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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 14 - Témoignages du 16 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 16 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 52, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs et collègues. Nous sommes au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous accueillons ce soir deux représentants distingués des associations d'hydroélectricité, M. Jacob Irving et M. Daniel St-Onge.

Je voudrais rappeler à tous que notre réunion est diffusée sur le réseau CPAC ainsi que sur le web. La séance est également diffusée sur notre propre site web consacré à l'énergie, www.canadianenergyfuture.ca.

Nous essayons de poursuivre notre dialogue avec les Canadiens sur une stratégie canadienne de l'énergie pouvant aboutir à des moyens plus durables, plus propres et plus efficaces de production d'énergie aussi bien au Canada que dans le monde, en coopération avec tous les autres secteurs qui participent avec nous à la lutte contre les changements climatiques, les émissions de CO2, et cetera.

Dans ce contexte, comme nous l'avons dit à maintes reprises, nous sommes persuadés que l'énergie est inextricablement liée à des questions environnementales telles que les changements climatiques ainsi qu'à l'économie. Bien sûr, l'économie canadienne dépend dans une grande mesure d'un système efficace de production d'énergie.

Je suis le sénateur David Angus, du Québec. Je suis le président du comité. Mon collègue, le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta, qui est vice-président du comité, n'est pas présent ce soir. Il est représenté ici par le sénateur Sibbeston, qui vient des Territoires du Nord-Ouest.

Sont également présents nos deux collègues et chauds partisans de la Bibliothèque du Parlement, M. Marc Leblanc et Mme Sam Banks, le sénateur Tommy Banks, qui m'a précédé comme président du comité, ainsi que le sénateur Richard Neufeld de la Colombie-Britannique, le sénateur Bert Brown de l'Alberta, le sénateur Judith Seidman du Québec, le sénateur Robert Peterson de la Saskatchewan, le sénateur Daniel Lang du Yukon et le sénateur de réputation mondiale Paul Massicotte, qui représente le Québec, mais qui est originaire du Manitoba.

Messieurs, nous sommes enchantés de vous accueillir ce soir.

M. Jacob Irving, président de l'Association canadienne de l'hydroélectricité, a plus de 10 ans d'expérience comme gestionnaire d'association et spécialiste des relations avec le gouvernement. Il a joué un rôle de premier plan, de concert avec le sénateur Neufeld, dans la création d'un caucus de l'hydroélectricité ici, sur la Colline, à Ottawa. C'est une excellente initiative. Nous avons hâte de collaborer avec vous à cet égard.

Avant d'assumer la présidence de l'Association canadienne de l'hydroélectricité, M. Irving était directeur exécutif du Oil Sands Developers Group (OSDG), dont il a été le porte-parole auprès d'une multitude d'intervenants du secteur de l'énergie, dont des autorités municipales, provinciales et fédérales et des groupes autochtones.

[Français]

Il est accompagné de M. Daniel St-Onge, directeur principal de la commercialisation pour Énergie renouvelable Brookfield Inc. J'imagine que M. St-Onge fait partie de l'Association canadienne de l'hydroélectricité?

Daniel St-Onge, directeur principal, Commercialisation, Énergie renouvelable Brookfield Inc. : Absolument.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à tous deux. Je crois que M. Irving sera le principal orateur. Nos témoins nous ont présenté des documents très intéressants. Il y a ici un petit catéchisme.

[Français]

Le document s'intitule L'hydroélectricité en cinq points : La première source d'électricité au Canada.

[Traduction]

Nous avons aussi une plus grande brochure, L'hydroélectricité au Canada : Passé, présent et avenir. Je crois que vous nous avez également présenté une série de diapositives qui ont l'air très intéressantes. Je vous remercie de votre présence et de l'excellente documentation que vous avez apportée. La parole est à vous, monsieur.

Jacob Irving, président, Association canadienne de l'hydroélectricité : Je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité.

[Français]

Je peux répondre à des questions après ma présentation et que je peux le faire dans les deux langues officielles. Toutefois ma langue maternelle est l'anglais, je ferai donc ma présentation en anglais. Mon collègue Daniel St-Onge peut aussi répondre à des questions en français ou en anglais.

Le président : Les francophones qui siègent au comité parlent mieux anglais que nous.

[Traduction]

M. Irving : Ensuite, s'il y a des questions, nous pourrons y répondre tous les deux. M. St-Onge, qui représente la société Énergie renouvelable Brookfield Inc., est un membre estimé de notre association. La société a une longue expérience de la réalisation de projets partout au Canada. Je suis sûr que nous pourrons avoir une bonne conversation et que M. St-Onge saura nous faire profiter de son expérience professionnelle.

J'ai distribué un document qu'il nous sera possible de suivre. J'ai l'intention de parler pendant une vingtaine de minutes. Je commencerai par l'Association canadienne de l'hydroélectricité. J'essaierai de vous expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons. Je vous présenterai ensuite un certain nombre de faits qui peuvent nous guider lorsque nous pensons à l'hydroélectricité au Canada, en Amérique du Nord et dans le monde.

Je vous parlerai aussi de notre point de vue sur les avantages de l'hydroélectricité. Il y a quelques avantages particuliers que nous avons la chance d'avoir au Canada. J'aborderai ensuite quelques-uns des problèmes que nous devons affronter pour produire davantage d'énergie hydroélectrique et mettre ainsi à la disposition du Canada et de l'Amérique du Nord plus d'énergie propre et renouvelable. Enfin, je parlerai du potentiel inexploité et j'expliquerai que le secteur de l'hydroélectricité se porte bien au Canada et qu'il a un fort potentiel. C'est un sujet qu'il sera intéressant d'aborder.

À la fin, je récapitulerai, puis nous pourrons passer aux questions. J'espère bien laisser la plus grande part du temps aux questions et réponses.

Le président : C'est très bien, monsieur. Une seule petite chose : vous et moi avons bavardé plus tôt. Vous avez mentionné favorablement notre rapport intitulé Attention Canada! En route vers notre avenir énergétique, dans lequel nous avons essayé de présenter un glossaire pour que les lecteurs puissent mieux comprendre les sujets que nous avons abordés.

Lorsque nous entendons parler d'hydroélectricité, nous avons l'impression qu'il s'agit des grands projets d'aménagement de cours d'eau. Toutefois, je crois savoir que c'est bien plus que cela. Est-ce bien ce que vous entendez par hydroélectricité? Je sais que vous nous donnerez des détails à ce sujet, mais le terme désigne aussi les installations au fil de l'eau et les usines marémotrices. Peut-il également désigner beaucoup d'autres choses?

M. Irving : Dans notre exposé de ce soir, nous parlerons surtout de l'hydroélectricité conventionnelle, c'est-à-dire des aménagements à retenue avec réservoirs et barrages ainsi que des installations au fil de l'eau, comme vous l'avez dit. C'est sur ces domaines que la majorité de nos membres concentrent leur attention.

Je sais que le comité a entendu des témoignages relatifs à l'énergie marémotrice et à l'énergie des vagues. Plusieurs de ces technologies futures s'appuient sur des principes de l'aménagement hydroélectrique classique que nous avons au Canada. Quoi qu'il en soit, mon exposé portera essentiellement sur l'hydroélectricité conventionnelle.

Je suis heureux d'avoir cette occasion parce que le Canada est un vrai pionnier de l'hydroélectricité. C'est un chef de file mondial et un pionnier de cette technologie. Nous avons le potentiel nécessaire pour devenir une superpuissance dans ce domaine. Même dans les formes les plus conventionnelles de l'hydroélectricité, il y a encore d'excellentes perspectives de croissance. Nous aurons la possibilité d'en discuter.

Nous avons suivi avec intérêt les travaux du Sénat. Votre rapport intérimaire a été utile comme moyen général de sensibilisation et d'éducation dans le domaine de l'énergie qui, nous le savons tous, est très important au Canada.

Nous avons la chance d'être des exportateurs nets de toutes les différentes formes d'énergie. Il nous incombe donc, à nous Canadiens, de nous familiariser de plus en plus avec ce qui concerne l'énergie puisque nous avons tant de possibilités à notre disposition. Notre avenir énergétique s'annonce tellement brillant qu'il est de notre devoir de bien comprendre les options qui s'offrent à nous, d'imaginer de quelle façon elles s'imbriquent les unes dans les autres et comment nous pouvons nous en servir au mieux dans l'intérêt du pays et du monde, comme vous l'avez mentionné dans vos observations préliminaires.

Le président : Nous sommes curieux d'une autre chose. Nous sommes très influencés par le sénateur Neufeld, mais ceux d'entre nous qui viennent du Québec savent aussi que c'est un sujet que les Québécois jugent très important. Les journaux ont rapporté que certains États ont adopté des lois selon lesquelles l'hydroélectricité n'est pas une source d'énergie propre. Nous avions toujours pensé qu'elle l'était. Vous pourrez probablement nous expliquer pourquoi ces États estiment qu'elle n'est pas propre et l'ont inscrit dans des mesures législatives qui, si j'ai bien compris, nous empêcheront de leur exporter notre hydroélectricité comme source d'énergie propre.

M. Irving : Nous pourrons aborder ce sujet. À titre de promoteur, M. St-Onge pourra nous donner des détails à ce sujet. La société Brookfield réalise des projets hydroélectriques aussi bien au Canada qu'aux États-Unis à titre de promoteur privé. Il y a des éléments intéressants lorsqu'on aborde les aspects internationaux de l'hydroélectricité. Nous pourrons y consacrer un peu de temps.

Le président : Trêve d'interruptions! La parole est à vous.

M. Irving : Je vais commencer par vous donner un bref aperçu de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Nous avons plus de 45 membres au Canada. Ensemble, ils représentent plus de 95 p. 100 de la capacité hydroélectrique du pays. Par conséquent, lorsque nous disons que nous sommes les porte-parole de l'hydroélectricité à l'échelle nationale, nous sommes sûrs de notre fait. Nos membres comprennent quelques-uns des plus grands promoteurs que vous connaissez. En Colombie-Britannique, province du sénateur Neufeld, BC Hydro est l'un de nos membres. Nous avons également Manitoba Hydro ainsi qu'Hydro-Québec, dans la région que représente le sénateur Massicotte. Nous représentons les intérêts de toutes ces organisations à Ottawa. Nous avons parmi nos membres des promoteurs, des producteurs d'électricité, des fabricants, des entreprises d'ingénierie, des organisations et des particuliers. L'association englobe donc non seulement les producteurs d'électricité, mais aussi ceux qui participent à la chaîne d'approvisionnement de l'hydroélectricité : les sociétés qui construisent les turbines et le matériel de construction, les consultants, les ingénieurs les spécialistes de l'environnement, et cetera.

Notre mission consiste à faire la promotion des avantages techniques, économiques, sociaux et environnementaux de l'hydroélectricité. Nous préconisons le développement et l'utilisation responsables afin de répondre aux besoins actuels et futurs d'électricité d'une manière durable au Canada et, de plus en plus, en Amérique du Nord.

Je vais vous donner quelques données rapides concernant l'hydroélectricité. Dans le contexte de la sensibilisation à l'énergie, beaucoup de gens ne se rendent pas vraiment compte du fait que 60 p. 100 de l'électricité consommée au Canada est d'origine hydroélectrique. Cela fait de notre pays l'un des producteurs d'électricité les plus propres du monde. Nous sommes sans conteste le pays qui produit l'électricité la plus propre et la plus renouvelable du G8. Nous pouvons être fiers à juste titre de la nature propre et renouvelable de l'énergie que nous produisons. Et nous le devons pour une bonne part à l'hydroélectricité, qui représente 97 p. 100 de l'électricité renouvelable produite au Canada. Je sais que vous avez entendu parler de nouvelles formes d'électricité renouvelable, d'origine éolienne et solaire, qui sont également importantes. Toutefois, il faut prendre du recul et ne pas perdre de vue que, sur l'ensemble de l'énergie renouvelable produite dans le pays, 97 p. 100 sont d'origine hydroélectrique.

Le président : Je regrette de vous interrompre, mais vous vous appuyez ici sur vos propres hypothèses. Votre chiffre de 97 p. 100 se fonde-t-il sur l'hypothèse que le nucléaire ne constitue pas une source renouvelable d'électricité?

M. Irving : C'est bien cela. Notre définition de renouvelable implique qu'on n'a pas besoin d'utiliser des combustibles non renouvelables.

Le président : Est-ce que l'utilisation de l'uranium interdit de qualifier le nucléaire de renouvelable?

M. Irving : Oui. C'est une importante distinction. Les définitions sont importantes.

Le président : Elles sont essentielles, et on peut faire beaucoup de choses avec les chiffres. J'essaie simplement de comprendre.

M. Irving : Je vous montrerai un peu plus tard un graphique qui donne les pourcentages et les sources. Ce sera encore plus clair pour tout le monde. C'est un bon point.

Pour placer le Canada et l'hydroélectricité dans un contexte mondial, je dirai que nous nous classons quatrièmes en fonction de la capacité installée. Notre capacité installée totale de production d'énergie hydroélectrique est de 74 000 mégawatts. Les trois premiers pays du monde à ce chapitre sont respectivement la Chine, les États-Unis et le Brésil. Le Canada est donc quatrième d'après la capacité installée.

Le fait suivant concerne la production d'électricité. Sur ce plan, le Canada est troisième au monde. Même si nous sommes quatrièmes d'après la capacité installée, notre production d'électricité nous place au troisième rang mondial. Dans beaucoup de cas, c'est parce que nous avons beaucoup d'aménagements à retenue, auxquels nous faisons souvent appel où qu'ils se trouvent au Canada. Les exploitants de systèmes préfèrent ce genre d'aménagement parce qu'il est souple, contrôlable et fiable. Notre hydroélectricité est très utilisée au Canada à cause de sa nature.

Le président : Que représentent les 355 térawatts par an?

M. Irving : Cela signifie que nous produisons 355 térawatts à l'aide de nos 74 000 mégawatts de capacité installée et que, sur cette quantité, 40 térawatts sont exportés aux États-Unis. Vous pouvez voir que le Canada est un exportateur net d'hydroélectricité. Nous sommes donc troisièmes parmi les plus grands producteurs du monde. Pour un pays ayant notre population et notre taille, notre utilisation de l'hydroélectricité est assez importante.

De plus, chaque térawatt-heure d'électricité envoyé aux États-Unis déplace environ un demi-million à un million de tonnes de carbone, surtout si notre hydroélectricité propre et renouvelable se substitue à l'électricité de centrales américaines au charbon ou au gaz naturel. À cet égard, nous avons donc des incidences positives sur la lutte contre les changements climatiques. C'est un élément très important à considérer.

Vous avez mentionné plus tôt l'aspect économique. Il est également bon de se rendre compte que chaque térawatt-heure d'électricité exporté aux États-Unis rapporte environ 100 millions de dollars au Canada. Cela est important sur le double plan économique et environnemental.

Pour aller encore un peu plus loin dans le contexte canadien, j'ajouterai que le Canada est un chef de file mondial dans le domaine même de l'hydroélectricité. C'est en partie parce que nous en produisons depuis 129 ans. Nous sommes des pionniers de cette technologie. En fait, comme beaucoup d'entre vous le savent, Ottawa est le berceau de l'hydroélectricité au Canada. La première roue à aubes construite pour produire de l'électricité a été installée dans le complexe de la chute des Chaudières, à quelques centaines de mètres à peine de cet édifice. La première roue à aubes qui a servi à produire de la lumière électrique remonte à 1881. Même si elle a été désaffectée, on me dit qu'il reste des installations remontant à 1891 qui produisent encore de l'électricité aujourd'hui.

Vous pouvez donc constater que c'est un domaine dans lequel nous avons investi très tôt et que cela a orienté notre développement tout le long de notre histoire. Cela signifie en outre que nous avons des compétences particulières en planification, en ingénierie et dans différents domaines techniques. Encore une fois, nous sommes des chefs de file mondiaux en matière d'hydroélectricité, ce que les gens oublient parfois. Il est toujours bon de s'en souvenir.

Bien sûr, nous avons aussi une forte réglementation, au niveau aussi bien provincial que fédéral, ce qui n'est pas toujours le cas pour les autres formes d'électricité.

Nous comprenons la réglementation. J'aime bien dire que nous avons acquis de la maturité à cet égard. Nous savons comment l'utiliser et comment fonctionner dans les limites réglementaires. Nous comprenons les dimensions sociétales de nos opérations et ce qu'elles signifient au niveau tant provincial que fédéral.

Voici le graphique que j'ai mentionné tout à l'heure pour situer le contexte de l'hydroélectricité au Canada et dans le monde. À droite, nous avons un graphique circulaire qui nous dit comment l'électricité est produite au Canada : 60 p. 100 sous forme hydroélectrique, comme je l'ai déjà dit, 26 p. 100 dans des centrales thermiques fonctionnant au gaz naturel, au charbon ou à d'autres combustibles et 14 p. 100 d'origine nucléaire, comme vous l'avez mentionné, sénateur.

Le président : Voulez-vous dire que la biomasse et toutes les autres énergies de remplacement sont négligeables aux fins de ce graphique?

M. Irving : Il est difficile de les faire figurer sur un graphique circulaire. Toutefois, il y a une certaine croissance dans tous ces domaines. Il est également important de mentionner que l'hydroélectricité favorise le développement de ces autres formes d'énergie, comme nous le verrons un peu plus tard.

Le sénateur Neufeld : Je n'essaierai sûrement pas de vous corriger, mais en ce qui concerne la production d'électricité à partir de la biomasse, je dois dire que l'industrie forestière, qui est extrêmement importante partout au Canada, produit beaucoup d'électricité en se servant des déchets du bois, ce que vous ne mentionnez pas dans vos chiffres. Cette production est loin d'être insignifiante en Colombie-Britannique et au Québec. Pourtant, ces chiffres n'en font pas état. De plus, il s'agit d'une énergie propre.

Vous avez inclus le nucléaire dans votre graphique, à 14 p. 100. L'énergie nucléaire est propre en un sens, mais dans le monde de l'hydroélectricité, elle ne l'est pas parce qu'elle utilise une ressource non renouvelable, l'uranium, n'est-ce pas?

M. Irving : Oui.

Le président : Cela confirme tout simplement mon point.

Le sénateur Banks : Quand on brûle du bois, il y a des émissions.

Le sénateur Neufeld : Oui, il y en a, mais il faudrait voir un peu plus loin. Durant sa vie, un arbre absorbe autant de carbone qu'il en émet, ce qui aboutit à une somme nulle.

M. St-Onge : La biomasse est renouvelable. Elle se décompose et émet du méthane. C'est la raison pour laquelle elle est considérée comme renouvelable.

M. Irving : La conversation ici est instructive. Il est bon de concentrer notre attention sur ce qui est propre et renouvelable. Qu'est-ce que ces mots veulent dire pour les gens? Il est important de l'établir, même dans le cadre de cette discussion. Dans l'optique de l'hydroélectricité, la « propreté » dépend en général des émissions atmosphériques. Aux fins des changements climatiques, nous définissons « propre » en fonction des émissions de gaz à effet de serre.

Le président : Et le renouvelable... Parlons-en.

M. Irving : Voilà pour le propre. En ce qui concerne le « renouvelable », il s'agit pour nous d'une source d'énergie fondée sur des processus naturels faisant partie du cycle de vie de la planète. On peut dire que l'hydroélectricité fonctionne avec de l'eau, d'une manière passive. Tant qu'il y aura de la pluie qui sera canalisée dans des rivières au cours descendant, nous aurons de l'hydroélectricité. Comme elle dépend du cycle hydrologique, elle est renouvelable.

Le président : Cela me ramène cependant à ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour construire les barrages et les réservoirs, vous devez perturber l'environnement et l'habitat. Je crois que cela répond partiellement à la question de savoir pourquoi certains États américains refusent catégoriquement d'envisager les aménagements hydroélectriques. Ils vous diront : « Rien à faire. Vous allez bouleverser la vie de 48 bandes indiennes et vous allez faire telles et telles autres mauvaises choses. »

Si vous pouvez répondre d'une manière raisonnable et crédible à ces allégations, nous sommes tout oreilles.

M. Irving : Il n'y a pas de doute que l'hydroélectricité a des incidences environnementales. Comme nous le disons souvent, il n'existe pas de forme parfaite de développement énergétique. Toutefois, je n'hésite habituellement pas à dire que, dans l'ensemble et surtout au Canada, l'hydroélectricité est probablement la meilleure forme d'énergie qu'il nous est possible de produire.

Les incidences environnementales bien connues de l'hydroélectricité sont liées, comme vous l'avez mentionné, au contrôle du débit dans les systèmes fluviaux lorsqu'on construit un barrage ou qu'on aménage un réservoir, créant ainsi un nouvel habitat quasi lacustre qui n'existait pas auparavant. Cela suscite des préoccupations écologiques pour beaucoup de gens, y compris nos promoteurs. Il y a aussi les installations au fil de l'eau qu'on place au milieu d'une rivière et qui constituent donc des obstacles pour les embarcations, la pêche et le poisson, entravant le frai et les mouvements en amont et en aval. Comme vous l'avez dit, ce sont là des défis bien connus des aménagements hydroélectriques, qui peuvent parfois susciter des controverses dans différents marchés.

De notre côté, les promoteurs sont souvent fortement réglementés sur le plan écologique. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux veulent tous s'assurer que si nous perturbons un système fluvial pour produire de l'électricité, nous le faisons d'une manière qui permet de mettre en œuvre des mesures d'atténuation et de préserver la santé écologique du système. La réglementation nous impose de trouver constamment de meilleures façons de faire les choses.

Le président : Vous ne devez pas perdre de vue que le comité s'est livré à une analyse de la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous n'aborderons pas ce sujet tout de suite.

Pendant que nous avons encore ces deux graphiques circulaires devant nous, je voudrais vous poser une autre question. Connaissant le Canada ainsi que les ressources et le potentiel que nous avons, mettons qu'on décide que le nucléaire est trop coûteux et que nous allons l'exclure. Pouvez-vous envisager que nous ayons un jour un graphique uniformément bleu au Canada? Est-ce envisageable?

M. Irving : C'est une bonne question qui m'imposerait de me livrer à toutes sortes de conjectures. Par ailleurs, est-ce que j'aimerais que la part de l'hydroélectricité soit proche de 100 p. 100? Je crois bien que oui.

Le président : Rêvez-vous en couleurs? Nous aimons bien le bleu ici, du moins certains d'entre nous. Ma femme adore la tarte aux bleuets.

Lorsque nous examinons la possibilité d'avoir un réseau est-ouest plus intelligent, on nous dit qu'il y a une zone de vulnérabilité entre l'Ouest de l'Ontario et l'autre côté du Manitoba. Nous nous intéressons évidemment au nucléaire, mais nous ne connaissons pas tous les éléments en jeu. Nous sommes en train d'apprendre. Nous irons à Chalk River jeudi pour voir de nos propres yeux à quoi ressemble un réacteur.

M. Irving : C'est une bonne question. En fait, elle nous permet d'aborder le sujet du potentiel hydroélectrique. Nous avons au Canada une capacité installée de 74 000 mégawatts. Nos études ont établi — comme vous le verrez sur les diapositives un peu plus tard — que nous avons un potentiel hydroélectrique inexploité de 163 000 mégawatts, ce qui représente plus du double de notre capacité installée actuelle.

Le président : Cent-soixante-trois mille mégawatts supplémentaires?

M. Irving : Oui, plus du double de la capacité actuelle. Encore une fois, cela représente l'hydroélectricité conventionnelle, c'est-à-dire les aménagements à retenue, au fil de l'eau et intérieurs partout au Canada. Il y a d'autres formes d'hydroélectricité qu'il nous est plus difficile de quantifier ou de projeter pour l'avenir : accumulation par pompage, énergie marémotrice, énergie des vagues, et cetera.

Vous avez posé une question au sujet de notre potentiel. Il nous reste encore à exploiter plus du double de notre capacité actuelle. Il nous faudra surmonter de nombreux défis pour y arriver, mais quand on pense que le Canada possède 9 p. 100 de l'eau de la planète répartis sur le deuxième territoire le plus étendu du monde, il n'est pas du tout surprenant qu'il nous reste encore un énorme potentiel hydroélectrique inexploité.

Le sénateur Banks : Je voudrais revenir à une question que vous avez soulevée, monsieur le président. Je sais que nous n'avons pas encore atteint ce point, mais je voudrais être sûr de comprendre ce que vous avez dit au sujet de la capacité. Je regarde le graphique de la page 13 de votre présentation. Corrigez-moi si j'ai tort, mais j'ai l'impression que nous avons une capacité potentielle de production de 163 000 mégawatts, dont nous produisons actuellement 74 000 mégawatts. Est-ce exact? Il y a 25 000 mégawatts en développement, mais les colonnes empilées totalisent 163 000 mégawatts, n'est-ce pas?

M. Irving : Oui, c'est bien cela.

Le président : Vous dites que ce n'est pas supplémentaire et qu'il s'agit donc de la capacité totale.

Le sénateur Banks : Je pose juste la question.

Le président : J'ai également posé la même question.

M. Irving : Vous allez trop vite. Je garde habituellement cette diapositive pour la fin parce qu'à bien des égards, c'est le renseignement le plus intéressant que j'ai à transmettre.

Le sénateur Banks : Nous ne perdons pas de temps, monsieur Irving.

M. Irving : Je n'aurais pas dû vous remettre ce document d'avance.

Pour répondre rapidement à votre question, nous avons empilé ces colonnes, de sorte que nous avons 74 000 mégawatts de capacité actuelle, avec un total de 163 000 mégawatts. C'est la raison pour laquelle nous avons utilisé le vert pâle et le vert foncé. Sur les 163 000 mégawatts de potentiel inexploité, les 25 000 mégawatts représentés en vert pâle sont les projets sur lesquels nos membres travaillent et qui font actuellement l'objet de discussions publiques. Dans un autre des documents que nous vous avons transmis, vous trouverez la ventilation de ces 25 000 mégawatts par province et territoire.

Le sénateur Banks : Pour obtenir le potentiel total, il faudrait donc additionner les trois chiffres?

M. Irving : Non, le potentiel total est de 163 000 mégawatts.

Le sénateur Banks : Je vous remercie.

M. Irving : Nous les avons empilés pour vous donner une idée des quantités en jeu. Nous avons actuellement 74 000 mégawatts. Si vous regardez le vert pâle et le vert foncé au-dessus, vous verrez jusqu'où nous pouvons aller. Il reste donc plus du double à exploiter, comme on peut le voir sur le graphique.

Pour en finir avec ces graphiques circulaires, ce qui ressort, c'est que nous avons un grand pourcentage d'hydroélectricité. Quand on regarde les pourcentages dans le reste du monde, on se rend compte que nos proportions sont presque à l'inverse de celles des autres. Ailleurs dans le monde, la plus importante source d'énergie est constituée par les combustibles fossiles, l'hydroélectricité occupant une place comparativement moins importante. Au Canada, c'est le contraire. En toute franchise, je trouve qu'il n'y a pas assez de gens qui se rendent compte de ce fait et qui l'apprécient à sa juste valeur, surtout lorsque nous parlons de la réputation du Canada comme pays fournisseur d'énergie propre. Nous comptons parmi les chefs de file de l'hydroélectricité, et notre source d'énergie est renouvelable. C'est également une forme d'énergie qui n'émet ni des gaz à effet de serre ni des oxydes de soufre et d'azote, qui sont les autres polluants associés aux combustibles fossiles.

Cela nous amène aux avantages de l'hydroélectricité. Nous avons déjà vu que c'est une forme d'énergie propre, renouvelable et peu émissive. Je le répète souvent, mais il est important de bien persuader les gens que nous avons une technologie bien établie qui peut jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques. Le Canada peut devenir un très important intervenant dans cette lutte.

L'hydroélectricité est aussi fiable et efficace. Nous le savons parce que nous connaissons son historique. Ici, à Ottawa, nous avons des installations hydroélectriques qui produisent de l'énergie sans problèmes depuis plus de 100 ans. C'est une énergie d'une grande souplesse opérationnelle qui est facile à contrôler. Je sais que c'est un peu technique et qu'il est souvent difficile de l'expliquer à tout le monde, mais la plus importante contribution de l'hydroélectricité à n'importe quel réseau, c'est qu'elle est hautement contrôlable puisqu'il est possible de la brancher et de la débrancher immédiatement. Pour l'exploitant d'un réseau qui tire son électricité de différentes sources, comme des centrales au charbon, des centrales nucléaires et des éoliennes, le fait de disposer d'une capacité de stockage hydroélectrique est extrêmement important parce que les autres sources ne sont pas contrôlables dans la même mesure. Il est très avantageux d'avoir une source d'énergie qu'on peut instantanément mettre en circuit ou hors circuit pour rationaliser la charge fournie par les autres sources. Notre importante base hydroélectrique constitue l'une des raisons pour lesquelles le Canada a un réseau électrique qui compte parmi les plus robustes et les plus sûrs du monde.

Si vous demandez à n'importe quel exploitant de système dans quelle mesure il est avantageux d'avoir de l'hydroélectricité parmi les sources d'alimentation du réseau, il vous décrira probablement mieux que moi les avantages de cette forme d'énergie.

Le président : Vous avez suivi nos audiences et notre étude jusqu'ici. Vous savez donc qu'on nous a parlé des pertes subies dans le système de transmission et ailleurs et du fait qu'on ne peut pas stocker l'électricité, sauf par les moyens dont vous venez de parler. Autrement dit, on peut laisser l'eau s'accumuler derrière les barrages, mais une fois qu'elle est libérée dans les turbines et que l'électricité est produite, elle doit être utilisée. Autrement, elle est perdue, n'est-ce pas?

M. Irving : C'est ce qu'apporte cette forme d'énergie renouvelable : la capacité de stockage. Si on disposait d'accumulateurs géants... Si vous considérez la batterie de votre téléphone portable ou de votre torche, elle représente de l'énergie stockée, mais elle a des limites. Nous n'avons pas actuellement des batteries assez grandes pour alimenter toute une ville en électricité, et cetera.

Le président : Le sénateur Neufeld nous a emmenés dans une grande pièce protégée et nous a montré une batterie de la taille de cette salle, qui pourrait alimenter toute une ville. Est-ce exact, sénateur?

Le sénateur Neufeld : Non. Elle peut alimenter le système pendant quelques jours pour qu'il soit possible d'aiguiller l'électricité en cas de panne. C'était un site d'exploitation de la BC Transmission Corporation. En réalité, la batterie ne pouvait servir qu'à des fins internes. On utilise également des groupes électrogènes au diesel.

M. Irving : Le stockage est un grand problème. Tout progrès réalisé dans ce domaine est en général positif. Dans la situation actuelle, pour l'approvisionnement en électricité à grande échelle, l'hydroélectricité est la seule source renouvelable qui comprenne une capacité de stockage. Comme vous l'avez dit, l'énergie est stockée dans l'eau : une fois qu'on laisse l'eau s'écouler dans les turbines, elle produit immédiatement de l'électricité. Si on arrête l'eau et qu'on l'emmagasine, on peut ouvrir et fermer à volonté la source d'électricité et ce, presque instantanément. L'autre aspect intéressant, c'est le rendement énergétique très élevé.

La raison pour laquelle nous parlons de stockage d'électricité même quand l'énergie se trouve encore dans l'eau, c'est que lorsque celle-ci s'écoule dans la turbine, le rendement est supérieur à 90 p. 100, pouvant atteindre près de 97 p. 100, ce qui signifie que 97 p. 100 de l'énergie accumulée dans l'eau est transformée en électricité. C'est la raison pour laquelle on dit qu'à bien des égards, c'est un peu comme de l'électricité stockée.

M. St-Onge : De nombreuses usines hydroélectriques sont considérées comme des batteries permettant de relancer ou de réamorcer un système de transmission. Nous parlons dans ce cas de capacité de redémarrage à froid. En cas de panne du réseau, les usines hydroélectriques commenceront à alimenter le système pour réamorcer le réseau.

Le sénateur Brown : Vous parlez de stockage. Y a-t-il des installations hydroélectriques qui se servent de grandes pompes? Lorsque la production des centrales n'est pas entièrement utilisée, se sert-on de grandes pompes pour renvoyer l'eau en amont du barrage?

M. St-Onge : À Brookfield, nous avons une station de pompage au Massachusetts, en association avec la société Emera Energy Services Inc. Il s'agit d'une installation de 680 mégawatts. Pendant les heures creuses, nous pompons l'eau d'un réservoir placé au pied d'une montagne pour l'envoyer dans un second réservoir au sommet de la montagne. L'eau sert ensuite à produire de l'électricité pendant les heures de pointe.

M. Irving : L'accumulation par pompage est une technologie intéressante. Je crois que nous avons une installation au Canada, aux chutes du Niagara. Comme M. St-Onge vient de l'expliquer, l'installation comprend un réservoir au sommet d'une colline ou d'une montagne et un autre, en bas. Durant les heures de pointe, on laisse l'eau s'écouler pour produire de l'électricité. C'est un moyen avantageux qui assure un bon rendement sur le capital, mais la difficulté, c'est qu'il faut renvoyer l'eau au sommet à l'aide de pompes, ce qui occasionne le plus souvent une perte nette d'énergie. Toutefois, on produit de l'électricité aux heures de pointe et on en consomme pendant les heures creuses, lorsque l'électricité est moins coûteuse parce que la demande a diminué. C'est ainsi que cela fonctionne.

M. St-Onge : En général, nous consacrons ordinairement 30 p. 100 de l'énergie que nous produisons à l'accumulation par pompage.

M. Irving : Dans le contexte canadien, c'est une chose intéressante qui vaut la peine d'être examinée, mais nous préférons parler de l'aménagement hydroélectrique à retenue parce que nous avons un important portefeuille d'installations permettant un mode de stockage traditionnel sous forme d'eau dans un réservoir d'amont, qui s'écoule ensuite dans une rivière en aval. Nous avons au Canada beaucoup d'endroits qui ont ces caractéristiques géographiques et qui nous permettent d'accumuler l'énergie sans avoir à subir ce genre de pertes. Nous produisons ainsi de l'électricité d'une manière plus efficace.

Aux États-Unis, on parle beaucoup d'accumulation par pompage. À ma connaissance, c'est surtout parce que les Américains pensent que beaucoup de leur potentiel hydroélectrique n'est pas aussi facile à exploiter que c'est le cas au Canada. Par comparaison, nous avons un énorme potentiel inexploité. C'est certainement un facteur intéressant.

Nous avons déjà parlé de charge de base et de puissance de crête et de la façon dont l'hydroélectricité peut répondre tant à la demande de base qu'à la demande de crête à cause de sa souplesse. De plus, l'hydroélectricité est polyvalente. Les mesures de régularisation du débit servent à la production d'énergie, mais aussi à diverses autres fins, comme l'irrigation, la lutte contre les inondations et, dans certains cas, les activités récréatives.

En Ontario, par exemple, qui compte parmi les premières régions colonisées du Canada, seuls 8 p. 100 des barrages servent à la production d'électricité. Quand on parle de barrages, on pense le plus souvent à l'hydroélectricité, mais, comme je l'ai dit, il n'y a que 8 p. 100 des barrages ontariens qui sont utilisés à cette fin. Tous les autres servent à l'irrigation, à la lutte contre les inondations et à d'autres fins de ce genre.

Aux États-Unis — je ne veux pas trop en dire en leur nom —, on a tendance, à ma connaissance, à électrifier les barrages existants. En effet, seuls 3 p. 100 de ceux-ci servent à la production d'hydroélectricité. En très grande majorité, plus de 97 p. 100, ils servent à d'autres fins. Les Américains envisagent donc sérieusement d'électrifier les barrages qu'ils ont déjà.

C'est une intéressante source d'énergie qui a une longue histoire et qui peut être exploitée davantage. Les gens la tiennent souvent pour acquise ou n'y pensent tout simplement pas.

Le président : Un autre sénateur vient de se joindre à nous. C'est le sénateur Dickson, de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

M. Irving : Pour revenir aux autres avantages de l'hydroélectricité, disons que c'est la seule source d'énergie renouvelable qu'il soit possible de stocker. Nous avons parlé du stockage, qui facilite l'exploitation des sources renouvelables à production variable, comme les éoliennes et les panneaux solaires. C'est un aspect important. Les nouvelles formes d'énergie renouvelable qui sont introduites dans le réseau jouent un rôle très important dans la lutte contre les changements climatiques et familiarisent les Canadiens avec les énergies renouvelables, mais elles sont difficiles à utiliser à cause de leur caractère variable.

Comme l'hydroélectricité, elles se fondent sur des systèmes naturels qu'elles utilisent d'une manière passive. Dans le cas de l'énergie solaire, on n'obtient de l'électricité que lorsque le soleil brille. Dans le cas des éoliennes, on ne produit de l'électricité que lorsqu'il y a du vent. L'intégration de ces sources dans un réseau complexe peut occasionner des difficultés parce qu'il faut rationaliser la charge. Cela ressemble à du jargon, mais j'ai l'impression qu'il est bien compris autour de cette table.

Le vent constitue une bonne source d'énergie propre et renouvelable, mais s'il tombe d'un seul coup, comment peut-on continuer à alimenter tous les utilisateurs? Le plus souvent, au Canada, on recourt à la capacité de stockage de l'hydroélectricité en alimentant immédiatement le réseau. L'électricité continue à circuler, et tout le monde est content.

Voilà comment l'hydroélectricité favorise l'introduction des autres formes d'énergie renouvelable. Elle est elle-même propre et renouvelable, mais, en plus, elle peut aider d'autres sources d'énergies propres et renouvelables à alimenter le réseau. Elle constitue donc, à cet égard, un puissant outil de lutte contre les changements climatiques.

L'autre point que j'aime toujours souligner, c'est que nous avons aussi la possibilité de construire des véhicules électriques utilisant une énergie propre et renouvelable. C'est une dimension qu'il importe de considérer.

À l'heure actuelle, les combustibles fossiles, et le pétrole en particulier, servent surtout à propulser des véhicules personnels et d'autres types de véhicules. S'il nous est possible de mettre sur les routes de plus en plus de véhicules électriques, nous pourrons conserver de plus en plus de ressources non renouvelables et employer de plus en plus de ressources renouvelables au Canada. Toutefois, s'il faut substituer des véhicules électriques aux véhicules propulsés aux combustibles fossiles, nous devrons nous assurer que l'électricité utilisée vient de sources propres et renouvelables. Autrement...

Le président : ... on perd les avantages.

M. Irving : ... cela ne vaudrait peut-être pas la peine. L'avantage pour le Canada, comme pays pouvant utiliser davantage de véhicules électriques, est que nous avons tout ce potentiel inexploité d'énergie propre et renouvelable qui nous permet de nous assurer que nos véhicules électriques utiliseront également de l'énergie propre et renouvelable. Pour moi, c'est une idée passionnante qui pourrait inciter les gens à penser davantage à l'hydroélectricité et à mieux comprendre ce qu'elle peut faire.

Elle permet d'offrir des prix d'électricité stables et compétitifs et a déjà fait ses preuves à titre de meilleur investissement à long terme que n'importe quelle administration pourrait faire. Au Canada, la Colombie-Britannique, le Québec et le Manitoba ont des tarifs d'électricité qui comptent parmi les moins élevés d'Amérique du Nord. Dans chacune de ces provinces, l'hydroélectricité représente plus de 90 p. 100 de l'électricité consommée.

Il est vrai que ces provinces profitent aujourd'hui d'investissements faits il y a assez longtemps. Toutefois, en rétrospective, il est clair que de sages décisions avaient alors été prises et que le choix de l'hydroélectricité paie des dividendes aujourd'hui.

Les aménagements hydroélectriques peuvent être coûteux au départ. Des capitaux patients sont souvent nécessaires. Toutefois, une fois les travaux réalisés et les emprunts remboursés, on dispose d'installations qui peuvent produire de l'électricité pendant une centaine d'années. C'est dans ce sens que c'est un excellent investissement à long terme.

Je voudrais aussi mentionner que ces aménagements ont contribué à l'édification d'une forte base industrielle au Canada. Si vous suivez la piste du développement hydroélectrique dans le pays, vous constaterez qu'elle coïncide avec celle du développement industriel. Il y a des régions du pays dont le fondement économique repose sur l'hydroélectricité, de même que différentes industries. Cela est important. De bien des façons, je crois que l'hydroélectricité fait tout autant partie du développement et de l'histoire du Canada que le chemin de fer, la voie maritime du Saint-Laurent et tout le reste.

Je vais passer assez rapidement sur l'aspect environnemental que nous avons déjà assez bien couvert. L'hydroélectricité n'entraîne aucune émission de polluants atmosphériques puisqu'elle est simplement produite par l'écoulement de l'eau dans des turbines. Il n'y a pas d'émissions. Il n'y a pas de pollution de l'eau, qui est utilisée d'une manière passive. L'hydroélectricité ne consomme pas d'eau et n'en modifie pas les propriétés. Elle ne produit aucun déchet toxique et, dans l'ensemble, les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent sont extrêmement faibles.

En fait, elle est comparable à l'énergie éolienne si on fait l'analyse du cycle de vie. Dans certains cas, ses émissions sont encore moins élevées que celles de certains projets éoliens.

Il importe de mentionner que certains de nos membres ont entrepris des études sur les émissions des réservoirs. Je crois que j'ai fait allusion à ce sujet ou que d'autres vous en ont parlé. Dans le contexte canadien, le Congrès mondial de l'énergie, qui a eu lieu à Montréal en septembre dernier, a pris connaissance d'une étude scientifique récente. Je sais qu'Hydro-Québec y a participé. C'était une étude revue par les pairs basée sur un projet d'aménagement à retenue, qu'on a examiné à toutes les étapes, depuis la conception jusqu'à la mise en œuvre et la mise en service. Les émissions de gaz à effet de serre ont été scientifiquement mesurées et évaluées pour l'ensemble du projet. L'étude a confirmé ce que beaucoup de gens pensaient, mais qu'on n'avait pas encore prouvé : les émissions peuvent être élevées au tout début d'un nouveau projet d'aménagement hydroélectrique, mais elles baissent rapidement et se stabilisent au même niveau que celles d'un lac naturel.

Ce sont là des renseignements importants que les gens doivent comprendre. Les émissions des réservoirs sont très faibles et maintiennent donc l'hydroélectricité sur un pied d'égalité avec l'énergie éolienne au chapitre des émissions de gaz à effet de serre.

Le président : Quand les émissions sont élevées au départ, quelle en est l'origine?

M. Irving : Il s'agit souvent d'émissions de méthane liées à la décomposition de matières végétales. Lors de la création d'un nouveau réservoir, de la végétation est détruite, ce qui occasionne l'émission de méthane. Par la suite, c'est un peu comme un écosystème lacustre. Les émissions diminuent progressivement, puis se stabilisent.

Dans une optique de changements climatiques, nous avons souvent parlé de ceci, mais je suis souvent surpris par le fait que beaucoup de gens pensent que c'est un nouveau phénomène ou, du moins, qu'il a acquis une certaine notoriété depuis relativement peu de temps. Ceux qui le connaissent bien savent que c'est en fait un phénomène bien établi, qui s'est manifesté et a pris de l'ampleur depuis la révolution industrielle. Beaucoup de gens pensent que c'est un nouveau problème, qu'il nécessite l'adoption de nouvelles technologies et que nous devons donc faire appel à de nouvelles formes différentes d'énergie pour le combattre.

En réalité, c'est un phénomène bien établi auquel nous pouvons le mieux nous attaquer au moyen d'une technologie bien établie, l'hydroélectricité. Ce n'est pas une chose à laquelle les gens pensent immédiatement, mais il est important de comprendre que les changements climatiques ne datent pas d'hier et que nous pouvons les combattre avec une technologie bien établie dont nous sommes les pionniers et les chefs de file.

Encore une fois, l'hydroélectricité contribue à l'intégration de nouvelles formes d'énergies renouvelables. Par conséquent, elle constitue non seulement un important moyen de combattre les changements climatiques, mais aussi un moyen d'aider le Canada à s'y adapter.

Des études scientifiques crédibles nous disent que les précipitations pourraient augmenter de 5 p. 100 dans les régions septentrionales du pays par suite des changements climatiques. Cela signifie que nous aurons besoin de moyens plus importants de régularisation des eaux. Nous ferons appel aux installations hydroélectriques existantes pour prévenir les inondations et d'autres problèmes. C'est une chose que ces installations peuvent faire.

De plus, au stade de la planification de nos projets, nous pouvons tenir compte des endroits où les précipitations augmenteront à l'avenir pour mieux concevoir les installations dans cette optique. Il ne s'agit donc pas simplement de produire une énergie propre. Il faudra aussi atténuer les effets des changements climatiques qui pourraient bien se manifester.

Bien sûr, nous aurons des obstacles à surmonter pour réaliser notre potentiel inexploité. Beaucoup de ces obstacles sont attribuables à la réglementation tant provinciale que fédérale, qui crée des problèmes complexes et suscite de l'incertitude pour nos promoteurs partout au Canada. Au niveau fédéral, les mesures législatives qui nous préoccupent le plus sont la Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous examinons également un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-469 concernant un projet de Charte canadienne des droits environnementaux, qui est à l'étude à l'autre endroit et au sujet duquel nous formulerons des observations demain.

L'interaction entre ces lois fédérales et les lois provinciales ajoute des retards assez longs et une bonne dose d'incertitude. Il faut souvent compter 8 à 14 ans pour réaliser un projet hydroélectrique au Canada, indépendamment de sa taille et de sa nature. Ce sont nos membres qui nous le disent. Si tout va bien, il faut 8 ans. Si les choses se compliquent, le délai peut atteindre 14 ans. Par comparaison, il faut 3 à 5 ans pour réaliser un projet de centrale thermique au Canada. Vous pouvez donc voir qu'il y a une importante différence sur le plan de la position concurrentielle. Il faut souvent attendre le double sinon le triple du temps pour construire une centrale hydroélectrique par rapport à une centrale thermique, qui produit surtout de l'énergie de source non renouvelable en causant de la pollution particulaire et en émettant des gaz à effet de serre. C'est un facteur que tout le monde a intérêt à examiner.

Pour clore le sujet du potentiel inexploité et laisser assez de temps pour des questions, je répète que nous avons 163 000 mégawatts — soit plus du double de la capacité actuelle — qui sont à la disposition de l'ensemble des provinces et des territoires. Cela est important. Encore une fois, quand on pense à la quantité d'eau que nous avons au Canada, il est évident qu'il y a énormément de potentiel partout.

Nous travaillons en ce moment sur environ 25 000 mégawatts de ce potentiel inexploité. J'ai distribué une liste contenant une ventilation des projets envisagés selon l'emplacement. En fonction de l'incidence économique, ces projets représentent plus de 50 milliards de dollars d'investissements dans les 10 prochaines années. C'est une grosse somme. Pour les travailleurs et les collectivités, ces projets représentent plus de 150 000 emplois directs de grande valeur.

Vous verrez à la page suivante la carte dont nous avons déjà parlé. Elle présente le potentiel total inexploité ainsi que les capacités installées actuelles, le tout ventilé par province. Il y a quelques points intéressants à signaler. Celui que je note le plus souvent, probablement parce que je viens de l'Alberta même si je vis maintenant en Ontario, c'est que l'Alberta a plus de 11 000 mégawatts de potentiel hydroélectrique inexploité. L'Ontario a 10 000 mégawatts. Je pense souvent à ce que j'appelle les stéréotypes énergétiques canadiens. Beaucoup de gens pensent que certaines formes d'énergie se trouvent exclusivement dans quelques régions du pays. En regardant cette carte, on se rend compte que le potentiel hydroélectrique inexploité de l'Alberta est comparable à celui de l'Ontario. On pourrait se perdre en conjectures sur les motifs de ces préjugés, mais en réalité, il y a un important potentiel aussi bien à l'est qu'à l'ouest du pays pour relever les défis des changements climatiques et du développement économique.

Enfin, comment pouvons-nous débloquer le potentiel hydroélectrique du Canada? D'abord et avant tout, nous pouvons examiner quelques idées générales. Nous croyons que le Canada a besoin d'une politique climatique. Nous croyons aussi que l'attribution d'un prix au carbone ou la mise en place d'encouragements peuvent contribuer à l'atténuation des problèmes réglementaires que j'ai mentionnés. La réglementation impose des délais de 8 à 14 ans. Nous sommes toujours favorables à l'idée d'accélérer ou de rationaliser le processus réglementaire, mais nous comprenons sa raison d'être et avons suffisamment de maturité pour nous y conformer et travailler dans les limites qu'il définit.

Si nous voulons essayer d'éliminer certains des obstacles, l'avantage qu'assurerait à l'hydroélectricité la fixation d'un prix du carbone contribuerait au déblocage de notre potentiel. Que cela se produise au niveau national, continental ou international, un tel avantage nous aiderait à surmonter le déséquilibre concurrentiel qui existe à notre avis.

Encore une fois, des processus réglementaires plus officiels sont toujours utiles pour aider chacun à réaliser des projets.

Enfin, comme je l'ai mentionné plus tôt, une adoption plus étendue de véhicules électriques alimentés par une hydroélectricité propre et renouvelable partout en Amérique du Nord constitue une importante considération future. Si nous pouvons faire la transition entre un parc automobile consommant des combustibles fossiles et un parc de véhicules électriques alimentés à l'hydroélectricité, nous pouvons devenir des chefs de file d'une révolution des transports propres. Le Canada a ce qu'il faut pour prendre cette initiative grâce à son potentiel hydroélectrique.

Bref, l'hydroélectricité est une forme d'énergie qui compte parmi les plus propres, les plus abordables et les plus fiables. De plus, elle est renouvelable. Nous devons travailler ensemble à son développement afin de répondre d'une manière durable aux besoins d'aujourd'hui et de demain. Une tribune comme celle-ci et la possibilité d'entreprendre un projet comme celui du Sénat comptent justement parmi les initiatives qu'il importe de prendre. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité. Je suis aussi très heureux de constater qu'il reste encore du temps pour des questions.

Le président : Je vous remercie tous les deux.

En l'absence du vice-président, je vais commencer moi-même en posant quelques questions. Ces 163 000 mégawatts constituent-ils un chiffre absolu? Je trouve curieux que le Canada se classe quatrième après la Chine, les États-Unis et le Brésil, alors que les Canadiens sont, par habitant, les plus grands consommateurs d'énergie du monde. Nous avons cette ressource naturelle incroyable. J'ai de la difficulté à penser que nous plafonnerons à 163 000 mégawatts. Ce potentiel peut-il être supérieur?

M. Irving : Oui. Comme vous pouvez l'imaginer, il est toujours difficile de tomber sur le nombre exact quand on essaie de deviner ce qui pourra ou ne pourra pas être exploité à l'avenir. Nous sommes arrivés à ce potentiel technique en fonction de ce que nous croyons réalisable avec les technologies et les pratiques actuelles, les contraintes de transmission et tous les différents facteurs à considérer. Ce nombre se fonde donc sur ce qu'il nous semble honnêtement possible de faire au Canada. Le nombre serait bien sûr inférieur si on voulait inclure d'autres facteurs liés à l'acceptabilité sociale, aux préoccupations environnementales et aux considérations économiques de l'heure. Ce nombre peut diminuer.

Vous avez en fait demandé si le nombre peut augmenter. Je n'ai pas un nombre théorique complet à proposer, mais, oui, il pourrait être plus élevé si certaines variables changeaient en faveur de l'hydroélectricité, si celle-ci devient plus socialement acceptable ou encore si des progrès technologiques sont réalisés.

Le président : Au sujet de la façon de débloquer ce potentiel, qu'il s'élève à 163 000 mégawatts ou à un autre nombre, vous avez énuméré trois facteurs. Nous travaillons sur le deuxième. Personne ne contestera le fait que la réglementation est lourde. S'il faut 25 ans pour réaliser un projet, nous aurons un sérieux problème.

Il me semble, par ailleurs, que votre troisième point exige de modifier des comportements. Vous pouvez me détromper si j'ai tort, mais, d'après ce que nous entendons dire des véhicules électriques, il faudrait agir sur la demande. Si vous pouvez susciter une plus forte demande, la production augmentera et sera plus efficace, ce qui finira par augmenter l'approvisionnement. Ce sont des principes économiques très simples.

M. Irving : Oui.

Le président : L'idée est de susciter une plus forte demande d'électricité propre. C'est pour cette raison que vous dites que, si nous avons des voitures électriques, nous devons nous assurer de ne pas en annuler les avantages en utilisant des sources d'énergie polluantes. Nous entendons dire que les véhicules électriques ne peuvent pas dépasser une certaine vitesse, et cetera. Nous ne savons pas vraiment. Nous n'avons pas convoqué des experts de ce domaine. Toutefois, j'ai assisté à la conférence de Copenhague, pendant laquelle j'ai roulé dans un de ces véhicules.

Dans quelle mesure votre troisième proposition est-elle réaliste?

M. Irving : C'est intéressant parce qu'il s'agit d'introduire des nouveaux produits dans une infrastructure bien établie. Nous savons tous que nous avons une infrastructure bien établie dans le domaine des véhicules utilisant des combustibles fossiles. L'autre aspect de ces véhicules, comme je le dis souvent, c'est que le rendement maximal du moteur à combustion interne est de 25 p. 100 et que ce moteur consomme du pétrole, qui est une précieuse ressource non renouvelable.

J'y pense souvent quand je vais au travail en voiture. Je me dis que je circule en brûlant, avec un rendement de 25 p. 100, une très puissante ressource qui peut faire des choses que d'autres formes d'énergie ne permettent pas de faire. Le pétrole est une ressource stratégique importante. Le Canada a la chance d'en avoir de grandes réserves, comme le comité le sait certainement. Toutefois, utiliser du pétrole à un taux de rendement de 25 p. 100 pour aller au travail n'est ni utile ni avantageux. Si vous utilisez un véhicule électrique pour aller au travail, vous vous servez d'une source d'énergie renouvelable.

Le président : À quelle vitesse?

M. Irving : Je ne connais pas les limites supérieures de cette technologie, mais beaucoup des véhicules de la nouvelle génération peuvent atteindre une bonne vitesse et ont un rayon d'action de plus en plus long. Je suis persuadé que le problème du rayon d'action lié aux voitures électriques peut être surmonté.

Voici comment je vois les choses. De mon vivant, les téléphones portables que vous avez tous dans la poche, j'en suis sûr, sont passés d'une situation où ils étaient complètement absents à une situation où ils sont omniprésents. Aujourd'hui, tout le monde en a. Au début, ils avaient la taille d'une brique. Maintenant, ils ne sont pas beaucoup plus grands qu'une carte d'affaires. Pourquoi? Parce que les gens les aiment, qu'il y a une demande et que les gens s'y sont attachés. Il était donc vraiment avantageux pour un inventeur de les rendre plus efficaces, de faire des piles plus petites et plus puissantes et de fabriquer des appareils à plus grand rendement énergétique pouvant garder plus longtemps leur charge.

Il y a tous ces éléments différents à améliorer. Plutôt de concentrer notre attention sur les limites actuelles des véhicules électriques, je crois que nous devrions faire preuve d'un plus grand optimisme lorsque nous pensons à leur potentiel.

J'ai eu le privilège d'assister au Congrès mondial de l'énergie en septembre dernier. Les participants ont discuté d'autres formes d'énergie ainsi que de la technologie associée au gaz de schiste et du potentiel de ce gaz. Ils ont beaucoup parlé de capture et de séquestration du carbone et de leur contribution à une mise en valeur plus propre des combustibles fossiles.

Toutes ces idées se fondent sur des technologies futures. Je trouvais que ces technologies suscitaient beaucoup d'optimisme. Il est toujours intéressant de voir des gens manifester de l'enthousiasme.

Pourtant, lorsque je parle aux gens des véhicules électriques, ils pensent immédiatement à leurs problèmes et à leurs limites. Je leur réponds : « Bien sûr, les véhicules électriques ont ces difficultés. Je suppose en même temps que la capture et la séquestration du carbone ainsi que la technologie du gaz de schiste sont des choses extraordinaires, n'est-ce pas? Ces choses se réaliseront certainement, mais les véhicules électriques ont d'énormes handicaps. »

Tout ce que je peux dire, c'est que les véhicules électriques existent déjà. Les technologies sont là. Elles sont mises en œuvre partout dans le pays. Elles font l'objet d'essais et de projets pilotes, qui créent des occasions de les améliorer.

C'est une réponse bien longue, mais, oui, je crois que nous pouvons réaliser le changement, la révolution nécessaire. Cela aurait d'énormes effets sur les émissions de gaz à effet de serre, surtout au Canada où les transports constituent l'une des principales sources d'émission.

Le président : Cela suscite de nombreuses questions. Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues, mais j'aimerais bien avoir l'occasion d'en discuter avec vous.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie tous les deux. Vous nous avez très bien expliqué les problèmes qui se posent.

À la page 6 de votre présentation, si on combine l'hydroélectricité et le nucléaire, on aboutit à la conclusion que 75 p. 100 de notre électricité est produite à partir de sources propres. J'ai pour vous une suggestion plutôt qu'une question. Je crois que votre organisation devrait commencer à parler davantage de cette question. Notre comité compte aussi le faire. L'Association canadienne des producteurs pétroliers a finalement compris qu'elle ne peut pas constamment s'enfouir la tête dans le sable. De son côté, votre organisation devrait parler davantage de l'hydroélectricité et souligner à quel point c'est une source d'énergie propre.

Quand j'étais ministre, les gens me disaient : « Pourquoi la Colombie-Britannique n'utilise-t-elle pas davantage d'énergie éolienne? Qu'est-ce qui vous prend? Regardez l'Alberta. Elle est en train de se constituer des parcs d'éoliennes. Regardez l'Europe. C'est la même chose. Pourquoi ne le faites-vous pas en Colombie-Britannique? » C'est tout simplement parce que 90 p. 100 de notre énergie est propre. Nous n'avons pas de grands besoins de ce côté.

C'est une simple suggestion, mais je crois que vous devriez communiquer davantage avec les Canadiens pour leur expliquer à quel point nous sommes bons. Nous sommes en fait très bons. Nous avons néanmoins tendance à faire ressortir le négatif plutôt que le positif. Vous devriez donc commencer à mettre le positif en évidence.

Je m'intéresse aux installations ontariennes de lutte contre les inondations. Y a-t-il des possibilités de ce côté? Je sais que nous l'avons fait en Colombie-Britannique dans le cas des barrages de protection contre les crues du fleuve Columbia, où nous avons réussi à produire de petites quantités d'hydroélectricité, par exemple au barrage Hugh Keenleyside. Est-ce réalisable dans le cas des barrages de l'Ontario? Si c'est possible, pouvez-vous me dire pourquoi on ne l'a pas fait? Je reviens au problème de l'Ontario, qui essaie de déterminer ce qu'il convient de faire à l'avenir. C'est une histoire que je ne tiens pas à répéter, mais il s'agit de savoir comment produire de l'électricité propre.

M. Irving : C'est une bonne question, mais l'Ontario Waterpower Association serait bien mieux placée que moi pour y répondre. J'ai appris, en m'entretenant avec les responsables de l'association, que 8 p. 100 des barrages ontariens servent à produire de l'hydroélectricité. Leur nombre est d'environ 260. Il y avait 300 autres barrages qui produisaient de l'électricité, mais ils ont été fermés dans les années 1950 et 1970 à mesure que d'autres centrales étaient mises en service. L'hydroélectricité a donc reculé pendant qu'on essayait des formes différentes de production. Beaucoup de ces barrages ne sont donc pas électrifiés. Les installations sont là, mais elles ne servent pas. De plus, il y a tous les barrages qui servent à l'irrigation et à d'autres fins et qui pourraient aussi produire de l'électricité. Pourquoi ne les utilise-t-on pas? C'est la question que je me suis posée quand on m'en a parlé.

D'une part, un bon nombre de ces barrages ou de ces installations se trouvent sur des terres privées ou appartiennent à des intérêts privés. Ils peuvent faire partie d'une exploitation agricole. Ils sont exploités par des particuliers. Si ceux-ci envisagent de les utiliser pour produire de l'électricité pour eux-mêmes, ils doivent être prêts à affronter un processus réglementaire pouvant durer 8 à 14 ans. Encore une fois, la réglementation intervient. Elle s'applique aussi bien aux grands qu'aux petits projets. Pour un propriétaire privé, c'est bien plus un passif qu'un actif. La réglementation peut donc décourager les initiatives dans ce domaine. C'est une difficulté.

Le sénateur Neufeld : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous parce que je crois qu'Ontario Hydro paie actuellement l'énergie solaire 80 cents le kilowatt-heure dans le cadre du Programme de tarifs de rachat garantis. Cela représente 800 $ le mégawatt-heure. Si ces petits barrages se trouvent sur des terres privées, les agriculteurs et d'autres peuvent en tirer un revenu supplémentaire. Je ne sais pas ce qu'il en est en Ontario, mais, en Colombie-Britannique, il faut attendre longtemps pour être en mesure de terminer un grand projet hydroélectrique. Toutefois, dans le cas du projet East Toba, qui produit actuellement de l'électricité, toute l'opération, du début à la fin, a pris moins de 5 ans. Je crois que certains petits projets peuvent obtenir assez facilement les approbations nécessaires. Le poisson n'était pas en cause parce que la plupart de nos installations au fil de l'eau sont assez proches de la surface. Je ne sais pas si le poisson cause des difficultés dans le cas des installations ontariennes. J'exprime simplement une opinion.

Est-ce que les 168 000 mégawatts dont vous avez parlé comprennent des projets de ce genre en Ontario? Comment pouvez-vous estimer le potentiel de ces projets? Utilisez-vous les mêmes méthodes que pour l'estimation des réserves de pétrole et de gaz? Cela me semble assez satisfaisant.

M. Irving : Non, les 168 000 mégawatts ne comprennent pas l'électrification des barrages dont nous avons parlé. C'est une nouvelle initiative dont j'ai discuté avec l'Ontario Waterpower Association. Nous essayons d'y réfléchir ensemble en vue de quantifier le potentiel.

Je ne suis pas non plus un expert de l'Ontario. Je m'occupe surtout de l'aspect fédéral. Toutefois, si j'ai bien compris le Programme de tarifs de rachat garantis, les 80 cents que vous avez mentionnés s'appliquent à l'énergie solaire. Les tarifs offerts pour l'hydroélectricité ne sont pas les mêmes. Quelques petits projets hydroélectriques ont obtenu certains encouragements, mais pas du tout dans les mêmes proportions. M. St-Onge peut probablement nous donner plus de précisions à ce sujet.

M. St-Onge : Le tarif est d'environ 130 $ le mégawatt-heure. Il est donc très inférieur à celui qui est offert pour l'énergie solaire. De plus, pour ce qui est de la mise en valeur des autres sources, les plus faciles ont déjà été exploitées. C'est extrêmement compliqué. Le processus est très long. Il s'agit d'un environnement réglementaire bien établi, dans le cadre duquel les choses sont difficiles. Un promoteur doit avoir du pouvoir économique et de la patience pour attendre une dizaine d'années, avec tous les risques que cela comporte.

Le sénateur Neufeld : J'ai mentionné le tarif de rachat de l'énergie solaire comme exemple pour montrer que l'Ontario est disposé à payer 800 $. À 150 $ pour l'hydroélectricité, c'est toute une différence pour le consommateur.

M. St-Onge : La plupart de ces barrages et de ces réseaux hydrographiques sont très éloignés du réseau de transmission. Il faut donc tenir compte des coûts d'intégration et de l'infrastructure de transmission nécessaire pour les atteindre.

Le sénateur Neufeld : C'est la règle générale qui s'applique aux réseaux électriques partout dans le pays.

Vous avez dit que l'hydroélectricité serait avantagée si on imposait une taxe sur le carbone. Quand vous faites les calculs, tenez-vous compte de toutes les émissions de carbone liées à la construction du barrage, à l'ensemble du système et à tout le reste, comme la consommation de charbon en Corée pour la construction des génératrices, leur expédition et ainsi de suite? Est-ce essentiellement la même chose que ce que le secteur du pétrole et du gaz appelle l'analyse « du puits à la roue »?

M. Irving : Oui, c'est l'analyse complète du cycle de vie. Une analyse vraiment complète tiendrait compte du béton nécessaire pour la construction du barrage et comprendrait tous les facteurs qui entrent en jeu. En effet, tout bien considéré, il y a beaucoup de choses qui entrent dans la mise en œuvre de ces installations. Toutefois, quand on amortit le tout sur 100 ans ou plus, c'est là que les calculs doivent être bien compris.

Le sénateur Brown : Avez-vous réalisé des travaux quelconques dans le domaine de l'énergie marémotrice? J'ai l'impression que c'est une ressource quasi illimitée s'il est possible de contrôler les marées dans la baie de Fundy et à d'autres endroits semblables. C'est une source inépuisable à moins que la lune ne quitte son orbite.

M. Irving : Notre association ne s'occupe pas particulièrement de l'énergie marémotrice ou de l'énergie des vagues. Je crois que vous avez déjà entendu des représentants de l'association qui s'en occupe.

Ce que vous dites signifie qu'il y a là un potentiel intéressant et nouveau. Le Canada a le plus long littoral du monde, je crois, ce qui présente des possibilités inouïes. Je sais cependant, au sujet de l'énergie marémotrice et de l'énergie des vagues, qu'il n'y a pas encore des technologies établies pour le déploiement des installations. À ce stade, nous avons de nombreux projets pilotes. Nous essayons donc d'imaginer comment faire et où concentrer nos efforts. Nous en sommes encore aux premières étapes. Toutefois, s'il est possible de trouver la bonne technologie et de la déployer dans les meilleures conditions, il y aurait un important potentiel pour le Canada.

Le sénateur Brown : J'ai une observation à formuler au sujet des barrages dont vous avez parlé en Ontario. Je crois que ces petits barrages de régularisation des eaux sont sujets à l'envasement. Je ne sais pas quelle est leur durée utile, mais elle prend fin quand la vase atteint les pompes. J'ai lu un article du National Geographic concernant le barrage chinois des Trois-Gorges. Apparemment, c'est l'un des plus grands — sinon le plus grand — barrages hydroélectriques du monde, mais il a causé de graves problèmes. Il a inondé les terres de dizaines de milliers de paysans. Les projets de ce genre ont donc aussi des inconvénients. Je suppose que c'est pour cette raison que nous mettons 15 ans à examiner le dossier avant de choisir l'emplacement de ces barrages.

M. Irving : Je n'ai aucune connaissance spécialisée des projets d'autres pays. J'en connais certains éléments, probablement comme vous. Je sais par ailleurs que, dans le contexte canadien, notre rigoureuse réglementation sert dans une grande mesure à veiller à ce que nos projets soient réalisés de la manière la plus durable et la plus socialement responsable possible. L'une des raisons pour lesquelles nous pouvons être fiers de la façon dont nous construisons nos installations hydroélectriques, c'est que nous déployons constamment des efforts pour améliorer notre façon d'aborder les choses. Chaque nouveau projet ouvre de nouvelles perspectives d'amélioration des relations avec les collectivités, de l'acceptabilité sociale, et cetera. Nos membres prennent ces facteurs très au sérieux, de sorte que c'est un élément distinctif de l'hydroélectricité canadienne. Tout en restant prudents, nous pouvons être fiers de la façon dont nous faisons les choses.

Le sénateur Banks : Monsieur le président, je vais poser encore une fois votre question. Si l'hydroélectricité est tellement merveilleuse, pourquoi n'est-elle pas adoptée par tout le monde? Il n'existe aucun moyen de production d'électricité qui n'ait pas des inconvénients. Quoi que vous fassiez, il y a toujours un désavantage. Toutefois, je pense que la plupart des Canadiens conviendront que, tout bien considéré, s'il n'en tenait qu'à nous, nous aimerions bien avoir un graphique complètement bleu. Nous l'avons eu longtemps en Alberta, d'où le sénateur Brown et moi-même venons. Avant notre expansion industrielle relativement récente, la production hydroélectrique des barrages de Ghost et de Kananaskis représentait un pourcentage beaucoup plus élevé que ce que nous avons actuellement.

Vous dites que c'est là et que c'est rentable. À ma connaissance, nous n'avons aucune pénurie particulière de capitaux patients. Il n'en manque pas quand on parle de mettre en valeur d'autres formes d'énergie qui n'ont pas fait autant leurs preuves que celle-ci. Il faut beaucoup de capitaux patients pour faire de la prospection pétrolière car on constate souvent que les puits forés ne donneront pas grand-chose. Nous parlons ici d'une technologie bien établie. Si nous bâtissons un barrage dans cette vallée, nous créerons un lac qui nous permettra de produire de l'électricité.

Je suppose qu'il n'est pas particulièrement difficile de trouver des capitaux pour construire. Ai-je raison de le penser?

M. Irving : Je crois qu'il est toujours un peu difficile de trouver des capitaux pour construire.

Le sénateur Banks : Par comparaison à autre chose?

M. St-Onge : Des projets hydroélectriques sont en cours de réalisation dans la plupart des provinces. Par conséquent, oui, beaucoup de ces projets en sont actuellement à différents stades d'avancement. Vous devez comprendre que la demande n'a pas augmenté ces dernières années à cause de la récession et qu'une demande interne est nécessaire pour aller de l'avant.

Compte tenu de l'instabilité du marché, aucun projet n'est actuellement réalisé sur une base commerciale. Nous avons besoin de contrats d'achat d'énergie pour appuyer les travaux. Il en est de même pour le secteur éolien.

De nombreuses demandes de propositions visant des contrats à long terme ont été lancées ces dernières années en vue de l'exploitation de l'énergie éolienne. De plus, les interconnexions avec les États-Unis sont limitées. Même si le Canada exploitait massivement son potentiel, nous ne serions pas en mesure d'exporter l'énergie sans disposer de nouvelles capacités d'interconnexion.

Le sénateur Banks : L'interconnexion ne suit-elle pas automatiquement quand des installations de production sont construites? S'il y a un appétit insatiable quelque part et un approvisionnement quasi illimité ailleurs, quelqu'un finira bien par faire le lien entre les deux.

M. St-Onge : Vous avez raison. Je vais essayer d'expliquer comment fonctionnent les normes relatives au portefeuille renouvelable des différents États ainsi que les raisons pour lesquelles il est difficile d'amener les États-Unis à reconnaître le caractère renouvelable de l'hydroélectricité. Car il ne fait aucun doute qu'elle est renouvelable.

Aux États-Unis, au niveau du gros, les transactions d'énergie entre États relèvent du gouvernement fédéral et sont supervisées par la FERC ou Commission fédérale de réglementation de l'énergie. Le niveau du détail, c'est-à-dire la consommation de l'énergie, relève des États. Bien entendu, chaque État est très jaloux de ses prérogatives et un peu plus de la moitié des États américains ont des normes relatives au portefeuille renouvelable.

Ces États ont des cibles, pour la plupart obligatoires, mais plusieurs sont simplement tenus de faire de leur mieux. Cela signifie qu'ils doivent, dans une certaine période, acheter de l'énergie renouvelable pour alimenter une partie de leur charge. En général, la proportion à atteindre est de 20 p. 100 d'ici 2020.

Le problème, c'est que chaque État a une définition différente de ce qui est renouvelable, qui dépend souvent de la situation actuelle de sa production d'électricité. La définition est donc devenue un moyen de développement économique. Les États ne veulent pas payer un supplément pour acheter de l'électricité canadienne s'ils peuvent investir dans des projets réalisés chez eux. Voilà ce qui crée de la confusion.

Il est très difficile de faire adopter une définition commune partout aux États-Unis. De plus, les États qui ont beaucoup de centrales thermiques brûlant du charbon bon marché ne veulent pas payer plus cher pour acheter de l'énergie éolienne venant de l'extérieur.

Cela étant, il est difficile d'obtenir des engagements pour la construction de lignes de transmission. Les normes de portefeuille imposent une sanction si l'État n'achète pas le pourcentage ciblé. Toutefois, il n'y a pas d'engagement à long terme. Les normes n'imposent pas aux services publics de garantir un approvisionnement à moyen ou à long terme afin de justifier ces investissements.

Par conséquent, Hydro-Québec se débat avec de nouvelles lignes. La société veut bien sûr vendre davantage d'électricité aux États-Unis, mais elle doit trouver des acheteurs disposés à signer des contrats à long terme. C'est une partie de l'équation.

Avec toutes les définitions différentes de l'énergie renouvelable, il est difficile d'en arriver à une norme commune pour l'ensemble des États-Unis.

Le sénateur Banks : Il y a un État qui affirme que l'hydroélectricité n'est pas une source d'énergie renouvelable, n'est-ce pas?

M. St-Onge : Certains États acceptent l'hydroélectricité, mais ils la soumettent à des limites. Il faut qu'elle provienne d'installations mises en service après 2002. Il y a aussi des capacités maximales de 5 ou de 25 mégawatts. Ils acceptent le principe, mais ils imposent des limites.

Le sénateur Banks : Ils ne disent donc pas que l'hydroélectricité n'est pas une source d'énergie renouvelable. Ils disent simplement qu'il ne faut pas en utiliser plus d'une certaine quantité. C'est bien cela?

M. St-Onge : Oui, mais il y a aussi un très fort lobby qui défend le secteur éolien, le secteur du charbon et ainsi de suite. De toute évidence, ils veulent limiter l'accès à l'hydroélectricité.

Le sénateur Banks : Je vais terminer par une question un peu hypothétique. Si un État affirme que l'hydroélectricité n'est pas renouvelable, qu'est-ce qu'il considère alors comme renouvelable?

M. Irving : Apparemment, certains États considèrent comme renouvelable, d'après leur définition, le charbon propre de l'avenir. Il y a des définitions scientifiques et d'autres, politiques. Je crois que la plupart d'entre nous comprennent bien les liens entre les deux. Voilà le monde dans lequel doivent vivre les promoteurs de l'hydroélectricité canadienne.

Cela étant dit, il y a des États qui reconnaissent l'hydroélectricité canadienne comme entièrement renouvelable. Nous avons par exemple appris cet été que le Vermont reconnaît le caractère 100 p. 100 renouvelable de toutes les formes d'hydroélectricité canadienne, en vue de les inclure dans sa norme relative au portefeuille renouvelable.

M. St-Onge : Encore une fois, certaines normes sont volontaires. Les responsables sont simplement tenus de faire de leur mieux pour les respecter.

Le président : C'est à cause de cette nouvelle loi du Vermont que j'ai demandé ce qu'il y avait avant. J'ai découvert que beaucoup d'autres États ont des lois semblables. Nous croyons que ce qui a incité le Vermont à agir, c'est le voisin québécois du Nord et les contrats à long terme dont le Québec a besoin pour financer ses nouveaux projets. Tout s'emboîte. Je trouve votre réponse très utile.

Le sénateur Seidman : Le sénateur Banks a déjà abordé la plupart des sujets dont je voulais parler. J'avais l'intention de revenir à la question des États-Unis. Étant du Québec, cette question m'intéresse beaucoup.

Vous avez dit que les grands projets hydroélectriques ne sont pas considérés comme une source d'énergie renouvelable à cause de problèmes de définition. J'aimerais aller un peu plus loin pour essayer de mieux comprendre. Avez-vous réussi un tant soit peu à persuader les États américains d'uniformiser leurs définitions ou bien d'examiner les faits scientifiques pour arriver à s'entendre?

M. St-Onge : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question scientifique. Nous avons certainement fait des efforts dans le Nord-Est, où nous essayons de consolider nos positions. Le Massachusetts nous appuie, et le Maine a déjà une production hydroélectrique respectable. Nous possédons en fait plusieurs centrales dans le Maine. Il n'y a pas de doute que le Nord-Est est bien disposé envers l'hydroélectricité.

Le grand problème, c'est que les producteurs d'énergie éolienne ne veulent pas que d'importantes quantités d'hydroélectricité viennent noyer le marché, réduisant la valeur des crédits à l'énergie renouvelable. Le combat est bien plus politique qu'économique ou scientifique.

Le sénateur Seidman : Dites-vous que le principal défi est de nature politique?

M. Irving : Oui, c'est bien le cas. Nous devons être en mesure de défendre l'hydroélectricité canadienne partout en Amérique du Nord. Nous avons ce potentiel inexploité et tous les avantages inhérents qui y sont associés. Nous avons les compétences et les technologies nécessaires. Pourquoi alors ce domaine ne connaît-il pas l'essor auquel on peut s'attendre?

Nous pourrions énumérer différentes raisons, mais, encore une fois, c'est une question d'offre et de demande. Le Canada fait des efforts assez importants pour développer son potentiel hydroélectrique. Nous sommes des exportateurs nets d'hydroélectricité. De ce point de vue, on peut bien voir que nous en avons suffisamment pour satisfaire à nos propres besoins intérieurs. Nous pouvons donc en exporter. Comment alors faire croître cet énorme approvisionnement?

Pour moi, il y a un certain nombre de concepts de base. Le Canada devrait écarter les formes existantes de production qui sont peut-être moins propres et moins renouvelables et créer un environnement favorable pour que l'hydroélectricité puisse remplir le vide. Ce serait un moyen de faire croître le potentiel hydroélectrique.

Le sénateur Banks : Est-ce la raison pour laquelle vous voulez des crédits de carbone?

M. Irving : Au Canada et en Amérique du Nord, ce serait la même chose. Si nous pouvons vendre davantage d'hydroélectricité aux États-Unis pour les aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, nous aurons la possibilité de mettre en valeur une partie de notre potentiel de 163 000 mégawatts. S'il est possible d'adopter des véhicules électriques en masse en veillant à les alimenter en énergie propre et renouvelable, et sans commettre l'erreur de leur fournir une électricité produite à l'aide de combustibles moins propres et non renouvelables, nous pourrons utiliser encore plus de notre hydroélectricité. Nous avons un approvisionnement suffisant. Il y a un problème de demande sur lequel nous devons travailler ensemble.

Le sénateur Seidman : Je vais encore poursuivre dans la même veine. Avec vos réponses, vous nous donnez l'impression que tout est très facile, mais je me pose alors la question suivante : comment se fait-il que nous ne soyons pas encore à 100 p. 100 hydroélectricité? Vous parlez de demande. Comme consommateurs, nous avons tous dû affronter des réductions de tension et des pannes de réseau. On nous demande constamment de n'utiliser nos machines à laver qu'au milieu de la nuit parce que la demande d'électricité pendant le jour est déjà très élevée. Ces arguments tendent à décourager les consommateurs. Que dites-vous de cela? C'est un grand problème qui peut refroidir l'enthousiasme et la volonté d'aller de l'avant.

M. Irving : D'une façon générale, il est difficile pour notre secteur de faire correspondre la capacité à la consommation de pointe. Les schémas de consommation humaine suivent la journée de travail. Lorsque nous nous levons le matin, notre consommation est élevée pendant que nous nous apprêtons à aller travailler. Nous allons donc au travail, puis rentrons chez nous le soir pour dîner. Nous avons des crêtes de consommation qui correspondent à des schémas quotidiens. En général, oui, si vous voulez faire votre lessive au milieu de la nuit et si votre maison est équipée d'un compteur intelligent, vous pourrez en tirer un certain avantage. Si vous mettez en marche votre machine à laver en même temps que tous les autres, vous devrez payer un tarif plus élevé.

Ces questions se posent à beaucoup de nos entreprises d'hydroélectricité. Dans leur forme générique, ces entreprises sont souvent des sociétés d'État telles qu'Hydro-Québec, Manitoba Hydro et BC Hydro. Une fois qu'elles ont totalisé leurs recettes à la fin de l'année, elles doivent décider de la façon de les dépenser. Ces entreprises ont toutes un seul actionnaire : la population de la province. C'est souvent la façon dont elles-mêmes présentent les choses. Elles ont un actionnaire, qui est la population du Manitoba, du Québec ou de la Colombie-Britannique. À la fin de l'année, elles doivent déterminer ce qu'il convient de faire des bénéfices de l'année. Faut-il s'en servir pour réaliser de nouveaux projets de production d'électricité, qui sont coûteux et exigent de gros capitaux? Faut-il les verser au Trésor provincial pour construire des hôpitaux, des écoles et autres? Conviendrait-il plutôt de les utiliser pour réduire le prix de l'électricité par divers moyens et programmes? Les producteurs ont à prendre ces décisions.

Il n'est pas nécessairement facile d'opter pour la construction de nouvelles installations de production quand on a des prix compétitifs stables et que les producteurs doivent trouver des arguments pour justifier la création de telles installations. À quoi serviraient-elles? À l'exportation. Il y a souvent des considérations politiques. C'est un autre aspect de la mise en valeur du potentiel hydroélectrique au Canada. C'est la politique à appliquer de notre côté de la frontière.

Il y a certainement des bénéfices à réaliser et des bénéfices à restituer à la population par l'entremise des gouvernements provinciaux. C'est un modèle auquel nous nous sommes habitués, mais les choses ne se passent pas toujours de la même façon. Cela devient un peu compliqué à cet égard.

M. St-Onge : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Seidman : Je vais me satisfaire de cela pour le moment.

Le sénateur Lang : J'ai quelques questions à poser. J'ai remarqué, dans votre documentation, une liste de projets hydroélectriques qui en sont à différents stades de planification et qui totalisent en gros 23 000 mégawatts. Y en a-t-il parmi eux qui soient à l'étape de la construction? Si oui, combien et où se trouvent-ils?

M. Irving : Je n'ai pas ventilé les données de cette façon. Je vais donc devoir vous transmettre ces renseignements plus tard.

Le sénateur Neufeld : Je peux donner la réponse pour la Colombie-Britannique.

Le sénateur Lang : J'ai posé la question parce que je veux savoir combien de projets ont été autorisés et pourraient donc produire de l'électricité dans un délai relativement court.

M. Irving : Je dirais de ces projets qu'ils font l'objet de discussions publiques. Ils ont été plus ou moins annoncés, et le public s'attend plus ou moins à ce qu'ils soient étudiés et sérieusement envisagés. Bien sûr, ils en sont à différents stades, depuis la planche à dessin jusqu'au début de certains travaux. On en trouve donc à tous les stades, mais ils ont tous dépassé un certain seuil, en ce sens qu'ils sont au-delà du stade de la conjecture : ils n'existent pas seulement dans l'imagination de quelqu'un. Ils ont fait l'objet de discussions et d'annonces officielles et certains travaux ont déjà été réalisés.

Le sénateur Lang : À la page 11 de votre présentation, sous le titre « Prise en compte des enjeux », vous parlez de la réglementation de l'hydroélectricité au Canada et énumérez les différentes lois auxquelles il faut se conformer pour réaliser les projets que vous avez mentionnés ou tout projet futur.

Avez-vous défini votre position au sujet de la Loi sur les pêches et des changements que vous aimeriez y voir pour accélérer la réalisation des projets tout en assumant vos responsabilités environnementales? L'avez-vous également fait dans le cas de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

Avez-vous rédigé des mémoires à l'intention du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux pour voir s'il est possible d'en arriver à des solutions qui vous permettraient de faire les travaux dans les délais que vous souhaitez?

M. Irving : Oui. Cela représente une grande partie du travail quotidien de notre association, à Ottawa. Nous prenons contact avec les différents ministères, aussi bien au niveau bureaucratique qu'au niveau politique. Nous avons pris position d'une manière énergique au sujet de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril. Dans beaucoup de cas, nous avons communiqué avec d'autres secteurs et avons collaboré avec eux. Pour ce qui est de la Loi sur les espèces en péril, qui vient de faire l'objet de l'examen quinquennal prévu, nous avons réussi à persuader des groupes environnementaux d'appuyer notre position. C'est une bonne chose que les lois environnementales prévoient elles-mêmes des examens périodiques de leurs propres dispositions. Le législateur reconnaît ainsi que ces nouvelles mesures législatives touchent à de tout nouveaux domaines et qu'il est bon de prendre périodiquement du recul pour en examiner les conséquences prévues et imprévues. Dans le cas de la Loi sur les espèces en péril, nous avons réussi à constituer une coalition formée de représentants de l'industrie et des groupes environnementaux, qui a présenté des arguments concertés sur les modifications à apporter à la loi pour avantager aussi bien les espèces en péril que la mise en valeur de sources d'énergie propres et renouvelables.

Le sénateur Lang : Pouvez-vous nous communiquer des copies de vos mémoires et prises de position?

M. Irving : Oui. Je peux vous les transmettre par l'entremise du président, je crois.

Le président : Vous pouvez les envoyer à notre greffière. Ce serait parfait.

M. Irving : Ce sont des mémoires officiels. Certains sont en préparation et d'autres sont terminés. Je vous transmettrai ceux qui sont prêts. Je vous tiendrai ensuite au courant de l'avancement des autres.

Le sénateur Lang : Je crois que cela est important. Il pourrait y avoir là des questions importantes. Nous pourrons peut-être recommander, au terme de notre étude, de respecter certaines obligations que nous aurions jugées prioritaires.

M. Irving : J'ai l'impression que c'est une très bonne idée.

Le président : Merci, sénateur Lang. C'est une excellente idée.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous les deux de votre présence au comité. La plupart des questions ont déjà été posées. Je vais donc vous poser une question personnelle, monsieur Irving.

Vous avez parlé de définitions pour mettre en évidence l'importance des caractéristiques de stockage des aménagements hydroélectriques. Vous avez insisté sur ce point et avez utilisé votre définition pour en souligner le caractère particulier et ainsi de suite. Je remarque que vous avez été directeur exécutif de l'Oil Sands Developers Group. Comment pouvez-vous concilier ce que vous venez de dire avec les sables bitumineux? Après ce que vous nous avez dit des qualités angéliques de l'hydroélectricité, les sables bitumineux ont l'air plutôt diaboliques. Comment faites-vous, personnellement, pour concilier les deux?

M. Irving : C'est une intéressante question personnelle.

Je viens effectivement du secteur des sables bitumineux. Je suis dans mon poste actuel depuis un peu plus d'un an. Il y a trois ans, j'étais à Fort McMurray. En toute franchise, je crois que le Canada a beaucoup de chance de disposer ainsi de différentes formes d'énergie. Nous sommes des exportateurs nets de pétrole et d'hydroélectricité. Nous comptons parmi les quelques rares endroits chanceux de la planète qui puissent se vanter d'être des exportateurs nets de toutes les formes d'énergie. Nous avons deux grands piliers énergétiques au Canada, celui des hydrocarbures et de nos réserves de pétrole et de gaz et celui de l'hydroélectricité. J'ai la grande chance d'avoir eu l'occasion de travailler dans les deux secteurs.

Les deux ressources ont en fait plus de points communs et de ressemblances que de différences. Le Canada étant un exportateur net d'énergie, notre défi est que nous avons actuellement plus qu'il nous en faut de toutes ces formes d'énergie pour satisfaire nos besoins intérieurs. Même en tenant compte de la croissance démographique, nous en aurons probablement bien assez pour nos besoins pendant longtemps encore. Nous sommes riches en énergie dans le sens le plus large du mot. Le défi est de savoir comment partager cette énergie avec le reste du monde dans le cadre de notre commerce avec les Américains, qui sont nos partenaires les plus proches et les plus logiques, ainsi qu'avec d'autres régions du monde. Ce défi est commun.

Notre défi par rapport aux Canadiens, c'est que nous devons tous penser constamment à nos responsabilités sociales. Nous avons besoin de l'appui des Canadiens pour mettre en valeur les ressources excédentaires que nous possédons. Cela aussi constitue un défi commun. Aucune forme d'énergie n'a et n'aura jamais vraiment droit de cité au Canada. Les Canadiens sont vigilants lorsqu'il s'agit de défendre leur environnement. Ils ont une compréhension assez avancée de la façon dont les différentes options énergétiques se combinent. Ils veulent être certains que nous mettons tous ensemble en valeur ces ressources de la meilleure façon possible. Je crois que le Canada a de brillantes perspectives aussi bien du côté des hydrocarbures que de celui de l'hydroélectricité. Voilà comment je concilie les deux.

Le sénateur Massicotte : Je sais maintenant pourquoi on vous a engagé. Vous êtes un excellent patineur.

M. Irving : Ceux qui ont beaucoup de chance ont d'autant plus de responsabilités qui pèsent sur leurs épaules. Le Canada a ceci à offrir au reste du monde. Nous devons trouver comment gérer nos ressources dans notre intérêt et dans celui des autres, en prenant le temps de réaliser des études, de parler aux Canadiens et de sensibiliser les gens aux questions énergétiques. Il est extrêmement important de rester vigilant.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie.

Le sénateur Peterson : Je vous remercie de votre exposé. Je connais un peu le secteur de l'uranium. Je comprends les contrôles réglementaires. J'ai donc été un peu surpris de vous entendre dire que le secteur de l'hydroélectricité est soumis à une réglementation rigoureuse. Pouvez-vous m'en donner un exemple?

M. Irving : Chaque fois que nous sommes réglementés, nous sommes automatiquement assujettis à des règlements tant provinciaux que fédéraux. Ce n'est pas le cas de certaines autres formes d'énergie, qui sont seulement soumises à la réglementation provinciale. Cela ajoute à la rigueur du processus et suscite des attentes supplémentaires. De plus, l'évaluation environnementale qui s'applique aux projets hydroélectriques est à la fois rigoureuse et complexe.

Dans l'ensemble, je dois répéter que la difficulté réside dans la longue période d'attente de 8 à 14 ans, par rapport aux 3 à 5 ans de certains autres projets. C'est la raison pour laquelle nous parlons d'une réglementation rigoureuse. De plus, le degré de détail auquel on s'attend de notre part nous impose de gérer nos travaux d'une façon très énergique.

L'autre difficulté réside dans le double emploi et l'incertitude. Je crois que cela revient à ce facteur. En fait, cela se rattache à une question posée par le sénateur Neufeld. Il y a des exemples qui s'écartent de ce modèle. Parfois, c'est 5 ans ou moins plutôt que 8. Il y a un cas récent, en Ontario, où il a été possible de réaliser un projet plus rapidement que personne ne l'avait cru possible. Je crois qu'on avait alors présenté l'affaire aux responsables de la réglementation et qu'on les avait persuadés de ne pas appliquer les règlements aussi rigoureusement qu'ailleurs ou dans d'autres circonstances. Cela signifie qu'il nous arrive d'être en mesure de présenter de bons arguments en faveur d'un projet hydroélectrique de façon à rationaliser le processus réglementaire et à l'accélérer sur la base des avantages du projet, des interlocuteurs à qui nous avons affaire et des responsables de la réglementation, mais ce n'est pas le cas partout dans le pays. L'aspect positif, c'est qu'il a été possible dans ce cas de réaliser le projet dans des délais relativement courts, mais cela ne signifie pas que ce sera la même chose dans une autre région.

Le sénateur Peterson : Au chapitre du potentiel hydroélectrique, je remarque que vous croyez possible de quintupler la capacité en Saskatchewan, d'où je viens. Quelle part de cette augmentation dépend de nouvelles technologies permettant de meilleurs rendements sur les lignes de transmission et les réseaux?

M. Irving : Tout dépend dans une certaine mesure de la transmission sous ses diverses formes. Toutefois, je ne peux pas vous donner beaucoup de précisions à ce sujet ni vous dire quelle proportion serait attribuable à de nouvelles technologies de transmission, et cetera. Tout cela est inclus. Toutes ces caractéristiques supplémentaires doivent jouer pour qu'il devienne possible de réaliser ce potentiel partout dans le pays.

Quant à la technologie de production de l'hydroélectricité, il y a toujours moyen de l'améliorer, et nous le faisons tout le temps. Certains des progrès techniques — par exemple les échelles à poissons, les turbines écologiques et certains autres éléments conçus pour atténuer les effets environnementaux que nous prenons au sérieux — sont importants afin d'accroître l'acceptabilité du projet et la responsabilité sociale. Ce sont là quelques-uns des aspects technologiques auxquels nous devons faire attention pour augmenter notre capacité.

Le sénateur Peterson : Dans le cas de la Saskatchewan, les projets se situeraient évidemment dans le Nord, très loin des consommateurs. Plus on s'éloigne, plus c'est difficile pour vous.

M. Irving : Il en est de même pour la capacité existante. Cela fait partie de notre histoire au Canada. Beaucoup de nos réservoirs hydroélectriques les plus importants se trouvent loin des lieux de consommation. Le complexe de la baie James est à plus de 400 kilomètres, dans la forêt boréale septentrionale. Il faut faire de la planification et investir dans la transmission pour que cette électricité parvienne au marché. C'est un problème qui se pose partout au Canada.

En général, la situation dans le pays est intéressante à observer. On a mentionné mes antécédents dans les sables bitumineux. Si vous examinez la situation géographique des grands investissements énergétiques, comme les chutes Churchill, la baie James, les aménagements hydroélectriques dans la région de Thompson au Manitoba et les sables bitumineux, tout se situe à peu près sur la même ligne. Le site hydroélectrique C n'en est pas très éloigné.

Beaucoup des différentes formes d'énergie et des ressources naturelles dont la demande croît s'inscrivent dans un schéma de développement répondant à la loi des rendements décroissants. Le Canada est bien placé dans ce genre d'environnement, non seulement pour l'hydroélectricité, mais pour toutes les formes d'énergie. Inévitablement, nous allons devoir aller encore plus au Nord et encore plus loin à l'avenir pour exploiter toutes sortes de ressources. Ce sera un défi commun pour tout le monde. Qu'il s'agisse de construire davantage de pipelines, de routes ou de lignes de transmission, nous aurons constamment à affronter ces problèmes et à le faire d'une manière responsable.

Le sénateur Dickson : Je voudrais revenir sur une question soulevée par le sénateur Peterson : la technologie. Ayant récemment lu plusieurs articles, je ne vous demanderai pas de commentaires sur celui-ci, mais vous voudrez peut-être le lire plus tard. Il a paru dans The Atlantic. Il explique pourquoi l'avenir de l'énergie propre passe par le charbon sale. Il n'y a pas de doute que le charbon continuera d'être utilisé dans le monde, qu'on ait lu l'article ou non.

J'en reviens donc à la technologie. D'après mes dernières lectures, les États-Unis ont conclu un accord avec la Chine au sujet de la technologie. Avez-vous des partenariats avec la Chine ou le Japon — particulièrement avec la Chine — ou bien sommes-nous satisfaits de ce que nous avons chez nous?

M. Irving : Je ne prétends pas être un expert de la chaîne mondiale d'approvisionnement de nos projets. Je sais qu'il y a des partenariats et que l'industrie est internationale. Il y a de forts partenariats avec d'autres pays producteurs d'hydroélectricité, comme la Chine, le Brésil et les États-Unis. Les sociétés canadiennes ont des contacts. Le Canada a la possibilité de concurrencer les autres et de croître grâce à ses compétences en ingénierie et peut-être dans le domaine manufacturier.

Le sénateur Dickson : Je voudrais revenir dans ce contexte aux véhicules électriques. À Osaka, il y a 114 centres de recherche d'universités et de sociétés — sans compter les liens avec des chercheurs étrangers — qui travaillent dans le domaine de la nanotechnologie, de l'environnement, et cetera, ainsi que dans celui des voitures électriques.

Est-ce que votre association suit ce qui se passe là-bas? Est-ce que Brookfield a des investissements au Brésil et aux États-Unis? Avez-vous des activités un peu partout dans le monde? Si oui, où?

M. St-Onge : Oui, nous sommes une société mondiale de gestion de biens. La moitié de notre actif est dans l'immobilier. Nous possédons des propriétés dans plusieurs continents.

Le sénateur Dickson : En avez-vous en Chine?

M. St-Onge : Non, mais nous avons récemment fait équipe avec des investisseurs chinois dans l'un de nos fonds. Il s'agissait d'une importante contribution, de l'ordre d'un milliard de dollars. Nous nous occupons aussi de production d'hydroélectricité, qui représente environ 30 p. 100 des activités d'exploitation de Brookfield, avec 166 centrales qui sont à 90 p. 100 hydroélectriques. Nous avons un portefeuille d'investissements comprenant différents éléments d'actif utilisés dans des activités portuaires, minières et forestières. Nous travaillons dans une multitude de domaines.

Le sénateur Dickson : Seriez-vous intéressés à investir dans les premiers stades — probablement assez risqués — d'une usine marémotrice en Nouvelle-Écosse?

M. St-Onge : Nous avons différents fonds spécialisés. L'un d'entre eux s'occupe particulièrement des nouvelles technologies.

Le sénateur Dickson : Investissez-vous actuellement en Nouvelle-Écosse?

M. St-Onge : C'est une bonne question. Il faudrait que je vérifie auprès de nos amis de Toronto qui s'occupent de la gestion de ces fonds.

Le sénateur Dickson : Et qu'en est-il des chutes Muskrat et des nouveaux aménagements hydroélectriques de Terre-Neuve? Faites-vous partie des promoteurs ou vous y intéressez-vous?

M. St-Onge : Nous nous y intéressons d'une façon générale. Le dossier et les projets sont complexes. De toute évidence, la transmission et l'accès au marché sont les grands problèmes à l'heure actuelle. Nous ne participons actuellement à aucun aspect des projets, mais nous les suivons avec intérêt. Les responsables essaient maintenant de trouver la bonne stratégie pour atteindre les marchés. Quand ce sera fait, nous serons prêts à examiner les possibilités si les responsables prennent contact avec nous.

Le sénateur Dickson : Seriez-vous intéressés à examiner le nouveau projet de transmission de 500 mégawatts entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse? Êtes-vous susceptibles d'investir dans cette ligne de transmission?

M. St-Onge : Nous nous intéressons au Nouveau-Brunswick. Notre intérêt est très préliminaire. Comme vous le savez, il y a eu un changement de gouvernement. Je n'ai pas de commentaires à formuler à ce sujet. Nous participerons. Notre PDG, Richard Legault, a été invité à participer avec la commission à la définition de la stratégie énergétique à long terme du Nouveau-Brunswick. Je crois qu'il doit comparaître le 17 décembre. Nous évaluons les perspectives. Pour nous, c'est un très bon partenaire d'affaires. S'il y a une entreprise conjointe, nous envisagerons sûrement d'y participer.

Le sénateur Dickson : J'espère que vous investirez dans ce projet.

M. St-Onge : J'aime beaucoup les Maritimes.

Le président : Je suis sûr que Brookfield trouvera beaucoup d'investisseurs de la Nouvelle-Écosse. Votre société connaît bien l'un de nos anciens collègues, le sénateur Trevor Eyton.

M. St-Onge : Absolument.

Le président : J'ai été heureux que le sénateur Dickson pose à M. St-Onge des questions sur Brookfield car il est venu surtout parce que son entreprise est membre de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. En regardant la documentation que j'ai devant moi, je vois que votre société s'intéresse à l'énergie propre ou à la production d'énergie à partir de sources propres qui ne sont pas exclusivement hydroélectriques. Est-ce exact? En d'autres termes, vous occupez-vous d'énergie nucléaire?

M. St-Onge : Non. Je voudrais revenir sur ce que vous venez de dire. Nous ne prétendons pas être des experts des nombreuses formes d'énergie renouvelable. L'hydroélectricité est sûrement notre première source de revenus, et c'est la principale technologie de production d'électricité que nous connaissons très bien. Nous sommes des pionniers de ce domaine, qui retient beaucoup notre attention. Nous n'éparpillerons pas nos efforts et nos investissements dans des secteurs que nous ne connaissons pas parfaitement ou dont nous n'aimons pas trop le profil de risque. Nous avons pris la décision de nous tenir à l'écart du secteur nucléaire, qui exige des compétences très particulières.

Le président : Avez-vous bien dit que vous avez décidé de ne pas vous occuper du secteur nucléaire?

M. St-Onge : Je ne dis pas que nous ne le ferons pas à l'avenir, mais, pour le moment, nous n'envisageons pas d'investir dans des installations nucléaires. Nous concentrons nos efforts sur les secteurs que nous connaissons bien et dans lesquels nous nous sentons à l'aise. Nous sommes des experts de la gestion des installations hydroélectriques et éoliennes. Même le secteur éolien est relativement nouveau pour nous, mais l'hydroélectricité constitue certainement notre principal domaine d'expertise. Nous savons comment la gérer et l'exploiter.

Le président : Je vois ici que votre entreprise existe depuis plus d'un siècle. Est-ce qu'Énergie renouvelable Brookfield Inc. est une filiale à part entière ou simplement une division de Brookfield Property Management?

M. St-Onge : Je vous enverrai des renseignements sur notre structure organisationnelle. Nous faisons partie d'un holding, la Brookfield Asset Management, dont dépendent plusieurs sociétés. Il y a quelque temps, Brookfield était le nom de la société immobilière. Nous portions nous-mêmes le nom de Brascan, à cause de l'association entre le Brésil et le Canada. Dans les années 1890, un groupe de riches Canadiens avait investi dans différents secteurs de ressources du Brésil, comme les transports, la transmission, les chemins de fer et diverses autres affaires. L'entreprise a porté le nom de Brascan pendant plusieurs décennies. Comme nous voulions avoir un nom commun, toutes les sociétés du groupe ont pris le nom de Brookfield il y a trois ou quatre ans.

L'entreprise existe depuis une centaine d'années. Quelques-unes de nos centrales, comme celle de Masson, tout près d'ici, remontent aux années 1930.

J'aimerais vous inviter à venir visiter cette centrale hydroélectrique de 100 mégawatts. Vous pourriez également visiter notre parquet de Gatineau, si vous le souhaitez. Nous avons un effectif de plus de 200 personnes à Gatineau.

Le président : Que faites-vous exactement à Gatineau?

M. St-Onge : Nous y avons un parquet de vente et un centre de contrôle des opérations. Le siège social du groupe opérationnel canadien se trouve à Gatineau. C'est à partir de là que nous contrôlons à distance tous les biens que nous possédons au Canada.

Le président : Vendez-vous des mégawatts?

M. St-Onge : Nous ne faisons pas de la spéculation sur l'électricité. Brookfield est une entreprise très conservatrice. Nous essayons d'optimiser les recettes des centrales que nous possédons. Nous avons à Gatineau un important parquet de vente qui essaie de placer la production de nos centrales nord-américaines. Si vous souhaitez faire une visite, nous nous ferons un plaisir de vous accueillir.

Le président : Vous êtes très aimable. Nous allons peut-être vous surprendre.

M. St-Onge : Je savais quel risque je prenais en vous invitant. Nous pouvons combiner les deux visites — le parquet de vente de Gatineau et la centrale hydroélectrique de Masson — si cela vous intéresse, monsieur le président et membres du comité.

Le président : Monsieur Irving, je vous remercie non seulement d'avoir comparu devant le comité, mais aussi pour le travail préliminaire que vous avez fait en prenant contact avec nous, en nous donnant de l'information bien avant cette réunion et en invitant un éminent membre de votre association venant de Brookfield.

[Français]

Monsieur St-Onge, merci d'avoir été des nôtres ce soir.

[Traduction]

Je voudrais conclure en rappelant aux sénateurs qui doivent participer, jeudi à 7 h 30, à la visite sur le terrain qui remplacera notre réunion qu'un autobus viendra nous chercher à 7 h 15 à l'édifice du Centre, devant l'entrée du Sénat. Nous irons à Chalk River visiter le réacteur NRU pour nous faire une idée de la production d'isotopes et du fonctionnement du réacteur nucléaire remis en état. Nous espérons que cela nous aidera à mieux nous familiariser avec le secteur de l'énergie.

S'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier tout le monde et mettre fin à cette réunion.

(La séance est levée.)


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