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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13 - Témoignages du 4 novembre 2010


OTTAWA, le jeudi 4 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 7, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour chers collègues, bonjour mesdames et messieurs, et bonjour à nos téléspectateurs qui nous regardent sur le réseau CPAC, sur le web ou sur notre propre site consacré à notre étude sur l'avenir énergétique du Canada, à l'adresse www.canadianenergyfuture.ca ou www.avenirenergiecanadienne.ca. Notre nouveau site web est maintenant en fonction depuis une semaine, et tout va pour le mieux. J'ai reçu des statistiques concernant le nombre de personnes qui suivent notre étude, le nombre de fois où notre site a été consulté et divers aspects montrant l'intérêt des gens qui suivent maintenant le dossier de façon régulière. Bienvenue à vous tous. Nous souhaitons maintenir notre dialogue avec vous sur cet important sujet.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous poursuivons la phase deux de notre étude sur l'avenir énergétique du Canada. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails. J'aimerais souhaiter la bienvenue ce matin à deux personnes de l'organisme QUEST, Systèmes d'énergie de qualité pour les villes de demain. Nous recevons Shahrzad Rahbar, qui est vice- présidente. Bienvenue, madame. Elle est accompagnée de Kenneth Ogilvie, qui est porte-parole et qui est ici pour nous parler au nom de QUEST.

Je vous remercie beaucoup tous les deux pour l'aide que vous nous avez apportée dans le cadre de nos délibérations. Tout le monde sait que, en août dernier, grâce à l'initiative et aux excellents conseils du sénateur McCoy, nous avons confié à un groupe de discussion la tâche de déterminer quelles questions les Canadiens devraient se poser et vers qui nous devrions nous tourner pour obtenir des conseils et des repères pour l'avenir sur le plan financier.

M. Ogilvie a été notre rapporteur ce jour-là; je pense que c'était le 4 ou le 5 août. J'ai lu depuis les documents que vous avez rédigés, et je tiens à vous remercier officiellement. J'aimerais remercier toutes les personnes qui ont participé à cette discussion, qui a grandement contribué à l'élaboration des politiques gouvernementales; c'est la tâche qui nous a été confiée, après tout. Nous estimons que c'est le genre d'activités que le Sénat devrait mener.

Avant d'écouter les témoignages des représentants de QUEST, permettez-moi de faire les présentations. Je suis David Angus, sénateur, de Montréal, au Québec, et je suis le président du comité. À ma droite se trouve le sénateur Grant Mitchell, d'Edmonton, en Alberta. Il est le vice-président. À sa droite, nous avons le personnel de la Bibliothèque du Parlement, nos analystes, Marc LeBlanc et Sam Banks. À la droite de Sam, est assis un homme heureux au visage souriant, qui aurait joué un rôle direct dans une décision importante prise hier concernant un dossier touchant la Saskatchewan, le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan. Je me réjouis de votre bonheur. Nous avons aussi le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta.

Le sénateur Elaine McCoy est une âme dirigeante hors pair pour notre étude. Elle nous aide en nous ramenant sur la bonne voie lorsque nous déraillons de temps à autre. Sénateur McCoy, merci. Je pense que vous avez un changement d'orientation à proposer pour nos délibérations, et j'espère que nous allons en discuter plus tard.

À ma gauche se trouve notre très compétente greffière, Mme Lynn Gordon. À sa gauche, un homme qui est peut- être triste ce matin, le sénateur Richard Neufeld, ancien ministre de divers secteurs des ressources en Colombie- Britannique et un grand ami du premier ministre, qui a annoncé hier soir qu'il quittait son poste. Je suis heureux que vous soyez ici ce matin, fringant et enthousiaste.

À sa gauche se trouve le sénateur Judith Seidman, de Montréal. À la droite du sénateur Seidman, nous avons le sénateur Daniel Lang, du Yukon. À sa droite se trouve le sénateur Paul Massicotte, de Montréal, au Québec, en passant par Winnipeg. À sa gauche, le seul sénateur élu à ce jour, le sénateur Bert Brown, de l'Alberta.

Je sais que vous allez parler d'un sujet que nous n'avons pas encore abordé, c'est-à-dire les éléments qui constituent l'ensemble du système énergétique dans un cadre métropolitain. Ce sera intéressant.

Honorables sénateurs, des documents vous ont été distribués, y compris un schéma en couleur qui se veut une représentation d'un système énergétique intégré pour les collectivités. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire.

J'aimerais vous donner quelques renseignements généraux. Outre les fonctions qu'elle occupe à QUEST, Mme Rahbar est vice-présidente principale de l'Association canadienne du gaz, l'ACG. Comme vous le savez, nous nous intéressons aussi au secteur gazier, qu'il soit question du gaz naturel traditionnel ou des gaz de schiste, et à tous les éléments qui se rapportent à cette importante ressource.

Mme Rahbar dirige les activités de l'ACG liées au développement durable et aux opérations de livraison. Elle est également chargée de soutenir la section des fabricants de l'association et ses partenaires commerciaux en aval.

Pour ce qui est de Ken Ogilvie, en plus de ses fonctions à QUEST, il est consultant et conseiller principal en matière de responsabilité et de durabilité des entreprises chez Deloitte & Touche s.r.l. Il est décoré du titre de directeur général émérite décerné par l'organisation Pollution Probe, dont le comité a souvent entendu parler. Il y a été directeur général d'octobre 1995 à mars 2008. Avant cela, il a occupé pendant deux ans le poste de coordonnateur exécutif de la Table ronde ontarienne sur l'environnement et l'économie.

Madame Rahbar, veuillez commencer votre exposé.

Shahrzad Rahbar, vice-présidente, Systèmes d'énergie de qualité pour les villes de demain (QUEST) : Merci de nous accueillir ce matin et de nous donner l'occasion de parler d'une initiative qui se distingue probablement de celles que vous voyez habituellement, c'est-à-dire des initiatives axées sur un travail compartimenté. Le fait que l'ACG et M. Ogilvie soient ici en train de chanter les louanges d'une initiative peut vous sembler ridicule. Dans cette optique, nous n'allons pas parler des silos qui caractérisent les discussions relatives à l'énergie depuis quelque temps.

Vous avez une copie de notre présentation PowerPoint. Nous n'allons pas examiner avec vous chacune des diapositives; nous utilisons ce document pour mettre les choses en contexte. Je vais vous parler de la façon dont QUEST a vu le jour et de sa composition.

QUEST est le fruit d'un sentiment commun de frustration et d'optimisme. M. Ogilvie et moi avons eu la chance de prendre part aux débats sur les changements climatiques pendant beaucoup plus longtemps qu'aucun de nous n'oserait l'admettre. À la sortie de l'une des séances, nous n'avons pu faire autrement que de prendre conscience du fait que ces discussions semblaient durer depuis toujours; nos émissions de gaz à effet de serre, dont le taux était de 1 p. 100, et un sentiment commun de frustration ont cédé la place à un sentiment commun d'optimisme. Le fait de ne pas considérer le système énergétique du point de vue du consommateur nous empêche de tirer parti de toutes les possibilités. Quels sont les services énergétiques dont les Canadiens ont besoin pour pouvoir travailler, s'amuser et vivre? Que faisons-nous actuellement pour que ces services soient interreliés?

Nous étions tous les deux d'avis qu'il valait la peine de s'intéresser davantage à la question et d'obtenir une réponse. Nous avons vérifié la validité de cette idée auprès d'un groupe nombreux de personnes avec qui nous avions déjà travaillé et, à notre grande satisfaction, nous avons découvert qu'un nombre croissant d'organismes semblaient penser que ce sujet méritait d'être étudié.

Notre coalition regroupe un président, un ancien maire de la ville de Vancouver et un ancien premier ministre de la Colombie-Britannique. Nous avons des entrepreneurs et des constructeurs, des acteurs des industries de l'énergie traditionnelle et de l'énergie renouvelable ainsi que des représentants des trois paliers de gouvernement.

Nous avons pensé qu'il serait intéressant de sonder le terrain. Dans le cadre d'une discussion organisée par des spécialistes de l'aménagement du territoire de l'université du Michigan et des spécialistes de la planification des transports de Laval, les membres de notre petit groupe ont dû répondre à la question suivante : « Tirons-nous parti de toutes les possibilités? »

À la suite de cette rencontre il y a quelques années, QUEST a produit un rapport. La grande majorité des participants étaient d'avis que, non, nous ne tirions pas parti de toutes les possibilités. L'élément clé ici consiste à examiner le système énergétique en tenant compte de l'intégration. Qu'est-ce que cela signifie dans les faits, si on met de côté les mots difficiles à prononcer? Nous avons conclu que, en ce qui a trait à l'aménagement du territoire, au transport, à l'énergie, à l'eau et à la gestion des eaux usées, si on attribuait une unité de mesure non pas à l'appareil ou à l'ampoule ou à la maison, mais à quelque chose de plus gros que cela et de plus petit que l'univers, comme une collectivité, on aurait des occasions intéressantes d'optimiser les retombées. Les déchets d'un système pourraient être utilisés pour faire fonctionner un autre système. L'idée semblait géniale, alors nous l'avons examinée de plus près.

Compte tenu de ce que nous sommes, nous avons pensé qu'il serait utile d'établir des liens pour bien comprendre. Nous avons fait appel à des acteurs clés du milieu universitaire et à des spécialistes du domaine. Nous avons de nouveau réuni les membres de notre groupe, et nous leur avons demandé de retrousser leurs manches et de chercher à déterminer l'allure que pourrait prendre un tel système.

L'idée est complexe. D'une part, il y a un engagement du secteur privé et du secteur public; d'autre part, le dossier des questions urbaines, celui des questions municipales et celui de l'énergie et du transport se rejoignent. Chacun d'eux représente un défi important en soi. Convient-il vraiment de les réunir? Sommes-nous un peu naïfs de croire candidement que c'est possible?

Avant d'aller beaucoup plus loin et d'y consacrer notre temps et celui des autres, nous avons dû nous convaincre nous- mêmes que cette idée avait du sens. Nous avons consulté des acteurs clés du milieu universitaire. Nous pensions que c'était simple. Nous leur avons dit : « Vous qui travaillez à la modélisation à grande échelle de l'économie d'énergie, pouvez-vous jeter un coup d'oeil à cette approche intégrée et nous dire si elle est réaliste, quelles sont les retombées que nous pouvons en tirer, dans quelle mesure elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et quels sont les autres éléments auxquels nous devrions nous attendre. » À notre grande déception, personne n'avait de réponse à nous fournir.

Nos spécialistes de l'aménagement du territoire, des modélisateurs de l'université de la Colombie-Britannique de renommée mondiale; connaissaient très bien les éléments liés au territoire. En Ontario et au Québec, nous avions des modélisateurs spécialisés dans le transport, eux aussi reconnus internationalement pour leur travail et leur compréhension des réseaux de transport. Puis, nous avions des gens qui s'occupent de la modélisation à grande échelle de l'économie d'énergie pour à peu près l'ensemble du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Or, les deux groupes ne travaillent jamais ensemble. Les spécialistes du territoire et du transport pouvaient se pencher sur les questions relatives au territoire et aux collectivités, mais les spécialistes de la modélisation à grande échelle n'étaient pas en mesure de le faire.

Nous nous sommes dit : « D'accord; allons voir ailleurs. » Mais surprise, il n'y avait pas beaucoup de gens ailleurs qui pouvaient nous aider. Un peu comme pour le concept même de QUEST, nous avons fini par réunir des universitaires du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, les sciences sociales et les sciences exactes. Nous leur avons demandé s'ils pouvaient travailler ensemble et répondre à cette question assez simple. Nous n'étions pas certains de réussir à convaincre des économistes de discuter avec des ingénieurs et nos spécialistes de l'aménagement du territoire, alors nous avons procédé par étapes. Au début, ils se sont penchés sur les différents modèles pour voir s'ils réussiraient à les faire fonctionner. Ils nous ont dit : « Nous ne sommes pas en mesure de répondre à toutes vos questions, mais nous pouvons essayer. »

Cela a ensuite déclenché une vaste étude, qui a été financée par quatre provinces — la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba et l'Ontario —, de même que par le gouvernement fédéral et quelques-uns de nos intervenants du secteur privé. L'objet de cette étude était de savoir si l'intégration était possible. M. Ogilvie va vous parler des conclusions tirées, qui sont très intéressantes. On nous a répondu que l'intégration était possible, mais que nous devions en faire beaucoup plus. M. Ogilvie va y revenir.

J'aimerais maintenant vous parler de ce que nous avons réussi à faire. Grâce à cette coalition diversifiée, dont la création vient de l'idée que nous ne tirons pas parti de toutes les possibilités, nous avons réussi à sortir quelques silos imposants de leurs cadres antérieurs.

J'ai en main des rapports dont je vais vous envoyer la copie par courrier électronique. En 2009, le Conseil des ministres de l'Énergie a publié un rapport intitulé Solutions énergétiques intégrées pour les collectivités — plan d'action, dans lequel il fait référence à certains des travaux de QUEST, et nous lui en sommes reconnaissants. Qui plus est, nos travaux ont permis de porter à l'attention des ministres de l'Énergie la nécessité de réunir le dossier des questions urbaines et celui de l'énergie. Cela permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de régler certaines questions urbaines, notamment en ce qui a trait au transport et à la saturation du réseau routier.

Nous avons aussi eu la chance de voir les premiers ministres, cet été à Winnipeg, faire référence à ce document produit par les ministres de l'Énergie et prendre l'engagement au nom des provinces de travailler ensemble pour le mettre en oeuvre.

Kenneth Ogilvie, porte-parole, Systèmes d'énergie de qualité pour les villes de demain (QUEST) : J'espère que mon exposé ne sera pas trop long pour que vous ayez le plus de temps possible pour poser vos questions.

Le président : Avez-vous des données précises sur le pourcentage des émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur de l'énergie?

M. Ogilvie : Oui.

Mme Rahbar : Tout à fait, dans le cadre de presque tous nos débats sur les changements climatiques au Canada, nous nous sommes intéressés au secteur industriel. Le carbone, comme vous le savez, est omniprésent dans l'économie; il ne s'agit pas du polluant industriel typique. Nous ne pouvons pas faire ce que nous avons fait dans le protocole de Montréal. Le carbone n'est pas un polluant industriel; il est omniprésent.

Nous avons examiné les sources d'émissions dans notre économie; environ la moitié est attribuable au secteur industriel, tandis que l'autre moitié est produite par les villes et les collectivités canadiennes.

Le président : Pouvez-vous ventiler les données pour ce qui est de l'énergie?

M. Ogilvie : Oui, on peut les ventiler des deux façons, aussi bien pour ce qui est de l'énergie que pour ce qui est des gaz à effet de serre. Quand on parle de consommation énergétique, il peut s'agir d'énergie nucléaire, qui ne produit pas de gaz à effet de serre. Il y a de l'énergie qui ne produit pas de gaz à effet de serre, et il y a de l'énergie qui en produit. Les données relatives à l'économie fondée sur la consommation de combustibles fossiles, plus particulièrement en ce qui a trait notamment au transport et au chauffage, peuvent être ventilées en fonction du secteur de l'industrie. On peut aussi s'intéresser à une collectivité par rapport à la moitié des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Les données sont là pour nous renseigner sur les sources.

Le président : Dans notre rapport provisoire intitulé ATTENTION CANADA! En route vers notre avenir énergétique, il est indiqué dans la section sur les changements climatiques que 85 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre sont attribuables au secteur de l'énergie. Certains ont remis en cause cette idée. Honnêtement, je cherche à vérifier les données pour pouvoir fournir une réponse intelligente.

M. Ogilvie : Je ne suis pas un spécialiste des statistiques. Vous pourriez obtenir ces renseignements en consultant l'Inventaire canadien des gaz à effet de serre. Ce dont nous parlons est un peu différent, parce que l'industrie produit et consomme de l'énergie et puis vend son produit. Ce produit est consommé dans les collectivités.

Il faut faire la distinction entre la production et la consommation. Ce dont nous parlons, c'est de la consommation de combustibles fossiles dans les collectivités, qui représente environ la moitié de la consommation canadienne.

Vous remarquerez que, du côté de l'industrie, les chiffres figurent en double. Je vais y revenir quand je vais parler de la modélisation. L'industrie du transport pourrait dire qu'une quantité quelconque des émissions de gaz à effet de serre du pays lui est attribuable. C'est vrai. Une partie sera consommée dans un cadre urbain et l'autre partie sera consommée à l'extérieur de ce cadre. C'est ce qui crée la confusion. Il est important de ne pas comptabiliser en double.

Tout cela est à l'origine de la modélisation. En effet, une des raisons pour lesquelles nous avons eu recours à la modélisation, c'est que nous voulions nous assurer de ne rien comptabiliser en double pour ce qui est des économies possibles.

Je vais vous donner un exemple. Nous introduisons des normes de rendement énergétique pour les automobiles. Si nous multiplions aussi les activités de développement et ajoutons des services de transport en commun, et si les gens se déplacent plus à pied et à bicyclette et qu'ils utilisent moins leur voiture parce qu'ils n'ont pas à se rendre aussi loin, et si vous prenez la structure actuelle de nos villes et que vous estimez être en mesure d'économiser tel montant en coût de transport, vous avez raison. Cependant, vous devez compenser le fait qu'une décision stratégique a été prise en vue d'accroître le rendement énergétique des véhicules. Ce n'est qu'un exemple. En revanche, lorsqu'il est question d'une collectivité au complet, il faut se fonder sur des modèles pour éviter de comptabiliser en double, pour éviter de surestimer les chiffres. Sinon, vous vous doutez probablement que les gens vont se pointer et vous dire : « Génial. On peut réduire de 200 p. 100 nos émissions en faisant tout cela. » Or, c'est impossible.

Nous avons essayé de créer des modèles à ce niveau, ce qui n'avait jamais été fait avant, et à l'échelle du Canada pour savoir combien d'économies il nous était possible de réaliser en les appliquant à nos collectivités. À un certain niveau, le nombre de mégatonnes est plutôt décevant. Par exemple, lorsqu'il est question de 20 ou de 30 mégatonnes, on se dit qu'on pourrait faire beaucoup mieux. Il y a des moyens d'y arriver, mais il faut faire attention de ne pas comptabiliser les données en double.

Les modèles devaient nous permettre d'éviter de faire la somme des chiffres comptabilisés relativement à un changement urbain, à un changement dans le transport et à un changement lié à la production et à la consommation d'énergie, parce qu'il s'agit parfois des mêmes chiffres. Comme nous tentions pour la première fois de réunir des modèles qui avaient toujours été utilisés de façon très distincte, l'étude devait nous permettre d'éviter cela. Comme vous pouvez le constater, il y a bien des hypothèses.

Le président : Je suis désolé pour cette parenthèse, mais, comme vous le dites, c'était en lien avec la modélisation.

M. Ogilvie : C'est très difficile à comprendre. Je viens tout juste de terminer une étude sur le transport des marchandises en Amérique du Nord, que j'ai réalisée en collaboration avec la Commission de coopération environnementale; elle sera publiée dans à peu près un mois. La question des données a été un cauchemar. Il nous manquait toutes sortes de données. Quand on essaie de remédier à la situation, on constate que les données n'existent pas, ou qu'elles existent, mais qu'il est impossible de les rassembler comme on le souhaiterait. Il est important d'obtenir l'aide de tous les acteurs pour ne pas induire les gens en erreur à propos de ce qu'il est possible de réaliser.

J'aimerais revenir brièvement à votre groupe de discussion. L'une des grandes questions qui ont été abordées, c'est de favoriser une meilleure compréhension du système énergétique du Canada et du lien réciproque qui existe entre ses composantes — les éléments physiques, technologiques, financiers et internes, la gouvernance et l'exportation.

À la table de discussion, je pense que chacun estimait connaître son travail et comprendre certains aspects du travail des autres; mais, globalement, les Canadiens et de nombreux décideurs ne comprennent pas très bien ce que nous appelons le système énergétique du Canada et la façon dont ses composantes sont interreliées. Par conséquent, on propose une solution simple pour une seule composante qui ne tient pas compte de l'ensemble du système. Les décideurs ont de la difficulté à dire : « Je ne peux pas mettre en oeuvre une solution simple sans tenir compte du contexte. Je dois vraiment penser à un système et aux liens qui existent entre ses composantes. »

QUEST agit aux deux niveaux, et le concept qu'elle propose se développe naturellement depuis sa création. Notre coalition regroupe des gens de tous les échelons, à partir de celui des collectivités. Nous examinons les caractéristiques propres à chaque collectivité, et nous cherchons à trouver des solutions pour chaque situation.

Voici un schéma très intéressant qui montre comment réunir toutes les composantes du système. C'est une façon assez générale de mettre en place des solutions énergétiques intégrées. Tous les éléments proposés ne vont pas nécessairement convenir à chaque collectivité. Il ne s'agit pas d'un prototype unique.

Dans l'étude, nous proposons que les collectivités utilisent les trois modèles — maintenir le statu quo, appliquer un programme modéré et adopter un plan plus vigoureux — pour orienter leur discussion. Vous pouvez vous imaginer l'enthousiasme des chercheurs à la perspective des possibilités d'études qu'ils entrevoient. Ils pourraient modéliser tout cela en se fondant sur certaines hypothèses et, à partir du modèle créé, poser les questions suivantes : Qu'en est-il de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050? Qu'en est-il du produit intérieur brut? Qu'est-ce que cela signifie pour les emplois? Qu'en est-il du besoin en capitaux?

Nous savons tous qu'un modèle ne sera jamais qu'un modèle, mais il reste qu'on obtient une situation où toutes les parties sont gagnantes. Les coûts diminuent, on crée quelques emplois, le PIB augmente, et on libère moins de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.

Si l'on procède intelligemment et qu'on consulte en bonne et due forme la collectivité où les changements seront mis en oeuvre, il est possible de réduire le bilan des gaz à effet de serre d'un assez grand nombre de mégatonnes. Par ailleurs, cela peut permettre des réductions de coût se chiffrant en milliards de dollars, pour l'économie canadienne ainsi que pour les ménages, qui dépenseront d'une autre manière les montants épargnés. L'étude fait la synthèse de toutes ces choses.

En y réfléchissant un peu, n'importe qui conviendra que si les comportements deviennent un peu moins individualistes, que notre réseau de transport en commun est efficace et que nous conduisons un peu moins nos voitures, nous générerons moins de gaz à effet de serre et nous réaliserons des économies assez importantes au chapitre des dépenses en immobilisations. Arriver au même résultat avec des chiffres est toutefois une tâche complexe, compte tenu des interdépendances dont j'ai parlé. Plutôt que de vous présenter toutes les diapositives de l'étude, je vais vous la résumer en vous disant que ce système consiste à aborder les choses d'un point de vue communautaire, puis à incorporer la question de l'énergie à la réflexion. Traditionnellement, on planifie l'utilisation du sol et on effectue une planification du transport à l'échelle communautaire, puis on approvisionne le tout en électricité, suivant les besoins. Cette perspective ne tient pas compte de la collectivité dans son ensemble ni des ressources qu'elle offre, des capacités qui s'y trouvent ou des intérêts qui s'y manifestent. On n'essaie pas, en procédant ainsi, d'élaborer une vision selon laquelle on pourrait mettre sur pied une collectivité exemplaire, qui produirait moins de gaz à effet de serre, et qui épargnerait de l'argent qui pourrait être réservé à d'autres usages. Voilà les idées qui sont au coeur de cette étude.

À partir de là, c'est aux modélisateurs de jouer. Ils doivent se servir des modèles dont ils disposent et formuler les bonnes hypothèses, par exemple, en ce qui concerne la réaction à laquelle on peut s'attendre de la part de la population lorsqu'une politique sur le stationnement est mise en oeuvre . Il n'est pas possible de prédire de quelle manière la population modifiera ses comportements. C'est la population qui déterminera cela au fil du temps, et nous devrons communiquer avec la collectivité visée à cette fin. On ne peut prendre en compte aucune hypothèse concernant des changements de mentalité éventuels ou des progrès technologiques qui n'ont pas encore eu lieu. On prend en compte que ce que nous savons maintenant, de même que les interdépendances, et on combine tout cela dans des modèles qui permettront de mettre sur pied des collectivités de type QUEST.

Nous avons également fait preuve de pragmatisme. Nous avons choisi quatre archétypes — la région du Grand Toronto, Winnipeg, Fort McMurray et Dawson Creek — pour représenter les petites, les moyennes et les grandes collectivités. Nous nous sommes demandé quelles étaient les structures habituelles de consommation d'énergie, et qu'est-ce qui se passait quand on modifiait les paramètres selon ces principes. Nous nous sommes demandé comment modéliser tout cela, selon une perspective économique. Nous avons également examiné la question de savoir combien de systèmes énergétiques de quartier s'ajouteraient au tableau si les gens vivaient de manière moins cloisonnée, dans l'éventualité où le bilan de rentabilité serait meilleur et où des mesures incitatives pousseraient les membres de la collectivité à agir ainsi.

Les modélisateurs ont pris en compte ces différents éléments, ils ont fait des recherches documentaires et ils ont examiné les modèles eux-mêmes pour déterminer les liens qui les unissaient. Ils ont ensuite procédé à une séquence d'itérations pour en arriver à une série de nombres concrets qui peuvent être tenus pour plausibles, compte tenu des connaissances actuelles et de la manière dont les modèles fonctionnent.

Mme Rahbar pourrait vous parler davantage de ces modèles.

Le président : Monsieur Ogilvie, vous êtes bien aimable de venir nous présenter ces résultats préliminaires. Je veux m'assurer que mes collègues et moi-même avons bien compris. Vous avez dit que vous travaillez en collaboration. J'imagine que vos collaborateurs contribuent au financement de l'opération. S'agit-il, fondamentalement, d'un groupe de réflexion à but non lucratif? Mme Rahbar a brièvement abordé la question. À qui les résultats de l'étude doivent-ils être communiqués? À l'évidence, votre comparution devant le comité, aujourd'hui, vous procurera une certaine visibilité.

Mme Rahbar : Je vous remercie pour la question, sénateur. QUEST n'existe pas en tant qu'organisation. Ceux d'entre nous que cette idée inspire, qui trouvent que tout cela a du sens, contribuent dans leur vie quotidienne au débat sur la politique publique, de manière à faire avancer celle-ci.

Nous sommes parvenus à obtenir un minimum de fonds pour nous doter d'un coordonnateur, qui a fait de l'excellent travail pour que nous continuions à avancer. Ce qu'il y a d'encore plus excitant, c'est qu'il y a des regroupements qui se réunissent dans quatre provinces — la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse — et qui se désignent comme des groupes QUEST. Il se pourrait par ailleurs que l'Alberta et le Manitoba aient prochainement leurs propres groupes QUEST.

À titre indicatif, nos collaborateurs sont, en Colombie-Britannique, la ville de Vancouver, BC Hydro, Fortis Terasen et deux ou trois promoteurs immobiliers importants. Ils se sont rassemblés et se sont dit que si cette idée avait du sens, ils voulaient savoir comment faire en sorte qu'elle se concrétise. Les discussions qui ont eu lieu à ce sujet ont été fascinantes et remarquables. En Colombie-Britannique, Terasen investira, en 2011, de nouveaux capitaux totalisant 100 millions de dollars dans les infrastructures gazières, et de nouveaux capitaux de 100 millions de dollars également pour la subvention relative aux infrastructures de services énergétiques non gaziers.

Ce qui est très enthousiasmant, c'est que le rapport alimente la réflexion des regroupements ainsi que celle des responsables des orientations politiques — c'est-à-dire de gens qui se rassembleront et qui prendront des mesures à cet égard quand ils auront constaté les possibilités d'affaires qui s'y rattachent.

En Nouvelle-Écosse, le mois dernier, le premier ministre Darrell Dexter a présidé à la signature d'un protocole d'entente entre le maire d'Halifax, Peter Kelly, un important promoteur immobilier, Clayton Industries, Heritage Gas et quelques autres acteurs.

Nous sommes emballés de pouvoir dire que la tribune de QUEST s'est transformée en une entité qui transcende le débat sur les politiques. QUEST est devenu un lieu d'échanges qui permet de mobiliser et de rassembler des acteurs des secteurs privé et public afin de faire avancer le programme.

Différents acteurs contrôlent différents leviers. Les municipalités sont aux commandes pour ce qui est de l'utilisation du sol et des règlements qui entravent actuellement la mise en œuvre de certaines des idées les plus intéressantes. Quant à eux, les représentants du secteur privé tiennent évidemment à ce que le bilan reste intéressant. Je suis heureuse de pouvoir dire qu'ils semblent fort disposés à discuter des investissements qu'ils comptent faire pour répondre aux demandes énergétiques des collectivités où ils exercent leurs activités.

Les universitaires qui contribuent à QUEST sont motivés et, grâce aux fonds qui leur sont versés, ils chercheront de nouvelles manières de travailler en collaboration plus étroite et d'agir comme des chefs de file dans toute la division de la santé du CRSH-CRSNG. Nous espérons accroître notre capacité d'intégration dans le milieu universitaire.

Comme je travaille dans le secteur privé, il ne serait pas dans mon intérêt que les investissements à notre disposition — et nos membres font des investissements importants — soient utilisés pour recréer les infrastructures des années 1950. Si ça n'a pas de sens, nous devons nous arrêter un moment, examiner la situation et, s'il y a une autre infrastructure qui permettrait de mieux répondre aux besoins énergétiques du XXe siècle, plutôt que de reproduire les systèmes existants, nous avons au moins nos membres, qui sont désireux d'agir. Je comprends que certains d'entre eux pourraient comparaître devant vous. Ils pourront vous expliquer avec plus d'éloquence ce qu'ils font par l'intermédiaire de leurs entreprises. Le secteur privé s'est engagé, lui aussi.

M. Ogilvie : C'est une démarche axée sur la collaboration. Il n'y a pas de structure hiérarchique. Nous essayons de libérer autant d'énergie créatrice que possible afin d'examiner le problème sous un angle différent. Toutes les provinces sont différentes. Chaque province a ses propres groupes d'intérêts, ses propres regroupements, et chacune doit composer avec ses administrations municipales tout en veillant à ses intérêts.

Nous essayons de soutenir tout cela en tâchant de fournir des moyens et de mettre l'information en commun. Nous diffusons l'étude pour que les idées s'appuient sur des chiffres, afin de rendre les choses plus concrètes. Aux plus hauts échelons, nous discutons de certaines modifications stratégiques qui pourraient s'avérer favorables. Cependant, l'idée est avant tout de libérer cette énergie créatrice.

Nous voulons que les organisations se restructurent. Il y a tellement de possibilités en ce moment. Si elles se donnent seulement la peine de chercher ces possibilités, je crois qu'elles peuvent les trouver.

Le président : Vos explications sont fort utiles et je suis sûr que mes collègues auront des questions à vous poser là- dessus. C'est une structure assez unique, selon ce que je comprends maintenant.

Si vous voulez poursuivre ou terminer votre exposé, nous passerons ensuite aux questions.

M. Ogilvie : Vous avez en main les diapositives, alors je ne vous les lirai pas. Vous pouvez voir qu'à un niveau très élevé, nous concevons que des collectivités de différentes grandeurs envisageraient la mise en oeuvre de systèmes d'énergie intégrés. Nous examinons différents ensembles de politiques — le statu quo —, des politiques de portée intermédiaire et des politiques globales. Nous nous penchons sur les interdépendances, les utilisations du sol, le transport et l'énergie. Nous n'avions pas suffisamment de ressources pour examiner la question des déchets, de l'eau et du transport des marchandises dans les villes. Il y a bien d'autres choses qui peuvent encore être étudiées selon la perspective de QUEST.

Nous avons mis de côté certains chiffres de l'analyse. Nous parlons d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 13 à 35 mégatonnes. Une mise en oeuvre modérée ou exhaustive des solutions intégrées qui sont proposées pourraient permettre d'accroître le PIB du Canada de 0,3 à 0,9 p. 100 d'ici 2050. Les nombreux milliards de dollars qui seraient économisés, par rapport aux investissements en infrastructures qui seraient requis si l'on s'en tenait au statu quo, seraient des milliards de dollars qui pourraient être utilisés à d'autres fins.

Voilà les résultats de l'étude. Encore une fois, les modélisateurs ont fait un énorme travail pour tâcher d'ordonner les pièces du puzzle.

Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il faut avant tout une compréhension approfondie du fait que l'utilisation des sols est la pierre angulaire de toute la structure. Si l'on ne parle pas aux responsables de l'utilisation des sols, qu'on ne les incite pas à tenir compte du transport et de l'énergie dans leur réflexion et à examiner, dès le départ, la question des ressources énergétiques et des gaz à effet de serre qui sont liés au développement, on risque d'aboutir, au final, à une infrastructure très énergivore. Rendu là, on ne peut qu'essayer d'améliorer l'efficacité énergétique à partir de cette infrastructure.

Si la production d'électricité est centralisée dans une très grande centrale, qui alimente une collectivité, on peut examiner le comportement des usagers et essayer d'accroître l'efficacité selon cette perspective. Il se peut cependant que l'on n'ait pas tiré parti de certaines possibilités liées à la production d'électricité ou d'énergie, ou au chauffage, et que l'utilisation de l'énergie ne soit pas optimale dans cette collectivité.

L'examen d'un grand nombre de détails figure dans l'étude elle-même. Il y a une étude de 300 pages, où sont examinés tous les détails.

Vous avez demandé à qui serait communiquée l'étude. Nous voulons qu'elle soit communiquée à tout le monde. Nous avons fait une réflexion très approfondie et nous avons obtenu un engagement notable de la part des industries du pétrole et du gaz, du secteur de l'électricité, des promoteurs immobiliers et d'autres acteurs. Nous voulons être en mesure d'échanger avec ces acteurs pour qu'ils nous disent si ce que nous proposons a du sens, ou que nos propositions pourraient avoir du sens si l'on modifiait telle ou telle chose.

L'étude formule certaines idées concernant différentes applications des mesures stratégiques. Cependant, QUEST est avant tout un processus et un mécanisme qui permettent d'établir un dialogue avec les acteurs. Un promoteur immobilier important de la Nouvelle-Écosse nous a dit, il y a quelques semaines : « Je peux faire ceci et je veux le faire, mais si je suis en concurrence avec un autre promoteur et que je souhaite faire quelque chose qui coûtera plus cher, si mes chiffres ne sont pas adéquats, je veux bien essayer mais il y a des limites à ce que je peux faire. »

Nos collaborateurs essaient de se montrer pragmatiques; ils disent qu'ils ne sont pas contre l'idée, mais nous devons les aider parce que s'ils avancent contre vents et marées et qu'ils ne font rien d'autre que perdre des contrats, ils seront dans l'impossibilité de nous aider. Nous essayons de trouver des personnes qui voudraient faire en sorte que tout cela fonctionne, qui se diraient : « Bon! Comment peut-on rendre viable cette façon de procéder? »

L'étude aide à répondre à cette question. Elle se penche sur les mesures stratégiques et les relie à tout ce programme. Nous avons parlé de certains détails de l'étude, mais les résultats d'ensemble vous seront probablement plus utiles que certains des menus détails.

Le président : C'est très intéressant, car nous faisons de notre mieux pour comprendre toutes ces choses, tout comme votre organisation et une pléthore d'autres groupes dans l'ensemble du pays. Nous constatons qu'un grand nombre de personnes se préoccupent de cette question. Selon nous, c'est un grand progrès.

Je vais vous donner un exemple. Au début de notre étude, neuf d'entre nous se sont rendus à Vancouver, à la suite des Olympiques, l'hiver dernier. Notre objectif est de faire en sorte que Vancouver soit la ville la plus verte du monde ou, à tout le moins, la ville la plus verte du Canada. Nous pensons avoir déjà atteint ce statut au Canada. Ainsi, nous nous demandons ce qu'il faut comprendre lorsque vous parlez de « ville la plus verte ». Cela signifie-t-il qu'on parle d'une collectivité intégrée, dotée d'un système énergétique intégré?

Dans cette optique, si vous me suivez, on pourrait adopter une perspective très simpliste. Que veut-on dire quand on parle de tenir des Jeux olympiques « verts »? Nous croyons savoir ce que cela signifie : on met en place l'infrastructure et, conjointement avec le COVAN ou une organisation similaire, on tient des jeux qui ne produisent pas d'émissions, qui ne nécessitent pas de ressources non renouvelables, et cetera. C'est toutefois une vision plutôt simpliste.

Ce que vous nous dites va nous permettre d'étoffer cette vue simpliste. En tout cas, je l'espère. Cela tient-il debout?

M. Ogilvie : Tout à fait. Si on pouvait partir de zéro, on pourrait concevoir tout cela et avoir une excellente efficacité énergétique. Toutefois, beaucoup d'infrastructures sont déjà construites, et on ne peut pas les démolir tant que leur durée de vie n'est pas terminée. Par conséquent, il s'agit en grande partie de déterminer comment on va composer avec les infrastructures existantes, avec les sites désaffectés et avec les collectivités établies, et de quels moyens on dispose pour y parvenir. Si on construit quelque chose de dense qui est suffisamment efficace d'un point de vue énergétique pour, entre autres, le chauffage collectif, on peut en faire encore plus. C'est là-dessus que porte l'étude. Cependant, il y a beaucoup de collectivités qui ne sont pas conçues de façon à ce qu'un tel projet soit vraiment rentable.

Nous voulions être pragmatiques sur le plan économique, et nous nous sommes dit : « Il va falloir pousser un peu pour que ça se fasse, mais nous voulons nous assurer que, sur le plan commercial, c'est rentable. »

Vous pouvez rendre des collectivités plus vertes à court terme, mais l'étude montre que, si vous commencez à la case départ et que vous rééquipez une collectivité pour en faire un projet de type QUEST, les réductions d'émissions et les avantages économiques commencent à se réaliser. On ne peut pas modifier complètement les infrastructures du jour au lendemain, mais, petit à petit, l'efficacité énergétique a un effet cumulatif, et les réductions deviennent de plus en plus importantes. Le processus ne s'arrête pas parce qu'il y a un incitatif et que, tout d'un coup, cela n'intéresse plus les gens. Le processus se poursuit parce que les fondements sont plus efficaces.

Transformer Vancouver en ville la plus verte, par exemple, ne peut pas se faire du jour au lendemain. Si Michael Harcourt était là, il vous dirait qu'il a fallu au moins 20 ans de durs efforts pour faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre par habitant à Vancouver. Et pour que Vancouver devienne la ville la plus verte du monde, il faudra encore faire mieux. C'est un exemple de ce que veut dire « ville verte ». Mais vous ne pouvez pas désigner une ville déjà construite et en faire la ville la plus verte en l'espace de deux ans. Il faudra de l'argent. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi l'objectif de 2050. En fait, 2100 serait encore mieux, car on observerait alors des réductions encore plus importantes.

Si vous ne le faites pas, vous aurez une économie à forte consommation énergétique. Vous pouvez alors essayer de décarboniser si vous avez pour objectif de diminuer les gaz à effet de serre. L'énergie nucléaire ou ce genre de choses peut vous aider éventuellement à diminuer les gaz à effet de serre, mais il n'en reste pas moins que l'économie dans son ensemble demeure très énergivore. Si les gens doivent faire de longues distances en voiture, beaucoup de gaz à effet de serre seront produits, et ce, tant que l'économie ne sera pas débarrassée des combustibles fossiles.

Ça permet d'intégrer la capacité d'être efficace d'un point de vue énergétique. Avec le temps, cette efficacité croît exponentiellement. Nous avons besoin de l'aide de tout le monde ici, car ça doit être un engagement national. Ça ne peut pas provenir d'un seul secteur, d'une seule province ou d'un seul groupe. Il faut que tout le monde travaille ensemble.

Le président : Êtes-vous prêts à passer aux questions? Sénateurs, j'ai l'impression que nous allons avoir une discussion intense ce matin. Sénateur Mitchell, vous savez où aller; dirigez-nous.

Le sénateur Mitchell : Je suis sûr que, si je fais fausse route, vous ne manquerez pas de me le signaler. Merci.

J'aimerais remercier nos deux témoins. Votre groupe a entrepris un projet très intéressant et très stimulant. Si je comprends bien, vous ne parlez pas de nouvelles technologies. On nous dit constamment que les technologies existent et qu'en fait, ce n'est pas un problème de technologie. On a ce qu'il faut pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le problème se situe plutôt au niveau de l'organisation, des règlements et de la volonté politique.

Le président a parlé de Vancouver et de la Colombie-Britannique. J'aimerais faire remarquer que le sénateur Neufeld est en grande partie responsable de ce qui s'est fait en Colombie-Britannique pendant les huit années consécutives où il a été ministre de l'Énergie au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique. Il faut lui en reconnaître le crédit, à lui et à son gouvernement. C'est ça la volonté politique.

Sans vouloir insulter personne, j'aimerais bien que les choses aillent plus vite, même si c'est bien que des universitaires et des spécialistes comparaissent devant nous. Beaucoup comme moi sont impatients que les choses se fassent.

Dans un monde idéal, qui serait capable de diriger l'écologisation de toutes les collectivités du pays?

Mme Rahbar : Je vous remercie de votre question, même si elle est particulièrement difficile. À mon avis, il faut rallier le secteur privé, qui investit actuellement beaucoup dans la forme que prendront nos collectivités, ainsi que les collectivités elles-mêmes, qui ont leur mot à dire à cet égard. L'étude nous montre que l'utilisation des sols, qui relève de la politique publique, n'est pas influencée par le marché. La dernière fois que j'ai vérifié, c'était le conseil municipal qui arrêtait la planification urbaine. Par conséquent, il y a bien un ordre de gouvernement qui détient les leviers de commande. Il faudrait que les politiques publiques encouragent davantage le secteur privé à investir.

L'étude confirme également que les collectivités sont un passage obligé, car on ne peut pas résoudre le problème des GES en s'intéressant uniquement à la question de l'offre. Au Canada, nous avons la chance d'avoir de l'énergie en trop et, depuis des décennies, nos débats portent principalement sur l'offre. Certes, c'est une composante très importante, car c'est en quelque sorte notre gagne-pain. Mais lorsqu'il s'agit de gérer nos propres émissions, on ne peut le faire à partir de l'offre uniquement.

L'étude confirme, et c'est ce que je trouve intéressant, que les gouvernements peuvent, en utilisant les divers leviers dont ils disposent, créer des conditions favorables pour que le secteur privé investisse dans ce genre de projets afin qu'ils se concrétisent.

Quand nous avons demandé à nos collègues promoteurs-constructeurs ce qu'il faudrait pour que ça se concrétise, nos collègues du gouvernement s'interrogeaient tous sur les types d'incitatifs qui leur seraient utiles. Or, un promoteur a répondu : « Je n'ai pas besoin d'incitatifs. Des fonds ponctuels m'encourageraient peut-être à participer à un ou deux projets. Mais pourvu qu'on m'accorde des permis de construction à forte densité, je saurai en tirer des profits. Je m'occuperai de trouver toutes les technologies qu'il faut, et j'y arriverai. »

De leur côté, les organismes provinciaux de réglementation énergétique disent : « C'est correct. Depuis des décennies, nous réglementons les réseaux de distribution de l'énergie. Nos processus provinciaux sont transparents. Nous avons des intervenants. Vous nous dites qu'il faudrait mettre en place un nouveau réseau énergétique qui permettrait de chauffer ou de climatiser le centre-ville de Toronto à l'aide de thermopompes utilisant l'eau du lac, ou encore de récupérer la chaleur des égouts de Vancouver, grâce à des technologies extraordinaires. »

Dans notre économie, on gaspille beaucoup de chaleur. Quarante pour cent de l'énergie que nous produisons sert au chauffage, et non aux transports. En général, ça sort donc par la cheminée, sous une forme ou une autre. Il faudrait pouvoir capter l'excédent de chaleur produit par un hôpital, par exemple, celui du centre-ville de Toronto, et le redistribuer par un système énergétique de quartier à toutes les maisons avoisinantes. De cette façon, on pourrait profiter des gains en efficacité énergétique déjà existants.

Les organismes de réglementation énergétique nous disent qu'ils ont déjà bâti des réseaux de distribution dans le passé, et que s'il faut en bâtir un autre, le secteur privé pourra fournir les investissements nécessaires tandis qu'eux pourront assurer la réglementation et le contrôle du système. De leur côté, les investisseurs du secteur privé nous disent que ça peut marcher, et que, dès que les règlements seront établis, ils mobiliseront leur savoir-faire et leurs capitaux. C'est ce que j'aime entendre.

Il faut lancer des projets de démonstration. La situation sera différente d'une collectivité à l'autre. On apprend avec l'expérience. Il ne faudra pas se contenter d'un seul investissement. Ce n'est pas comme si les gens ne construisaient pas des infrastructures tous les jours. Il faut donc lancer des projets de démonstration, bien les documenter, en tirer des leçons et faire connaître les résultats. C'est avec l'expérience qu'on apprend.

Il y a encore trop peu de collectivités où les gens pourraient se rendre et se dire : « Oui, je pourrais fort bien y vivre, car ce n'est pas mal du tout. Tiens, la maison est chauffée à la fois par l'excédent de chauffage de l'usine d'à côté et par de l'énergie solaire. Ça me convient. » Il faudrait d'autres exemples de collectivités de ce genre pour que les gens puissent voir ce que c'est.

D'ici peu de temps, nous allons essayer de rassembler les gens qu'il faut pour entreprendre des projets de démonstration dans l'ensemble du Canada.

M. Ogilvie : Avec QUEST, nous avons essayé de mettre sur pied une coalition de gens qui veulent travailler ensemble. Nous comptons sur un bon leadership politique à certains niveaux. Des premiers ministres et des ministres de l'Énergie appuient notre projet. Certaines provinces et certaines collectivités ont pris les devants. Certains secteurs et certaines industries se montrent intéressés.

Nous essayons de bâtir cette coalition, mais nous avons vraiment besoin de leadership politique. Le Sénat pourrait jouer un rôle clé étant donné que vous avez une bonne idée des tenants et des aboutissants de notre système énergétique. Votre comité sait ce dont nous avons besoin et comprend comment QUEST s'inscrit dans cet ensemble. Ce serait formidable que vous puissiez sensibiliser les plus hautes instances de notre pays afin qu'elles s'intéressent à ça.

Puisqu'il est question de technologies, comme vous l'avez dit, il y en aura de nouvelles, mais il en existe déjà beaucoup pour réaliser ce genre de projet. Nous n'avons pas besoin d'attendre que l'on en invente de nouvelles pour obtenir des résultats. Certes, de nouvelles technologies qui nous permettront d'obtenir des résultats encore meilleurs seront mises au point, mais nous en avons déjà suffisamment pour commencer.

Ensuite, il faudra rallier l'appui de la population. Je pense qu'il faut pour le moment s'occuper d'obtenir l'appui des plus hautes instances du pays, et ensuite, nous essaierons d'obtenir celui de la population. Nous avons des appuis autour de nous et nous essayons d'obtenir l'attention des plus hautes instances, mais nous avons besoin d'obtenir encore plus d'attention de ces hautes instances et nous devons trouver un moyen de nous adresser à la population pour savoir ce qu'elle en pense.

Le sénateur Mitchell : Nous allons en parler à la population au cours de nos voyages dans les différentes régions du pays et nous lui demanderons ce qu'elle en pense.

Vous avez parlé notamment de collectivités de démonstration. Je pense qu'il faudrait qu'on ait des collectivités où les gens pourraient se rendre pour constater d'eux-mêmes comment elles sont organisées. Êtes-vous au courant de ce qu'ils ont fait à Okotoks, en Alberta? C'est absolument fantastique. Quand Edmonton va fermer son aéroport du centre-ville à la circulation aérienne, cela va laisser un immense espace vide en plein cœur de la ville. La Ville a déjà demandé à des promoteurs et à des architectes de lui soumettre des projets verts pour ce site. QUEST devrait participer à cet exercice de concert avec la Ville d'Edmonton et proposer des aménagements susceptibles d'acquérir la même notoriété mondiale que ceux de Vancouver.

M. Ogilvie : Tout à fait. Nous cherchons des sites d'aménagement au Canada. Le premier ministre Dexter a annoncé l'aménagement d'une collectivité de type QUEST à Bedford West. Il y a aussi Dockside Green, à Victoria. Le maire de Guelph fait, lui aussi, beaucoup d'efforts dans ce sens. L'Alberta a Okotoks et Edmonton. Il faudrait que ça se fasse ailleurs aussi. Quand j'ai dit que le concept se développait naturellement, c'est que ça se fait même sans l'intervention de QUEST. Nous essayons de canaliser et de rassembler toutes ces énergies, mais ces choses se font de toute façon.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Je suis dans l'immobilier depuis 30 ans, et ça fait plusieurs décennies que j'entends parler de ce genre de projets qui me paraissent avoir beaucoup de bon sens. On parle de forte densité, de pollution, d'efficacité énergétique et d'environnement. Il y en a déjà des exemples de par le monde, mais ils ne sont pas nombreux. Pourtant, c'est tellement logique et facile à comprendre que je ne saisis pas pourquoi il n'y en a pas davantage.

Mon point de vue est un peu différent de celui du sénateur Mitchell. Il y a deux choses. La première, c'est qu'il y a toujours une dimension politique, ce qui signifie que, pour se faire réélire, les décideurs doivent dire et faire ce qui plaît à la population, ce qui ne correspond pas toujours à la meilleure décision ni à la décision la plus logique. La population est réticente face aux changements, alors à quoi bon se battre contre elle?

L'autre erreur que font les gens, c'est de croire que les dirigeants s'en chargeront, mais c'est faux. Le marché est composé de consommateurs qui allument leur thermostat, qui choisissent de couper leur chauffage ou qui décident d'utiliser l'eau. On aura beau écrire des livres et des articles sur l'efficacité énergétique, tant que cela ne se traduit pas par des coûts financiers ou sociaux au jour le jour, la société n'accepte pas ces changements. On ne peut pas lire un livre chaque fois qu'on doit prendre une décision. Quand on doit en prendre une, on se fonde sur toutes les informations qu'on a à sa disposition. C'est ça, le problème. Les changements ne se feront pas tant que les décideurs n'imposeront pas les règles du jeu dans le marché. Pourquoi ne le font-ils pas?

Mme Rahbar : Vous avez tout à fait raison. Nous nous réjouissons d'avoir réussi à rassembler certaines personnes qui, quotidiennement, prennent ce genre de décisions. Elles trouvent utile de pouvoir discuter ensemble.

L'urbaniste ignorait ce dont le promoteur immobilier avait besoin, et le promoteur immobilier n'avait pas l'habitude de projets où il lui faut amortir sur 30 ans les capitaux qu'il a engloutis dans une infrastructure. Lui, il a l'habitude de construire et de vendre immédiatement; c'est sa façon de faire des affaires. Et puis tout d'un coup, le contact s'est fait. Il y avait un service public dont le modèle d'entreprise est exactement à l'opposé, où il faut engloutir dès le départ une grosse masse de capitaux et les amortir sur 30 ans. Les deux ont commencé à se parler. Dans un autre contexte, le contact ne se serait jamais fait.

Nous essayons de faire les deux, en nous intéressant à l'aspect politique, mais en fait, nous nous efforçons d'encourager le dialogue entre les intervenants.

Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance. Prenez l'exemple de grandes villes comme Toronto et Montréal où il y a eu des projets de construction phénoménaux. Cependant, ils ont tous perdu beaucoup d'argent. On parle beaucoup de tout ça, mais la population, elle, ne voit que ses propres intérêts, et elle n'adhérera au projet que si ça lui paraît plein de bon sens.

J'espère que vous avez raison quand vous dites que le service public va absorber les coûts d'investissement, mais depuis 30 ans que j'en parle, ça ne s'est encore jamais produit. Il faut un changement plus radical en ce qui a trait au coût économique de la prise de décision.

M. Ogilvie : La solution, c'est qu'il faut plus de gens comme vous qui peuvent parler des obstacles et des craintes, mais aussi des avantages économiques et autres de ces projets.

Je suis ingénieur civil. Mes collègues d'université sont, entre autres, des promoteurs immobiliers. Ce qu'ils préfèrent, c'est avoir un beau terrain vert que quelqu'un aura viabilisé et sur lequel ils pourront construire des maisons. Ils peuvent alors calculer les profits qu'ils vont faire, et tout va bien. Pourquoi renonceraient-ils à ce modèle pour assumer des coûts supplémentaires et n'avoir aucune garantie de profit, simplement parce que la société s'est fixé pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre?

L'expérience suédoise ne s'est pas faite du jour au lendemain. Les Suédois en ont parlé pendant des années avant d'opter pour les systèmes énergétiques de district qu'ils utilisent aujourd'hui et qui leur ont permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre par habitant à moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre par habitant en Ontario, province qui a une population et une économie comparables à celles de la Suède.

Cela représente des années de travail. À QUEST, nous le savons bien. Le modèle tient compte de l'élasticité existante, qui nous ramène aux contraintes dont vous parliez tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle les chiffres ne sont pas aussi convaincants que certains le voudraient.

Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance.

Le sénateur Lang : Je ne suis pas aussi négatif que mon collègue de Montréal. Je crois toutefois que le point de vue du sénateur Massicotte devrait intéresser les organisations qui travaillent avec vous, car elles devraient réfléchir à la façon de surmonter les obstacles dont il a parlé.

Il y a déjà beaucoup de constructions qui ont été réalisées grâce aux mesures prises par les gouvernements, mais ces projets s'adressaient surtout à des bureaucrates, pas à ceux qui sont prêts à prendre des risques ou qui veulent atteindre leurs objectifs en peu de temps. Il s'ensuit que, pour certains, le temps n'a pas d'importance, alors que pour d'autres, le temps c'est de l'argent.

J'ai le sentiment que c'est la situation actuelle dans tout le pays, que ce soit dans mon coin, au Yukon, ou en Nouvelle-Écosse. Je crois que tous les ordres de gouvernement sont coupables de cet état de fait. Je pense également que nous pouvons tirer des leçons des expériences du passé.

Pour ce qui est de la décision prise hier concernant la potasse, on peut débattre du bien-fondé de cette décision. La réalité par contre est qu'il y avait des délais à respecter, certaines informations devaient être fournies et une décision devait être prise. On ne peut continuer éternellement sans prendre de décision. Il faut tenir compte du point de vue de ces communautés.

J'aimerais discuter de la participation du gouvernement fédéral. Je crois que nous faisons à peu près la même chose que ce que vous avez présenté, monsieur Ogilvie. Nous tentons de réunir ces groupes et de faire comprendre l'importance de l'énergie aux Canadiens. Ce qui fait ressortir un point de vue non partisan et moins direct.

En tant que sénateur nouvellement nommé, je tente de déterminer notre responsabilité quant à la collaboration avec les provinces. Dans les provinces et les territoires, la responsabilité pragmatique est clairement définie dans un grand nombre de secteurs.

J'aimerais que vous développiez un peu plus sur ce que vous croyez que le gouvernement fédéral peut faire tant sur le plan de l'offre que de la mise en place et sur ce que nous pouvons faire, dans notre collaboration avec les provinces et les territoires, pour encourager un certain changement de leur vision de l'énergie.

M. Ogilvie : J'ai eu le plaisir de travailler avec les gouvernements du Manitoba et de l'Ontario ainsi qu'avez le gouvernement fédéral, je peux donc exprimer trois points de vue différents. Tout ceci concerne évidemment l'aspect environnemental qui n'est qu'une pièce d'un puzzle assez compliqué.

Le gouvernement fédéral a la capacité non seulement de faire preuve d'un leadership et d'une vision éclairés, mais également de réunir les gens, de faire des recherches et d'en communiquer les résultats, et il peut aussi promouvoir la technologie. Je suis vice-président des Technologies du développement durable du Canada, et cela a eu des répercussions importantes sur certaines industries des technologies propres au Canada.

Le gouvernement fédéral peut accomplir un tas de choses qu'une province peut difficilement faire seule. Il peut aider à instaurer des codes et des normes afin d'améliorer l'efficacité et d'éliminer les barrières partout au pays. Il peut entre autres aider à la recherche et aux projets de démonstration. Les provinces sont responsables des infrastructures et des décisions en matière d'énergie. Nous le savons tous. Le gouvernement fédéral ne souhaite pas s'imposer et débourser, mais il peut être un partenaire important, rassembler une masse critique d'expertise, entre autres en matière de technologies et de systèmes énergétiques urbains, et ils peuvent travailler ensemble pour faciliter les progrès à cet égard. Les provinces doivent décider si elles veulent participer. Les municipalités doivent oser devenir des leaders. Elles peuvent faire tout cela.

En définitive, un prix clair pour le carbone aura des effets importants sur de nombreuses décisions qui seront prises dans ce domaine.

Personnellement, je crois aux infrastructures, à la technologie et aux prix. Le gouvernement fédéral joue un rôle important en matière de technologie, et manifestement un peu moins important en ce qui concerne les infrastructures, mais il peut y participer. Il a cependant un rôle à jouer dans les prix. Il s'agit d'ici des trois grands facteurs qui peuvent provoquer un grand changement. Le gouvernement doit se concentrer sur ses facteurs importants et sur ses contributions. Si vous prenez ces trois facteurs importants et y ajoutez de l'information, de la recherche et des projets de démonstration, le gouvernement fédéral peut devenir un acteur majeur.

Le président : C'était une excellente question, sénateur Lang. Je vois que Transports Canada et Ressources naturelles Canada participaient à votre groupe consultatif. Est-ce que cela veut dire que chacun de ces ministères avait un représentant à votre conseil? Est-ce qu'ils travaillent vraiment avec vous?

Mme Rahbar : Le ministère des Ressources naturelles Canada travaille bien avec nous. Au début, lorsque nous l'avons approché, le ministère se demandait bien ce qu'il pouvait faire de plus, car il avait déjà pris des mesures pour l'efficacité énergétique et conclu une entente avec les constructeurs de véhicules. Aujourd'hui, toutefois, il existe un poste de cadre à Ressources naturelles Canada dont la tâche est de s'occuper des collectivités. Il ne s'agit pas simplement d'un titre. Le ministère est en train de s'organiser et vise à devenir un acteur important dans la refonte — en fait, il l'est déjà.

Permettez-moi de faire un commentaire. Je trouve que c'est un défi intéressant de chercher à décortiquer les différents ordres de gouvernement. Ce comité sénatorial a la chance unique de refondre la conversation sur l'énergie — ou, du moins, de lui donner une orientation —, en mettant l'accent sur le fait qu'il s'agit d'une transformation à long terme pour l'ensemble de l'économie. Il ne s'agit pas d'une panacée pour un secteur d'approvisionnement aux dépens d'un autre secteur.

Étant donné la façon dont les comités de la Chambre des communes sont structurés, les questions d'environnement et de ressources sont séparées et on ne peut donc pas avoir une conversation qui regroupe les deux. Ce comité-ci a le mandat d'élaborer une transformation à long terme. Le simple fait d'établir un cadre requiert une transformation à long terme. Je suis d'avis qu'il serait très utile de changer l'orientation du discours.

Un autre enjeu clé est la question de la demande. Nous avons dit que 50 p. 100 des émissions directes proviennent des régions urbaines. Certains vous diront que les émissions indirectes pourraient être aussi élevées que 85 p. 100 en raison de la production et de l'industrie lourde, de l'approvisionnement, des biens et des services qui sont destinés à 90 p. 100 des habitants du Canada vivant dans 120 villes. Aucun cadre ne balise la voie. Le discours politique va se cantonner au secteur isolé de la production. Même un cadre pour guider la conversation pourrait être utile.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir au prix du carbone dont vous avez parlé plus tôt. Manifestement, les opinions varient à ce sujet en Amérique du Nord. Je ne crois pas que le Canada puisse aller de l'avant sans les États-Unis. Ce serait périlleux, pour notre société et notre économie, quand on tient compte des ramifications à long terme. En plus, la population mondiale augmentera de 2 milliards d'habitants au cours des 30 prochaines années. Il est évident que le prix du carburant grimpera aussi étant donné qu'il y aura encore plus de personnes dépendantes du pétrole. Ce n'est pas très sorcier à comprendre. Donc, le prix du carburant va augmenter, indépendamment des taxes sur le carbone et du système de plafonnement et d'échange. Le marché déterminera à lui seul l'augmentation. Il me semble que si des organisations comme la vôtre disent qu'il faut établir des projections de coûts, de manière à ce que le marché s'adapte et réagisse pour nous permettre de maintenir notre style de vie, que si l'on part de cette hypothèse, alors le bien-fondé de ce type de planification devient d'autant plus évident pour les collectivités. C'est une autre conclusion que l'on peut tirer de ce que vous avez dit, c'est-à-dire qu'il faut poursuivre à l'échelle fédérale, provinciale, territoriale et municipale.

M. Ogilvie : Le marché détermine les prix. Les gouvernements peuvent influencer les prix, mais c'est difficile et c'est surtout une question politique. Il faut savoir exactement ce que l'on fait. On peut exercer une influence, mais regardez le prix de l'essence. Je me souviens du débat sur le soufre et le gaz alors que le prix de l'essence augmentait d'un cent le litre. L'Institut du pétrole prévoyait que tout le monde allait mourir, d'un point de vue économique. J'ai participé au débat. Le prix de l'essence varie de 10, de 40 ou même de 50 cents. Ce sont les marchés qui provoquent cette volatilité et qui fixent les prix. C'est vrai que l'on peut ajouter d'autres prix. Si l'on fixe un prix pour le carbone, les gens tenteront d'améliorer leur rentabilité en économisant sur le carbone. D'une certaine façon, ça attire leur attention. En attirant leur attention, on peut parfois leur montrer que d'importants profits peuvent être réalisés en empruntant cette voie. Et tout cela n'a probablement rien à voir avec le prix du carbone, au bout du compte.

Les prix du carbone dont nous parlons attirent l'attention et sont un secteur d'information. Dans une certaine mesure, ils peuvent aussi stimuler de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques.

Quand on parle d'aménagement du territoire, on ne parle pas d'un prix du carbone qui soit peu élevé. Ce n'est pas ça qui changera l'aménagement du territoire pour les prochaines décennies. Ce devra être une vision de l'avenir de nos collectivités.

Nous ne nous intéressons pas tant à la question du prix — le prix fera changer le comportement des gens, dans une certaine mesure —, qu'à la question du système, de l'infrastructure et de l'aménagement du territoire.

Le sénateur Neufeld : Merci à vous deux pour ces exposés. Trouver des façons d'instaurer des changements au sein d'une collectivité demande beaucoup d'efforts. Cela ne se limite pas aux mesures prises par le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux; c'est aussi une question d'habitations. Le type de maison que les gens achètent aujourd'hui comme première demeure est très différent de ce que j'ai connu, et je n'ai pas l'impression que ça fait si longtemps.

C'est difficile de convaincre les gens de modifier la grandeur de leur terrain, leur mode de transport ou leurs conseils municipaux. Vous avez parlé du quartier Dockside Green, à Victoria. L'une des grandes difficultés rencontrées dans le cadre de ce projet était liée à la construction, entreprise par le conseil municipal. En fait, il a dû déroger en partie du plan de construction, surtout pour ce qui est de la production d'énergie. Je vous félicite de ce que vous faites, car ça cadre bien avec l'ensemble de la situation à long terme.

Le sénateur Mitchell a parlé d'Edmonton, mais j'ignore si on a décidé de construire des habitations à forte densité dans ce grand espace. Il est bien certain qu'on ne peut pas construire de maisons individuelles à forte densité. Il faut bâtir en hauteur pour avoir la densité nécessaire qui permet d'utiliser la chaleur résiduelle et d'autres options de ce genre.

À la page 17 de votre mémoire, vous dites :

Le Canada pourrait réduire de 5 à 12 p. 100 ses émissions de GES en milieu urbain d'ici 2050, seulement en appliquant les solutions énergétiques intégrées pour les collectivités.

Et vous dites que ce serait 13 mégatonnes.

M. Ogilvie : Ce serait de 13 à 35 mégatonnes, à mon avis.

Le sénateur Neufeld : Et en moyenne, pour une personne, à quoi cela correspondrait-il?

M. Ogilvie : À la page 15 sont présentées les économies à réaliser par les foyers. Nous n'avons pas les chiffres exacts par personne parce que ce serait différent selon la collectivité. Mais voyez plutôt les chiffres avancés à la page 15 : une économie de 6,7 à 10,8 milliards de dollars en énergie et de 10,1 à 29,3 milliards de dollars pour l'ensemble des dépenses. Les foyers pourraient épargner parce qu'ils dépenseraient moins pour l'énergie, pour l'infrastructure, et cetera. C'est à grande échelle, mais le fait est que c'est une dépense moins élevée. Les gens économiseraient.

Le sénateur Neufeld : C'est là que le bât blesse, à mon sens. Je l'ai lu, mais je suis un peu sceptique, pour être bien honnête.

Le président : Sceptique un jour...

Le sénateur Neufeld : On dit bien que les sceptiques seront confondus, mais je demande à voir.

Le fait est que je ne vois pas comment vous pouvez transmettre cette information à la population. Je sais qu'il y a des façons de procéder, mais vous devez le faire de manière à ce que les gens comprennent. Si vous parlez de bâtir des habitations à forte densité, et tout ça — ce dont le sénateur Mitchell a parlé —, il n'y a aucun doute que le prix des copropriétés augmentera, comme c'est arrivé à Dockside Green, et que ce sera plus cher que dans un autre quartier d'Edmonton. Comment faire pour vendre ces habitations?

Je ne dis pas que les renseignements que vous présentez sont erronés; je dis qu'il vous faut trouver des moyens pour que les gens comprennent.

M. Ogilvie : Laissez-moi illustrer mon propos par ma situation personnelle. J'habite à Toronto, à l'intersection de Bayview et Eglinton. Le transport y est fantastique, et les boutiques sont tellement géniales qu'il y a huit ans, ma femme et moi nous sommes débarrassés de nos voitures lorsqu'elles ont commencé à montrer des signes de fatigue plutôt que de nous en acheter de nouvelles. Si j'habitais en banlieue, j'aurais besoin d'une voiture.

Nos voitures restaient au garage. Le mécanicien nous a dit que nous ne les utilisions pas assez et qu'elles s'encrassaient. C'est à ce moment-là que je me suis aperçu que nous n'avions pas besoin de voiture. Je pensais que ça me manquerait, car je suis ingénieur et j'adore la technologie. Mais ça ne me manque pas du tout. En fait, je suis heureux de ne pas avoir à m'en occuper. Si je veux une voiture, je peux en louer une.

Aujourd'hui, je me déplace davantage à pied et en vélo et je reste dans mon quartier; c'est là que je fais mes emplettes. Nous épargnons environ 15 000 $ par année depuis que nous n'avons plus ces deux voitures. Je dirais qu'en un an, je dépense un total de 2 500 $ pour le transport, c'est-à-dire pour les laissez-passer du transport en commun et la location de véhicule.

Vous avez raison : le coût des copropriétés serait sûrement plus élevé là où je vis. C'est pour ça qu'il faut examiner tout un cycle de coûts, mais il reste que d'importantes économies peuvent être réalisées. Et ce n'est même pas une collectivité QUEST dans le plein sens du terme; c'est seulement un endroit où il fait bon vivre.

Le sénateur Neufeld : Je peux le comprendre. Mais ce n'est pas tout le monde qui partage votre point de vue, monsieur Ogilvie.

Est-ce à Stockholm qu'on brûle les déchets pour produire de l'électricité?

M. Ogilvie : C'est à Helsinki.

Le sénateur Neufeld : C'est une pratique qui remonte à la nuit des temps. Vous devriez présenter cet argument à Vancouver. J'ai essayé de dire à la ville qu'elle devrait brûler ses déchets pour produire de l'électricité, et que fait-elle? Elle les enverra sans doute aux États-Unis ou même au centre de la Colombie-Britannique en train. Ce ne sont pas des dossiers évidents à régler.

Allons à la diapositive où vous parlez des systèmes énergétiques intégrés pour la collectivité. À gauche, on voit un terminal de GNL. Pourquoi avez-vous besoin d'un terminal alors que nous avons d'énormes ressources en gaz naturel au Canada? Si vous l'avez mis là, ça veut dire que nous en importerons, je crois.

Le président : Vous parlez de Prince Rupert.

Le sénateur Neufeld : Non, eux l'exporteront.

Mme Rahbar : Cette information est tirée d'un rapport qui porte sur une collectivité au Japon, où il n'y a pas d'énergie et où ils doivent l'importer. C'est pour cette raison qu'il y a un terminal de GNL.

Le sénateur Neufeld : C'est au Japon?

Mme Rahbar : Oui.

Le sénateur Neufeld : Il faut faire quelque chose pour l'implanter au Canada. Regardez la centrale de l'autre côté de la page. C'est intéressant de voir qu'il y a des cheminées.

Au Canada, 75 p. 100 de notre énergie provient de sources propres. Sommes-nous parfaits? Non, mais nous sommes loin d'être mauvais. Nous devons joindre notre voix aux vôtres et commencer à dire aux gens à quel point nous sommes bons pour produire de l'électricité plutôt que nous comparer à d'autres. Le Japon y parvient avec quantité de sources différentes, vous avez bien raison.

Mais il n'y a pas qu'une façon d'y parvenir. Nous devrions parler du Canada. Si 75 p. 100 de l'électricité en Europe était propre, le continent n'aurait pas de problème; n'oublions pas que dans les endroits dont nous parlons — la Suède, le Danemark, et cetera —, les centrales au charbon sont nombreuses. Chez nous, l'Alberta et la Saskatchewan fonctionnent beaucoup au charbon et cherchent justement des façons novatrices de réduire leurs émissions de GES. Il faut rendre à César ce qui appartient à César si nous voulons que les gens changent. Il convient de le souligner.

Si le terminal de GNL est au Japon, c'est intéressant de voir qu'on passe du GNL à un gazoduc avant la transformation du gaz en hydrogène. Il faut avoir un combustible pour produire de l'hydrogène. Ce peut être un combustible fossile ou de l'électricité, mais nulle part on indique ce qu'il advient du CO2 nécessaire à la transformation du GNL en hydrogène.

Même si ça se passe au Japon, il faut l'expliquer. Le gaz naturel ne devient pas de l'hydrogène comme par magie. Il faut en extraire les GES sous forme de CO2, puis faire quelque chose avec ce CO2. Aimeriez-vous faire un commentaire à ce sujet?

M. Ogilvie : Je répète que les besoins et les possibilités diffèrent d'une collectivité à l'autre partout dans le monde. Ce que vous dites en fait, c'est qu'il faut voir les choses du point de vue de leur cycle de vie, et nous sommes entièrement d'accord avec vous. Sinon, la réponse est différente.

Le Canada a le bonheur de posséder une grande variété de sources d'énergie. Des facteurs économiques peuvent dicter l'utilisation du charbon dans un secteur, pour des raisons de coût, tandis que d'autres secteurs offrent d'immenses possibilités. Le public est bel et bien sensibilisé à la combustion des déchets. La pyrolyse est aussi une option, mais vous connaissez bien sûr le domaine puisque vous avez été ministre de l'Énergie. Je vous ai d'ailleurs rencontré en Colombie- Britannique il y a quelque temps.

Le sénateur Neufeld : En effet.

M. Ogilvie : De nombreuses possibilités s'offrent à nous. Nous disposons d'une panoplie de technologies qui ont fait leurs preuves. Mais lesquelles seront acceptées par le public? Il faut tout d'abord porter ces questions à son attention, et l'inciter à les mettre au premier rang de ses préoccupations. Nous avons appris que quelle que soit la technologie, une collectivité opposera une résistance à son introduction si elle estime qu'on essaie de la lui imposer. Il faut absolument obtenir la participation des citoyens.

QUEST a donc étudié comment il convient d'introduire ces idées dans une collectivité. Comment trouver les meneurs nécessaires? Comment atteindre le public dès le début?

Il faut éviter d'arriver avec ses gros sabots et d'annoncer qu'on instaure une collectivité QUEST. Cette façon de faire déclenche inévitablement une forte opposition. Comment donc présenter ces idées aux gens?

C'est ici qu'il nous semble que le Sénat a un grand rôle à jouer, qui consiste à mettre les Canadiens au défi de réfléchir à différentes possibilités et à faciliter tout le processus.

Je suis entièrement d'accord avec le sénateur Massicotte. Il existe de nombreux obstacles solidement enracinés, qui ne sont pas tous insurmontables, bien qu'ils le soient souvent. De bons projets s'effondrent parce que des gens font pression pour qu'on les modifie.

Il faut donc instaurer le dialogue à ce sujet et présenter une vision de l'avenir du pays, afin que les gens sachent que nous savons où nous allons, et que toutes ces choses en font partie. Il faut ensuite aller directement dans la collectivité et bâtir le soutien nécessaire.

J'estime que le Sénat a son rôle à jouer pour aider le pays à atteindre cet objectif.

Le sénateur Banks : Merci beaucoup de cet exposé.

Les sénateurs qui se sont exprimés avant moi avaient raison sur toute la ligne, nous le savions déjà. Je vais vous demander de vous prononcer sur un point que le comité a soulevé dans un rapport il y a quelques années.

Nous avons étudié la question dans le monde entier, en puisant dans toutes les sources que nous avons pu trouver. Nous nous sommes penchés sur les endroits — et ils sont assez nombreux — qui ont réussi à lancer le type de processus que vous décrivez, de même que sur les obstacles rencontrés. Nous en avions alors conclu que c'est irréalisable, pour toutes les raisons invoquées par mes collègues et par vous, à moins qu'un ordre de gouvernement l'impose et en assure la direction. Pour arriver au but recherché, le gouvernement ne doit pas y aller de main morte. Il faut bien sûr aussi en faire la publicité, puis cajoler, sermonner et éduquer. Vous avez dit qu'un promoteur qui avait examiné la question avait déclaré qu'il aurait bien voulu s'y essayer, mais pas au prix de perdre son entreprise au profit de concurrents qui ne faisaient pas comme lui.

C'est le fond de la question, mais nous ne nous y sommes jamais attaqués de front toutes ces années.

Comme l'ont dit certains sénateurs, nous avons les moyens, nous possédons les connaissances et nous en comprenons la nécessité. Ce qui manque, ce n'est pas l'éducation, les encouragements, les sermons, les connaissances ni les efforts pour convaincre les gens — tout cela a été essayé, et personne ne nie la nécessité de remédier à la situation. Ce qui manque, ce sont les moyens d'égaliser les chances, comme dans l'exemple du promoteur que vous avez évoqué. Dockside Green en est l'exemple parfait, parce qu'il n'est pas une grande réussite. Les promoteurs verront Dockside Green et en concluront que c'est un exemple à éviter, parce que les copropriétés ne sont pas encore vendues. Je ne crois pas me tromper. En tout état de cause, Dockside Green n'a pas été la réussite escomptée. On l'a construit sur des terres industrielles assainies, et il est écologique à souhait.

Le président : Il était géothermique, et tout le reste?

Le sénateur Banks : Absolument tout. Je crois...

M. Ogilvie : Que ce soit la bioénergie ou la géothermie, on tire la chaleur de...

Le sénateur Banks : Vous avez touché juste quand vous avez parlé d'aménagement du territoire, parce que c'est le fond de la question. Ce sont essentiellement les administrations municipales qui régissent l'aménagement du territoire. Au Canada, la Constitution même fait obstacle à l'adoption des types de... Nous n'aimons pas quand les décisions nous sont imposées d'en haut, mais c'est un obstacle politique. J'espère que vos membres tiennent compte de ce fait — il en existe deux ou trois excellents exemples. Mais j'aimerais discuter de ce que nous pouvons faire, comme le demandait le sénateur Lang.

Nous voudrions servir de levier. Un vol au-dessus de Toronto montre un paysage plat, beaucoup de maisons individuelles, puis — surprise! — des tours d'habitation et une station de rail léger. On revient ensuite au paysage plat, puis, sans prévenir, d'autres tours d'habitation et stations de rail léger surgissent. Le conseil municipal de Toronto a eu le cran de décider de rezoner les terres où seront situées ces stations.

Un vol au-dessus d'Edmonton montre un paysage plat tout autour du tracé du rail léger, parce que le conseil municipal de notre ville n'a pas eu le cran de rezoner les terres autour de la station, pour qu'elle soit viable et fonctionnelle.

J'ajoute — et je prêche pour ma paroisse — qu'Edmonton a réalisé beaucoup de bons coups, et qu'elle construit aujourd'hui la toute première installation de conversion industrielle des déchets en biocarburant. Nous tirons fierté de notre ville et de son travail de recyclage, mais la construction du rail léger n'a pas été un bon exemple à cet égard.

Comment le Sénat, le gouvernement fédéral et même les gouvernements provinciaux peuvent-ils contraindre les administrations municipales au Canada à bien réfléchir à un tel aménagement des terres?

M. Ogilvie : Je ne vais pas répondre à toutes ces questions. QUEST a préparé un document — je ne peux pas vous le distribuer — sur la façon dont l'Ontario étudie les énoncés de politiques provinciaux, qui contiennent toutes sortes de bonnes idées sur la croissance intelligente, notamment, mais qui ne sont pas à la hauteur des critères de QUEST.

Dans sa présentation sur ce processus en Ontario, le groupe QUEST de cette province fait valoir qu'il faut aussi se pencher sur la situation énergétique des collectivités et sur les conséquences du développement pour les gaz à effet de serre. Il faut inclure ces facteurs dans l'énoncé de politique provincial, afin que la Commission des affaires municipales de l'Ontario puisse analyser les aspects énergétiques. Un plan municipal qui ne répondrait pas à ces critères devrait être retourné pour être remanié avant d'être de nouveau soumis.

Vous avez donc absolument raison, il faut structurer les choses de manière à ce que les municipalités soient obligées de présenter un plan. On les forcerait ainsi à tout le moins à examiner la question, sans qu'elles y soient nécessairement assujetties. Le projet de loi 375 du Sénat de la Californie impose la présentation d'un plan énergétique communautaire. Si la Californie ne le juge pas satisfaisant, s'il ne montre pas comment on entend réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'argent peut être affecté ailleurs. Je ne sais pas comment cela va se passer, mais la Californie fait pression sur les collectivités pour qu'elles présentent un plan énergétique, à défaut de quoi elles devront en accepter les conséquences. L'État leur fait comprendre ses intentions politiques. Il faut passer par là.

Le groupe QUEST de l'Ontario a préparé une trousse à outils dans le but précis de montrer comment traiter avec les municipalités. Elle a été publiée à Halifax il y a deux semaines, mais je n'ai pas eu la chance de la lire. Ce travail a été fait en Ontario parce que c'est la province la plus prometteuse pour QUEST, en raison de la forte densité de population dans le Sud de l'Ontario, de la nécessité de conserver l'énergie, et cetera.

Un leadership est nécessaire, je partage entièrement votre opinion. QUEST pourra peut-être rassembler des gens qui se tiendront debout et qui appuieront ce leadership, au lieu de laisser cette tâche ingrate à un seul pauvre politicien qui ne peut compter sur aucun appui. Nous essayons de créer un vaste ensemble, par voie de collaboration et de coalition, de manière à inciter les gens à adopter ces façons de faire et à essayer les modèles proposés.

Dockside Green s'est bien vendu, mais il se peut que les résultats économiques n'aient pas été très bons. C'est une leçon à tirer, parce que nous en sommes au stade de la démonstration, là où le gouvernement fédéral peut apporter une aide. Il faut que quelqu'un élimine les risques politiques et financiers, afin que nous puissions mettre à l'essai certaines méthodes et discerner les éléments qui fonctionnent bien ou mal. Une autre collectivité peut alors décider de répéter ce qui a bien fonctionné, et d'innover pour le reste. Il faut amener les gens à adopter cette mentalité. Il faut que quelqu'un puisse éliminer les risques pour les promoteurs et les politiciens, pour faire en sorte que tous collaborent. Puis il ne reste plus qu'à espérer que tout aille bien — rien n'est jamais sûr.

Le président : Sénateur Banks, vous avez illustré à votre façon ce qu'il nous faut : un chef d'orchestre qui puisse coordonner les instruments à percussion et à cordes, les cuivres et les autres, et veiller à l'exécution d'ensemble. Vous avez pratiquement appliqué cette solution en posant votre question.

Le sénateur Banks : Un orchestre est facile à diriger, parce que ce n'est pas une institution démocratique. La dictature a ses avantages, monsieur le président.

Mme Rahbar : Permettez-moi de formuler rapidement deux ou trois observations. Les gouvernements peuvent faire appel à la politique de la carotte et du bâton. Je vous encourage à faire usage des deux.

La Colombie-Britannique propose un exemple de la politique de la carotte, que le sénateur Neufeld connaît bien. Quand la taxe sur les émissions carboniques a été introduite, on a offert aux municipalités une exemption si elles acceptaient de devenir neutres en carbone à une date donnée. L'échéance paraissait lointaine quand elles ont signé. Mais cette échéance approche à grands pas, et l'on observe que toutes les municipalités participantes de cette province déploient une activité fébrile pour remplir leur part du contrat. Elles n'ont franchement aucune idée de la façon de procéder, outre que l'argent nécessaire leur fait défaut, ce qui est une bonne chose à certains égards. Le secteur privé — qui a l'argent nécessaire — arrive aujourd'hui dans le tableau et collabore avec les municipalités pour trouver moyen de respecter l'échéance.

Le gouvernement fédéral a utilisé une autre carotte — instituée par le gouvernement précédent et établie en permanence par le gouvernement actuel — qui a pris la forme d'un pourcentage de la taxe sur l'essence versé aux collectivités. La méthode était intéressante. Ottawa attache en temps normal toutes sortes de conditions à un versement, mais en l'occurrence on se bornait à demander quelque chose, n'importe quoi, en contrepartie. On s'attendait presque à ne rien recevoir en retour. Le ministère n'avait pas vraiment reçu de fonds propres, parce qu'il croyait qu'après avoir distribué l'argent, il ne recevrait rien en contrepartie. À sa stupéfaction, la carotte a fonctionné, au point de l'obliger à mettre sur pied un service pour s'occuper des plans énergétiques communautaires qui lui parvenaient. On peut bien sûr aussi faire usage de bâtons.

J'ai une observation à faire au sujet de la technologie utilisée à Okotoks et à Dockside Green. Nous avons toujours assisté à des démonstrations technologiques, des projets pilotes, de ce qui est faisable. Dans notre réflexion à QUEST, nous cherchons à ce que cette façon de faire devienne la norme, pour que plus personne ne ressente la nécessité d'en parler. C'est tout simplement la façon de procéder si l'on est constructeur et que l'on sait faire de l'argent. C'est un élément du plan d'affaires.

Pour parvenir à ce but, nous essayons d'amener ceux qui connaissent leur secteur d'activité à trouver un moyen d'en retirer un profit. Les constructeurs de résidences et les promoteurs canadiens ont tenu leur propre dialogue et ont organisé des ateliers pour comprendre les obstacles à franchir s'ils s'engagent dans cette voie. Tous ceux qui participent au dialogue se demandent ce qu'il nous faut pour que cette méthode soit profitable quand elle devient la norme. Quelle est la réponse? Ils préparent un rapport qui sera examiné par leur conseil d'administration, à ce qu'on me dit, et qui sera publié sous peu.

Sur la question de l'énergie, nous avons procédé de même avec nos propres membres, c'est-à-dire que nous leur avons demandé ce qui serait nécessaire pour créer une infrastructure différente. Comme il se trouve que les services publics réglementés doivent s'adresser aux commissions de réglementation, les distributeurs d'électricité et nous avons entamé un dialogue avec les organismes de réglementation économique, pour chercher des moyens de faire avancer les choses.

La Fédération canadienne des municipalités et les associations municipales provinciales ont créé leurs propres regroupements pour se pencher sur la question. Quels sont nos règlements administratifs qui ont un effet contrariant?

La plupart des provinces ont adopté des lois progressistes en matière d'énergie, et des programmes de pointe pour certains lieux choisis. Le programme de l'Ontario porte le nom de Place à la croissance. L'Alberta a elle aussi un programme, dont le nom m'échappe. Le problème est de savoir comment ils se renforcent mutuellement.

Le sénateur Dickson : Merci de cet excellent exposé.

Pour en revenir au niveau local, j'aimerais des précisions sur ce qui s'est produit en Nouvelle-Écosse. Pouvez-vous renseigner le comité sur les conditions du protocole d'entente signé par la province et par le maire d'Halifax?

Mme Rahbar : Je peux vous donner un court aperçu, parce que le groupe QUEST de la Nouvelle-Écosse a rassemblé tout ce travail moléculaire. Je crois qu'il concerne un système d'énergie de district à Halifax, dont le nom m'échappe pour l'instant.

M. Ogilvie : Comme nous ne connaissons pas tous les détails, nous ferions mieux de nous renseigner. Je croyais que Bedford West en était venu à regrouper 25 000 personnes, ou quelque chose dans cet ordre de grandeur.

Le sénateur Dickson : Vous parlez de Bedford West, le nouvel aménagement.

M. Ogilvie : Oui.

Le sénateur Dickson : Le conseil municipal n'a-t-il pas déjà approuvé cet aménagement?

M. Ogilvie : Je n'ai pas connaissance des détails. Je sais seulement qu'il a été annoncé qu'on essaierait de le créer dans le respect des principes de QUEST. J'ignore à quel stade du processus d'approbation il en est, et ce qui lui est nécessaire. Nous devrons vous fournir des détails à ce sujet. Nous pouvons vous donner le nom de certaines personnes et vous obtenir de l'information.

Mme Rahbar : Je peux vous faire parvenir un exemplaire du protocole d'entente.

Le sénateur Dickson : Est-ce qu'Halifax ou la municipalité régionale d'Halifax devra apporter des changements dans la réglementation?

Mme Rahbar : C'est plus que probable, mais ici encore les détails ne m'ont pas été communiqués.

Le sénateur Dickson : Quelle est la date de signature de ce protocole?

M. Ogilvie : Notre atelier s'est tenu les 12 et 13 octobre. Je crois que l'annonce a été faite le matin du 12 octobre.

Mme Rahbar : Effectivement, il a été signé le matin du 12 octobre.

Le sénateur Dickson : La population locale n'a donc pas été consultée avant la signature du protocole?

M. Ogilvie : Nous en avons entendu parler deux ou trois semaines avant notre arrivée à Halifax, et nous n'y avons pas prêté trop d'attention avant cela. L'annonce a été faite, mais aucun document descriptif ne m'a été distribué à la réunion. Comme nous ne disposons pas de suffisamment de détails, nous devrons aller chercher l'information pour éviter de vous induire en erreur.

Le président : Envoyez le tout à notre greffière, et nous l'examinerons.

Le sénateur Dickson : Est-ce que Conserve Nova Scotia, qui fait partie du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, se penche sur la conservation? Est-ce qu'il participe au processus?

Mme Rahbar : Oui.

Le sénateur Dickson : Avez-vous une idée de l'importance de sa participation?

M. Ogilvie : La Nouvelle-Écosse a également mis sur pied la Efficiency Nova Scotia Corporation.

Le sénateur Dickson : Oui, tout change d'un gouvernement à l'autre.

M. Ogilvie : Elle vient d'être établie. C'est tellement nouveau — je crois que l'argent devait être transféré en octobre, mais je ne suis pas sûr que ce transfert ait été effectué.

Cette agence n'est pas du tout un forum urbain, mais a pour mandat de réaliser des économies. Elle viendrait se greffer sur le programme QUEST. Une fois que l'infrastructure est prête et que l'empreinte énergétique est chargée, on commence à rechercher des économies au stade de l'utilisation finale et des moyens d'économiser localement, par exemple, avec les appareils électroménagers. Tout se complète.

Le sénateur Seidman : Plusieurs sénateurs présents à cette table se sont intéressés aux mêmes questions. Personnellement, j'aimerais revenir sur les recommandations que vous faites quant à l'aide que pourrait vous apporter le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Vous dites, à la page 19 :

Préconiser et appuyer l'élaboration de projets de démonstration partout au Canada.

Et vous ajoutez :

Évaluer la réceptivité des Canadiens face à la vie dans les collectivités types de QUEST.

Ce sont là deux de vos quatre recommandations. J'aimerais les examiner toutes les deux. Je sais pertinemment, en tant que consommateur, que la présentation de projets de démonstration donne toujours des idées. Les quelques occasions que j'ai eues de visiter ce genre de projets de démonstration, m'ont permis d'élargir mes horizons et m'ont donné des idées auxquelles je n'avais jamais pensé auparavant parce que j'ai pu voir les possibilités.

J'habite juste à côté de l'île de Montréal, sur une toute petite île où on est en train de faire des aménagements écologiques. Par exemple, il y a des immeubles en copropriété qui ont été construits selon les exigences LEED et qui sont écologiques. Il est vrai que ces appartements coûtent beaucoup plus cher.

Dans votre deuxième recommandation, vous proposez d'évaluer la réceptivité des Canadiens. Il va falloir s'intéresser sérieusement à la sensibilisation du public et à la promotion de ce mode de vie, car il y a beaucoup à faire à mon avis. Si nous comptons uniquement sur les gouvernements, nous n'y arriverons pas.

Il faut faire la promotion auprès des collectivités des bienfaits pour la santé que représente un tel mode de vie.

M. Ogilvie : J'estime moi aussi que QUEST fait la promotion de la santé, étant donné que nos projets se traduisent par une réduction importante des polluants. Il existe des preuves scientifiques solides qui le démontrent, donc on peut véritablement parler de promotion de la santé et aussi de promotion des liens sociaux. Les gens qui habitent dans ce genre de collectivités établissent plus facilement des liens entre eux. Cela a donc plusieurs avantages.

Environics nous a proposé de poser une question dans leur tout dernier sondage. Comme nous n'en avions qu'une, nous avons demandé aux gens comment ils réagiraient s'ils étaient obligés d'habiter dans une collectivité de type QUEST. Les Canadiens sont encore très partagés, mais ils y étaient assez réceptifs. Les citadins, mieux informés sur la question, ont répondu qu'ils seraient ravis. En revanche, ceux qui habitent dans les zones rurales et aiment bien les grands espaces étaient généralement moins intéressés. Il est bien évident que, selon l'endroit où vous vivez, vous allez réagir différemment.

Ça donne quand même une idée globale de l'intérêt que la population porte à cette question. Personne n'en fait la promotion. Nous aimerions bien avoir des projets de démonstration pour que, partout au Canada, les gens puissent les visiter et décider eux-mêmes si ça leur plaît. Il faut que nous puissions leur montrer des projets concrets et qu'ils nous disent ce qu'ils en pensent. C'est un peu trop abstrait de leur poser la question avec seulement des croquis. Il faut leur montrer des réalisations concrètes.

Mme Rahbar : Il nous faut aussi avoir des projets de démonstration à petite, moyenne et grande échelle. Par exemple, un projet aménagé au centre-ville de Victoria risque fort de ne pas plaire à une personne qui vient d'une collectivité rurale du Nord du Québec.

Le sénateur Seidman : Avec l'évolution démographique, on peut prévoir qu'il y aura beaucoup de Canadiens plus âgés dont les enfants vont grandir et quitter la maison familiale. Ces gens-là vont vouloir vendre leur maison en banlieue ou en zone rurale pour aller éventuellement s'installer dans des collectivités urbaines de ce genre, où le mode de vie est à la fois facile et beaucoup plus écologique. Comme vous l'avez dit, les contacts entre les gens se font plus facilement. Il y a toutes sortes d'avantages.

Il me semble qu'il y a là des occasions, même si certains habitants des banlieues ne comprennent pas ce mode de vie. Mais cela peut changer rapidement.

M. Ogilvie : C'est ce qui se passe à Toronto. Une fois que leurs enfants ont quitté la maison, beaucoup de gens veulent se rapprocher des théâtres et des restaurants. Ils veulent marcher et ne plus être obligés de conduire leur voiture dans le véritable cauchemar qu'est devenue la circulation automobile. Les gens reviennent en ville pour changer de mode de vie. Il y a donc ce marché-là, mais on peut aussi aménager des collectivités pour des familles avec enfants. Plus il y a de gens dans la rue, plus il y a de sécurité.

Le président : On pourrait peut-être s'inspirer de cette vieille chanson qui dit : « Maman, ne laisse pas ton enfant devenir un cow-boy. »

Le sénateur Peterson : C'est une discussion bien sérieuse pour une heure aussi matinale. J'essaie de comprendre vos échéanciers. Vous parlez de 2050; je ne pense pas que je serai encore en vie.

Vous avez dit que vous aviez dû vous fonder sur un certain nombre d'hypothèses pour élaborer votre modèle. J'aimerais bien savoir quelles sont ces hypothèses, et si elles sont réalistes. Les économies par ménage que vous prévoyez sont-elles valables dès maintenant ou seulement en 2050?

Vous avez parlé de plan d'occupation des sols et de rezonage. J'ai travaillé dans l'immobilier pendant 30 ans, et je sais que, même si c'est difficile, ce n'est pas impossible. Nous avions constaté que l'occupation des sols n'était pas un enjeu sociétal mais plutôt un enjeu économique. Quand on est promoteur, une fois qu'on connaît les règles de base, on s'adapte aux enjeux économiques.

Je me demande, avec l'exposé que vous nous avez présenté, si la question fondamentale n'est pas plus sociétale qu'économique.

M. Ogilvie : Vous pouvez vérifier les hypothèses sur lesquelles nous nous sommes fondés. Mais vous avez raison, c'est tout un changement culturel, que les politiques et les coûts peuvent plus ou moins accentuer.

Il y a des gens qui ont suffisamment de ressources pour pouvoir décider de l'endroit où ils veulent vivre. Il faut que ça soit une solution attrayante pour les gens, il faut qu'ils puissent en discuter.

Il y a d'excellentes raisons économiques à épargner sur le revenu du ménage, mais les gens ne font pas toujours des choix uniquement pour ces raisons-là. Cela nécessite un débat, et c'est la raison pour laquelle je suis ravi que le Sénat y participe. Il faut que quelqu'un entame ce débat, car il ne faut pas que les gens pensent que c'est un groupe ou un autre qui défend ses propres intérêts. Il faut que ce soit un véritable dialogue avec les Canadiens.

On ne va pas faire basculer la population dans un sens ou dans un autre, mais en périphérie, on peut commencer à influencer les gens afin de les amener à voir les choses différemment. Ensuite, il faut bien ficeler le projet afin que les promoteurs sachent exactement combien il leur en coûtera et combien de profits ils pourront réaliser. C'est ainsi que ça marche et pas autrement. C'est pour ça qu'il faudra prendre des décisions difficiles.

Les Canadiens attendent de leur gouvernement qu'il leur montre le chemin et qu'il les encourage à s'intéresser à ça. Nous devons rallier tous les soutiens possibles, et nous aimerions même avoir un caucus QUEST dans chaque province.

Nous n'avons pas créé notre organisation avec des bâtons de baseball. Notre objectif n'est pas de critiquer les gens, mais plutôt de les rassembler, de les informer, de les amener à évoluer et à envisager d'autres solutions. Nous ne sommes pas là pour forcer les gens à faire quoi que ce soit, nous sommes là pour défendre la cause, en quelque sorte.

Je pense que les politiciens devront trouver un moyen de rassembler les gens, pour bien montrer qu'ils ne sont pas les seuls à défendre ce point de vue. Des promoteurs m'ont déjà dit qu'ils seraient prêts à emboîter le pas dès que les paramètres seront établis. J'ai des fournisseurs de technologies, des groupes environnementaux et des groupes sanitaires qui disent que c'est bon. Nous essayons d'élargir cette base le plus possible. C'est encore un risque pour les politiciens de se démarquer et d'être les instigateurs d'un changement. Je n'ai jamais été politicien, mais j'en ai observé.

Le sénateur Peterson : Si nous nous y mettions avec vigueur et détermination, dans combien de temps pourrions-nous commencer : cinq ans, deux ans, dix ans? Vous avez fait des études, et nous venons tout juste de commencer. Quel délai vous paraît raisonnable?

M. Ogilvie : Ça se fait déjà dans certains endroits. Par exemple, une collectivité de Nouvelle-Écosse qui voulait réaliser ce genre de projet est allée visiter une collectivité autrichienne et en a rapporté toute l'information appropriée. Ça se fait déjà. Les gens commencent à y songer sérieusement.

Certes, il y a des difficultés. Ils ont dû embaucher une personne à temps plein pour les aider à rassembler la population de la collectivité. Je suis sûr que ces gens-là ignoraient l'existence de QUEST jusqu'à ce que nous les rencontrions. Les gens le font déjà, mais peut-être pas nécessairement comme nous le voudrions. Guelph et d'autres collectivités de ce genre s'intéressent de très près à la question de l'avenir de nos collectivités. Vancouver s'y intéresse depuis longtemps.

Les choses commencent à bouger. Il va falloir que nous multipliions rapidement les projets de démonstration, afin que ce type de collectivité parle physiquement aux gens. Ensuite, nous verrons si des décisions politiques peuvent nous aider à assurer la viabilité commerciale de notre projet.

Il faut travailler en tandem, mais les décisions politiques ne se prennent pas du jour au lendemain, et la réalisation d'un projet de démonstration nécessite un certain temps. Il faut donc être patient.

Il s'agit là d'un concept stimulant et attrayant, qui se concrétise déjà de lui-même dans plusieurs endroits au Canada. Partout où nous allons, nous constatons que les gens font déjà ce genre de choses. C'est pour nous une source d'inspiration. Nous nous rendons compte que ces gens-là ont réussi à le faire sans aucun appui des gouvernements. Ils l'ont fait parce qu'ils voulaient que leur collectivité soit différente. Cela nous impressionne beaucoup.

Le sénateur Brown : Je pense que QUEST est un projet très intéressant. Comme le sénateur Peterson, je ne serai probablement plus là en 2050, encore moins en 2100.

Une voix : Où allez-vous?

Le sénateur Brown : Au ciel ou en enfer, tout dépend de l'opinion que vous avez de moi.

Je pense que nos villes évoluent en fonction de leur emplacement. Vancouver est adossée à une immense chaîne de montagnes, de sorte que les terrains de construction y sont beaucoup plus chers que partout ailleurs au Canada. La Ville fait d'énormes efforts pour aménager des couloirs de transport qui ne nécessitent pas le recours aux automobiles, entre autres. La ville a beaucoup d'hydroélectricité.

À une époque, Calgary, avec plus de 30 milles de long, était la ville la plus étendue de toute l'Amérique du Nord. Je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais je sais qu'elle a une population d'un million d'habitants qui aiment tous les grands espaces, les grandes pelouses, les grandes maisons. C'est leur culture. Leurs familles vivaient dans les Prairies avant de venir s'installer à Calgary.

La génération suivante a commencé à construire énormément d'immeubles en copropriété au centre-ville. Ils ont même converti des entrepôts en appartements.

Je sais qu'à Calgary, il y a des choses qui se font dans le genre de celles que vous préconisez, mais elles se font dans une ville qui existe déjà.

Le président : Avez-vous l'intention de poser une question?

Le sénateur Brown : Oui. Je fais partie d'un comité de députés de l'Alberta qui se réunit chaque mercredi matin. J'ai été surpris d'apprendre qu'ENMAX a l'intention de construire quatre turbogénératrices aux quatre coins de Calgary. Apparemment, il y en a une très grosse de 800 MW dont la construction a été approuvée le mois dernier.

Pourquoi ne commençons-nous pas par expliquer aux villes comment elles pourraient améliorer les conditions de vie de leurs habitants et faire baisser leur facture énergétique? Avec des turbogénératrices, la ville profite immédiatement d'un allégement de 50 p. 100 de la TPS, car l'Alberta dépendait depuis toujours du charbon. De plus, ENMAX a annoncé que, grâce à ses épurateurs et à l'entreposage des GES dans des bâtiments souterrains, les émissions de GES allaient diminuer de 60 p. 100. Voilà le genre de décision qui peut être un point de départ à l'aménagement de collectivités planifiées.

Vous avez une collectivité planifiée au Japon, mais ça va prendre beaucoup de temps avant que les habitants de l'Alberta et de la Saskatchewan acceptent de vivre dans des espaces plus restreints. C'est la première chose que vous avez dite, et je pense que c'est ce que beaucoup d'habitants des Prairies auront du mal à accepter. Ça ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas leur offrir de meilleures options énergétiques ou de meilleurs moyens de transport, que nous ne pouvons pas alléger le trafic automobile, et cetera.

Qu'en dites-vous?

M. Ogilvie : Chaque collectivité agit en fonction de ses moyens et de ses aspirations. ENMAX a construit au centre-ville un système de chauffage collectif. Lorsque les chaudières des immeubles de bureaux ne seront plus fonctionnelles, les immeubles pourront être raccordés au système d'ENMAX. Avec la cogénération à l'électricité, le taux d'efficacité énergétique sera de 80 à 90 p. 100. J'ai visité les installations avec le directeur principal de la technologie de TransAlta et je lui ai demandé quel était le taux d'efficacité énergétique d'une usine au charbon. Il m'a répondu que ce taux n'était que de 50 p. 100 à l'usine, et qu'il perdait encore 30 p. 100 en cours de route. On peut dire qu'une usine au charbon a un taux d'efficacité énergétique d'environ 20 p. 100, alors que cette nouvelle installation de Calgary a un taux de 80 p. 100.

Si vous craignez d'utiliser trop d'énergie pour les gaz à effet de serre, il faut savoir que plus vous densifiez, plus c'est rentable pour ENMAX. C'est une usine subventionnée, mais avec la bonne densité et la bonne configuration, elle peut s'autofinancer. L'objectif est donc de rendre les équipements à la fois plus propres et plus rentables.

Calgary peut changer beaucoup de choses sans être obligée de densifier toute la ville. Avec le temps, on peut rénover et densifier dans le périmètre des structures existantes. Il faut faire avec ce qu'on a.

Le sénateur McCoy : C'est l'histoire de l'énergie au XXIe siècle. Pour reprendre votre analogie avec l'orchestre, je dirais que c'est une chanson que nous essayons tous d'apprendre. C'est ce que j'ai eu l'occasion de dire à des gens, récemment, notamment au ministère de l'Énergie de l'Alberta. Ce ministère a dépensé des centaines de milliers de dollars au cours des deux dernières années pour essayer d'apprendre cette nouvelle chanson. Il est vrai que la partition n'en a pas encore été écrite.

Mais, comme les membres de ce comité, j'ai hâte de la connaître, cette partition. C'est peut-être nous qui en ajouterons les dernières notes d'agrément afin que nous puissions chanter tous ensemble cette chanson de l'énergie du XXIe siècle.

Le président : C'est intéressant. Le sénateur Mitchell est revenu sur une phrase qu'ont dite les deux témoins : « Nous allons devoir y penser. » Cela pourrait être le titre de notre rapport : « Vous allez devoir y penser. »

Quoi qu'il en soit, nous arrivons à la fin de notre réunion. J'aimerais remercier M. Ogilvie et Mme Rahbar de nous avoir présenté des témoignages intéressants.

J'aimerais rappeler aux sénateurs que la majorité d'entre nous avons accepté de rencontrer la délégation de la Communauté européenne cet après-midi, de 15 h 15 à 15 h 45, au 1, rue Wellington, juste à côté du Château Laurier. Comme cette délégation a un emploi du temps très serré, nous devrons nous efforcer d'être à l'heure et prêts à nous y rendre peu après 15 heures. Cela se passe dans la salle 160-C.

Je dois aussi vous rappeler que, après la semaine d'ajournement du Jour du souvenir, nous aurons une réunion le 16 novembre à 17 heures avec le groupe de Jacob Irving. Le 18 novembre, neuf sénateurs se rendront à Chalk River. Ils seront accompagnés de la greffière, de nos attachés de recherche et des collaborateurs de certains sénateurs. Je pense qu'il y aura également avec nous dans l'autobus des membres de l'Association nucléaire canadienne.

Le voyage suivant aura lieu les 25 et 26 novembre. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans le domaine de l'énergie nucléaire. Je vais profiter de la semaine d'ajournement pour lire les documents que nous avons reçus sur le sujet. Si cela vous intéresse, nous avons beaucoup de documents au dossier.

Je vous souhaite à tous une bonne semaine de congé.

(La séance est levée.)


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