Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 7 - Témoignages du 1er juin 2010
OTTAWA, le mardi 1er juin 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 10, pour examiner l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux personnes qui se trouvent dans la salle pour assister à la séance et à ceux qui suivent nos débats sur la chaîne parlementaire CPAC ou sur Internet.
Au cours de la présente séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, nous allons poursuivre notre étude sur le secteur de l'énergie et sur l'élaboration d'un cadre stratégique en vue de la mise en place d'une politique énergétique canadienne pour l'avenir.
Ce soir, nous recevons des témoins et des invités très spéciaux. Je m'écarterai de la présentation que j'ai l'habitude de faire et dirai quelques mots spéciaux à leur propos.
La dame assise à l'autre bout de la table s'appelle Denise Carpenter, présidente et chef de la direction de l'Association nucléaire canadienne. À ses côtés se trouve Laurie Swami, vice-présidente, Programmes de réglementation nucléaire, Ontario Power Generation, qui se trouve ici pour fournir du soutien technique. Au fur et à mesure qu'avancera notre débat sur l'approvisionnement en énergie nucléaire, nous aurons tous besoin de ce type de soutien.
Je suis le sénateur David Angus, du Québec. Je suis président du comité. Le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, est vice-président du comité. Sam Banks et Marc LeBlanc, analystes, sont nos personnes-ressources à la Bibliothèque du Parlement. Sont également présents ici aujourd'hui le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, le sénateur Judith Seidman, du Québec; le sénateur Linda Frum, de l'Ontario; le sénateur Dan Lang, du Yukon, la très efficace greffière du comité, Lynn Gordon; mon prédécesseur, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur Elaine McCoy, aussi de l'Alberta; le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan, notre expert-maison en matière d'énergie nucléaire — nous l'appelons le « roi de l'uranium »; le sénateur Paul Massicotte, du Québec; et le sénateur Fred Dickson, de Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un groupe éclectique, et tous ses membres concentrent leurs efforts sur la présente étude.
J'ai eu le privilège de rencontrer Mme Carpenter et certains membres de l'Association nucléaire canadienne. Comme vous le savez, la quantité stupéfiante d'énergie déjà produite par l'industrie nucléaire canadienne — 50 p. 100 de cette énergie est produite en Ontario, et des quantités non négligeables sont produites au Nouveau-Brunswick et au Québec — a suscité notre curiosité. Une proportion considérable de l'énergie produite au Canada est déjà d'origine nucléaire.
Lorsqu'il était président du comité, le sénateur Banks a été à la tête d'une délégation du comité qui s'est rendue en France. Nous avons vu là-bas ce qu'un grand pays peut faire. La majeure partie de l'électricité produite en France est d'origine nucléaire. Votre potentiel suscite un vif intérêt chez les membres du comité.
Le vice-président du comité et moi-même avons récemment accordé une entrevue au Resource World Magazine à Vancouver. La direction de cette revue a fait paraître un long éditorial où le chat est en quelque sorte sorti du sac, car il contenait de larges extraits de l'entrevue où le vice-président et moi affirmions être très intéressés par l'énergie nucléaire. Nous ne voulons présumer de rien, mais je crois que l'énergie nucléaire occupera une place de premier plan dans notre rapport final.
Je tiens également à souligner, chers collègues, que dès le début d'avril, ces gens conviaient notre comité à une assez longue visite des installations nucléaires de l'Ontario, durant laquelle nous aurions l'occasion d'assister à des activités de raffinement d'uranium et de voir divers types de réacteurs nucléaires de même que les centrales à la fine pointe de la technologie. Ce que j'essaie de dire, c'est que cette invitation nous a été transmise par les bons soins de Mme Carpenter et de ses amis de Bruce Power.
Nous avons tenté de trouver un moment convenable pour donner suite à cette invitation, et le voyage a été planifié à diverses reprises. Comme vous le savez tous, le comité directeur a décidé de ne pas faire cette visite la semaine prochaine, d'une part parce qu'il est au beau milieu de son étude spéciale sur le forage pétrolier en mer, et, d'autre part, parce qu'il veut rendre pleinement justice à une si généreuse invitation. Cela dit, nous tenterons de trouver un moment pour effectuer cette visite, peut-être cet été ou après les heures de séance du Sénat, mais je dois au préalable convaincre les membres du comité que cela en vaut la peine. Je pense que, après le débat d'aujourd'hui, cela sera chose faite.
L'exposé de Mme Carpenter sera agrémenté d'une très courte vidéo. Je viens tout juste de la visionner de nouveau en haut. Il s'agit d'une vidéo percutante et pertinente, et, selon moi, captivante, mais je vais vous laisser en juger par vous-même. Une période de questions suivra l'exposé de Mme Carpenter, et ensuite, au cours de la deuxième heure de notre réunion, nous entendrons le représentant de Bruce Power. Je crois que notre soirée sera fascinante.
Mme Carpenter a été nommée présidente et chef de la direction de l'Association nucléaire canadienne, l'ANC, le 23 novembre 2009. Elle était auparavant vice-présidente principale, Communications et Affaires publiques, EPCOR Utilities Inc. À titre de responsable du positionnement, de la gestion de l'image, de la stratégie et des communications de l'organisation, elle a contribué à la métamorphose d'EPCOR en entreprise d'envergure nord-américaine de services publics d'eau et d'électricité.
Comme je l'ai dit plus tôt, Mme Swami est vice-présidente, Programmes de réglementation nucléaire pour OPG, Ontario Power Generation.
Sans plus tarder, chers collègues, je cède la parole à Mme Carpenter. Nous sommes impatients d'entreprendre la réunion de ce soir.
Denise Carpenter, présidente et chef de la direction, Association nucléaire canadienne : Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier personnellement de nous accorder une soirée complète pour présenter notre histoire. Il s'agit d'une histoire dont nous sommes très fiers, et nous espérons que notre vidéo vous touchera au point où vous partagerez cette fierté avec nous.
Comme le président l'a indiqué, j'occupe mon poste depuis peu, à savoir depuis six mois, et je suis encore en pleine période d'apprentissage. Si, au bout de deux heures, vous avez tout appris à propos de l'énergie nucléaire, je vous saurai gré de me dire quel est votre secret, car, pour ma part, j'en apprends à chaque jour. Heureusement, j'ai de l'expérience dans le secteur de l'énergie; ainsi, je comprends l'énergie et ses répercussions sur les Canadiens. En outre, j'ai la chance d'avoir avec moi mon filet de sûreté, Mme Swami, qui m'aidera avec toutes les questions qui posent des difficultés.
L'ANC compte plus de 95 membres qui représentent l'ensemble de l'industrie nucléaire, notamment des entreprises de production d'électricité, des fabricants, des sociétés d'extraction d'uranium et de traitement du combustible, des syndicats, des sociétés d'ingénierie et des universités.
Notre vision consiste à tirer parti des possibilités offertes par la renaissance du nucléaire à l'échelle mondiale pour créer et maintenir une industrie nucléaire vigoureuse, dynamique et en plein essor. On compte actuellement dans le monde plus de 438 réacteurs en exploitation, 54 en construction et plus de 450 prévus ou à l'étude. Notre industrie veut être un acteur mondial et créer de la richesse économique ainsi que des milliers d'emplois très rémunérateurs pour les Canadiens.
En matière d'innovation et de réalisations dans le domaine nucléaire, le Canada occupe dans l'histoire une place unique en son genre. Aujourd'hui, notre travail consiste à faire fond sur ces réalisations exceptionnelles en nous tournant vers l'avenir pour assurer notre croissance. Pour mettre mes propos en contexte, je vais vous présenter, comme l'a indiqué le président, une très courte vidéo qui, selon moi, vous plaira, et nous poursuivrons notre exposé par la suite.
[Présentation audiovisuelle]
Le président : Madame Carpenter, il s'agit d'une excellente vidéo. A-t-elle été réalisée récemment?
Mme Carpenter : Oui, elle a été réalisée pour souligner le cinquantième anniversaire de l'industrie nucléaire canadienne.
Le président : Quand était-ce?
Mme Carpenter : En 2010. La vidéo a été lancée durant notre conférence du premier trimestre. Depuis que cette vidéo a été réalisée, il y a quatre mois, quelques changements se sont produits dans l'industrie. Cela dit, notre industrie, comme toutes les autres, change tous les jours.
Le président : À un rythme nucléaire.
Veuillez reprendre votre exposé.
Mme Carpenter : Cette vidéo fournit une tonne de renseignements en quelques minutes. Pour vous aider à assimiler tout cela, j'aimerais prendre deux ou trois minutes pour bien situer l'industrie nucléaire canadienne dans le contexte de la politique publique. Je vais résumer l'information contenue dans le document PowerPoint qui vous a été distribué, en me concentrant sur les quatre messages clés. Nous passerons ensuite à la période de questions et réponses.
Premièrement, l'industrie nucléaire canadienne est très vaste. L'énergie nucléaire assure 15 p. 100 de la production d'électricité au Canada, et 55 p. 100 en Ontario. Notre industrie crée beaucoup d'emplois directs et indirects — plus de 70 000 emplois hautement spécialisés et très rémunérateurs.
Le Canada, plus précisément la Saskatchewan, est le deuxième producteur d'uranium en importance dans le monde. Il comble 20 p. 100 du marché mondial. Le Canada est également un chef de file mondial des technologies de médecine nucléaire, et il dispose d'installations de recherche ultramodernes à Chalk River, en Ontario.
Toutefois, comme nous le savons tous, la taille de l'industrie n'est pas le seul aspect primordial. Ainsi, mon deuxième message, c'est que le nucléaire est important du point de vue de l'économie, de l'environnement et de la politique de santé publique. Essentiellement, l'industrie nucléaire est particulièrement abordable et concurrentielle — il s'agit d'une source d'énergie à faible coût. Son coût est concurrentiel par rapport à celui du charbon et du gaz naturel, et bien moins élevé que celui des deux sources d'énergie renouvelable les plus prometteuses, à savoir les filières éolienne et solaire. Par ailleurs, le nucléaire entraîne des coûts d'investissement élevés qui ont des retombées économiques considérables et positives partout au Canada.
L'énergie nucléaire est un gage de sécurité, de sûreté, de stabilité et de fiabilité. Le simple fait que l'électricité d'origine nucléaire est propre et sans émissions constitue peut-être l'atout le plus précieux, compte tenu des préoccupations actuelles concernant les changements climatiques et la protection de l'environnement. Il n'y a pas de comparaison possible avec les autres filières de production d'électricité qui répondent à la demande de base.
L'énergie nucléaire ne se limite pas à la production d'électricité, loin de là. Au Canada, elle est aussi l'élément clé de technologies vitales utilisées pour la lutte contre le cancer, le diagnostic et le traitement de maladies, la stérilisation des fournitures médicales et l'irradiation des aliments, de même que — et peu de gens le savent — le dessalement de l'eau de mer dans le monde et d'autres technologies nouvelles. La vidéo que nous avons visionnée abordait certains de ces aspects.
Rien ne surpasse le centre de recherche nucléaire canadien de Chalk River. Le réacteur national de recherche universel — le réacteur NRU — d'Énergie atomique du Canada limitée, à Chalk River, a assuré la moitié de la production mondiale de radio-isotopes médicaux.
Mon troisième message, c'est que nous devons agir dès maintenant et concentrer notre attention sur le nucléaire dès maintenant. L'industrie canadienne entre dans une période d'incertitude sans précédent en raison de la vente prévue d'Énergie atomique du Canada limitée, EACL. Les réacteurs CANDU — CANada Deutérium Uranium — ont connu un succès remarquable, mais leur avenir est menacé, comme tous les emplois et toutes les entreprises connexes. Cette vente pourrait avoir des répercussions imprévues sur la chaîne d'approvisionnement nucléaire du Canada, voire sur l'avenir de l'industrie nucléaire canadienne dans son ensemble.
Notre association est consciente des raisons qui ont amené le gouvernement fédéral à prendre la décision de vendre les actifs de production nucléaire du groupe CANDU d'EACL, mais nous l'exhortons à examiner les conséquences possibles sur le reste de l'industrie nucléaire canadienne. Cette vente doit absolument faire progresser l'industrie ainsi que les centaines d'entreprises canadiennes faisant partie de la chaîne d'approvisionnement de la filière CANDU, et rendre cette chaîne encore plus concurrentielle. On ne doit pas courir le risque de connaître les malheurs qui ont frappé d'autres pays après la vente de leurs principaux actifs de production nucléaire.
Cela m'amène à mon quatrième et dernier message à votre intention. Le gouvernement a un rôle déterminant à jouer au moment de déterminer le cadre voulu pour assurer une croissance soutenue de notre industrie. Le gouvernement devrait maintenir notre cadre réglementaire solide et prévisible sous l'égide de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Le gouvernement devrait s'engager de nouveau en faveur de nos activités de recherche et développement enviables, et stimuler l'innovation soutenue au pays et au sein de l'industrie. Le gouvernement devrait soutenir et renforcer notre capacité en matière d'éducation et de formation axées sur les compétences — le cœur et l'âme de notre industrie — au sein des universités et des collèges. Le gouvernement et l'industrie devraient augmenter la puissance du parc nucléaire canadien pour la porter à 18 000 mégawatts d'ici 2025 en remettant à neuf des installations d'une puissance de 12 000 mégawatts et en construisant de nouvelles centrales produisant un total de 6 000 mégawatts. Le gouvernement devrait aussi s'engager à accroître la capacité du Canada en matière d'extraction, de production et de raffinage d'uranium. Enfin, le gouvernement devrait présenter l'énergie nucléaire comme étant une filière propre et en faire la pierre angulaire d'une stratégie nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques attribuables aux centrales à combustibles fossiles.
Cela met fin au résumé de la vidéo qui vous a été présentée et du document PowerPoint qui vous a été fourni plus tôt cette semaine. Nous vous remercions de votre attention et d'avoir visionné la vidéo. Le sénateur Angus vous a transmis notre invitation à venir visiter quelques-unes des installations de Bruce Power et d'Ontario Power Generation, de même que les installations de Cameco Corporation. Nous nous réjouissons à l'idée de vous accueillir dans nos installations. J'aimerais maintenant vous permettre de poser des questions, car je ne doute pas qu'elles sont nombreuses.
Le président : Merci beaucoup, madame Carpenter. À n'en pas douter, votre exposé était intéressant. Je vais commencer par vous demander ce que vous voulez dire lorsque vous affirmez que le gouvernement devrait présenter l'énergie nucléaire comme étant une énergie propre. Je sais, par exemple, que de nombreux États américains ne sont pas autorisés à acheter du Canada de l'énergie qui ne soit pas renouvelable et propre, et, selon les apparences, une kyrielle d'États considèrent que l'hydroélectricité n'est pas une énergie renouvelable. Êtes-vous en train de dire que le gouvernement du Canada ne reconnaît pas l'énergie nucléaire à titre d'énergie propre?
Mme Carpenter : À ce moment-ci, l'énergie nucléaire n'est pas considérée comme une énergie propre par le gouvernement du Canada.
Le président : Classe-t-il cette énergie dans une autre catégorie, ou ne s'est-il pas encore prononcé sur la question?
Mme Carpenter : C'est là le problème : il ne s'est pas prononcé sur la question. Nous devons déclarer que le nucléaire est une énergie propre, et le gouvernement doit apporter son soutien à une telle position.
Le sénateur Mitchell : Merci de l'exposé et de la vidéo que vous nous avez présentés. Il me semble qu'il est peu fréquent qu'une association industrielle se présente devant un comité comme le nôtre ou devant tout autre groupe et affirme être contre la privatisation d'une société d'État. Si je ne m'abuse, c'est ce que laissent entendre les préoccupations que vous avez soulevées à propos de la vente d'EACL. Est-ce exact?
Mme Carpenter : Non, nous voulons simplement que la vente soit effectuée de manière appropriée. Nous comprenons pourquoi le gouvernement veut vendre EACL. Ce que nous disons, c'est qu'il faut respecter la chaîne d'approvisionnement et le dévouement dont a fait preuve dans le passé EACL envers l'industrie, particulièrement dans le secteur de la recherche et du développement.
Le sénateur Mitchell : De toute évidence, l'un des principaux enjeux de la vente est la recherche et le développement, de même que le niveau d'activité dans ce secteur, l'évolution du réacteur CANDU, et cetera. Peut-on affirmer qu'une partie de vos préoccupations concerne la possibilité que, pour une raison ou une autre, la société qui se portera acquéreur d'EACL ne dispose pas des moyens nécessaires pour s'acquitter de ces responsabilités?
Mme Carpenter : La recherche et le développement sont au cœur de notre industrie, et lui permettent de devenir plus productive et plus novatrice. Les universités contribuent à la recherche et au développement en fournissant des connaissances en sciences pures. Il y a aussi la mise en marché et la mise à l'essai du matériel. Les gens ne comprennent pas que EACL faisait partie des 15 plus importantes sociétés canadiennes en matière de recherche et de développement. Nous affirmons que nous devons respecter cela et veiller à ce que l'aspect recherche et développement de cette organisation soit maintenu.
Le sénateur Mitchell : Vous avez souligné que vous vouliez éviter les déconvenues occasionnées par certaines ventes de biens de production nucléaire par le gouvernement. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Pouvez-vous mentionner quelques-unes de ces déconvenues, et la mesure dans laquelle vous êtes certaine que nous pourrions, moyennant certaines mesures que je vous demanderais d'indiquer, les éviter?
Mme Carpenter : De but en blanc, je mentionnerais un cas survenu en Grande-Bretagne. Je ne connais pas tous les détails, et je vais devoir avoir recours à l'assistance de l'un de mes collègues assis derrière moi. Il y a de nombreuses années, le gouvernement de la Grande-Bretagne a vendu ses intérêts dans le secteur du nucléaire. Aujourd'hui, la Grande-Bretagne veut rebâtir son industrie nucléaire, et, à cette fin, elle doit faire appel à d'autres organisations, et même à d'autres gouvernements, par exemple celui de la France.
Le sénateur Mitchell : La brièveté de vos réponses me donne l'occasion de vous poser davantage de questions. En Alberta, province dont nous provenons tous les deux, il a été question, quoique moins souvent ces derniers temps, de l'utilisation de l'énergie nucléaire dans le cadre de l'exploitation des sables bitumineux. Quelle est la situation à ce sujet? Pouvez-vous mentionner quelques avantages et inconvénients d'une telle pratique? Est-ce possible? Les ressources financières nécessaires sont-elles en place? L'ampleur d'un tel projet est-elle appropriée?
Mme Carpenter : Sénateur Mitchell, comme vous le savez, l'Alberta est un marché déréglementé. Par conséquent, pour qu'une source d'énergie puisse être exploitée en Alberta, il faut que l'énergie produite puisse être vendue tant sur le marché libre que par voie d'ententes contractuelles. Le gouvernement de l'Alberta a mené un processus de consultation et affirmé qu'il serait prêt à établir une relation avec un exploitant en Alberta. Je vais laisser le soin à M. Hawthorne de vous en dire davantage, lorsqu'il prendra la parole un peu plus tard, à propos de ce que Bruce Power a fait en Alberta.
Le sénateur Mitchell : Enfin, le gouvernement a fait observer qu'il souhaitait la suppression graduelle des centrales thermiques alimentées au charbon. Je ne tente pas de vous mettre dans une position inconfortable, mais j'aimerais savoir si vous connaissez l'une ou l'autre des étapes de cette suppression. Même si les décisions relatives à une telle suppression reviendraient à chaque province et territoire, j'aimerais savoir si, dans l'ensemble du pays, il existe une certaine volonté de ne permettre la construction d'aucune nouvelle centrale au charbon?
Mme Carpenter : L'Ontario a assurément pris l'engagement de supprimer graduellement les centrales au charbon d'ici 2014.
Laurie Swami, vice-présidente, Programmes de réglementation nucléaire, Ontario Power Generation : Au cours des quelques prochaines années, quelques-unes de nos centrales cesseront de fonctionner. Il s'agit assurément d'une politique du gouvernement de l'Ontario. J'imagine que Mme Carpenter pourrait vous en dire davantage en ce qui concerne les autres provinces et territoires.
Mme Carpenter : En Alberta, le charbon est utilisé depuis 800 ans. Il serait difficile d'adopter là-bas une telle politique.
Le sénateur Banks : Merci d'être ici, madame Carpenter et madame Swami.
Hier, un nombre important d'ingénieurs ont été mis à pied à Chalk River. Si j'étais sur le point de vendre mon entreprise, je tenterais de faire en sorte qu'elle se trouve dans le meilleur état possible avant la vente, de la même façon que je me serais assuré, avant de l'acheter, qu'elle fonctionnait à pleine capacité. Il s'agit là non pas d'une question, mais d'une observation.
Vous avez dit que vous compreniez pourquoi le gouvernement voulait vendre EACL. J'ai entendu les raisons pour lesquelles le gouvernement souhaitait vendre EACL, mais je ne les comprends pas et ne les approuve pas. Pourriez-vous dissiper mes doutes? Auriez-vous l'obligeance de m'expliquer ces raisons que vous comprenez et moi pas?
Mme Carpenter : Je ne peux certainement pas parler au nom du premier ministre du Canada.
Le sénateur Banks : Vous avez dit que vous compreniez les raisons évoquées par le gouvernement du Canada.
Mme Carpenter : Notre association industrielle comprend que le gouvernement du Canada souhaite atténuer les risques, y compris les risques financiers. Le gouvernement estime qu'il atténuera ses risques financiers en vendant la division des réacteurs CANDU.
Le sénateur Banks : C'est tout? D'accord.
Comme nous parlons de risques financiers, je vais vous poser une question à propos des assurances, un sujet dont nous avons déjà discuté ensemble dans le passé. Le comité sera sans aucun doute appelé à examiner un projet de loi qui aura pour effet d'accroître le montant de la protection que devra se procurer le Canada en cas d'incidents fâcheux qui pourraient résulter de l'exploitation de l'énergie nucléaire. Chacun sait que le montant de cette protection est actuellement trop bas, et on propose de l'augmenter.
Monsieur le président, à l'époque où vous vous êtes joint au comité, d'aucuns faisaient observer qu'il serait plus raisonnable pour l'industrie — et je m'adresse à une représentante de l'industrie — de verser de l'argent dans un régime d'auto-assurance plutôt que de payer des primes, vu que les coûts liés au pire incident que nous pouvons imaginer — et une assurance constitue une protection contre le pire incident qui pourrait survenir — dépasseraient la nouvelle protection maximale que pourrait offrir l'assurance. Au fil du temps, on peut supposer que le montant en capital augmenterait au lieu d'être simplement dépensé à l'extérieur du pays — la majeure partie des assurances payées par le Canada le sont à l'extérieur du pays, car notre industrie des assurances a de la difficulté à prendre en charge ce type de responsabilité éventuelle. Ces assurances sont souscrites à l'extérieur du Canada — du moins, c'était le cas auparavant; j'ignore s'il en est encore ainsi.
Quel est le point de vue de votre association quant à la différence, s'il y en a une, entre la souscription d'une assurance — laquelle a, de toute façon, une limite — et l'auto-assurance? Je pose cette question parce que, en cas de catastrophe — et les assurances constituent une protection en cas de catastrophe —, une fois la limite atteinte, le Canada doit payer tout le reste, tous les coûts qui dépassent sa protection.
À mes yeux, le Canada se charge lui-même d'assurer l'industrie nucléaire, et il s'est procuré une franchise d'un montant quelconque. Cependant, comme il s'agit d'une industrie canadienne, le Canada doit assumer tous les coûts qui excèdent sa franchise. J'aimerais savoir, d'une part, si cela changerait en cas de vente, et, d'autre part, si vous avez examiné les coûts au regard des risques, c'est-à-dire si vous avez tenté d'établir les avantages et inconvénients respectifs de l'assurance et de l'auto-assurance, les coûts de la nouvelle assurance pour l'industrie, et cetera.
J'aimerais que vous me répondiez de la façon la plus générale possible, et que vous m'indiquiez le point de vue de votre association?
Mme Carpenter : En ce qui concerne les coûts, l'industrie a évalué les coûts pour l'industrie du nouveau montant suggéré et des montants supplémentaires. Oui, il s'agit d'un montant considérable. La limite suggérée de 650 millions de dollars représenterait une multiplication par six des primes d'assurance que nous payons actuellement. Toutefois, l'industrie reconnaît également qu'il est nécessaire d'accroître ce montant.
En ce qui concerne l'auto-assurance, je ne saurais dire si l'industrie a un point de vue à ce sujet.
Le président : Sénateur Banks, si vous me le permettez, j'aimerais faire l'observation suivante : le projet de loi relatif à la protection offerte dans le cadre de la Loi sur la responsabilité nucléaire sera soumis au comité. Nous tiendrons des audiences complètes à ce sujet, et nos amis de l'industrie nucléaire se présenteront devant nous pour nous fournir des réponses complètes.
L'objet de la présente réunion concerne plus précisément le portrait de la situation de l'industrie en relation avec le cadre de référence de notre étude. Je crois que le témoin est davantage prêt à répondre à des questions à ce sujet qu'à des questions touchant le projet de loi à venir.
Le sénateur Banks : Vous avez raison.
Mme Carpenter : Nous aurons une réponse à vous fournir, sénateur Banks, lorsque nous nous présenterons devant vous.
Le sénateur Banks : Lorsque cela se produira?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Banks : Ma dernière question a trait à la situation de l'industrie. À quand remonte la dernière vente d'un réacteur CANDU? Quand aura lieu la prochaine vente?
Mme Swami : La dernière fois qu'un réacteur CANDU a été vendu, EACL a joué un rôle dans la vente. Cela s'est produit il y a un certain nombre d'années, et le réacteur a été mis en service dans des pays étrangers. La vente de réacteurs CANDU s'inscrit dans la stratégie et dans les plans d'affaires d'EACL, et, par conséquent, je ne peux pas formuler d'hypothèses quant à la date où aura lieu la prochaine vente d'un réacteur. Cela dépendra de l'évolution du dossier de la vente d'EACL, de même que de la décision que prendra cette organisation quant à la meilleure stratégie d'affaires qu'elle doit adopter pour l'avenir.
Le sénateur Banks : Est-ce que les entreprises qui fabriquent et exploitent des réacteurs CANDU font partie de votre association, madame Carpenter?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Banks : Votre association nourrit-elle toujours des espoirs quant à l'éventualité de la vente de réacteurs CANDU?
Mme Carpenter : Certainement.
Le sénateur Peterson : Merci de l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui.
Selon toute vraisemblance, l'industrie nucléaire est sur le point de véritablement passer à l'action. Un certain nombre d'experts se sont présentés devant le comité et ont affirmé que la réalisation de nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre passait par l'énergie nucléaire.
En revanche, les gens se posent des questions à certains sujets. J'aimerais savoir si vous pourriez faire quelques observations sur ces trois sujets, à savoir la gestion des déchets radioactifs, la sûreté des réacteurs et le contrôle des coûts d'immobilisations.
Mme Carpenter : Je vais demander à Mme Swami de vous répondre à propos de la sûreté des réacteurs. La sûreté est au cœur de notre industrie — il s'agit de la première préoccupation de chaque membre de l'industrie que j'ai rencontré. J'aimerais vraiment que Mme Swami réponde aux questions touchant la sûreté et les déchets radioactifs, et j'aborderai ensuite la question des coûts d'immobilisations.
Mme Swami : Comme nous venons de le dire, la sûreté nucléaire est, de toute évidence, un élément fondamental de notre industrie. Nous disposons d'une kyrielle de programmes et de processus qui nous permettaient de nous assurer que nos réacteurs fonctionnaient et fonctionnent toujours en toute sûreté. Cela comprend le fait de veiller à ce que les réacteurs soient dotés, dès leur conception, de mécanismes permettant de pallier toute perturbation pouvant survenir. Des dispositifs de fermeture et de contrôle empêchant qu'une fuite se transforme en incident grave seront mis en place.
Nous disposons aussi de programmes de formation complets. Les employés qui font fonctionner les réacteurs ont reçu une très longue formation et sont assujettis à un important programme d'homologation. Le personnel de nos salles de commande est homologué par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, laquelle supervise l'important programme de formation que je viens d'évoquer et qui comprend notamment une formation sur simulateur. Notre personnel ne suit pas simplement une formation en salle de commande — il suit une formation assistée par simulateur. Il s'agit d'une composante importante de notre processus.
En outre, nous faisons partie d'organisations étrangères comme l'Institute of Nuclear Power Operations, l'INPO, et l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires, l'AMECN. À la suite de quelques incidents survenus aux États-Unis et après la catastrophe de Tchernobyl, des organisations ont été créées au sein de l'industrie de manière à ce que celles-ci puissent tenir tous les exploitants responsables du rendement de leur centrale en matière de sûreté.
Notre industrie participe à part entière aux évaluations d'autres producteurs, et ces producteurs, des experts du monde entier, viennent également dans nos installations pour les examiner et nous fournir des commentaires et des suggestions quant aux améliorations que nous pourrions apporter de façon à ce que nous puissions toujours éviter que des incidents fâcheux se produisent.
Il s'agit véritablement d'un aspect essentiel de nos activités.
Mme Carpenter : L'industrie canadienne est l'une des plus sûres du monde. L'industrie nucléaire canadienne possède l'un des meilleurs dossiers d'exploitation du monde — il est important qu'on le sache.
Le président : Allez-vous maintenant répondre à l'autre partie de la question?
Mme Swami : Je suppose que vous faites allusion à la gestion à long terme du combustible irradié. Le gouvernement fédéral a chargé un programme dirigé par la Société de gestion des déchets nucléaires de créer un dépôt de déchets nucléaires. Ce processus est en cours, et des consultations auprès des collectivités ont été lancées afin de déterminer l'emplacement d'une installation d'entreposage des déchets. Bien sûr, dans le cadre de ce processus, il faut trouver une collectivité disposée à accueillir ce dépôt. Ce processus se déroule au moment où l'on se parle.
Il faudra un certain nombre d'années pour mener les analyses permettant de trouver un site approprié et pour collaborer avec les collectivités et tous ceux qui vivent à proximité de l'endroit où sera implanté le dépôt de déchets. Dès que le site aura été choisi, on commencera la construction d'installations où sera déposé le combustible nucléaire irradié. À l'heure actuelle, comme c'est le cas depuis de nombreuses années, les déchets sont entreposés de façon sécuritaire dans les sites existants.
Le sénateur Peterson : Selon les plans initiaux, si je ne m'abuse, seulement 3 p. 100 environ de l'uranium étaient utilisés aux fins de la production d'énergie. D'après les plans plus récents, cette proportion a été portée à 8 p. 100 environ. Une partie de ce combustible pourrait éventuellement être recyclée, être réutilisée dans le processus. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
Mme Swami : De façon générale, les réacteurs CANDU sont conçus pour fonctionner à l'aide d'uranium naturel. Les réacteurs de conception perfectionnée et les réacteurs à eau sous pression utilisés à de nombreuses fins, de même que les réacteurs à eau bouillante, fonctionnent à l'aide de combustible enrichi, lequel est légèrement plus riche en uranium.
Ces processus fournissent un meilleur rendement, et nous pourrions recycler ce matériel. Au Canada, nous avons adopté la méthode de gestion adaptative progressive des déchets nucléaires. Cette méthode exige la création d'un dépôt pour entreposer les déchets à long terme, mais offre la possibilité d'extraire le combustible irradié, de le récupérer, de le traiter et de l'utiliser comme source d'énergie.
Mme Carpenter : Je vais laisser le soin à M. Hawthorne de répondre à la question sur les coûts d'immobilisations lorsqu'il prendra la parole. Il possède de solides connaissances en la matière, et, comme vous le savez, il s'agit d'une matière qui pose de multiples difficultés.
Le président : J'aimerais simplement vous poser une question faisant suite à votre réponse concernant l'uranium naturel et l'uranium enrichi ou à plus forte teneur. D'aucuns nous ont dit que l'industrie canadienne, plus particulièrement le secteur des réacteurs CANDU, utilisait un certain type de matériel ne pouvant servir à des fins non pacifiques. Pourrez-vous nous expliquer de quoi il s'agit? Je crois comprendre que s'il s'agit d'un facteur assez important à prendre en considération au moment de décider de la voie à suivre pour l'avenir.
Mme Swami : C'est exact. Par exemple, les États-Unis disposent d'un programme dans le cadre duquel la teneur du combustible en uranium 235 est accrue, et cet uranium est effectivement utilisé pour fabriquer du matériel à l'appui d'un programme énergétique, mais également, peut-être, à l'appui d'un programme d'armement. Aucun programme de ce type n'existe au Canada. À l'heure actuelle, nous n'utilisons, de façon générale, que de l'uranium naturel.
Dans le cadre de quelques nouveaux projets, notre industrie se penche sur la question de savoir de quelle teneur en uranium elle pourrait avoir besoin. Bien sûr, cela pourrait avoir des répercussions sur la chaîne d'approvisionnement et sur la façon dont ce matériel serait amené au Canada et utilisé aux fins de la production énergétique.
Le président : Est-ce que cela aurait une incidence sur les paramètres de sécurité que vous avez décrits?
Mme Swami : Non, toutes les centrales du monde fonctionnent de façon sécuritaire. Ce matériel est actuellement utilisé, dans certains pays, dans des réacteurs à eau sous pression et des réacteurs à eau bouillante.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur votre affirmation selon laquelle, et je vous cite, « L'industrie nucléaire est particulièrement abordable et concurrentielle — il s'agit d'une source d'énergie à faible coût ». Par la suite, à la fin de votre exposé, vous avez indiqué que vous aimeriez peut-être que de nouvelles centrales soient construites afin de produire 6 000 mégawatts supplémentaires.
Est-ce que cela signifie que, si nous mettions aujourd'hui en œuvre un programme de construction de centrales nucléaires et qu'un contrat pour la production de ces 6 000 mégawatts vous était attribué, vous seriez capable de construire ces centrales à moindre coût qu'un projet hydroélectrique ou que la construction d'une centrale au gaz?
Mme Carpenter : Ce que je dis, c'est que le coût de la production d'énergie nucléaire est concurrentiel. Le rapport entre le coût de production et le prix de vente est très concurrentiel. Au cours des deux prochaines semaines, nous publierons une étude menée par le CERI, le Canadien Energy Research Institute, dans laquelle sont établies des comparaisons entre l'ensemble des divers coûts de l'énergie et entre les répercussions de toutes les différentes sources d'énergie. Cette étude n'aborde pas la question des coûts d'immobilisations. Cependant, ceux-ci sont élevés.
Le sénateur Lang : Comment pouvez-vous fournir un prix sans tenir compte des coûts d'immobilisations? Tous vos coûts tirent leur origine des coûts d'immobilisations. Il est tout à fait illogique de comparer un projet hydroélectrique comprenant les coûts d'immobilisations et un projet de centrale nucléaire ne comprenant pas ces mêmes coûts et d'intégrer les résultats de cette analyse à la base tarifaire. Je ne pense pas qu'une comparaison dans le cadre de laquelle les coûts d'immobilisations d'une centrale nucléaire ne sont pas pris en considération soit équitable.
Mme Carpenter : Si vous me le permettez, je vais tirer certaines choses au clair, car je vous ai fourni des renseignements inexacts.
L'étude qui paraîtra au cours des deux ou trois prochaines semaines compare les coûts de production des centrales nucléaires, des centrales au charbon, des centrales à gazéification du charbon intégrée à un cycle combiné — ou centrale à GICC — et des centrales au gaz, de même que les coûts de production des biocombustibles et des gaz d'enfouissement. Je ne suis pas experte en matière d'économie, et le marché commence tout juste à être informé de tout cela, mais il reste que l'étude démontre que le nucléaire est concurrentiel par rapport au charbon et au gaz, même lorsque tous les coûts sont pris en considération, y compris un coût de 30 $ la tonne de charbon.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que la page 7 du document que vous nous avez fourni porte là-dessus?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Lang : J'aimerais aborder un autre sujet. Vous avez dit que l'énergie nucléaire était un gage de sécurité, de sûreté, de stabilité et de fiabilité.
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Lang : J'ai tendance à être d'accord avec une telle affirmation. Toutefois, je sais que de nombreux Canadiens ont vu ce qui s'est produit aux États-Unis et à Tchernobyl ou ont été victimes de ces incidents. Pourriez-vous indiquer aux Canadiens qui suivent notre débat ce que nous faisons de mieux que les États-Unis et Tchernobyl pour nous assurer que des incidents de ce genre ne surviennent pas dans l'avenir?
Mme Swami : Je vais simplement répéter certaines choses que j'ai dites plus tôt. Par suite des événements auxquels vous faites allusion, des organisations comme l'AMECN, dont notre association est membre, ont été créées, principalement pour pousser les exploitants et les propriétaires de centrales nucléaires à faire en sorte que toutes les mesures soient prises pour éviter que de tels incidents se produisent. À l'heure actuelle, ce processus se poursuit.
Une part importante de ce programme consiste à tirer profit de l'expérience vécue par les exploitants de centrales nucléaires où des incidents sont survenus. Chaque fois qu'un incident — grave ou anodin — se produit dans une centrale, nous tentons d'en tirer des leçons et de prendre des mesures pour améliorer nos processus. Si nous avons pris cette orientation, c'est directement en raison de ces événements qui ont eu lieu il y a de cela de nombreuses années. Nous tirons assurément des leçons de ces accidents, et notre industrie apprend continuellement. Il s'agit là d'un aspect très important de l'industrie nucléaire. Nous sommes conscients du fait que nous faisons tous partie de la communauté des exploitants de centrales nucléaires, et il est très important pour chacun d'entre nous que nous menions nos activités de façon sécuritaire. Nous prenons tous les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'aucun incident ne se produise.
Le sénateur Lang : Depuis ces incidents, la technologie en matière de sécurité a-t-elle progressé à un point tel que nous devrions être beaucoup plus à l'aise à l'idée qu'une nouvelle centrale nucléaire soit construite?
Mme Swami : La conception originale de nos installations nucléaires comprenait de nombreux systèmes de fermeture automatique des réacteurs. Une kyrielle de systèmes de surveillance intégrés au réacteur lui-même contrôlent la puissance du réacteur et les conditions qui règnent dans le réacteur à chaque instant. Ces conditions sont contrôlées, et les systèmes informatiques ou des systèmes de contrôle automatiques prennent automatiquement les mesures qui s'imposent pour éviter tout type d'incident. Tout cela fait partie de la conception originale.
En plus des systèmes de contrôle et des systèmes de fermeture, une autre particularité technique dont disposent nos installations des réacteurs CANDU, ce sont les systèmes de confinement. En cas d'incident, tout rejet de matières radioactives serait confiné au réacteur lui-même. Les systèmes de confinement pallieraient à une défaillance d'une barrière de confinement.
Si vous connaissez bien nos installations, vous avez déjà vu des bâtiments sous vide. Les nouvelles conceptions comprennent à présent des structures de confinement servant à prévenir tout rejet de matières radioactives dans l'environnement. En outre, il y a des exigences liées à l'emplacement de la centrale; une zone d'exclusion est établie autour de nos installations pour limiter les dommages en cas de rejet. En d'autres termes, un certain périmètre est établi autour des bâtiments qui abritent les réacteurs — il s'agit essentiellement du secteur situé dans un rayon de un kilomètre de ces bâtiments —, et personne ne peut vivre en permanence dans cette zone.
De surcroît, nous disposons de plans d'intervention en cas d'urgence qui nous permettent de faire en sorte que toutes les mesures de sécurité publique soient prises lorsqu'un incident survient. Comme Mme Carpenter l'a rappelé, aucun incident n'est survenu à ce jour.
Le sénateur Lang : Nous ne voulons pas que cela se produise.
Mme Swami : Certainement pas.
Le sénateur Neufeld : Merci de votre exposé. En vous écoutant nous le présenter et en lisant les documents que vous nous avez fournis, il m'a semblé que, sans la participation du gouvernement, tout cela ne pourrait pas se faire. Je me réjouis, en quelque sorte, de votre affirmation selon laquelle le gouvernement n'a pas à participer à cela. Cependant, à la lecture de votre document, quiconque serait amené à croire que la participation du gouvernement est essentielle.
Je veux vous poser des questions à propos des idées que vous avez exposées. Vous avez affirmé, et je cite, que « le gouvernement devrait maintenir notre cadre réglementaire solide et prévisible sous l'égide de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ». Y a-t-il quoi que ce soit qui vous porte à croire que le cadre réglementaire actuel pourrait être modifié?
Mme Carpenter : Non. Il y a des modifications.
Le sénateur Neufeld : Vouliez-vous simplement réaffirmer votre désir que ce cadre réglementaire soit maintenu?
Mme Carpenter : Tout à fait.
Le sénateur Neufeld : Nous avons déjà parlé de la recherche et du développement. Je ne crois pas que cela pose le moindre problème. Vous avez indiqué que le gouvernement devrait soutenir et renforcer notre capacité en matière d'éducation et de formation axées sur les compétences. La capacité en matière de formation des personnes qui travaillent dans votre industrie est-elle insuffisante?
Mme Carpenter : À coup sûr, comme tous les autres secteurs industriels, nous sommes touchés par le phénomène du vieillissement de la population. Comme notre industrie emploie des personnes hautement qualifiées, si la croissance que nous entrevoyons se concrétise, nous serons sans aucun doute aux prises avec une pénurie de main-d'œuvre.
Le sénateur Neufeld : Vous dites que toutes les industries sont aux prises avec ce phénomène. Votre industrie n'est sans doute pas la seule à être touchée.
Le sénateur Lang a posé une question concernant l'éventualité d'accroître la production de l'industrie nucléaire en construisant de nouvelles centrales produisant 6 000 mégawatts et en remettant à neuf des installations produisant 12 000 mégawatts. Est-ce que cela signifie que vous remettrez seulement à neuf les centrales existantes d'une puissance de 12 000 mégawatts? On produira non pas 18 000 mégawatts supplémentaires, mais 6 000 mégawatts supplémentaires. Ai-je bien compris?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Neufeld : Vous dites que les gouvernements devraient accroître de façon responsable l'extraction et la production d'uranium au Canada. Un tel accroissement ne dépend-t-il pas du marché? Si quelqu'un veut davantage d'uranium, la Saskatchewan s'activera et extraira davantage d'uranium, n'est-ce pas? Je ne vois pas ce que pourrait faire le gouvernement fédéral à ce chapitre.
Cela me dérange un peu de vous entendre parler de la construction au Canada de nouvelles centrales d'une puissance totale de 6 000 mégawatts, car si j'ai bien compris les réponses que nous ont fournies précédemment les représentants d'EACL lorsqu'ils se sont présentés devant nous, des centaines de millions de dollars de deniers publics sont versés annuellement à la société Bruce Power — et aussi au Nouveau-Brunswick, si je ne m'abuse — aux fins de remise à neuf, de réparation et de modernisation des installations nucléaires. Cela m'ennuie que les contribuables canadiens financent chaque année la modernisation de ces centrales ou tout autre travail devant être effectué dans ces installations en raison des garanties qui ont été données. J'imagine que les personnes qui les ont données étaient de nouveaux membres de l'industrie.
Je serais fort aise que EACL n'ait pas à faire cela. Dans ma province, nous ne pouvons pas nous adresser au gouvernement du Canada et lui demander de payer pour la remise en état de nos installations ou de contribuer à une telle remise en état au motif que cela coûte très cher et que nous ne disposons pas des moyens financiers nécessaires.
Le président : De toute évidence, vous n'êtes pas du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Neufeld : C'est exact. Si c'était le cas, je défendrais peut-être le point de vue opposé. Toutefois, je suis de la Colombie-Britannique, et cela m'ennuie un peu que nous devions faire cela. D'après ce que je crois comprendre, nous n'avons pas à assumer une telle responsabilité en ce qui concerne les autres centrales situées ailleurs dans le monde. C'est ce que nous ont dit des personnes qui se sont présentées ici.
Ainsi, les contribuables canadiens n'ont pas à financer les centrales — les réacteurs CANDU — situés ailleurs dans le monde, mais ils doivent financer celles qui se trouvent au Canada. Vous voulez construire de nouvelles centrales d'une puissance totale de 6 000 mégawatts. Si je dirigeais une entreprise privée, je devrais faire figurer cela dans les coûts initiaux.
Mme Carpenter : Permettez-moi de tirer quelque chose au clair. La technologie qui sera utilisée pour produire les 6 000 mégawatts supplémentaires n'a pas encore été fixée. Les nouvelles centrales pourraient fonctionner avec un réacteur CANDU ou avec une autre technologie — plusieurs options demeurent possibles.
Le sénateur Neufeld : Je suis porté à croire que, si l'on utilise une autre nouvelle technologie, quelqu'un devra investir plus tard de l'argent supplémentaire pour la soutenir. C'est cela qui me dérange. Si le contrat est attribué à une entreprise privée, celle-ci devra prévoir ces investissements dans ces coûts initiaux de construction des centrales. Nous parlons ici de vrai argent.
Mme Carpenter : Je ne crois pas que nos points de vue sont divergents. Nous disons qu'EACL — le secteur des réacteurs CANDU — est à vendre. En outre, des questions de propriété intellectuelle sont liées à ces réacteurs.
Il faut garder présent à l'esprit le fait que Bruce Power — qui rend des comptes à un actionnaire, et qui, par conséquent, est une entreprise privée — utilise un réacteur CANDU. Bruce Power remet actuellement à neuf un réacteur CANDU, et je suis certaine que M. Hawthorne pourra vous en dire davantage à ce sujet. Je crois qu'il est nécessaire de préciser quelque peu le rôle d'EACL — il s'agit de l'organisation qui fournit des réacteurs.
Le sénateur Neufeld : À mes yeux, les représentants d'EACL ont été très clairs — des centaines de millions de dollars sont nécessaires pour remettre à neuf ces deux centrales.
Je vais vous dire ce qui nous dérange un peu. Si votre association ou qui que ce soit d'autre pouvait, à un moment donné, garantir que cela ne se produira jamais, la situation serait peut-être différente, mais je crois que cela ne se produira jamais.
Le nucléaire est-il considéré comme une énergie propre par la France et les États-Unis?
Mme Carpenter : La France considère le nucléaire comme une énergie propre. Les États-Unis aussi.
Le sénateur Neufeld : Au Canada, je n'ai jamais entendu un ministre affirmer que l'énergie nucléaire n'était pas propre. En fait, lorsque le ministre est venu témoigner devant le comité, il a indiqué que 75 p. 100 de l'électricité produite au Canada provenait de sources d'énergie propre. Cela comprend le nucléaire. Selon moi, le gouvernement du Canada considère le nucléaire comme une énergie propre et le fait figurer — car c'est lui-même qui le dit — dans ces 75 p. 100 d'électricité provenant de sources d'énergie propre. Je constate qu'un pourcentage à peu près semblable figure dans les graphiques que vous nous avez fournis — j'en conclus que ce pourcentage comprend le nucléaire. Êtes-vous d'accord avec moi?
Mme Carpenter : Oui, mais l'énergie nucléaire doit être dûment caractérisée.
Le sénateur Neufeld : Qu'entendez-vous par « caractérisé »?
Mme Carpenter : Si l'énergie nucléaire est caractérisée comme étant une énergie propre, elle sera admissible à des crédits de carbone.
Le sénateur Neufeld : Ce que je dis, c'est que le gouvernement caractérise actuellement le nucléaire comme étant une énergie propre.
Mme Carpenter : Oui, mais cela n'est inscrit dans aucun texte législatif, et nous ne sommes donc pas encore admissibles à des crédits de carbone. Nous devons collaborer avec le gouvernement pour nous assurer que cela se produira.
Le sénateur Neufeld : La question des déchets a été abordée.
Le sénateur Peterson : J'aimerais faire suite aux propos du sénateur Neufeld concernant la question de savoir pourquoi la Saskatchewan n'extrayait pas davantage d'uranium. La CCSN, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, octroie chaque année des permis aux usines de concentration pour le traitement de millions et de millions de livres de minerai. En octobre, si la quantité maximale est atteinte, l'usine cesse ses activités. Cela est illogique. C'est à cela qu'il faisait allusion en posant la question suivante : pourquoi appliquer une telle restriction?
Le président : Madame Carpenter, il m'arrive parfois de devoir assermenter à titre de témoin les membres du comité — j'ai compétence pour le faire. Les membres ont le droit de poser des questions, mais dans les faits, ils ne devraient pas témoigner — cependant, il est intéressant d'entendre ce qu'ils ont à dire.
Le sénateur Frum : J'aimerais à mon tour attirer l'attention sur l'affirmation que vous avez faite durant votre exposé, à savoir que l'énergie nucléaire est un gage de sécurité, de sûreté, de stabilité et de fiabilité. Comme le sénateur Lang, j'ai tendance à être d'accord avec cela, mais, de toute évidence, l'industrie nucléaire aura énormément de travail à faire pour vendre cette idée au public. Je présume que la vidéo que vous nous avez présentée s'inscrit dans une stratégie de marketing. J'aimerais bien savoir quel est le public cible de la vidéo — à qui la présentez-vous?
Mme Carpenter : Cette vidéo a été distribuée aux écoles de toutes les régions du Canada. Nous avons mis en place un important programme scolaire dans le cadre duquel nous collaborons avec les enseignants afin d'éduquer les jeunes à propos de l'industrie nucléaire. La vidéo a également été envoyée à chaque membre du gouvernement du Canada et aux députés de certaines provinces. Les membres de l'industrie l'ont présentée aux membres de leur collectivité et à leurs employés. Elle est utilisée à grande échelle, et il est possible de la visionner sur notre site web.
Le sénateur Frum : Nous savons que le secteur mondial de la construction de réacteurs nucléaires connaît une forte croissance. À l'heure actuelle, 20 centrales nucléaires sont en construction en Chine. Ce qui soulève des préoccupations, ce sont les questions liées à la sécurité et à la sûreté, de même qu'au transport des matières nucléaires. Un témoin que nous avons reçu nous a décrit les avantages du nucléaire, mais a indiqué que tous ces avantages étaient annulés du simple fait que l'uranium enrichi devait être transporté d'un point A à un point B. Cela fait intervenir des risques énormes.
Quelles normes de sûreté ont été mises en place dans des pays comme la Chine? Comment cela influencera-t-il l'opinion des Canadiens quant à ce qui se passera ici?
Mme Carpenter : Avant de demander à Mme Swami de répondre à cette question, je soulignerai que les collectivités canadiennes qui accueillent des réacteurs nucléaires sont extrêmement favorables à l'industrie. Cela s'explique par le fait que les gens qui vivent dans ces collectivités comprennent l'industrie. Ainsi, si nous pouvons aider les collectivités à comprendre l'industrie et à partager cette compréhension avec les autres Canadiens, nous créerons les fondements d'une connaissance à grande échelle.
En ce qui concerne la question de savoir si ce qui se passe en Chine aura une incidence sur l'opinion des Canadiens, je vous dirai que, selon moi, les Canadiens sont intelligents. Ils savent que l'industrie canadienne est fortement réglementée, qu'aucun décès attribuable à un accident nucléaire n'est survenu au Canada et que la sûreté est la première priorité de l'industrie canadienne. Les Canadiens savent tout cela.
Le sénateur Lang : Je ne suis pas entièrement d'accord avec cela. Pour faire suite à la question du sénateur Frum concernant la vidéo, je tiens à souligner que, à mon avis, il s'agit d'un travail bien ficelé. Cette vidéo présente l'industrie. Toutefois, elle passe sous silence une importante préoccupation des Canadiens, à savoir la sûreté et les mesures que l'industrie prend à cet égard pour convaincre les Canadiens que le nucléaire peut jouer un rôle de premier plan dans notre avenir. J'estime que cela est important si vous voulez faire la promotion de votre industrie et amener le public à en reconnaître les mérites. En posant ces questions, nous nous faisons les porte-parole d'un grand nombre de Canadiens. La plupart des Canadiens et moi-même savons peu de choses à ce sujet.
Le sénateur Frum : Afin de tirer certaines choses au clair, je vais revenir sur les propos du sénateur Angus touchant le transport de matières enrichies d'un endroit à l'autre. Les matières ne sont pas enrichies sur place — elles doivent venir d'ailleurs. Quelles mesures de sûreté et de sécurité sont en place à cet égard?
Mme Swami : La Commission canadienne de sûreté nucléaire et l'Agence internationale de l'énergie atomique contrôlent le combustible dans nos installations. Elles ont posé des caméras dans nos installations pour s'assurer qu'aucune tentative d'altérations, et cetera, de l'approvisionnement en combustible ou du combustible irradié n'est commise. Les matières nucléaires sont marquées et contrôlées.
Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait de veiller à ce que nous respections les exigences canadiennes en matière de protection des matières nucléaires. Nous prenons part à ce processus, comme le font de nombreux autres pays que vous connaissez sans aucun doute. Ce processus est généralement utilisé au Canada ou dans d'autres pays pour la gestion du combustible nucléaire.
Pour de nombreuses personnes, il est manifestement important de connaître la mesure dans laquelle les matières nucléaires sont sécuritairement gérées et prises en charge durant leur transport, et de savoir qui est responsable de ces activités. C'est la raison pour laquelle notre personnel d'exploitation et nos cadres opérationnels respectent à un tel point le processus en place, de même que les organismes de réglementation et les organismes internationaux.
Mme Carpenter : Nous pouvons également en faire davantage pour rassurer les Canadiens. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais obtenir des éclaircissements sur quelques points pour m'assurer que j'ai bien compris les réponses qui ont été fournies précédemment.
À la page 7 de votre document PowerPoint figure une ventilation des coûts. Est-ce que ceux-ci comprennent l'amortissement des coûts d'acquisition et de développement? Si j'ai bonne mémoire, le taux d'actualisation minimal est de 5 p. 100, et le taux d'actualisation maximal est de 10 p. 100.
Mme Carpenter : Oui, c'est exact.
Le sénateur Massicotte : Cela diffère de ce que d'autres personnes nous ont dit à propos des coûts d'immobilisations.
Mme Carpenter : Cette étude a été parachevée récemment. Les chiffres qu'elle contient viennent tout juste d'être vérifiés, et il s'agit probablement de la première fois que quiconque les consulte.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que cela comprend les coûts liés au traitement des déchets radioactifs pendant la période requise, à savoir des décennies?
Mme Carpenter : Oui, cela comprend les coûts du cycle complet.
Le sénateur Massicotte : Vous avez mentionné que le Canada n'avait pas vendu la technologie CANDU depuis des années. Si l'on prend en considération tout l'argent qui a été investi depuis longtemps par le gouvernement, on pourrait affirmer que ce dernier n'est pas le mieux à même d'administrer ou de mettre en valeur la nouvelle technologie. À l'heure actuelle, il ne se passe rien à cet égard. Par conséquent, nous pourrions inviter le secteur privé à jouer un rôle et à vendre la technologie. Vous avez dit que la vente ne vous posait aucun problème, mais que vous étiez préoccupé par la façon dont la vente se déroulerait et que vous teniez à ce que certains critères soient respectés. Quelles sont vos préoccupations?
Mme Carpenter : Ce que vous voulez savoir, c'est ce qui nous empêche de dormir. Le Canada dispose d'une solide infrastructure de recherche et de développement. Les universités, les laboratoires et les entreprises contribuent à l'industrie nucléaire. Ce que nous disons, c'est que nous devons respecter cette infrastructure. Peu importe ce qui se passe et peu importe la manière dont la vente se déroule, nous devons tenir compte de la nécessité de maintenir l'infrastructure de recherche et de développement du Canada.
Le sénateur Massicotte : Supposons que je suis un avocat qui s'apprête à rédiger l'ébauche d'un contrat de vente. Qu'est-ce que ce contrat devrait stipuler en ce qui concerne l'infrastructure? Qu'est-ce que l'acquéreur devrait s'engager par contrat à respecter?
Mme Carpenter : Le gouvernement du Canada a pris conscience de cette nécessité puisqu'il a scindé EACL. Le gouvernement du Canada a pris en charge les activités liées à la recherche et aux réacteurs CANDU. Il a reconnu la nécessité de maintenir un volet recherche et développement au Canada. Quant à la manière dont cela se fera et au modèle qui sera utilisé, cela fera l'objet de pourparlers dans l'avenir.
Le sénateur Massicotte : Quelles sont vos recommandations? Qu'est-ce qui dissiperait vos préoccupations?
Mme Carpenter : Je n'ai aucune recommandation à faire quant à la structure organisationnelle à adopter. Il a beaucoup été question de partenariats publics-privés et des partenariats entre le gouvernement et l'industrie. Il s'agit de deux options viables.
Le sénateur Massicotte : Vous êtes en désaccord avec tout ce qui se fera, mais vous ne savez pas ce qui devrait être fait. Est-ce là ce que vous êtes en train de nous dire?
Mme Carpenter : Nous voulons que le gouvernement continue d'investir dans les universités et dans les installations de recherche, que ce soit par le truchement du Conseil national de recherches du Canada ou du travail qui a été effectué à Chalk River.
Le sénateur Massicotte : À ce jour, le gouvernement a indiqué qu'il ferait cela. Il maintient le volet recherche et développement. Il semble que ce volet sera maintenu sur le plan des politiques. Dans la mesure où le gouvernement maintient ce qu'il a dit qu'il maintiendrait, la vente ne vous pose aucun problème.
Mme Carpenter : Oui, c'est exact.
Le sénateur Massicotte : Nous avons aidé l'industrie nucléaire sud-coréenne il y a environ 15 ou 20 ans. La Corée du Sud a acheté notre réacteur CANDU et créé une industrie nucléaire vigoureuse.
À présent, la Corée du Sud a mis au point sa propre technologie. Elle a obtenu les plus récents contrats de production de réacteurs à grande échelle. Que s'est-il passé? Le Canada peut-il tirer des leçons de cela? Pourquoi n'a-t-on pas utilisé notre technologie pour la revendre dans le monde? À l'heure actuelle, la Corée du Sud est l'un des plus importants producteurs de nouveaux réacteurs, et le plus vigoureux vendeur de nouvelles technologies nucléaires.
Mme Carpenter : Je n'ai aucune opinion à ce sujet.
Le président : Je tiens à rappeler aux sénateurs que le témoin auquel ils s'adressent est présidente et chef de la direction de l'Association nucléaire canadienne, poste qu'elle occupe depuis relativement peu de temps. Il semble, madame Carpenter, que certaines questions ne relèvent pas nécessairement de votre champ de compétence. Ne soyez pas gênée de ne pas connaître la réponse à ces questions.
Je cède maintenant la parole au sénateur McCoy, qui en sait long sur le nucléaire.
Le sénateur McCoy : Je n'irai pas jusqu'à affirmer cela, car je viens de l'Alberta, où nous n'avions pas à connaître grand-chose à ce sujet. J'ai très hâte de visiter vos installations, notamment parce que cela nous donnera l'occasion d'approfondir bon nombre des questions que nous abordons aujourd'hui. J'attendrai cette visite pour raconter mes anecdotes puisque nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous.
Trois choses suscitent ma curiosité. Tout d'abord, vous avez établi une distinction claire entre des activités de recherche et développement et les activités entourant les réacteurs CANDU. Bien sûr, EACL était un constructeur de matériel, un constructeur OEM, ce qui n'est pas négligeable. Combien y a-t-il de constructeurs de réacteurs nucléaires dans le monde?
Mme Swami : Je ne peux pas vous répondre à brûle-pourpoint.
Le sénateur McCoy : Pouvez-vous chercher la réponse et nous revenir là-dessus, et également nous fournir la liste de ces constructeurs?
Mme Swami : Oui.
Le sénateur McCoy : Je crois que General Electric Company et la France sont deux constructeurs OEM.
Mme Swami : Il y en a un certain nombre — AREVA, GE et Westinghouse Electric Company.
Le sénateur McCoy : Il nous serait utile de savoir combien il y en a.
Le président : Voulez-vous que l'on vous indique les constructeurs iraniens?
Le sénateur McCoy : Je ne suis pas certain qu'il en existe. L'Iran tente d'acheter des réacteurs. Je ne crois pas que ce pays en construise.
Mme Swami : Il existe également des réacteurs russes.
Le sénateur McCoy : Cela met les choses en contexte, et cette question doit être approfondie. Nous parlons ici d'un produit qui a de l'importance sur le plan stratégique.
Permettez-moi de revenir, comme l'ont fait certains de mes collègues, sur la page 7 de votre document PowerPoint, laquelle présente une comparaison des coûts. Je constate que les renseignements sont datés de mai 2010, et que la source de ces renseignements est le CERI, le Canadian Energy Research Institute de Calgary.
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur McCoy : Des représentants de cette organisation ont eu la grande gentillesse de venir témoigner devant nous, et j'imagine qu'ils pourront — ou que vous pourrez — nous transmettre une copie du rapport en question de manière à ce que nous n'ayons pas à dépenser 2 000 $ pour nous le procurer.
Mme Carpenter : Tout à fait. Nous vous transmettrons le rapport. Pour être honnête avec vous, je dois dire que nous sommes allés un peu vite en utilisant ces renseignements. Nous les avons examinés et vérifiés il y a à peine deux ou trois jours.
Le sénateur McCoy : L'acronyme « CUME » figure sur cette page. Qu'est-ce que cela signifie?
Mme Swami : Cela veut dire « coût unitaire moyen de l'énergie ».
Le sénateur McCoy : Il ne s'agit pas du genre d'expression que j'utiliserais sur un blog, je peux vous le garantir. Sous cet acronyme, il est question, bien sûr, du charbon et du gaz, lesquels servent à la production d'électricité. Il est aussi question du charbon et de la GICC, c'est-à-dire quelque chose qui concerne un certain cycle combiné. Que signifient les deux premières lettres de l'acronyme GICC?
Mme Carpenter : Cet acronyme veut dire « gazéification intégrée à cycle combiné ».
Le sénateur McCoy : Vous en savez long à ce sujet en raison de votre passage chez EPCOR. L'abréviation « CSEQU » qui figure dans la version anglaise signifie-t-elle « carbon sequestration »?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur McCoy : Si l'on se fie aux rumeurs qui circulent concernant les coûts estimés du stockage du carbone dans une centrale électrique de l'Alberta, il semble que ces coûts seront démesurément élevés. Le CERI dispose-t-il de données récentes quant aux coûts au kilowattheure?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur McCoy : J'ai hâte d'en prendre connaissance.
Mme Carpenter : C'est pourquoi nous les avons fait figurer dans ce document. Vous pouvez faire des comparaisons. C'est la raison pour laquelle l'industrie est concurrentielle.
Le sénateur McCoy : Oui, et cela a été l'élément décisif. L'industrie ne sera pas concurrentielle à moins qu'il faille alimenter les autres génératrices — fonctionnant au gaz et au charbon — avec ces matières captées.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que cela coûte également 30 $ la tonne?
Le sénateur McCoy : Je ne sais pas si cela est pertinent. Il s'agit du coût pour capter et stocker le carbone. Nous attendrons pour savoir cela. La technologie de production suivante est le cycle de conformité avancé, lequel constitue, je suppose, une technologie supérieure à celle dont est dotée votre plus récente centrale, ou celle d'EPCOR.
Mme Carpenter : Je ne peux rien dire à ce sujet.
Le sénateur McCoy : Nous pouvons voir que les biocarburants — lesquels comprennent le bois — demeurent la source d'énergie la moins coûteuse. Nous pouvons toujours revenir au bois.
Les statistiques relatives au rendement qui figurent aux pages 9 et 20 de votre document suscitent ma curiosité. Selon les deux premiers paragraphes de la diapo 9, le pourcentage d'utilisation de la puissance, à tout le moins celui des réacteurs nucléaires CANDU au Canada, est de 10 points de pourcentage plus bas que celui des États-Unis. À la diapo 20, il est question des progrès possibles liés aux réacteurs de troisième génération, lesquels pourraient permettre d'accroître le pourcentage d'utilisation de la puissance en question. Cependant, on mentionne également qu'il faudrait ramener le délai de construction de cinq à quatre ans. Les délais de construction des réacteurs soutiennent-ils la comparaison avec ceux d'une centrale au charbon? Je parle ici de l'étape de la construction, qui est lancée après que la construction a été approuvée, après le parachèvement de l'intégralité du processus réglementaire et de l'obtention du permis de construction. C'est bien cela dont vous parlez ici.
Mme Swami : L'une de mes responsabilités consiste à faire avancer les processus d'obtention de permis et d'évaluation environnementale pour les projets nucléaires pour le compte d'Ontario Power Generation. L'intégralité du processus — de la première à la dernière étape, y compris l'étape de la prise de décisions — exige environ 10 ans. Cette période s'étend du moment où l'on commence à tenter d'obtenir des approbations à celui où le système ou l'unité entre en activité.
Cette période est ponctuée de nombreuses étapes d'obtention de permis, et, par conséquent, il n'est pas possible d'affirmer à quelque moment que ce soit que l'étape de délivrance des permis est terminée. De façon générale, la période de construction s'étend de quatre à six ou sept ans. La durée de cette période dépend de la technologie et des processus décisionnels qui sont en place.
Le sénateur McCoy : C'est ce que je voulais savoir. Nous avons examiné isolément la construction, laquelle ne relève pas des organismes de réglementation. Je me demande combien de temps exige la construction — seulement la construction — d'une génératrice alimentée au charbon.
Mme Swami : Seulement la période de construction? Celle-ci est beaucoup moins longue.
Le sénateur McCoy : La période de construction d'une centrale au gaz est-elle encore plus courte?
Mme Carpenter : La construction d'une centrale au gaz exige 18 mois, et celle d'une centrale au charbon, environ trois ou quatre ans.
Le sénateur McCoy : Il s'agit là des comparaisons que je souhaitais établir. Bien sûr, dans le cas du nucléaire, les coûts d'immobilisations s'élèvent à 2 000 $ le kilowatt. Vous pourrez toujours nous fournir ultérieurement des détails à ce sujet. J'aimerais pouvoir comparer les coûts d'immobilisations du nucléaire avec ceux des centrales au gaz, des centrales au charbon et des grandes centrales hydroélectriques. Ces données figurent peut-être dans le rapport du CERI — pourriez-vous nous les fournir?
Mme Swami : Outre la différence entre les coûts de construction d'une centrale nucléaire et ceux d'autres types d'installations, j'aimerais mentionner que, même si la construction d'une centrale nucléaire exige des investissements considérables au départ, les coûts d'exploitation et d'entretien des centrales, de même que ceux du carburant, ont tendance à être moins élevés que ceux des autres types d'installations. Nous utilisons la mesure du coût unitaire moyen de l'énergie de façon à ce que vous puissiez comparer les différents types de production d'électricité. Lorsqu'on présente les choses de la manière dont vous l'avez fait, on se livre à des comparaisons boiteuses.
Le sénateur McCoy : Je suis d'accord avec vous. Si j'ai mentionné les grandes centrales hydroélectriques, c'est que, comme c'est le cas pour le nucléaire, les coûts d'immobilisations de ce type de projet sont élevés, mais les coûts d'exploitation sont bas. Ce serait formidable si vous pouviez me fournir des renseignements à ce sujet.
Mme Swami : Certainement.
Le sénateur McCoy : Il est indiqué que vous voulez faire passer la durée de vie moyenne des réacteurs de 40 à 60 ans. Je serais bien curieuse de savoir comment vous prévoyez vous y prendre pour faire cela. Là encore, comme nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui, je me disais que vous pourriez fournir ultérieurement au comité des renseignements supplémentaires.
Mme Swami : Cela ne pose aucun problème. La durée de vie théorique est indiquée dans le cahier des charges remis au concepteur. De façon générale, la nouvelle conception prévoit une durée de vie utile de 60 ans — c'est ce que nous offre habituellement le concepteur à l'heure actuelle.
Le sénateur McCoy : Le dernier point abordé sur cette page concerne le rendement thermique. Je ne comprends pas de quoi il s'agit.
Mme Swami : Le rendement thermique est la chaleur produite dans un réacteur nucléaire qui est convertie en électricité. Une importante proportion de la chaleur produite est de la chaleur perdue, si l'on peut dire. Nous avons accru d'environ 10 p. 100 notre rendement thermique, c'est-à-dire notre taux d'utilisation de la chaleur produite. Dans les faits, c'est de cela dont il s'agit.
Le sénateur McCoy : Puis-je vous demander, une fois de plus, de nous fournir des renseignements nous permettant d'établir une comparaison entre le nucléaire et les centrales au gaz et au charbon, c'est-à-dire les technologies traditionnelles fonctionnant à la vapeur?
Mme Swami : Oui.
Le président : J'étais captivé par notre discussion à un point tel que j'avais oublié que nous avions un autre témoin à entendre, à savoir le président et chef de la direction de Bruce Power. Il reste trois sénateurs sur ma liste, et je ne veux pas les priver de la possibilité de poser leurs questions. Sénateur Seidman, sénateur Brown et sénateur Dickson, si vous voulez poser vos questions, j'accorderai deux minutes à chacun d'entre vous.
Nous allons d'abord entendre le sénateur Brown, puis le sénateur Seidman, et, enfin, le sénateur Dickson — vous êtes très patient, sénateur, et je ne voudrais pas vous priver de votre temps de parole. Certains de mes collègues semblent ne pas être conscients du fait qu'il se peut que je demeure assis ici seul après 19 heures, et je n'aime pas demeurer assis ici seul.
Le sénateur Brown : Merci de votre exposé. La question de la sûreté a été soulevée à deux ou trois occasions. Ma question concerne ce qui est indiqué à la page 11 de votre document. Est-il exact d'affirmer qu'il n'y a eu absolument aucune fuite de rayonnement durant l'incident de Three Mile Island? En fait, l'incident a été confiné au sein des réacteurs, n'est-ce pas?
Mme Carpenter : Oui.
Le sénateur Brown : La catastrophe de Tchernobyl est-elle la seule qui se soit jamais produite dans le monde? Y a-t-il eu un autre Tchernobyl ailleurs?
Mme Swami : Il s'agit du pire incident à être survenu dans une centrale nucléaire.
Le sénateur Brown : C'est ce que je pensais.
Enfin, savez-vous quoi que ce soit à propos des réacteurs surgénérateurs? Si je comprends bien, la production d'uranium enrichi sert également à l'alimentation des réacteurs surgénérateurs, lesquels produisent plus d'électricité avec moins de combustible.
Mme Carpenter : Je ne peux faire aucun commentaire à ce sujet.
Le sénateur Brown : C'est dommage. Il n'y a pas si longtemps, j'ai lu un article là-dessus, et je voulais savoir si vous connaissiez quelque chose à ce sujet.
Le sénateur Seidman : Lorsqu'il est question de sources d'énergie de remplacement propre, l'énergie nucléaire semble être un choix extrêmement évident, et je ne parle même pas de tous les autres avantages de cette source d'énergie, par exemple l'utilisation de radio-isotopes à des fins médicales. Vous avez conclu en affirmant qu'il s'agissait d'une source d'énergie permanente, abordable et sans émissions disponible 365 jours par année.
Cependant, j'aimerais que nous revenions, si vous le permettez, sur le problème de la confiance du public à l'égard du nucléaire. Il est absolument nécessaire d'obtenir la confiance du public de manière à ce que la proportion d'électricité produite à partir de l'énergie nucléaire puisse être véritablement augmentée. Par simple curiosité, avez-vous mené un quelconque sondage afin d'évaluer l'appui ou les craintes du public?
Mme Carpenter : Oui. Notre association mène chaque année des sondages auprès du public. Le plus récent a été parachevé en mai. La recherche que nous menons actuellement pourrait présenter un plus grand intérêt pour vous — il s'agit d'une recherche fondée sur un modèle conçu pour sonder l'état d'esprit des Canadiens afin de cerner leurs valeurs et leurs opinions à propos de notre industrie. Nous voulons connaître leurs préoccupations et leurs points de vue en ce qui concerne l'industrie nucléaire et déterminer les mesures que nous pouvons prendre pour les aider à mieux la comprendre. À cette fin, nous tentons non pas de changer l'opinion publique, mais de modifier le comportement et les valeurs des Canadiens. Nous travaillons là-dessus en ce moment même.
Le sénateur Seidman : Il est formidable que vous fassiez cela, car il est important de comprendre. Est-ce qu'une telle démarche pourrait déboucher sur une quelconque stratégie de marketing visant à éduquer le public?
Mme Carpenter : À l'heure actuelle, notre association s'est donné une nouvelle mission, qui a été approuvée par un conseil et qui consiste à nouer un dialogue avec les Canadiens à propos de l'industrie nucléaire. Cette mission a été approuvée il y a trois semaines, et elle sera soumise aux fins d'approbation à notre conseil le 11 juin. Nous sommes en train d'élaborer des stratégies et des tactiques pour instaurer un dialogue constructif avec les Canadiens, à savoir un véritable dialogue, et non pas un simple monologue.
Le sénateur Seidman : J'ai terminé pour l'instant.
Le président : Si vous le voulez, j'inscrirai votre nom au haut de la liste pour la prochaine période de questions. Il faut s'inscrire rapidement.
Le sénateur Dickson : J'ai été très impressionné par votre exposé. Je suis de la Nouvelle-Écosse, où un moratoire sur l'exploration et la production d'uranium a été instauré, comme vous le savez très bien. Ce moratoire profite à la Saskatchewan.
Je me trouvais en Nouvelle-Écosse lorsque cette province avait une chance sur deux d'obtenir le réacteur nucléaire qui se trouve actuellement au Nouveau-Brunswick. J'ai donc une bonne idée de l'opinion défavorable du public en ce qui a trait à l'extraction d'uranium et de tous les risques que comporte cette activité. Vous n'aurez peut-être pas l'occasion de répondre à ma question à ce moment-ci, mais vous pourrez toujours nous transmettre ultérieurement une réponse écrite. Je m'intéresse aux diapos intitulées « Technologies canadiennes de médecine nucléaire », « Stratégie de croissance » et « Maintien de la R-D et mobilisation de l'innovation ». Mes questions porteront principalement là-dessus. Les autres sénateurs possèdent de vastes connaissances en matière de production d'électricité et des autres choses du genre, mais ce n'est pas mon cas.
Je m'interroge quant à l'interelation entre les technologies médicales et ce que nous vendons et les activités que nous poursuivons dans le cadre d'un programme efficace de recherche et de développement. Pour poursuivre dans le même ordre d'idées que le sénateur Massicotte, j'aimerais savoir si les promoteurs qui répondront à la demande de propositions concernant l'achat de ces éléments d'actif du gouvernement du Canada devront respecter des conditions absolument nécessaires. Voulez-vous que cette demande de propositions soit assortie d'exigences précises, ou alors qu'on n'impose aucune exigence, et advienne que pourra? Y a-t-il un lien? Le cas échéant, comment le maintenir?
Mme Carpenter : Je ne connais pas la réponse à cette question, sénateur.
Le sénateur Dickson : Eh bien, dans ce cas, vous pourrez nous transmettre une réponse ultérieurement. Merci.
Mme Carpenter : Oui.
Le président : Honorables sénateurs, je tiens d'abord à remercier en votre nom Mme Carpenter et Mme Swami de leur exposé et des réponses qu'elles ont fournies à nos questions, de même que de s'être engagées à nous transmettre des renseignements supplémentaires. Nous nous réjouissons à l'idée que nous aurons l'occasion de vous revoir souvent et de collaborer avec vous. Nous avons hâte de participer à votre visite guidée, et nous serons heureux de compter sur votre contribution au moment de l'étude du projet de loi relatif à la Loi sur la responsabilité nucléaire, sur lequel nous serons appelés à nous pencher, d'après ce que nous avons cru comprendre.
Comme vous le savez, Duncan Hawthorne, de Bruce Power, attend patiemment son tour. Je vais lui demander de bien vouloir prendre place. Auriez-vous l'amabilité, mesdames, de quitter votre siège? Merci beaucoup. Nous nous réjouissons à la perspective de vous revoir bientôt.
Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné plus tôt, dans le cadre de notre survol de l'industrie nucléaire canadienne — et je crois pouvoir affirmer que l'Association nucléaire canadienne a très bien réussi à susciter notre curiosité durant la première partie de ce survol —, nous avons le privilège d'accueillir M. Duncan Hawthorne, président et chef de la direction de Bruce Power, la plus importante entreprise indépendante de production d'électricité en Ontario. M. Hawthorne, qui possède une trentaine d'années d'expérience dans l'industrie de la production d'électricité, a amorcé sa carrière comme apprenti dans le secteur de l'électricité de l'Écosse, et a occupé par la suite des postes supérieurs au sein de l'entreprise de ce secteur au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada.
En tant que cadre responsable de l'acquisition de plusieurs centrales électriques en Amérique du Nord, M. Hawthorne était chargé de l'achat des installations nucléaires de Bruce Power et de la création de cette société. Porte-parole dynamique de l'industrie nucléaire, il est président sortant de l'Association nucléaire canadienne et actuel président du prestigieux conseil d'administration de l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires — Centre d'Atlanta.
D'après quelques rencontres que j'ai eues avec Hal Kvisle, je crois comprendre qu'il existe une association avec TransCanada Corporation ou une participation à la propriété de cette société. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Je sais que vous avez un exposé à nous présenter. Tous mes collègues ont reçu un exemplaire du document que vous nous avez fourni. Ainsi, sans plus tarder, monsieur, je vous souhaite la bienvenue, vous remercie de votre patience et vous demande de bien vouloir prendre la parole.
Duncan Hawthorne, président et chef de la direction, Bruce Power : Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous. J'étais assis à l'arrière et j'ai entendu quelques-unes des questions que vous avez posées à Mme Carpenter. J'espère que je serai en mesure de donner un peu plus de relief à certains points qui ont été abordés. Comme je fais partie de l'industrie depuis près de 40 ans, il m'est impossible de plaider l'ignorance — je peux donc vous parler principalement des politiques énergétiques internationales et vous fournir quelques éclaircissements supplémentaires à ce sujet.
Il y a deux mois, je me suis présenté devant le Sénat du Mexique, lequel avait invité des intervenants de toutes les régions du monde à venir lui présenter des exposés sur les politiques internationales. Le Sénat du Mexique s'apprêtait à prendre des décisions quant à la construction de centrales nucléaires et à la question de savoir si le Mexique devait construire de nouvelles centrales, et voulait s'enquérir de ce qui se passe dans d'autres pays. J'ai donc été invité à présenter un exposé sur la situation qui règne au Canada à ce chapitre.
J'ai cru qu'il serait utile de vous fournir la série de diapos que vous avez sous les yeux, car le fait de parler de notre pays dans un pays étranger permet parfois de mettre en évidence quelques-uns des problèmes auxquels nous faisons face. En outre, j'aimerais aborder certaines questions que vous avez soulevées à propos de ma propre situation et de celle de la société que je représente, un exploitant nucléaire du secteur privé.
La première centrale nucléaire que j'ai acquise à mon arrivée en Amérique du Nord était celle de Three Mile Island. À ce moment-là, les gens me demandaient à quoi rimait une telle acquisition. À mes yeux, cela en dit long sur la méconnaissance et l'incompréhension des gens à l'égard de notre industrie. J'aimerais répondre à certaines de ces questions, car il est important que le comité, qui entend des personnes provenant d'horizons très divers, entende des personnes qui œuvrent au sein de l'industrie depuis longtemps et comprenne ce que cela signifie de faire partie de cette industrie. Cela nous aide à comprendre pourquoi nous nous trouvons là où nous sommes, ce qui se passe à l'échelle internationale et le rôle que peut jouer le Canada dans tout cela.
Si vous le voulez bien, nous allons parcourir ensemble le document que je vous ai fourni. Toutefois, Mme Carpenter a effectué un excellent survol de notre industrie, et je n'insisterai donc pas sur les éléments de mon document qui portent sur cette question.
Le président : Dites-nous d'abord quelques mots à propos de Bruce Power.
M. Hawthorne : Laissez-moi d'abord vous expliquer quelque chose. Les plus perspicaces d'entre vous ont probablement remarqué que je n'ai pas l'accent canadien. Comme vous l'avez souligné, j'ai commencé ma carrière au Royaume-Uni. Fait intéressant, j'ai fait mes premiers pas dans l'industrie au sein de British Energy, une société d'État. En 1992, le gouvernement de Margaret Thatcher envisageait de privatiser l'ensemble du secteur de l'électricité, car la privation du secteur du gaz, du secteur des télécommunications et d'autres secteurs avaient donné de bons résultats.
En 1992, le gouvernement a donc décidé de privatiser le secteur de l'électricité. Toutefois, presque à la dernière minute, il a décidé de ne pas privatiser le secteur du nucléaire, au motif que les investisseurs considéraient cet élément du secteur comme une responsabilité qui ferait baisser le prix de la vente. Par conséquent, en 1992, le gouvernement a décidé de privatiser l'ensemble du secteur de l'électricité, hormis l'industrie nucléaire, et a donné à celle-ci quatre ans — de 1992 à 1996 — pour devenir « commerciale », c'est-à-dire rentable, période durant laquelle elle a bénéficié d'une taxe sur le nucléaire que tous les consommateurs payaient.
Cela constituait un véritable défi pour l'industrie puisque, pour la première fois, on a commencé à craindre que, même si elle générait une part considérable de l'énergie produite au Royaume-Uni, l'industrie ne pouvait pas être rentable et fonctionner dans un environnement concurrentiel. L'industrie avait quatre ans pour se ressaisir, à défaut de quoi elle ne pourrait recevoir aucune subvention et commencerait à régresser. British Energy a été créée durant cette période de 1992 à 1996, et s'était vu confier le mandat de rendre l'industrie plus commerciale.
Je vous raconte cette histoire parce que, d'une part, elle répond à votre question au sujet de TransCanada, et, d'autre part, elle permet d'aborder la question de la privatisation et de ses répercussions sur les politiques et l'orientation de l'industrie.
En 1996, British Energy a effectivement — et fructueusement — été privatisée. À cette époque, je suis venu en Amérique du Nord à titre de directeur exécutif de British Energy, et notre intention était d'acquérir des centrales nucléaires nord-américaines qui, selon nous, allaient devenir disponibles par suite de l'importante déréglementation qui se produisait, dans un premier temps, aux États-Unis.
J'étais installé à Philadelphie, où, à titre de président de l'entreprise, j'ai acheté en très peu de temps trois centrales nucléaires, en commençant par celle de Three Mile Island. Lorsque je me trouvais à Philadelphie, les gens se demandaient si je n'avais pas perdu la tête, mais la réalité, c'est qu'il y avait deux réacteurs nucléaires à Three Mile Island. Qui l'eût cru? L'un des réacteurs à eau sous pression les plus performants du monde se trouve à la centrale de Three Mile Island, que nous sommes parvenus à acquérir en 1997.
Toujours est-il que, pour répondre à une question qui a été posée plus tôt, un incident est survenu dans l'unité 2 de la centrale de Three Mile Island. En fait, l'incident était de nature commerciale — les dégâts se sont limités à la destruction de l'intérieur d'un réacteur. Il n'y a eu aucun rayonnement, aucun blessé, aucun méfait néfaste pour la santé, mais bonté divine, cela a assurément flanqué la trouille à toute l'industrie, et s'est traduit par une interruption significative de tous les projets de construction de centrale nucléaire qui étaient en cours aux États-Unis à ce moment-là. Environ 18 centrales étaient en chantier. Tous ces travaux ont été suspendus, et, encore aujourd'hui, certains d'entre eux ne sont toujours pas achevés. Cela a eu l'effet d'une véritable douche froide sur le programme d'expansion nucléaire en Amérique du Nord, et, à la vérité, dans le reste du monde.
Immédiatement après cet incident, une analyse a révélé que la défectuosité qui s'était produite à Three Mile Island s'était également produite à quelque sept milles de là, dans une centrale similaire qui était sur le point d'être mise en service. À cet endroit, la défectuosité avait été décelée, corrigée par les employés, et aucun incident n'est survenu. À Three Mile Island, un employé avait omis d'informer un autre employé de cette simple défectuosité, et ils y ont réagi d'une façon différente. La défectuosité a provoqué une fusion du cœur du réacteur, ce qui a entraîné la destruction de celui-ci.
L'industrie a donné suite à cet incident. Une organisation, l'Institute of Nuclear Power Operations, l'INPO, a été créée. Chaque centrale en activité aux États-Unis est devenue membre de cette organisation, et elles ont convenu de toujours échanger des renseignements opérationnels. Cela semble aller de soi, mais si elles l'avaient fait plus tôt, l'incident de Three Mile Island ne se serait jamais produit.
Si je vous raconte cette histoire, c'est pour vous dire que, lorsque nous sommes venus en Amérique du Nord, l'organisme de réglementation américain estimait qu'un certain nombre de centrales étaient susceptibles de fermer prématurément leurs portes parce qu'elles ne pouvaient pas fonctionner dans un environnement déréglementé. Cela ressemble beaucoup à la situation qui régnait au Royaume-Uni.
La réalité, c'est qu'au cours de la période qui s'étend de 1998 à 2008, aucune centrale n'a fermé prématurément ses portes, mais en plus, 70 p. 100 des centrales américaines ont demandé de pouvoir rester en service 20 ans de plus. Ce que je veux dire, c'est qu'en 10 ans, l'environnement a complètement changé en Amérique du Nord, surtout aux États-Unis, en raison de la sécurité de l'approvisionnement, de l'incroyable accroissement du rendement du parc nucléaire et des préoccupations liées aux changements climatiques.
La réalité, c'est que nous avons acquis à vil prix trois centrales nucléaires, et que, très peu de temps après, l'industrie est devenue extrêmement concurrentielle. Par la suite, British Energy et son partenaire se sont rendus en Ontario et ont réussi à acheter les installations de Bruce. Ce partenaire était Cameco Corporation, société dont faisait partie le sénateur. British Energy et Cameco ont conclu un partenariat — la centrale est propriété de British Energy à 85 p. 100, et de Cameco à 15 p. 100.
En 2002, British Energy a connu des difficultés financières au Royaume-Uni et a vendu ses parts. À ce moment-là nous avons créé un partenariat entièrement canadien, qui est toujours en vigueur aujourd'hui. Ce partenariat comprend TransCanada PipeLines Limited, Cameco Corporation et le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. Nous sommes une société entièrement canadienne qui exploite les plus importantes installations nucléaires de l'hémisphère occidental. Situées sur les rives du Lac Huron, nos installations produisent 6 300 mégawatts.
Le président : Quels sont les pourcentages de participation?
M. Hawthorne : C'est compliqué, mais chacune de ces trois entités détient une participation de 31,4 p. 100. En outre, notre syndicat et nos employés possèdent une participation de 5,2 p. 100, car nous voulions créer un partenariat avec notre personnel.
Cela donne une idée de ce qui s'est passé et de la mesure dans laquelle le vent a tourné pour notre industrie. À présent que je vous ai fourni un contexte, je peux maintenant fournir quelques détails. Mme Carpenter l'a très bien fait durant son exposé, mais quelqu'un a posé une question concernant les changements sur le plan des conceptions et des procédures et de la différence entre les nouvelles centrales et les anciennes.
Cela revient à comparer l'automobile que vous conduisiez il y a 40 ans et celle que vous conduisez aujourd'hui — songez à toutes les caractéristiques et à tous les dispositifs dont sont à présent dotées nos voitures comme la direction assistée et les systèmes de freinage ABS, lesquelles tirent leur origine de l'expérience de la conduite. Il en va de même pour l'industrie nucléaire. Au fur et à mesure que la technologie évoluait, comme on pouvait s'y attendre, nous avons créé de nouvelles conceptions, continué d'apporter des améliorations, renforcé nos dispositifs de sécurité, mis au point des modèles plus solides, et cetera. Par conséquent, les centrales de troisième génération dont on a parlé aujourd'hui résultent, en fait, des modifications apportées aux centrales des générations précédentes.
Sur le graphique, j'ai tenté de montrer l'évolution des centrales canadiennes sur le plan de la conception de 1950 à aujourd'hui, des premières centrales au réacteur CANDU évolué, lequel est censé exiger des coûts d'immobilisations moins élevés et des délais de construction plus courts, être moins complexe à faire fonctionner, présenter un facteur de capacité plus élevé et posséder toutes ces autres caractéristiques auxquelles on est en droit de s'attendre. Aujourd'hui, lorsqu'un constructeur d'automobile commercialise une voiture, il affirme qu'elle est dotée d'un dispositif de freinage assisté, qu'elle consomme peu d'essence, et ainsi de suite. Les choses ne se passent pas différemment dans le secteur des centrales nucléaires. On peut rendre cela très complexe, ou rendre cela très simple.
Comme on peut s'y attendre, les chercheurs jouent un rôle important au sein de notre industrie. Leurs travaux débouchent sur des idées d'amélioration et de perfectionnement que nous mettons en application au moment de construire une nouvelle centrale. Selon moi, il s'agit de la principale différence entre eux.
Rappelez-vous : Mme Carpenter a indiqué qu'il y avait 440 réacteurs dans le monde. En moyenne, la plupart d'entre eux fonctionnent depuis 25 à 30 ans. Cela est très long, et, comme cela était à prévoir, les leçons apprises nous ont permis d'arrêter les nouvelles conceptions.
Ce que je veux dire — et que j'estime pouvoir dire sans craindre d'être contredit —, c'est que le Canada a toujours été à l'avant-garde de cette technologie — et je connais bien l'industrie nucléaire internationale —, et qu'il serait dommage que nous cessions de l'être.
Je peux vous parler de la vente d'EACL. Je peux répondre de façon très précise à votre question concernant ce qui doit se passer, mais s'il y a une chose sur laquelle je tiens à insister, c'est sur la nécessité de ne pas abandonner le secteur des réacteurs CANDU. Il ne faut pas faire cela pour une simple raison de transfert de responsabilité, car cela constituerait une véritable trahison des personnes qui ont mis au point cette technologie.
Je crois honnêtement que, au moment d'annoncer son intention de se départir d'EACL, le gouvernement a indiqué clairement à quoi il s'attendait de l'acquéreur, notamment à ce qu'il parachève les nouvelles conceptions et soutienne la technologie des unités opérationnelles.
Mettez-vous à ma place : nous dépensons des milliards de dollars pour prolonger de 30 ans la durée de vie des réacteurs CANDU existants. Je veux m'assurer que les responsables de la conception demeurent en place, car l'expertise que possède EACL est cruciale pour nos activités en cours. Bien entendu, le gouvernement et les responsables de la restructuration veulent s'assurer que l'acquéreur — quel qu'il soit — continuera de maintenir la capacité de soutenir le parc existant. Il s'agit d'une exigence énoncée expressément. L'acquéreur devra s'engager à conserver l'expertise nécessaire pour soutenir la technologie CANDU, tant au Canada qu'à l'étranger. Il s'agit d'un aspect essentiel.
C'est de cette façon que j'explique aux Mexicains et à tous les autres la nécessité de l'énergie nucléaire ou les défis que doit relever le Canada en matière d'énergie. Dans les faits, la consommation d'énergie au Canada est très élevée comparativement à celle d'autres pays. Ce graphique montre la consommation d'énergie per capita au Canada.
Cela s'explique en partie par certaines raisons évidentes. Nos hivers sont longs et froids, et nous avons donc besoin de consommer de l'énergie. À de nombreux endroits, nos étés sont chauds, et nous devons donc consommer de l'énergie. Et puis, de toute évidence, il faut fournir de l'énergie à notre secteur de la fabrication. Cependant, sur le plan de l'économie d'énergie, le Canada ne fait pas très bonne figure comparativement à d'autres pays. Nous n'en faisons tout simplement pas assez à ce chapitre. Nous devons l'admettre : par comparaison aux autres pays, nous n'avons jamais déployé d'efforts très évidents en matière d'économie d'énergie.
Je vais vous donner un exemple. Je suis certain que bon nombre d'entre vous ont constaté que, en Europe, dans presque chaque hôtel, l'alimentation électrique s'allume et s'éteint automatiquement lorsqu'on ouvre ou ferme à clé la porte de la chambre. Combien d'entre vous ont vu la même chose au Canada? Cela est plutôt rare. Cela donne une idée de notre attitude à l'égard de l'énergie.
À la lumière de ce type d'exemples, j'estime que nous devons en faire davantage — que chacun de nous doit en faire davantage. Nous devons mieux économiser l'énergie, et faire en sorte que la question de l'économie d'énergie soit abordée dans les écoles et les programmes scolaires de manière à ce que nous utilisions de façon optimale l'énergie dont nous avons besoin. Il s'agit d'un exemple de défi auquel nous faisons face.
Le président : La consommation d'énergie per capita du Canada est-elle la plus élevée au monde?
M. Hawthorne : Le Canada vient au second rang. Nous sommes au haut de la liste.
Je veux parler de la Chine, car j'ai également des choses intéressantes à dire à propos de ce pays, mais je le ferai un peu plus tard.
Le président : Pouvez-vous nous redire quel pays vient au premier rang?
M. Hawthorne : Les États-Unis.
Le président : Ce n'est pas ce qu'indique ce graphique — il indique plutôt l'inverse.
M. Hawthorne : En effet, ce n'est pas ce qu'indique ce graphique. Lorsqu'on examine de plus près la question, on constate que les États-Unis ont réduit leur consommation d'énergie de manière assez considérable par comparaison au Canada. Si ce graphique figure dans mon document, c'est qu'il a été utilisé dans le cadre d'un exposé sur la situation en Amérique du Nord. Je m'intéressais donc au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Pendant longtemps, les États-Unis ont été les premiers consommateurs d'énergie en importance; à présent, le Canada les a surpassés de très peu.
Le président : Le Canada est le plus gros consommateur d'énergie? C'est ce qu'on nous a dit.
M. Hawthorne : Oui, à l'heure actuelle, le Canada est le premier consommateur d'énergie en importance. Il était le deuxième jusqu'en 2002, et, depuis ce temps, il est le premier. Il s'agit d'un intéressant défi à relever. Le rang qu'occupe actuellement le Canada est peu enviable. Selon moi, il ne s'agit pas d'une compétition que nous voulons remporter.
Mme Carpenter a fait allusion à la diapo touchant le portefeuille énergétique. Quant à moi, la diapo qui m'intéresse, c'est celle qui concerne les sources d'approvisionnement des provinces. À mon avis, cette diapo met en évidence un certain nombre de choses, en premier lieu la raison pour laquelle il est très difficile de mettre en place une politique énergétique nationale. Je n'étais pas ici lorsque des gens ont tenté de mener un débat sur la politique énergétique nationale, mais, à l'aide de cette diapo, j'expliquerai pourquoi l'élaboration d'une telle politique constituera une tâche ardue.
Regardez la situation au Québec : l'hydroélectricité compte pour 95 p. 100 de l'énergie produite dans cette province. Le Québec a la chance de posséder des ressources hydroélectriques, chance que n'a pas l'Alberta, où les centrales thermiques produisent 95 p. 100 de l'énergie. J'aime bien dire, à la blague, qu'on ne peut pas planter un rosier en Alberta sans tomber sur du charbon. Il n'est donc guère surprenant que cette province ait recours à cette source d'énergie.
Je vais vous parler des sondages dans quelques instants puisque quelqu'un a posé une question à ce sujet. Nous avons mené un sondage très détaillé parce que nous sommes les promoteurs d'un projet de nouvelles installations en Alberta et en Saskatchewan, et, évidemment, nous avons mené de nombreuses enquêtes en Ontario. Je peux vous faire part de l'une des données les plus frappantes de nos sondages : au Québec, à la question « Croyez-vous que les changements climatiques sont un phénomène réel? » on nous répond généralement « Certainement », puis, à la question « Croyez-vous que l'activité humaine a une incidence sur les changements climatiques? » on nous répond essentiellement : « Tout à fait, et nous devrions mettre fin à l'exploitation des sables bitumineux ».
En revanche, en Alberta, on nous fournit l'une des trois réponses suivantes : « Quels changements climatiques? » « Cela fait partie du cycle naturel de la Terre » ou « Les changements climatiques ne devraient avoir aucune incidence sur nos activités ».
Dans ces conditions, comment voulez-vous élaborer une politique énergétique nationale?
Si l'Alberta et la Saskatchewan envisagent d'autres façons de faire, c'est notamment en raison d'une certaine prise de conscience à l'égard d'une responsabilité sociale, mais également en raison de la situation dans laquelle se trouvent ces deux provinces. Quelqu'un a posé une question à propos des sables bitumineux — nous avons mené d'importants travaux dans ce secteur en Alberta. Les gens savent que nous exploitons un site dans la région de Peace River.
Mme Carpenter a raison d'affirmer que le marché albertain est concurrentiel, mais la réalité, c'est que les exploitants de sables bitumineux veulent faire autre chose. Après 2011, aucune installation ne disposant pas de la capacité de capter le carbone ne pourra entrer en activité. Il s'agit d'une exigence législative.
Mme Carpenter a fait allusion à la façon dont était reconnue l'énergie nucléaire. À l'heure actuelle, l'Alberta et la Saskatchewan disposent d'un fonds technologique dans lequel les pollueurs versent de l'argent. Toutefois, en ce moment, ces deux provinces ne peuvent pas puiser dans ce fonds pour financer l'élaboration d'un projet nucléaire puisque l'énergie nucléaire n'est pas reconnue comme étant une énergie propre. Selon nous, il ne s'agit pas de la façon appropriée d'utiliser ce fonds technologique.
C'est la raison pour laquelle il est important qu'une énergie soit reconnue comme étant propre. On peut puiser dans ce fonds pour financer des projets d'énergie solaire, des projets de charbon propre, mais pas pour financer un projet nucléaire. Il s'agit d'une erreur.
Le président : S'agit-il d'une loi de l'Alberta? Il ne s'agit pas d'une loi fédérale.
M. Hawthorne : Il s'agit effectivement d'une loi provinciale. Lorsque je travaillais aux États-Unis, j'avais l'habitude de dire qu'il fallait mettre le terme « Unis » entre guillemets, car j'ai travaillé dans tous les États, et chacun d'entre eux fonctionnait selon des règles différentes et déréglementait à sa façon.
Le président : Si nous nous trouvions à Glasgow en ce moment, on vous dirait que vous vous aventurez en terrain glissant, car il s'agit d'un homme de l'Alberta qui croit énormément aux changements climatiques.
M. Hawthorne : J'y crois moi aussi, mais ce que je veux dire, c'est que le gouvernement de l'Alberta a mis en place des mesures de contrôle très rigoureuses en ce qui a trait aux changements climatiques. Il a fixé, de son propre chef, des cibles et des objectifs très ambitieux à ce chapitre. Il a adopté un point de vue très responsable à l'égard du nucléaire parce qu'il a engagé un débat avec la population à ce sujet. J'estime qu'il s'agissait de la bonne chose à faire. La Saskatchewan a fait la même chose.
Il s'agit d'une nouvelle technologie. Les gens doivent être convaincus. Il faut donc tenir un débat public. Le gouvernement de l'Alberta a affirmé qu'il n'était pas opposé, pour des raisons idéologiques, au nucléaire, ce qui constitue, à mon avis, une bonne politique publique. Cependant, il a également indiqué qu'il n'avait pas l'intention de subventionner l'industrie nucléaire, ce qui, là encore, ne me semble pas être une politique publique déraisonnable. Je n'ai jamais demandé de subventions à quiconque. J'estime qu'il est important que les gens comprennent cela, car nous sommes un exploitant du secteur privé.
Un peu plus tôt, quelqu'un a mentionné qu'EACL avait versé de l'argent à Bruce Power. EACL a conclu une entente commerciale. Il s'agissait peut-être d'une mauvaise entente, mais cela n'est pas mon problème. Cela explique en partie pourquoi EACL doit être restructurée. Ce qui compte, c'est d'avoir la capacité d'exécuter des projets, et non pas de recevoir des subventions. Nous avons conclu une entente commerciale avec une société qui ne pouvait pas, à ce moment-là, exécuter le contrat — il s'agit d'une situation totalement différente.
Examinons maintenant la diapo concernant l'appui aux programmes nucléaires. Les données du graphique sont tirées du sondage à grande échelle que nous avons mené partout au Canada. Comme vous pouvez le constater, l'appui national au programme nucléaire est assez élevé : 64 p. 100 des Canadiens sont favorables au programme nucléaire, et 67 p. 100 appuient la modernisation ou la réfection de centrales. Il s'agit de statistiques positives.
Certaines personnes n'acceptent pas qu'on leur dise oui. Je suis à peu près certain que n'importe quel politicien accepterait de déclencher une élection s'il disposait d'un tel appui. N'attendons pas de recevoir un appui unanime — cela n'arrivera pas.
De toute évidence, en Ontario, beaucoup de fausses informations circulent. J'ai l'habitude de dire qu'il n'y a rien comme des faits. Notre industrie est complexe, cela ne fait aucun doute, et le fait qu'elle soit en grande partie constituée d'ingénieurs s'exprimant à l'aide d'un jargon technique n'aide pas à simplifier les choses. Cela ne contribue pas à nous attirer la faveur du public.
En Ontario, le nucléaire compte pour 50 p. 100 de l'énergie produite. Une maison sur deux fonctionne à l'énergie nucléaire, et il en va de même des écoles, des usines et des hôpitaux. Si vous ne voulez pas de l'énergie nucléaire, il faudra combler le vide. Cela sera difficile à faire, et l'Ontario s'est déclaré résolument en faveur du nucléaire.
Comme on peut le voir à la diapo suivante, qui porte sur l'appui à l'énergie nucléaire en Ontario, le pourcentage d'appuis favorables atteint un sommet, près de 70 p. 100. Fait intéressant, si l'on examine la diapo, on peut constater que les appuis favorables atteignent un creux en 2005. À ce moment-là, des projets avaient été marqués par des dépassements de coûts. Il est intéressant de souligner que ce qui a fait fléchir l'opinion publique favorable au nucléaire, c'est le fait que nous, les contribuables, allions devoir puiser dans nos poches parce que des projets avaient été mal administrés, et non pas en raison de questions liées à la sécurité ou aux déchets nucléaires. Le public était défavorable au nucléaire parce que celui-ci avait une incidence négative sur son portefeuille, ce qui n'est pas déraisonnable. Le public n'était pas hostile au nucléaire pour des raisons d'ordre idéologique, car lorsque le projet a été parachevé et que les unités ont été remises en service, l'appui favorable a recommencé à augmenter. Depuis, cet appui demeure stable, légèrement sous la barre des 70 p. 100. Par conséquent, le nucléaire bénéficie d'un bon appui.
Comme je l'ai indiqué, nous avons travaillé activement en Alberta et en Saskatchewan pour tenter d'étudier les nouvelles possibilités qui se présentaient à nous. Nous considérions que l'Alberta et la Saskatchewan représentaient de bons marchés à cibler puisque 95 p. 100 de l'énergie produite là-bas provient des combustibles fossiles et qu'il nous semblait que le nucléaire pouvait être appelé à jouer un rôle plus important dans ces deux provinces en raison de la possibilité croissante d'une imposition de mesures réglementaires plus rigoureuses pour lutter contre les changements climatiques et de la volonté de ces provinces de faire mieux sur le plan environnemental. L'Alberta et la Saskatchewan composent très bien avec l'accroissement considérable — prévue par leur propre opérateur de marché — de la demande d'énergie. Les ressources hydriques de l'Alberta étant très limitées, l'hydroélectricité n'est pas une possibilité dans cette province — les choix qui s'offrent à elle sont les suivants : le gaz, le charbon propre ou le nucléaire.
En ce qui concerne les coûts, dont il a été question plus tôt, nous sommes d'avis que toutes les formes d'énergie auxquelles nous aurons recours dans l'avenir coûteront plus cher que celles que nous utilisons aujourd'hui. Les Albertains sont habitués à payer environ 40 $ le mégawatt, c'est-à-dire 4 cents le kilowatt — c'est le prix qu'ils paient actuellement. Le principal défi auquel nous faisons face, c'est d'annoncer au public que, dans l'avenir, il devra payer le double de ce qu'il paie aujourd'hui pour l'énergie, peu importe quelle sera la source de cette énergie. Cela représente un défi.
Pour revenir à ce que vous disiez plus tôt, j'ai participé à ce projet de charbon propre. L'énergie produite dans le cadre d'un tel projet coûte 200 $ le mégawatt, comparativement à 40 $ le mégawatt pour l'énergie produite par les centrales au charbon actuelles. Les gens trouveront cela difficile à avaler. C'est ce qu'il en coûte pour utiliser le charbon de façon écologique. Si le nucléaire n'existait pas, nous affirmerions que seules les centrales au charbon ayant la capacité de capter le CO2 devraient avoir le droit de fonctionner, et cela suppose que nous devrions accepter de payer non pas 40 $, mais bien 200 $ le mégawatt. Il s'agit là de l'effet des coûts environnementaux. Cependant, il existe une autre solution : construire une centrale nucléaire, laquelle rendra l'énergie qu'elle produit à un prix de 90 $ le mégawatt — soudainement, la situation paraît moins déprimante. Il s'agit d'un prix plus avantageux que celui du charbon propre, mais il demeure deux fois plus élevé que ce que nous payons aujourd'hui. Il s'agit du grand défi à relever.
Toutefois, dans les faits, une nouvelle centrale au charbon qui entrerait en activité aujourd'hui ne vendrait pas non plus son énergie à 40 $ le mégawatt. Une tâche ardue nous attend : éduquer les gens à propos de ce qui se passera dans l'avenir en matière d'énergie. Dans toutes les provinces, il s'agit d'une mission délicate sur le plan politique, car tous les projets énergétiques — centrales au charbon, centrales nucléaires, et cetera — sont d'un même millésime — ils ont tous été élaborés à peu près au même moment. Ils doivent tous être remplacés par quelque chose d'autre. Ainsi, en Alberta, j'ai fait valoir que, vu qu'il faudrait remplacer le charbon par quelque chose, il fallait envisager non seulement le recours au charbon propre, mais également le recours à l'énergie nucléaire. Le nucléaire est en concurrence avec le charbon propre — il ne peut pas faire concurrence au statu quo. Aucune des nouvelles technologies ne peut le faire.
Nous avons construit le premier parc d'éoliennes en Ontario. L'Ontario Power Authority achète actuellement l'électricité de ce parc à un taux de 116 $ le mégawatt. On nous paie 57 $ le mégawatt pour notre énergie nucléaire. La question est donc de nature économique : soit vous payez 57 $ pour l'énergie nucléaire, soit vous payez 116 $ pour l'énergie éolienne. À vous de choisir.
Bien sûr, l'autre facteur qu'il faut prendre en considération, c'est le fait que les éoliennes produisent de l'électricité lorsque le vent souffle. Le facteur de capacité de notre parc d'éoliennes est de 26 p. 100, et celui d'une centrale nucléaire, de 92 p. 100. Les centrales nucléaires sont extrêmement fiables. Je dis cela non pas pour déprécier les autres technologies, mais parce qu'il faut reconnaître que chaque technologie possède ses vertus, et qu'il faut disposer d'un portefeuille énergétique judicieusement constitué. Le défi que devra relever le comité consiste à déterminer quel cadre stratégique nous permettra d'élaborer ce portefeuille énergétique.
Permettez-moi de dire quelques mots à propos de l'avenir d'EACL. Comme je l'ai indiqué, nous devrions être fiers de l'expertise d'EACL sur le plan technique. Il existe des ingénieurs très brillants. D'après mon expérience, le Canada compte davantage d'ingénieurs compétents que les autres pays que j'ai visités. Nous avons de jeunes ingénieurs très brillants et très compétents, comme le démontre le fait que nous avons conçu un modèle qui nous est entièrement propre. Nous ne nous sommes pas inspirés de quiconque. Les réacteurs CANDU présentent quelques caractéristiques très originales. Il a la capacité de se recharger en combustible en cours d'exploitation, ce qu'aucun autre réacteur du monde ne peut faire. Il a la capacité de consommer du combustible d'uranium naturel, ce qu'aucun autre réacteur du monde ne peut faire. Il a la capacité de réutiliser le combustible épuisé des autres réacteurs, ce qui a pour effet de réduire la responsabilité environnementale liée à l'élimination du combustible épuisé de tous les autres types de réacteur. Au chapitre de la résistance à la prolifération, il affiche un meilleur dossier que la plupart des réacteurs d'autres types.
Vous pourriez vous demander pourquoi nous ne pouvons pas le vendre à tout le monde. Nous occupons un créneau spécialisé. Nous l'avons toujours fait. Au moment où personne ne construisait de centrales nucléaires, nous continuions à construire des réacteurs CANDU. Nous en avons construit en Chine et en Roumanie. Nous avons continué à en construire. Si l'on fait exception de ce qui s'est passé au cours des trois ou quatre dernières années, les plus récentes constructions de centrales nucléaires sont attribuables à EACL.
Si nous n'avons pas rapidement pénétré le marché, c'est que les gens préféraient continuer de fonctionner avec leurs propres technologies, qu'ils connaissaient bien — les réacteurs à eau sous pression, les réacteurs à eau ordinaires, représentaient la technologie dominante. Les réacteurs CANDU sont complexes, jusqu'à ce qu'on apprenne à les connaître. Au cours de ma carrière, j'ai fait fonctionner tous les types de réacteurs. Comme je l'ai dit, chaque type de réacteur a ses avantages et ses inconvénients. Je persiste à croire qu'il existe un important marché pour les réacteurs CANDU.
Je vais vous donner un exemple pour répondre à la question posée précédemment au sujet de la prolifération. J'ai participé au sommet organisé à Washington par le président Obama. Parmi les pays présents, 28 n'ont pas actuellement d'installations nucléaires, mais ont désespérément besoin d'énergie et souhaitent s'engager dans cette voie. Ce qui préoccupait le président Obama, évidemment, c'est le risque de prolifération qui existe quand on commence à penser à tous les pays qui souhaitent maintenant utiliser l'énergie nucléaire. Comme je l'ai dit, je ne souhaite pas faire de déclaration politique, mais je peux vous énumérer certains de ces pays : à l'heure actuelle, le Nigéria, le Vietnam, l'Afrique du Sud et à peu près tous les pays du Moyen-Orient souhaitent se servir de l'énergie nucléaire. Aucun d'entre eux n'a de cadre ou de contexte de réglementation mis en place, mais ils manquent tous désespérément d'énergie.
Ce que nous devons comprendre, à titre de pays occidentaux, c'est que, s'ils ne choisissent pas l'énergie nucléaire, ils devront tout de même obtenir l'énergie par un autre moyen, qui sera néfaste pour l'environnement. La véritable question, c'est de trouver une façon, pour nous, de permettre à ces pays d'utiliser l'énergie nucléaire sans accroître les risques de prolifération.
Selon une stratégie qui a été envisagée, les pays occidentaux fourniraient le combustible à ces pays, ils l'utiliseraient, puis nous le récupérerions. Ce n'est pas une mauvaise politique, mais c'est certainement un changement important. Chaque pays doit être prêt à le faire. C'est sur ce principe qu'est entièrement fondée la politique du GNEP — le Global Nuclear Energy Partnership ou Partenariat mondial sur l'énergie nucléaire — que certains d'entre vous connaissez, j'en suis sûr. Nous ne pouvons pas interdire l'utilisation de la technologie nucléaire à ces pays; ils en ont besoin pour satisfaire à leurs besoins en énergie.
Je vais vous donner l'exemple de la Chine. J'aurais pu, au sujet de la Chine, évoquer une préoccupation concernant ce que la Chine pourrait faire avec l'énergie nucléaire. Je suis président du Centre d'Atlanta, et nous venons tout juste d'accueillir le CGNPC — le groupe responsable de l'énergie nucléaire dans le Guangdong, en Chine — à titre de membre de l'Association mondiale des exploitants des centrales nucléaires — l'AMECN. Des représentants de ce groupe sont venus nous dire qu'ils souhaitaient se joindre au groupe d'Atlanta de l'Amérique du Nord pour que nous puissions régir leurs activités. Ils souhaitent vraiment faire partie de la communauté des exploitants des centrales nucléaires. De fait, le président de l'AMECN qui vient tout juste d'être élu dans le cadre de notre assemblée générale semestrielle à Mumbai est chinois. C'est lui qui sera le prochain président de l'AMECN, et la prochaine assemblée générale semestrielle aura lieu en Chine. Ils souhaitent vraiment perfectionner leurs activités à titre de membres de la communauté des exploitants de centrales nucléaires et se montrent aussi très déterminés à y arriver. Ils font d'importants efforts pour faire partie du groupe.
Le problème, pour EACL, c'est qu'il s'agit d'un organisme qui possède un ensemble incroyable de compétences techniques en génie, mais ses capacités sur le terrain ne sont pas très bonnes; il ne peut pas construire de centrales. J'ai entendu des gens dire que l'organisme est un constructeur de matériel; EACL a toujours été un concepteur. Il a des capacités de conception. C'est pour cette raison que, quand il est allé sur le terrain pour s'occuper de projets de réfection, ceux-ci n'ont pas bien été exécutés. L'organisme n'avait pas les capacités pour gérer un projet sur le terrain. Les contrats qu'il a signés ne vont donc pas très bien. Je sais puisque l'un d'entre eux fait partie de mes propres projets, et nous avons du retard en plus d'avoir dépassé le budget parce que nous avons dû accomplir certaines tâches pour lesquelles nous ne possédions pas les capacités;
Le président : Est-ce que c'est pour cette raison qu'il y a d'importants problèmes avec les projets à Point Lepreau et à Chalk River —, avec le réacteur NRU? Que se passe-t-il?
M. Hawthorne : Oui, tout cela est lié au fait que l'organisme ne possède pas véritablement cet ensemble de compétences. J'ai mentionné qu'il continuait à construire des installations en Roumanie et en Chine, mais ce ne sont pas les employés d'EACL qui effectuent la construction; ils s'occupent de la surveillance de l'ingénierie et dirigent la conception, puisque ce sont eux qui ont conçu les installations qui sont construites.
Un architecte ne pose pas les briques et ne s'occupe pas de l'installation électrique parce que cela ne fait pas partie de ses compétences. Ce qu'il a la compétence de faire, c'est de concevoir le projet et de donner des conseils en matière de conception à une entreprise de construction compétente. À mon avis, EACL a élargi ses activités à des secteurs dans lesquels il ne possède pas de compétences et cela a entraîné des problèmes.
Une partie de la restructuration ne concerne pas seulement la responsabilité, même si je suis sûr que cela fait partie de l'ensemble. Une partie de la restructuration vise la création d'une entité capable de répondre aux besoins du marché. Elle donne à l'organisme un peu plus de profondeur. Elle l'adapte un peu de façon à ce qu'il puisse assumer une part du marché en croissance. Le marché est vaste et, bien que la technologie offerte par EACL demeure attrayante, elle doit aussi être rentable. Pour y arriver, il faut ajouter d'autres compétences à la boîte à outils d'EACL.
Le président : Est-ce inapproprié de demander si Bruce Power fait partie des soumissionnaires?
M. Hawthorne : Une question n'est jamais inappropriée; ce qui serait inapproprié, ce serait d'y répondre.
Le président : Le juge Oliphant est parmi nous.
M. Hawthorne : Bruce Power est actuellement le plus important client d'EACL. Nous dépensons près de 4 milliards de dollars pour la réfection de deux centrales. Nous prévoyons nous engager à dépenser 12 milliards de dollars de plus pour la réfection de six autres centrales. Le sort d'EACL me préoccupe; je ne suis pas un simple spectateur impartial.
J'aimerais jouer un rôle, mais je ne sais pas quelle forme il prendrait. J'aimerais vraiment voir les réacteurs CANDU continuer à être utilisés; nous devrions tous le vouloir. Quand nous parlons des conditions requises pour le faire, nous devons nous assurer que c'est l'un des produits livrables prévus.
Le président : Je ne me moquais pas de vous. Vous décrivez une nouvelle configuration pour EACL. Ce que le gouvernement affirme, c'est qu'il souhaite restructurer l'organisme et le privatiser en partie. Il y a divers modèles, comme l'a mentionné Mme Carpenter, y compris les partenariats publics-privés. Les SNC-Lavalin de ce monde apportent de l'eau au moulin, avec des connaissances spécialisées sur la construction, l'ingénierie et le développement de centrales nucléaires. Vous dites qu'il faut divers éléments pour avoir une tarte complète au bout du compte. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Hawthorne : Oui. Quelqu'un a demandé qui sont les concurrents d'EACL. Ils ont des concurrents dans le secteur de la technologie. Par exemple, AREVA a son propre réacteur, un gros réacteur de 1 600 mégawatts qui intéresse certains marchés, mais pas tous. La société a reçu quelques commandes et construit actuellement des centrales en Finlande et en France. Elle a vendu quatre réacteurs aux Chinois. Elle commence déjà à recevoir des commandes.
Le président : Qu'en est-il de GE?
M. Hawthorne : Le réacteur à eau bouillante de GE est une conception unique. Il n'a pas eu beaucoup d'incidence sur le marché, et l'entreprise n'a eu aucune commande. Je ne pense pas qu'elle en aura.
Westinghouse agit de façon très dynamique. L'entreprise a un réacteur à eau sous pression, le réacteur AP1000. Il suscite un grand intérêt sur le marché actuellement parce que la plupart des centrales dans le monde utilisent des réacteurs à eau sous pression. Les gens aiment les technologies qu'ils connaissent déjà très bien. Westinghouse a déjà vendu un certain nombre de centrales en Chine. Elle a reçu une commande pour quatre réacteurs. Elle a été la première à faire breveter le concept aux États-Unis. Elle s'attend à s'emparer d'une grande part du marché. Toshiba a acheté Westinghouse au gouvernement du Royaume-Uni à un prix très élevé dans le but de pouvoir s'emparer d'une grande part de marché.
Ce que je veux dire, quand je parle d'un ensemble de compétences, c'est que la société Shaw Group Inc. est en partie propriétaire de Westinghouse. Il y a la conception effectuée par Westinghouse et les capacités de Shaw Group, un sous-traitant en IAC — ingénierie, approvisionnement et contrats —, qui vient apporter un ensemble de compétences complémentaires. De la même façon, AREVA possède des liens avec EDF, un exploitant, ce qui garantit un ensemble de compétences complémentaires.
À l'heure actuelle, la portée d'EACL est limitée. Nous espérons qu'une partie de la restructuration viendra ajouter une profondeur relative à sa compétitivité. Je ne pense pas que l'organisme EACL puisse être viable s'il est entièrement privatisé, à moins que le gouvernement ne l'appuie. C'est une façon d'offrir du soutien sans courir de risque, si je peux m'exprimer ainsi.
Une entreprise ne peut pas aller faire de la concurrence dans d'autres pays sans le soutien de son gouvernement. Ce soutien n'a rien à voir avec la remise de chèques; il s'agit plutôt d'un soutien actif à l'appui de votre technologie. Le premier ministre le fait pour Bombardier et pour d'autres. Il faut que nous le fassions pour l'industrie nucléaire.
J'ai voyagé partout dans le monde. Je pense, par exemple, à la Jordanie, qui souhaite désespérément obtenir deux réacteurs nucléaires. Je suis prêt à parier que le président français, M. Sarkozy, était là avant même que les représentants d'AREVA arrivent. Il aura parlé des caractéristiques de la conception française et du soutien politique offert en France. Cela compte. Je m'adresse à un groupe qui le sait mieux que moi. Pour un achat aussi important de la part d'un pays qui n'a pas de centrale nucléaire, il va de soi qu'on souhaite connaître le point de vue du pays d'accueil sur l'énergie nucléaire.
Peut-être que la meilleure chose à faire pour EACL est de vendre l'entreprise, mais cela ne donne pas au gouvernement du Canada le droit de dire que ce qui va se passer ne l'intéresse pas. Ce serait une erreur. Le Canada ne devrait pas abandonner ce rôle, surtout si l'on pense au fait que nous avons occupé un rôle de chef de file pendant de nombreuses années. Dans la mesure où les discussions concernant AECL me concernent, je dirais que le gouvernement du Canada doit continuer à défendre l'industrie et la technologie nucléaires.
Si vous le permettez, je vais répondre à quelques questions. Quelqu'un a parlé de la Corée du Sud.
Le sénateur McCoy : Je m'excuse, mais je dois partir. Je suis désolée, mais je ne pourrai pas vous poser de questions.
Le président : Nous inviterons M. Hawthorne de nouveau.
M. Hawthorne : Dans le cas de la Corée du Sud, EACL a vendu quatre réacteurs à la centrale nucléaire de Wolsong. C'est là un exemple d'une occasion ratée. Les Coréens souhaitaient acheter deux autres unités auprès d'EACL, mais ils étaient à la recherche d'un modèle qu'AECL n'offrait pas à l'époque. Ils ont plutôt opté pour des réacteurs à eau sous pression, des REP. Ce n'était pas leur premier choix; ils voulaient deux réacteurs CANDU, mais comme ils n'ont pas reçu d'offre qui avait du sens, ils sont allés voir ailleurs.
Comme ils sont allés voir ailleurs, le Canada s'est retrouvé avec un autre concurrent. Nous nous sommes causé du tort à nous-mêmes. Quand la Corée du Sud a obtenu la technologie du REP, elle a aussi reçu — cela faisait partie des conditions de l'entente — les droits de propriété intellectuelle. La Corée du Sud a ensuite produit sa propre version du réacteur, comme l'avait fait la Chine avec d'autres fournisseurs.
La Corée du Sud dépend grandement de CANDU en ce qui concerne les quatre réacteurs de ce fournisseur, mais elle a sa propre version d'un réacteur qu'elle a mis en marché et qu'elle a réussi à vendre aux Émirats arabes unis dans le cadre d'une soumission non rentable très agressive. Elle a procédé à une vente à prix d'appel pour se tailler une place sur le marché des fournisseurs et pour arriver à ses fins.
Le sénateur Lang : Est-ce que la Corée du Sud offre la même technologie que le Canada?
M. Hawthorne : La Corée du Sud a des réacteurs CANDU, tout comme le Canada.
Le sénateur Lang : Est-ce qu'elle en fait la vente?
M. Hawthorne : Non. Elle vend sa propre version d'un réacteur à eau sous pression.
On aurait pu agir de façon plus proactive et élaborer le nouveau réacteur CANDU en collaboration avec la Corée du Sud, en plus d'en faire la mise en marché en collaboration. C'est ce que je veux dire quand je dis qu'il faut penser comme une entreprise. Si j'avais été en position de le faire, j'aurais dit qu'il y avait là une occasion d'obtenir deux commandes et j'aurais fait la mise en marché en collaboration avec des personnes qui peuvent m'amener dans des régions du monde où je ne suis peut-être pas capable d'aller seul.
Nous pensons qu'un certain nombre de pays de partout dans le monde seraient très intéressés par le réacteur CANDU. De façon générale, comme cela a été évoqué dans une question posée précédemment, certains pays ne sont pas intéressés par le combustible enrichi. Par exemple, la Jordanie a son propre uranium. Si une centrale doit être construite en Jordanie, elle sera située dans le golfe d'Aqaba, tout près d'Israël. Vous pensez bien que personne ne construit de réacteur au combustible enrichi là-bas. Le réacteur CANDU 6 ferait parfaitement l'affaire. Il utilise de l'uranium naturel. Il permettrait aussi la réalisation du cycle du combustible à l'échelle locale, ce qui permettrait de produire l'uranium localement et d'en fournir à d'autres centrales de la région.
Il y a des possibilités pour le réacteur CANDU parce que c'est un petit réacteur qui utilise l'uranium naturel. Cependant, l'entreprise doit être structurée de façon à saisir ces possibilités.
Le président : Êtes-vous rendu à la dernière page?
M. Hawthorne : Oui. La question concernant l'ensemble de compétences, et tout le reste, est simplement une question de bon sens. Si vous avez une vision à long terme, vous réussirez à attirer les gens. J'ai mentionné, dans mon mot d'ouverture, que je fais partie de l'industrie depuis presque 40 ans. Pourtant, quand j'ai commencé, je pouvais voir 40 ans en avant. L'industrie était toute nouvelle et offrait toute une gamme de nouvelles technologies existantes.
Si nous n'avons pas une vision à long terme pour notre industrie, nous n'attirerons jamais les jeunes cerveaux brillants comme ceux qui sont arrivés dans l'industrie il y a 35 ou 40 ans. L'une des raisons qui expliquent le succès de nos campagnes de recrutement, c'est que les gens voient bien que nous investissons pour les 30 prochaines années. Je vais dans les universités et je dis aux gens qu'ils vont pouvoir débuter et terminer leur carrière chez nous. Tout est là.
Mme Carpenter a parlé d'une construction de 60 ans pour une nouvelle centrale. Si nous avons un but clair, la rémunération, les défis et les compétences au sein de l'industrie seront sans pareils, mais il nous faut une vision à long terme. Il ne faut pas se montrer schizophrène au sujet de l'industrie.
Si les Français ont un programme solide, c'est entre autres parce qu'ils peuvent vous dire ce qu'ils feront en 2050. Je ne peux pas vous dire ce que je ferai dans deux ans. C'est difficile, dans une telle situation, de recruter des jeunes et des personnes possédant les compétences requises. Ce que j'espère de la part des comités comme le vôtre, c'est que vous reconnaîtrez l'engagement à long terme. Nous ne pouvons pas changer d'idées chaque fois qu'il y a des élections.
L'industrie ne peut pas subir de tels changements. Il nous faut une politique à long terme, et nous devons soutenir cette politique sans égard au cycle électoral. Je sais que c'est difficile, mais si je n'avais qu'un souhait à formuler, ce serait celui-là. L'industrie a besoin de certitude. Il faudrait empêcher que certains enjeux reviennent à chaque élection.
Le président : La tournée à laquelle l'association nous a invités comprenait une visite chez Bruce Power à Tiverton, en Ontario. Ce sont vos installations. Est-ce que l'invitation tient toujours?
M. Hawthorne : Tout à fait; vous êtes les bienvenus. J'ai toujours pensé qu'il n'y avait rien comme des faits. Une fois que les gens ont vu les installations et les gens qui y travaillent, ils peuvent situer en contexte ce qu'ils ont vu dans les diapositives. Vous êtes les bienvenus n'importe quand.
Le sénateur Mitchell : Je dois mentionner que mon père portait un kilt pour aller travailler chaque fois qu'il le pouvait. Il faisait partie du Black Watch; je comprends donc bien d'où vous venez.
Je crois que les changements climatiques représentent un danger énorme sur lequel on ne peut trop insister. Je crois qu'il y a une place pour l'énergie nucléaire et qu'il faut en discuter sérieusement.
Au sujet des coûts, vous avez mentionné que n'importe quelle nouvelle installation coûterait plus cher, ce qui me semble convaincant. Comme je suis de l'Alberta, j'aimerais savoir ce qu'il en est dans ce contexte. Une partie de votre travail se déroule là.
Comment se comparent précisément les coûts d'une nouvelle centrale nucléaire qui serait construite demain dans le sud de l'Alberta et les coûts d'une nouvelle centrale au charbon construite à peu près dans la même région?
M. Hawthorne : Si on fait une comparaison directe, on peut logiquement comparer le type de centrale au charbon que l'on pourrait construire en Alberta avec le type de centrale nucléaire que l'on pourrait aussi y construire. On sait déjà qu'aucun projet de centrale au charbon ne peut avoir lieu en Alberta après 2011 sauf s'il permet le captage du carbone. C'est une politique gouvernementale.
Je pars du principe selon lequel les meilleurs chiffres dont on dispose actuellement tiennent compte du captage et du stockage du carbone; ces chiffres concernent une centrale actuellement construite à Weyburn, en Saskatchewan, dont le prix va de 150 $ à 200 $ par mégawatt. Je peux, dès aujourd'hui, mettre sur pied une centrale nucléaire en Alberta à un coût allant de 100 $ à 110 $ par mégawatt.
Le défi, c'est de demeurer compétitif dans l'avenir; on ne peut pas comparer avec ce qui se fait aujourd'hui. J'ai discuté longuement avec le premier ministre et le ministre de l'énergie de l'Alberta. Le défi à relever, c'est de passer d'un montant de 40 $ à cet autre montant, quel qu'il soit.
Le président : Vous avez parlé de 110 $.
M. Hawthorne : Nous avons parlé de la construction d'une centrale en Saskatchewan, où il y a plus d'eau, de façon à importer ensuite l'énergie en Alberta, ce qui est une possibilité. Ça a été un débat animé, et tout le monde s'est montré ouvert. C'est une question claire et pratique de données économiques. Je ne réagis jamais à une présentation PowerPoint. Ce que je dis, c'est : « Pour quel projet signeriez-vous un contrat? », parce que c'est cela, l'épreuve de la vérité. J'ai dit aux producteurs de la région des sables bitumineux que, s'ils voulaient signer un contrat, je leur fournirais une centrale et de l'énergie à ce prix. Ce sont des discussions en cours actuellement avec les producteurs de l'Alberta et qui se déroulent rondement.
Le sénateur Mitchell : C'est très bien.
Vous avez fait un éloge enthousiaste de la technologie des réacteurs CANDU, et cela a bien du bon sens. Certaines personnes soutiennent que la nouvelle technologie des réacteurs ARC-1000 présente certains problèmes et pourrait être refusée en Ontario. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Hawthorne : Oui. Je vais vous donner une explication en deux volets. D'abord, j'ai fait partie du processus d'appel d'offres en Ontario parce que je siégeais au comité directeur. Toutes les soumissions étaient moches. Elles étaient toutes beaucoup plus élevées que ce à quoi tout le monde s'attendait, mais elles étaient aussi toutes beaucoup plus élevées que toutes les soumissions jamais vues dans le monde à ce jour pour une nouvelle centrale nucléaire. Nous avons dû nous demander quel était le type de questions que nous avions posées. Je crois que nous avions demandé aux soumissionnaires de tenir compte, pour établir le prix, de bon nombre de risques qu'ils ne prenaient habituellement pas, ce qui est venu ajouter une prime importante et a donc entraîné des soumissions très élevées de la part de tous les soumissionnaires.
En ce qui concerne le réacteur ACR-1000, la seule soumission conforme que nous avons reçue était celle d'EACL, mais elle était encore beaucoup trop élevée. Le vrai problème, c'est que la conception du réacteur CANDU avancé n'est pas terminée. On ne sait pas encore combien cela coûtera pour la terminer, et on ne sait pas encore quel sera le marché pour ce réacteur une fois qu'il sera terminé. Comme nous en avons discuté précédemment, un aspect intéressant du réacteur CANDU actuel, c'est qu'il n'utilise pas de combustible enrichi, contrairement à l'ACR-1000. Nous avons peut-être maintenant perdu l'une de nos caractéristiques qui nous auraient permis de nous tailler une place dans un nouveau marché.
À mon avis, il ne s'agit pas de la bonne stratégie. Nous n'avons pas à affronter directement des personnes que nous ne pouvons battre. Ce que je pense, c'est que nous devons offrir un produit qu'elles n'ont pas.
Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné le manque d'engagement et de vision à long terme — une certaine idée d'une orientation. À qui demandez-vous de fournir une telle vision, et, si vous deviez tenir une conférence de presse demain, quels seraient les cinq éléments qui définiraient votre vision?
M. Hawthorne : Je me dois de défendre la position de l'Ontario. La province a élaboré un plan de réseau d'énergie intégré qui énonce les diverses sources d'approvisionnement en énergie pour les 25 années à venir et dans lequel il est écrit que 14 000 mégawatts proviendront de l'énergie nucléaire. La province s'est donc prononcée fermement en faveur de l'énergie nucléaire.
La grande question, comme je l'ai dit plus tôt — et c'est une question très complexe —, c'est de connaître la politique nationale, puisque chaque province peut faire ses propres choix. Une personne comme moi doit souligner le fait que le gouvernement fédéral peut accomplir certaines des choses mentionnées par Mme Carpenter. Nous ne sommes pas obligés de financer l'énergie nucléaire à l'échelle fédérale, mais, si nous croyons qu'elle joue un rôle important, nous devrions mettre sur pied un cadre de politique qui aiderait les gens à véritablement envisager cette possibilité; le fait de déterminer le coût du carbone permettrait d'y arriver dès le départ.
Si nous voulons que l'énergie nucléaire fasse partie du lot, nous n'avons pas à demander la construction de centrales nucléaires; nous avons simplement à dire : « Si vous voulez des centrales à combustibles fossiles, voici la pénalité. » C'est la chose la plus simple que peut faire une politique fédérale, et c'est l'idée que je défends. Chaque province est suffisamment intelligente pour prendre ses propres décisions.
Le sénateur Brown : Je vais poser une question au nom du sénateur Neufeld. Il voulait que je vous demande si vous avez des données de sondage concernant le site de production d'énergie dans le nord de l'Alberta.
M. Hawthorne : Oui, nous avons des données. Pour être juste, je dois dire que les résultats d'un sondage à l'échelle de l'Alberta sont habituellement beaucoup moins positifs que ceux des sondages locaux. Je peux fournir une explication. Dans l'émission « The Nature of Things » à CBC, David Suzuki a fait un reportage sur deux femmes de Peace River qui ont visité nos installations. Il les avait interviewées dans leur collectivité afin de connaître leurs préoccupations en ce qui concerne l'énergie nucléaire, puis, après qu'elles sont venues dans notre collectivité et qu'elles y ont passé du temps, leurs points de vue avaient changé.
Comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a rien comme des faits. Cependant, il ne fait pas de doute qu'il existe, en Alberta, un sentiment anti-nucléaire assez fort qui a eu des répercussions sur la collectivité. Néanmoins, depuis que nous nous sommes rendus dans cette province, les résultats des sondages se sont améliorés. Des résultats de sondage que je vous ai présentés sous la forme de pourcentages sont, de fait, les mêmes pour la région de Peace River.
Je ne me fais pas d'illusion à propos de ce qui explique cette situation. Nous offrons des emplois de grande qualité. Notre centrale nucléaire a des répercussions économiques très importantes sur la collectivité. Bien souvent, l'appui que nous recevons est de nature intéressée. Les gens veulent des emplois de grande qualité et souhaitent le développement de la collectivité. Ils ne veulent pas que leurs enfants soient obligés de déménager au loin pour trouver du travail de qualité, et les résultats des sondages reflètent habituellement ce point de vue.
Nous effectuons une étude sur les répercussions économiques. Nous leur disons que, si nous construisons une centrale là-bas, cela créera 2 000 emplois bien rémunérés. Nous faisons connaître à la collectivité les avantages économiques. Une fois que les gens sont au courant de tout cela, leurs points de vue changent. Nous fournissons, par la même occasion, des faits sur l'industrie — sur son véritable rendement, et non des renseignements alarmants comme ceux qui ont circulé sur Tchernobyl. Le gouvernement de l'Alberta a dirigé son propre groupe d'experts indépendant qui a, en quelque sorte, examiné tous ces mythes à propos de l'industrie.
Quoi qu'il en soit, les résultats des sondages ont été positifs dans la région de Peace River. Bien honnêtement, la collectivité a exercé certaines pressions sur moi pour que nous nous dépêchions et que nous allions de l'avant. Évidemment, si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que le climat économique était particulièrement décourageant quand le prix du pétrole est passé à moins de 140 $. Si nous ne sommes pas allés de l'avant en Alberta, c'est non pas faute de soutien public, mais faute de moyens économiques.
Le sénateur Brown : Vous avez mentionné que le coût de l'énergie nucléaire correspondait à moins de la moitié du coût de l'énergie éolienne en raison de certains facteurs, comme le manque de fiabilité de l'énergie éolienne et le fait que l'énergie nucléaire est beaucoup plus fiable.
J'ai fait partie du conseil d'administration d'une centrale au charbon pendant quelques années et je sais qu'on ne peut pas simplement éteindre une centrale au charbon. Des milliers de tonnes de charbon brûlent et font chauffer les turbines. Vous ne pouvez pas simplement fermer le commutateur et dire que vous ne produisez plus d'énergie. Que pouvez-vous faire dans le cas d'une centrale nucléaire? Pouvez-vous recycler la vapeur? Que pouvez-vous faire si vous devez interrompre la production?
M. Hawthorne : Il y a une chose que j'ai déjà dite, et c'est qu'un éléphant ne peut pas danser. Nous sommes une centrale de base, qui fonctionne 24 heures sur 24 et sept jours sur sept et qui produit de l'énergie de façon stable. L'un des défis que doit véritablement relever l'Ontario, c'est que la province a choisi de délaisser le charbon. Comment peut-elle obtenir une technologie aussi souple que le charbon? Les centrales au charbon sont exceptionnelles pour ce qui est d'accélérer et de ralentir rapidement. Évidemment, notre consommation de combustible se fait par périodes de pointe et, quand nous produisons l'énergie de façon stable, cela ne fonctionne pas.
Le défi que doit relever l'Ontario, c'est de trouver la bonne formule pour l'approvisionnement. Il peut s'agir de centrales au gaz; celles-ci sont relativement flexibles, mais il faut trouver des façons de stocker l'électricité. Le Québec a le modèle parfait parce qu'il dispose d'une grande quantité d'hydroélectricité et qu'il a la capacité de l'emmagasiner. Notre problème, en Ontario, c'est que nous avons de l'hydroélectricité grâce aux chutes Niagara, mais nous ne pouvons pas l'entreposer. C'est une centrale au fil de l'eau. C'est pour cela que je dis que l'énergie nucléaire ne devrait pas représenter plus de 50 p. 100 de l'énergie produite en Ontario — parce que nous avons besoin d'une solution flexible et que le défi est de trouver la façon d'en arriver à la formule parfaite.
Le sénateur Brown : Nous avons une centrale alimentée au gaz tout près de Calgary. Elle appartenait auparavant à la Californie, mais elle appartient maintenant à Calgary. C'est un énorme moteur à réaction. Il a son propre circuit d'alimentation en carburant et il peut être éteint immédiatement. On peut l'allumer et l'éteindre. Selon le prix qui apparaît sur les écrans d'ordinateur, les responsables de la centrale décident de l'éteindre. En quoi cela est-il différent de ce qui se fait avec une centrale nucléaire?
M. Hawthorne : Il faut que j'explique deux choses. L'une concerne la centrale et l'autre concerne les données économiques. Dans le cas d'une centrale nucléaire, s'il est vrai que les coûts marginaux sont peu élevés, il faut tout de même dire que les coûts fixes sont très élevés. Le coût de l'uranium représente seulement 10 p. 100 de nos coûts. Le reste, 90 p. 100, est attribuable aux salaires et à toutes sortes d'autres choses. La bonne nouvelle, c'est que notre prix est très stable pour cette raison; la mauvaise nouvelle, c'est que, quand la centrale ne tourne pas, vous devez tout de même payer 90 p. 100 des coûts, tandis que, dans le cas d'une centrale au gaz, environ 70 p. 100 des coûts de l'électricité sont ceux du gaz. Je peux donc me permettre d'interrompre la production pendant les périodes où cela n'est pas rentable. Une centrale nucléaire doit continuer à fonctionner en raison de sa conception, mais aussi pour des raisons financières.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous ce soir. J'aimerais discuter avec vous de la question des coûts. Je veux être sûr de comprendre ce que vous dites. Vous avez dit, essentiellement, que le coût de construction d'une centrale nucléaire était de 110 $ par mégawatt comme prix du marché total, sans garantie et sans financement du gouvernement — ce qui veut dire, tout simplement : « construisez-la, et voici les rendements dont j'ai besoin. » Est-ce exact?
M. Hawthorne : Laissez-moi vous expliquer comment fonctionnent les centrales nucléaires dans ce cas. À l'heure actuelle, à notre emplacement, 92 ¢ par mégawatt, soit un peu moins d'un dollar, vont au stockage du combustible épuisé. Disons que c'est un dollar; ce sera plus simple. Le stockage du combustible épuisé coûte un dollar par mégawatt. C'est un coût à payer au fur et à mesure.
On doit aussi effectuer des paiements pour la responsabilité en matière de déclassement. Nous finançons, de fait, le stockage du combustible épuisé et le déclassement de notre installation quand elle arrive à cette étape. Cela fait partie du coût global.
Le sénateur Massicotte : Combien cela coûte-t-il?
M. Hawthorne : C'est difficile de vous donner un chiffre à ce sujet puisque cela dépend de la durée de vie de l'installation. Dans notre cas, l'installation avait déjà un certain âge quand nous avons commencé à l'utiliser. Plus vous repoussez la fin de la vie de l'installation, plus vous prolongez la responsabilité. Quand on y pense, si une centrale fonctionne pendant 60 ans, cela signifie que vous payez pour une responsabilité qui arrive à échéance dans 60 ans. Cela fait un très petit montant.
Je sais que les gens accordent de l'importance à cet aspect de responsabilité, mais quiconque a le sens des finances demandera ce que deviendra, dans 60 ans, un dollar placé à la banque aujourd'hui. Vous offrez une responsabilité à long terme; ce n'est donc pas un enjeu important.
À l'heure actuelle, à notre emplacement, nous payons environ 25 millions de dollars par unité de production, par année, au propriétaire, ce qui inclut le déclassement.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que ce montant inclut le combustible épuisé?
M. Hawthorne : Comme je l'ai dit, le combustible épuisé coûte 92 cents.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que vous versez ce montant au gouvernement de l'Ontario?
M. Hawthorne : Oui.
Le sénateur Massicotte : Il assume la responsabilité du stockage et de la sécurité.
M. Hawthorne : Le gouvernement assume la responsabilité, et nous lui versons de l'argent. Cela faisait partie de l'entente avec le gouvernement de l'Ontario.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que le montant de 92 ¢ correspond au prix du marché actuel?
M. Hawthorne : Il s'agit du coût total du stockage du combustible épuisé pour toute la période requise.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que le gouvernement obtient un rendement pour le risque qu'il prend?
M. Hawthorne : Il n'obtient aucun rendement.
Le sénateur Massicotte : Il se contente d'assumer la responsabilité du risque sans dédommagement.
M. Hawthorne : La Société de gestion des déchets nucléaires s'occupe de gérer tout cela.
En ce qui concerne le coût de construction, c'est une simple question de logique. Disons qu'il en coûte 5 000 $ par kilowatt installé pour construire. Si l'on prend une centrale au charbon, on parle d'un prix par kilowatt une fois installé. Pour une unité de 1 000 mégawatts à 5 000 $ par kilowatt installé, on parle d'une dépense en immobilisations de 5 milliards de dollars étalés sur 60 ans. Vous ajoutez ensuite les coûts d'exploitation, et vous obtenez un montant par mégawatt. Ce que je dis, c'est que, selon ces chiffres, si on signe une entente à 110 $ par mégawatt, je veux obtenir le taux de rendement dont j'ai besoin. Je fais des hypothèses sur la façon de financer mes activités.
Le sénateur Massicotte : Vos coûts de construction — les coûts en immobilisations — sont de 110 $ par kilowatt. C'est bien ce que vous dites?
M. Hawthorne : Non, ils sont de 5 000 $ par kilowatt installé. La construction d'une centrale me coûterait cinq milliards de dollars, puis il faudrait ajouter les coûts d'exploitation. Pendant la période de 60 ans, si vous signez un contrat, c'est ce que vous devrez me verser pour chaque mégawatt.
Le sénateur Massicotte : Donc, les coûts de construction seraient de 5 000 $ par kilowatt. Que représente le montant de 110 $? C'est le coût de livraison. C'est le coût d'utilisation, qui inclut le rendement et l'amortissement des coûts en immobilisations et qui inclut les intérêts débiteurs associés aux coûts de construction, je suppose.
M. Hawthorne : Cela couvre mon taux de rendement à titre d'investisseur, quel que soit ce taux. C'est en fonction d'un rapport de 40 p. 100 entre les dettes et les capitaux propres. Cela veut dire qu'une proportion de 40 p. 100 de l'argent investi au moment de financer votre projet peut être empruntée puisque, de toute évidence, vous établissez le prix du financement par emprunt par rapport à celui du financement par action.
Le sénateur Massicotte : Quel prix payez-vous pour ce qui est de l'emprunt? Avez-vous besoin d'une garantie du gouvernement?
M. Hawthorne : Non. Ce que je fais, en réalité, c'est que j'emprunte dans le cadre de l'accord d'achat d'énergie à long terme. C'est ma garantie de financement.
Le sénateur Massicotte : C'est un financement garanti par le gouvernement; c'est donc un très bon financement, je suppose.
M. Hawthorne : L'Office de l'électricité de l'Ontario recouvre ce coût sur le marché. C'est un crédit coté AAA, ce qui signifie que je peux emprunter de cette source pour financer des projets.
Le sénateur Massicotte : L'Association nucléaire canadienne nous a remis un document contenant les coûts convertis des diverses sources d'énergie, et elle mentionnait un taux d'escompte de 10 p. 100, ce qui est bien supérieur à votre taux d'escompte de 5 p. 100; cela représente peut-être 8 ¢.
M. Hawthorne : C'est ce que je vous disais plus tôt. Je suis un exploitant. Je peux vous dire combien ça coûte. Je ne peux pas vous fournir de chiffres théoriques pour quoi que ce soit.
Le sénateur Massicotte : Donc, pour vous, cela coûterait 11 cents par kilowatt. Est-ce que j'ai raison?
M. Hawthorne : Les gens ne peuvent pas acheter au coût unitaire moyen de l'énergie. Combien cela coûte-t-il par mégawatt? Je n'utilise pas cette formulation. C'est simplement une bonne façon de faire une comparaison.
Le sénateur Massicotte : Selon votre expérience, il en coûterait 11 cents pour une nouvelle centrale?
M. Hawthorne : Oui.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais que vous réagissiez à mon impression. Vous avez parlé du réacteur CANDU, et des questions ont été posées concernant les raisons pour lesquelles nous n'en vendons pas et cela ne fonctionne pas, et vous en avez parlé avec beaucoup d'éloges, mais vous avez essentiellement dit qu'il s'agissait d'un marché à créneau. Comme vous l'avez dit, les services offerts par le passé sont des services de conception, et non des services de fabrication de systèmes. Je dirais que la tendance dans le monde depuis au moins les 10 dernières années, et probablement les 20 dernières années, c'est d'adapter la construction aux besoins. En d'autres termes, je représente le gouvernement et je ne suis pas un spécialiste. Vous êtes le spécialiste; construisez-moi une centrale et, si possible, j'aimerais même que vous la financiez, et c'est ce que vous faites.
Si c'était ma façon de réagir —quand vous nous avez décrit le réacteur CANDU, je me suis dit, sapristi, pourquoi ne l'avons-nous pas vendu plus tôt? Évidemment, nous devrions le vendre. Nous avons un créneau. Nous sommes une entreprise de conception. Si vous ne prévoyez pas vendre votre produit, monsieur le concepteur, vous êtes mieux de trouver un partenaire important qui peut s'occuper du reste parce que les pays ne veulent pas prendre le temps à apprendre à connaître la technologie. Ils veulent une construction adaptée à leurs besoins.
M. Hawthorne : Laissez-moi peut-être vous expliquer les choses différemment. Si je suis nouveau dans le secteur de l'énergie nucléaire, j'ai besoin d'un filet de sécurité. Vous êtes le responsable de la conception. Vous allez vous assurer que la construction de la centrale respecte sa conception, et vous allez offrir des services pour me soutenir tout au long de l'exploitation de la centrale. Je vais vous donner l'exemple de la Jordanie. La Jordanie passera une commande à un fournisseur qui choisira une conception. Elle veut quelqu'un qui exploitera la centrale pour elle parce qu'elle ne possède aucune expérience opérationnelle. Elle veut quelqu'un qui construira la centrale pour elle parce qu'elle ne possède aucune expérience de la construction. Elle veut un produit clé en main.
Le sénateur Massicotte : Exactement.
M. Hawthorne : EACL peut offrir un tel produit grâce à des alliances contractuelles. L'organisme peut dire à SNC-Lavalin, par exemple : « Vous allez être l'architecte, l'ingénieur et le constructeur. »
Si je pense, par exemple, à la Turquie, on vous dira, là-bas, que vous devez avoir recours à une entreprise de construction turque. La Finlande et AREVA sont dans la même situation. AREVA s'est fait dire qu'elle devait avoir recours à des entreprises finlandaises de construction, que celles-ci possèdent les connaissances spécialisées ou non. C'était une exigence. Chaque pays fait les choses à sa manière.
Le sénateur Massicotte : N'est-ce pas une raison de plus pour vendre le tout et se retirer du secteur?
M. Hawthorne : Je n'ai pas dit qu'il fallait conserver EACL. Je ne pense pas que vous m'avez entendu dire qu'il fallait laisser les choses comme elles le sont actuellement. Je n'ai pas dit cela. En fait, ce serait une grave erreur de laisser EACL dans la situation où l'organisme se trouve actuellement parce qu'il ne peut pas être concurrentiel.
Le sénateur Massicotte : L'organisme n'offre pas de solution clé en main.
M. Hawthorne : Il ne sait pas ce qu'il est. Chaque fois qu'il y a une élection, il doit se présenter devant le Conseil du Trésor pour demander de l'argent. Il n'a jamais réussi à se définir.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi ne ferions-nous pas comme la Grande-Bretagne et n'utiliserions-nous pas le mot « commercial »? Je suppose que Mme Thatcher dirait : « Ce n'est pas commercial. » Nous ne devrions pas le conserver parce qu'il n'est pas de nature commerciale. En réalité, il a besoin de mesures incitatives et de subventions chaque année. Allons de l'avant avec l'organisme.
Seriez-vous aussi d'accord avec cela?
M. Hawthorne : Oui, et ce qu'a dit Mme Carpenter est aussi vrai. J'ai participé à ce processus au Royaume-Uni. Le gouvernement a dit : « Laissons l'organisme être commercial. S'il fait des profits, il fait des profits. Quoi qu'il en soit, nous, au gouvernement, nous nous préoccupons de ce qui se passe avec l'énergie nucléaire et c'est pourquoi nous allons conserver un budget de R-D; nous allons conserver notre position de chef de file parce que nous allons conserver nos sociétés à responsabilité. Nous allons conserver nos laboratoires expérimentaux.
C'est une possibilité qu'envisage actuellement le gouvernement du Canada.
Le sénateur Massicotte : De fait, vous avez mentionné précédemment l'engagement que prend le gouvernement, ce qui revient à peu près à ce qu'on vient de dire; il va conserver cela.
Vous semblez plutôt satisfait du processus de vente et des objectifs définis par le gouvernement canadien.
M. Hawthorne : Oui, parce que je suis de ceux qui disent que le statu quo n'est pas une possibilité. Je suis désolé, mais je suis de ceux qui disent qu'EACL ne pourra jamais être concurrentielle dans sa position actuelle.
Le sénateur Massicotte : L'organisme ne pourra jamais faire sa place.
Le sénateur Lang : Il se fait tard. Je vous remercie d'avoir pris votre temps et d'être si patient.
J'aimerais revenir en arrière et essayer de comprendre le fonctionnement du réacteur CANDU. Vous avez parlé de l'uranium naturel par rapport à l'uranium enrichi et vous avez mentionné que le réacteur CANDU 1 représente un marché à créneau. S'il y a là un marché à créneau, je ne comprends pas pourquoi personne n'achète le réacteur.
M. Hawthorne : Personne n'achète quoi que ce soit à grande échelle actuellement. Je dirais que, selon mon expérience, il y a actuellement six bons clients potentiels pour le concept du réacteur CANDU — pour des commandes de ce réacteur. Je peux vous dire quels sont ces pays; il s'agit de l'Argentine, de la Roumanie, de la Jordanie, de la Turquie et de l'Ukraine. Ce sont tous des marchés qui se sont montrés intéressés et avec lesquels on entretient des discussions. Ils n'ont pas encore signé, mais l'une des raisons pour lesquelles ils n'ont pas encore signé, c'est parce qu'ils ne savent pas quel type de société ce sera. Qui sera propriétaire? Avec qui signent-ils un contrat? Le statu quo n'est pas une possibilité. Il faut régulariser le régime de propriété et permettre aux contrats d'être conclus. Il y a certainement un intérêt.
Pourquoi ces pays en particulier? Ce sont de petits marchés; ils ne peuvent pas accueillir de très grandes unités. Il faut reconnaître que le drapeau canadien nous permet d'aller à des endroits où d'autres ne sont pas les bienvenus. Ils ne veulent pas faire affaire avec les Américains ni avec les Français. Ils veulent faire des affaires avec les Canadiens.
Le sénateur Lang : Poursuivons. J'ai une question technique, monsieur le président.
En ce qui concerne le marché à créneau dont nous disposons grâce à l'uranium naturel, j'aimerais savoir si nous sommes les seuls à être prêts à l'offrir ou si nous sommes en concurrence avec d'autres sociétés.
M. Hawthorne : À l'heure actuelle, le seul modèle de réacteur qui utilise l'uranium naturel est le modèle CANDU. Laissez-moi vous donner des explications. Je ne vais pas entrer dans des détails trop techniques, mais l'information pourrait vous être utile. L'uranium naturel extrait des mines en Saskatchewan — notre combustible d'uranium — a une concentration d'uranium-235 d'environ 0,8 p. 100. C'est le pourcentage qui se trouve là à l'état naturel. Si vous prenez les réacteurs à eau sous pression — les autres réacteurs ailleurs dans le monde —, ils utilisent un combustible contenant 3 p. 100 d'uranium-235, ce qui signifie qu'il est enrichi pour en accroître la concentration.
Quand le combustible quitte la centrale après avoir été brûlé, il contient toujours 1,5 p. 100 d'uranium-235. Je peux prendre ce combustible et l'utiliser directement dans un réacteur CANDU pour poursuivre le cycle. C'est là une caractéristique propre au réacteur CANDU.
Cela signifie que, si vous êtes en Jordanie, vous n'avez pas à construire des installations d'enrichissement de l'uranium; vous n'avez pas à commencer à vous préoccuper d'obtenir l'approbation des autres pays pour le faire. Vous avez simplement besoin d'aide pour construire des installations de fabrication. Cela suscite beaucoup moins d'angoisse, si je peux m'exprimer ainsi à propos du monde politique. C'est ce que nous vendons. Nous vendons le nucléaire à des pays qui n'ont pas à établir un risque de prolifération. Voilà sur quoi j'insisterais pour la vente. S'il y a un rôle que le Canada peut jouer, c'est bien celui-là.
Le sénateur Lang : Je crois que je l'embaucherais comme vendeur, monsieur le président. Je vous le recommande.
Maintenant, en ce qui concerne les coûts du réacteur CANDU 1, j'aimerais savoir s'ils sont concurrentiels par rapport aux autres réacteurs.
M. Hawthorne : Ce qui arrive, c'est que, si les gens ont augmenté la taille des centrales, c'est simplement pour une raison économique. Le réacteur CANDU 6 est une unité de 750 mégawatts, ce qui signifie qu'il faut étaler les coûts en immobilisations sur un moins grand nombre de mégawatts. Il faut tenir compte de cela dans le calcul de la valeur de la centrale.
La raison pour laquelle les gens ne cessaient d'accroître le niveau de puissance des centrales, c'est parce que plus il y a de mégawatts pour étaler les coûts, plus le coût marginal a l'air bon.
Vous devez vous sentir à l'aise. Comme je l'ai dit, tout, dans la technologie, est une question de compromis. Je veux de l'uranium naturel. Cela signifie que je reçois une unité plus petite, et que les coûts seront peut-être un peu plus élevés. Mes coûts seront peut-être plus élevés de 10 p. 100, mais j'aurai des avantages, comme le fait que le cycle du combustible se fera à l'échelle locale, contrairement à ce qui se passerait avec un autre réacteur, pour lequel je devrais utiliser du combustible enrichi, je dépendrais de quelqu'un d'autre pour me le fournir, mais le prix serait moins élevé.
Le sénateur Peterson : Monsieur Hawthorne, votre exposé était exhaustif et détaillé. Il y a des discussions à propos de réacteurs nucléaires modulaires de 450 mégawatts auxquels il est possible de donner de l'expansion. Est-ce une solution intéressante?
M. Hawthorne : Vous avez raison. Il y a des discussions en cours. Je pense, par exemple, à l'Alberta, qui est un bon exemple. On a discuté de la possibilité d'avoir de petits réacteurs modulaires qui seraient utilisés dans les régions où la demande n'est pas importante, ou encore, dans les régions où il faut utiliser des sources locales de combustible. Les sables bitumineux constituent un bon exemple.
Certains modèles existent déjà. Aucun n'est prêt à être mis en marché aujourd'hui, mais il va de soi que ces unités offrent des possibilités. Nous avons nous-mêmes un projet de réacteur modulaire en cours avec Babcock et Wilcox. Il s'agit d'un réacteur de 125 mégawatts qui doit remplacer les anciennes centrales au charbon. Ces anciennes centrales sont généralement des centrales de 100 mégawatts. Un seul réacteur peut en remplacer une.
En ce qui concerne la réglementation, pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire et sa réglementation actuelle, tour réacteur de plus de 20 mégawatts est un réacteur de puissance. Ces centrales se verraient donc imposer un véritable fardeau avec toute cette réglementation. Elles seraient traitées comme des installations de catégorie 1, ce qui les rendrait non rentables. Cependant, à un moment ou un autre, si nous avons un petit modèle de réacteur modulaire que nous voulons proposer pour le Canada, il faudra modifier la réglementation afin de tenir compte de la réalité. Ce n'est pas nécessairement un problème.
Le président : Nous avons eu une séance des plus enrichissantes. Je ne peux trop vous dire à quel point nous sommes heureux que vous soyez venu, tout comme les représentants des associations. Nous espérons pouvoir poursuivre les discussions. Ce soir, nous n'avons fait que mettre le gros orteil à l'eau.
M. Hawthorne : Monsieur le sénateur, puis-je dire, d'abord et avant tout, merci de votre attention — mais il y a un point sur lequel j'aimerais conclure. Quelqu'un a posé une question à propos de la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Le président : C'était le sénateur Banks.
M. Hawthorne : Il n'a jamais été question de 75 millions de dollars. Je n'ai jamais été d'accord avec cela. J'ai été étonné d'apprendre ici un chiffre aussi peu élevé. Nous avons appuyé le montant de 650 millions de dollars; cela nous rendrait conformes aux autres. Nous nous attendons à ce qu'une industrie soit auto-assurée à ce sujet. Aux États-Unis, il y a un groupe d'assureurs de l'énergie nucléaire auquel nous pourrions recourir. Nous avons évoqué la possibilité que des exploitants canadiens fassent partie de ce groupe. Nous envisageons diverses façons d'y arriver.
En ce qui concerne la garantie à offrir au public, je dirai que, s'il faut offrir au public des garanties concernant la responsabilité de l'industrie, je n'ai, personnellement, aucune objection à ce que ce chiffre augmente grandement. Nous avons toujours pensé qu'il devrait être plus élevé, et il devrait l'être.
Le président : Le projet de loi fait actuellement l'objet d'amendements pour la troisième fois parce que les Parlements ont été dissous ou prorogés. Cette fois, le projet de loi sera présenté, et nous l'étudierons, mais il ne faudrait pas que le délai soit si long.
Encore une fois, merci beaucoup, monsieur.
(La séance est levée.)