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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages du 22 juin 2010


OTTAWA, le mardi 22 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 18 h 25, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement) (sujet : l'exploration et le forage pétroliers/gaziers au large des côtes du Canada : la situation actuelle des activités/règles et règlements applicables).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir tout le monde. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude de l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement. À la suite des événements désastreux survenus dans le golfe du Mexique depuis le 20 avril, nous avons suspendu notre enquête globale sur le secteur de l'énergie pour nous concentrer sur l'industrie du forage, de l'exploration et de la production au large du Canada, car nous avions appris que certaines enquêtes par sondage indiquaient que les Canadiens étaient inquiets, et qu'au moins 50 p. 100 d'entre eux estimaient qu'il devrait y avoir un moratoire sur toutes les activités de forage, d'exploration et de production au large du Canada.

Les travaux que nous avons réalisés jusqu'à présent nous ont révélé qu'aucune activité de forage ou d'exploration n'avait lieu au large de la côte Ouest du Canada, qu'il n'y a actuellement aucune activité de cette nature dans l'Arctique, bien qu'il y en ait de prévues dans cette région, et que des activités étaient en cours sur la côte Est, bien que nous n'ayons pu déterminer leur ampleur. Nous estimions important que les Canadiens soient mis au courant des faits, afin qu'ils puissent comprendre la situation et être bien conscients de...

[Français]

Le but est de s'assurer que les Canadiens soient bien informés de l'état actuel du forage et autres travaux menés au large des côtes canadiennes. C'est pourquoi nous nous sommes engagés à ce titre.

[Traduction]

Nous attendions avec fébrilité le témoignage des représentants de l'Office national de l'énergie du Canada, l'ONE, qui est le principal organisme de contrôle fédéral pour les questions liées à l'énergie, ce qui comprend certains aspects des activités extracôtières. Nous accueillons aujourd'hui le président et premier dirigeant de l'office, Gaétan Caron, qui a participé à notre étude globale sur le secteur de l'énergie, de même que Brian Nesbitt, chef technique et responsable de l'ingénierie au Secteur des opérations.

Après avoir entendu le témoignage de ces messieurs, nous entendrons des représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.

Monsieur Caron, je sais que vous souhaitez faire une déclaration, dont vous avez obligeamment communiqué le texte aux membres du comité.

M. Caron a suivi nos délibérations attentivement; il sait probablement mieux que nous-mêmes ce qui a été porté à notre connaissance jusqu'à présent.

Nous avons amorcé cette étude le 27 mai parce qu'à cette date, les Canadiens commençaient à prendre conscience de la gravité de la situation dans le golfe du Mexique et que la situation les inquiétait. Nous recevions des appels téléphoniques et des courriers électroniques; nous avons eu l'impression que la réaction était excessive, et des représentants de l'industrie ont affirmé qu'une telle réaction risquait de ramener l'industrie 20 ans en arrière.

D'un autre côté, on nous a dit que l'accident de Piper Alpha, un désastre majeur lié à une plateforme pétrolière, a fait avancer l'industrie de 20 ans, parce qu'un très grand nombre de facteurs avaient été pris en considération.

Jusqu'à présent, nous avons entendu des témoins de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et du Fonds mondial pour la nature du Canada, de même que l'honorable Christian Paradis, ministre des Ressources naturelles, et certains de ses fonctionnaires.

Nous avons également entendu des représentants de la Garde côtière canadienne et de la Société d'intervention maritime de l'Est du Canada, des représentants de Chevron, qui, comme vous le savez, procède à des opérations d'envergure dans le bassin Orphan, et des représentants de Husky Energy. La semaine dernière, nous avons accueilli des représentants d'Encana, qui exerce ses activités dans le secteur gazier.

Messieurs, nous sommes ravis de vous accueillir.

[Français]

Gaétan Caron, président et premier dirigeant, Office national de l'énergie du Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

L'Office national de l'énergie est l'organisme fédéral chargé de réglementer le forage en mer et la production de pétrole et de gaz au Canada. Nous administrons la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la LOPC, de même que le Règlement sur le forage et la production de pétrole et de gaz au Canada. Le libellé de cette loi et de ce règlement est très ferme. L'Office national de l'énergie doit prendre des décisions réglementaires et veiller à ce que les entreprises exercent leurs activités en toute sécurité et dans le respect de l'environnement.

Le 11 mai, l'office a annoncé qu'il entamait un examen des exigences relatives à la sécurité et à l'environnement pour le forage en mer dans l'Arctique. Cet examen comprend la collecte de renseignements et l'acquisition de connaissances auprès d'organisations autochtones, de résidents des collectivités de l'Arctique, d'experts techniques, de gouvernements, d'autres organismes de réglementation, de représentants de l'industrie et d'autres participants. Les résultats seront pris en compte lors de l'examen de demandes futures soumises à l'office, en vue de la réalisation d'activités de forage dans l'océan Arctique.

Cet examen nous permettra, entre autres choses, de tirer des leçons des événements survenus récemment. Nous chercherons également à obtenir les données les plus récentes sur les dangers, les risques et les mesures d'atténuation liés aux activités de forage en mer dans l'Arctique canadien. L'examen portera notamment sur le forage sécuritaire et respectueux de l'environnement, la façon d'intervenir efficacement lorsqu'un problème survient, les apprentissages et les exigences de dépôt.

[Français]

Cet examen sera public. Il sera transparent. Les personnes qui ont des préoccupations à ce sujet auront la chance de s'exprimer. L'Office national de l'énergie sera à l'écoute.

À l'heure actuelle, il n'y a pas de forage dans la mer de Beaufort. Nous n'avons reçu aucune demande de forage à cet endroit. L'ONE réglemente le forage extracôtier depuis 19 ans et n'a autorisé qu'un seul projet du genre. Le puits de pétrole Devon Paktoa C-60 a été foré sans incident dans environ 11 mètres d'eau entre décembre 2005 et mars 2006. La plateforme se trouvait à approximativement 45 kilomètres du rivage du delta du Mackenzie.

[Traduction]

Aux termes de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, les entreprises doivent obtenir une autorisation avant de réaliser un projet de forage. Aucun projet n'est approuvé tant que l'ONE n'est pas convaincu que les plans de forage de l'exploitant contiennent des mesures solides, qu'il juge satisfaisantes, en ce qui concerne la sécurité, les interventions d'urgence et la protection de l'environnement. Tous les projets autorisés par l'office doivent être sûrs pour les travailleurs, le public et l'environnement.

Les demandes concernant des projets de forage extracôtier dans la mer de Beaufort sont assujetties à un examen environnemental complet, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada. De plus, aux termes de la Convention définitive des Inuvialuit, ces demandes sont assujetties à une autre évaluation environnementale, menée par le Comité d'étude des répercussions environnementales des Inuvialuit.

L'évaluation environnementale est un processus approfondi et rigoureux, qui permet d'étudier tous les facteurs pertinents, notamment les répercussions possibles du projet ainsi que des accidents et défaillances éventuels, de même que les mesures pour prévenir, atténuer et surveiller ces répercussions.

Le président : Excusez-moi de vous interrompre ainsi, mais vous venez de parler de la mer de Beaufort, de la réglementation qui s'y applique, et de l'expérience ou du manque d'expérience qui caractérise cet endroit. Nous parlons parfois de « l'Arctique », de façon générale. Est-ce que c'est la même chose? Pouvez-vous nous expliquer la différence? Certaines personnes affirment que des activités de forage sont en cours dans l'Arctique, que tous les ours polaires se retrouveront dans des marées noires et que c'est terrible.

M. Caron : Je vous remercie pour la question. En fait, ce n'est pas la même chose. L'examen que nous avons entrepris concerne le forage dans l'Arctique; il porte donc, fondamentalement, sur toute la région de l'Arctique. La mer de Beaufort est une partie de cet ensemble, mais tout ce que nous apprendra l'examen pourra s'appliquer aux îles de l'Arctique. Nous croyons que nos résultats seront d'abord utilisés relativement au forage extracôtier dans la mer de Beaufort. C'est simplement une question d'ordre des événements. Notre objectif est de réaliser un examen exhaustif portant sur tout ce qui a trait à l'Arctique canadien.

En ce qui concerne la responsabilité et, en particulier, la responsabilité financière, les exploitants qui obtiennent une autorisation aux termes de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada ont la responsabilité première et entière de prévoir, de prévenir, d'atténuer et de gérer les accidents et les déversements de pétrole, peu importe leur ampleur ou leur durée. S'il est démontré qu'un déversement de produits pétroliers est dû à une erreur ou à la négligence de l'exploitant, ce dernier est responsable de tous les coûts et dommages. Il n'y a pas de limite au montant à payer.

Lorsqu'un déversement de produits pétroliers se produit, sans égard à la faute ou à la négligence, l'exploitant doit assumer les coûts et les dommages, jusqu'à concurrence des plafonds prévus par la Loi sur les opérations pétrolières au Canada et, dans les régions où elles s'appliquent, par la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et la Convention définitive des Inuvialuit. Dans tous les cas, la somme prescrite est d'au moins 40 millions de dollars pour toute activité autorisée dans la région extracôtière de l'Arctique.

Tous les exploitants à qui une autorisation est accordée doivent fournir une preuve de responsabilité financière. L'Office national de l'énergie détermine le montant et la forme de la responsabilité financière requise pour toute autorisation accordée en vertu de la LOPC.

Les sociétés réglementées par l'ONE ont la responsabilité première et entière de prévoir, de prévenir, d'atténuer et de gérer les accidents et les déversements de pétrole, quelle qu'en soit l'ampleur ou la durée. La loi que régit l'office exige notamment que les sociétés proposent un plan d'intervention en cas d'urgence. L'office examine ce plan avant d'autoriser quelque activité de forage que ce soit. En cas de déversement, la société est tenue d'intervenir, de gérer l'accident et de procéder au nettoyage.

Le Centre des opérations d'urgence de l'ONE, à Calgary, coordonne le personnel sur les lieux d'un accident et fournit des rapports de situation aux autres organismes fédéraux et aux organismes des différents ordres de gouvernement lorsqu'un incident se produit. L'Office national de l'énergie mène des enquêtes à la suite des accidents et il produit des rapports afin d'éviter qu'ils se répètent.

Notre programme de vérification de la conformité porte en ce moment sur les pipelines pétroliers et gaziers et le forage sur la terre ferme, étant donné qu'il n'y a pas de forage en mer à l'heure actuelle. L'ONE met en oeuvre un programme de vérification de la conformité rigoureux, pour s'assurer que les exploitants respectent tous les règlements applicables de même que les conditions particulières qu'il impose à l'égard d'un projet lorsqu'il délivre un permis. En 2009, le personnel de l'office a effectué 211 activités de vérification de la conformité pour des installations qu'il réglemente, dont neuf exercices d'urgences, quatre vérifications et 33 inspections de sécurité. En ce qui a trait au forage, toutes les plateformes doivent posséder un certificat de conformité délivré par un tiers indépendant. C'est prévu dans la réglementation.

[Français]

Si l'office n'est pas convaincu qu'un exploitant respecte ses engagements, il peut mettre un terme aux activités ou prendre en charge la gestion et le contrôle de l'intervention en cas de déversement. La loi prévoit également une amende pouvant atteindre un million de dollars, un emprisonnement maximal de cinq ans ou les deux. En outre, l'office peut suspendre ou annuler une autorisation pour non-respect des dispositions législatives, des règlements ou des conditions rattachées à l'autorisation.

L'Office national de l'énergie travaille depuis longtemps avec d'autres organismes de réglementation au Canada, notamment les deux régies extracôtières que vous avez rencontrées il y a quelques semaines, et ailleurs dans le monde. Nous profitons continuellement des occasions d'apprendre les uns des autres.

[Traduction]

Au cours des 20 dernières années, nous avons travaillé avec des organismes de mise en oeuvre des revendications territoriales, comme le Conseil de gestion du gibier des Inuvialuit, et avec les collectivités susceptibles d'être touchées par les activités de forage dans le delta du Mackenzie et la mer de Beaufort. Nous avons plus de 350 employés possédant de l'expérience, des aptitudes et des connaissances variées; cela nous permet de nous assurer que les installations que nous réglementons sont sécuritaires, sûres et exploitées d'une manière respectueuse de l'environnement.

Nous avons aussi un comité composé de professionnels et de membres indépendants qui possèdent de l'expertise dans diverses disciplines, notamment en protection de l'environnement, en droit, en économique, en génie, en géologie, en commerce et en affaires autochtones.

Nous avons appris que le Groenland compte procéder à des activités de forage de son côté de sa frontière avec le Canada. Le Groenland a des exigences en place afin que les activités extracôtières d'exploration pétrolière et gazière soient menées de manière à protéger le public et l'environnement. Il semble que la semaine dernière, le Groenland a autorisé, pour cette année, le forage de deux puits en mer dans le détroit de Davis. Nous sommes en train d'élaborer un protocole d'entente avec le Bureau des minéraux et du pétrole du Groenland, notre équivalent groenlandais. Ce protocole guidera les deux organismes de réglementation dans leur recherche d'occasions de collaborer, et d'échanger de l'information et des pratiques exemplaires en matière de sécurité et de réglementation environnementale sur les activités de forage en mer.

De plus, l'ONE et le Bureau des minéraux et du pétrole du Groenland vont déterminer de quelle manière l'ONE pourra être présent sur les plateformes de forage cet été, à titre d'observateur, à certains moments clés du processus de forage. Tout ce que l'ONE apprendra pourra ainsi être ajouté aux données recueillies dans le cadre de son examen de l'Arctique.

Le président : Nous avons lu dans les journaux, la semaine dernière ou la semaine précédente, que le ministre Prentice, notre ministre de l'Environnement, était allé au Groenland. Pouvons-nous présumer que des employés de l'ONE ou que vous-même faisiez partie de la délégation?

M. Caron : C'est bien le cas. Notre vice-présidente, Sheila Leggett, était présente à la rencontre qui a eu lieu au Groenland. C'est à cette occasion que l'idée d'un protocole d'entente a été proposée, et cette idée a rapidement été adoptée par les autorités groenlandaises et par l'ONE. En ce moment même, nous négocions les derniers détails d'un protocole d'entente que nous espérons mettre en oeuvre dans les meilleurs délais.

Le président : C'est un élément important pour notre étude. Certaines personnes ont en effet indiqué qu'il y a des courants dans le détroit de Davis et dans les régions où le Groenland procédera à des activités de forage, et qu'il pourrait donc y avoir des répercussions en territoire canadien.

Un communiqué de presse a peut-être fait suite à la visite ministérielle au Groenland, ou peut-être que non, mais je crois que les Canadiens veulent savoir ce qui a été décidé. Ne vous gênez pas pour nous donner plus de détails à ce sujet.

M. Caron : Je prends bonne note de votre intervention. C'est une des principales raisons pour lesquelles nous voulons devenir partenaires du Groenland, pour apprendre en quoi consiste son régime réglementaire, pour voir ce que nous pouvons apprendre des Groenlandais et, peut-être, ce qu'ils pourraient souhaiter apprendre de nous. Le fait d'être sur le terrain, sur les plateformes de forage, afin d'observer à certains moments clés comment procèdent les exploitants de la partie groenlandaise de cette région, représente une extraordinaire occasion d'apprentissage, et nous avons bien l'intention d'en profiter.

Le président : Les relations entre les autorités sont bonnes. Vous nous avez déjà dit, et d'autres nous l'ont dit également, qu'il existe des relations de collaboration très solides entre les organismes de réglementation du Canada et de sept ou huit autres pays qui exploitent des installations de forage en mer. Est-ce exact, et est-ce que le Groenland est du nombre?

M. Caron : C'est exact, et le Groenland est en train de se tailler une place au sein de ce groupe. Il y a la Norvège et le Royaume-Uni, et le Brésil est en voie de se doter d'un régime réglementaire semblable à celui qui est actuellement en vigueur au Canada.

Il y a donc une communauté internationale d'organismes de réglementation qui sont désireux d'apprendre les uns des autres ce qui fonctionne bien, et qui sont avides d'apprendre des autres ce qu'il faut faire lorsque les choses tournent mal. Quelles sont les mesures qui doivent être rapidement prises, lorsque les choses tournent mal, pour limiter au minimum les dommages environnementaux et les répercussions sur les collectivités?

Ce que vous venez de dire, monsieur le président, est tout à fait exact. C'est une application de la notion de gestion des connaissances, qui était à la mode il y a quelques années, aux organismes de réglementation des différents pays. C'est une bonne chose, et l'office s'affaire à apprendre de chacun, en particulier pendant les moments tragiques que nous traversons actuellement et qui nous font constater ce qui se passe vraiment lorsque le pire arrive.

Jusqu'à tout récemment, ça n'était pour moi que de la théorie. Aujourd'hui, quand on regarde la télé, on voit toute l'ampleur du désastre. Nos apprentissages nous permettront de définir des pratiques exemplaires pour établir la réglementation et pour nous assurer que les exploitants travaillent adéquatement. La situation actuelle nous permettra également d'apprendre ce qu'il faut faire quand les choses tournent mal.

Les organismes de réglementation responsables de la sécurité doivent toujours être prêts pour ces deux situations. Nous devons faire la promotion de pratiques d'exploitation sécuritaires et respectueuses de l'environnement, et nous devons également être prêts pour les rares occasions où des problèmes surviennent. En ce qui a trait à la sécurité, les organismes de réglementation ne peuvent négliger ni l'une ni l'autre de ces situations. Ils doivent toujours être prêts pour les deux éventualités.

Le président : Vous n'êtes pas les seuls à observer ce qui se passe là-bas, comme vous le dites. Quiconque allume son téléviseur et syntonise n'importe quelle chaîne de nouvelles en continu peut, encore aujourd'hui, voir l'énorme quantité de pétrole qui jaillit de la mer. Vous pouvez imaginer l'hystérie qui pourrait s'installer. C'est pour cela que nous estimons très important que le Sénat prenne l'initiative pour tâcher de dissiper la confusion, et qu'il fasse en sorte que la population se représente la situation d'une manière qui soit plus près de la réalité.

M. Caron : C'est une des principales raisons qui nous ont incités à entreprendre notre examen public du forage dans l'Arctique. Si vous permettez, j'ai presque terminé ma déclaration préliminaire. C'est exactement ce que j'allais dire, en parlant de la nécessité de rétablir les faits. Beaucoup de choses ont été dites sur l'information concernant ce qui se passe là-bas, et j'aimerais rétablir les faits relativement à certaines informations.

Je tiens avant tout à assurer aux sénateurs que le nouveau Règlement sur le forage et la production, en vigueur depuis décembre 2009, est plus solide et plus efficace que tout autre règlement établi auparavant. Il s'agit d'un règlement complet, axé sur des objectifs juridiques clairs en ce qui touche la sécurité et la protection de l'environnement. Il allie les meilleurs éléments normatifs et les meilleures exigences axées sur les buts, pour circonscrire les objectifs d'une réglementation adéquate.

L'ancien règlement représentait un système universel désuet, parfois comparé à une liste de cases à cocher. Le nouveau règlement exige que les sociétés démontrent qu'elles sont en mesure d'exercer leurs activités en toute sécurité dans des situations précises à l'aide de la technologie la plus moderne adaptée à leur cas. Il incombe aux entreprises de nous démontrer qu'elles peuvent protéger leurs travailleurs, le public et l'environnement. Si l'exploitant est incapable de démontrer cela, il ne peut pas faire de forage.

Dans leurs activités quotidiennes, les 350 employés de l'Office national de l'énergie peuvent promouvoir la sécurité et la protection de l'environnement de manière efficace grâce à l'excellente boîte à outils que le Parlement nous a donnée et qu'on appelle Loi sur les opérations pétrolières au Canada. Le Canada dispose d'un cadre de réglementation robuste et moderne pour le forage de pétrole et de gaz en mer, et nous sommes responsables de la mise en œuvre de cette loi dans l'Arctique.

Le président : En fin de compte, vous parlez de rétablir les faits et de dissiper toute confusion, mais vous ne nous avez pas dit quelles étaient ces confusions. C'est là l'une des grandes difficultés pour nous. L'Ottawa Citizen a publié une série d'articles quotidiens sur le sujet, qui disaient en quelque sorte qu'au moment où nous étions sur le point de forer les eaux les plus profondes au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, le Canada s'est relâché.

Je crois que c'est l'une des confusions. Je vous mets sur la sellette, parce que je crois que vous aviez un titre, soit « pour mettre les choses au clair ».

M. Caron : J'utilise un langage positif pour demeurer positif. Le fait est que le règlement qui est en vigueur actuellement est plus rigoureux; il n'est pas plus souple. Ce n'est plus le genre de règlement qu'on trouvait il y a plusieurs années — une liste de cases à cocher où on codifie dans un règlement des éléments très prescriptifs qui correspondent très bien à des solutions passées, qui se rapportent à des circonstances pouvant ou non s'appliquer à la situation que l'organisme de réglementation doit régler.

L'océan Arctique n'est ni le golfe du Mexique ni le golfe du Saint-Laurent. Un organisme de réglementation assujetti à une liste de cases à cocher se voit dans l'obligation d'appliquer les solutions du passé. En tant qu'organisme de réglementation moderne — comme la Norvège, le Royaume-Uni et beaucoup d'autres — , le mouvement est clair.

Les agences de réglementation les plus modernes au monde progressent vers une réglementation rigoureuse qui tient l'industrie responsable de l'atteinte de résultats précis. Il y a une certaine latitude quant aux moyens d'atteindre les résultats — une certaine latitude, mais pas une pleine latitude.

Je qualifierais notre régime de réglementation axée sur les objectifs, c'est-à-dire que le règlement regroupe des dispositions et des éléments prescriptifs qui précisent le résultat avec une certaine latitude. Voici un exemple d'exigences prescriptives. Pour calculer l'épaisseur du mur d'une pipeline connectée à une plateforme qui se trouve au large des côtes, la CSA, l'Association canadienne de normalisation, prévoit un code d'équation linéaire de premier degré qui précise exactement l'épaisseur du mur des conduites qu'on peut installer pour transporter le gaz ou le pétrole.

Cela fait partie de notre règlement. Nous englobons, à titre de référence, les normes de la CSA. Ce sont des éléments très prescriptifs. Cela s'applique lorsqu'il faut adapter les exigences prescriptives et lorsque nous ne voulons pas donner de latitude aux exploitants.

Dans d'autres cas, nous exigeons la soumission d'un plan de sécurité qui démontre comment on assurera la sécurité des travailleurs, puis nous avons une série d'exigences qui donnent une certaine orientation aux exploitants quant à ce que nous recherchons. Cependant, il leur incombe de démontrer qu'ils peuvent faire en sorte que les travailleurs pourront rentrer à la maison après leur quart de travail sur la plateforme de manière sécuritaire et qu'ils continueront à profiter de la vie.

C'est la fin de ma déclaration préliminaire.

Le président : Merci. Monsieur Nesbitt, aimeriez-vous dire quelques mots ou si vous êtes ici pour appuyer votre chef pendant la période de questions?

Brian Nesbitt, chef technique, Ingénierie, Secteur des opérations, Office national de l'énergie : Oui, je suis ici pour appuyer le chef. Je n'ai rien à ajouter.

Le président : Le sénateur Lang est le premier à poser des questions ce soir.

Le sénateur Lang : Merci, monsieur le président, et merci d'être ici ce soir et d'être patients, car nous avons commencé un peu plus tard que prévu, évidemment.

Vous avez fait référence à votre nouveau règlement sur le forage et la production. Le règlement concernant le forage en mer et la production est-il le même qui existe pour les activités au large des côtes de Terre-Neuve?

M. Caron : Techniquement, ils sont différents quant à la définition de l'office, mais le contenu est identique.

Le sénateur Lang : Les détails sont identiques. Je vais commencer par ce qui se passe actuellement dans le golfe, et vous et le président en avez évidemment parlé, et ça revient à ce qu'on a autorisé comme forage dans cette région et au bloc obturateur de puits dont toutes les parties concernées ont discuté. La plateforme qui connaît des difficultés actuellement était munie d'une mâchoire de sécurité à fermeture totale et à cisaillement, contrairement à d'autres qui devaient être munies d'une double mâchoire de sécurité à fermeture totale et à cisaillement, de sorte qu'il y aurait un autre élément de sécurité qui pourrait être utilisé au besoin.

À Beaufort et à Terre-Neuve, compte tenu du nouveau règlement sur le forage et la production, est-ce que toutes les plateformes en eaux profondes devront être munies d'une double mâchoire de sécurité à fermeture totale et à cisaillement?

M. Caron : Le règlement est clair : il doit y avoir un niveau de redondance, alors la réponse générale à votre question est oui.

Pour ce qui est de la configuration précise d'un bloc obturateur de puits dans un environnement Arctique, il incomberait à l'industrie de préciser dans sa demande ce qu'elle a mis en place en ce qui concerne le niveau de redondance. De ce fait, vous pouvez vous attendre à ce que notre première question porte sur ce qu'elle a appris de la configuration qui était en place dans le golfe du Mexique le 20 avril 2010.

Je vais demander à M. Nesbitt de vous en dire plus sur les aspects techniques de la configuration qui pourraient s'appliquer à votre question. Vous vous demandez dans quelle mesure la configuration physique observée aujourd'hui au fond du golfe du Mexique sera la même dans l'océan Arctique et pourrait être autorisée par l'ONE.

Le sénateur Lang : Et à Terre-Neuve parce que c'est une seule et même chose.

M. Caron : Nous ne pouvons pas parler en leur nom, mais vous pouvez vous attendre à des concepts comparables dans la mise en œuvre du même règlement.

M. Nesbitt : En soi, le règlement sur le forage ne prévoit pas d'exigences précises sur la façon d'assembler votre BOP — bloc obturateur de puits —, le nombre d'éléments qui le composent ou même les types de BOP. L'entreprise doit déterminer quels sont les risques et définir des mesures d'atténuation à l'égard de ces risques. Donc, si on prend la situation dans l'Arctique, l'entreprise devrait arriver à une solution concernant le BOP ainsi qu'à une barrière adéquate. Elle devrait nous démontrer que la solution est efficace et qu'elle n'est pas simplement moindrement efficace. Je cite l'article 19 du règlement sur le forage :

L'exploitant doit prendre toutes les mesures voulues pour assurer la sécurité et la protection de l'environnement.

Cela signifie qu'ils sont tenus d'aller un peu plus loin. Ils ne doivent pas simplement atteindre un niveau de sécurité donné. Ils examinent toutes les options d'atténuation, et même d'autres options, et ils étudient le caractère raisonnable de l'option choisie, puis l'appliquent. Ils ne feraient pas que prendre un bloc obturateur de puits standard sur une étagère. Ils auraient à trouver celui qui convient précisément.

M. Caron : J'ajouterais que si je considère comme un fait avéré ce que je lis dans les médias, ce n'est pas quelque chose que l'office autorisera.

En tant qu'organisme de réglementation en matière de sécurité, nous devrons faire preuve de diligence, c'est-à-dire que lorsque nous évaluons une situation, nous l'évaluons comme un enquêteur en matière de sécurité le ferait, à la lumière des éléments de preuve fournis. Actuellement, nous ne savons pas à quoi ressemble le matériel au fond du golfe du Mexique. Nous n'avons pas vu les témoignages des témoins, les déclarations des témoins. Un enquêteur sur les accidents doit éviter d'émettre des hypothèses sur la cause d'un accident, parce que si on commence à émettre des hypothèses, on se ferme à l'idée de ce qui a pu causer l'accident. Si les rapports sont exacts, et ils le sont peut-être, ce n'est pas une situation que l'office autoriserait.

Le sénateur Lang : Cela nous ramène à la base de la question, et à la tranquillité d'esprit que recherchent les Canadiens quant au niveau minimum requis lorsque nous procéderons à ce forage en mer, surtout en eaux profondes. Il est clair qu'à une certaine époque, les plateformes étaient munies de mâchoires de sécurité à fermeture totale et à cisaillement, et qu'elles sont maintenant munies de doubles mâchoires de sécurité à fermeture totale et à cisaillement. Est-ce là un minimum pour nos activités de forage en mer à Terre-Neuve ou, si ça se concrétise, dans l'Arctique?

M. Caron : Ce que vous décrivez comme étant le minimum n'a pas fonctionné, alors le minimum est supérieur. Des éléments de preuve nous indiquent que la configuration qu'il y avait dans le golfe du Mexique en ce qui concerne cet accident en particulier n'était pas à sûreté intégrée.

Le sénateur Lang : Je suis d'accord. Il n'y a aucun doute : elle n'était pas à sûreté intégrée.

M. Caron : Notre minimum est supérieur, monsieur le sénateur.

Le sénateur Lang : Nous essayons d'en arriver à examiner la façon dont nous pouvons aider les Canadiens à avoir une tranquillité d'esprit et faire en sorte que l'industrie pétrolière en mer poursuive ses activités avec succès. Il est clair que, dans le golfe, il aurait dû y avoir au minimum une double mâchoire de sécurité à fermeture totale et à cisaillement, mais ce n'était pas le cas. Qui mettra en œuvre cette pratique et veillera à son application, et qui s'assurera que c'est un minimum de notre point de vue?

M. Caron : L'Office national de l'énergie n'autorise que les activités de forage qui répondent aux exigences lues par M. Nesbitt, et il doit rendre des comptes aux Canadiens à ce sujet. Il s'agit d'énoncés de résultats, mais l'office aura l'obligation de se pencher là-dessus. Quand nous aurons les faits, qu'on aura récupéré les pièces de métal qui se trouvent au fond de l'océan et que nous aurons accès aux déclarations des témoins de l'accident qui se trouvaient sur la plateforme, nous aurons l'obligation de déterminer ce qui s'est passé. Tout ce que nous pouvons faire est émettre des hypothèses et nous ne le savons pas. Jusqu'à ce que nous le sachions, nous ne savons pas quel niveau d'exigences additionnelles nous imposerons, mais nous ferons mieux que ce que vous avez vu.

La question est la suivante : quelle est l'autre définition du pire des scénarios? Nous ne le savons pas encore. Notre examen public des exigences dans l'Arctique consiste à recueillir les meilleures connaissances du monde par rapport à cette question, car si les choses tournent mal dans l'océan Arctique, les enjeux sont trop élevés pour ne pas continuer les efforts que nous avons commencé à déployer en mettant sur pied l'examen public.

Le sénateur Lang : Je comprends le fait que l'examen est en cours. Vous pourriez peut-être nous dire combien de temps cette enquête prendra.

J'ai une autre question concernant l'intervention à la suite d'un déversement de pétrole. D'autres témoins nous ont dit qu'ils n'avaient jamais vraiment assisté à une démonstration d'un plan d'intervention de troisième niveau pour voir s'il fonctionnerait en cas d'urgence.

À la lumière de ce qui s'est passé dans le golfe du Mexique, exigerons-nous que lorsque l'exploitant présente un plan, il doit, au mieux de ses capacités, faire la preuve que le plan répond à ce que l'ONE aimerait voir pour être en mesure de faire face à une catastrophe comme celle dans le golfe?

M. Caron : Le 11e sujet de notre examen public concerne le respect des exigences. Nous écouterons les spécialistes. Nous écouterons les communautés de l'Arctique et nous déciderons, après avoir entendu tout le monde dans la mesure, comme vous l'avez dit, de nos capacités, ce qu'il nous faut pour prévoir le pire des scénarios, et nous tiendrons un exercice sur le terrain afin de pratiquer les compétences et les comportements requis pour intervenir dans ce scénario de la pire éventualité. D'ici à ce que l'examen soit terminé, d'ici à ce que nous entendions les communautés de l'Arctique, c'est une question sans réponse.

Monsieur le sénateur, l'examen prendra autant de temps qu'il le faut pour bien le faire. Les gens ont jusqu'au 16 juillet pour manifester leur intérêt à prendre part à l'examen, et nous avons établi une version préliminaire de l'étendue de l'examen, alors nous accueillerons les commentaires sur l'étendue jusqu'à cette date. L'office en entier est mobilisé. Les 11 membres de l'office travaillent tous à l'examen. Lorsque l'office aura défini l'étendue, nous l'examinerons alors d'un point de vue de gestion de projet pour déterminer dans quelles communautés nous nous rendrons ainsi que la forme que prendra l'examen. Une partie sera informelle; une partie sera scientifique. Je rappelle la durée : l'examen prendra le temps qu'il faut pour bien le faire.

Le sénateur Neufeld : Merci d'être des nôtres aujourd'hui.

J'aimerais poursuivre un peu dans la lignée des questions posées par le sénateur Lang. Je ne suis pas certain d'être à l'aise avec la réponse concernant les BOP. Je comprends que tout le monde écoutera les renseignements factuels qui seront donnés sur ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique. Je comprends également qu'un changement de cette ampleur ne se produira pas d'ici quelques jours, ni dans un an, ni probablement dans deux ans. Cela prendra beaucoup de temps.

J'imagine que ce dont a parlé le sénateur Lang n'est pas un secret, c'est vrai. Il y avait un ensemble de rampes sous le seuil. Si nous forons dans l'Arctique, les conditions sont différentes en raison de la glace et de l'incapacité de forer parfois en plein hiver. C'est un peu différent du fait d'aller dans le golfe du Mexique. Vous le comprenez aussi bien que moi. J'habite dans le Nord; je sais qu'il est plus difficile d'aller dans l'Arctique que dans le golfe du Mexique. Ne devrions-nous pas prendre des précautions supplémentaires à l'avance, sans attendre les rapports sur ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique? Je ne dis pas que nous ne devrions pas y répondre, mais ne devrions-nous pas les devancer un peu avec certains éléments que nous mettrions en place au Canada et dire qu'il y a d'autres redondances, qu'il y a la boue et le ciment? Je comprends cela. Puis, il y a les BOP et une série de rampes. Peut-être que nous devrions songer à installer deux ou trois séries de rampes simplement en raison de l'environnement hostile dans le Nord comparé au golfe du Mexique. Le golfe du Mexique connaît des ouragans, ce que nous n'avons pas, mais je ne peux pas imaginer que nous ne songerions pas automatiquement à cela. Je crois qu'il faut être un peu prescriptif à l'occasion. Je ne crois pas qu'il faille simplement écouter l'industrie et croire que c'est satisfaisant pour nous.

Je pense que nous en entendons parler un peu dans le golfe. Pourquoi ne ferions-nous pas cet effort supplémentaire maintenant et ne ferions-nous pas une partie du travail à l'avance? Je sais qu'il y a une multitude d'autres choses, mais il y a une chose que nous pouvons faire. Le forage à la boue et la cimentation sont deux redondances avant d'arriver aux BOP. Est-ce que nous le faisons? La réponse que vous avez donnée au sénateur Lang ne m'a pas donné l'assurance que nous y songeons sérieusement. Je crois que nous devrions faire cela si nous allons forer dans la mer de Beaufort. Pourriez-vous me rassurer, s'il vous plaît?

M. Caron : Je vous remercie de la question et je vais vous donner l'assurance que vous cherchez : c'est exactement ce que nous faisons. Nous serons proactifs et adopterons une approche préventive. La célèbre question du risque est la suivante : la probabilité multipliée par la conséquence donne l'incidence. Même si quelqu'un pouvait laisser entendre que la probabilité d'un incident dans l'océan Arctique est faible, lorsqu'on multiplie une faible probabilité par une conséquence très élevée, on doit arriver à un résultat qui est acceptable pour la société. Cela nécessite de faire exactement ce que vous proposez, monsieur le sénateur.

Nous ne proposons pas d'attendre jusqu'à ce que toutes les enquêtes dans le golfe du Mexique soient terminées, car elles ne le seront probablement que dans 10 ans. Les meilleurs éléments à retenir seront connus environ six mois après qu'on aura été en mesure d'arrêter la fuite. Je présume que dans six mois, lorsque les gens auront pu prendre une pause et auront cessé d'accorder la priorité au colmatage de la fuite, ils pourront parler de ce qui s'est produit quand ils ont remonté les pièces d'équipement mécanique à la surface. Quand ils commenceront à les analyser, comme notre Bureau de la sécurité des transports le fait pour des pièces d'avion après un accident, cela se produira. Ça prendra beaucoup de temps et nous n'avons pas besoin d'attendre après cela.

Nous avons des connaissances avancées au Canada. Jusqu'à ce jour, nous avons foré 89 puits sous-marins dans la mer de Beaufort. Nous possédons déjà de vastes connaissances sur les répercussions environnementales en eaux peu profondes. Nous n'en avons pas en eaux profondes, mais nous avons ça. Nous savons à quoi ressemble un dispositif à sûreté intégrée lorsqu'il ne fonctionne pas. Nous pouvons mettre en application notre talent en ingénierie dès maintenant et concevoir un BOP ou un meilleur dispositif qu'un bloc obturateur de puits et qui fonctionnerait bien, ou un dispositif qui selon nous, en fonction de nos calculs, fonctionnera.

Notre examen est ce qui nous motive à obtenir ces connaissances. Nos besoins en matière de renseignements découleront de cet examen. Si vous voulez convaincre l'ONE que vous devez forer dans l'océan Arctique, alors c'est ce que vous devez fournir. Certains éléments seront très prescriptifs; certains prendront la forme d'objectifs. J'espère que cela vous rassure, monsieur le sénateur, parce que je crois que vos réflexions vont dans le même sens que les nôtres.

Le sénateur Neufeld : Je me sens mieux de savoir que nous serons proactifs à cet égard. Si le fait d'installer des doubles mâchoires de sécurité à fermeture totale et à cisaillement sur les BOP est la dernière chose que vous pouvez faire, alors ça me rassure. Il y a des choses que nous pouvons faire à part installer des blocs obturateurs de puits, comme vous l'avez dit. L'autre élément est la boue de forage et la cimentation. Ce sont des choses qui me viennent à l'esprit. Dans ma courte expérience, ces choses me disent qu'il faut les examiner sérieusement.

Comme vous l'avez dit, il y a 89 puits sous-marins dans les eaux peu profondes de la mer de Beaufort. Y a-t-il quatre, cinq ou 10 000 puits dans le golfe du Mexique? S'il y avait un déversement dans l'Arctique, même un tout petit, cela mettrait fin à l'industrie dans l'Arctique. Nous ne voulons pas que ça arrive, non seulement pour cette raison, mais pour les dommages que cela causerait à l'environnement. Je sais que vous êtes très soucieux de l'environnement.

J'aimerais parler de nettoyage — et le sénateur Lang en a également parlé — si, Dieu nous en préserve, il y avait un déversement. Moi aussi, je lis les journaux. Je ne crois pas toujours tout ce qui y est écrit, mais parfois, lorsqu'on lit entre les lignes, on y trouve une parcelle de vérité. Mon expérience à terre s'avère positive, mais qui commande en réalité? Qui dit ce qui arrivera? On nous a donné des renseignements contradictoires. Dans le golfe du Mexique, la garde côtière fait des choses qui ne sont pas utiles, comme demander qu'on inspecte les navires avant d'aller en mer pour récupérer le pétrole. Parfois, il faut se rendre sur place et faire le travail.

J'aimerais que vous me rassuriez et que vous rassuriez les Canadiens, au moyen de cette audience, et que vous me disiez qu'il y a quelqu'un qui tient les commandes. Nous comprenons que l'industrie, à ses yeux, tient les commandes. La garde côtière a dit des choses différentes, puis il y a l'ONE, Environnement Canada et le MPO, le ministère des Pêches et des Océans. Il y a probablement 50 autres organisations et groupes. Qui a le contrôle? Qui dit : « Voici ce que nous allons faire »?

M. Caron : La réponse est très claire : l'Office national de l'énergie est la seule autorité responsable du point de vue du gouvernement qui peut dire ce qui va se passer.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, nous avons carrément le pouvoir de prendre en charge la gestion d'une exploitation, au besoin. Notre stratégie, au bout du compte, consiste à exiger que l'industrie s'occupe du déversement de sorte que si un déversement s'est produit, ce qui est improbable, et qu'on le multiplie par la conséquence — et c'est une tâche énorme —, nous nous attendons à ce que l'industrie s'occupe du déversement en entier. Nous savons qu'en cas d'urgence, tout le monde veut aider.

Même entre les entreprises, l'esprit de compétition disparaît en situation d'urgence. Nous pouvons le constater actuellement dans le golfe du Mexique, où le Canada et tout le monde veulent aider. L'ONE tiendra l'industrie responsable du nettoyage du déversement. L'ONE est l'autorité chargée de coordonner tous les échanges entre les agences fédérales. Avez-vous déjà entendu parler des équipes régionales d'intervention d'urgence où la garde côtière entrepose de l'équipement? L'ONE est la salle de contrôle des urgences en cas d'urgence. Tout le monde se pratique depuis des années. Nous allons augmenter les pratiques. L'ONE sera l'autorité responsable et toutes les informations entreront dans cette salle de contrôle et en sortiront. Au besoin, nous prendrons le contrôle des actions de l'exploitant. J'ai été aussi bref que possible. J'espère que c'était là l'objet de votre question.

Le sénateur Neufeld : Oui. Vous avez dit, si j'ai bien compris, que le MPO et la Garde côtière font ce que leur demande l'Office national de l'énergie. Ils ne prennent pas le contrôle des opérations. Ils ne décident pas des mesures à prendre. Ils travaillent en collaboration avec l'ONE sous la direction de l'ONE. Est-ce bien cela?

M. Caron : Oui. Nous avons connu des déversements de faible ou de moyenne ampleur le long des oléoducs. Lorsqu'il y a une situation d'urgence, les gens aiment bien savoir que quelqu'un prend les choses en main. L'ONE est toujours prêt à le faire. Il n'y a pas de lutte de pouvoir, parce que les gens veulent que nous intervenions. Au lieu de commander, nous aidons les intervenants à collaborer et à obtenir les résultats souhaités. Nous nous acquittons bien de cette tâche. Nous l'avons constaté dans les mesures que nous avons prises lorsqu'il y a eu des incidents concernant des oléoducs et nous le constaterions, même si cela est très peu probable, si de tels incidents se produisaient dans l'océan Arctique.

Le sénateur Neufeld : Vous dites que vous avez lu les comptes rendus du comité.

M. Caron : Je les ai tous lus, sénateur.

Le sénateur Neufeld : Voilà qui est excellent. J'en suis heureux.

Le président : Ils ont suivi votre témoignage, sénateur.

Le sénateur Neufeld : C'est un peu une blague. Il me demande de temps en temps de prêter serment et jusqu'ici, j'ai toujours refusé.

Nous devons produire un rapport sur cette question et nous voulons bien faire les choses. Comme je l'ai dit, le nettoyage, les responsabilités dans ce domaine et les normes ont soulevé de vives préoccupations.

Avez-vous trouvé dans nos comptes rendus des mesures que le comité pourrait recommander? Y a-t-il quelque chose qui vous a particulièrement frappé?

Je vais vous donner un exemple de signal d'alarme, autre que les sujets dont nous avons parlé plus tôt : les équipes de nettoyage sur la côte Est, pas dans la mer de Beaufort.

Le président : C'est la Société d'intervention maritime de la côte Est.

Le sénateur Neufeld : Elle appartient entièrement au secteur du pétrole et du gaz. C'est du moins ce que les témoins nous ont dit.

Le président : Correction : C'est la Société d'intervention maritime, Est du Canada, SIMEC.

Le sénateur Neufeld : La SIMEC appartient à un certain nombre de sociétés pétrolières. Cela me semble indiquer que les compagnies pétrolières ont préparé ensemble un plan et que la société de nettoyage, dont elles sont les seules propriétaires, fait ce qu'on lui demande, et l'Office national de l'énergie accepte ce plan. Je serais plus rassuré s'il y avait un genre de pare-feu ou si quelqu'un d'autre était propriétaire de l'équipe d'intervention — sans que ce soit non plus le gouvernement. Si un membre de l'équipe de nettoyage pense que cet arrangement n'est pas tout à fait satisfaisant, il devrait pouvoir le dire sans crainte. Autrement, il critiquerait les propriétaires de la société qui est propriétaire des navires de forage et des installations extracôtières.

C'est là un petit signal d'alarme. Avez-vous trouvé autre chose, ou suis-je en train de chercher quelque chose qui n'existe pas?

M. Caron : Non, je suis très bien votre raisonnement, sénateur. Je vais répondre à votre question dans quelques secondes au sujet des recommandations que M. Nesbitt et moi pourrions souhaiter faire. Je mets ça de côté.

Pour ce qui est de la question concernant la pertinence de la création d'une version nordique de la SIMEC, je suis un peu déchiré parce qu'il paraît juste de demander à l'industrie d'assumer le coût du nettoyage après un déversement. Je ne crois pas que les Canadiens en général devraient s'attendre à autre chose.

Le sénateur Neufeld : Comprenez-moi bien...

M. Caron : Je sais. La SIMEC est une réponse de l'industrie qui a pour but de constituer un fonds commun. Une partie de ces fonds proviennent du secteur de la navigation maritime, un domaine que je ne connais pas très bien. L'idée que l'industrie mette des fonds de côté, aux termes d'une loi ou autrement, pour un usage ultérieur ne me gêne pas à proprement parler.

Je comprends pourquoi il semble que l'organisme de réglementation se contente des affirmations de l'industrie selon lesquelles elle aura un plan qui devrait fonctionner. Ce n'est pas de cette façon que la chose est présentée, mais c'est ainsi qu'elle est perçue. Si je pouvais faire une recommandation pour le rapport du comité, elle toucherait un point connexe, sénateur. Il y a eu quelques discussions dans les médias qui étaient favorables à ce qu'un organisme de réglementation comme l'ONE s'occupe uniquement de sécurité et de protection de l'environnement. Le MMS, Minerals Management Service, s'occupait de ces choses, mais tenait également compte des aspects et des avantages commerciaux pour les Américains. Récemment, nous avons constaté que l'administration avait décidé de scinder le MMS en plusieurs divisions, dont une aura une mission comparable à celle de l'ONE aujourd'hui.

Les sénateurs savent certainement mieux que moi s'il est fréquent qu'une loi contienne un énoncé d'objet. L'article 2.1 de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada énonce que l'ONE doit axer son action sur un nombre limité d'objets : la sécurité, la protection de l'environnement et la rationalisation de l'exploitation des ressources. Ce sont là tous des objets qui reflètent l'intérêt public.

Si vous envisagez de modifier, par voie législative, cette notion de mandat uniquement axée sur la sécurité, je vous invite à bien y penser, parce que s'il existe plusieurs façons de faire les choses, l'ONE est l'autorité suprême en matière d'intervention en cas de déversement. En tant qu'organisme responsable, c'est nous qui parlons à l'exploitant et qui lui demandons de nous décrire son plan d'urgence et de nous expliquer les raisons pour lesquelles il est efficace, et c'est nous qui procédons à des vérifications pour nous assurer que, le moment venu, l'exploitant disposera des ressources financières, humaines et matérielles qui lui permettront d'intervenir rapidement. C'est notre seule mission et tout le reste, c'est-à-dire les concessions et ce genre de choses, relève de quelqu'un d'autre. L'office s'acquitte très bien de cette fonction parce qu'il s'agit d'un rôle qui est uniquement axé sur la sécurité, l'environnement et la réglementation. Si vous modifiez cette structure par voie législative, je vous invite à bien examiner les avantages qu'offre la situation actuelle.

Le sénateur Banks : Messieurs, merci d'être venus.

Je comprends que vous êtes responsables de ces questions et que c'est vous qui décidez ce qui va se passer avec le forage extracôtier dans l'Arctique, mais pas sur la côte Est. Est-ce exact?

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Banks : Il y a deux sites au large de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Seriez-vous également responsable si le moratoire imposé au forage au large de la côte Ouest était levé?

M. Caron : C'est exact. La côte Ouest, le golfe du Saint-Laurent, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest, le transfert au Yukon d'attributions extracôtières, je crois, s'applique aux activités côtières. Ce sont des responsabilités fédérales.

Le sénateur Banks : Le transfert d'attributions au Yukon supprime...

M. Caron : ... pour ce qui est des activités côtières, je crois. Il est évident que l'ONE est responsable des activités extracôtières.

Le sénateur Banks : Oui, sauf pour les activités extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse.

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Banks : Vous dites que les plateformes de forage sont les mêmes dans ces différents endroits. Corrigez- moi si je me trompe, mais il me paraît évident qu'un accident qui surviendrait dans l'Arctique serait non seulement différent, peut-on penser, mais qu'il serait considérablement plus difficile d'intervenir à cause du terrain et de l'environnement général. Les répercussions seraient d'une bien plus grande envergure. Les conséquences pourraient être d'un ordre de grandeur tout à fait différent; c'est du moins ma perception. Ai-je raison ou tort sur ce point? Si j'ai raison, est-il normal que les plateformes de forage soient les mêmes? Est-ce que ce que je dis est cohérent?

M. Caron : Votre analyse est tout à fait correcte. Lorsque nous évaluons les dangers et les risques associés à un forage, il y a des aspects communs — par exemple, la profondeur de l'eau à l'endroit où on descend la tête de forage pour atteindre le fond de la mer. Il y a des choses qui sont très différentes.

Par exemple, au large de la côte Est, au large de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, je dirais que les vagues jouent un rôle beaucoup plus important que dans l'océan Arctique où les vagues sont habituellement de moindre amplitude. Dans le Nord, il n'y a pas d'inquiétude quant aux icebergs, mais il y a beaucoup de glace, dont une partie est permanente et une autre atteint la côte rapidement. Il y a toutes sortes de glace.

Le sénateur Banks : La seule pensée qu'il puisse y avoir du pétrole au-dessus de l'eau, mais sous la glace est une complication que vous ne voulez même pas envisager.

M. Caron : Vous avez tout à fait raison. Le nouveau règlement que nous avons est conforme à ce que font la plupart des organismes de réglementation de pointe du monde entier, y compris la Norvège et le Groenland, qui évoluent dans la même direction, tout comme le Royaume-Uni. Il y a beaucoup de gens qui ont adopté comme principe de combiner les meilleures exigences en matière de forage, comme l'épaisseur de la paroi et l'équation linéaire, mais qui n'ont pas le temps de calculer la quantité d'acier que doit contenir la paroi pour respecter les exigences de l'ONE, de la Norvège ou d'autres pays. L'exploitant doit démontrer qu'il connaît les dangers et les risques du forage dans cet endroit particulier.

Je suis satisfait de l'idée voulant que les règlements que nous administrons aujourd'hui pour le compte du Parlement aux termes de la LOPC sont solides parce qu'ils nous accordent la souplesse dont nous avons besoin pour permettre l'innovation, répondre aux conditions uniques qui existent dans le Nord, et obliger l'industrie à rendre des comptes relativement à des résultats précis. Les anciens règlements permettaient de le faire; ils n'étaient pas mauvais, mais ils reflétaient la façon dont nous nous attaquions à ces problèmes auparavant.

Le sénateur Banks : Ils sont maintenant meilleurs.

M. Caron : En 19 ans, nous n'avons eu qu'un puits dans la mer de Beaufort. Si je me basais sur le coût d'un puits en 19 ans, je pourrais remonter aux années 1970 ou 1980 jusqu'en 1989, mais là encore, on parle de la technologie des années 1960 et 1970.

Je préfère de beaucoup un régime de réglementation qui permet à l'organisme de réglementation de tenir compte de la situation, de tenir compte des dangers et des risques particuliers ainsi que du dossier de l'exploitant en matière de sécurité. Les antécédents de l'exploitant sont un facteur qui influe sur la fréquence de nos inspections et de nos vérifications.

Nous disposons de beaucoup de renseignements au sujet des pipelines, de sorte que nos inspections dans ce domaine peuvent être ciblées. Pour ce qui est des activités extracôtières, avec éventuellement davantage de puits, nous obtiendrons également des renseignements quant à leur rendement. Tant que nous n'aurons pas ces données, nous traiterons tout le monde de la même façon.

Je vous ai donné une longue réponse, mais en bref, je peux vous dire que nous sommes bien placés pour obliger l'industrie à rendre compte des résultats. Votre comité et l'Office national de l'énergie ont les moyens d'obliger ces gens à faire ce qu'ils ont dit qu'ils feraient.

Le sénateur Banks : Ai-je raison de penser — et veuillez me corriger si ce n'est pas le cas — que les accidents que nous avons connus dans le passé — nous n'avons pas connu d'accidents qui ressemblent, même de loin, à celui du golfe, mais nous avons déjà connu quelques petites éruptions — étaient causés par d'autres types de problème? Ces accidents n'étaient pas associés au fait que la maîtresse-tige, qui va de la surface au fond de la mer, s'était brisée, était tombée et s'était tordue, ou s'était elle-même perforée. Cela ne s'est pas produit auparavant et il est très possible que même si ce genre de situation ne s'est pas produit au niveau de l'installation de forage — c'est-à-dire que la maîtresse- tige ne s'est pas séparée de la structure et n'est pas tombée —, l'obturateur anti-éruption aurait évité un déversement.

Est-ce que vous tenez maintenant compte de cette possibilité? Est-ce le genre de chose qui vous a permis de retenir des leçons? Une nouvelle possibilité qu'il convient désormais d'examiner alors que ce n'était pas nécessaire auparavant parce que ce n'était jamais arrivé?

M. Caron : Je vais demander dans un moment à M. Nesbitt de vous parler davantage des accidents passés, non pas au Canada, parce que, comme vous l'avez dit, nous n'en avons pas eu beaucoup. Cependant, nous avons observé un accident survenu en Australie en 2009, et il est possible que M. Nesbitt s'en souvienne très bien. Il va pouvoir vous décrire la situation et vous dire s'il s'agissait d'un problème de tige entre le fond de l'océan et la plateforme de forage.

Pour ce qui est de répondre à votre question, je dirais que oui, il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'un fait nouveau. Nous savons ce que peut occasionner ce genre de scénario de la pire éventualité et nous avons l'obligation, en qualité d'organisme de réglementation en matière de sécurité et d'environnement, de déterminer ce qui s'est passé.

Le sénateur Banks : Ce qui s'est passé n'était pas un problème de puits, c'était un problème d'installation de forage. C'est là que tout a démarré.

M. Caron : Oui. Comme toute catastrophe, c'est une combinaison de choses très peu probables qui se sont ajoutées les unes aux autres. Vous demandez comment cela s'est produit. Une faible probabilité multipliée par une faible probabilité ne donne pas un événement impossible. Il y a des gens qui gagnent 50 millions de dollars. Il y a une chance sur tant de millions que ça se produise, mais il y en a une. C'est la même chose qui s'est produite dans le golfe. C'est pourquoi nous, en tant qu'organisme de réglementation, devons être prêts dans le cas où un événement très peu probable se produisait, et nous devons être en mesure de nous rendre immédiatement sur les lieux et de réduire les pertes à un niveau qui soit acceptable pour la société.

J'aimerais que M. Nesbitt vous raconte d'autres souvenirs qu'il a des accidents qui se sont produits ailleurs dans le monde et qui peuvent ressembler, en partie du moins, à ce que nous avons observé dans le golfe du Mexique.

M. Nesbitt : L'accident qui s'est produit en Australie est également attribuable à une perte de contrôle du puits. Les barrières n'avaient pas fonctionné, le ciment avait cédé et, bien évidemment, les obturateurs anti-éruption n'avaient pas fonctionné comme ils l'espéraient, comme cela s'est passé dans le golfe du Mexique. Le problème provenait des dispositifs de sécurité que nous plaçons en profondeur pour contrôler les puits et éviter les pertes de contrôle. Lorsqu'aucun de ces dispositifs ne fonctionne, on se retrouve avec du pétrole dans le ciel ou sur l'océan. Notre régime est axé sur la mise en place de ces dispositifs de sécurité en profondeur.

Je sais que cela vous inquiète, et j'ai entendu parler ici de la possibilité d'établir des exigences minimales et du pouvoir discrétionnaire au sujet d'exigences prescriptives ou objectives. Je crois que le fonctionnement de ce régime n'est pas très bien compris. Ce qui se passerait avec cet ensemble de règlements et ce régime de réglementation, et la raison pour laquelle je pense qu'il est préférable à ce qui existait avant, c'est que les exigences minimales peuvent être relevées en fonction des circonstances. Nous n'établissons pas des exigences minimales en nous attendant à en rester là. Les sociétés ont tendance à croire que c'est tout ce qu'elles ont à faire. Elles n'examinent pas la situation pour savoir jusqu'à quel point elle pourrait s'aggraver et où se situeraient les exigences minimales.

Avec notre régime, lorsque la situation est complexe, les exigences minimales sont plus élevées. Par conséquent, cela répond à votre question initiale concernant la façon dont une série de règlements peut s'appliquer à l'Arctique tout aussi bien qu'au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils sont structurés de façon à imposer à la société l'obligation d'établir la nature des dangers, d'élaborer une solution appropriée, et de placer la barre plus haute en fonction de la complexité et des risques associés à ces activités. J'espère que cela vous a été utile.

Le sénateur Banks : Oui.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur les questions qu'a posées le sénateur Banks parce qu'elles me paraissent importantes. C'est une chose d'avoir des règlements, mais c'en est une autre que l'industrie ne souhaite pas qu'un accident se produise. Nous pouvons partir de ce principe. Il me paraît toutefois important que nous sachions si l'ONE possède, au sein de son personnel, des personnes qui ont une expérience pratique du forage en mer lorsqu'elles examinent un plan, lorsqu'elles examinent tous les renseignements qui sont fournis; des personnes qui ont travaillé dans ce domaine, l'ont étudié et en ont une compréhension suffisante pour pouvoir formuler des recommandations qui garantissent que les mesures prises correspondent à nos besoins.

M. Caron : Nous avons déjà les ressources dont nous avons besoin, et nous allons prendre des dispositions pour nous adapter au niveau d'activité qui évoluera naturellement au moment où l'industrie se prépare à présenter des demandes.

M. Nesbitt est un exemple parfait de quelqu'un qui travaille dans le domaine de la réglementation depuis plus de 20 ans, depuis le début des années 1980. M. Nesbitt a participé à des activités de forage, la plupart du temps en mer, et s'est rendu dans des pays scandinaves pour recevoir de la formation. Nous avons plusieurs employés comme lui.

D'une façon plus générale, sénateur, l'office est composé d'environ 350 personnes, si l'on parle d'équivalents temps plein. Environ une centaine d'entre elles participent à ce que j'appelle « la réglementation physique des pipelines et du forage ». Ce sont des ingénieurs, des spécialistes de l'environnement, des géologues, des géophysiciens, des spécialistes de la socioéconomie et des spécialistes des terrains.

Je dirais qu'entre 15 et 20 p. 100 de ces employés administrent la LOPC. Les autres administrent la Loi sur l'ONE, mais ces compétences sont très facilement transférables. Il y a beaucoup de similitudes entre les pipelines et le forage en ce qui a trait à la vérification du système de gestion d'une société qui a l'obligation de rendre des comptes. Pour ce qui n'est pas transférable, je crois que nous avons le personnel et les ressources dont nous avons besoin pour remplir notre mission actuelle.

À l'heure actuelle, nous nous occupons d'environ trois puits par an, à terre. Nous avons prévu recevoir des demandes de forage extracôtier, ainsi que de forages côtiers en eau profonde, dans les années à venir. Nous sommes naturellement en train de renforcer notre capacité. Le golfe du Mexique a attiré l'attention sur des efforts qui étaient déjà prévus. J'espère que cela répond au moins en partie à votre question, sénateur.

Le président : Êtes-vous satisfait, sénateur Banks? Aviez-vous terminé? Notre collègue d'Halifax qui est assis à côté de vous, aimerait poser une question supplémentaire.

Le sénateur Dickson : Non, non, ce n'est pas une question supplémentaire. Terminez vos questions sur ce sujet.

Le sénateur Banks : Ma question suivante nécessite une réponse plus longue. Je vais attendre le second tour. Je vais toutefois vous dire quelle est ma question.

Le président : Vous pouvez la poser. Je tiens toutefois à signaler aux témoins que nous allons entendre ensuite ces messieurs de l'ACPP. Les questions et les réponses doivent être brèves.

Le sénateur Banks : Décrivez de façon aussi brève et concise que vous le pouvez, en termes simples, en quoi consiste le processus d'établissement de la portée des incidences — à quel moment le faites-vous? Combien de temps faut-il pour ce faire? La portée est-elle établie globalement pour tout le monde, ou est-elle valable dans certains cas uniquement?

M. Caron : C'est l'établissement de la portée des incidences pour l'examen. C'est une opération unique. Nous voulons entendre ce qu'ont à dire les gens. Nous pensons que nous savons ce qu'il faut faire, mais nous voulons entendre ce qu'ont à dire les autres. Ils ont jusqu'au 16 juillet pour se manifester. Dans les semaines qui vont suivre cette date, nous allons procéder à l'établissement définitif de la portée des incidences et nous allons ensuite démarrer l'examen public.

Le sénateur Brown : Vous et moi avons eu une petite conversation avant le début de la séance. Je pensais avoir bien compris les mesures de prévention, mais il semble que vous ayez de nombreuses questions au sujet des obturateurs anti- éruption.

J'aimerais aller un peu plus loin. Si j'ai bien compris, dans le golfe, ils se trouvaient à un mille de profondeur. Cela représente 2 200 psi ou livres par pouce carré. Ils ont descendu à 18 000 pieds et je crois que cela a ajouté environ 10 000 livres de pression.

Je me demande s'ils n'ont pas tout simplement dépassé la résistance de l'acier avec lequel ils travaillaient. Qu'il s'agisse des obturateurs anti-éruption ou de la maîtresse-tige, il doit y avoir une limite à ce qu'ils peuvent faire. Tôt ou tard, la pression va soit tordre la maîtresse-tige soit empêcher le fonctionnement de l'obturateur anti-éruption.

Je vous disais que l'on pourrait peut-être les empiler horizontalement ou verticalement. Si nous en arrivons à un point où l'acier ne résiste plus à la pression qui s'exerce sur lui, il faudrait procéder à des tests pour voir quel genre de mesures de prévention pourraient être prises. Ils ont peut-être été au-delà de tout ce qu'ils avaient fait auparavant, et peut-être que les règlements devraient exiger de nouveaux tests pour les nouveaux obturateurs anti-éruption.

Je pense que le montant de 20 milliards de dollars que BP a dû verser pour l'accident du golfe semblerait peu élevé si nous devions effectuer de nombreux tests et mettre au point un nouveau type d'obturateur anti-éruption. Je me demande si, au lieu d'établir des exigences minimales, on ne devrait pas plutôt multiplier les exigences. Même si ces dispositifs coûtaient chacun 10 millions de dollars, ce serait vraiment peu comparativement à ce qui se passe dans le golfe.

M. Caron : M. Nesbitt vous donnera plus de détails techniques sur la notion de redondance, mais une des principales choses que nous avons déjà apprises avec l'accident du golfe du Mexique, c'est que la redondance est une bonne chose et que l'absence de redondance est catastrophique. J'aimerais que M. Nesbitt vous parle davantage de la notion de redondance et de la façon dont elle peut s'appliquer aux obturateurs anti-éruption.

Le président : Est-ce que cela comprend les puits de secours? La redondance peut avoir différentes significations pour différentes personnes, mais nous la comprenons dans ce contexte. Ce sont des mesures de prévention supplémentaires, de sorte que vous utilisez ce terme dans son sens général.

M. Caron : M. Nesbitt peut vous parler d'un aspect plus précis et je reviendrai sur les puits de secours.

M. Nesbitt : J'ai entendu deux bonnes suggestions.

L'accident du golfe du Mexique a mis de l'avant la raison d'être des obturateurs anti-éruption, et a peut-être même fait comprendre certaines choses à beaucoup de gens à ce sujet. La façon dont ils ont fonctionné n'a pas permis d'obtenir les résultats souhaités dans ce cas-ci. Il faut donc examiner la redondance, la fiabilité et l'aptitude à remplir son office de ces dispositifs. Dans notre examen, c'est un des domaines que nous allons approfondir pour s'assurer que les questions soulevées et les suggestions soumises seront étudiées.

La deuxième chose que j'ai entendue concernait notre position relativement aux limites. Avons-nous atteint les limites de notre technologie? Utilisons-nous la technologie au-delà de ces limites? C'est un deuxième aspect qui doit être intégré à cet examen afin que nous puissions évaluer si nous avons été trop en profondeur.

Le sénateur Brown : Merci.

M. Caron : La notion d'obturateur anti-éruption concerne la redondance qui a pour but d'éviter que la situation en arrive à un point où elle a des répercussions sur l'environnement. L'office a conservé la notion de puits de secours. Les trois présidents des deux offices des hydrocarbures extracôtiers et moi avons fait la démarche inhabituelle d'écrire au rédacteur en chef pour préciser que cela demeure une exigence réglementaire de l'Office national de l'énergie du Canada et des deux autres offices.

Le président : Faites-vous référence à la lettre envoyée à l'Ottawa Citizen?

M. Caron : C'est exact. Ce puits de secours est redondant dans le sens qu'il est prêt à être utilisé si les autres dispositifs ne fonctionnent pas — si l'éruption n'a pu être empêchée et si les obturateurs anti-éruption n'ont pas fonctionné.

Nous pouvons planifier le plus possible pour empêcher que quelque chose ne se produise et pour que la probabilité que ce soit le cas demeure infiniment petite. Tout comme quelqu'un peut remporter 50 millions de dollars à la loterie, nous devons être prêts à intervenir si des événements ports peu probables se produisent. Le puits de secours est la meilleure méthode qui existe à l'heure actuelle dans les cas d'accident ou de perte de contrôle. Que faisons-nous actuellement? Nous forons le puits de secours et nous devons être prêts à commencer à le forer le plus tôt possible.

Certains soutiennent qu'il faut le forer en même temps que le puits principal. Cela fait l'objet d'un débat dans les médias et dans la littérature à l'heure actuelle. Ce sont des questions importantes auxquelles il faut répondre. Nous pensons que l'examen public se prêtera bien à une telle discussion et débouchera sur des éléments de réponse fondés sur des données scientifiques et sur l'acceptation des risques par la population.

Le sénateur Brown : Lorsque vous parlez de puits de secours, il faut évidemment forer assez profondément dans la tige qui est déjà en place pour que le ciment soit plus lourd que la pression.

Votre puits de secours pourrait devoir être très profond avant que la solution consistant à le remplir de ciment puisse être utilisée.

M. Caron : C'est exactement ce qui se produit à l'heure actuelle. Les deux puits de secours qui sont en train d'être forés dans le golfe du Mexique vont atteindre leur cible en août; c'est, je crois, ce que disent les médias. Les entreprises de forage pourront peut-être accélérer les choses. Je n'en sais rien.

C'est ce que nous disons. Nous ne voulons pas utiliser le puits de secours, mais les exigences réglementaires actuelles, qu'on retrouve dans le cadre réglementaire de l'ONE, imposent le forage d'un puits de secours.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'aimerais revenir sur le commentaire que vous avez fait en réponse à la question du sénateur Lang. Vous avez dit que plusieurs personnes au sein de votre département sont spécialisées. Ma crainte concerne l'objectif.

J'accepte l'argument. On lance la balle aux compagnies pétrolières et on leur demande de prouver que leur système est sécuritaire, fonctionnel et efficace, mais on suppose, avec cette approche, que les compétences de votre département sont égales aux compétences des compagnies pétrolières. Cependant, suite aux événements en Louisiane, on est forcé de constater que même dans le pays le plus puissant et le plus riche du monde, on n'a pas les compétences ni l'expertise pour contrôler la situation. Je n'en suis pas surpris, c'est tellement technique.

Cela dit, dites-moi pourquoi la situation serait mieux gérée ici. Ces compagnies pétrolières mondiales sont très concurrentielles, pourquoi ferait-on confiance à vos 50 employés qui gagnent des salaires d'environ 20 p. 100 de ces experts?

M. Caron : Une bonne partie de la réponse, je crois, est la question de la culture. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que les employés de l'office soient capables de refaire l'ingénierie complète d'une plateforme de forage ou de calculer les composantes, les contraintes, les déformations du métal, les interactions du métal avec les autres composantes d'une structure. Puisque la loi du Parlement canadien nous demande d'avoir comme but principal la sécurité des travailleurs et la protection de l'environnement, les aptitudes particulières que nous avons au sein de l'organisme nous permettent de mettre au défi l'opérateur, à savoir s'ils ont été soucieux de la sécurité et de la protection de l'environnement.

Les motivations en entreprise privée sont différentes de celles d'une personne qui travaille pour l'État. Les gens qui choisissent de travailler à l'Office national de l'énergie du Canada se dévouent à la cause de l'intérêt public. Ils choisissent d'y travailler parce que cela les motive, les anime. De plus, ils ont l'autorité de chercher l'erreur dans la soumission de l'opérateur et d'aller leur poser la question.

Je vois cela comme une tension créatrice entre un opérateur qui a le fardeau de nous persuader de permettre l'autorisation et les mettre au défi sur le niveau de détail qui nous intéresse. Nos employés ont le loisir de vérifier sous forme d'échanges d'informations.

J'irais même jusqu'à dire que si vous nous donniez davantage d'employés, sénateur, on pourrait en arriver à refaire ce qui a déjà été fait, ce qui est plutôt anodin, par exemple, le calcul de la paroi d'une tuyauterie. C'est une équation linéaire qui est facile pour un étudiant de cégep à calculer.

Donc, quand je parle de culture, quand je parle de niveau des exigences particulières pour un site particulier, c'est quand on se regarde dans le blanc des yeux, l'opérateur et l'office qu'on voit l'existence d'un système de gestion qui définit très bien que l'entreprise est dévouée à la sécurité. Quand je fais une vérification interne, est-ce que je rencontre des gens de l'industrie privée qui connaissent la procédure, qui croient que c'est vrai et qui performent?

Le sénateur Massicotte : Quel est le salaire moyen de ces 50 experts?

M. Caron : Nous employons environ 100 personnes pour s'occuper de la réglementation physique, plutôt que la réglementation économique, dont on s'occupe aussi, sur la loi de l'office, les taux et les tarifs, parce qu'on protège le consommateur qui utilise les services de pipelines. Nous assumons une fonction économique au niveau de la protection du consommateur. Sur le plan de la réglementation physique, le salaire se compare aux emplois généraux au centre- ville de Calgary, mais ils sont inférieurs aux employés les mieux payés dans le secteur de l'énergie.

Je rencontre tous les nouveaux employés, un après l'autre, chaque mois. Je rencontre les cinq, six nouveaux employés qui se joignent à l'office. Sans même leur poser la question, j'entends toujours les mêmes commentaires : ils sont attirés par l'office parce qu'ils en entendent parler et ce qui les intéresse vraiment, c'est de protéger l'intérêt public.

Le sénateur Massicotte : J'espère. L'argument de la culture, il faut l'admettre, est un peu flou, mais je vais continuer avec ma question. En ce qui concerne la responsabilité, si jamais il y a un désastre — il ne faut pas se leurrer, cela va arriver —, les conséquences, comme on le voit en Louisiane, sont majeures. Si je comprends bien, d'après vos commentaires, la responsabilité des compagnies pétrolières n'a pas de limite pour les coûts de nettoyage et de ramassage du pétrole. C'est illimité.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Massicotte : Cependant, il y a des limites du point de vue des dommages causés à de tierces parties s'ils ont été négligents ou incompétents ou quoi que ce soit dans leurs responsabilités. Est-ce un bon résumé?

M. Caron : Presque. C'est presque exact, sénateur. Il y a le concept de responsabilité absolue dans le domaine de l'Arctique, jusqu'à concurrence de 40 millions de dollars. C'est l'office qui administre ce montant. Ce sont des frais reliés à la conséquence de l'événement ou les pertes assumées par de tierces parties sans avoir à évaluer la preuve de la négligence. L'office a accès rapidement à ce montant de 40 millions de dollars. C'est stipulé dans les règlements. Cela peut être complété par les recommandations qu'on pourrait recevoir du peuple inuvialuit; selon leur entente historique de 1984, le montant peut être amélioré. Il n'y a pas besoin de prouver quoi que ce soit.

Le sénateur Massicotte : S'il n'y a pas de négligence, ils sont responsables de tous les coûts reliés au nettoyage, mais il y a une limite de 40 millions de dollars pour les autres pertes?

M. Caron : Ce n'est pas tout à fait la distinction. Je vais essayer de le redire en termes plus simples. Le montant de 40 millions de dollars est prévu pour avoir un accès rapide à des fonds, peu importe la responsabilité.

Le sénateur Massicotte : Ce sont des liquidités, comme telles.

M. Caron : L'office peut décider de la forme de l'instrument financier qui fait son affaire. On peut utiliser ce montant de 40 millions de dollars, sans avoir à montrer la culpabilité de qui que ce soit, pour réparer, recouvrir le pétrole, pour les impacts sur les tierces parties ou quoi que ce soit d'autre.

Le sénateur Massicotte : Par l'Office ou les compagnies pétrolières?

M. Caron : L'office exige que la compagnie mette ce montant de côté.

Le sénateur Massicotte : C'est un montant de sécurité, mais il y a une limite à la responsabilité?

M. Caron : Non, sauf que cela doit être démontré, s'il y avait mésentente.

Le sénateur Massicotte : S'il n'y a pas de négligence, y a-t-il une limite?

M. Caron : Oui, c'est le montant de 40 millions de dollars ou plus, selon les ententes.

Le sénateur Massicotte : S'il n'y a pas de négligence, il y a une limite de responsabilité de 40 millions de dollars?

M. Caron : C'est cela.

Le sénateur Massicotte : Si c'est le cas, donc, sachant que les conséquences peuvent totaliser des milliards de dollars et que la compagnie pétrolière n'est responsable que pour un montant de 40 millions de dollars, ne sommes-nous pas en train d'encourager les risques non responsables?

M. Caron : Je comprends mieux votre question. Au-delà du montant de 40 millions de dollars qui est un niveau absolu, l'office a la discrétion complète d'exiger de la compagnie la preuve de sa responsabilité financière. Ce montant est spécifié par l'office de façon discrétionnaire en vertu des règlements actuels.

Le sénateur Massicotte : Alors, mon montant de 40 millions de dollars ne s'applique pas?

M. Caron : Le montant de 40 millions n'est là que pour donner un accès rapide à des ressources financières lorsqu'il n'y a pas lieu de se demander à qui la faute. Lorsqu'on va dans le domaine des fautes possibles, l'office a les pouvoirs en termes de responsabilité financière, cas par cas, de tenir compte des impacts sur l'environnement, de tenir compte des frais de récupération du pétrole, des impacts sur les communautés autochtones dans le delta du MacKenzie ou sur les rives de l'océan Arctique. L'office a entière discrétion. Il y a des montants administrés par les régies extracôtières de 250 millions de dollars. Cela peut être plus élevé.

Le sénateur Massicotte : Répétez, pour ma compréhension. S'il n'y a pas de négligence, y a-t-il une limite à leurs risques de réclamation?

M. Caron : S'il n'y pas de négligence de leur part?

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Caron : Cela dépend du point de vue de qui.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, peut-être qu'un tribunal devra trancher un jour, mais généralement, j'assume qu'il s'agit d'erreurs humaines ou de calcul, comme vous dites. Personne ne fait une erreur par exprès. Disons qu'il n'y a pas de négligence, qu'il y a 10 milliards de dollars de frais, y a-t-il une limite à cette responsabilité?

M. Caron : Il s'agit d'un domaine où les dispositions de la loi et du règlement sont un peu complexes. Nous serions ravis, si cela vous aidait, de vous fournir un énoncé d'une page en langage très clair sur le fonctionnement des questions de responsabilité financière.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre le concept. Y a-t-il une limite? Si la limite est minime, cela va encourager quand même les risques. Il s'agit d'entreprises privées qui sont intéressées par leurs profits.

M. Caron : S'il y a des dommages environnementaux très graves qui proviennent d'une fuite, je ne peux pas voir comment une entreprise dirait que ce n'est pas de sa faute. La Loi canadienne sur les opérations gazières et pétrolières au Canada est très claire; l'opérateur est responsable de tout impact, de toute fuite qui relève de sa gouverne. La loi l'exige.

Le président : Sénateur Massicotte, j'aimerais maintenant raccourcir cette ligne de questions parce que vous avez essayé par dix moyens d'avoir un avis juridique. Le témoin n'est pas stupide, il a offert un autre moyen de répondre à vos questions. En ce qui concerne la limite de la responsabilité, il y a un régime qui a été expliqué par plusieurs autres témoins. Il est présentement 19 h 50, nous devons entendre un autre témoin et trois autres sénateurs veulent poser des questions.

Le sénateur Massicotte : Honnêtement, on a reçu différents rapports sur la même question. Peut-être que le résumé d'une page nous aiderait. Si on peut l'avoir plus factuel, ce serait plus précis.

M. Caron : La réponse rapide c'est qu'il n'y a pas de limite. S'il y a une fuite, ce sera difficile de prouver que ce n'est pas leur faute. L'office et la société civile peuvent aller chercher les dommages financiers.

Le sénateur Massicotte : Je vais prendre la suggestion de mon président. S'il n'y a pas de limite, est-ce qu'il y a une crainte bientôt? On parle de les rendre responsables, mais je sais que dans le marché financier, on commence à en parler. Si le risque représentait 10 ou 20 milliards de dollars, on ne serait peut-être pas intéressé de faire des forages. On pourrait dire que le risque est trop élevé et on demanderait des concessions ou des limites moindres des gouvernements, autrement on ne s'embarquerait pas dans une telle aventure. Y a-t-il un souci de notre part en ce sens?

M. Caron : De votre part, je ne peux pas le dire. En tant que régulateurs dont l'objectif unique est Loi sur la sécurité et la protection de l'environnement, cela ne fait pas partie de nos préoccupations. Notre travail est de tenir l'industrie imputable et le pollueur paie. Il n'y a pas de limite absolue à ce niveau. J'espère que cette partie de ma réponse est claire.

Le sénateur Massicotte : Ce n'est pas dans votre domaine.

[Traduction]

Le président : Sénateur, tout cela est clair. La responsabilité absolue, qu'il y ait faute ou non, s'élève à 40 millions de dollars. Pour le reste, il faut prouver qu'il y a eu faute, mais pour obtenir le contrat, ces sociétés doivent démontrer qu'elles ont des moyens financiers suffisants.

Pour ce qui est de ce montant de 20 milliards de dollars, il existe des preuves qui démontrent que des fautes ont été commises dans l'accident survenu dans le golfe. Il y a trois sociétés qui disent que les autres sociétés ont commis des fautes. J'aimerais passer à autre chose. C'est une question juridique, mais je ne pense pas que je vais vous donner gratuitement un avis juridique.

Le sénateur Dickson : Messieurs, voilà d'excellentes explications. J'aimerais revenir sur la question du sénateur Massicotte.

J'ai compris, monsieur Caron, qu'avec ces 40 millions de dollars, le fonds est là et vous y avez accès. Quelle était la responsabilité financière maximale que vous ayez demandé à une société qui forait dans la mer de Beaufort au-delà de ce montant de 40 millions de dollars?

M. Caron : Que nous ayons exigé dans le passé?

Le sénateur Dickson : Oui.

M. Caron : Je n'ai pas parlé de ça. Le cas le plus récent serait celui de Devon en 2005. Dans la mesure où ces renseignements ne sont pas protégés par la LOPC, je vais demander à M. Nesbitt de vous parler de ces montants précis.

M. Nesbitt : Le montant total que cette société devait pouvoir fournir était de 500 millions de dollars, pour un puits près de la côte, peu profond, complet, exploité en hiver et pendant la saison des glaces.

Le sénateur Dickson : C'était près de la côte. Parlons des puits extracôtiers. Quel serait le maximum auquel vous pensez à l'heure actuelle?

M. Nesbitt : Je pense que c'est une des questions auxquelles nous allons devoir réfléchir. Le pire des scénarios a changé. La question du forage en eau profonde change la complexité de la situation et les opérations de nettoyage. Nous n'avons pas évalué, ni même tenté d'évaluer, ce que pourrait être un tel montant.

M. Caron : Pour ce qui est des antécédents, il faudrait remonter à 19 ans. Avec l'inflation et tout le reste, je ne suis pas certain que les données pourraient vraiment nous aider à fixer un montant pour aujourd'hui. Je ne sais pas quel était le régime en place à l'époque.

Le sénateur Dickson : Quelle est la date finale que vous devez respecter pour le dépôt de votre rapport? La nôtre est en juin prochain. Allez-vous présenter votre rapport avant ou après nous? Vous avez beaucoup de bonnes idées que nous aimerions imiter.

Le président : Notre rapport au sujet de cette série de séances sur les activités extracôtières sera préparé le plus tôt possible. Si le Sénat siège le 5 juillet, c'est une chose, mais au plus tard, ce sera à notre retour à l'automne.

Le sénateur Banks : Nous allons siéger le 5 juillet.

M. Caron : Nous n'avons pas de date cible pour terminer le rapport. Je le répète, nous allons prendre le temps de bien le faire. Parallèlement, notre processus sera tout à fait transparent et public, de sorte qu'il sera facile de trouver sur notre site web ce que disent les gens.

Vous n'aurez toutefois pas accès à la décision de l'office au sujet de la question no 11, les exigences en matière de dépôt applicables aux demandes futures. Je préfère ne pas avoir de date cible pour ce rapport, parce que je répète toujours que nous allons prendre le temps de bien le faire.

Le sénateur Dickson : Est-ce que l'organisme d'intervention dans la mer de Beaufort était structuré de façon semblable à celui de la côte Est?

M. Caron : M. Nesbitt connaît cela mieux que moi, mais il n'existe pas d'équivalent nordique de la société que vous avez rencontrée la semaine dernière ou la semaine d'avant.

M. Nesbitt vous donnera les derniers détails de la version applicable à la mer de Beaufort.

M. Nesbitt : Cela revient un peu à parler du passé, mais dans les années 1980, années où il y avait beaucoup d'activités dans ce secteur, il y avait une société coopérative qui possédait de l'équipement et une capacité en matière de nettoyage de déversement. Pour ce qui est du puits le plus récent, la société a dû démontrer qu'elle avait accès au genre et à la quantité d'équipement nécessaire pour répondre aux différents scénarios possibles.

Le sénateur Dickson : Pour poursuivre sur la question des sociétés d'intervention, lorsque les représentants de Chevron et de la Société d'intervention maritime Est du Canada ont comparu devant nous, il a semblé que la société d'intervention ne verrait pas le plan de sécurité de Chevron s'il ne se produisait pas de déversement. Lorsque l'accident est arrivé, elle a dû demander le plan de sécurité et l'examiner afin de pouvoir commencer à le mettre en œuvre immédiatement. Il semble qu'il y avait une grosse lacune dans ce processus. Je vous signale ce point. Je suppose que vous connaissez la réponse à cela.

M. Caron : Nous ne pouvons pas vous parler de cette situation parce que nous n'avons pas de rapport avec ces organismes. Je dirais que cette société, si j'ai bien compris — et je peux me tromper —, est principalement chargée de conserver un inventaire d'équipement et de veiller à ce que les responsables de l'intervention y aient accès. À part cela, je ne pourrais pas évaluer l'organisation de cette société. Je suis certain que les offices des activités extracôtières seraient ravis de vous en dire davantage à ce sujet.

Le sénateur Dickson : Allez-vous demander que soient constituées des sociétés d'intervention dans l'Arctique?

M. Caron : J'aimerais obtenir des données, en posant des questions techniques et en procédant à un examen rigoureux, indiquant que la société sera prête. Dans le cas peu probable d'un déversement incontrôlé, j'aimerais voir des données qui me montrent que la société sera prête à intervenir, qu'elle pourra mobiliser des ressources techniques, humaines et matérielles en temps utile pour obtenir un résultat final qui sera acceptable pour la société. Cela fait partie de l'évaluation environnementale que nous allons effectuer, comme nous le faisons pour chaque demande. L'examen public est une version générale de tout ce que ces sociétés peuvent s'attendre à devoir déposer lorsqu'elles nous présentent une demande d'approbation.

Le sénateur Frum : Vous n'avez pas reçu de demandes d'autorisation de forage à l'heure actuelle, et vous en avez approuvé une seule en 19 ans. Au cours de ces 19 ans, avez-vous rejeté des demandes?

M. Caron : Non, il n'y en a pas eu de rejetées.

Le sénateur Frum : Je présume que cela vient du fait qu'il est beaucoup trop cher d'extraire ce pétrole à l'heure actuelle. Ce n'est pas à cause de limitations techniques, n'est-ce pas? Est-ce que ce sont des limitations techniques qui empêchent les sociétés de présenter des demandes? Est-ce que ce sont des raisons qui concernent une réglementation environnementale très stricte ou des questions économiques?

M. Caron : Je crois que c'est plutôt une combinaison de tous ces facteurs. Il est plus coûteux de forer dans l'océan Arctique. Lorsque cela s'est fait dans les années 1970 et 1980, il y avait des programmes gouvernementaux qui visaient à stimuler les investissements. Ces programmes n'existent plus. Ces opérations sont coûteuses et les sociétés ont beaucoup de travail à faire pour convaincre l'ONE qu'elles peuvent forer en toute sécurité.

Le sénateur Frum : Avez-vous une idée du prix que le pétrole devrait atteindre pour que le forage dans l'océan Arctique devienne intéressant? Les gens veulent savoir, avec tout ce que nous disons à l'heure actuelle, quelle est la probabilité qu'une telle chose se produise?

M. Caron : Je ne peux pas vraiment vous le dire, sénateur. Je peux vous dire que parmi les premières sociétés qui vont vouloir déposer une demande à l'ONE, il y a Imperial Oil. Le représentant d'Imperial Oil a déclaré à l'agence Reuters, le 26 mai, que cette société ne lancerait pas de programme de forage dans la mer de Beaufort avant quatre ou cinq ans. C'est ce que disent les médias. Je ne sais pas si cette personne a effectivement fait cette déclaration, mais cela fait comprendre les difficultés techniques et les aspects économiques associés aux opérations de forage dans l'Arctique. Lorsque nous examinons une demande, notre rôle se limite uniquement à la sécurité et à la protection de l'environnement.

Le sénateur Frum : Avez-vous une idée de ce que devrait être le prix du pétrole pour que cela soit intéressant?

M. Caron : Non. Je pense qu'il devrait être plus élevé qu'il ne l'est actuellement, mais cela revient à essayer de prédire l'avenir. Je ne sais pas comment ces sociétés voient l'évolution du prix du pétrole. Je ne sais pas ce qui constituerait pour ces sociétés un taux obstacle qui justifierait un investissement. Il faudrait examiner les prévisions en matière de prix, ramenées à la valeur actuelle selon un taux d'escompte acceptable pour leurs actionnaires. Je ne peux pas vous parler de cet aspect pour le moment.

Le nombre réel de demandes que nous avons reçues apporte une réponse partielle à votre question.

Le sénateur Peterson : Je crois savoir que les permis et les licences de forage dans l'Arctique relèvent maintenant du MAINC. Cela comprend-il également la mer de Beaufort?

M. Caron : Voulez-vous parler du début du processus d'ouverture des appels d'offres? C'est exact, le MAINC s'en occupe.

Le président : Pour le compte rendu, que veut dire MAINC?

Le sénateur Peterson : Cela veut dire ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Travaillez-vous avec ce ministère? Exige-t-il votre approbation avant d'accorder un permis?

M. Caron : Les deux processus sont distincts. Nous nous occupons uniquement de la sécurité et de la protection de l'environnement. Ce ministère traite les demandes préliminaires.

Le sénateur Peterson : Je suis une société pétrolière et je dis au ministère que je veux forer un puits. Le ministère examine un certain nombre de choses et me dit que je peux le faire. Est-ce que je dois ensuite m'adresser à vous?

M. Caron : C'est exact.

Le sénateur Peterson : Et vous déterminez ensuite si je pourrai ou non le faire?

M. Caron : Nous déterminons si le puits peut être creusé de façon sécuritaire, afin de protéger l'environnement et la population. C'est notre mandat, tel que l'exige la LOPC. Nous ne participons pas à la décision politique de soumettre les terres aux appels d'offres. Nous discutons avec les représentants du ministère au sujet de la préparation des plans d'urgence et des exercices. Nous discutons beaucoup de questions techniques, mais nous ne cherchons pas à les aider dans leurs fonctions politiques. Nous n'intervenons pas sur ce plan, et ils n'interviennent pas non plus dans notre gestion des risques liés à la sécurité et à l'environnement.

Le sénateur Peterson : Ce sont donc eux qui ont le pouvoir d'autoriser la délivrance des permis?

M. Caron : Oui, c'est à eux que revient ce pouvoir. Nous n'avons pas de rôle à jouer dans ça. Ce sont eux qui prennent les décisions.

Le sénateur Peterson : Est-ce qu'ils le font après vous avoir consultés?

M. Caron : Non. La concession des terres et les processus d'appels d'offres pour des sections de terrain délimitées sont des fonctions d'ordre politique auxquelles l'office ne participe pas.

Le sénateur Peterson : Ce sont eux qui s'en occupent.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Peterson : Si je veux entreprendre un forage d'exploration, je dois m'adresser à vous pour en obtenir l'autorisation et me conformer à votre réglementation. Est-ce exact?

M. Caron : Oui. Quand votre offre est acceptée, vous obtenez un permis de prospection du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Vous pouvez alors essayer d'obtenir auprès de l'office l'autorisation de creuser un puits en particulier. Voilà notre rôle. C'est à ce moment que nous intervenons. Ce sont deux processus indépendants. C'est ici que nous faisons le choix dont j'ai parlé tout à l'heure. Notre organisation reflète en quelque sorte ce que souhaitent les États- Unis, où le MMS tente de plaire à tout le monde. Son administration a décidé, semble-t-il, de s'occuper à la fois de la sécurité, des questions économiques et des taxes. Je considère que nous avons actuellement une organisation efficace parce que je peux vous affirmer que notre personnel est entièrement voué à la sécurité et à la protection de l'environnement.

Le sénateur Peterson : Je suis entièrement d'accord. Je suis heureux de vous l'entendre dire.

M. Caron : Il y a actuellement des discussions au sujet de ce que nous rapportent les gens dans le Nord, qui se préparent à l'éventualité de déversements et se livrent à des exercices. Ce sont des discussions techniques, ce qui est une bonne chose, parce que leurs connaissances et les nôtres peuvent se combiner. Ils mettent leurs connaissances à profit dans leur travail, et nous mettons les nôtres à profit dans la réglementation technique.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je n'ai pas pris connaissance des questions et réponses des réunions antérieures. J'ai donc hâte de prendre connaissance du rapport. Toutefois, une chose me trouble. On a parlé du Groenland et la façon dont ces problèmes pourraient nous affecter. J'ai toujours pensé que les courants vont de l'est vers l'Europe. Par exemple, les dégâts dans le golfe du Mexique se situent en Louisiane et sont sur le point d'atteindre les côtes de la Floride. Je n'ai pas connaissance que l'Amérique du Sud soit affectée par le problème.

Si un déversement se produit au Groenland, vous croyez que l'Atlantique Est et l'Arctique pourraient être contaminés?

M. Caron : Le régime réglementaire en place au Groenland, du moins de ce qu'on en sait en lisant et en en parlant, se trouve à être équivalent. La possibilité d'un événement tel que vous décrivez est très faible. Les courants pourraient-ils mener du pétrole en territoire canadien? Je ne dispose pas de cette information.

Le sénateur Rivard : Il est peu probable que cela se produise. Encore une fois, corrigez-moi si je me trompe, les dégâts causés dans le golfe du Mexique touchent la Louisiane et la Floride?

M. Caron : Oui.

Le sénateur Rivard : À votre connaissance, les eaux contaminées se sont-elles rendues en Amérique du Sud, soit au Venezuela, au Brésil ou en Argentine?

M. Caron : Avec le temps, nous en saurons davantage. Une partie du pétrole s'échappe dans l'environnement par évaporation. Les composantes les plus légères du pétrole s'évaporeront. Ce phénomène peut avoir un impact sur l'environnement avant l'évaporation. Les matières plus lourdes, lorsqu'il ne reste que des résidus à consistance comme de la mélasse, peuvent être absorbées de façon naturelle par les bactéries. Avec le temps, pour connaître les effets à moyen et long terme, il faut regarder l'environnement spécifique et observer les courants, comme vous le suggérez dans votre question.

L'office ne s'est pas penché sur la question à savoir ce qui se produirait dans le cas d'une fuite au Groenland. Cette question ne relève pas de nos responsabilités. Toutefois, étant donné que le régime réglementaire est équivalent au nôtre, nous sommes d'avis que les études menées sont comparables à celles que nous effectuerions ici. Le but de notre protocole d'entente avec les autorités du Groenland est de vérifier si nos hypothèses de base sont valides. Nous le saurons très bientôt, car nous rédigeons le protocole d'entente. Le mois prochain, des membres du personnel de l'office seront sur la plateforme de forage, en territoire du Groenland, à titre d'observateur pour voir le fonctionnement. Ces connaissances feront partie de notre examen public.

Le président : Sénateur Rivard, vous êtes un substitut, toutefois vous avez montré votre habileté à tirer une bonne réponse avec une question très courte.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Pour revenir très brièvement à ce que le sénateur Peterson disait, c'est AINC qui concède des terres, qui autorise le forage.

M. Caron : AINC délivre un permis de prospection.

Le sénateur Banks : Puis on se tourne vers vous pour savoir s'il est acceptable de creuser à cet endroit et si oui, dans quelles conditions. Ne serait-ce pas une bonne idée que vous ou une autre entité indiquiez d'abord à AINC si le forage sécuritaire est possible dans une région avant que le permis soit émis?

M. Caron : Je ne peux pas parler au nom du ministère, mais Mme Fortier a témoigné devant le comité de la Chambre des communes il y a quelques semaines. Selon ce que j'ai lu dans divers témoignages, le ministère tire pleinement parti de toutes les connaissances stratégiques qu'il a acquises au cours des dernières décennies dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Il possède une longue expérience, plus longue que la nôtre en matière de réglementation dans le Nord.

Il fait participer les populations du Nord et les Inuvialuit de façon très concrète, et selon ce que j'ai lu, c'est à eux que revient la décision de permettre qu'une portion du territoire fasse l'objet d'un appel d'offres, et ce processus est le fruit des connaissances acquises et des considérations stratégiques.

Pour ce qui est des projets extracôtiers, comme je l'ai mentionné, nous avons à notre actif 89 puits dans la mer de Beaufort et plus de 50 puits dans les îles de l'Arctique, ce qui représente de vastes connaissances, selon ce que j'ai lu, et je crois que le ministère en tient compte dans ses décisions.

Nous sommes donc un organisme de réglementation strictement voué à la sécurité et à la protection de l'environnement et qui intervient au cas par cas. Quand nous vérifions si un puits peut être creusé en toute sécurité et de façon à protéger l'environnement, il s'agit d'un travail précis en fonction de l'endroit, de la profondeur et de l'expertise de l'entreprise, et nous prenons tout ça en charge.

En réponse à l'une de vos questions sur les recommandations que j'ai faites au comité, si jamais vous décidez de les modifier, nous tenons à ce que vous sachiez que si votre principal objectif est la sécurité des travailleurs et de la population ainsi que la protection de l'environnement, le régime actuel est très solide en ce qui a trait à la séparation.

Le sénateur Banks : Merci, monsieur le président. Il serait bien que nous invitions AINC à s'exprimer brièvement sur le sujet.

Le président : Oui, tout à fait.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Banks. Est-ce que les puits dans la mer de Beaufort et les îles de l'Arctique sont plutôt en eau profonde ou peu profonde?

M. Nesbitt : De tous les puits creusés dans les îles de l'Arctique, 58 sont en mer et ont été creusés entre les îles, où la glace est stable depuis des centaines d'années dans certains cas, et le forage a été effectué à partir de ces plateformes de glace à une profondeur allant jusqu'à 1 500 pieds.

Le sénateur Lang : C'est la profondeur de l'eau?

M. Nesbitt : Oui, c'est la profondeur de l'eau. Tout dépend de votre définition d'eau profonde, mais la profondeur est de 1 500 pieds.

Le président : Voilà pour l'Office national de l'énergie. Nous vous remercions tous les deux, monsieur Caron et monsieur Nesbitt. Merci de votre présence.

Je crois que vous avez l'intention de donner des renseignements additionnels sur la responsabilité légale et une ou deux autres questions. De toute façon, vous connaissez la procédure ainsi que notre greffière, Mme Gordon.

Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Caron, je vous remercie sincèrement de votre présence ce soir. Si vous voulez rester, je serai disponible après la comparution du prochain témoin. Sinon, nous pouvons nous parler au téléphone demain.

[Traduction]

Nous sommes heureux d'accueillir un représentant de l'industrie pétrolière et gazière de Calgary. Laissez-moi vous présenter David Pryce, vice-président, Opérations, à l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Il possède plus de 25 ans d'expérience dans le secteur amont de l'industrie pétrolière et gazière, et il a été consultant privé pour une grande société pétrolière et responsable de la réglementation au sein de l'ONE avant de se joindre à l'Association canadienne des producteurs pétroliers, il y a 14 ans.

Je présume que vous avez quitté l'ONE avant la nomination de M. Caron au poste de président.

David Pryce, vice-président, Opérations, Association canadienne des producteurs pétroliers : Oui, mais j'ai appris à connaître M. Caron au fil des ans.

Le président : Il faut avoir les reins solides pour faire affaire avec M. Caron. C'est un président remarquable.

Vous pouvez présenter votre déclaration préliminaire. Je ne veux pas vous interrompre, mais je vous demanderais d'être bref. Nous avons tenté de recevoir des entreprises de l'association afin d'obtenir des réponses à des questions d'ordre économique, et je crois vous avoir vu hocher la tête, et peut-être que le sénateur Massicotte comprendrait plus rapidement ces détails juridiques qui semblent obscurs pour certains d'entre nous. À vous, monsieur.

M. Pryce : Merci. Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui. Comme nous en avons discuté tout à l'heure, je vais tenter de résumer certains points qui se trouvent dans les notes, et si vous le souhaitez, je pourrai approfondir certains points. J'ai eu la possibilité de me faire une idée des principaux sujets que je voulais aborder avec vous, ce qui m'aidera à demeurer bref.

L'industrie pétrolière cherche à exercer ses activités de façon sécuritaire et responsable. Tous les gens de l'industrie ont constaté les conséquences de ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique. Le sénateur Lang en a parlé. Notre industrie ne veut pas se retrouver dans une telle situation, donc nous voulons nous assurer de mener nos activités de la meilleure manière possible.

Il est également important de comprendre que l'industrie et les organismes de réglementation ont accumulé une expertise considérable au cours de dizaines d'années d'activité partout dans le monde, expertise que nous appliquons à nos pratiques et qui guide les choix en matière de réglementation. C'est ce qui nous permet de croire en la solidité du système de réglementation en place au Canada. Cependant, comme vous pouvez le constater dans mes notes, ce n'est pas, à notre avis, une raison pour nous arrêter là. Nous devons profiter de toutes les occasions d'acquérir de nouvelles connaissances.

C'est pourquoi la CAPP, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, n'hésite pas à appuyer la revue de la réglementation annoncée par l'ONE, ainsi que l'augmentation des mesures de surveillance du CNLOPB, l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, sur les activités en cours sur la côte Est. Nous sommes également en faveur de ces audiences et des autres projets qui doivent permettre de mieux comprendre la situation. Cela nous permet de tirer des leçons des événements dans le golfe et de renforcer la confiance de la population dans notre système.

Au cours des discussions précédentes, j'ai constaté entre autres qu'on souhaite comprendre le fondement de l'approche axée sur les buts, et il est vrai que la réglementation axée sur les buts s'appuie sur de nouveaux fondements, ce que la CAPP voit d'un très bon œil, et nous savons qu'il est difficile de comprendre tout ce que ça implique. Je recommande donc aux membres du comité de se familiariser avec tout cela d'ici la fin des séances, afin de se sentir à l'aise avec les nouvelles façons de faire.

Le dernier point que je voulais aborder est l'importance qu'il faut accorder aux trois E, soit la sécurité de l'énergie, l'environnement et l'économie, dans l'élaboration des politiques et les services de réglementation liés à l'industrie extracôtière canadienne.

C'est dans ce contexte que nous appuyons les procédures mises en œuvre. Il est important de comprendre ce qui se passe au Canada, les activités et la situation générale, et il est important de rassurer les Canadiens en les informant, au fur et à mesure, que nous réalisons nos projets de façon responsable et que nous assurons la réduction et la bonne gestion des risques.

Cela veut aussi dire que nous pourrions faire face à l'éventualité peu probable d'un incident.

Il ne fait aucun doute que pour la CAPP et ses membres, l'incident dans le golfe du Mexique est un événement tragique et d'importance majeure, tant du point de vue humain qu'environnemental. Il est dans l'intérêt de l'industrie et de tous ses partenaires de prendre ensemble le temps de comprendre ce qui s'est passé et de déterminer quelles leçons peuvent être mises à profit.

Vous avez entendu tout à l'heure que, au Canada, les activités en mer sont actuellement limitées. Il n'y a aucune activité dans l'Arctique ni au large de la côte Ouest, et un puits d'exploration est en cours de forage sur la côte Est, ce qui nous donne du temps pour comprendre ce qui se passe dans le golfe du Mexique à mesure que nous progressons.

J'aimerais vérifier si vous comprenez tous ce qu'est la CAPP.

Le président : Oui, nous le comprenons bien. Est-ce que Husky, Encana et Chevron en sont membres?

M. Pryce : Encana et Chevron sont membres, mais pas Husky.

Le président : Y a-t-il une raison pour laquelle Husky n'est pas membre?

M. Pryce : Nous nous attendons à ce que cette entreprise devienne membre dans l'année qui vient.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais faire remarquer le contexte établi par le comité pour ces audiences durant sa conférence de presse, c'est-à-dire l'importance qu'il accorde à la nécessité d'équilibrer la relation entre les trois « E », à savoir l'approvisionnement en pétrole et la demande en énergie, et les considérations environnementales et économiques. Nous appuyons ce principe, et la CAPP s'en fait le porte-parole. Nous ne sommes pas une société de forage, donc nous ne plaidons pas en faveur de l'élargissement des principes à la base des politiques. Nous croyons qu'il est nécessaire de trouver le juste équilibre en ce qui concerne leur importance.

De nombreux avantages découlent des activités de l'industrie. On peut notamment mentionner la création d'emplois, les possibilités pour les entreprises locales, les investissements dans la recherche et le développement, la formation et les infrastructures, ainsi que les recettes provenant des redevances et des taxes payées aux gouvernements.

Vous trouverez dans les notes que nous vous avons fournies une énumération détaillée de ces avantages, qui sont considérables pour les provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Comme il n'y actuellement aucune activité extracôtière dans le Nord, nous ne pouvons parler que de bénéfices potentiels pour cette région.

L'industrie pétrolière et gazière peut apporter une contribution importante, notamment à la stratégie fédérale pour le Nord, en transmettant des connaissances, en offrant de la formation et des emplois et en aidant les communautés locales, ce qui contribuera à l'atteinte de l'objectif de souveraineté canadienne dans le Nord.

Tous les avantages dont je viens de parler découlent directement des activités de notre secteur, mais les effets positifs se répercutent sur d'autres secteurs grâce à la mise en place de technologies, de formations et d'infrastructures. D'autres secteurs bénéficient donc de nos activités par ricochet.

Toute cette activité se déroule dans un contexte mondial. L'Agence internationale de l'énergie, l'AIE, prévoit que la demande en énergie augmentera de 40 p. 100 au cours des 20 prochaines années. Nous pensons donc que toutes les formes d'énergie seront nécessaires pour répondre à la demande croissante, et le pétrole et le gaz naturel continueront de faire partie des principales sources d'énergie. L'AIE prévoit que 40 p. 100 de ces nouveaux besoins en énergie devront être comblés par le pétrole et le gaz naturel; bien entendu, ceux-ci répondront toujours à une partie substantielle des besoins primaires en matière d'énergie.

En ce qui concerne les activités extracôtières de notre industrie à l'échelle mondiale, environ 38 p. 100 de la production mondiale de brut provient maintenant des forages en mer. Au Canada, ce pourcentage s'établit à environ 10 p. 100. Environ 2,5 p. 100 du gaz naturel canadien est extrait en mer.

L'AIE affirme que toutes les formes d'énergie seront nécessaires. Toutes les formes d'énergie comportent des risques en matière d'environnement et de santé. Le défi que nous devrons tous relever — le gouvernement, les décideurs, les organismes réglementaires et l'industrie — consiste à trouver un juste équilibre entre les trois « E » dont nous avons parlé plus tôt et à prendre des mesures raisonnables afin d'atténuer les risques d'incidents. Ainsi, nous serons prêts à toute éventualité.

Vous avez entendu tout ce que les organismes réglementaires avaient à dire au cours des derniers jours et des dernières semaines. Je ne peux pas vous donner autant de détails qu'eux, mais je peux vous dire qu'aujourd'hui, nous avons un système règlementaire solide et que ce système effectue une surveillance à divers degrés, que ce soit relativement à l'analyse technique, à la gestion des systèmes environnementaux et aux activités de planification d'urgence. On doit tenir compte de tous ces éléments avant qu'une demande puisse suivre son cours.

Comme vous l'avez déjà entendu plusieurs fois, cela signifie que nous devons gérer les demandes en deux volets : nous devons planifier la prévention et les interventions, au cas où.

Il faut aussi comprendre que ces événements ne sont pas les seuls éléments déclencheurs des examens réglementaires; ils peuvent être déclenchés périodiquement pour des raisons particulières. Le régime canadien n'est pas coulé dans le béton; il a été amélioré au fil du temps et des examens sont effectués de temps à autre, selon les changements apportés aux politiques publiques et les progrès technologiques.

Je voudrais insister sur le fait qu'au cours des dernières années, un des changements les plus substantiels du régime réglementaire pour notre industrie dans le monde a été le passage d'un modèle contraignant à un modèle axé sur les objectifs. Le Canada s'est lui aussi engagé dans cette voie, et nous appuyons ce mouvement. Ce que ça veut dire, c'est que dans un spectre qui s'étend des contraintes d'un côté aux objectifs de l'autre, un organisme réglementaire peut choisir un point de vue adapté aux éléments dont il est responsable.

Dans le témoignage précédent, vous avez pu entendre que la valeur réelle du modèle axé sur les objectifs se situe dans le fait qu'il permet à l'organisme réglementaire de se concentrer sur le caractère unique de l'activité qu'il doit réglementer tout en exigeant de l'industrie qu'elle fasse de même. Cocher une case, c'est facile. Il est beaucoup plus difficile de se dire qu'on doit atteindre un résultat tout en déterminant comment y arriver. L'organisme réglementaire est là pour veiller à ce que la proposition réponde aux attentes.

En somme, ça veut dire que l'organisme réglementaire doit veiller à ce que les objectifs soient atteints et qu'il devra assumer cette responsabilité par l'entremise de la surveillance prévue dans le processus d'approbation des activités. J'aimerais dire aussi que les organismes réglementaires sont présents partout à l'échelle de l'exploitation, que ce soit pour surveiller, vérifier ou superviser les activités afin de veiller à ce que l'industrie respecte ses engagements à cet égard.

Comme je l'ai dit plus tôt, je pense que notre système est efficace. Notre système est en mutation, il s'adapte et il change, et il ne suffit pas de dire que nous pouvons nous en contenter. Il ne faut pas que nous devenions complaisants. Nous devons toujours envisager de nouvelles initiatives ou activités. L'avenir dépendra des connaissances qu'auront les organismes réglementaires de l'industrie, ainsi que de la complexité et de la nature des risques qui se présenteront devant nous.

J'aimerais prendre quelques instants pour parler de certaines choses que ce comité, ou que le comité de la Chambre des communes, pourrait avoir entendues. Je dois vous faire remarquer qu'il existe actuellement une séparation des fonctions entre les rôles de promotion de l'industrie et de bénéfices financiers pour le gouvernement, dont les ministères sont responsables tant à l'échelle fédérale que provinciale, et les fonctions relatives aux règlements techniques qui sont assumées par les offices des hydrocarbures extracôtiers. Cette situation permet d'éviter les conflits d'intérêts tels que ceux qui ont été mis au jour aux États-Unis, ce qui veut dire que nous avons déjà une longueur d'avance sur les Américains en cette matière. Nous séparons déjà les fonctions afin d'éviter les conflits d'intérêts.

Lors d'autres exposés présentés devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, ainsi que dans les médias si je ne m'abuse, on a mentionné la possibilité de séparer les fonctions des offices des hydrocarbures extracôtiers de la région de l'Atlantique en deux entités distinctes : la première traiterait d'environnement, de santé et de sécurité, tandis que l'autre serait responsable des permis ainsi que d'autres fonctions. Même si nous comprenons ce point de vue, nous aimerions que le comité comprenne la valeur que pourrait avoir une approche réglementaire globale.

Dans le système réglementaire qui existe actuellement dans l'Atlantique, les questions de sécurité et d'environnement constituent des valeurs clés. Ces questions sont présentes dans toutes les exigences réglementaires. Par exemple, pour s'assurer que la sécurité demeure une des priorités, on a créé un poste d'agent principal de la sécurité. Ce poste est autonome et son titulaire ne peut être renversé par les offices. Il se concentre réellement sur la sécurité.

Dans un contexte réglementaire, la sécurité inclut la protection des travailleurs et la protection de l'environnement, mais elle est également intégrée à la conception des navires, des installations et de l'équipement lié aux activités extracôtières. Nous croyons que la séparation des responsabilités des offices ne constituerait pas un moyen efficace d'assurer la surveillance globale de l'industrie et elle pourrait mener à des orientations incohérentes ou difficilement conciliables. À notre avis, la sécurité et l'exploitation sont les deux revers d'une même médaille parce que l'équipement et les pratiques liés à l'exploitation sont des aspects intégrants de la sécurité.

Monsieur le président, je pense que je pourrais me contenter de résumer les propos qui suivent. Vous avez écouté longuement les entreprises dont vous avez parlé, qui vous ont donné leur point de vue sur leur approche relative à la gestion des risques, à la sécurité, à la prévention et aux interventions en cas de déversement. Je n'entrerai pas dans les détails. Je vais toutefois survoler quelques éléments.

Nous devons nous assurer de comprendre ce que signifie la gestion des risques. Nous devons également comprendre son fonctionnement. Du point de vue de l'industrie, bien entendu, nous favorisons pour nos activités une approche visant une exécution sans incident ni blessure tout en évaluant les risques et en appliquant des mesures d'atténuation permettant d'atteindre un niveau de risque aussi bas que possible sans rendre l'activité irréalisable.

Une fois cet exercice effectué par une entreprise, celle-ci peut choisir de poursuivre avec une demande ou décider que le seuil de risque d'une exploitation a été dépassé. En présumant qu'elle continue, l'entreprise entre ensuite dans un processus d'approbation avec l'organisme réglementaire concerné et propose ses stratégies de gestion des risques, qui feront partie de la demande. Je pense qu'on vous a dit lors d'un précédent témoignage que dès qu'une demande est présentée, l'organisme réglementaire détermine la pertinence de la proposition et elle peut choisir de l'accepter, de demander des changements ou tout simplement de refuser la demande.

En ce qui concerne les interventions en cas de déversement, lors de la dernière discussion, nous avions discuté des responsables et je voulais en parler plus longuement. En plus de l'équipement que nous devons avoir sur place, nous devons également avoir un système de commandement, qu'on appelle plus communément un système de commandement des interventions, en raison de ses origines militaires. Ce système vise à intégrer l'entreprise et l'organisme de réglementation et à fournir et définir les responsabilités en matière de direction et d'exécution en cas d'intervention.

Oui, je crois que l'entreprise doit être la première à intervenir. Elle est sur les lieux et elle peut activer son système de commandement des interventions et ses plans, notamment en appelant tous les organismes ou les entités qui ont un rôle à jouer dans l'exécution de ces plans.

En conclusion, l'industrie possède des exploitations au large des côtes du Canada depuis la fin des années 1960. Au cours de cette période, des centaines de puits ont été forés et il n'y a eu que quelques incidents. La technologie et la recherche progressent sans arrêt. L'industrie et les gouvernements investissent dans le domaine, non seulement en vue de prévenir, mais aussi en vue d'intervenir en cas de déversement. Le gouvernement et l'industrie profiteront de la recherche pour cerner les lacunes dans les stratégies de prévention et d'intervention et les rendre adéquates.

Je crois que le Canada dispose d'un régime réglementaire moderne. Ce régime nous permet d'intégrer les nouvelles technologies et les fruits de la recherche aux opérations. Je crois que l'idée d'un environnement réglementaire orienté sur les objectifs améliore cette capacité tout en voyant croître son importance.

Comme je l'ai déjà dit, cela ne signifie pas qu'il faut que nous devenions complaisants. Les événements qui se sont produits dans le golfe du Mexique constituent un rappel douloureux de la nécessité de demeurer vigilants et d'examiner les risques qui sont pris ainsi que les solutions qui peuvent les atténuer.

La gestion des risques est un élément fondamental de la politique publique, et elle laisse ses traces partout, que ce soit dans le transport par rail ou par avion, dans le système routier ou les stratégies de soins de santé. Ce concept n'est pas unique aux industries pétrolières et gazières et je ne pense pas qu'on comprend bien comment s'effectue la gestion des risques dans le monde réglementaire.

Ceci nous permet de revenir aux trois E : sécurité énergétique, environnement et économie. Nous comprenons qu'il est difficile de trouver l'équilibre et de rendre les risques acceptables pour que nous puissions avancer, mais ce concept est un processus important en matière de gouvernance en vue de déterminer si un projet doit se poursuivre.

Dans notre industrie, nous commençons par nous demander nous-mêmes si nous pouvons procéder de manière sécuritaire et nous concevons nos exploitations avec nos propres poids et contrepoids afin de réduire les risques au minimum. Cependant, comme je l'ai dit, lorsqu'il s'agit de déterminer si un risque résiduel est acceptable, il s'agit d'une question de politique publique et c'est le gouvernement et l'organisme réglementaire qui sont responsables de faire des choix dans l'intérêt du public.

Nous devons unir nos efforts pour nous assurer que le système réglementaire est conçu pour atténuer et gérer les risques de manière suffisamment sécuritaire et rentable afin que le Canada puisse continuer de profiter de l'exploitation de ses ressources extracôtières.

Le président : Merci, monsieur Pryce. Vous avez beaucoup insisté ce soir sur ce que vous appelez « l'approche axée sur les résultats » en matière de réglementation, sur les concepts des principes équilibrés de la gestion des risques, et de leurs effets sur votre industrie.

Je pense que ce que ça veut dire, c'est qu'il faut faire attention aux risques ou aux dangers de la surréglementation; on n'entre pas tous dans le même moule et par conséquent, il faut adapter les règles selon les situations. Nous avons eu un exemple avec le système financier.

Le système bancaire des États-Unis a longtemps été réglementé selon une approche contraignante, tandis qu'ici, au Canada, ainsi qu'au Royaume-Uni, nous avons adopté une approche axée sur des principes et selon laquelle on doit faire preuve de jugement et nuancer les règles.

Je veux m'assurer que c'est bien ce que vous vouliez dire, parce que nous avons vécu une crise très grave dans le secteur des services financiers et aux États-Unis, on a payé très cher pour un système contraignant alors qu'ailleurs, les dégâts ont été moindres.

Je pense que c'est là-dessus que vous insistez et je pense aussi que certains de vos membres ont suggéré qu'à un certain point, il n'est tout simplement pas économiquement responsable d'aller en mer, malgré tout ce que ces exploitations peuvent rapporter en fin de compte. On peut tout simplement rendre le tout trop compliqué pour que la poursuite des activités en vaille la peine.

Si je vous ai bien compris, je n'ai donc plus de questions et je vais passer tout de suite au sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Permettez-moi d'être pointilleux, monsieur Pryce, vous avez dit un comité parlementaire; nous sommes dans un comité parlementaire.

Le président : Il voulait dire l'autre endroit.

M. Pryce : Merci pour cette correction.

Le sénateur Banks : Ce n'est pas que je cherche à vous corriger, je suis désolé; je suis seulement très pointilleux à ce sujet parce que les journaux ont annoncé que le Parlement avait ajourné pour l'été. Ce qui n'est pas le cas.

Vous avez dit que l'organisme de réglementation était ultimement responsable. Je ne crois pas que vous y accordez le sens que moi j'y prête. Pourriez-vous m'aider à comprendre correctement?

M. Pryce : Ce que je veux dire, c'est que l'organisme de réglementation est l'ultime responsable de décider si nous possédons le bon plan. Je sais que vous avez beaucoup discuté du fait que l'entreprise était responsable de ses actions, et vous avez probablement entendu le même témoignage venant de l'industrie qui est d'accord avec ce point et qui l'accepte. Je crois que M. Caron vous a dit qu'ils n'ont probablement pas le choix de toute façon.

Le sénateur Banks : C'est cela, à la limite de leur capacité ils doivent remplir leurs obligations.

M. Pryce : Oui.

Le sénateur Banks : J'ai un peu de difficulté à démêler tout ça parce que nous avons entendu deux choses qui sont légèrement différentes, à moins que ce ne soit moi qui les ai comprises différemment, concernant les obligations qui sont imposées aux entreprises qui détiennent les concessions de forage en mer.

Nous avons entendu d'un côté que cela voulait dire qu'ils devaient forer à l'intérieur d'une certaine période, avant une date précise, j'imagine, et nous avons également entendu que non, cela voulait dire qu'ils devaient dépenser un certain montant d'argent avant une certaine date. Lequel de ces deux énoncés pensez-vous être exacts?

M. Pryce : Eh bien, ce que je crois en comprendre c'est qu'ils proposent dans leur soumission ce qu'ils veulent faire, et dans de nombreux cas, ils vont dépenser un certain montant selon un échéancier déterminé. Je crois également qu'il y a certaines attentes concernant la durée de la concession et le moment où ils vont entreprendre le forage d'un puits.

Je vous donne mon interprétation. Il ne s'agit pas de la vérité absolue.

Le sénateur Banks : D'accord. Je me demande ce qui arriverait s'ils ne remplissaient pas leurs obligations.

M. Pryce : Ce qui donne une raison de plus pour que nous accédions à votre demande d'inviter le MAINC à venir témoigner.

S'ils ne remplissent pas leurs engagements, je crois qu'il est entendu qu'ils perdront l'argent qu'ils ont déposé ainsi que la concession du même coup.

Le sénateur Banks : Tous nous ont dit qu'il n'y avait aucun forage en ce moment dans l'Arctique, ni dans la mer de Beaufort. À l'instar d'autres pays, est-ce que vos membres continuent d'étudier la possibilité d'extraire du gaz des hydrates?

M. Pryce : Pas à ma connaissance. Je ne crois pas. C'est très loin dans les composantes de la chaîne d'hydrocarbures et difficile d'accès. Il est beaucoup plus économique d'utiliser les méthodes conventionnelles pour le pétrole et le gaz, et nous avançons dans un monde non conventionnel.

C'est une question pertinente, alors que nous tentons de maintenir le niveau de production et de répondre à la demande en énergie, nous étudions les possibilités d'extraction en mer à titre de nouvelle source d'hydrocarbures dans l'avenir, mais les hydrates sont plus bas dans la liste des intérêts. C'est une technologie différente. Et l'accès est beaucoup plus dispendieux.

Le sénateur Banks : Si le prix est assez élevé ou si les ressources sont faibles, alors nous prendrons cette voie.

M. Pryce : Soit le prix devient assez élevé, soit ce bassin devient plus compétitif qu'un autre bassin dans le monde, pour une autre ressource.

Le sénateur Banks : Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais si l'on veut décrire la réaction de la CAPP concernant la catastrophe qui a soulevé les questions que nous nous posons aujourd'hui, comme je l'ai dit l'autre jour, lorsqu'il s'agit de connaître les personnes responsables relativement à leur capacité de payer, je crois que c'est une question qui n'a plus d'importance pour les gens sur les plages de la Floride ou de la Caroline du Sud. Cela ne fait aucune différence parce que les dommages sont faits, et rendu à ce point, peu importe qui est responsable. Par exemple, lorsqu'un événement survient avec l'un de vos membres et que les coûts — pour limiter les dégâts ou pour corriger la situation ainsi que toutes les choses qui doivent être faites — dépassent la capacité de payer d'une entreprise, peu importe qui ou quoi est responsable, de toute façon le pays devra nettoyer. Cela devient une responsabilité nationale ne pensez-vous pas?

M. Pryce : Les entreprises qui exploitent ces ressources en mer, sont de très grandes entreprises qui possèdent beaucoup de capital. L'entreprise BP s'est engagée à honorer ses obligations. À mon avis, le défi auquel nous faisons face sont les manœuvres visant à léguer certaines responsabilités par décision judiciaire. Lorsque j'ai lu les journaux, BP disait être responsable, mais BP voudra également trouver qui parmi ses partenaires ou ses entreprises de service pourrait partager cette responsabilité, et cela complique toute la discussion malheureusement.

Au bout du compte, l'organisme de réglementation attribue toute la responsabilité à l'industrie, et ce que les entreprises disent c'est qu'elles comprennent et qu'elles acceptent.

Le sénateur Banks : Toutefois, l'ampleur est tout autre. Premièrement, les 40 millions de dollars sont incontestables, mais la semaine dernière, BP a engagé une somme de 20 milliards de dollars et il ne s'agit peut-être que d'une première tranche. Il pourrait y en avoir une autre semblable. Lorsqu'on prend 40 milliards de dollars à quelqu'un, ce n'est pas rien. Peu importe la grosseur de l'entreprise.

M. Pryce : C'est bien vrai.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Pryce, d'avoir témoigné. Pourriez-vous décrire en termes simples en quoi consiste l'obligation de réparer des entreprises de pétrole et de gaz concernant un déversement?

M. Pryce : Je ne suis pas un spécialiste et je ne pourrais pas, peu importe ce que le président a dit, répondre à cette question.

Le sénateur Massicotte : Le président a interprété vos commentaires de manière un peu différente de moi. J'ai apprécié la direction de vos observations. Ce que j'en ai compris, c'est qu'il ne faut pas oublier les trois E, et qu'il faut aussi être réaliste. Il y a toujours un risque de nuire à l'environnement parce qu'il est impossible d'obtenir la perfection et d'éliminer complètement les risques. Même à 0,001, il y a toujours le risque de dommages importants. Monsieur Canada, je comprends ce point de vue, mais il ne faut pas oublier les avantages économiques que vous en tirez; et n'oubliez pas, monsieur Canada, que vous êtes vous-même un grand consommateur de ce produit. À moins que vous ne vouliez arrêter de chauffer vos maisons, n'oubliez pas de considérer les trois. Vous voulez forcer tout le monde, ainsi que nous-mêmes, à avoir un point de vue équitable.

À cet effet, pourriez-vous résumer pour moi l'ensemble de la question, et je sais que vous l'avez fait par province dans votre rapport, qui concerne la valeur économique de votre industrie au Canada en termes d'emploi, de valeur économique ainsi qu'en rapport avec les autres E?

M. Pryce : L'industrie en soi est une industrie de 110 milliards de dollars au Canada. C'est une industrie nationale qui œuvre dans toutes les juridictions ou qui a des intérêts dans toutes les juridictions.

Le sénateur Massicotte : Est-ce qu'il s'agit de 110 milliards d'actifs ou de dépenses annuelles?

M. Pryce : Ce sont des dépenses annuelles.

Cela représente environ 25 p. 100 de la valeur TSX en ce moment, ce qui fluctue évidemment avec la valeur des actions et le cours des produits de base, mais ça reste de cet ordre-là.

Il y a environ 500 000 personnes qui travaillent dans cette industrie au Canada de manière directe ou indirecte et il y a des représentants dans la plupart des juridictions. Les bénéfices indirects en matière d'emploi sont très vastes de ce point de vue.

En ce qui a trait à l'exploitation en mer, j'ai déjà parlé du Nord. Très peu de valeur est transférée dans le Nord en ce moment en ce qui concerne les dépenses de l'industrie. Certains programmes séismiques sont en cours et peut-être quelques puits sur terre ont été forés pendant la dernière année ou quelque chose comme ça, si je me souviens bien, ce qui représente des dépenses d'environ 1,5 milliard de dollars dans le Nord. De mémoire, 2 à 3 milliards de dollars ont été dépensés dans la région du Canada atlantique.

Dans mes notes, il est question d'une partie des rentrées que génère l'industrie pétrolière à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse respectivement. Je crois qu'elles ont été d'environ 2,2 milliards de dollars l'année dernière à Terre- Neuve-et-Labrador. En Nouvelle-Écosse, l'industrie est de plus petite taille, mais les rentrées qu'elle a générées se sont chiffrées à quelque 1,5 milliard de dollars au cours de la dernière décennie. Il s'agit de redevances versées à ces provinces, et elles représentent une part assez importante des recettes de la province même.

Je pense que nous avons dépensé quelque 16 milliards de dollars à Terre-Neuve-et-Labrador au cours de la dernière décennie pour les activités poursuivies dans le passé.

Le sénateur Massicotte : Ce secteur emploie 500 000 personnes? Que se passerait-il si la population réclamait l'interruption du forage en haute mer ou si des gens décidaient de ne pas en faire en raison des risques?

M. Pryce : Dans la région du Canada atlantique, à Terre-Neuve-et-Labrador, le secteur crée environ 3 000 emplois directs et, en Nouvelle-Écosse, environ le même nombre. Je ne connais pas le nombre des emplois indirects créés dans ces régions, mais imaginez une interruption des activités de tout ce secteur industriel.

Le sénateur Lang : On peut multiplier par trois.

M. Pryce : Oui.

Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de l'approvisionnement? Dix pour cent de notre approvisionnement en pétrole brut viennent de l'extraction en haute mer. Le prix augmenterait, je présume, dans le monde entier?

M. Pryce : Je ne crois pas que les 10 p. 100 du Canada entraîneraient une hausse parce que le prix est fixé au niveau mondial. Si l'industrie des hydrocarbures extracôtiers est soumise à des restrictions au niveau mondial, ce sont 38 p. 100 du pétrole produit dans le monde qui proviennent du forage en haute mer; voilà le message que je veux faire passer. Mais tandis que les gouvernements se demandent que faire face à ce grave événement, il faut penser que le retrait du marché de 38 p. 100 du pétrole aura sans aucun doute pour conséquence une augmentation du prix de ce bien. D'autres entités pourraient également y voir une invitation à reprendre l'exploitation de puits dont ils avaient fermé le robinet.

Le sénateur Massicotte : Pour résumer, vous donnez de l'emploi à un demi-million de personnes. Vous avez un impact important sur la dimension financière parce que vous avez vos 38 p. 100 et, d'après vos dires, le pétrole et le gaz contribueront à la croissance projetée de la demande d'énergie dans des proportions pouvant atteindre 40 p. 100. L'économie et l'emploi seront sérieusement touchés. Il pourrait y avoir de graves problèmes d'approvisionnement.

Qu'en est-il de l'aspect environnemental? Quelles leçons devrions-nous tirer des événements? Faudrait-il accepter que ce qui est arrivé en Louisiane survienne encore, très occasionnellement? Quel compromis faut-il faire?

M. Pryce : Ce qui s'est produit, c'est le pire des scénarios.

Le sénateur Banks : Le pire à ce jour.

M. Pryce : Les gouvernements, l'industrie, les milieux environnementaux et le public, nous sommes tous en train de procéder collectivement à une réévaluation. Il y a de grosses sommes en jeu. Ce n'est pas qu'une affaire d'environnement. Il y a une dimension sociale également, comme vous dites. La zone côtière et la faune ne sont pas les seules touchées, l'industrie de la pêche et d'autres secteurs le sont également. C'est vraiment un chiffre énorme.

Le défi, pour nous tous, consiste à trouver un équilibre entre les différents aspects. Comment savoir si on a fait tout ce qui était possible pour réduire le risque au minimum, et être raisonnablement sûr que l'organisme de réglementation dispose des outils appropriés et assure la surveillance requise? L'industrie pétrolière fait sa part pour limiter le risque au minimum.

Le sénateur Massicotte : C'est la partie difficile. Les raisons sont de tous ordres : économique, personnel, environnemental, à quoi s'ajoute l'approvisionnement, que les conservateurs ne veulent pas voir escamoté. En même temps, je suppose que les sociétés pétrolières et gazières diront : « Si la responsabilité est illimitée, comme cela semble être le cas dans l'affaire BP, les risques sont à ce point énormes que je n'accepterai de forer que dans la mesure où je serai capable de les atténuer. » Vous dites-vous des choses semblables entre producteurs?

M. Pryce : Je ne crois pas que quiconque tienne ce genre de discours en ce moment. Quand les entreprises examineront les perspectives qui s'offrent à elles et les activités qu'elles pourraient envisager de poursuivre, elles voudront savoir à quel genre de politiques elles auront affaire. Elles évalueront la situation en fonction de la capacité qu'elles croiront avoir d'atténuer les risques. Une entreprise qui poursuit déjà des activités de forage sur la côte Est a dit être raisonnablement confiante que les mesures qu'elle mettra en œuvre fonctionneront efficacement.

Le sénateur Lang : Je cherche des idées pour mieux réglementer l'activité de concert avec les entreprises en question. Je ne crois pas qu'il y ait ici de malentendu quant au fait que nous avons besoin de cette énergie. D'après tous les comptes rendus, il semble que notre façon de faire les choses soit meilleure que ce qui a été fait dans le golfe du Mexique, ce qui ne veut pas forcément dire qu'il ne reste plus rien à faire.

Nous avons tous concentré notre attention sur les entreprises qui font des travaux de forage, mais il nous faut comprendre que nous avons nous aussi une responsabilité. Il en va de même pour l'ONE, l'Office national de l'énergie du Canada. En tant qu'organisme de réglementation ou d'organisme de réglementation pour le forage extracôtier à Terre- Neuve et en Nouvelle-Écosse, ils ont une responsabilité dont ils doivent s'acquitter, à défaut de quoi le public sera exposé à des risques parce qu'ils auront manqué à leur engagement, pris devant le public, de mettre en application la réglementation. Les responsabilités sont partagées, elles ne sont pas toutes d'un seul côté.

À en juger d'après les événements survenus dans le golfe du Mexique, les organismes de réglementation ont failli à la tâche, un certain nombre de fois et peut-être un très grand nombre de fois. Dans le domaine des hydrocarbures extracôtiers, et en particulier dans celui du forage en eau profonde, les organismes de réglementation sont évidemment investis de responsabilités clés. Si on faisait appel à une tierce partie ou si un fonctionnaire gouvernemental devait donner son assentiment à certaines mesures prises et à des aspects qui répondent aux critères, il pourrait y avoir une étape supplémentaire dans le processus. Dans sa forme actuelle, Internet constitue un moyen facile de le faire. Le fait que certaines fonctions ont été autorisées pourrait être du domaine public et chacun pourrait voir ce qui s'est fait. La personne qui donnerait l'approbation devrait accepter la responsabilité pour laquelle elle est payée. Mais actuellement, une personne peut donner son approbation à quelque chose qui n'a pas été fait alors qu'il aurait dû l'être, et elle n'a aucune responsabilité à assumer.

L'obligation de rendre compte des personnes concernées s'en trouverait peut-être raffermie. Je veux vous faire voir les choses sous l'angle d'une collaboration avec l'organisme de réglementation qui supervise les opérations au quotidien et qui a des responsabilités à assumer.

M. Pryce : Je ne peux pas commenter la question de savoir qui a fait quoi, bien ou mal, aux États-Unis. Mon point de vue personnel est qu'on consacre beaucoup de temps et d'argent en investissements dans nos organismes de réglementation. Nous voulons qu'ils s'acquittent bien de leurs tâches en prenant leurs responsabilités et en faisant preuve de transparence.

Si nous suivons cette voie — j'ai l'impression de remettre mon chapeau de responsable de la réglementation —, j'espère qu'ils pourront compter sur la conviction du gouvernement et du public qu'ils savent ce qu'ils font. La transparence permettra au public de voir qu'ils ont bien agi.

Il y a probablement des choses qui valent la peine d'être regardées. Comment l'organisme de réglementation vous le signifie-t-il? Je pense que les mécanismes sont en place dans le cas d'un examen par l'ONE. L'office a son propre mécanisme de vérification lui permettant de s'assurer que l'industrie fait ce qu'elle dit et qu'elle réponde à ses attentes.

Le recours à une tierce partie constitue également une façon d'arriver au même résultat. Je préférerais néanmoins avoir la certitude que nos organismes de réglementation ont les ressources et les compétences pour faire le travail afin qu'on puisse le leur confier et les habiliter à s'en acquitter.

Le sénateur Lang : Nous ne pouvons commenter les événements du golfe du Mexique, mais nous en entendons parler tous les jours dans les actualités. Il doit y avoir une dose de vérité dans le fil d'information qui nous parvient.

Pour en revenir à mes préoccupations, toutes les parties ont leurs responsabilités à assumer. Il faut se rappeler ce qui s'est passé en 1979. Ce n'est pas la première fois que les blocs obturateurs de puits font défaut et qu'il s'ensuit des problèmes comme ceux du golfe du Mexique. La seule différence, c'est que le réseau CNN n'était pas là pour couvrir les événements.

Avec l'évolution de la technologie, il est important d'éliminer la part d'erreur humaine. Peut-on imaginer des façons d'y arriver sans ajouter une couche supplémentaire de bureaucratie, peut-être en intégrant plutôt des mécanismes de vérification au système? Voilà ce que je voudrais savoir.

M. Pryce : Je crois que personne ne s'oppose au principe de transparence ni au principe voulant que des mécanismes de contrôle soient en place. Le problème, c'est de savoir comment y affecter les ressources nécessaires.

Le sénateur Neufeld : Un certain nombre de mes questions ont été posées, mais je veux enchaîner avec ce que le sénateur Massicotte a demandé, quand il a parlé de PNB, le produit national brut, du nombre d'emplois et ainsi de suite. Pourriez-vous me dire, pour que ce soit clair pour tout le monde, combien Terre-Neuve-et-Labrador a touché en redevances et en frais de location au cours du dernier exercice financier? Quelle part de son budget total ce montant représente-t-il?

M. Pryce : Au cours du dernier exercice financier, Terre-Neuve-et-Labrador a touché environ 2,2 milliards de dollars en redevances, ce qui a représenté de 25 à 28 p. 100 de son flux de rentrées.

Le sénateur Neufeld : Ce n'est pas rien. S'il fallait interrompre les activités pétrolières et gazières en haute mer à Terre-Neuve-et-Labrador — le ciel nous en préserve — cette province perdrait 28 p. 100 de ses recettes totales. En fait, Terre-Neuve ne fait plus partie depuis un certain temps déjà des provinces qui bénéficient de paiements de péréquation pour ces raisons mêmes.

Je connais M. Pryce depuis bon nombre d'années, depuis l'époque, dans une vie antérieure, où j'ai été ministre de l'Énergie et des Mines en Colombie-Britannique. M. Pryce et moi nous connaissons bien parce que nous avons beaucoup travaillé ensemble.

Pouvez-vous nous indiquer un pourcentage du budget de la Nouvelle-Écosse et des recettes que reçoit cette province?

M. Pryce : Comme j'ai dit plus tôt, les recettes dans le cas de cette province sont considérablement moindres. Elle a touché environ 1,5 milliard de dollars en redevances, mais c'était sur les 10 années précédentes. Il s'agit d'un montant nettement plus petit. Je pense que pour l'exercice précédent, c'était environ le tiers, considérant que le marché du gaz naturel a connu un fléchissement. D'après mes notes, c'est le tiers. Une correction qui m'a été communiquée pendant le vol m'amenant ici indiquait que la diminution était peut-être attribuable au prix du gaz naturel sur le marché, mais ce n'est pas une part insignifiante.

Le sénateur Neufeld : C'est un montant important dans les deux provinces et de toute évidence, il l'est à Terre-Neuve-et- Labrador, comme en Alberta et en Colombie-Britannique. Les recettes générées par l'industrie pétrolière et gazière sont considérables.

Mon autre question, qui portait sur les règles et la réglementation et tout cet aspect des choses, a déjà été posée. Merci, monsieur Pryce.

Le sénateur Dickson : Ma question sera brève. Certaines entreprises se sont également dotées de politiques de soutien communautaire. Quelles grandes activités l'Association canadienne des producteurs pétroliers et/ou ses membres ont-ils entreprises ou prévoient-ils entreprendre dans le Nord avant la demande de soumissions afin d'éduquer les résidants du Nord relativement aux risques et aux avantages du forage en haute mer et de la mise en production des ressources qui s'y trouvent et pour obtenir leur adhésion? Autrement dit, comment leur présentez-vous les choses?

M. Pryce : C'est une vaste question. En ce moment même, un membre de notre personnel dirigeant se trouve à Inuvik et siège à titre de membre d'un comité chargé de discuter des possibilités qu'offre l'exploitation pétrolière à terre et au large dans le Nord, et je m'attends à ce que cette dimension donne lieu à beaucoup de questions. Comme c'est l'Office national de l'énergie qui procède à l'examen, il est très probable que nos membres et nous y participerons, et l'information fera son chemin à la faveur de ce processus ouvert et transparent.

Nos membres rencontrent les divers conseils dans le Nord. Je suppose qu'ils discuteront de tout plan particulier qu'ils ont sur leur table à dessin. Comme M. Caron l'a souligné, en ce moment, il n'y a aucun projet de forage en haute mer dans l'avenir immédiat. Il s'écoulera au moins quatre ans avant qu'une entreprise envisage seulement de présenter une demande à cet égard. Je suppose que cette entreprise observe très attentivement les signaux politiques qui seront envoyés et l'environnement réglementaire qui sera conçu et, en toute honnêteté, qu'elle examine les conséquences financières auxquelles elle s'expose éventuellement.

Le sénateur Dickson : D'après les commentaires que vous recevez de la personne de chez vous qui se trouve dans le Nord, dans quelle mesure l'état d'esprit était-il positif avant le déversement dans le golfe et qu'en est-il maintenant qu'il y a eu ce déversement? L'opinion a-t-elle changé du tout au tout?

M. Pryce : En fait, je ne lui ai pas parlé aujourd'hui, mais j'ai pris connaissance d'un message en provenance du Nord. Quand j'ai pris part — je dois veiller à m'exprimer correctement — aux travaux de l'autre comité parlementaire, le Conseil Inuvialuit de gestion du gibier et un autre organisme semblable du Nunavut ont comparu. J'ai interprété leurs paroles dans le sens suivant : faites attention de ne pas vous planter, mais il y a un avenir pour l'industrie pétrolière si vous faites les choses correctement, signifiant ainsi qu'ils ne voulaient pas rater l'occasion d'une contribution de l'industrie pétrolière au bien-être du Nord. Les communautés et les organismes de réglementation éprouvent à ce sujet une tension légitime.

Le sénateur Banks : Je voudrais renchérir sur ce qu'ont dit le sénateur Massicotte et le sénateur Neufeld. La province dans laquelle le sénateur Brown et moi-même résidons, l'Alberta, a été bénéficiaire de l'équivalent des paiements de péréquation jusqu'en 1963. C'est dire que nous sommes très conscients de l'importance économique des combustibles fossiles. Je vais également m'arrêter à l'avis exprimé par le sénateur Lang. Je parie que M. Pryce est au courant parce qu'il rencontre de temps en temps ses homologues ailleurs. Je suis prêt à parier que si, le 19 avril, on avait examiné les règles et la réglementation écrites ainsi que les mesures d'intervention édictées par l'organisme correspondant à l'ONE en Louisiane, on aurait probablement trouvé tout cela très bien. Ce n'est pas l'expérience qui manque en matière de forage en haute mer, là-bas. L'industrie pétrolière y a foré des milliers de puits. C'est une activité qu'elle pratique depuis longtemps et elle sait probablement ce qu'elle fait. C'est comme la constitution de l'URSS. La question n'est pas tant de savoir si le texte est bien écrit, mais s'il est appliqué et observé, et si on est vigilant. Vous avez parfaitement raison, sénateur.

M. Pryce : Pour en revenir à ce qu'a dit M. Caron, et je répète que je ne connais pas les règles, mais dans l'hypothèse où elles sont de nature relativement prescriptive, on peut supposer qu'il y a avantage à rechercher une approche plus résolument axée sur les objectifs et qui incite les entreprises à prendre leurs responsabilités et à penser aux conséquences de leurs actes tout en incitant également les organismes de réglementation à prendre les leurs quand ils jugent de ce qui doit figurer dans les demandes. Je me base sur l'hypothèse d'un ensemble de règles de nature davantage prescriptive. Je pense qu'il y a ici une occasion à saisir et je m'attends à ce qu'elles soient attentives à ce qu'il y a à apprendre globalement avec une réglementation axée sur les objectifs.

Le président : Merci, monsieur Pryce. Je veux également remercier les collègues. Je sens l'engagement que suscite cette étude et je m'en réjouis. La soirée est avancée et nous avons des semaines bien remplies depuis longtemps. La présidence apprécie le soutien et l'attention des participants. Je sais que les deux témoins trouvent l'expérience de leur prestation devant le présent comité un peu différente de ce qu'ils ont connu lors de leur comparution devant les autres comités qui ont été mentionnés. Je vous remercie d'être venus prendre part à nos délibérations. Si plus tard vous souhaitez ajouter des éléments qui pourraient faire partie de nos recommandations ou des données supplémentaires qui pourraient nous être utiles dans nos délibérations, nous serons très heureux de les recevoir.

(La séance est levée.)


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