : Toujours dans le même courant de pensée, si un profane écoute cette discussion, je soupçonne qu'il pourrait conclure que la réglementation en vigueur en Louisiane était bonne, mais que quelqu'un ne l'a pas respectée. Je suppose que comme dans le cas de tout accident, comme ceux qui se sont produits par le passé chez nous, quelqu'un a commis une erreur. Quelqu'un n'a pas suivi la procédure.

Quelqu'un dirait que les accidents se produisent, dans ce cas-ci, que des explosions surviennent, et que vous devez donc vous doter des meilleurs plans et des meilleures procédures possible et procéder à des inspections. Je suis sûr que ce fut le cas en Louisiane. Je suis convaincu que si cette audition avait eu lieu en Louisiane un mois avant l'explosion, BP aurait dit, « Ne vous inquiétez pas, tout est sous contrôle. Nous appliquons des procédures et nous avons des superviseurs. Ne vous inquiétez pas, mesdames et messieurs les Américains, tout va bien. »

Si vous devez convenir que ce type d'accident se produira à nouveau, que dites-vous aux Canadiens? Dites-vous « Eh bien, nous aurons des accidents à l'avenir, nous subirons des répercussions graves sur l'environnement, mais mesdames et messieurs les Canadiens, ne vous inquiétez pas, nous disposerons d'un plan et c'est pourquoi, pour des raisons économiques et sociales, nous devons continuer à faire des forages en mer »? Comment vous y prenez-vous pour rassurer les Canadiens en disant que ce genre de chose se produira? Les accidents arrivent, les gens ne les causent pas volontairement. C'est simplement la nature humaine. Comment répondez-vous à cela?

M. Ruelokke : J'imagine que la réponse relève de l'évaluation et de la gestion des risques. Il y a des risques. Nous nous efforçons de nous assurer que les exploitants les réduisent à un niveau aussi faible que cela est raisonnable dans la pratique. Toutefois, cela signifie en même temps que ces risques peuvent se concrétiser.

Disposons-nous de bons plans pour remédier à la situation, tout d'abord pour corriger les erreurs qui ont été commises et ensuite pour protéger par la suite l'environnement de leurs effets? Nous en avons effectivement, mais, une fois encore, ce n'est pas quelque chose de facile à faire. Tant que nous continuerons à extraire du pétrole de zones relativement éloignées et dans des environnements difficiles, les incidents qui s'y produiront seront beaucoup plus difficiles à résoudre que s'ils étaient survenus ailleurs. Malheureusement, c'est là que se trouvent les ressources et les ressources sont très précieuses pour le Canada, et pour Terre-Neuve-et-Labrador en particulier, dans notre cas. C'est une recherche constante d'équilibre.

Le sénateur Massicotte : En écoutant votre réponse, certains pourraient en déduire que vous nous dites, pour l'essentiel, que ce genre d'accident se produira à nouveau et que nous n'avons d'autre choix que de nous faire une raison, mais j'imagine que ce n'est pas tout à fait ce que vous voulez dire. Je crois que nous devrions probablement accorder plus d'importance à l'atténuation des dommages. Des accidents se produiront, mais nous devrions peut-être faire plus d'efforts pour réduire au minimum les dommages. Quels sont vos plans pour atténuer ces dommages?

Nous parlons de puits secondaires. C'est une bonne chose. Manifestement, vous augmentez les risques, mais y a-t-il une solution? Il pourrait y avoir des répercussions phénoménales. Regardez comment les Canadiens réagissent, et je suis convaincu que les Américains disent la même chose. Nombreux sont ceux qui disent qu'on ne devrait plus faire de forage en zones extracôtières. Nous devrons tout simplement payer notre pétrole et notre gaz plus cher. C'est un choix de société. Comment réagissez-vous à ce choix ou comment rassurez-vous les gens?

M. Ruelokke : L'une des choses que les responsables de la réglementation que nous allons surveiller de près, comme tout le monde va le faire, j'en suis sûr, est la façon dont le gouvernement américain va réagir à ce qui s'est passé. Ce sont les Américains qui ont à supporter les conséquences. Leurs citoyens ont été tués, le pétrole pollue maintenant leur littoral. Tout cela a des coûts économiques énormes.

Je pense qu'ils vont imposer, dans le cas du forage extracôtier, des exigences beaucoup plus rigoureuses que celles que nous avons actuellement. Nous pensons que nous nous sommes dotés d'un bon régime réglementaire et que nous disposons de bons moyens de contrôle maintenant. Cependant, je crois que les Américains iront un pas plus loin pour s'assurer que ce type d'accident se produira beaucoup moins fréquemment que ça n'a peut-être été le cas par le passé.

À titre de responsables de la réglementation, nous allons bien évidemment prendre des mesures comparables. Si nous pouvons fournir un niveau accru de sécurité et de confiance aux gens en apportant des modifications techniques, et d'autres à la réglementation, si nous sommes convaincus que cela va donner de bons résultats, je crois que c'est ce que nous ferons tous.

Le sénateur Lang : Notre système réglementaire actuel est-il plus rigoureux que celui des Américains, ou nos exigences réglementaires sont-elles sensiblement les mêmes?

M. Ruelokke : Je dirais qu'elles sont similaires.

M. Pinks : Il est difficile de procéder directement à des comparaisons. Avec le système que nous avons mis en place, c'est dans une large mesure l'exploitant qui est tenu d'identifier les dangers, d'évaluer les risques qu'ils posent et de trouver comment y faire face, en les éliminant ou en les réduisant dans toute la mesure du possible. Il incombe aux offices de réglementation d'étudier les plans et les études réalisées par les exploitants dans ce domaine pour s'assurer qu'ils sont efficaces et que les exploitants ont fait tout ce qu'on pouvait raisonnablement attendre d'eux pour réduire les risques au niveau le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre.

Tout accident majeur, comme celui-ci, permettra d'en apprendre beaucoup en ce qui concerne l'équipement, la formation et l'avenir de la réglementation. Vous allez voir des changements qui seront apportés dans ces trois domaines, que nous mettrons tous en oeuvre. Il s'agira de s'efforcer de maintenir les risques à un niveau aussi faible que possible.

L'autre partie de l'équation, comme l'a indiqué le sénateur Banks, est l'atténuation de quelque chose de fâcheux qui pourrait survenir. L'intervention dans le golfe à la suite de l'accident qui s'est produit permettra de tirer un nombre égal d'enseignements et de préciser les mesures qui pourraient être prises pour contrôler un déversement ou y mettre fin plus rapidement. Je crois que nous allons tous tirer les leçons de l'expérience et nous demander si elles justifient de modifier nos procédures en cas d'intervention d'urgence.

C'est la même chose que pour les avions. Nous savons tous que nous ne voulons pas qu'il y ait d'autres avions à s'écraser, mais nous sommes tous assis dans cette pièce en sachant que, à un moment ou à un autre, un accident aérien va se produire. Nous voulons tirer les enseignements de ces faits graves et empêcher ce type de catastrophe de se reproduire.

Le sénateur Neufeld : Je conviens que l'exploitation se présente de façons différentes. Il n'y a pas d'icebergs dans le golfe du Mexique, mais il y en a là où vous êtes, et cela nécessite des règles et des règlements différents. La probabilité d'ouragan de la force et de la taille de Katrina est probablement plus faible sur la côte Est du Canada que dans le golfe du Mexique, et cela constitue une autre différence.

Par contre, une fois que vous êtes au niveau du trou, tous les règlements à travers le monde devraient être les mêmes. Je sais bien que diverses choses peuvent se produire en bas, mais la réglementation sur le travail souterrain devrait, à mon avis, être la même indépendamment de l'endroit où vous vous trouvez dans la mer du Nord, sur la côte Est du Canada ou dans le golfe du Mexique. Ai-je raison?

M. Ruelokke : Oui, cela paraît sensé.

Le sénateur Banks : Un bloc obturateur est un bloc obturateur.

Le sénateur Seidman : D'après tout ce que j'ai lu sur la catastrophe survenue dans le golfe du Mexique, l'une des raisons pour lesquelles les systèmes de contrôle de BP n'ont pas fonctionné est que la plate-forme de forage s'est renversée. Dans quelle mesure les dispositions dont vous nous avez fait part sont-elles efficaces si la plate-forme de forage a bougé. Ces mesures de sécurité sont-elles moins efficaces si la plate-forme coule ou se renverse?

M. Ruelokke : J'ai indiqué dans mon exposé que vous devez être en mesure, dans un scénario optimal, de fermer le bloc obturateur en cas de perte de contact avec la plate-forme de forage. Nous avons un dispositif de ce genre sur le Stena Carron. Quelle que soit la raison de la perte du contact, si une tempête arrive et déplace le navire, rompant la connexion avec le BOP, par exemple, celui-ci va se fermer. Cela se fait automatiquement.

Un autre système de sécurité consiste à disposer d'un transpondeur acoustique qui peut être installé sur le navire d'approvisionnement ou sur tout autre navire en mesure de communiquer avec le bloc obturateur pour le fermer.

Le troisième système de secours, qui nous a paru très répandu dans le golfe du Mexique, est celui des véhicules téléguidés. La plupart des plates-formes de forage disposent d'un tel véhicule, tout comme le Stena Carron, mais ils peuvent également être mis en service à partir d'un navire de passage. Nous l'avons vu faire dans le golfe. Jusqu'à 12 véhicules téléguidés ont été en service au même moment, et certains ont tenté de fermer les commandes du BOP, mais n'y sont pas parvenus.

Dans un tel cas, même s'il s'agit pour l'instant de spéculations, ce n'est pas le système de commande qui a causé problème, mais quelque chose à l'intérieur du BOP lui-même. La valve n'a pas tourné.

Le sénateur Seidman : Vous nous avez parlé de risques, d'atténuation de ceux-ci et même de R et D. Le sénateur Lang vous a posé quelques questions très pertinentes.

Je dois avouer que je trouve particulièrement décourageant d'avoir lu aussi tard que lundi dernier un article dans lequel BP indiquait s'efforcer de trouver des solutions. Le directeur général de BP, d'après cet article, expliquait que le succès n'est pas garanti à ces profondeurs sans précédent auxquelles les méthodes sont mises à l'essai, à un mille de profondeur dans le golfe du Mexique.

Je dois admettre que j'ai été passablement atterrée et je me suis demandé comment cela était possible? Ne font-ils pas assez de R et D? Leurs protocoles sont-ils insuffisants? Ne disposons-nous pas d'une façon quelconque de simuler des événements catastrophiques afin d'avoir la certitude, dans une certaine mesure, de pouvoir redresser la situation, même à ces profondeurs? Qu'en est-il?

M. Ruelokke : En remontant dans le passé, et toujours en faisant référence à l'incident survenu dans le golfe, au tout début, la solution de BP était de mettre en place un dôme de confinement qui allait nécessiter quelques semaines de fabrication à un coût très élevé. Toutefois, c'est ce qu'ils ont fait avec les meilleures compétences techniques et les meilleurs ingénieurs qu'ils pouvaient utiliser, j'en suis sûr. Cette solution a échoué pour une raison fort simple quand elle a été mise en place. Les hydrates de gaz ont provoqué l'apparition de cristaux de glace, dont ils sont en vérité une forme, et ils ont empêché le système de fonctionner.

Les procédures opérationnelles nécessitent quantité de réflexions, d'efforts, de recherche et de développement quand les choses se déroulent comme elles le doivent. Par contre, quand quelque chose va de travers, les solutions à utiliser n'ont pas fait l'objet du même niveau de recherche et de développement et il faut donc procéder par essais. L'étouffement d'un puits par le haut n'est pas un nouveau phénomène, mais il est certain que cela n'a jamais été fait auparavant à cette profondeur. L'essai est maintenant en cours et nous allons voir s'ils parviennent à capter le flux du puits de cette façon.

La question montre fort à propos qu'il y a réellement place à la recherche et au développement pour rendre l'industrie plus sécuritaire et pour être en mesure de faire mieux face aux cas d'urgence. Ce sont les types de sujets dont nous allons parler aux exploitants quand ils s'engageront à investir en recherche et en développement chez nous.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie. Nous pouvons, peut-être, être soulagés dans une certaine mesure de savoir qu'on accordera une certaine importance à cet aspect des choses.

Les plans de protection de l'environnement et les plans d'urgence peuvent-ils être examinés par le public avant qu'une autorisation de forage soit accordée?

M. Ruelokke : Oui. Toutes nos modalités sont publiques. L'évaluation environnementale stratégique que nous faisons et les évaluations environnementales que font les exploitants sont des documents publics.

Le sénateur Seidman : Peuvent-ils être consultés avant l'attribution des autorisations?

M. Ruelokke : Oui.

M. Pinks : Pour tout ce qui concerne l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, un registre public permet à tout un chacun de faire connaître ses commentaires. Dans le cas des évaluations environnementales portant sur un projet précis, une fois l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale déclenchée, tous les documents deviennent publics.

Quant à l'évaluation environnementale stratégique dont parle M. Ruelokke, nous procédons d'une façon similaire quand il s'agit d'une zone dans laquelle aucune évaluation environnementale n'a été faite auparavant. Nous réalisons une évaluation environnementale stratégique avant de lancer les appels d'offres dans cette zone afin d'avoir une meilleure connaissance de paramètres propres à son environnement. Ces documents sont, eux aussi, publics.

Le sénateur Frum : Monsieur Pinks, lorsque vous avez décrit les mesures que votre office prendrait en cas d'urgence, vous nous avez indiqué que, en cas de déversement, celles-ci pourraient aller de l'exercice du contrôle à l'émission de directives et, dans les cas les plus graves, à la prise en main de la gestion des opérations. Nous constatons que ce qui explique en partie la frustration du public en Louisiane est que le gouvernement fédéral a manifestement refusé de s'impliquer dans la gestion du déversement alors que le public souhaitait ardemment qu'il le fasse.

Avez-vous une certaine idée d'un seuil ou disposez-vous de lignes directrices précisant quelle serait la nature de votre implication et à partir de quand?

M. Pinks : Tout d'abord, pour toutes les activités que nous autorisons, nous vérifions que l'exploitant a mis en place un programme d'urgence très efficace et a répertorié les biens qu'il pourrait déployer s'il devait faire face à un déversement.

Notre rôle consisterait normalement à surveiller ce que l'exploitant fait. Dans le cas de la zone extracôtière de Nouvelle-Écosse, par exemple, le projet actuellement en production est celui d'ExxonMobil, qui dispose d'énormément d'actifs partout dans le monde. Normalement, nous surveillerions ce que l'exploitant fait en nous assurant qu'il prend toutes les précautions possibles et toutes les mesures qui nous paraissent nécessaires. S'il nous apparaissait ne pas en faire autant qu'il le devrait, nous sommes en mesure d'émettre des directives. Nous avons un délégué à la sécurité qui peut émettre des directives à l'intention de l'exploitant, qui est tenu par la législation de s'y conformer.

Le cas le plus extrême prévu par la législation est celui d'une entreprise qui plierait bagage et partirait, comme dans le cas où vous auriez une très petite entreprise qui ne pourrait faire face aux répercussions financières. C'est un type de cas qui ne s'est jamais présenté jusqu'à maintenant dans nos activités extracôtières, et je crois qu'il en a également été de même pour M. Ruelokke.

M. Ruelokke : En effet.

M. Pinks : Le forage extracôtier est une activité très coûteuse, avec pour conséquence que ce sont les entreprises les plus importantes qui s'y adonnent. Il est pratiquement impossible d'imaginer qu'une entreprise comme ExxonMobil plierait bagage en laissant un déversement se poursuivre et en abandonnant la gestion à l'office. Sa réputation mondiale serait entachée. C'est pourquoi je pense que la probabilité que nous ayons à gérer un déversement est vraiment très faible.

Le président : Pendant que j'y pense, M. Pinks, vous avez joint à votre exposé une petite carte, qui se révèle très utile pour nous. Monsieur Ruelokke, si vous pouviez nous en adresser une de votre région, nous vous en saurions gré.

Après avoir examiné la carte de la Nouvelle-Écosse, je ne peux m'empêcher de poser cette question. Il y a là la petite section jaune qui correspond à Saint-Pierre et Miquelon, et elle semble se trouver en plein entre vos deux zones. Du forage s'y fait-il?

M. Ruelokke : Il y avait un puits sept ou huit ans auparavant. Une délégation française de Saint-Pierre et Miquelon est venue s'enquérir, il y a deux ans je crois, de la possibilité de profiter dans une certaine mesure de notre expérience. Nous avons accepté d'organiser des séminaires pour eux au cours du printemps qui a suivi, mais, pour une raison quelconque, cela ne s'est pas fait. J'ignore si c'est parce qu'il n'y a pas eu d'exploitant à manifester le désir d'obtenir un permis pour cette région, mais c'est effectivement une région dans laquelle tout est resté calme. Juste à l'est de cette zone se trouve celle où le Stena Carron a foré le puits dont j'ai parlé plus tôt dans le bassin Laurentien. Ce n'était pas dans leur zone, pas si près que ça, mais pas si loin non plus.

Le président : C'est passablement près de la terre. Il se trouve que cela figure sur la carte. Nous devons donc en déduire qu'il n'y a pas de forage là pour l'instant.

M. Ruelokke : Non, pas maintenant.

Le président : Pourvu que vous le sachiez, et vous le sauriez.

M. Pinks : Nous le saurions, oui.

Le sénateur Dickson : J'aimerais féliciter les deux offices. Leur personnel est très professionnel et a fait un excellent travail au cours des dernières décennies. J'espère qu'il en sera de même à l'avenir. Il pourrait être utile, à l'intention de mes collègues sénateurs, de rappeler brièvement le processus de consultation qui a été mis en place à l'occasion de l'apparition de l'industrie extracôtière, à la fois avec des groupes environnementaux et avec ceux du secteur de la pêche, en particulier. Je crois savoir, monsieur Pinks, qu'un représentant du secteur de la pêche siège à votre office en Nouvelle-Écosse, ou au moins qu'il y en avait un.

M. Pinks : Il y en avait un par le passé. Nous avons un Conseil consultatif sur la pêche qui se réunit de façon régulière.

Le sénateur Dickson : Si vous pouviez nous faire parvenir un organigramme montrant les processus et les conseils consultatifs impliqués dans les deux administrations, cela nous serait utile.

J'ai deux questions, dont l'une porte sur la page 8 de votre mémoire, monsieur Pinks.

Le président : Lequel?

Le sénateur Dickson : Celui de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse. Au premier paragraphe de cette page, vous dites « Tous les opérateurs doivent conclure un contrat avec une organisation d'intervention environnementale, par exemple la Société d'intervention Maritime, Est du Canada (SIMEC). » De quoi s'agit-il?

M. Pinks : Il s'agit de l'organisation locale à laquelle un certain nombre d'exploitants, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve je pense, s'en remettent. Elle dispose de quantité d'équipements et de biens pour faire face à un déversement qui seraient disponibles en cas de besoin, ainsi que de spécialistes.

Le sénateur Dickson : C'est une société parapluie composée de plusieurs autres?

M. Pinks : Oui.

Le sénateur Dickson : Une fois encore, pour me répéter, comme vous l'avez dit précédemment, le contrat est attribué au producteur et non pas à l'exploitant du puits. Vous n'avez pas de contrat avec l'exploitant du puits? En avez-vous un?

M. Pinks : Le contrat est conclu avec la personne qui a demandé l'autorisation, soit la société pétrolière.

M. Ruelokke : La société pétrolière et non pas l'un de ses entrepreneurs. Non.

Le sénateur Dickson : Il se peut fort bien que ce contrat ne soit donc pas avec l'exploitant réel du puits. Je voulais juste préciser cela.

M. Pinks : Une entreprise est inscrite comme l'exploitant du puits.

M. Ruelokke : Il s'agit des personnes qui détiennent le permis, donc de la société pétrolière. Celle-ci peut sous-traiter à quelqu'un d'autre pour réaliser le travail. C'est ainsi que, à titre d'exemple, le Stena Carron a un équipage d'environ 150 personnes. Chevron détient le permis et le personnel de Chevron à bord du navire sera probablement composé de 7 à 10 personnes. Tous les autres sont des sous-traitants sous une forme ou sous une autre. Cela ne libère pas Chevron de ses obligations comme exploitant.

Le sénateur Dickson : Pour en revenir aux services de soutien du gouvernement, on lit, toujours à la page 5, que « Transports Canada peut en outre offrir des services de surveillance aérienne. » Êtes-vous satisfait du niveau d'aide que vous pouvez obtenir de Transports Canada? Le gouvernement pourrait-il fournir plus de services? En d'autres termes, quelles sont les faiblesses du système? S'il y en a dans les services assurés par le gouvernement du Canada, n'hésitez pas à nous le dire maintenant.

M. Ruelokke : À titre d'exemple, une entente a été conclue au niveau international pour assurer la surveillance des icebergs. Les vols à cette fin relèvent de la Coast Guard américaine, avec ses avions Hercules, mais le gouvernement canadien y participe. Toutefois, cela ne fournit pas l'information dont les exploitants ont besoin au quotidien. Un entrepreneur privé, dans ce cas-ci Provincial Airlines de Terre-Neuve-et-Labrador, survole les icebergs tous les jours au-dessus des zones de production et des installations d'exploration. Cela permet de disposer de prévisions sur les mouvements des glaces au cours des 24 à 48 heures à venir. Aucun service gouvernemental n'est assuré, mais il est parfois nécessaire de disposer d'un niveau de service renforcé, et les exploitants veillent alors à l'assurer.

M. Pinks : Du point de vue de la Nouvelle-Écosse, à ce moment-ci, comme nous produisons du gaz naturel, nous estimons que le niveau des services de soutien est satisfaisant parce que le condensat, s'il devait y avoir un déversement ou une fuite, se décompose très rapidement. La Société d'intervention maritime, Est du Canada limitée est composée de quelques organismes. Il y a également la Point Tupper Marine Services Company, qui travaille pour ExxonMobil, et qui peut fournir des équipements et un personnel similaires. De plus, ils peuvent avoir recours à deux ou trois consultants en environnement au niveau international et national pour faire face à tout déversement. À la différence du pétrole brut, il est beaucoup plus facile de s'occuper du condensat.

Le sénateur Dickson : Ma dernière question nous ramène aux recours afin de savoir si une stratégie est en cours de préparation ou non par les deux offices de la côte Est sur les recours qu'il serait possible d'intenter contre les principaux exploitants qui y travaillent en cas d'incidents graves. Disposez-vous d'équipes sur place prêtes à se mettre au travail après ce qui s'est passé dans le golfe?

M. Pinks : Parlez-vous de recours financiers?

Le sénateur Dickson : Non, de recours techniques.

M. Ruelokke : J'en ai parlé dans mon exposé.

Le président : C'était avant que vous n'arriviez.

Le sénateur Dickson : Je suis navré.

M. Ruelokke : Nous constituons pour la première fois une équipe de gestion spécifique composée de personnel de l'office, sans faire appel à de nouveaux employés, mais avec une combinaison de talents différente, pour assurer la surveillance au quotidien du puits qui est en cours de forage dans notre région. C'est là la façon dont nous avons réagi directement à ce qui s'est passé dans le golfe du Mexique. C'est ainsi que nous voulons nous assurer que notre surveillance est tout à fait efficiente et efficace.

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué qu'il y a des plafonds à la responsabilité. Je me demande quand ceux-ci ont été définis et si ceux-ci sont indexés automatiquement à l'inflation ou si, à un moment donné, il devient raisonnable de réviser leurs montants. Ces plafonds remontent à 1986, et 250 millions de dollars à cette époque ne sont pas la même chose que 250 millions de dollars aujourd'hui. Serait-il justifié de revoir ces plafonds?

M. Ruelokke : Autant en profiter pendant que je suis ici pour faire un peu de lobbying. Les taux de rémunération des membres de l'office, pas les nôtres, mais ceux de nos membres à temps partiel, ont été fixés en 1986 et, malgré tous mes efforts en ce sens depuis lors, ils n'ont jamais été modifiés.

Le sénateur Mitchell : Bien, et quelle est votre opinion?

M. Pinks : En ce qui concerne précisément les plafonds, il n'y en a qu'un en matière de responsabilité et, à ma connaissance, c'est 30 millions de dollars et c'est pour une responsabilité absolue. Cela signifie que si quelque chose se passe mal et que cela provient de votre installation, peu importe pourquoi, comment, que vous ayez été négligent ou non, que vous ayez commis une erreur ou quoi que ce soit d'autre, vous devez payer les 30 millions de dollars. C'est garanti. Au-delà de cela, si vous avez commis une erreur, donc si vous avez été négligent de quelque façon que ce soit, il n'y a pas de plafond à la responsabilité. La loi précise que c'est le pollueur qui paie.

En ce qui concerne la responsabilité financière, lorsque nous étudions la possibilité d'accorder une autorisation, nous tenons à nous assurer que les entreprises qui vont faire de l'exploration ou de la production ont les moyens financiers de réagir à un événement comme un déversement, d'assumer leurs responsabilités si elles n'abandonnent pas des installations de façon correcte à la fin et de le faire également si elles ne se conforment pas comme elles le doivent à la législation. Nous tenons à nous assurer qu'elles disposent des ressources financières nécessaires et nous examinons divers instruments.

Quand il s'agit de forage exploratoire, nous voulons obtenir la preuve que l'entreprise est en mesure de faire face financièrement à des responsabilités pouvant atteindre 350 millions de dollars. Le montant de 30 millions de dollars a été inscrit dans la législation dans les années 1980 sous forme de responsabilité absolue. Le montant de 350 millions de dollars est en vigueur depuis un certain temps et a fait l'objet d'un accord entre nos deux offices.

J'imagine à l'avance que l'une des conséquences du désastre survenu aux États-Unis est que nous allons étudier toutes ces questions. La responsabilité financière en fera partie. Nous allons devoir nous demander si les montants sont suffisants. Ce que je veux que vous sachiez est qu'il n'y a pas de limite à la responsabilité financière en cas de faute.

Si l'explosion est due à un tremblement de terre, il n'y a rien qu'on puisse faire.

Le sénateur Mitchell : Je ne sais pas si je vous ai bien compris plus tôt dans votre exposé, mais vous avez précisé recevoir des lettres de crédit ou des dépôts en espèces. S'agit-il de dépôt en regard de ces responsabilités, ou s'agit-il de prouver que l'entreprise a les moyens de faire ce qu'elle pourrait devoir faire en cas de déversement.

M. Pinks : C'est une responsabilité pour un certain nombre d'éléments. Dans mon exposé, et il y a des sections de celui-ci sur lesquelles j'ai passé rapidement, l'imposition de l'obligation responsabilité financière vise principalement les objectifs suivants : offrir un dédommagement financier à une partie pour des réclamations découlant des travaux ou des activités, restaurer et préserver l'environnement naturel, notamment le fond océanique pendant la réalisation du projet ou une fois qu'il est terminé et que l'ouvrage est fermé; avoir l'assurance que l'exploitant mettra fin de manière adéquate aux travaux ou aux activités autorisés pour ce qui est de l'environnement, de la sécurité et des autres éléments.

Nous voulons obtenir l'attestation que l'entreprise a les moyens financiers nécessaires pour assumer toute une gamme de responsabilités, y compris en cas de déversement ou de fuite.

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué que le condensat s'évapore très rapidement, mais cause-t-il des dommages précis à l'environnement sur le chemin qu'il emprunte vers l'atmosphère?

M. Pinks : Pas dans l'atmosphère parce que nous parlons ici de quelques parties par million.

Le sénateur Mitchell : Cause-t-il des dommages dans l'eau?

M. Pinks : En ce qui concerne l'eau, il y aurait deux préoccupations de nature environnementale. La première se manifesterait si des oiseaux de mer se posaient à proximité, car ils pourraient alors entrer en contact avec le condensat. Une fois encore, le condensat est bien différent du pétrole. Il n'a pas son caractère épais et gluant. Il serait beaucoup plus facile à nettoyer et les équipes d'intervention en cas de déversement se rendraient sur place et constateraient la situation. L'autre préoccupation toucherait les poissons qui pourraient se trouver à proximité immédiate, comme, par exemple, directement en dessous du déversement, car celui-ci pourrait teinter l'eau dans une certaine mesure.

Les dommages causés à l'environnement seraient toutefois relativement brefs dans le temps, car le condensat se dissout dans l'eau, en parties par million, et s'évapore et se décompose très rapidement.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir aux observations et aux questions du sénateur Neufeld sur les règlements qui s'appliquent à travers le monde quand vous fermez un puits et sur ce que vous faites. Je tiens simplement à ce que le comité le sache avec précision. Vous avez indiqué plus tôt que vous croyez que ce qui s'est produit en Louisiane ne se serait pas produit ici parce que nous disposons d'un système pour faire appliquer la réglementation. En d'autres termes, nos mesures d'application sont beaucoup plus rigoureuses au quotidien que dans le golfe du Mexique.

M. Ruelokke : Non. Le Minerals Management Service des États-Unis se rend sur place, procède à des inspections et à des vérifications sur les installations de forage et de production de la même façon que nous le faisons, et probablement à une fréquence comparable. J'ai dit que, si les choses se sont bien passées comme je le crois, la procédure n'a pas été respectée et nous ne l'aurions pas toléré ici.

Il eût été possible que nous n'ayons personne à bord à ce moment-là. Par exemple, j'ai parlé de l'approbation du forage d'un puits. Les documents d'approbation indiquent précisément à l'exploitant ce qu'il doit faire pour conserver les barrières empêchant tout rejet de polluant. Nous procédons à des inspections et à des vérifications régulières. Toutefois, si vous voulez savoir si nous avons en tout temps quelqu'un sur place, la réponse est « pas tout le temps ». Nous le ferons avec le puits en question, mais nous ne l'avons pas fait par le passé.

Le sénateur Lang : Pour en terminer avec cette question, nous avons déjà modifié nos procédures à la suite de ce qui s'est produit, et cela peut inspirer davantage confiance aux Canadiens de le savoir. Est-ce bien exact?

M. Ruelokke : Nous avons très certainement imposé un niveau additionnel de surveillance qui comprend des inspections sur place à divers moments pendant le forage de ce puits, en plus de ce que nous aurions fait normalement. Oui!

Le sénateur Banks : J'ai une observation à formuler au sujet de la réglementation. Nous aurions intérêt à nous souvenir que je ne crois pas que nous puissions trouver, sur papier, un régime réglementaire appliqué n'importe où dans le monde, y compris en Louisiane, qui laisse des trous. Ils sont tous passablement bons et j'utilise ici le terme « trous » en connaissance de cause.

Le cœur du problème est donc une question d'inspection et la mesure dans laquelle une surveillance est exercée, celle dans laquelle elle est intrusive, et qui s'en occupe. En Louisiane, si les renseignements dont nous disposons sont exacts, la réglementation imposait qu'un tel puits soit équipé d'un système de protection contre les explosions, et il y en avait un. Toutefois, ce système n'a pas fonctionné. Il comporte une série de mécanismes qui se déclenchent comme des ciseaux, qui pincent le tuyau et cela aurait dû interrompre le flux quand cela s'est produit.

Le président : Indiquons au compte rendu que le sénateur Banks fait des mouvements comiques avec ses mains.

Le sénateur Banks : Cela n'a pas marché. À quelle fréquence le système de protection contre les explosions sera-t-il inspecté et par qui, et dans quelle mesure s'agit-il d'un processus intrusif, si c'est le bon terme? Est-ce que quelqu'un descend pour le voir se fermer? C'est assez difficile à faire quand il se trouve à un kilomètre et demi sous la surface de l'océan.

C'est une question d'application du régime. Vous pouvez avoir le meilleur régime au monde sur une feuille de papier. Comment est-il appliqué et par qui?

M. Ruelokke : Le fonctionnement du bloc obturateur est testé. En d'autres termes, vous constatez que les volets se ferment avant de le descendre dans la colonne jusqu'à la tête de puits. Toutefois, vous ne pouvez pas matériellement tester son fonctionnement pendant que vous forez le puits parce que cela reviendrait à le fermer.

La résistance à la pression du système est testée tous les 14 jours pour s'assurer qu'il n'y a pas de perte de fluide ni de fuites dans le système, que la pression est la bonne et que le système de contrôle fonctionne normalement. Cela se fait tous les 14 jours.

Le sénateur Banks : Peut-être ne l'ont-ils pas fait en Louisiane.

M. Ruelokke : Peut-être que non. Nous avons entendu des rumeurs voulant qu'environ une semaine avant l'incident du 20 avril, un ROV a constaté une perte de fluide sur le bloc obturateur.

Le sénateur Neufeld : Vous dites qu'il est maintenant prévu d'avoir deux puits d'intervention en Louisiane. Vous ai-je bien compris?

M. Ruelokke : Oui, ils sont en train de forer deux puits d'intervention.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous nous expliquer, au public et à moi-même, ce qu'est un puits d'intervention? Est-il foré dans le stratum pour essayer d'atténuer la pression dans le sol ou est-il foré dans le cuvelage déjà en place dans le puits original pour abaisser la pression afin de pouvoir détourner le pétrole dans une autre direction? Pouvez-vous nous fournir quelques explications?

M. Ruelokke : Il cherche à rentrer dans le puits qui a déjà été foré et qui fuie à proximité de la source d'hydrocarbure.

Le sénateur Neufeld : Savez-vous à quelle profondeur cela se fait?

M. Ruelokke : Je crois que le puits fait 18 000 pieds.

Le sénateur Neufeld : C'est donc 18 000 pieds, ce qui veut dire qu'il faut forer dans le cuvelage aux alentours de 18 000 pieds. Est-ce bien cela?

M. Ruelokke : C'est exact.

Le sénateur Neufeld : C'est difficile à visualiser.

Le président : Il ne s'agit pas d'un puits d'intervention identique à ce qu'il serait ici. Il serait adjacent.

M. Ruelokke : Si vous deviez forer un puits d'intervention, vous utiliseriez normalement un principe similaire. Si le pétrole fuit par le trou du puits, vous essayez d'entrer à nouveau dans ce trou de puits.

Le sénateur Neufeld : C'est un puits d'intervention.

Le président : Vous profitez de mon indulgence. Je vais vous accorder à tous deux quelques secondes.

Le sénateur Lang : J'aimerais avoir une idée de la durée. Quand vous forez un puits d'intervention, cela nécessite-t-il deux, trois ou quatre mois?

M. Ruelokke : Trois mois.

M. Pinks : Cela dépend de la profondeur à laquelle le puits de départ a été foré. Si c'est un puits peu profond, cela prend moins de temps. Plus le puits est profond et plus cela prend de temps.

M. Ruelokke : Dans le cas du puits Macondo dans le golfe du Mexique, on compte qu'il faudra trois mois pour terminer les puits d'intervention.

Le sénateur Dickson : L'un de vos employés est-il présent en permanence sur le puits Chevron dans les eaux de Terre-Neuve, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7?

M. Ruelokke : Non.

Le président : Les frais facturés sont trop faibles.

Le sénateur Dickson : Eh bien, c'est quelque chose que nous pouvons régler rapidement.

M. Ruelokke : Nous procédons à des inspections régulières. Nous nous rendons sur place à des moments précis pour des tâches bien définies qui font partie du programme. Nous procédons à des inspections régulières toutes les trois ou quatre semaines, et nous nous rendons sur place. J'y vais parfois le samedi et le dimanche pour exercer ma propre surveillance. Toutefois, nous n'y avons pas d'employés en permanence.

Le sénateur Dickson : Envisageriez-vous d'y avoir quelqu'un en permanence?

M. Ruelokke : Nous allons nous pencher sur la question. Lorsque nous saurons ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique, si nous parvenons à la conclusion que la présence d'un responsable de la réglementation aurait pu contribuer à empêcher l'accident, c'est une solution que nous étudierons.

Le sénateur Dickson : Il arrive que les gouvernements réagissent de façon excessive. Le fait d'avoir quelqu'un sur place, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pourrait inspirer une plus grande confiance dans le processus. C'est l'occasion rêvée pour vous de faire du lobbying sur les questions qui vous tiennent à cœur. Quelles qu'elles soient, faites-en état.

M. Ruelokke : Nous tenons à nous assurer que l'exploitant sait fort bien qu'il est en permanence responsable de la conduite sécuritaire de ses activités. Vous pourriez tomber dans un piège si vous aviez quelqu'un sur place 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Vous pourriez en conclure que tant que la personne de l'office donne son aval, tout va bien. C'est également quelque chose à prendre en compte.

Le président : Nous avons eu une séance particulièrement enrichissante. Je vous remercie monsieur Pinks et monsieur Ruelokke.

M. Pinks : Monsieur le président, vous m'avez demandé au tout début de la séance quel est le pourcentage de la production totale qui provient de la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. Grâce à mon BlackBerry, j'ai appris que je dois corriger ce que je vous ai dit.

Lorsque le projet Deep Panuke entrera en production, nous serons plus près de 4 ou 5 p. 100 de la production totale de gaz naturel du Canada. J'avais un peu surestimé notre importance.

Le président : Je vous en remercie.

(Le comité poursuit ses travaux à huit clos.)


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