Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 2 novembre 2010
OTTAWA, le mardi 2 novembre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : La séance est ouverte. Bonjour et bienvenue. Je vais présenter chacun des témoins dans un instant. Je voudrais simplement souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes et aux téléspectateurs à la présente réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Grant Mitchell, et je suis un sénateur de l'Alberta. Je suis vice-président du comité, et je remplace le président, qui, malheureusement, n'a pas pu être ici aujourd'hui. Il s'en excuse.
Avant de procéder aux délibérations de ce soir, j'aimerais présenter mes collègues du Sénat et les membres du personnel qui sont ici avec nous ce soir. Je vais commencer par les gens qui sont à ma droite. Il y a Marc LeBlanc et Sam Banks, analystes de la Bibliothèque du Parlement, qui font tous deux un excellent travail à l'appui de l'étude qu'a entreprise le comité. À côté d'eux se trouve le sénateur Tommy Banks, qui est un autre sénateur de l'Alberta. Nous profitons du fait qu'il y a trois sénateurs de l'Alberta qui sont membres du comité. Imaginez. Il y a aussi le sénateur Bert Brown.
Tout de suite à ma gauche se trouve Lynn Gordon, la greffière du comité. Viennent ensuite le sénateur Bob Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Judith Seidman, du Québec, le sénateur Dan Lang, du Yukon et le sénateur Paul Massicotte, lui aussi du Québec.
Bienvenue à tous. C'est agréable de travailler au sein de ce comité pour plusieurs raisons : nos relations sont excellentes, nous travaillons bien ensemble et nous effectuons une étude extrêmement importante.
Les comités étudient les projets de loi et effectuent des études sur les questions importantes. À l'heure actuelle, aucun projet de loi ne nous a été soumis, et nous nous sommes lancés dans une étude qui nous occupe beaucoup sur une éventuelle stratégie en matière d'énergie pour le Canada, ainsi que sur les nombreuses questions connexes qui, on l'imagine bien, peuvent découler d'une étude du genre. Je pense que nous avons entrepris cette étude il y a plus d'un an maintenant. Nous avons publié récemment notre rapport provisoire, qui présente la façon dont nous avons établi les paramètres de l'étude et l'orientation que nous allons lui donner. Ce rapport s'intitule ATTENTION CANADA! En route vers notre avenir énergétique.
Je sais que toutes les personnes ici présentes et celles qui nous regardent vont vouloir avoir un exemplaire de cette œuvre remarquable, et je vais leur dire où ils peuvent en trouver un. Ils peuvent trouver un exemplaire de notre rapport par l'intermédiaire d'une autre œuvre remarquable, un tout nouveau site web qui est sans précédent quant à sa structure et à son application pour un comité comme le nôtre. En voici l'adresse : www.avenirenergiecanadienne.ca et www.canadianenergyfuture.ca.
On peut visiter ce site web et y obtenir un exemplaire de l'étude dont j'ai parlé, des témoignages, toutes les questions, des échanges et d'autres documents connexes. C'est un site web très utile. Nous voulons encourager les gens à le visiter non seulement pour obtenir de l'information, ce qui revient, pour nous, à parler de certaines choses aux gens, mais aussi de nous faire part de ce qu'ils pensent de la question, du rapport et de l'étude; nous voulons susciter des commentaires et des discussions.
Le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique, vient de se joindre à nous; bienvenue.
J'ai le grand plaisir d'accueillir les trois témoins d'aujourd'hui. Merci d'être ici. Il s'agit de Michael Binder, qui a été nommé président et premier dirigeant de la Commission de sûreté nucléaire, la CCSN, en janvier 2008. Il travaille depuis longtemps à la fonction publique fédérale et a occupé des postes de direction à Industrie Canada, au ministère des Communications, au Bureau du contrôleur général du Canada, à la Société d'hypothèques et de logement du Canada, au secrétariat d'État chargé des Affaires urbaines et au Conseil de recherches pour la défense.
Ramzi Jammal, premier vice-président et chef de la réglementation des opérations, et Patsy Thompson, directrice générale de la Direction de l'évaluation et de la protection environnementales et radiologiques, l'accompagnent.
Bienvenue, et merci d'être ici avec nous. Nous avons hâte de voir ce que nous allons apprendre de vous dans le cadre de notre discussion et pendant la période de questions. Monsieur Binder, d'après ce que je sais, vous avez quelques remarques préliminaires à faire, et, après celles-ci, mes collègues vont vous poser des questions.
Michael Binder, président et premier dirigeant, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Avec votre permission, j'aimerais commenter une série de diapositives qui a été distribuée à tous. Je vais le faire très rapidement, puis nous pourrons passer à la période de questions, si ça vous va.
Il faut aussi que je rappelle à tous que l'Alberta est surreprésentée. J'ai fréquenté l'Université de l'Alberta — je ne pouvais pas résister.
La diapo deux explique qui nous sommes. Nous travaillons à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN. Celle-ci a été créée en mai 2000 par une nouvelle loi, et elle vient juste de remplacer l'ancienne Commission sur le contrôle de l'énergie atomique, la CCEA, qui avait été créée en 1946. Ce que je veux dire, c'est que ça fait longtemps que notre organisation existe. En fait, l'an prochain, nous allons célébrer notre 65e anniversaire, et nous ne prévoyons pas prendre notre retraite. Nous allons être encore là pendant un bout de temps.
En ce qui concerne la diapo 3, notre mission est assez claire : préserver la santé, la sûreté et la sécurité de l'environnement et mettre en œuvre les engagements internationaux du Canada.
La diapo 4 est là pour rappeler à tous que nous réglementons tout dans le domaine nucléaire du berceau au tombeau, des mines et usines de concentration à la fabrication du combustible d'uranium, en passant par les centrales, les applications médicales, la recherche nucléaire et, ce qui est très important, le contrôle des importations et des exportations des substances nucléaires.
À la diapo 5, vous pouvez voir que, selon nos obligations internationales, dès le début, le Canada a décidé de ne pas être favorable à l'armement. En fait, nous ne sommes disposés à utiliser le nucléaire qu'à des fins pacifiques. Nous le faisons en nous assurant que nous respectons nos obligations internationales quant à la non-prolifération et en étant un État-membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, pour nous assurer que tout le monde rend compte de l'importation et de l'exportation de substances nucléaires au Canada.
La diapo 6 est là simplement pour vous rappeler que nous sommes un tribunal administratif quasi judiciaire. Les membres de la commission sont indépendants. Nous tenons des audiences publiques et des réunions publiques, et nous les diffusons sur le web et les archivons aussi. J'invite toutes les personnes intéressées à prendre connaissance des délibérations antérieures à consulter les archives et à regarder le vidéo. Vous pouvez regarder les parties ennuyeuses en accéléré.
À la diapo 7, vous pouvez voir qui sont les commissaires. Fait intéressant, les commissaires siègent de façon permanente, mais à temps partiel. Ils ont un emploi comme tout le monde et font d'autres choses, ce qui fait que leur indépendance est assurée. Ils tiennent des audiences au cas par cas, rendent leurs décisions et retournent à leur emploi habituel. C'est une structure qui est légèrement différente de celle des autres organismes de réglementation que vous connaissez.
La diapo 8 est une tentative de présenter toutes nos centrales nucléaires sur une seule diapo. Juste pour vous le rappeler, nous avons 22 centrales. Trois d'entre elles sont en remise en état à l'heure actuelle, deux sont en état d'arrêt garanti, et 17 sont en activité, et elles répondent à environ 15 p. 100 de la demande en électricité au Canada. En Ontario, cette proportion est de 52 p. 100; au Québec, elle est de 3 p. 100; et au Nouveau-Brunswick, elle est d'environ 30 p. 100.
Nous nous assurons également d'être en mesure, à titre d'organismes de réglementation, d'aborder les nouvelles technologies et les nouvelles propositions qui viennent des divers intervenants. À la diapo 9, nous vous expliquons que nous avons effectué un examen des conceptions à Énergie atomique du Canada limitée, EACL, du projet de réacteur ACR-1000. Nous avons examiné l'AP1000 de Westinghouse, l'EPR d'Areva et l'EC6 d'EACL. Autrement dit, nous sommes neutres sur le plan de la technologie. Lorsque quelqu'un nous présente une proposition, nous l'examinons du point de vue de la sécurité.
Nous présentons également la liste des travaux en cours à Bruce, à Point Lepreau, à Gentilly-2, à Pickering et à Darlington. Même en Saskatchewan et en Alberta, on réfléchit au rôle de l'énergie nucléaire, et je pense qu'il y a encore des interrogations au sujet du rôle que ces centrales vont jouer dans l'avenir.
La diapo 10 est là pour vous rappeler que, à l'échelle internationale, bon nombre de pays ont déjà un approvisionnement mixte en électricité. Il est intéressant de constater qu'en France, 80 p. 100 de la demande en électricité est comblée par le nucléaire. Aux États-Unis, cette proportion est d'environ 20 p. 100. Comme je l'ai mentionné, au Canada, elle est de 15 p. 100. La France dispose d'une soixantaine de centrales nucléaires qui subviennent à environ 80 p. 100 de la demande en électricité; aux États-Unis, il y a 104 centrales; et au Canada, comme je l'ai dit, il y en a 22.
La diapo 11 est un essai de portrait de la situation internationale. Comme vous pouvez le voir, il y a dans le monde 441 centrales nucléaires en activité et 60 en construction, 148 en cours de planification avancée et 342 à l'étape de projet, ce qui veut dire que la planification est moins avancée.
La diapo 12 explique le genre de travail que nous faisons à l'égard des mines d'uranium. En ce moment, il y a quatre mines en production, qui sont toutes en Saskatchewan, et j'en ai dressé la liste. La mine de Cigar Lake est en construction. En fonction du cours de l'uranium, il y a cinq ou six projets qui en sont à différentes étapes de développement proposé.
La diapo 13 vise à vous expliquer que nous nous occupons également de certaines installations anciennes. Les pratiques antérieures en matière d'utilisation de l'uranium ne sont pas une source de fierté pour nous, et nous essayons de corriger certains aspects de l'ancienne façon de gérer les mines d'uranium. Nous pourrons en reparler si ce sujet vous intéresse.
La diapo 14 décrit ce qui s'est passé relativement au Réacteur national de recherche universel, le réacteur NRU, c'est-à-dire l'installation de production d'isotopes. La bonne nouvelle, c'est que la production a recommencé en août 2010. Il n'y a pas eu d'incident depuis. En fait, les responsables de ces installations vont nous demander de renouveler leur permis en octobre 2011. Nous allons voir le genre de propositions qu'ils vont nous présenter à ce moment-là.
Dans le budget 2010, le gouvernement a décidé de commencer à investir dans d'autres méthodes de production d'isotopes. Il a investi 35 millions de dollars pour essayer de déterminer si l'on peut utiliser le cyclotron, les sources lumineuses et d'autres installations pour produire des isotopes utilisés à des fins médicales.
La diapo 15 est un bref aperçu de notre processus d'autorisation. Je ne vais pas vous ennuyer avec les détails, à moins que ça ne vous intéresse.
J'aimerais dire deux choses : dans l'ensemble de nos processus d'autorisation, il y a deux choses qui sont constantes. Premièrement, le public est constamment appelé à participer. Deuxièmement, nous avons un processus d'évaluation environnementale, alors il y a des rapports annuels, des réunions publiques dans le cadre desquelles des membres de la population se présentent devant nous, et des titulaires de permis viennent montrer comment ils respectent les conditions d'obtention du permis.
La diapo 16 présente ce que nous recherchons normalement dans toute demande qui nous est soumise. Évidemment, nous examinons l'exhaustivité de la demande, le processus d'évaluation environnementale concernant les répercussions sur l'environnement, les enjeux majeurs en matière de sécurité, la tenue de consultations publiques, et surtout l'obligation de consulter les Autochtones, ce qui se ferait sur le plan de la gestion des résidus et la façon dont on traite avec la province et les collectivités. L'idée, c'est que, en plus du permis, nous pensons qu'il faut aussi avoir une espèce de permis social, comme nous l'appelons. Autrement dit, l'acceptation de la collectivité est très valorisée.
La dernière diapo présente quelques idées fausses. Lorsque j'ai commencé à travailler à la commission, j'ai été très surpris des idées erronées et de l'information qui circulait au sujet du nucléaire, et surtout de la sûreté nucléaire. Au Canada, les réacteurs nucléaires et les mines d'uranium sont sûrs. Il n'y a pas d'organismes de réglementation de l'exploitation de l'or et du nickel, mais il y en a un pour les mines d'uranium. Nous les talonnons tous les jours, alors on penserait que l'exploitation de l'uranium serait vue comme étant très sûre, et c'est le cas. L'industrie nucléaire ne pose pas de risque pour la sécurité.
Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont visité la centrale de Darlington ou celle de Pickering, où l'on peut voir d'imposants gardes de sécurité qui surveillent les installations en permanence. Le milieu est tout le temps protégé. Les conditions d'obtention du permis sont très strictes, et il faut divulguer volontairement les émissions et les répercussions de façon constante. Il y a aussi une gestion des résidus. Grosso modo, la CCSN n'accorderait pas de permis ni ne permettrait la poursuite de l'exploitation si elle pensait que l'exploitation d'une centrale n'était pas sûre.
La dernière diapo énonce l'évidence : la CCSN ne mettra jamais la sûreté en péril; c'est dans notre ADN. Merci de votre attention.
Le vice-président : Votre exposé était très intéressant. Nous allons passer aux questions.
Le sénateur Lang : Merci de passer du temps avec nous ce soir . La question du nucléaire est une question qui reste à régler pour les Canadiens. Vous l'avez assez bien résumée à la fin de votre exposé lorsque vous avez essayé de tirer une conclusion au sujet du nucléaire et de la sûreté. Un domaine que nous avons examiné dans une certaine mesure, c'est celui des déchets nucléaires et de leur gestion. Un témoin a parlé pendant notre dernière réunion de la possibilité de créer des dépôts situés dans une formation géologique, un peu comme en Suède et en Finlande, je crois.
Il y a une question qui ne lui a pas été posée, mais qui aurait dû l'être. À l'heure actuelle, nous nous occupons de nos déchets sur place. Qu'arrivera-t-il si nous ne faisons rien et que nous continuons simplement à suivre le même processus qu'en ce moment?
M. Binder : À l'heure actuelle, les déchets sont placés en sûreté sur place. Selon la politique gouvernementale actuelle, il faudra à un moment donné trouver un nouvel endroit où stocker le combustible. Le dépôt situé dans une formation géologique profonde dont vous avez parlé sert à entreposer des déchets de faible activité et de moyenne activité. Ces déchets peuvent aller de morceaux de tissus à des résidus dont le rayonnement n'est pas de haute activité comme celui du combustible. On a proposé de créer un dépôt du genre à la centrale Bruce. M. Nash a parlé d'un processus à très long terme visant à trouver une collectivité qui acceptera de construire un dépôt situé dans une formation géologique profonde pour le combustible, qui est la matière la plus radioactive. Il est question de le faire d'ici 2035, si je me rappelle bien. Par définition, tout le monde est très à l'aise lorsque tout est géré de façon sécuritaire.
Si on ne construit jamais de dépôt, on devrait continuer de gérer les déchets sur place. Nous sommes assez convaincus qu'il est possible de le faire en toute sécurité pendant de nombreuses années encore. Si vous me demandez combien, je ne peux pas vous répondre. Nous réagissons aux propositions relatives à la sécurité qui nous sont présentées. Les promoteurs actuels, Ontario Power Generation, Bruce Power et Gentilly-2, entreposent leurs déchets sur place sans problème.
Le sénateur Lang : Y a-t-il 17 centrales nucléaires en activité et cinq qui ne le sont pas au Canada en ce moment?
M. Binder : Oui. Il y a trois centrales en remise en état et deux qui sont en état d'arrêt définitif.
Le sénateur Lang : « En état d'arrêt définitif », cela veut dire que nous n'avons que 20 centrales nucléaires.
Pouvez-vous nous donner une idée de l'énergie qui serait produite par les trois centrales qui sont remises en état? Une autre source d'énergie doit être fournie pendant qu'elles ne sont pas en activité.
M. Binder : Le tableau de la diapo 8 porte sur la centrale de Point Lepreau, qui produit 635 mégawatts. À la centrale de Bruce, les deux réacteurs qui sont remis en état produisent chacun 750 mégawatts. On s'attend à ce qu'ils produisent un peu plus après la remise en état. Leur puissance sera déterminée lorsque les responsables de la centrale s'adresseront à nous pour obtenir le permis de recommencer l'exploitation.
Le sénateur Lang : Qui paie pour la remise en état?
M. Binder : C'est eux qui paient tout.
Le vice-président : Je vais prendre un instant pour souhaiter la bienvenue aux sénateurs qui viennent d'arriver au comité : le sénateur Fred Dickson, de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta.
Le sénateur Banks : Vous avez dit que la CCSN est indépendante et que vous ne mettrez jamais la sûreté en péril. La commission n'a pas mis la sûreté en péril, mais le Parlement a été obligé de le faire. Je pense que vous savez de quoi je parle. Le Parlement a dû être convoqué pour modifier la loi du pays afin de permettre l'exploitation de la centrale qui produisait les isotopes utilisés à des fins médicales, même si l'arrêt de ces activités avait été ordonné. La dame qui était à l'origine de cette ordonnance a été démise de ses fonctions.
Je cherche à obtenir des directives, je ne veux pas jouer les fauteurs de trouble, mais est-ce que c'est vraiment de l'indépendance? Est-ce que c'est ça, ne pas faire de compromis?
M. Binder : Je n'étais pas là, alors je peux vous dire ce que j'en pense maintenant que j'occupe mon poste depuis un bout de temps. Je vais commencer par vous dire que le Parlement est l'instance suprême. Le Parlement peut adopter des lois qui priment notre loi habilitante. C'est sa prérogative.
Le sénateur Banks : J'ai dit clairement que la commission n'a pas fait de compromis; c'est nous qui en avons fait un. Certains d'entre nous n'ont pas beaucoup aimé cela.
M. Binder : Ce que je dis, c'est qu'il a fallu que le Parlement adopte une loi pour supplanter la commission; voilà une vraie preuve de l'indépendance de la CCSN, comparativement à beaucoup d'organismes de réglementation. Il n'y a qu'en s'adressant aux tribunaux qu'on peut faire infirmer une décision écrite de la CCSN. Les tribunaux sont très en faveur du travail des organismes quasi judiciaires, tandis que les autres organismes de réglementation peuvent faire l'objet d'un examen du Cabinet.
Avant, par exemple, je participais aux activités de réglementation à Industrie Canada, alors vous pouvez me blâmer pour une partie de l'allocation du spectre à vos téléphones cellulaires. Toute décision prise par exemple par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, peut faire l'objet d'un examen du Cabinet. Ce n'est pas le cas des décisions de la CCSN.
Ça me ramène à ce que j'ai dit sur le fait que tous les commissaires ont un autre emploi et ne sont pas liés à leur poste de commissaire. Ils reçoivent une indemnité pour les deux ou trois jours de travail qu'ils font sur un dossier donné. Croyez-moi, ils ne sont pas influençables. Ils prennent leurs propres décisions et tirent leurs propres conclusions. Je suis fonctionnaire depuis longtemps, et je peux vous dire que je ne me suis jamais senti aussi indépendant dans ma vie. Nous rendons des comptes au Parlement par l'intermédiaire d'un ministre, mais c'est sur le plan administratif et c'est pour les affectations, les rapports annuels et ainsi de suite.
Ça fait deux ans et demi que j'occupe ce poste, et je n'ai jamais reçu d'instructions de quiconque au gouvernement au sujet d'un quelconque dossier dont nous nous sommes occupés.
Le sénateur Banks : Est-ce que votre prédécesseur recevait des instructions?
M. Binder : Il y a une autre chose. Il y avait une divergence d'opinions au sujet du rôle et du mandat de la commission en matière de santé. Nous n'avons pas de mandat à cet égard, mais, lorsque nous délibérons au sujet d'un dossier donné, nous devons examiner tous les facteurs, par exemple les facteurs environnementaux et communautaires, y compris les aspects socioéconomiques comme la santé.
On peut affirmer qu'il y avait place à la négociation dans le débat opposant la sûreté et la production d'isotopes. Le gouvernement a envoyé une directive à la commission selon laquelle, pour que ce soit clair, la production d'isotopes devait être un élément pris en compte dans les délibérations. On ne peut pas créer des dispositions législatives par voie de directive. On ne peut pas modifier une loi par voie de directive. Une directive ne fait qu'éclaircir ce qui est déjà dans la loi.
Bref, on peut dire qu'il y avait place au débat opposant la sécurité et la production d'isotopes, ce qui aurait dû être de la plus grande importance, et, encore une fois, je n'étais pas là. L'ancienne présidente a pris une décision qu'elle croyait être importante. Les gens n'étaient pas d'accord et voulaient faire autre chose.
Le sénateur Peterson : Merci de votre exposé. En raison de la nature de l'industrie, on a dit souvent qu'il y a beaucoup de recoupements et de double emploi dans ce qui relève du gouvernement fédéral et ce qui relève des gouvernements provinciaux. Pour vous, est-ce que c'est vrai ou y a-t-il des difficultés que vous avez été en mesure d'aplanir?
M. Binder : Nous avons travaillé à établir une très bonne relation avec les provinces. En Saskatchewan, par exemple, nous avons conclu un protocole d'entente avec la province quant à la façon d'obtenir l'approbation pour exploiter une mine, et ça fonctionne très bien. Il n'y a pas de dédoublement. Nous ne faisons qu'une seule évaluation environnementale. Nous avons conclu le même genre d'entente avec le Québec. Pour toutes les questions qui relèvent de la compétence des provinces, nous avons une entente.
La difficulté se pose ici, à Ottawa, entre tous les autres ministères — Environnement Canada, Pêches et Océans Canada et Transports Canada. Vous avez probablement entendu parler du fait que Ressources naturelles Canada essaie de régler ça par l'intermédiaire du Bureau des grands projets pour s'assurer qu'il y a une coordination entre les différents ministères. Nous faisons beaucoup de progrès à cet égard.
Le sénateur Peterson : Je crois savoir qu'au départ, les mines et les usines de concentration devaient respecter les mêmes normes réglementaires que les centrales nucléaires. Est-ce encore le cas, et, le cas échéant, est-ce que c'est nécessaire?
M. Binder : Chaque application est traitée différemment, en fonction du risque lié à cette application en particulier. Les mines et les usines de concentration sont évaluées sous différents aspects de l'exploitation. Pour la plupart, les préoccupations soulevées par les mines et les usines de concentration ont trait à la sécurité des travailleurs et à la protection de l'environnement. Dans le cas d'une centrale nucléaire, l'accent est mis sur l'exploitation en tant que telle. Les responsables examinent les différents degrés d'intensité et les différentes conditions d'obtention du permis qui déterminent ce que nous allons attendre d'eux sur le plan de la conformité. C'est différent.
Le sénateur Peterson : Pour ce qui est de l'entreposage du combustible épuisé, vous avez dit qu'il est encore possible de l'entreposer sur place pendant de nombreuses années; il n'y a donc pas de centrale qui risque de ne pas être en mesure d'entreposer ses déchets dans un avenir prévisible?
M. Binder : Non, pas dans un avenir prévisible. Les installations sont assez grandes, et il y a de la place pour entreposer davantage de déchets.
Le sénateur Peterson : Il n'y a donc pas de limites.
M. Binder : Il y a de la place pour de nombreuses décennies.
Le sénateur Neufeld : Le sénateur Lang a posé une question, et vous avez répondu que le dépôt de Tiverton situé dans une formation géologique profonde sert à l'entreposage non pas de déchets radioactifs, mais plutôt d'autres types de déchets. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Binder : Il sert à l'entreposage de déchets de faible activité et de moyenne activité. Il y a trois degrés : haute, moyenne et faible activité. Les déchets à haute activité, ce sont ceux dont M. Nash parlait, ce qui va être fait dans 20 ou 30 ans, le dépôt situé dans une formation géologique profonde pour le combustible.
Le sénateur Neufeld : Si on prend l'exemple de la France, où de 80 à 90 p. 100 de l'électricité vient du nucléaire, et depuis longtemps, il doit y avoir vraiment beaucoup de déchets, à moins que les Français aient fait autre chose. J'essaie de comprendre.
M. Binder : Je suis content que vous en parliez, parce que même la quantité de déchets n'est pas très élevée — encore une fois, je dois être prudent ici. Quelqu'un a dit que les déchets produits par le Canada sur une période de 50 ans équivalent à environ cinq arénas. Vous pouvez voir que, toutes proportions gardées, ce n'est pas beaucoup de déchets. La France et tous les autres pays, ainsi que les Américains, qui ont 104 centrales, entreposent des déchets sur place en règle générale. Ils ont d'autres installations pour entreposer les déchets de faible et de moyenne activité, mais la majeure partie du combustible usagé est entreposé sur place.
Le sénateur Neufeld : En fait, c'est six arénas de la LNH remplis de la patinoire jusqu'au tableau indicateur. C'est dans les notes de M. Nash.
M. Nash a dit qu'aujourd'hui l'industrie assume tous les coûts liés à l'entreposage des déchets au Canada, que ce soit un dépôt situé dans une formation géologique profonde ou quoi que ce soit d'autre. On a estimé que le coût est de 16 milliards de dollars. Êtes-vous d'accord avec cette estimation? Si nous imaginons ce qui va se passer dans 25 ans, au moment où nous aurons produit de l'énergie nucléaire pendant 50 ans au total, quelle quantité de déchets aurons-nous produite, et est-ce que 16 milliards de dollars suffiront? Êtes-vous à l'aise avec ça, comme membre d'un organisme de réglementation?
M. Binder : Je vais demander à mon collègue de me venir en aide, mais je suis tout à fait à l'aise. C'est nous qui avons établi ça. Lorsque les responsables des centrales nous demandent une licence, ils doivent nous prouver qu'ils disposent de suffisamment de fonds pour pouvoir assumer le déclassement et la gestion des déchets, tout. Les montants sont rajustés périodiquement pour tenir compte de l'inflation et pour garantir la capacité de payer. Il s'agit de fonds qui sont disponibles et qui le seront même en cas de faillite.
Le sénateur Neufeld : Je comprends ce que vous dites. Il a aussi dit que c'est inclus dans le taux de base et que l'argent est quelque part, mais il ne savait pas où. Lorsque vous dites que les fonds sont accessibles, vous convenez du fait que cet argent est là.
M. Binder : Assurément; oui.
Le sénateur Neufeld : Le jour, disons, où nous aurons dépensé les 16 milliards de dollars, personne ne va dire, en passant, les taux vont devoir augmenter pour compenser ça. Ce qui s'est passé au cours des 20 ou 30 dernières années ou peut-être plus et ce qui se passera dans l'avenir est déjà inclus dans le taux de base, n'est-ce pas?
M. Binder : Assurément, et il y a peut-être deux ou trois autres choses. Si vous suivez le débat aux États-Unis sur Yucca Mountain, la raison pour laquelle les représentants de certaines des installations sont fâchés, c'est qu'ils ont placé une somme de l'ordre de 100 milliards de dollars en fidéicommis et qu'ils se retrouvent sans lieu d'entreposage. Ils pensaient que ça allait arriver, et ils veulent maintenant être remboursés. Je suis un peu sarcastique. Ils ne récupéreront jamais leur argent, parce qu'ils doivent stocker les déchets quelque part. L'idée, cependant, c'est que beaucoup d'argent a déjà été recueilli et mis de côté juste pour régler ces problèmes.
Le sénateur Neufeld : Peut-être que dans 25 ans ils vont vouloir que ça revienne en Ontario.
M. Binder : N'oubliez pas qu'il y d'autre chose qui se passe. Il y a aussi de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes de retraitement du combustible. Il y a des gens qui croient que ce sont non pas des déchets, mais plutôt une mine d'or. La majeure partie de l'uranium reste dans les déchets. Environ 5 p. 100 sont utilisés, ce qui fait qu'il y a près de 90 p. 100 d'uranium qui peut être retraité. Un des problèmes que pose le retraitement, c'est qu'il est coûteux. Cependant, si les coûts augmentent par ailleurs, ça pourrait devenir une solution économique dans l'avenir.
Le sénateur Neufeld : Vous avez répondu à une question du sénateur Lang sur le coût de la remise en état. Je crois que c'est l'Ontario qui assume ces coûts, mais je ne m'en prends pas au responsable de la centrale de Point Lepreau. Je sais que de l'argent est versé par le gouvernement fédéral à la centrale de Point Lepreau; le gouvernement fédéral assume une partie du coût de la remise en état en raison de nombreuses choses dont je ne veux pas parler maintenant. Néanmoins, la remise en état n'est pas entièrement financée à partir du taux de base.
M. Binder : Nous ne prenons pas part à tous les aspects de la chose. Nous nous assurons que la remise en état se fait de façon sécuritaire. Cependant, je vais vous dire ce que je sais : l'EACL effectue la remise en état dans le cadre d'un contrat. Les dépassements de coût sont assumés par EACL, et EACL est une société d'État.
Le sénateur Neufeld : Ainsi, ce sont les contribuables du Canada qui assument les coûts. C'est ce que je voulais que vous disiez pour le compte rendu, et je suis heureux que vous l'ayez fait.
Le sénateur Lang : Au sujet de la remise en état, il y a plusieurs centrales qui sont en remise en état et qui ne sont pas en activité à l'heure actuelle. Est-ce que les centrales qui sont en activité à l'heure actuelle devront être remises en état à un moment donné? Quelles sont les échéances selon vous?
M. Binder : La décision concernant les installations de Pickering a été prise par le gouvernement de l'Ontario. Elles seront déclassées en 2020.
Le sénateur Lang : Lorsque vous dites « déclassées », est-ce que vous parlez d'une année ou deux?
M. Binder : Il ne s'agit pas d'une remise en état. On met fin aux activités de la centrale.
La centrale de Darlington doit être remise en état autour de 2014. Les responsables de Bruce souhaiteront peut-être remettre le reste en état. Ainsi, tout cela est encore à venir. Lorsqu'on remet une centrale en état, on peut l'exploiter pendant encore environ 25 ou 30 ans.
Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne la production d'isotopes, je suis heureux d'entendre que les problèmes sont réglés et que tout se passe bien. Je pense que la plupart des Canadiens et des gens qui ont besoin de ces isotopes en sont très heureux.
Je veux parler du facteur de sécurité, et je ne dis pas que ce n'est pas sûr. Vous dites que c'est très sûr. Beaucoup de gens veulent essayer d'accroître la production au Canada. Dans ma province, la Colombie-Britannique, on refuse, parce qu'il y a de nombreuses autres possibilités pour la production d'électricité. Nous pouvons donc faire autre chose. En fait, j'ai été le ministre responsable de la mise en place d'un plan concernant l'énergie.
Je vis près de Peace River, en Alberta. Je connais assez bien l'Alberta, même s'il y a ici des gens de l'Alberta qui peuvent probablement mieux que moi représenter les gens de cette province. Je pense qu'il y a des craintes quant à l'effet que la construction d'une centrale pourrait avoir, et les déchets sont l'une des sources de préoccupations.
Que feriez-vous si vous pouviez — peut-être que vous ne pouvez pas le faire — commencer à expliquer à la population à quel point la production de l'énergie nucléaire est sûre?
Je vous entends exprimer ce point de vue, et je vous crois tous, mais je ne constate pas l'existence d'une initiative concertée visant à parler de ça un peu partout au pays. Je ne sais pas si cette responsabilité vous appartient, mais quelqu'un devrait commencer à en parler. Nous parlons de dépôts situés dans une formation géologique profonde et nous essayons de faire adopter cette idée par une collectivité. Bonne chance — on essaie depuis des années, un peu partout dans le monde, de convaincre des collectivités d'accepter cette idée. Aucune ne l'a acceptée jusqu'à maintenant.
Que devrions-nous faire pour mettre cela en place? Il y a des gens qui vivent à l'endroit où ce genre d'activité a lieu et qui sont probablement tout à fait heureux; ça ne pose pas de problème pour eux. C'est un peu la même chose dans le cas du pétrole et du gaz. Ça ne pose pas de problème pour moi à l'endroit d'où je viens parce que c'est le principal moteur économique. Au Québec, où il est question d'extraire le gaz de schiste, beaucoup de gens se demandent ce qui se passe. Aux gens de l'industrie du pétrole et du gaz, je dirais : « Vous devriez commencer à parler aux gens. »
Qu'en est-il de l'industrie du nucléaire?
M. Binder : Je pense que vous avez raison. Notre mandat concerne la sécurité. Lorsque quelqu'un affirme que les activités pour lesquelles nous accordons des permis ne sont pas sécuritaires, je me sens visé. Nous essayons depuis un certain temps de joindre les gens de différentes collectivités; notre personnel fait le tour et essaie de présenter les faits et les chiffres.
Le problème, c'est qu'il s'agit d'un discours scientifique complexe. Comme vous le savez, aujourd'hui, les gens ont de l'aversion et de la méfiance à l'égard des sciences. C'est un problème bien réel et important. La Colombie-Britannique a interdit l'exploration visant à trouver des gisements d'uranium. Ne me demandez pas pourquoi. À mon avis, ça n'a aucun sens, vu que l'exploration est permise dans le cas de l'or. Je ne sais pas si vous savez de quelle nature sont les résidus de l'extraction de l'or. Au moins, les isotopes se désintègrent avec le temps, peut-être au bout de milliers d'années. Cependant, l'arsenic ne disparaît jamais.
Il faut donc qu'un organisme de réglementation s'occupe de chacun des domaines. Si on est à l'aise avec l'idée d'une certaine activité minière, je ne comprends pas du tout qu'on fasse de l'uranium un cas particulier.
Certains problèmes survenus dans le passé ont donné une mauvaise réputation au nucléaire. Lorsque les gens entendent le terme « nucléaire », ils pensent automatiquement à la bombe. Voici un exemple ridicule. Lorsque le réacteur NRU a été remis en activité pour la production d'isotopes, la plupart des gens ont dit : « Super, la machine est repartie. » Toutefois, certains journalistes ont dit : « Mais on utilise la même qualité d'uranium pour produire ces isotopes que pour fabriquer des bombes. » Les gens ont une peur innée du nucléaire.
Que faire à cet égard? En France, le président Sarkozy fait la promotion du nucléaire. Il a de l'expérience, il y croit et il a une grande entreprise qui en fait la promotion. Je ne connais pas d'autres pays qui aient accepté le nucléaire comme une très bonne technologie pour produire de l'électricité. Ça prend des personnes pour défendre cette idée sur la scène politique. Ce ne sera pas nous. Toutefois, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont envie de le faire.
Vous avez peut-être vu ce qui s'est passé en Alberta et en Saskatchewan lorsque les premiers ministres ont vaguement laissé entendre qu'on pourrait utiliser une petite centrale nucléaire pour contribuer à l'exploitation des sables bitumineux. Un mouvement de citoyens contre cette idée s'est créé.
Le sénateur Neufeld : Tout ce que vous dites est vrai. Cependant, c'est la même chose dans le cas de l'industrie pétrolière et des sables bitumineux. On commence à en parler dans tous les journaux et à la télévision.
Tout ce que je dis, c'est que nous ne pouvons pas nous défiler chaque fois. Il faut que quelqu'un prenne la parole. Je comprends que les politiciens vont devoir le faire eux aussi, mais je pense que les organismes de réglementation chargés de la sûreté des activités de l'industrie vont devoir eux aussi intervenir et commencer à faire certaines choses.
M. Binder : Nous sommes très actifs dans le volet sécurité. Nous demandons à tous les titulaires de permis qui s'adressent à nous de nous parler de ce qu'ils font pour joindre les gens et leur demandons s'ils ont parlé de ce qu'ils font.
Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé de la Colombie-Britannique et des mines, et je pense que j'étais le gars responsable à l'époque. Si vous vous étiez rendu dans ces collectivités et que vous aviez reçu une raclée, vous auriez peut-être fait un peu la même chose. Vous seriez peut-être rentré à Ottawa. Permettez-moi de vous dire que les gens ont vraiment fortement réagi dans les collectivités où ça se passait, à tort ou à raison — je ne prends pas parti.
M. Binder : Sénateur, je vous invite à assister à nos audiences. Je me prends une raclée chaque fois.
Le sénateur Neufeld : Je sais ce que c'est moi aussi.
Le sénateur Banks : Avant que nous ne changions de sujet, vous parliez du retraitement. Est-ce que c'est vrai que le retraitement est susceptible d'être moins efficace avec le genre de combustible que nous fabriquons au Canada dans nos réacteurs qu'avec le genre de combustible qu'on fabrique en France, par exemple?
M. Binder : Je vais demander à mon expert technique.
Le sénateur Banks : Nos réacteurs fonctionnent différemment, et le combustible usé produit par nos réacteurs est différent de celui produit par les réacteurs français; d'après ce que j'en comprends, le retraitement du combustible usé français est plus facile que celui du nôtre.
M. Binder : Il y a deux questions à prendre en considération, deux paramètres. C'est en fonction du type de combustible, vous avez bien raison, mais également du type d'appareil utilisé.
Le sénateur Banks : De même que du type d'eau.
M. Binder : Le réacteur CANDU procède efficacement au retraitement. C'est ce que fait la Chine à l'heure actuelle. De fait, le réacteur peut également utiliser efficacement un autre élément, le thorium, plutôt que l'uranium. Bon nombre de personnes commencent à se pencher sur cette possibilité.
C'en est encore aux toutes premières étapes. Ce n'est que maintenant que l'on commence à investir sérieusement dans cette recherche. L'Europe et le Japon, notamment, s'intéressent tout particulièrement au retraitement.
Je pense que nous verrons bientôt apparaître de nouvelles approches. S'il y a une véritable renaissance et que tout le monde commence à construire des centrales nucléaires, la demande d'uranium augmentera, son prix augmentera, ce qui en encouragera plusieurs à proposer des processus différents.
Le sénateur Brown : Merci d'être parmi nous. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'est le « yellow cake »?
M. Binder : Le « yellow cake » est la forme d'uranium extraite des mines. Rappelez-moi la formule exacte? Allez-y.
Ramzi Jammal, premier vice-président et chef de la réglementation des opérations, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Le « yellow cake » est le résultat du processus d'extraction de l'uranium. Le « yellow cake » est encore de l'uranium d'origine naturelle, et on l'appelle ainsi en raison de la couleur qu'il prend après avoir été concentré.
Le sénateur Brown : Pourrait-il jamais servir à fabriquer des armes?
M. Jammal : En lui-même, le « yellow cake » ne peut servir à fabriquer des armes.
Le sénateur Brown : C'est ce que je voulais entendre.
M. Jammal : Il s'agit d'une matière radioactive d'origine naturelle, que nous appelons de l'uranium naturel.
Le sénateur Brown : Un jour, je me trouvais à un banquet où nous parlions d'énergie nucléaire, et un ancien député canadien a demandé pourquoi nous ne remettons pas les déchets dans les mines d'uranium dont ils ont été extraits. Est- ce quelque chose que nous pourrions envisager? En outre, c'est vrai qu'il n'y a qu'une petite partie du rayonnement qui vient de l'uranium lui-même. Ce ne serait que justice que les régions du pays qui s'enrichissent grâce à l'uranium soient également responsables de gérer les déchets.
M. Binder : Dans certains endroits où l'on extrait de l'uranium, les déchets eux-mêmes, c'est-à-dire les pierres et les résidus, servent effectivement à remblayer les mines. Supposons qu'il y a une mine donnée : s'il y a une autre mine à proximité, on se servira de ce qui est excavé d'une mine pour remplir l'autre. C'est ce que fait la Saskatchewan.
Cela ne conviendrait sans doute pas pour le combustible, parce qu'il faut connaître la géologie et l'hydrographie de la mine. Il faut veiller à préserver la nappe phréatique. N'importe quelle installation pourrait servir, sous réserve qu'elle réponde aux critères de notre test de sûreté. En ce qui a trait à la gestion des déchets, la sûreté renvoie aux répercussions sur l'environnement.
Le sénateur Brown : D'après ce que je comprends, il est entreposé dans des barres de céramique et des enceintes de confinement ressemblant à des piscines géantes. Quand vous parlez de régénérer l'uranium, serait-il possible de récupérer ces déchets? Si nous n'en utilisons que 5 p. 100, et qu'il en reste 95 p. 100, pourrions-nous sortir cette matière radioactive de son confinement et l'utiliser dans des réacteurs surgénérateurs? La France travaille sur des réacteurs surgénérateurs, n'est-ce pas?
M. Binder : Oui, c'est ainsi que ça fonctionne. Nous réutilisons ce combustible.
Le sénateur Brown : Est-ce possible? Est-il possible de démanteler ces structures de confinement et de réutiliser l'uranium?
M. Binder : Oui. C'est ainsi que ça fonctionne. Les déchets produits par le réacteur sont entreposés dans le bassin, où ils restent pendant environ 10 ans, le temps de refroidir. Ensuite, ils sont retirés du bassin et entreposés dans différents types d'enceintes de confinement. La matière radioactive est retirée à distance, de sorte que l'on peut la manipuler.
L'une des choses dont nous ne parlons pas à propos de cette industrie particulière, c'est qu'elle a appris à travailler à distance. Elle a fait des progrès fantastiques en matière de robotique.
EACL est critiquée à bien des égards, mais l'une des choses qu'elle a réussi à faire, c'est réparer le réacteur NRU. Vous devriez voir la robotique qu'elle a élaborée à cette fin, afin d'entrer dans le réacteur et de véritablement réparer et souder des orifices. C'est remarquable. De fait, en ce moment, des sociétés essaimées tentent de commercialiser cette technologie.
Tout ça pour dire, oui, si c'était rentable, cela se ferait, et pourrait se produire bientôt.
Le sénateur Brown : Nous pouvons nous consoler à la pensée que, au moins, les déchets entreposés pourraient être réutilisés grâce à de nouvelles technologies, quand elles seront mises au point.
M. Binder : C'est exact. Cette possibilité fait présentement l'objet d'un gros débat international, tout comme le moment où elle pourrait se produire.
Le sénateur Brown : J'aimerais faire un commentaire sur le réacteur NRU que nous avons mis à l'arrêt. J'ai étudié les 38 pages de témoignages devant le Sénat visant à expliquer ce qui s'est passé avec le réacteur NRU et les motifs pour lesquels il a été mis à l'arrêt. À la page 34 environ, vous constaterez qu'il a été mis à l'arrêt parce que le quatrième facteur de sûreté n'était pas en place; on a demandé aux personnes responsables de ce facteur si elles assuraient la réglementation sur place. Ils ont répondu que oui, ils étaient sur les lieux. On leur a ensuite demandé s'ils étaient sur les lieux au moment où on a découvert que le réacteur ne respectait pas le quatrième facteur de sécurité, au moment où il a été temps d'entreprendre le calendrier d'exécution de remise à neuf automatique. Ils ont reconnu que personne n'était sur les lieux à ce moment-là.
Personne n'a constaté qu'il manquait une pièce d'équipement de sûreté, c'est-à-dire un paquet de grosses batteries. Finalement, ils ont reconnu que les batteries n'étaient pas là : plutôt que de se rendre sur le site et de le constater de leurs propres yeux, ils s'étaient fiés à la parole de ceux qui exploitaient la centrale pour déterminer la conformité de cette dernière. C'est ce que l'on apprend dans les témoignages.
M. Binder : Laissez-moi vous dire quelque chose : d'après mon interprétation de cette histoire, et après avoir parlé à des gens qui s'y trouvaient, la commission n'a jamais rendu de décision officielle à ce sujet. La commission a une procédure par laquelle elle rend une décision écrite. Elle n'a jamais rendu de décision à ce sujet.
Le torchon brûlait entre les deux organisations, la CCSN et EACL. Ce n'était pas une période glorieuse, c'est le moins qu'on puisse dire. À mon arrivée en poste, j'ai été stupéfait de constater que les deux organisations ne s'entendaient pas sur ce qui devait se trouver dans les conditions d'un permis. Autrement dit, d'un côté, on faisait valoir que cela ne faisait pas partie des conditions du permis, et de l'autre, on affirmait le contraire.
Depuis, je peux vous assurer que cela ne se produira plus, parce que nous avons un PE, un protocole, et nous savons exactement ce qui est en cause. La médiation et la capacité de s'adresser à des instances supérieures sont en place. Par conséquent, il n'y a pas de véritablement malentendu quant aux attentes de part et d'autre.
Il est malheureux que les choses se soient passées ainsi. Il y aurait sans doute eu moyen de négocier une entente, mais le véhicule et le mécanisme pour le faire n'existaient pas.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence parmi nous. Je vais me concentrer sur les enjeux de sûreté; comme le carbone et les questions environnementales sont le véritable enjeu d'importance, et que l'énergie nucléaire n'a pas de répercussions sur l'environnement, on ne peut qu'être convaincu qu'elle prendra de plus en plus d'importance et que la production nucléaire deviendra plus prévalente partout au monde. Il y a deux raisons pour lesquelles ce n'est pas le cas : l'une est le coût, l'autre est la sûreté.
J'aimerais vous demander de répéter certaines choses évidentes aux fins du compte rendu : vous avez dit que c'est très sûr. Parlons de l'exploitation, de l'entreposage, de la non-prolifération et du risque de sécurité que suppose la perte du contrôle des matières. Dans tous les cas, est-ce extrêmement sûr? N'y a-t-il vraiment aucun risque pour la population, pour tous les aspects?
M. Binder : La seule manière pour moi de vous répondre est de vous montrer les résultats. En matière d'accident, le Canada s'en tire mieux que les Américains. Nous n'avons pas eu d'incident comme Three Mile Island. Depuis toujours, nos centrales nucléaires sont exploitées de manière sûre, et nos déchets sont entreposés. Je peux continuer à affirmer que c'est sûr, parce que tout ce que je peux prouver, c'est ce qui s'est produit par le passé.
Le sénateur Massicotte : Est-ce sûr à 100 p. 100?
M. Binder : Il n'y a rien de sûr à 100 p. 100. Nous pouvons dire qu'il y a un risque sur un million, ou un risque sur 100 000. C'est un peu comme d'affirmer que le transport aérien est sûr. Même l'industrie du transport aérien vous dira qu'il s'agit du mode de transport le plus sûr et vous donnera toutes sortes de statistiques.
Le sénateur Massicotte : Vous affirmez que ce n'est pas sûr à 100 p. 100, mais que c'est relativement sûr.
M. Binder : Je vous le demande : relativement sûr par rapport à quoi? Récemment, les gens sont venus nous parler en raison de l'incident de BP dans le golfe du Mexique. Ils nous disent : « Vous voyez? BP avait assuré que son exploitation serait sûre à 100 p. 100, et voyez ce qui s'est passé. » Eh bien, nous ne sommes pas BP. Il s'agit de l'industrie nucléaire : comme nous ne pouvons nous permettre d'incidents majeurs, nous sommes une organisation très prescriptive. Nous exigeons l'adhésion à une culture de sûreté. Nous faisons respecter une culture de sûreté. Nous prenons des mesures très vigoureuses pour que la sûreté soit au cœur des préoccupations des exploitants. C'est tout ce que je peux vous dire.
Le sénateur Massicotte : J'ai une question scientifique de probabilité. Avez-vous attribué un chiffre à cette possibilité? Est-ce que c'est un risque sur 100 000?
M. Binder : Tous nos systèmes ont fait l'objet d'études probabilistes.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la probabilité associée à un accident qui menacerait la vie des gens?
M. Binder : Si vous parlez de la fusion du cœur d'un réacteur qui entraînerait son arrêt, il s'agit probablement d'un risque sur un million.
Le sénateur Massicotte : C'est très élevé, compte tenu des conséquences. J'espère que les risques ne sont pas si élevés.
M. Binder : C'est un peu plus élevé que cela.
M. Jammal : Chaque dossier de sûreté s'appuie sur une étude probabiliste de sûreté qui tient compte des conditions d'exploitation normales. Dans le cadre de notre étude du dossier de sûreté, nous évaluons non seulement l'exploitation elle- même, mais également les accidents hors dimensionnement; pour aller au-delà de l'analyse des accidents hors dimensionnement, chaque scénario d'accident est évalué selon le modèle et les renseignements historiques de l'installation elle-même.
En elle-même, l'exploitation est sûre. Il s'agit d'un système redondant, qui ne s'appuie pas sur un système de sûreté unique : il est protégé par de multiples systèmes de sûreté. La probabilité d'une fusion du cœur du réacteur n'est pas vraisemblable. Cela pourrait se produire, parce que tout est possible. Le dossier de sûreté de chaque site d'exploitation tient compte de conditions extrêmes, de l'exploitation normale aux accidents hors dimensionnement, et prend en considération la conception du site, de l'exploitation ainsi que la population environnante.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la probabilité de la fusion du cœur d'un réacteur?
M. Jammal : En ce qui a trait à la probabilité d'une fusion du cœur d'un réacteur, d'après le dimensionnement, 1x1013.
Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous répéter cela lentement, s'il vous plaît. Qu'est-ce que c'est?
M. Jammal : La probabilité d'un accident hors dimensionnement est de 1x1013.
Le sénateur Massicotte : C'est un milliardième — un risque sur un milliard.
M. Jammal : Exactement. Vous avez posé une question technique, alors j'essaie de vous répondre. Je vais vous expliquer la procédure. Pour que cela se produise, il faudrait que chaque système en place fasse défaut, y compris l'intervention humaine.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit « exploitation normale », mais les gens font des erreurs. Vous ne pouvez présumer que les gens ne feront pas d'erreur. Si tout fonctionne parfaitement, cela ne se produira jamais, mais les gens étant ce qu'ils sont, tout comme les machines, tout ne fonctionne pas toujours parfaitement.
M. Jammal : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Vous avez intégré ce facteur dans votre calcul.
M. Jammal : Bien entendu, nous en avons tenu compte, et, en cas de défaut de chaque système, le facteur de redondance est en place. Au chapitre du dimensionnement, le facteur de l'intervention humaine n'a pas la même valeur que les autres systèmes de sûreté. Cela signifie que nous ne dépendons pas d'un système unique en ce qui a trait à la sûreté.
Le sénateur Massicotte : Il y a eu des catastrophes partout dans le monde. On a mentionné Three Mile Island. Vous avez dit que cela ne s'est pas produit au Canada. Vous nous demandez de vous faire confiance. C'est difficile.
M. Binder : Un instant : ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Cette centrale a été conçue différemment. À Tchernobyl, la conception de la centrale russe s'appuyait sur de la vieille technologie. Certains de mes amis qui s'opposent au nucléaire se demandent comment je peux affirmer que cela n'arrivera jamais, quand cela s'est produit à Tchernobyl, mais cela revient à comparer des pommes et des oranges. À Tchernobyl, il n'y avait pas de confinement; ils n'avaient même pas de systèmes de sécurité. Le seul dénominateur commun, c'est qu'il s'agissait d'une centrale nucléaire. Vous voyez, c'est pourquoi j'explique que notre système fonctionne depuis 35 ans sans incident et qu'il n'est donc pas comparable aux systèmes russe ou américain. Vous vouliez avoir une réponse scientifique.
Si je dis au grand public que les chances s'élèvent à 1x1013, combien de personnes comprendront ce que je dis? Voilà le dilemme de la démonstration de la sûreté. Nous ne pouvons faire la preuve de la sûreté.
Le sénateur Massicotte : C'est là le problème. Le défi qu'il nous faut relever, c'est de trouver les mots qu'il faut pour faire comprendre cela aux Canadiens et au reste du monde, parce que l'énergie nucléaire offre de nombreux avantages. Vous devez faire comprendre que c'est une énergie sûre. C'est similaire au transport aérien : c'est sécuritaire jusqu'à ce que votre avion s'écrase et que vous fassiez partie de cette probabilité de un sur 100. À ce moment-là, c'est dangereux à 100 p. 100.
Il vous faut trouver les mots pour faire comprendre votre message : ce sera très difficile. Le monde a été confronté à quelques mauvaises expériences, et les conséquences sont si graves. Quand des millions de personnes peuvent être touchées, les conséquences vont bien au-delà de celles d'un écrasement d'avion. Il y a de nombreux accidents. C'est toujours sécuritaire jusqu'à ce qu'il y ait un accident.
M. Binder : Dans le domaine nucléaire, il n'y a que deux incidents dont les gens parlent toujours.
Le sénateur Massicotte : Il y a en a sans doute plus, mais nous n'en parlons pas.
M. Binder : En ce qui a trait au nombre de personnes décédées ou aux répercussions environnementales, il n'y en a pas d'autre. Il s'agissait de petits incidents internes.
Patsy Thompson, directrice générale, Direction de l'évaluation et de la protection environnementales et radiologiques, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Nous avons mené de nombreuses évaluations environnementales de centrales nucléaires. La CCSN a reçu une demande de remise à neuf des centrales de Pickering, situées à proximité de Toronto. Il y a une importante agglomération près des centrales. L'évaluation environnementale tient compte des répercussions de l'exploitation normale, de même que des répercussions d'accidents et de défaillances.
Le seuil normal sur lequel nous nous appuyons pour examiner des accidents et des défaillances qui sont vraisemblables est une probabilité de un dans un million d'années. Quand nous avons fait l'évaluation pour les centrales de Pickering, les accidents qui pourraient se produire à un taux de un dans un million d'années étaient tels qu'il n'y aurait aucune décharge radioactive à l'extérieur du site. Nous avons exigé d'Ontario Power Generation, OPG, qu'elle mène une évaluation d'accidents dont la probabilité était encore moindre. Il a fallu se rendre à une probabilité de 1 sur 10 millions d'années pour avoir un accident qui pourrait produire une petite décharge à l'extérieur du site; ainsi, nous pouvions évaluer la faisabilité des plans d'évacuation et d'intervention en cas d'urgence et des mesures d'atténuation pour une région à proximité d'une vaste agglomération.
L'évaluation a permis de conclure que très peu de personnes devraient être évacuées. En cas d'accidents très importants, pour l'essentiel, les membres du public ne seraient atteints que de très petites doses. Il n'y aurait aucun décès. Personne n'aurait de niveau de radioactivité qui nécessiterait une hospitalisation. Un accident très important n'entraînerait que de très petits niveaux de répercussions environnementales.
Le sénateur Massicotte : Voilà un message d'une importance majeure que vous devez communiquer. Le comité est une bonne tribune, mais vous devez le répéter souvent.
Pour un esprit rationnel, il n'y a qu'une seule raison de ne pas produire davantage d'énergie nucléaire, si vous pouvez venir à bout de l'image que se font les gens de la sûreté, et c'est le coût. Apparemment, la construction de centrales nucléaires est très onéreuse. Si on convertit au kilowatt par coût, vous n'êtes pas concurrentiels. J'ai entendu un exposé présenté par une dame présidente d'une société française d'énergie nucléaire. Elle affirme qu'ils peuvent être concurrentiels. La Russie construit de nombreuses centrales nucléaires et est très concurrentielle, tout comme de nombreuses centrales en Chine.
Vous y connaissez-vous dans ce domaine? À quoi est-ce que cela correspond, du point de vue coût-compétitivité? Nous avons entendu le témoignage du président de Bruce Power, qui a affirmé qu'il est possible d'être très concurrentiel. Je pense qu'il a laissé entendre la possibilité d'un rendement de 10 à 12 cents par kilowatt. Est-ce possible? Pouvons-nous être concurrentiels?
M. Binder : J'ai vu des dizaines d'études qui appuyaient tant un côté que l'autre. Si on écoute les opposants à l'énergie nucléaire, il est difficile de comparer l'énergie nucléaire aux énergies éolienne et solaire, mais quand on tient compte des énormes quantités de terres nécessaires pour ces dernières, on ne peut pas les comparer. Nous ne nous mêlons pas de l'aspect économique, parce que c'est au gouvernement de prendre une décision, et c'est une décision vraiment difficile.
Au bout du compte, ce sont les entreprises de services publics qui devront prendre une décision sur cette question. Les Chinois, les Russes et les Américains ont déjà décidé de construire. Les Français construisent. La Finlande a entrepris la construction d'une centrale, et, je crois, a déjà approuvé la construction de deux autres. Je vous rappelle que la Finlande, qui s'intéresse beaucoup aux énergies éolienne et solaire — elle ne s'oppose pas à ces deux énergies —, a décidé qu'elle ne peut se permettre de mettre tous ses œufs dans ce panier : c'est peut-être une bonne approche pour assurer l'avenir énergétique, mais, en ce moment, si on veut assurer l'approvisionnement, il faut avoir un approvisionnement de base fiable. Voilà le dilemme auquel tous les pays finiront par être confrontés, parce que les énergies éolienne et solaire ne suffiront pas à combler les besoins énergétiques des 20 ou 30 prochaines années. Dans 40 ou 50 ans, peut-être, mais que faire en attendant?
Le sénateur Massicotte : Sur l'un de vos diagrammes, j'ai été étonné de constater que le pourcentage de ses besoins énergétiques que la Russie comble au moyen de l'énergie nucléaire n'est que légèrement plus élevé que le nôtre; pourtant, ce pays est actuellement l'un des principaux constructeurs de réacteurs nucléaires au monde. Pourquoi son pourcentage n'est-il pas plus élevé?
M. Binder : La Russie a une expérience de longue date.
Le sénateur Massicotte : Oui, en effet.
M. Binder : De fait, la Russie déploie beaucoup d'énergie dans la vente de centrales nucléaires.
Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec cela. Si c'est le cas, pourquoi la Russie ne produit-elle pas un pourcentage plus élevé d'électricité au moyen de l'énergie nucléaire à l'intérieur de ses propres frontières, alors qu'elle est un important promoteur de centrales nucléaires partout dans le monde?
M. Binder : Je l'ignore. Ce qu'il faut retenir, c'est que la centrale de Tchernobyl était de conception russe. Ils ont dû retourner à la table à dessin pour comprendre ce qu'il fallait faire.
Le sénateur Massicotte : Vous semblez bien connaître le réacteur CANDU et certains de ses avantages. Pourquoi a-t-on du mal à le vendre? Il y a eu une traversée du désert. Les gens n'achètent pas nos réacteurs. Avez-vous une explication à ce sujet?
M. Binder : C'est aussi une question intéressante. Nous ne faisons pas de marketing. Quand un organisme de réglementation étranger nous demande si nous octroierions un permis à un réacteur CANDU, bien entendu, nous répondons toujours par l'affirmative. C'est une concurrence commerciale. Le réacteur a été vendu de gouvernement à gouvernement. Ce qu'il faut, c'est un champion qui va se jeter dans la mêlée et qui va brasser des affaires — certains aspects sont financiers, certains sont économiques, d'autres sont politiques. Il faut du soutien, de l'aide, entre autres choses. Les Français vantent vigoureusement leurs réacteurs. Les Américains et les Japonais ont également adopté un modèle de vente très énergique.
Cela me rappelle l'époque où je travaillais dans les télécoms. C'était un milieu où il y avait une grande concurrence. Quand nous avons octroyé les licences du sans fil, tout le monde voulait sa part du gâteau. Cependant, c'était beaucoup plus simple de se lancer dans ce domaine, même s'il fallait construire une infrastructure qui coûtait des milliards de dollars. On ne parle pas du dépanneur du coin; on parle de gros sous. Il faut du soutien, et il faut même parfois le soutien du gouvernement, sur le plan réglementaire.
Le sénateur Seidman : Vous parlez des idées fausses que l'on se fait sur les réacteurs nucléaires, l'industrie nucléaire, la sûreté et les risques environnementaux. J'aimerais parler tout particulièrement de la situation de Bruce Power et du permis pour transporter par navire 16 générateurs de vapeur à destination de la Suède, en passant par les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent. Il y a eu beaucoup de battage médiatique autour de cette question récemment, pendant le mois d'octobre. Il y a eu des articles dans les médias. Les Premières nations, les écologistes et les résidents qui habitent le long de l'itinéraire proposé ont tous manifesté des préoccupations relatives au transport par navire, d'Owen Sound à la Suède, de générateurs radioactifs de la taille d'autobus scolaires pour les faire recycler.
Puisque ma province est également touchée, le long de la Voie maritime du Saint-Laurent, et, bien entendu, les Grands Lacs et d'autres endroits, j'aimerais savoir où en est cette demande à l'heure actuelle. Pourriez-vous me dire le nombre d'audiences que vous avez tenues, la date à laquelle vous vous attendez à régler cette question et décrire certains des problèmes qui vous ont été soumis?
M. Binder : Tout d'abord, je vais commencer par un énoncé de procédure. La commission est présentement en cours de délibérations, alors il serait malaisé pour moi d'en parler. Toutefois, je suis commissaire; les membres du personnel, eux, ne font pas partie de la commission, alors vous pouvez leur poser des questions.
Voici la procédure : nous avons organisé des audiences publiques les 28, 29 et 30 septembre. Il y a eu 79 interventions. Pour entendre tous les arguments, il a fallu 17 heures d'audiences publiques. Les membres du personnel ont présenté des exposés, Bruce Power a présenté un exposé, ainsi que tous les intervenants. L'une des plaintes que nous avons entendues, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de temps, ni suffisamment d'information.
Dans le cadre des délibérations de la commission, nous avons convenu qu'il fallait fournir un peu plus d'information. Nous avons demandé aux membres du personnel de fournir un peu plus de documentation, ce qui a été fait, et nous avons permis à tous ceux qui ont participé de faire d'autres interventions, jusqu'au 22 novembre. À ce moment-là, la commission poursuivra ses délibérations et décidera s'il y a suffisamment d'information pour rendre une décision. Si la réponse est affirmative, la décision sera rendue à ce moment-là.
C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Si vous souhaitez que les membres du personnel vous transmettent le contenu de leurs recommandations à la commission, ils peuvent répondre à vos questions.
Le sénateur Seidman : Puis-je vous demander des éclaircissements? Vous avez affirmé que tous les témoins qui ont comparu devant la commission ont jusqu'au 22 novembre pour soumettre toute autre information; est-ce exact?
M. Binder : Oui.
Le sénateur Seidman : Vous ne tiendrez pas d'autres audiences publiques, mais les gens pourront soumettre des renseignements, des déclarations et des documents.
M. Binder : Nous prendrons une décision à ce sujet après le 22 novembre.
Le sénateur Seidman : D'accord. Sur quels critères allez-vous vous appuyer pour rendre cette décision?
M. Binder : Nous allons décider s'il y a un motif qui justifie le fait de recueillir davantage d'information du public dans le cadre d'une audience publique.
Le sénateur Seidman : Si des témoins vous soumettent des documents d'ici au 22 novembre, et que vous décidez qu'il n'y aura pas d'autres audiences publiques, tiendrez-vous compte de cette documentation pour prendre votre décision?
M. Binder : Oui, c'est certain. À l'heure actuelle, toute contribution sera intégrée à l'analyse qui nous servira à déterminer si nous disposons de suffisamment d'information, s'il nous faut faire les choses autrement ou si nous avons ce qu'il faut pour rendre une décision.
Le sénateur Seidman : Vous affirmez que vous allez décider, d'après ce que vous allez recevoir, s'il vous faut tenir d'autres audiences publiques; est-ce exact?
M. Binder : L'un des éléments que nous allons prendre en considération sera de déterminer s'il nous faut tenir une autre audience publique. Cela fait toujours partie de ce qu'il nous faut décider.
Le sénateur Seidman : Avez-vous un délai à respecter pour rendre cette décision?
M. Binder : Habituellement, nous rendons une décision dans les 30 jours.
Le sénateur Seidman : Trente jours après la clôture de votre audience?
M. Binder : Exact.
Le sénateur Seidman : La date est le 22 novembre, alors ce serait d'ici la fin de l'année, à moins que vous ne décidiez de tenir d'autres audiences?
M. Binder : Oui.
Le sénateur Seidman : Les membres de votre personnel pourraient peut-être nous parler de certains des enjeux qui ont été soulevés pendant ces audiences. J'aimerais en savoir plus.
M. Jammal : J'aimerais commencer avec deux ou trois choses. Le transport par navire en lui-même n'est pas un phénomène qui se limite au Canada : c'est une pratique régie par des exigences réglementaires internationales, ainsi que par les règlements de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Comme l'a mentionné notre président, la sûreté est une considération primordiale, et, d'une perspective radiologique, de par sa nature même, les risques que présente cette activité sont extrêmement faibles. De fait, au chapitre technique, la génératrice elle-même — et son enceinte externe — est une composante de sûreté inhérente qui constitue un facteur de sûreté d'une grande importance, sur le plan de la sûreté du public, de l'environnement et des travailleurs.
Bon nombre des enjeux soulevés s'appuyaient sur des mythes. Soit, nous devons communiquer beaucoup plus clairement les données scientifiques, pour que la commission puisse rendre sa décision. Cependant, en ce qui concerne notre sécurité, nous envisageons la sûreté sous maints angles, en envisageant de possibles incidents vraisemblables et crédibles. Nous nous rendons jusqu'au point où nous menons des évaluations dans le cadre de tels incidents vraisemblables et crédibles. Après, il nous faut arrêter, parce qu'au-delà de ce point, l'analyse entre dans le domaine de la science-fiction et perd toute valeur.
Voilà ce que nous présentons devant la commission et partout dans le monde en ce qui a trait à la sûreté, pour que le grand public et les membres du comité sachent qu'une telle approbation est menée au niveau du personnel compétent. C'est la toute première fois dans l'histoire de notre industrie que la CCSN a tenu une audience publique.
Il y a trois semaines, les membres de notre personnel ont participé à la convention sur la sûreté dans les transports, à Londres. Ironie du sort, l'un des exposés présentés par l'autorité allemande portait sur la sûreté du transport par navire et l'évaluation de sécurité des cargaisons qui traversent de multiples administrations. Le transport par navire de biens dangereux n'est pas propre au seul domaine nucléaire. Des milliers de tonnes de substances très dangereuses sont transportées sur la Voie maritime du Saint-Laurent.
Le sénateur Seidman : Seriez-vous en mesure de nous décrire exactement la dangerosité de cette matière? Pourriez- vous nous donner des renseignements sur la nature exacte de cette matière, le pire scénario et ses répercussions? À mon avis, les faits aident parfois les gens à comprendre, tout particulièrement quand le pire scénario n'a peut-être pas l'air si terrible. Je n'en suis pas certaine, mais j'aimerais l'entendre.
M. Jammal : C'est une excellente question. Merci.
La matière nucléaire qui se trouve à l'intérieur de la génératrice est fixée à l'acier à l'intérieur d'un tube. Malheureusement, je n'ai pas apporté d'images. En elle-même, la génératrice à vapeur n'est pas radioactive. C'est l'exploitation du réacteur qui la rend radioactive, en raison de sa présence et de la tubulure qu'elle contient pendant 30 ans d'exploitation. Des facteurs associés à la chaleur et au transport fixent la matière nucléaire au métal qui se trouve à l'intérieur du tube. Pour déloger cette matière, il faut une température et une pression très élevées ainsi que des mécanismes spécialisés pour en permettre l'éventuel retrait.
Je vais vous donner un exemple. Il faut une température d'environ 700 degrés Celsius pour pouvoir retirer une partie du rejet disponible. Pour autant que je sache, la température dans les Grands Lacs n'est pas de 700 degrés Celsius. La pression nécessaire pour déloger les substances qui peuvent être rejetées est équivalente à la pression du sablage au jet.
Par conséquent, en ce qui a trait à la sûreté, nous avons tenu compte de tous les scénarios d'accident — le chargement sur la route et sur le navire lui-même — pour inclure les mesures compensatoires. Nos modèles ont permis d'intégrer et de passer en revue les scénarios d'accidents internationaux, et illustraient effectivement les rejets possibles. Selon notre estimation la plus conservatrice, nous avons affirmé que nous tiendrons compte de tout rejet possible dans l'environnement. Nous avons fait notre calcul d'évaluation, lequel a démontré qu'il n'y avait aucune répercussion sur l'environnement ou sur le public.
Mme Thompson : Bon nombre des intervenants ont parlé de la possibilité d'un accident pendant le transport des génératrices à vapeur : si l'une d'entre elles tombait dans l'un des lacs, tous les Grands Lacs seraient contaminés. L'une des choses mentionnées par M. Jammal, c'est que la matière contenue dans les tubes n'est pas soluble. Si elle était soluble, elle serait disparue. Elle n'aurait pas pu rester dans ce tube aussi longtemps. Cette matière n'est pas soluble.
En outre, les génératrices à vapeur sont scellées de telle manière qu'il n'est pas possible d'accéder aux tubes. Par conséquent, le scénario de la contamination des Grands Lacs est impossible. Si la matière était soluble et pouvait se dissoudre dans l'eau, elle ne se trouverait pas dans des génératrices à vapeur, puisque ces dernières génèrent de la vapeur d'eau.
Selon un autre scénario présenté, si des gens se trouvaient en présence des génératrices à vapeur, ils pourraient recevoir une dose de radiation qui pourrait mettre leur santé en danger.
Le sénateur Banks : Répétez-le, s'il vous plaît.
Mme Thompson : Leur santé serait en danger s'ils se trouvaient à proximité de la génératrice, parce que la dose de radiation atteindrait un niveau qui serait susceptible d'entraîner des problèmes de santé, comme le cancer. Cependant, ce n'est tout simplement pas vrai. Les doses sont extrêmement faibles.
Les transports par navire, s'ils sont approuvés, seront encadrés par des mesures de sécurité, et les travailleurs auront accès aux génératrices à vapeur pour travailler sur le navire. Toutes les doses ont été mesurées, compte tenu de ce que contiennent les génératrices, ainsi que de l'épaisseur de l'acier et du matériel scellant qui l'entoure.
Le président : Tout le monde a dépassé le temps qui lui était imparti aujourd'hui. Cependant, puisque nous étudions l'énergie nucléaire, je ne voulais pas obliger qui que ce soit à faire des raccourcis.
Le sénateur Seidman : Nous pourrions peut-être écouter le dernier exemple.
M. Jammal : En ce qui a trait à la matière radioactive qui se trouve dans des génératrices, si on condensait toute la matière radioactive dans une seule génératrice, un tube de rouge à lèvres suffirait à tout contenir.
Le président : Un autre enjeu relatif à la sûreté, qui se trouve à être l'un des enjeux principaux, c'est le dépassement des coûts, c'est-à-dire l'incapacité apparente de contrôler les coûts de construction de ces centrales nucléaires. Cependant, d'après ce que vous avez dit plus tôt, ce n'est sans doute pas votre domaine d'expertise.
La question de la sûreté a été évoquée, et le sénateur Massicotte a fait le tour de la question pour tenter de trouver la situation idéale où le risque serait nul. Bien entendu, cela n'existe pas. Cependant, j'ai l'impression que l'un des éléments clés de l'analyse du risque ou de l'argumentation relative au niveau de risque consiste, par exemple, à comparer l'énergie nucléaire aux autres sources d'énergie qui lui feraient concurrence. Elles ne sont pas elles-mêmes dépourvues de risque. Nul ne peut garantir qu'un barrage ne va pas se rompre et que l'eau, dans son sillage, ne va pas endommager, démolir ou encore décimer des collectivités. De fait, tous les jours les centrales électriques au charbon causent du tort aux gens; j'ai entendu dire qu'elles entraînent une pollution qui tue probablement des gens.
Le sénateur Banks : Tout comme les mines.
Le président : Les mines en sont un autre exemple. Je ne cherche pas à faire votre travail, et nous n'avons pas tiré de conclusions, mais il faudrait peut-être faire valoir la sûreté de l'énergie nucléaire dans le contexte des autres énergies auxquelles nous la comparons. J'adorerais connaître la probabilité de risque des centrales au charbon, des barrages hydroélectriques ou des mines par rapport à la probabilité de 1x1013 de l'énergie nucléaire.
M. Binder : Si on faisait une analyse objective du nombre de personnes qui sont décédées en raison de l'extraction du charbon, des gaz et autres, si on faisait la somme de tous ces tristes décès provoqués par l'ensemble de ces autres activités, l'énergie nucléaire prendrait les devants.
La sûreté est toujours au cœur de nos préoccupations. Je ne sais pas si vous avez lu les articles et écouté certains des représentants du gouvernement et de l'industrie après l'incident de BP? Ils ont dit qu'il faudrait peut-être que l'industrie pétrolière commence à se servir du modèle réglementaire nucléaire, parce que c'est bien davantage qu'une approche réglementaire prescriptive : c'est une culture de la sûreté.
Quand on dit « culture de la sûreté », on dirait un aspect social un peu mou, et on s'imagine des gens qui se tiennent par la main et qui se parlent de sûreté. Pas du tout : c'est très rigoureux. Dans les faits, nous nous rendons sur place pour nous assurer que les gens tirent la sonnette d'alarme à l'interne; nous leur demandons de le faire. Il faut avoir la capacité de signaler quand les choses ne sont pas à la hauteur, et il faut le faire de manière systématique. Les syndicats doivent avoir accès.
Il y a tout un ensemble de valeurs d'une culture de la sûreté qui va bien au-delà de nos limites réglementaires et de nos exigences en matière d'exploitation et de conformité. Les membres de mon personnel habitent à Pickering, à Bruce et à Darlington. Tous les jours, les membres de mon personnel arpentent les centrales. Vous ne verrez cela nulle part ailleurs. En Saskatchewan, les membres de mon personnel connaissent les rouages de l'extraction de l'uranium de fond en comble.
Tout ceci pour tenter de plaider en faveur des mesures que nous prenons en matière de sûreté : justement parce qu'il s'agit d'énergie nucléaire, je ferais valoir que nous allons effectivement bien au-delà de ce qui se fait dans n'importe quel autre secteur pour tenter d'inculquer aux membres de notre personnel une culture de la sûreté et d'adopter une approche sûre de l'exploitation.
Le vice-président : Excellent. Merci beaucoup. Tout le monde est satisfait des réponses? Cela a été une excellente soirée pour nous. J'espère que vous avez passé une bonne soirée, cela a été le cas pour nous. C'était une occasion de beaucoup apprendre. Nous vous remercions tous les trois de vos exposés.
M. Binder : Merci de nous avoir écoutés.
Le vice-président : La séance est levée.
(La séance est levée.)