Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 12 - Témoignages du 26 octobre 2010
OTTAWA, le mardi 26 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 16, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement.
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour chers collègues, monsieur Nash, et bonjour à ceux qui nous écoutent sur la chaîne CPAC et sur le Web. J'aimerais souligner que tout le monde est invité à consulter notre nouveau site web, qui est consacré à notre étude du secteur énergétique et de l'avenir de l'énergie au Canada. Ce site web a été inauguré à midi aujourd'hui même, et nous en sommes très fiers. L'adresse du site est www.canadianenergyfuture.ca, www.avenirenergiecanadienne.ca. Chacun et chacune est invité à le visiter non seulement pour suivre les délibérations du comité, mais aussi pour prendre part à un dialogue, auquel nous convions les Canadiens, sur une série de questions essentielles concernant l'énergie et ses liens avec l'environnement et l'économie du Canada, sujet d'importance primordiale.
Cela dit, vous êtes tous les bienvenus à cette réunion où nous poursuivons la deuxième phase de notre étude. Je me nomme David Angus, je suis un sénateur du Québec et je préside ce comité.
Il serait bien de nous présenter, pour l'audience et pour les témoins. À ma droite immédiate se trouve notre vice-président, le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta. On peut voir à sa droite deux excellents chercheurs de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks. À leur droite se trouve non pas l'un de nos membres permanents, mais un collègue du Sénat, qui remplace un membre absent, le sénateur Campbell de Vancouver, en Colombie-Britannique — un sénateur réservé et discret qui manifeste un intérêt profond et durable pour tout ce que nous faisons ici. Le sénateur Campbell est toujours le bienvenu parmi nous. La semaine dernière, nous avons été bien impressionnés quand il a relevé une erreur dans un commentaire que quelqu'un avait formulé. Le compte rendu en fait foi.
À sa droite se trouve mon prédécesseur, l'estimé sénateur Tommy Banks de l'Alberta.
Dans l'autre sens, notre talentueuse greffière Lynn Gordon est à ma gauche immédiate. À sa gauche sont le sénateur Richard Neufeld de la Colombie-Britannique, le sénateur Judith Seidman du Québec, le sénateur Paul Massicotte du Québec, le sénateur Fred Dickson de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Bert Brown de l'Alberta et enfin le sénateur Dan Lang du Yukon.
C'est, si on peut dire, votre jury pour ce soir, mon cher monsieur. Je salue particulièrement notre témoin de ce soir, M. Ken Nash, qui est le président et chef de la direction de la Société de gestion des déchets nucléaires. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir. Comme vous le savez, monsieur Nash, nous commençons à porter notre attention sur différents secteurs énergétiques, et le nucléaire est l'un de ces secteurs.
Dans les semaines à venir, non seulement nous serons à l'écoute de gens de valeur comme vous, mais nous visiterons le réacteur national de recherche universel, ou NRU, à Chalk River, puis plus tard en novembre nous consacrerons quelques jours à une visite de l'une des installations chimiques, et de la centrale de Bruce Power. Nous avons déjà entendu deux témoins du secteur nucléaire.
Nous commençons à comprendre ce secteur. Il suscite une certaine controverse au pays; on parle des déchets nucléaires et autres, et beaucoup d'idées fausses semblent circuler concernant l'évolution de la technologie. Nous vous écouterons avec le plus grand intérêt. Merci d'être parmi nous. Je vous invite à commencer par votre déclaration, puis nous vous poserons nos questions.
Ken Nash, président, Société de gestion des déchets nucléaires : Merci infiniment de cette présentation, et bonjour à tous. C'est pour moi un plaisir et un privilège d'être parmi vous. J'espère que mes propos seront utiles au comité.
Je me concentrerai sur les progrès réalisés par le Canada dans la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié, qui est essentiellement un résidu généré par la production d'électricité d'origine nucléaire. Les premiers travaux sur l'élimination du combustible irradié canadien ont été entrepris peu après l'institution de la Commission royale sur la planification de l'énergie électrique, créée en 1978 par l'Ontario. Cette Commission a recommandé de limiter le développement de l'industrie nucléaire en Ontario jusqu'à ce qu'on ait réalisé des progrès par rapport au stockage des déchets nucléaires, et notamment leur élimination.
Cette recommandation a conduit les gouvernements de l'Ontario et du Canada à mettre sur pied le Programme canadien de gestion des déchets de combustible nucléaire et à confier à Énergie atomique du Canada limitée la responsabilité du développement d'un concept de stockage géologique.
En 1989, en réponse essentiellement aux préoccupations du public concernant le choix d'un site pour l'établissement d'un dépôt, le concept de stockage en couche géologique a été renvoyé devant une commission fédérale d'évaluation environnementale et un moratoire sur les activités de sélection d'un site a été décrété.
La commission fédérale a mené une étude approfondie du concept de stockage proposé par EACL et, dans son rapport de 1998, a jugé que la sûreté technique du stockage géologique avait été démontrée sur le plan conceptuel. Toutefois, l'appui du public n'avait pas été démontré et l'acceptation sociale du concept était insuffisante pour procéder à sa mise en œuvre. La commission a formulé 52 recommandations, lesquelles ont été largement transposées dans la Loi sur les déchets de combustible nucléaire de 2002.
Le président : Excusez-moi de vous interrompre un instant. Vous parlez d'une commission fédérale qui existait en 1998. Sous quelle égide a-t-elle été créée? Il me semble que Blair Seaborn y était pour quelque chose. C'était bien le nom du président?
M. Nash : Effectivement, l'ancien sous-ministre Blair Seaborn a été nommé président de la commission, et il s'agissait d'une commission fédérale relevant de l'agence canadienne d'évaluation environnementale.
Le président : Est-ce qu'elle relevait d'un ministère en particulier?
M. Nash : Je ne suis pas sûr du ministère responsable, mais la commission faisait partie de la structure d'évaluation environnementale à l'époque.
Le président : Merci. Nos recherchistes pourront certainement nous trouver le rapport Seaborn. Je m'excuse pour cette interruption. Vous pouvez poursuivre.
M. Nash : La commission Seaborn, comme on la désignait alors, a fait 52 recommandations, lesquelles ont été transposées sur une période de quatre ans dans la Loi sur les déchets de combustible nucléaire de 2002.
Nous avons continué à accumuler du combustible irradié au Canada, et il y a actuellement 2 millions de grappes de combustible irradié, ou 30 000 tonnes, entreposées provisoirement en toute sûreté, principalement en Ontario, où l'énergie nucléaire est produite.
La capacité d'entreposage des exploitants de centrales nucléaires est suffisante pour satisfaire à leurs besoins pour des décennies à venir et, si l'attention et l'entretien appropriés y sont accordés, les conteneurs de stockage resteront sûrs pour une centaine d'années ou plus. Toutefois, cette matière conserva presque indéfiniment son caractère dangereux, et doit donc être bien gérée à long terme.
Conformément aux exigences de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, des progrès importants ont été réalisés depuis 2002. La Société de gestion des déchets nucléaires, la SGDN, a été créée par Ontario Power Generation, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick avec la mission d'élaborer et de mettre en œuvre un plan socialement acceptable, techniquement sûr, écologiquement responsable et économiquement viable pour gérer le combustible nucléaire irradié au Canada.
Un conseil consultatif, présidé par l'honorable David Crombie, a été mis sur pied. Des fonds en fiducie ont été institués par les propriétaires du combustible irradié et les sommes accumulées dans ces fonds dépassent actuellement 5 milliards de dollars. La SGDN a réalisé une étude sur les options d'entreposage et d'évacuation, et a présenté une recommandation au gouvernement canadien en 2005. Après la décision prise par le gouvernement en 2007 d'accepter la recommandation, la SGDN a rendu public son plan de mise en œuvre en 2008.
À l'issue de trois années d'étude sur les options disponibles, de 2002 à 2005, la SGDN a déployé des efforts considérables pour répondre aux attentes sociétales concernant la gestion du combustible nucléaire. Plus de 18 000 Canadiens, dont 2 500 Autochtones, ont été mobilisés et plus de 500 experts y ont contribué. Cent vingt séances d'information et de discussion ont été tenues dans l'ensemble des provinces et des territoires. Plusieurs études ont été lancées, portant entre autres sur la détermination des valeurs qui, selon les Canadiens, devraient régir la gestion des déchets nucléaires.
Nous n'avons pas été surpris de constater que les points de vue pouvaient varier considérablement. Cependant, un certain consensus existe sur certains aspects. La sûreté et la sécurité constituent bien sûr une priorité absolue. La génération actuelle doit s'occuper dès maintenant de la gestion des déchets qu'elle a produits. Nous devons tirer profit des meilleures pratiques internationales, et la méthode choisie doit pouvoir s'adapter aux progrès technologiques et aux changements dans les priorités sociétales durant toute la période de gestion de cette matière.
L'approche recommandée par la SGDN, que nous appelons aujourd'hui la Gestion adaptative progressive, était celle qui correspondait le mieux aux priorités et aux valeurs des Canadiens, et c'est le plan qui a été approuvé par le gouvernement canadien en 2007. Cette approche est à la fois une méthode technique et un système de gestion. La méthode technique est l'isolement dans une formation géologique profonde où le combustible irradié peut être surveillé, et récupéré si nécessaire. Cette méthode est conforme à ce qui se fait de mieux dans le monde, et presque tous les pays ayant un tel programme nucléaire ont opté pour l'enfouissement en couche géologique profonde.
La manière dont nous y arriverons est tout aussi importante. Cette approche a été taillée sur mesure pour refléter les valeurs et les priorités des Canadiens. Elle exige une flexibilité quant au rythme et à la manière de réaliser la mise en œuvre; la capacité de s'accorder avec les changements possibles et le savoir traditionnel autochtone; une ouverture, une transparence et des décisions prises en différentes phases, avec la participation des Canadiens tout au long du processus. Elle exige aussi l'établissement de l'installation dans une collectivité hôte informée et consentante ayant la formation géologique recherchée.
En juin 2007, le gouvernement canadien a accepté la recommandation de la SGDN, et nous sommes maintenant responsables de mettre en œuvre ce projet d'infrastructure national, qui nécessitera un investissement de l'ordre de 16 milliards de dollars ou plus de la part des propriétaires du combustible irradié. Il s'agit d'un projet de haute technologie qui offrira des emplois à des centaines de travailleurs spécialisés pendant plusieurs décennies et qui servira de centre d'expertise et de collaboration internationale. Il se réalisera dans le cadre d'un partenariat à long terme entre la SGDN et la collectivité hôte, et favorisera le bien-être de cette collectivité. Il sera bien sûr soumis à une réglementation stricte, et des critères scientifiques et techniques rigoureux en garantiront la sûreté.
Depuis 2008, la SGDN publie chaque année un plan de mise en œuvre à la suite de consultations publiques. Ce plan précise les orientations et les cibles en regard de sept objectifs clés, soit l'établissement de rapports à long terme avec des Canadiens intéressés et leur participation à la prise de décisions; la poursuite du développement de la technologie liée au dépôt; l'élaboration et la mise en œuvre en concertation d'un processus de sélection d'un site; la mise à jour de la formule de versements aux fonds en fiducie par les propriétaires de déchets nucléaires pour faire en sorte que ceux qui ont tiré profit de l'énergie nucléaire en assument les coûts de gestion à long terme; la recherche en matière de technologies de rechange et d'attentes sociétales pour adapter nos plans si nécessaire; l'amélioration continue de notre structure de gouvernance; l'amélioration continue de notre capacité organisationnelle.
L'établissement de rapports avec les Canadiens intéressés et leur participation aux décisions constituent des éléments fondamentaux de notre plan. Nous estimons qu'il est de notre devoir de travailler au nom des Canadiens à la mise en œuvre de la Gestion adaptative progressive et que le succès de cette entreprise ne pourra se concrétiser que si le public approuve le projet.
Nous avons mis en place plusieurs mécanismes pour réaliser ces objectifs de façon systématique, entre autres un forum des Aînés autochtones du Canada et des projets avec plusieurs groupes autochtones et un forum des associations municipales et de fréquents dialogues avec les collectivités hébergeant un ou plusieurs réacteurs. Nous avons recours à diverses méthodes d'engagement, dont des dialogues multipartites, des tables rondes menées auprès des citoyens et des gouvernements, des dialogues dirigés par des organisations autochtones, des séances d'information publiques, des présentations sur demande et, bien entendu, de constantes séances d'information au profit des représentants des gouvernements provinciaux et fédéral. Nous utilisons souvent ces mécanismes pour recueillir des commentaires sur nos plans de mise en œuvre et, plus récemment, sur notre processus de sélection d'un site.
Une des tâches les plus ardues est probablement le choix du site où sera établi le dépôt de combustible irradié. En 2008 et 2009, la SGDN a fait appel aux mécanismes que j'ai décrits pour organiser deux séries de dialogue public. Elle s'est concentrée en premier sur les principes, puis sur un processus préliminaire de sélection du site. Au cours de ces dialogues, les Canadiens ont énoncé les valeurs, les objectifs et les principes qu'ils souhaitaient voir guider le processus, soit la sûreté avant tout, la conformité aux normes internationales, la nécessité d'agir pour cette génération, le respect du principe de la collectivité hôte informée et consentante, l'engagement envers le bien-être de la collectivité, et l'importance d'un processus équitable, inclusif et transparent, qui engage la participation de tous ceux qui seront potentiellement touchés.
En mai de cette année, la SGDN a entamé le processus de sélection du site et a joué un rôle actif dans la sensibilisation à ce projet. Le programme d'information donne aux collectivités l'occasion de se renseigner sur le projet. Plusieurs collectivités de la Saskatchewan et de l'Ontario ont profité de ce programme. Le processus de sélection consiste en une série d'études de plus en plus détaillées permettant d'évaluer le site sous l'angle de la sûreté technique et de l'acceptation sociale. Pour le choix final du site, la SGDN devra monter un dossier de sûreté solide au regard des exigences réglementaires, tandis que la collectivité devra manifester un important soutien.
En résumé, le Canada et ses partenaires internationaux possèdent la technologie permettant un isolement sûr et à long terme du combustible nucléaire irradié dans une formation géologique. Le Canada profite d'une politique gouvernementale et d'un cadre législatif solides, qui sont favorables aux progrès à cet égard. Des fonds en fiducie et des mécanismes sont en place pour faire en sorte que le fardeau financier ne soit pas légué aux générations futures. Grâce à ce qui s'est fait au cours des 25 dernières années — examens successifs, dialogues approfondis et décisions gouvernementales —, la SGDN a aujourd'hui un mandat qui correspond aux attentes des Canadiens, qui escomptent que nous agissions et que nous fassions avancer les choses.
Le président : Merci beaucoup. Avant de passer à la liste, qui s'allonge en ce moment même, j'aimerais revenir sur vos antécédents, dont j'ai oublié de parler. Pouvez-vous nous décrire un peu vos qualifications professionnelles ainsi que le parcours qui vous a conduit au poste de président ou de chef de la direction de la Société de gestion des déchets nucléaires? J'aimerais également que vous nous disiez à qui vous devez rendre des comptes.
M. Nash : J'ai obtenu un diplôme en génie mécanique en Angleterre. J'imagine que ça paraît. J'ai travaillé environ huit ans dans l'industrie nucléaire de ce pays, pour la British Nuclear Fuels. Mes travaux portaient sur la conception de combustibles et sur la gestion des déchets nucléaires. Je me suis installé au Canada en 1981, et j'ai alors eu le privilège de travailler pour la société qui s'appelait Ontario Hydro, puis pour Ontario Power Generation, où j'ai occupé divers postes, dans les domaines des finances, des opérations nucléaires, de la planification environnementale et de l'élaboration des politiques.
J'ai été un des directeurs fondateurs de la SGDN, avant d'en devenir le président. Les premières années, j'étais directeur du conseil d'administration et, maintenant, je suis chef de la direction. Conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, les membres de notre conseil d'administration sont nommés par les propriétaires des déchets, soit Ontario Power Generation, Hydro-Québec et la Société d'Énergie du Nouveau-Brunswick. Cette façon de procéder, qui est conforme à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, est en phase avec les cadres législatifs de la Finlande, de la Suède et de la Suisse, ainsi qu'avec les responsabilités légales qui doivent être assumées dans ces pays. À l'échelle internationale, il semble que le cadre appliqué dans ces pays est celui qui donne lieu aux progrès les plus considérables.
C'est ainsi que notre société est constituée, en conformité avec la Loi sur les déchets de combustible nucléaire.
Le président : Encore une fois, sans trop entrer dans les détails, vous avez parlé du Canada et de ses partenaires internationaux. Qui sont ces partenaires?
M. Nash : Il y a plusieurs sortes de partenariats. Nous avons des accords d'échange avec nos organisations homologues de Suède, de Finlande, de France et de Suisse. Nous avons choisi d'établir des accords d'échanges avec ces partenaires parce qu'ils sont considérés comme des chefs de file dans ce domaine. D'autres tribunes nous permettent d'échanger de l'information, par l'intermédiaire de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Nous avons également une organisation appelée l'Association internationale pour l'élimination sûre des matières radioactives, l'EDRAM, qui se réunit deux fois par année, afin que les responsables de huit pays européens, des États-Unis, du Canada et du Japon — mes homologues — puissent échanger de l'information.
À l'opposé de ce qui se passe dans le secteur des réacteurs nucléaires, où il y a une certaine concurrence, comme vous le savez probablement, les organisations de notre domaine collaborent très étroitement à l'échelle internationale. Nous contribuons à un effort collectif visant à faire progresser ce dossier.
Le président : J'imagine que ces accords d'échange ne concernent pas exclusivement l'information. Échangez-vous et transférez-vous également des technologies?
M. Nash : Oui. La semaine dernière, je me suis rendu en Suède et en Allemagne, et c'est exactement ce que nous avons fait.
Le président : Très bien. Sans plus de cérémonie, je vais céder la parole à notre vice-président, le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Nash. C'est un plaisir de vous compter parmi nous.
La France s'appuie fortement sur l'énergie nucléaire pour la production de son électricité. Je crois que cela représente 70 ou 75 p. 100 de sa production. Comment la France procède-t-elle pour stocker ses déchets nucléaires?
M. Nash : La politique énergétique nationale de la France mise sur le recyclage du combustible. Dans un premier temps, leurs combustibles irradiés sont stockés dans les centrales nucléaires. Ils sont ensuite transportés à un endroit appelé La Hague, où l'on sépare le plutonium, l'uranium et les matières résiduelles, c'est-à-dire les déchets nucléaires qu'il reste à la fin de ce processus. Leur plan à long terme est de stocker ces déchets nucléaires dans un dépôt situé dans une formation géologique profonde.
Le sénateur Mitchell : Quelle différence y a-t-il, au chapitre du risque, entre le transport des déchets sur une certaine distance et leur stockage? Il semble que la France essaie de mettre en place un site de stockage unique. Les déchets peuvent-ils être stockés dans un site unique, ce qui laisserait supposer que leur transport n'est pas aussi risqué que leur stockage?
M. Nash : On transporte du combustible usé ou irradié depuis des dizaines d'années, en particulier en Europe. Du combustible usé est transporté du Japon à la France ou à l'Angleterre, c'est-à-dire sur de très longues distances. Je crois que le bilan de sécurité est excellent. Il y a une réglementation internationale, et tous les pays la respectent. D'un point de vue technique, le transport du combustible irradié a fait ses preuves. Le bilan de sécurité est extrêmement satisfaisant.
Le sénateur Mitchell : Qu'est-ce qui pourrait arriver, dans le pire des cas? Beaucoup de déchets ont été entreposés dans des dépôts géologiques, et les gens se demandent ce qui se produirait s'il y avait un tremblement de terre ou n'importe quelle autre perturbation. Est-ce qu'il y aurait une explosion? Une propagation des radiations? Le cas échéant, quelle distance parcourraient les radiations? Ces déchets sont-ils inertes, de sorte qu'ils ne peuvent pas exploser?
M. Nash : J'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire que ces matières demeurent dangereuses très longtemps. Il est important qu'elles soient bien gérées. Les risques inhérents au stockage dans un dépôt en formations géologiques profondes sont principalement la libération de radionucléides et la possibilité que ces radionucléides refassent surface et aient un impact sur les humains et l'environnement.
Le risque d'une explosion, en particulier dans le cas de combustibles CANDU, est pratiquement une impossibilité théorique, car il faudrait que nous créions les conditions nécessaires à la fission nucléaire. Notre principale préoccupation est la migration des radionucléides dans l'environnement. Sans entrer dans les détails, l'idée des dépôts de combustible irradié repose sur un système à barrières multiples. Plusieurs barrières empêchent les radionucléides d'un dépôt en formations géologiques profondes de remonter jusqu'à l'environnement, où ils pourraient être préjudiciables aux humains et à l'environnement lui-même.
Le sénateur Mitchell : Dans quelle mesure la situation serait-elle grave si un camion transportant des déchets entrait en collision avec un autre véhicule, et que les déchets se répandaient?
M. Nash : On peut dire, sans craindre de se tromper, que si un camion transportant du combustible irradié et un autre véhicule entraient en collision, c'est l'autre véhicule qui subirait les dommages les plus lourds. Les conteneurs utilisés sont énormes. Il s'agit habituellement de conteneurs d'acier inoxydable dont les parois font douze pouces, ou un pied, d'épaisseur. Leur couvercle est maintenu en place au moyen de nombreux boulons, et ils sont soumis à des tests excessivement rigoureux pour garantir qu'ils résistent aux impacts sévères et au feu. Il n'y a aucun risque qu'une fuite de radiations importante se produise.
Le combustible nucléaire irradié se présente sous forme solide. Il ne s'agit pas d'un liquide qui pourrait s'écouler s'il y avait une petite fuite dans le conteneur. C'est une matière solide. Il se présente sous la forme d'une céramique, et cette céramique est placée dans un tube métallique de zircaloy résistant à la corrosion. La possibilité que des radiations s'échappent, même en cas d'accident très sérieux, est donc extrêmement limitée, et les risques sont très faibles.
Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné, dans votre exposé, la recherche d'une collectivité. Je crois que vous avez utilisé le mot « collectivité ». Voulez-vous dire qu'il y aura un site au Canada? Quelle corrélation y a-t-il, du point de vue géographique, entre les lieux où sont concentrées des usines et le lieu choisi pour une installation de stockage?
M. Nash : Il y a actuellement sept endroits différents au Canada où l'on stocke du combustible irradié. Par ailleurs, le plan de gestion adaptative progressive prévoit qu'un dépôt géologique sera créé dans une collectivité hôte bien informée et consentante, établie à un endroit où la formation géologique est appropriée. Le plan est donc de créer un dépôt géologique où sera entreposé tout le combustible irradié.
Le sénateur Mitchell : Vous venez, encore une fois, de parler d'une collectivité. Pourquoi ce dépôt devrait-il être situé à proximité d'une collectivité? Il me semble qu'on serait naturellement porté à placer un tel dépôt à une assez bonne distance de quelque collectivité que ce soit.
Le sénateur Massicotte : En Alberta?
M. Nash : Les niveaux de risque liés aux dépôts géologiques ne sont pas suffisamment élevés pour qu'on doive les placer loin des collectivités. Il n'y a pas assez de radionucléides libérés dans l'environnement pour qu'une collectivité située à proximité puisse en souffrir, ni immédiatement ni dans un avenir éloigné.
Quand on examine la carte du Canada, on y voit d'immenses espaces inhabités, mais ces espaces ne sont pas forcément accessibles, en particulier si l'on prend en considération les terres autochtones traditionnelles. Il y a l'idée d'une communion avec la terre qui entre en jeu, et peu importe l'endroit du Canada vers lequel on se tourne, il se trouve toujours, quelque part, une communauté autochtone pour laquelle cet endroit est important.
Le sénateur Mitchell : Le terrorisme est d'actualité et c'est une source de préoccupation. Pouvez-vous nous parler des rapports entre le terrorisme et le stockage?
M. Nash : Oui. La sécurité est un enjeu important dans la gestion de ces matières, et de vastes mesures de protection sont prises pour assurer leur préservation. Le Canada doit respecter des obligations aux termes de certains traités internationaux, et des inspecteurs viennent de temps à autre au Canada pour examiner nos procédures et pour s'assurer que nos matières sont entreposées de manière sûre. Cet examen a lieu en ce moment même, et il s'appliquerait à cette situation.
Cela étant dit, il serait difficile pour quiconque de s'emparer de ces matières et de s'en servir pour commettre des méfaits.
Le sénateur Neufeld : Merci d'être parmi nous, monsieur Nash. En ce qui concerne les formations géologiques profondes — et le sénateur Mitchell a parlé de l'exemple de la France —, j'aimerais savoir si la France procède actuellement de cette façon. Les Français ont-ils un dépôt en formations géologiques profondes, ou un certain nombre de ces dépôts, qu'ils utilisent pour stocker le combustible dont vous nous parlez?
M. Nash : Actuellement, aucun pays n'entrepose son combustible irradié dans un dépôt en formations géologiques profondes. Comme je l'ai dit précédemment, la majorité des pays qui disposent de programmes nucléaires importants ont décidé, au niveau national, de s'orienter vers la création d'un tel dépôt, et la France compte parmi ces pays. Les Français ont déterminé l'endroit où ils projettent d'installer leur dépôt en formations géologiques profondes, et ils comptent mettre en service cette installation aux alentours de 2025. Compte tenu de l'approche adoptée par les Français, ce n'est pas du combustible irradié qui y sera entreposé. Comme je l'ai dit, les Français ont opté pour le recyclage, et ils retirent l'uranium et le plutonium de leur combustible usé. Au terme de cette opération, il leur reste un produit résiduel, appelé déchet hautement radioactif, mais les risques liés à ce produit sont similaires à ceux de notre combustible irradié. Ils projettent d'entreposer ces déchets hautement radioactifs dans un dépôt en formations géologiques profondes.
Le sénateur Neufeld : J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre une chose. J'ai beaucoup entendu parler de la montagne Yucca, au Nevada, où des travaux d'excavation sont en cours depuis quelques dizaines d'années. Cela fait probablement 30 ans, peut-être davantage, que ce projet a été entrepris. Est-ce que ce projet est similaire à ceux dont vous nous parlez? Est-ce cela que les Américains cherchent : une formation géologique dans laquelle ils pourraient stocker leurs déchets nucléaires? Ils creusent depuis tout ce temps, mais ils n'ont encore rien trouvé. Pourtant, on prétend que la France, qui produit presque toute son électricité grâce à l'énergie nucléaire, aura une installation en place en 2025.
M. Nash : La cible pour la mise en service du dépôt français est 2025, c'est-à-dire dans 15 ans.
Le sénateur Massicotte : Cette date a probablement déjà été reportée à trois ou quatre reprises.
M. Nash : Je pourrais peut-être parler un peu de la montagne Yucca. Le gouvernement américain a décidé — je crois que c'était vers le début des années 1980 — d'installer à la montagne Yucca le dépôt en formations géologiques profondes des États-Unis. Cette décision a été prise par le gouvernement fédéral. Elle n'a pas reçu l'appui de l'État du Nevada et, si je ne me trompe pas, l'État du Nevada s'y oppose depuis le début des années 1980. Peu après son arrivée au pouvoir, le gouvernement Obama a décidé que la montagne Yucca n'était pas la bonne solution. Les États-Unis ont maintenant mis sur pied une commission, la Blue Ribbon Commission on America's Nuclear Future; cette commission examine actuellement la question de savoir comment les États-Unis devraient procéder aux dernières phases du cycle du combustible.
Le sénateur Neufeld : Des travaux sont-ils en cours à la montagne Yucca en ce moment même?
M. Nash : Selon ce que je comprends, il n'y en a pas.
Le sénateur Neufeld : Merci. Vous avez parlé d'un montant de 16 milliards de dollars, qui servira à mettre en place l'infrastructure où sera stocké le combustible usé. J'imagine que cette infrastructure pourra recevoir le combustible usé qui, selon vos estimations, sera produit au cours d'un grand nombre d'années à venir. Ou alors, est-ce que ces fonds serviront plutôt à s'occuper des quelque 2,2 millions de tonnes qui sont actuellement entreposées dans différents sites de production?
M. Nash : J'ai déjà mentionné que notre volume actuel de combustible irradié est de 2 millions de grappes. Nous estimons qu'au cours de la durée de vie des réacteurs existants, nous aurons produit 3,6 millions de grappes de combustible au Canada, ce qui veut dire que les 16 milliards de dollars se rapportent aux 3,6 millions de grappes de combustible que nous prévoyons produire à l'aide des réacteurs existants.
Le sénateur Neufeld : Selon vos prévisions, quel est le coût additionnel de l'électricité produite dans les centrales?
M. Nash : Je n'ai pas les chiffres à jour, mais je crois que l'augmentation sera de l'ordre de 0,1 à 0,2 cent le kilowattheure. Si on fait la moyenne pour 3,6 millions de grappes de combustible, qu'on évalue la quantité d'électricité produite en kilowattheure, puis qu'on divise le tout par le coût, je crois qu'on arrive à quelque chose comme 0,1 à 0,2 cent le kilowattheure.
Aux États-Unis, par exemple, pour verser de l'argent dans le fonds en fiducie, on impose une taxe de 0,1 cent le kilowattheure.
Le sénateur Neufeld : Cependant, il va falloir avancer une somme faramineuse pour lancer le projet. Sur une période de 100 ans, j'imagine qu'on peut contester ces chiffres jusqu'à un certain point, mais le coût initial de construction du dépôt en formations géologiques profondes fera augmenter de façon considérable, je crois, le coût du processus initial de construction de l'installation.
De plus, vous avez dit que la responsabilité...
Le président : Vous ne lui demandez pas s'il est d'accord?
Le sénateur Neufeld : Il me dira ce qu'il en pense.
Le président : Son petit signe de tête ne figurera pas au compte rendu.
Le sénateur Neufeld : Êtes-vous d'accord?
M. Nash : Je peux peut-être vous expliquer. Selon moi, une grande partie des 16 milliards de dollars représente le coût initial fixe du dépôt. Si on produit une plus grande quantité de combustible, le coût de gestion différentiel du combustible sera probablement inférieur au 0,1 à 0,2 cent dont j'ai parlé.
Le sénateur Neufeld : Est-ce que vous me dites que le coût initial de construction du dépôt, et du transport des 2,2 millions de grappes vers ce dépôt, ne fera augmenter le prix de l'électricité que de 0,1 cent?
M. Nash : En fait, le prix de l'électricité comprend déjà le coût du dépôt.
Le sénateur Neufeld : Où est l'argent? Si le coût du dépôt est déjà inclus, il doit y avoir un fonds quelque part. Où est-il?
M. Nash : En vertu de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, une de nos responsabilités est d'évaluer le coût de la gestion à long terme du combustible irradié. Comme je l'ai déjà mentionné, selon nos estimations, pour 3,6 millions de grappes de combustible, l'élaboration, la construction et l'exploitation du dépôt en formations géologiques profondes coûteront 16 milliards de dollars.
En vertu de la loi, nous avons également la responsabilité de déterminer le montant que devraient verser les producteurs de déchets de l'Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick dans les fonds en fiducie. À ce jour, plus de 5 milliards de dollars ont été placés dans les fonds existants par les différentes provinces, et il existe un calendrier des paiements qui sont effectués pour qu'on en arrive à amasser une somme de 16 milliards de dollars.
Le mode de financement a été déterminé, et on placera de l'argent dans les fonds en fiducie jusqu'à ce qu'on atteigne la somme de 16 milliards de dollars. Il n'est pas nécessaire d'augmenter le prix de l'électricité de nouveau pour y arriver.
Le sénateur Neufeld : J'ai une remarque à faire. J'ai l'impression que lorsqu'on entreprend la réalisation d'un projet d'une valeur de 16 milliards de dollars, on doit se dire qu'il est préférable d'augmenter le prix de l'électricité afin de le financer; ce n'est pas comme si nous avions cette somme de côté. Je ne conteste pas vos propos, mais ce sera intéressant de voir la tournure des événements.
Vous avez dit que les producteurs d'électricité du Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick sont responsables du dépôt. Quelle est la responsabilité du gouvernement fédéral? Des représentants du gouvernement fédéral ont comparu devant le comité et ils ont abordé la question de savoir qui est responsable des déchets nucléaires. Au bout du compte, qui en est responsable? Qui payera la note? Les contribuables canadiens ou les producteurs d'électricité, et seulement eux? Nous savons que les contribuables canadiens font leur part pour assumer les coûts de la remise en état des centrales.
M. Nash : En 1996, le gouvernement du Canada a publié un cadre stratégique sur la gestion des déchets radioactifs à long terme. Dans ce cadre, le gouvernement fédéral a dit qu'il était responsable des politiques, de la réglementation et de la surveillance, et que les producteurs de déchets nucléaires, selon le principe du pollueur-payeur, devaient s'occuper de la gestion à long terme des déchets nucléaires, et assumer les coûts connexes. Ces principes sont intégrés dans la Loi sur les déchets de combustible nucléaire.
Le sénateur Banks : Pour donner suite à la question du sénateur Neufeld, n'est-il pas vrai que, contrairement à tous les autres moyens de produire de l'énergie — peu importe le type et la source —, la production d'énergie nucléaire relève exclusivement du gouvernement fédéral? Est-ce exact?
M. Nash : Selon ce que je comprends, le gouvernement fédéral est responsable de la réglementation et des politiques sur l'énergie, et les gouvernements provinciaux sont responsables des décisions relatives à la production d'énergie.
Le sénateur Banks : Pouvez-vous répéter la dernière partie, s'il vous plaît?
M. Nash : Les gouvernements provinciaux sont responsables du choix du type de production.
Le sénateur Banks : Je pense comprendre ce que vous voulez dire.
Le président : Pour être clair — parce que ce point est fondamental —, je pense qu'on nous dit que chaque province décide quelle forme d'énergie elle produira. Une fois que la province a pris sa décision, par exemple, s'il s'agit d'énergie nucléaire, le gouvernement fédéral assure la surveillance réglementaire. Si la province décide de se tourner vers l'éolien ou autre chose, il lui reviendra d'assurer la surveillance.
M. Nash : C'est bien ça.
Le sénateur Banks : Je n'ai pas bien compris la réponse que vous avez donnée à la question du président, à savoir à qui vous devez rendre des comptes. Vous administrez la SGDN en vertu d'une loi. Selon vous, la SGDN rend-elle des comptes directement à un ministre et, dans la négative, à qui rend-elle des comptes, à quel ministère? Le ministère de l'Environnement, celui des Ressources naturelles ou celui de l'Industrie?
M. Nash : Je peux peut-être décrire les exigences de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, et les relations entre le gouvernement fédéral et la SGDN.
En vertu de la loi, les propriétaires de déchets sont responsables de la création de la SGDN, qui elle, a l'obligation de mener une étude en vue de proposer différentes solutions et de faire une recommandation au gouvernement. Toujours en vertu de la loi, le gouvernement a le pouvoir de décider s'il accepte ou non cette recommandation.
Le sénateur Banks : À qui avez-vous remis la recommandation que vous avez formulée?
M. Nash : Nous rendons des comptes au ministre des Ressources naturelles. La recommandation a été examinée par le Cabinet fédéral et elle a été approuvée par le biais de ce processus.
Le 31 mars de chaque année, nous présentons un rapport au gouvernement fédéral. Ce rapport est remis au ministre, qui le dépose au Parlement.
Le sénateur Banks : Alors, nous recevons tous un exemplaire de ce rapport.
M. Nash : Après que le gouvernement a approuvé la recommandation, ou rendu une décision — il a rendu sa décision en juin 2007 —, nous devons présenter, en plus du rapport annuel, un rapport triennal. Ce rapport dresse un bilan des progrès accomplis au cours des trois dernières années et examine les perspectives pour les cinq années à venir.
Nous présenterons le prochain rapport triennal d'ici le 31 mars prochain.
Le sénateur Banks : Je pense que les Canadiens qui suivent cette question seront curieux de savoir qui a le dernier mot dans le choix du site.
Je vais vous présenter un scénario hypothétique. Vous avez répondu au sénateur Mitchell qu'il y aura une installation centralisée, c'est tout. Il est intéressant de souligner que tous les gouvernements dans le monde ont décidé d'aborder la question de cette façon, mais personne n'a encore rien fait. Nous serons peut-être les premiers.
J'ai une question hypothétique, parce que vous avez dit qu'un des principes veut que la collectivité doit être disposée à accueillir l'installation. Que se passe-t-il s'il n'y a pas de communauté favorable au projet, ou si vous décidez, ou si le gouvernement ou quelqu'un d'autre décide, que malgré une certaine réticence dans la collectivité l'endroit choisi est le meilleur et le plus sûr pour construire le dépôt? Qui a le dernier mot? Qui prend la décision finale concernant l'endroit où sera construit le dépôt?
M. Nash : Encore une fois, je vous renvoie à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire.
Le sénateur Banks : C'est nous qui avons adopté cette loi.
M. Nash : Vous m'avez demandé qui avait le dernier mot et ce que j'en comprends, c'est que, conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, la SGTN a présenté une recommandation que le gouvernement a acceptée.
Notre mandat nous commande de travailler conformément à cette recommandation, laquelle exige que l'établissement soit installé dans une collectivité hôte consentante. Ni le gouvernement ni la SGDN, en vertu de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, ne peut décider de forcer une collectivité à accueillir cette installation.
Le sénateur Bank : Y a-t-il en ce moment des collectivités qui en réclament une? Y a-t-il de la concurrence?
M. Nash : Permettez-moi d'apporter un éclaircissement supplémentaire à ce sujet. Ce n'est pas le Canada qui est le chef de file en la matière. Les deux chefs de file sont la Finlande et la Suède, et les deux sont parvenus à trouver des hôtes consentants et ils sont en voie de procéder à l'aménagement du dépôt final. En Finlande, les travaux de forage dans la formation géologique ont atteint la profondeur d'environ 400 mètres et approchent du site de dépôt; et l'installation entrera en service d'ici 2020 dans une collectivité hôte consentante. L'installation des Suédois entrera en service peu de temps après, là encore dans une collectivité hôte consentante. Il est donc possible de trouver une collectivité hôte consentante.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, au Canada, nous avons amorcé le processus de sélection d'un site au mois de mai de cette année. L'une des premières activités a consisté à sensibiliser les gens, à les informer du processus. Nous avons un programme qui permet aux gens de s'informer sur le sujet, et quatre collectivités ont publiquement exprimé leur intérêt à en savoir davantage au sujet du processus et se sont donc prévalues du programme. Il y a deux collectivités en Saskatchewan et deux en Ontario. C'est un processus long et il faudra beaucoup d'efforts en ce sens avant d'en arriver à une décision finale.
Le sénateur Banks : Il s'agit davantage d'une observation, je suppose, mais je sais que vous avez sans doute examiné cette dimension, monsieur Nash. Le passé est souvent garant de l'avenir. Peut-on présumer, doit-on présumer, pourrions-nous présumer, faut-il présumer que le rapport entre les estimations initiales des coûts d'aménagement du dépôt de Yucca Mountain et les sommes dépensées à ce jour puisse s'observer ici au Canada? Est-il envisageable de voir un tel rapport avec le montant estimatif de 16 milliards de dollars?
M. Nash : Tout dépendra de la façon dont l'affaire sera gérée. Il existe de bons exemples de projets nucléaires bien gérés tout comme il existe des projets mal gérés dont le comité a probablement entendu parler. Si le projet dont nous parlons est bien géré, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de s'en tenir au montant de 16 milliards de dollars estimé. Tout tient à deux éléments.
Le premier relève de ce que j'appellerais les techniques minières standard, dont l'estimation ne pose pas de difficultés. Naturellement, il est toujours possible que certains aspects de la formation géologique entraînent des coûts supplémentaires; puis il y a la question de l'emballage des matières. Les Suédois, par exemple, ont déterminé les coûts de la construction des conteneurs et de leur manipulation; sur les 16 milliards de dollars de notre estimation, les coûts correspondant à cet aspect proviennent plus ou moins de l'expérience suédoise. Si le projet est bien géré, il n'y a pas de raison de ne pas pouvoir s'en tenir à 16 milliards de dollars.
L'autre élément dont il faut tenir compte, c'est que les mécanismes prévus dans la Loi sur les déchets de combustible nucléaire nous confèrent la responsabilité de rajuster l'estimation des coûts en cours de route. Si le projet est bien géré, il ne sera pas nécessaire de corriger le montant des paiements au titre du fonds en fiducie. Le sénateur a souligné que, en cas de mauvaise gestion, il pourrait être nécessaire d'augmenter le montant des paiements au titre du fonds en fiducie.
Le sénateur Banks : Le président se rappellera que, quand notre comité s'est rendu en Europe, il a entre autres rencontré de nombreux responsables de la gestion du combustible irradié. Il pourrait être avantageux de les rencontrer de nouveau dans le cadre de la présente étude parce que le dossier a passablement évolué depuis notre dernière visite chez eux.
Le président : Je crois comprendre que vous aborderez ce point dans votre allocution dans la salle du Sénat; ça nous sera utile.
Le sénateur Banks : C'est mon intention. Merci, monsieur Nash.
Le sénateur Lang : Bienvenue, monsieur Nash. C'est un sujet intéressant et j'ai été surpris de vous entendre dire qu'il n'existe nulle part dans le monde de dépôt dans des formations géologiques profondes qui soit affecté à l'entreposage de ces déchets.
M. Nash : Pour être plus précis, il n'existe pas de dépôt dans des formations géologiques profondes pour le combustible irradié ou le combustible usé. Il y a un tel dépôt aux États-Unis pour d'autres formes de déchets radioactifs.
Le sénateur Lang : Pour en revenir au fait qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de dépôt dans des formations géologiques profondes qui soit utilisé à cette fin, vous affirmez que ce genre de dépôt est sécuritaire. Pour les gens du public, la grande question est de savoir si ce dépôt est conforme à tous les critères et s'il nous donne l'assurance qu'une fois aménagé, il n'y aura pas d'incidents. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les raisons pour lesquelles vous êtes si sûr de la sécurité d'un tel aménagement et sur les raisons pour lesquelles il n'en existe pas chez nous.
M. Nash : À la page de la description du projet qui se retrouve dans le document que je vous ai fourni, vous pourrez voir une illustration d'un dépôt dans une formation géologique profonde. Le dispositif de sécurité repose sur ce qu'on appelle un système à barrières multiples. Cela signifie que plusieurs barrières sont en place pour empêcher la fuite de radioactivité. La première barrière est constituée du combustible lui-même. Il se présente sous la forme d'une pastille de céramique qui fait que, essentiellement, la radioactivité y est piégée. La pastille elle-même est enfermée dans un tube de zircaloy qui forme la grappe de combustible. Le zircaloy est un métal résistant à la corrosion et le tube sera fermé. Nous avons donc déjà deux barrières.
Dans le cas qui nous occupe, la grappe de combustible elle-même est placée dans un conteneur en cuivre. Les études suédoises ont prouvé que le conteneur de cuivre aurait une longue vie utile; nous en avons vérifié divers aspects ici même au Canada, comme cela a été fait en Finlande et dans d'autres pays. Quand ce conteneur est placé à une grande profondeur sous terre dans la formation géologique choisie, il est entouré d'une matière argileuse appelée bentonite, qui est en soit un retardateur pour déchets nucléaires et par conséquent pour toute particule radioactive susceptible de s'échapper; enfin, il y a la géosphère. Le dépôt se situera généralement à 500 mètres sous terre, dans le granit du Bouclier canadien, et bien qu'il y ait de l'eau à cette profondeur, les recherches révèlent qu'elle s'y trouve depuis des millions d'années au bas mot. Les scientifiques peuvent déterminer de quand date la présence de l'eau grâce à sa salinité. Il existe d'autres formations géologiques au Canada appelées séquences sédimentaires où l'eau séjourne depuis plus longtemps encore.
Tels sont les principes issus de la recherche qui fondent la sécurité. L'Agence internationale de l'énergie atomique ainsi que l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire souscrivent à cette approche, tout comme l'Union européenne, et on s'attend à ce que l'Union européenne exige bientôt de ses États membres qu'ils procèdent à l'aménagement de dépôts dans des formations géologiques profondes. Il existe un consensus international parmi les politiques et les décideurs selon lequel les dépôts en profondeur constituent un moyen sécuritaire d'entreposer les matières tout en protégeant les personnes et l'environnement à long terme.
Le sénateur Lang : J'aimerais me représenter ce genre d'installation. Est-ce que ce sera comme un grand stade à 1 500 mètres de profondeur? Avez-vous dit 500 mètres ou 1 500 mètres?
M. Nash : Environ 500 mètres.
Le sénateur Lang : Donc, une espèce de grand amphithéâtre; ensuite, les déchets sont-ils empilés comme des cordes de bois? Comment est-ce que ça fonctionne?
M. Nash : Malheureusement, ce diagramme ne va pas aussi loin dans le détail, mais il s'agira d'une série de galeries ou de tunnels. Un puits d'accès permettrait d'atteindre le dépôt constitué de séries de galeries et de tunnels dont la vue en coupe serait semblable à celle-ci. Les conteneurs de cuivre seront placés dans des trous de forage creusés dans le sol ou les parois des tunnels.
Le sénateur Lang : Je vais passer à un autre aspect. Vous avez parlé de recyclage relativement à d'autres établissements et centrales nucléaires. Je suppose que, dans le cas présent, on recyclera. On recyclera et ce qu'il restera de déchets sera entreposé, est-ce bien ça?
M. Nash : Au cours des consultations publiques effectuées à l'étape des études et dans le cadre des consultations que nous tenons actuellement, la question du recyclage a été soulevée à de très nombreuses reprises. Les Canadiens ont posé la question : comment recycle-t-on ces matières? Est-ce qu'on les recycle?
Au cours de l'étude initiale, nous avons examiné la possibilité de recycler. Pour tout dire, du point de vue de la gestion des déchets, le recyclage ne présente guère d'intérêt. Ailleurs dans le monde, il y a la France qui recycle, et le Japon prévoit recycler. La Chine a des plans pour recycler, mais plusieurs autres pays qui envoyaient autrefois des matières au recyclage ont décidé de cesser cette pratique. Ces pays ont décidé de cesser le recyclage en raison de son coût — il est élevé — et pour d'autres considérations telles que la prolifération et la protection de l'environnement. La France, ainsi que le Japon et la Chine semblent pratiquer une politique de sécurité énergétique suivant le principe que, si on recycle, on peut extraire davantage d'énergie de la matière.
Du point de vue de la gestion des déchets, le recyclage est sans intérêt. Nous suivons ce dossier et notre analyse ne révèle aucune activité de recyclage à l'horizon, certainement pas au Canada, du moins. Le combustible pour réacteur CANDU, par exemple, est un mauvais candidat au recyclage. Comme le comité le sait probablement, d'autres pays se sont dotés de réacteurs à eau pressurisée qui utilisent du combustible enrichi. Le combustible irradié comporte davantage de substances utilisables, tels que l'uranium et le plutonium, qui peuvent être réutilisés, et le combustible pour réacteur CANDU contient de l'uranium naturel. Le combustible pour réacteur CANDU est un mauvais candidat au recyclage. Considérant que d'autres pays ont renoncé à cette pratique, il n'est guère probable qu'elle fasse son apparition au Canada prochainement.
Comme il a été mentionné, la gestion adaptative progressive préserve la possibilité que l'on puisse procéder dans l'avenir à du recyclage, de sorte que le dépôt dans des formations géologiques profondes que nous envisageons laisse ouverte la possibilité de récupérer les matières. Si les générations futures trouvent un moyen de les utiliser, elles pourront être récupérées et recyclées.
Cela dit, même en France, où on recycle, on a besoin d'un dépôt dans des formations géologiques profondes pour entreposer les sous-produits du recyclage, qui sont des déchets à activité élevée.
Le sénateur Lang : Il y a eu dernièrement une controverse au sujet de l'exportation des déchets nucléaires. Est-ce exact? Nous prévoyons faire recycler ces déchets quelque part en Europe?
Le président : Ce n'étaient pas des déchets, mais plutôt des cylindres provenant des générateurs.
M. Nash : Je pourrais peut-être vous présenter ma façon de comprendre cette situation telle qu'elle se présente à Bruce Power. Je crois comprendre que son président a comparu ici il y a quelque temps. Il vous a probablement présenté les plans ou les activités de réhabilitation des réacteurs. Jusqu'ici, dans le cadre de ce programme, ils ont retiré 16 générateurs de vapeur qui étaient légèrement contaminés et qui sont actuellement entreposés sur le site de la Bruce Power. Il semblerait que la Bruce Power envisageait d'expédier ces générateurs en Suède. En Suède, les générateurs de vapeur seraient recyclés et les déchets radioactifs seraient retournés au Canada, et le métal serait réutilisé à d'autres fins.
Le sénateur Lang : Ma prochaine question concerne ce qu'on entend faire à long terme avec le dépôt si on décide de l'aménager. Servira-t-il seulement à entreposer les déchets que nous produirons ici ou sera-t-il doté de la capacité d'importer, si nous le voulons, des déchets de source étrangère?
M. Nash : Comme je l'ai mentionné plus tôt, notre capacité de mettre le projet à exécution dépend de l'approbation sociale de son exécution. Nous sommes conscients qu'il n'est pas possible d'agir dans un domaine comme celui-ci sans le soutien des Canadiens. L'approbation sociale dont nous bénéficions concerne le combustible produit au Canada. Les Canadiens dans leur ensemble sont disposés à prendre les difficiles décisions qui s'imposent pour gérer le combustible irradié qui est produit au Canada. Nous n'avons pas l'approbation sociale de procéder à l'aménagement d'un dépôt en formation géologique profonde qui accueillerait du combustible provenant de l'extérieur du Canada. On nous rappelle souvent que pouvoir et vouloir sont des notions qui ressortissent à des circonstances entièrement différentes.
Le sénateur Campbell : Quelle quantité de déchets produisent le Danemark et la Suède comparativement à nous?
M. Nash : À ma connaissance, le Danemark n'a pas de réacteur nucléaire, mais la Suède et la Finlande en ont.
Le sénateur Campbell : Toutes mes excuses.
M. Nash : La Suède possède 12 réacteurs nucléaires à eau pressurisée et à eau bouillante. Je crois que leur capacité de production est inférieure à la nôtre.
Pour un volume donné, les réacteurs à eau pressurisée produisent moins de déchets nucléaires que les réacteurs CANDU; pour une tonne de combustible pour réacteurs à eau légère ou à eau bouillante, la combustion ou la quantité d'électricité produite est quatre fois plus élevée que dans le cas du combustible pour réacteurs CANDU. Ces réacteurs produisent moins de déchets que les nôtres parce que leur combustible est enrichi, si bien que la proportion de 0,7 p. 100 qui se retrouve naturellement dans le combustible est quadruplée.
Le sénateur Campbell : De toute évidence, nous sommes face à un dilemme. Nous produisons de l'énergie nucléaire de façon irrégulière depuis 1957, mais il reste que la production a débuté en 1957. Jusqu'à tout récemment, où l'idée d'un dépôt dans des formations géologiques profondes a été proposée, nous produisions des déchets sans avoir de solution d'entreposage. Toutefois, la population, qui a été témoin des catastrophes survenues à Tchernobyl et à Three Mile Island, entre autres exemples, est sceptique. Diriez-vous que le plus difficile pour vous est de faire accepter cette approche à la population canadienne?
M. Nash : Dans mes déclarations préliminaires, j'ai mentionné que l'une des tâches les plus difficiles était de choisir le site. Il ne fait aucun doute que les gens ont des craintes à l'égard de l'énergie nucléaire. Dans les collectivités qui ont une centrale nucléaire, la population est généralement à l'aise et capable de composer avec sa présence, du moins dans une certaine mesure. Les collectivités qui n'en ont pas ont besoin de recul et de temps pour apprendre à connaître cette technologie.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, un certain nombre de collectivités ont envie d'en apprendre plus au sujet de l'installation d'entreposage des déchets. À mon avis, ce ne sont pas nécessairement les collectivités qui auront manifesté leur intérêt qui détermineront le succès ou l'échec de l'opération. Est-ce que les Canadiens qui ne voient pas nécessairement ces installations d'un bon œil appuieront les collectivités intéressées parce que ce projet d'infrastructure national profiterait au Canada? Nous donnerons une bonne latitude à la collectivité qui se montrera intéressée et nous lui laisserons le temps d'examiner sérieusement l'installation.
Nous sommes conscients que ce projet ne peut pas convenir à toutes les collectivités. Notre principe est le suivant : une collectivité peut s'engager dans le processus et se retirer si elle le souhaite.
Le sénateur Campbell : Je suis en faveur de l'énergie nucléaire. J'aimerais savoir ce que vous entendez par collectivité. Quand il est question d'énergie nucléaire, lorsqu'un incident survient, les répercussions ne touchent pas uniquement la collectivité immédiate. Les déchets seront emportés par le vent dominant, selon la direction dans laquelle il souffle. Vous parlez de collectivités. Prenons un exemple : supposons que j'habite à Regina et qu'une collectivité voisine décide, pour toutes les excellentes raisons dont vous nous avez parlé, d'accueillir une installation d'entreposage. Il vous faudrait convaincre bien d'autres personnes de ces avantages, notamment la population de Winnipeg, de Regina et peut-être même de certaines villes du Dakota du Nord. Il est bien qu'une collectivité soit disposée à accueillir une telle installation, mais les déchets qui en résultent peuvent parcourir de grandes distances.
M. Nash : On nous a sans cesse fait cette remarque au cours de nos deux années de discussions sur le choix d'un site convenable. Il n'est pas facile d'établir une seule définition parce qu'il en existe plusieurs, selon le lieu. Nous sommes d'avis que toute personne qui estime que l'installation a des répercussions sur elle a le droit de prendre part à la décision, et nous appliquons ce principe. Nous sommes conscients qu'il n'y a pas que la collectivité hôte, la municipalité ou le groupe des Premières nations en cause qui ait besoin de se pencher sur cette éventualité. Il ne fait aucun doute que la région doit pouvoir prendre part aux différentes étapes de notre processus.
Le sénateur Campbell : Merci beaucoup et bonne chance.
Le sénateur Massicotte : Manifestement, vous êtes bien informé, alors je vais en profiter pour poser quelques questions qui me permettront de mieux comprendre le projet. Pour ce qui est du choix des collectivités, je vous souhaite la meilleure des chances. Je suis content de voir que vous êtes optimiste, mais vous devrez offrir des avantages alléchants aux collectivités, sinon vous ne passerez pas d'accord. Pour ce qui est des déchets nucléaires, je crois comprendre que la Russie est actuellement l'un des plus grands fournisseurs de réacteurs nucléaires. Un des principaux arguments de vente de la Russie, c'est qu'elle récupère et entrepose les déchets nucléaires. Cet argument est-il colossal? Si ce n'est pas le cas, pourquoi est-ce que ça semble faire autant de vagues? Vous avez dit que l'enfouissement de ces déchets dans des formations géologiques profondes n'était pas problématique; c'est une question d'éducation et d'ouverture. Expliquez-moi pourquoi cet argument de vente a une si grande importance.
M. Nash : Je vais d'abord vous expliquer où nous en sommes. Notre organisation s'occupe principalement des déchets nucléaires au Canada. Nous n'avons pas d'opinion sur les options entourant la production d'électricité; seulement quand il est question d'énergie nucléaire. Notre travail consiste à gérer les déchets nucléaires existants et ceux qui seront produits ultérieurement au Canada.
Je peux vous dire ce que je sais au sujet de la Russie. La Russie accepte le combustible qui provient d'autres pays. Elle a des centrales et, dans une moindre mesure, elle retraite le combustible irradié. Selon moi, elle a réussi à vendre des réacteurs en partie pour cette raison. Mais je vous répète que je ne suis pas spécialiste en la matière; je tiens donc à m'excuser de ne pas pouvoir répondre adéquatement à votre question.
Le sénateur Massicotte : Du point de vue de la sécurité, j'ai entendu dire que les États-Unis disposent d'une technologie leur permettant de traiter le combustible irradié de façon à ce qu'il ne puisse jamais servir lors d'un acte terroriste ou de toute autre forme de menace à l'égard d'un autre pays. Ils adaptent en quelque sorte le combustible irradié et l'entreposent. Est-ce exact?
M. Nash : Je ne connais pas très bien ce qui entoure le traitement du combustible parce que nous nous occupons de l'élimination directe, comme on dit.
Peut-être tenez-vous ces renseignements de là. En France, lors du retraitement, on sépare l'uranium, le plutonium et les déchets à activité élevée. Mais le retrait du plutonium soulève un problème de prolifération éventuelle. Des universités et des établissements de recherche aux États-Unis tentent de mettre au point un système de retraitement qui ne dissocierait pas le plutonium, de façon à ce que ce système de retraitement ou de recyclage présente moins de risques de prolifération.
Je ne sais pas si c'était là l'objet de votre question, mais je vous ai fait part des nouveautés aux États-Unis dont je suis au courant.
Le sénateur Brown : Monsieur Nash, pourriez-vous nous expliquer plus précisément le processus de recyclage en France? Y a-t-il un lien avec le réacteur surgénérateur?
M. Nash : Comme je l'ai mentionné précédemment, l'usine de traitement de La Hague, en France, dispose d'un programme de recyclage qui consiste à séparer l'uranium, le plutonium et les déchets à activité élevée. De nos jours, on utilise à certains endroits le combustible à base d'oxyde mixte, qui est le produit du recyclage. D'ailleurs, ce combustible, qu'on appelle le combustible MOX, est le produit recyclé le plus utilisé; on peut le décomposer de nouveau en plutonium et en uranium, le mélanger à une grappe de combustible et le brûler à nouveau dans les réacteurs dont dispose actuellement la France.
Les réacteurs surgénérateurs, qu'on appelle parfois « réacteurs rapides », peuvent utiliser l'uranium et le plutonium d'une façon différente, comme les réacteurs à fission d'aujourd'hui. Ces réacteurs ont aussi recours à la fission, mais la réaction nucléaire est différente. Les réacteurs surgénérateurs permettent mieux que les autres de réutiliser continuellement le combustible. Le système est loin d'être viable sur le plan commercial parce qu'il présente d'énormes problèmes techniques, selon ce que j'en sais. Il faudra probablement encore plusieurs décennies avant qu'il soit mis sur le marché.
Le sénateur Brown : Dans des conditions identiques, les réacteurs surgénérateurs fournissent plus de combustible que les autres.
M. Nash : C'est exact.
Le sénateur Brown : Pourriez-vous m'expliquer une chose? Certains ont parlé de Tchernobyl et de Three Mile Island. Ai-je tort de croire qu'il n'y a eu aucun rejet à Three Mile Island?
M. Nash : C'est vrai que les événements de Tchernobyl et de Three Mile Island étaient complètement différents, si l'on compare les niveaux de rejets radioactifs. Ceux à Three Mile Island étaient bas. Je comprends qu'ils n'ont eu qu'une faible incidence sur l'environnement, alors que le cas de Tchernobyl était extrêmement grave.
Le sénateur Brown : Je sais ce qui s'est passé à Tchernobyl. D'après ce que j'ai lu, aucun rejet ne s'est produit à Three Mile Island.
M. Nash : Je suis désolé. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je comprends qu'il y a eu peu de rejets, voire aucun. Je comprends aussi qu'on est passé à un doigt d'une autre catastrophe à Three Mile Island.
Le sénateur Brown : Je crois, d'après ce que j'ai lu, que rien ne s'est échappé de la centrale.
Le sénateur Seidman : Toutes mes questions ont déjà été abordées d'une façon ou d'une autre par mes collègues sénateurs. J'aimerais toutefois revenir sur certains points pour mieux comprendre moi-même.
Quand vous avez passé en revue le plan du Canada, ce magnifique cahier qui explique tout, je crois que le sénateur Lang vous a demandé d'examiner la description du projet et de parler de la construction du site et de sa sécurité. Vous avez dit que la Suède et la Finlande avaient déjà abordé les questions de sûreté et qu'il existait un certain consensus international à cet égard.
Est-ce là de simples théories ou la sûreté a-t-elle été mise à l'essai? A-t-on obtenu des preuves attestant de la sûreté?
M. Nash : Pour clarifier les choses une fois de plus, le dépôt de déchets et le système doivent être sûrs pour, littéralement, des milliers d'années, ce que personne n'a encore démontré. C'est évident.
La sûreté se démontre de plusieurs façons : par la théorie et par l'informatique.
On procède à des essais de résistance à la corrosion de certains matériaux.
On effectue aussi des essais sur l'eau qui se trouve à 500 mètres sous le niveau du sol, afin de déterminer depuis combien de temps elle se trouve là, si elle est recyclée dans l'environnement et, le cas échéant, combien de temps cela prend. Bon nombre d'éléments de preuve portent à croire qu'il faut littéralement des milliers d'années, sinon des millions, pour que l'eau se trouvant à plus de 500 mètres de profondeur soit recyclée.
Il y a aussi les « analogues naturels », c'est-à-dire des phénomènes qui se produisent dans la nature. Par exemple, à Cigar Lake, en Saskatchewan, il y a un dépôt d'uranium qui se trouve là depuis un milliard d'années, et dont le rejet de radioactivité dans l'environnement est presque inexistant.
Il existe des réacteurs naturels en Inde, où on a déjà enregistré des réactions par le passé, et où la radioactivité ne s'est pas propagée dans l'environnement.
Par ailleurs, on a retrouvé des matériaux faits de cuivre qui avaient été placés à différents endroits sur le fond de la mer; même s'ils se trouvaient là depuis des centaines d'années auparavant, ils ne présentaient aucun signe de corrosion.
Il y a donc eu de nombreuses preuves qui démontrent que les dépôts géologiques en sol profond peuvent être sûrs.
Pour ce qui est des critères examinés, sachez que le Groenland a établi un projet conjoint avec les Finnois et les Suédois afin d'évaluer l'incidence qu'aura la prochaine ère de glace. Par exemple, il y a plusieurs milliers d'années, ici, au Canada, il y avait quelques kilomètres de glace à l'endroit même où nous nous trouvons. Les prévisions veulent que, dans plusieurs milliers d'années, il se produira une nouvelle ère de glace, et nous tentons donc d'évaluer de quelle façon réagirait le dépôt durant cette période.
Toutes ces conditions ont été étudiées à l'échelle internationale, et les conclusions ont été tirées en fonction des éléments probants que je viens de vous décrire.
Le sénateur Seidman : Je comprends mieux maintenant. Cette conclusion se fonde sur la modélisation informatique.
M. Nash : C'est vrai en partie, puisque la modélisation informatique est validée à l'aide d'autres types de tests et des analogues naturels dont j'ai fait mention.
Le sénateur Seidman : C'est utile.
Dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé de l'établissement de rapports avec les Canadiens, donc vous en comprenez l'importance. J'aimerais savoir où en sont les rapports avec les Canadiens. Dans quelle mesure cela progresse-t-il?
M. Nash : Je pense que ça avance bien. Je vais parler de ce dont j'ai eu connaissance.
Un mécanisme que nous utilisons régulièrement consiste à réunir des groupes de consultation pour lesquels les participants reçoivent un léger montant. Les gens qui y participent ne savent rien des sujets abordés; il s'agit de Canadiens et de Canadiennes ayant manifesté un certain intérêt pour les questions de politique. Nous formons des groupes de 12 ou 15 personnes pour parler des déchets nucléaires. Une des premières réactions que nous avons est : « Mais quel sujet effrayant! ». Les gens demandent notamment pourquoi tout cela a été créé si nous n'avions pas de réponse adéquate à nos questions.
En général, une fois que les gens commencent à s'interroger sur le sujet, ils veulent jouer un rôle proactif. Ils reconnaissent les difficultés que cela représente, mais ils souhaitent trouver une solution pour que les choses avancent.
Plusieurs sénateurs ont souligné le fait que ce n'est pas un sujet facile, et ils ont raison. Il y a aussi un fort degré de scepticisme quant à la réussite du projet. En fait, la question est de savoir si nous, c'est-à-dire le Canada dans son ensemble, sommes prêts à aller de l'avant à ce chapitre.
Les gens veulent que le projet voie le jour. La Finlande et la Suède ont déjà fait un pas en ce sens, et la population se demande comment nous pourrions en faire autant. Pourrons-nous trouver une collectivité prête à accueillir une telle installation? Certaines collectivités sont intéressées à le faire compte tenu de la nature hautement technologique du projet. Des systèmes de réglementation sont déjà en place pour assurer la sûreté. Le projet offre des possibilités de développement économique à long terme, ce qui intéresse aussi les collectivités.
Arriverons-nous à bâtir cette installation? Comme je l'ai dit plus tôt, la réussite du projet dépend en partie de l'appui que nous, les Canadiens, apporterons à ces collectivités et du soutien que les décideurs leur offriront pour que les collectivités puissent prendre le temps d'étudier convenablement le projet et de déterminer si elles ont l'espace nécessaire pour le mener à bien. On a déjà vu, dans le reste du monde, certains projets de la sorte dérailler simplement parce qu'on n'avait pas laissé aux gens le temps de bien se préparer et de bien examiner le dossier.
L'établissement de rapports est important. Il est aussi important que les gouvernements provinciaux comprennent bien vers quoi nous nous dirigeons, tout comme il est important que nous obtenions les meilleurs conseils qui soient de la part des dirigeants municipaux, puisque tout cela relève de la collectivité locale. Il est essentiel que nous comprenions les grands enjeux politiques qui entourent le dossier.
Nous devons aussi savoir ce qu'en pensent les peuples autochtones. Il y a deux collectivités autochtones en Saskatchewan; pour être franc, l'avis est partagé au sein des communautés autochtones du Canada. Nous avons eu la chance de parler avec des groupes différents; certains croient que compte tenu du caractère sacré de la Terre mère, ces matériaux ne devraient pas être enfouis en son cœur. À l'opposé, il y a des aînés de la Saskatchewan qui croient que comme ces matériaux proviennent de la Terre mère, il n'y a rien de mal à les retourner là d'où ils proviennent. Les opinions sont grandement partagées, et les peuples autochtones reconnaissent qu'il s'agit là d'un problème difficile à résoudre, mais bon nombre d'aînés sont prêts à nous aider pour que l'on puisse bâtir cette installation. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous avons accueilli des Autochtones de tout le Canada, si bien que les Inuits, les peuples des Premières nations et les Métis ont eu l'occasion de donner leurs conseils et leurs recommandations sur le sujet.
Je dirais que tout va bien du côté de l'établissement de rapports, et que la plupart des gens souhaitent que l'on trouve une solution.
Je le répète, nous continuons de recevoir toutes sortes d'opinions sur la façon d'arriver à nos fins. La question de savoir en quoi consiste une collectivité n'est pas une ince affaire, puisque personne n'a la même vision de la collectivité.
Le président : Vous venez de soulever une question importante, sénateur Seidman.
Le sénateur Seidman : J'aimerais ajouter une chose. L'établissement de rapports se passe bien, mais pourriez-vous nous dire quel est le principal problème ou le principal enjeu lié à l'établissement de ces rapports?
M. Nash : Nous avons établi de bons rapports sans nous concentrer sur des collectivités en particulier. Par exemple, le forum des Aînés autochtones a permis de réunir plusieurs groupes qui nous ont donné leurs conseils et recommandations pour la mise en œuvre du projet. Ils ne se contentent pas de voir les choses sous l'angle de leur propre collectivité.
Il existe un forum semblable pour les dirigeants municipaux. Le principe fonctionne bien. Je pense que le plus grand défi consiste à établir des rapports, et à acquérir le niveau de confiance et de compréhension nécessaire de la part d'une éventuelle collectivité qui accueillerait l'installation. La tâche principale consiste à donner à la collectivité le temps et l'espace dont elle a besoin pour examiner attentivement le projet avant de fermer définitivement la porte.
Le sénateur Seidman : Merci beaucoup pour la franchise de votre réponse. Je l'apprécie.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur deux aspects abordés par la personne avant moi. Sait-on quelles sont les quatre collectivités qui ont accepté d'envisager la possibilité d'accueillir ce type d'installation dans leur milieu ou leur région?
J'aimerais aussi savoir si, une fois que la région aura été décidée, si le gouvernement provincial recevra le feu vert pour mettre le projet en branle?
M. Nash : Pour répondre à votre première question, le nom des quatre collectivités a été publié; cette information relève donc du domaine public.
Pour répondre à votre deuxième question, il faut des permis provinciaux pour tous les projets de construction comme celui-ci. Si l'on oublie les permis provinciaux, nous avons toujours été d'avis que dès qu'une collectivité sera prête à aller de l'avant avec le projet, il faudra que le gouvernement provincial prenne part aux discussions. D'ailleurs, quand les collectivités commencent à montrer un intérêt pour le projet, elles veulent savoir quelle sera l'implication du gouvernement provincial.
Le sénateur Dickson : Merci pour votre excellent exposé. En tant que sénateur d'une province de l'Est, quand j'entends le sénateur Campbell parler des collectivités qui seraient prêtes à accueillir un tel projet et de la façon de définir le terme « collectivité », je ne peux m'empêcher de penser aux provinces du Canada atlantique. Dans vos groupes de consultations — ceux auxquels participent des Autochtones et des dirigeants municipaux, de même que des représentants des gouvernements provinciaux —, y a-t-il des représentants des provinces maritimes?
M. Nash : Nous avons eu des dialogues et tenu des séances avec l'Union of New Brunswick Indians .
Je pense qu'au moins deux organismes municipaux du Nouveau-Brunswick font partie du forum des associations municipales dont j'ai parlé.
Le sénateur Dickson : Il n'y a donc pas d'autre participation de la part des provinces de l'Atlantique, c'est bien ça?
M. Nash : Au départ, quand nous avons réalisé l'étude, nous étions dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Depuis, nous avons essayé de nous concentrer sur les provinces qui participent au cycle nucléaire, c'est-à-dire l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan. Nous nous concentrons sur ces provinces compte tenu du rôle qu'elles jouent dans la production d'uranium.
Le sénateur Dickson : Vous connaissez la géographie du Canada atlantique. Quand la centrale nucléaire du Nouveau-Brunswick a été construite, ça a fait tout un tollé en Nouvelle-Écosse et surtout à l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis certain que ces deux provinces seraient intéressées à en savoir davantage.
En regardant votre présentation, j'ai vu qu'à la première page, vous dites :
Les collectivités qui manifestent un intérêt à en savoir plus ne sont pas obligées de participer au projet.
Je me demande s'il ne serait pas possible d'être plus proactif plutôt que réactif pour ce qui est d'accroître le niveau de connaissances. En d'autres mots, la collectivité doit d'abord manifester son intérêt avant que vous ne réunissiez des gens.
M. Nash : Qu'est-ce que la sensibilisation et comment y arrivons-nous? Un des moyens, pour nous, de sensibiliser la population est, par exemple, d'en parler à la conférence de la Fédération canadienne des municipalités. Toutes les municipalités canadiennes participent à cette conférence, ce qui nous offre une bonne tribune pour faire des présentations.
Par exemple, à l'aide de ce mécanisme, nous faisons de la sensibilisation dans ce que nous appelons les provinces non nucléaires. Les personnes qui viennent d'une de ces provinces sont invitées à se joindre au programme.
Le sénateur Dickson : Avec le site web que nous avons lancé aujourd'hui, ce serait une bonne idée de communiquer avec ce groupe pour que les Canadiens puissent donner leur avis à l'organisme de M. Nash.
Le président : Je m'attends à ce qu'ils nous envoient des messages sur Twitter très bientôt.
Le sénateur Lang : Au fait, le nouveau site web est fonctionnel. Il y a 18 personnes qui nous suivent en ce moment.
Le président : C'est encourageant. Je crois que le premier message que nous avons reçu disait qu'enfin quelqu'un au Sénat comprenait le pouvoir des médias sociaux et qu'il était primordial de les connaître et de les utiliser pour transmettre l'information et favoriser le dialogue.
Nous aurons un deuxième tour de questions. Sénateur Banks, vous vous étiez montré intéressé à la tenue d'un deuxième tour.
Le sénateur Banks : Monsieur le président, je crois que nous pourrions continuer longtemps parce que ce sujet, qui nous invite à explorer et qui offre du nouveau très régulièrement, est des plus intéressants.
J'espère toutefois que le site web que vous avez lancé avec le sénateur Mitchell convaincra nos collègues de mieux faire connaître les activités du Sénat grâce à la proposition du sénateur Segal, au sujet de laquelle nous devons toujours prendre une décision.
J'aimerais revenir à la question du sénateur Lang relativement au consentement ou au refus des provinces. Vous avez répondu qu'elles devaient être à la table des négociations. Je comprends l'enjeu sur le plan politique, mais j'aimerais savoir quelle est votre compréhension de la loi relative à la création de la SGDN. Une province ou un territoire a-t-il réellement un droit de veto sur l'établissement ou non d'un dépôt?
M. Nash : Si j'ai bien compris la loi, non, les provinces n'ont aucun droit de veto.
Je pense toutefois qu'en réalité, si on observe la situation qui s'est produite aux États-Unis, lorsque l'État du Nevada a décidé dès le départ qu'il ne voulait pas de dépôt en raison des longues périodes visées, les provinces doivent jouir d'un certain droit de regard par rapport au projet. Sinon, je pense que le projet est voué à l'échec. Je ne suis pas certain que la communauté, le conseil d'administration ou moi-même, nous souhaiterions aller trop loin avec une communauté prête à accueillir le dépôt si le gouvernement provincial n'est pas là.
Le sénateur Banks : Nous n'avons pas à le faire parce que 17 communautés se sont déjà portées volontaires, n'est-ce pas? On compte 17 endroits où le combustible irradié est entreposé, n'est-ce pas?
M. Nash : Le combustible nucléaire est entreposé à sept emplacements.
Le sénateur Banks : Je pensais qu'il y en avait 17.
M. Nash : Il y en a de petites quantités à certains endroits, mais dans les registres, il existe sept emplacements prévus pour ce qui est classé comme du combustible irradié.
Le sénateur Banks : Il y a sept endroits?
M. Nash : Sept emplacements, oui.
Le sénateur Banks : Ce que je veux être certain de bien comprendre, c'est que le combustible irradié que nous devons gérer n'apparaîtra pas comme par magie le jour de l'ouverture d'un dépôt ou le jour où vous en prenez possession. Vous n'avez pas de combustible irradié maintenant, et vous n'en aurez pas tant que les documents ne seront pas signés et le combustible ne sera pas livré. À partir de là, vous aurez le combustible, et ils ne l'auront plus. Ai-je bien compris? Nous entreposons déjà du combustible irradié au Canada.
M. Nash : C'est exact.
Le sénateur Banks : Jusqu'à maintenant, au moins, l'entreposage est sécuritaire. Le combustible est, en pratique, entreposé dans des piscines, et nous croyons actuellement que son entreposage est sûr.
M. Nash : Vous avez raison, l'entreposage est sûr et il est régi, sur le plan réglementaire, par un permis délivré par la Commission canadienne de sûreté nucléaire et dont les conditions sont strictes.
Le sénateur Banks : Il y a quelques années, une idée soutenue par les États-Unis avait été lancée. Selon ce qui avait été proposé, il incombait au lieu d'origine du combustible — il ne s'agit pas de l'endroit où le combustible a été utilisé — d'entreposer le combustible irradié. Nous produisons une grande partie de l'uranium utilisé sur la planète. Cette idée est-elle pertinente? Y a-t-il des gens qui y ont souscrit? Y a-t-il un mouvement à ce sujet? Ma question est liée à celle que le sénateur Lang a posée plus tôt au sujet de l'importation de combustible irradié non seulement parce que l'importation pourrait être une activité viable sur le plan commercial, mais aussi parce qu'une proposition avait été formulée et qu'on cherchait à signer un accord international à ce sujet.
M. Nash : Je comprends que vous parlez du Partenariat mondial pour l'énergie nucléaire, proposé par l'administration Bush, et signé par divers pays. Je ne suis pas certain de la nature exacte de la proposition. Je pense qu'elle n'a plus l'importance qu'on avait prévue et je ne vois pas vraiment un grand intérêt à son endroit.
Le sénateur Banks : Le Canada a-t-il signé cette proposition?
M. Nash : Je ne suis pas au fait de cette proposition. Je crois comprendre que le Canada a joint le Partenariat, mais on a précisé que le Canada n'avait rien signé en ce qui concerne le retour ici de l'uranium canadien exporté une fois irradié. Le Canada n'a rien signé à ce sujet.
Comme j'ai tenté d'expliquer tout à l'heure, nous n'avons pas le mandat d'approfondir cette question et nous n'avons pas de permis social. Cette situation serait totalement différente.
Le sénateur Banks : Merci.
Le président : Y a-t-il d'autres questions pour le témoin? Je ne vois aucune main levée. Monsieur Nash, nous avons apprécié au plus haut point votre exposé très éclairant, les documents préparatoires que vous nous avez envoyés, ainsi que votre participation à la discussion de ce soir. J'espère qu'à vos yeux, nous étions un public intéressé et conscient des principaux enjeux, et j'espère que nous pourrons encore faire appel à vous alors que nous poursuivons notre recherche d'un cadre énergétique approprié pour l'avenir de notre merveilleux pays. Auriez-vous quelques mots à ajouter en guise de conclusion?
M. Nash : J'aimerais remercier les membres du comité pour le temps et l'attention qu'ils m'ont accordés, ainsi que pour les questions intéressantes qu'ils m'ont posées. Cette rencontre était très importante pour moi. J'ai été privilégié d'être parmi vous. Comme j'ai tenté d'expliquer, il est important pour nous d'obtenir l'avis de tous les Canadiens, et les sénateurs sont une partie essentielle de ce processus. Vos questions et vos commentaires sont importants pour nous, et je vous en remercie.
Le président : Merci, monsieur. Je pense qu'il vous reste une ou deux questions à éclaircir, où vous n'étiez pas totalement certain. Si vous avez des éclaircissements, vous pouvez les envoyer à notre greffière, Lynn Gordon. Nous serons ravis de les recevoir. De votre côté, vous avez entendu parler du site web www.avenirenergiecanadienne.ca.
Merci. La séance est levée.
(La séance est levée.)