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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 14 - Témoignages du 23 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 23 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 17 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance ordinaire du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, afin que nous poursuivions notre étude du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement. Bien entendu, les énergies de remplacement seront au cœur de la discussion ce soir.

Je souhaite la bienvenue aux gens ici présents et à notre témoin, Sean Whittaker, mais aussi à nos auditeurs du réseau CPAC, de la webémission et de notre site Internet, qui a été créé le mois dernier aux fins particulières de notre étude sur l'énergie. J'aimerais rappeler à tout le monde que l'adresse du site Internet est : www.canadianenergyfuture.ca.

Je m'appelle David Angus. Je suis un sénateur de Montréal, au Québec, et je préside le comité. Le sénateur Mitchell, le vice-président, est un sénateur d'Edmonton, en Alberta. Marc LeBlanc et Sam Banks, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, se trouvent à sa droite. Le sénateur Robert Peterson vient de la Saskatchewan. Le sénateur Tommy Banks vient de l'Alberta. Le sénateur Judith Seidman vient de Montréal, au Québec, et le sénateur Linda Frum vient de Toronto, en Ontario. Se trouvent à ma gauche notre merveilleuse greffière, Lynn Gordon, d'Ottawa, et le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique, et ex-ministre de l'Énergie et de toutes les questions en matière de ressources naturelles en Colombie-Britannique. Le sénateur Paul Massicotte, du Québec, et le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, se trouvent à sa gauche.

Monsieur, nous avons accueilli ici quelques témoins qui nous ont parlé de l'énergie marémotrice, mais, à part cela, je crois que les témoignages que nous avons entendus provenaient surtout de représentants de sources d'énergie classique. Nous avons entendu parler d'énergie nucléaire. Je crois que l'on pourrait dire que cette énergie est classique, dans la mesure où 15 p. 100 de l'électricité au Canada est générée par l'énergie nucléaire, et cette proportion est de 55,7 p. 100 en Ontario. C'est une proportion considérable. Nous avons entendu parler d'énergie hydroélectrique, de pétrole et du gaz, du charbon et de tout cela.

Nous sommes heureux, monsieur, que vous ayez pu vous joindre à nous ce soir. J'aimerais expliquer à tout le monde que Sean Whittaker est ingénieur professionnel et vice-président des politiques de l'Association canadienne de l'énergie éolienne, CanWEA, association industrielle sans but lucratif qui est en faveur du développement approprié de l'énergie éolienne au Canada et qui s'est fixé pour but de faire passer l'approvisionnement en énergie éolienne à 20 p. 100 de la demande canadienne d'électricité d'ici 2025.

J'ai tenu un bref entretien avec M. Whittaker avant la séance, et il est bien au courant de ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant. Je crois qu'il a vu notre rapport préliminaire intitulé Attention Canada! En route vers notre avenir énergétique. Nous tentons d'amorcer le dialogue. Nous essayons d'encourager les Canadiens à se parler, à apprivoiser le fait que l'explosion démographique pose problème et à regarder en avant.

Les Canadiens sont de grands consommateurs d'énergie, à l'instar de bien d'autres gens dans le monde. Nous devons résoudre les problèmes, et nous devons garder l'œil sur les répercussions des changements climatiques et du réchauffement de la planète ainsi que sur le besoin, en contrepartie, de maintenir la prospérité économique du Canada.

Nous avons entendu dire que, comme le Canada est si vaste et contient des ressources naturelles si fantastiques — sans dire que le vent n'est pas une ressource naturelle —, l'énergie éolienne est trop dispendieuse pour qu'on l'envisage. J'ai montré au témoin un article que j'ai vu ce matin et je lui ai demandé ses commentaires, car il n'approuvera pas nécessairement tout son contenu. Je sais qu'il a préparé un exposé, et je le remercie de nous en avoir fourni une copie. Nous vous écoutons.

Sean Whittaker, vice-président, Politiques, Association canadienne de l'énergie éolienne (CanWEA) : Merci beaucoup. Merci de m'avoir donné la possibilité de venir présenter un exposé sur l'évolution de l'industrie éolienne jusqu'à ce jour et sur ses perspectives d'avenir. J'ai une présentation PowerPoint que, si je ne m'abuse, la plupart d'entre vous ont entre les mains. À mesure que je parcourrai la présentation, si vous aimeriez que j'éclaircisse un point, je vous invite à intervenir. Nous pouvons aussi attendre à la fin, puis passer à une série de questions libres.

[Français]

Si vous voulez poser des questions en français, il me fera plaisir de répondre à ces questions en français aussi.

[Traduction]

La présentation PowerPoint devrait durer environ 20 minutes, puis nous pourrons passer aux questions.

J'aimerais parler un peu de la nature de notre association et des intérêts que nous défendons. Ce faisant, je commencerai par brosser le portrait d'ensemble pour ensuite l'approfondir, puis je parlerai des tendances mondiales en matière d'énergie éolienne, lesquelles sont observables au Canada aujourd'hui. Ensuite, je me tournerai vers l'avenir; tout d'abord, dans cinq ans, ensuite, à plus long terme, après 2015, puis j'aborderai certains des principaux défis que nous devrons affronter plus tard.

La présentation contient certaines des solutions et certains des obstacles ou défis clés à l'égard desquels nous avons besoin de l'aide ou du soutien du Sénat pour faire face à l'avenir.

Si vous regardez la page qui parle de CanWEA, vous pourrez voir que nous sommes une association sans but lucratif dont le siège est situé à Ottawa. Nous représentons quiconque a quelque chose à voir avec l'énergie éolienne au Canada. Nos membres sont nombreux. Il y a 10 ans, l'industrie éolienne était composée de quelques promoteurs et de quelques fabricants, tandis que maintenant, elle rassemble un groupe diversifié. Nous représentons tout le monde — les fabricants, tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement et de la chaîne de valeur, les promoteurs, les consultants, les groupes de recherche et développement, les universités et j'en passe. L'association est un regroupement d'envergure.

Le président : Comment en êtes-vous venus à représenter tous ces gens? Avez-vous constitué l'association, ou est-ce quelqu'un d'autre? Vous verse-t-on des cotisations? Est-ce ainsi que vous financez vos activités?

M. Whittaker : Nous sommes financés exclusivement par nos membres. Tout notre soutien vient des conférences et des membres. L'association existe depuis environ 26 ans. C'était un organisme modeste jusqu'à il y a environ 10 ans, et, à partir de ce moment-là, il a rapidement pris de l'expansion. Maintenant, nous comptons plus de 450 membres. Nous l'avons bâtie ainsi, mais, essentiellement, cela témoigne de l'essor spectaculaire que nous avons observé et du grand intérêt manifesté pour l'énergie éolienne ces dernières années.

En termes simples, nous avons pour mission de promouvoir la croissance responsable et viable de l'industrie éolienne au Canada. Cette distinction est importante. Nous comprenons, vu la percée actuelle de l'énergie éolienne, que la meilleure façon de nous assurer qu'il y aura des projets demain consiste à veiller à la qualité des projets d'aujourd'hui. Une grande partie de nos activités touchent les pratiques exemplaires et consiste à veiller à ce que les turbines soient installées aux bons endroits, selon les pratiques exemplaires sur le plan de l'installation et de l'engagement communautaires, afin de frayer la voie à une industrie durable.

L'adresse de notre site Internet figure aussi sur la diapositive, et je vous invite à le visiter. Si vous avez une question au sujet de l'énergie éolienne pour laquelle vous ne trouvez pas de réponse sur le site, alors je vous féliciterai personnellement et je vous donnerai un prix. Le site Internet est exhaustif et permettra de répondre à toutes vos questions.

Sur la prochaine diapositive, nous pourrons avoir un aperçu de la situation mondiale de l'énergie éolienne aujourd'hui. Je suis certain que la plupart d'entre vous ont, d'une façon ou d'une autre, pris connaissance d'enjeux touchant l'énergie éolienne. C'est un sujet qui a attiré beaucoup d'attention. La raison pour laquelle il en est ainsi tient surtout à la croissance exponentielle de l'industrie depuis les 10 dernières années. Le graphique donne un aperçu de cette croissance. L'industrie a pris de l'expansion à raison de 29 p. 100 par année en moyenne. La filière éolienne mondiale possède actuellement une capacité de production de presque 160 000 mégawatts.

Quant à la croissance actuelle, l'année dernière, la Chine affichait pour la première fois la plus importante croissance au monde de la puissance éolienne installée dans un pays. La Chine installe beaucoup de centrales éoliennes rapidement, et elle a récemment devancé les États-Unis au chapitre de l'installation annuelle d'éoliennes.

Sur la prochaine diapositive, on peut voir que 2009 était une année record pour l'énergie éolienne. Une capacité de production d'énergie éolienne de 38 000 mégawatts a été installée cette année-là seulement, ce qui représente un investissement d'environ 63 milliards de dollars. L'année dernière, 2009, était aussi une année remarquable du fait que c'était la première année que l'énergie éolienne représentait la première source de nouvelle énergie dans l'Union européenne et aux États-Unis. Plus d'éoliennes que n'importe quel autre type de centrale ont été installées en Europe et aux États-Unis — plus que le gaz, le nucléaire, l'énergie hydroélectrique et toute autre filière classique.

Même si l'énergie éolienne est relativement nouvelle pour le Canada, nombre de pays l'utilisent depuis longtemps. Bon nombre de pays nous devancent considérablement. À l'heure actuelle, au Danemark, l'énergie éolienne compte pour 20 p. 100 de toute l'électricité générée annuellement. En Espagne, cette proportion est de 13 p. 100 au Portugal, de 12 p. 100, et l'Irlande, l'Allemagne et la Grèce arrivent derrière. Le Canada est quelque part dans le bas de la liste.

À certains moments, au Danemark, l'énergie éolienne comble la totalité des besoins en électricité. Récemment, en octobre, nous avons observé un nouveau record en Ontario au chapitre de l'énergie éolienne. La Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité a signalé que l'énergie éolienne comptait pour une bonne portion de l'apport en électricité de la province ce jour-là. Même si la capacité de production était limitée, il y a eu une tempête de vent, et toutes les centrales produisaient à plein régime. C'était un grand jour pour l'énergie éolienne, alors c'est quelque chose qui peut arriver ici aussi.

Le président : Monsieur Whittaker, vous avez mentionné à quel point la Chine était active au chapitre de l'énergie éolienne. Dans la liste de pays, lorsque vous parlez des pourcentages, la Chine n'est pas là.

M. Whittaker : C'est le pourcentage d'énergie éolienne relativement à l'ensemble de la production d'électricité qui est représenté ici. La Chine est un nouveau joueur, mais on y installe beaucoup d'unités de production rapidement. Si on regarde l'ensemble de sa production d'électricité, l'énergie éolienne n'est pas très importante. On prévoit qu'elle deviendra une source importante parce que la demande d'électricité en Chine est si forte. L'énergie éolienne gagne peu à peu du terrain, mais le pourcentage demeure relativement faible.

M. Whittaker : La prochaine diapositive donne un aperçu de la situation actuelle au Canada. En 2009, les nouvelles installations offraient une capacité supplémentaire record de 950 mégawatts, et 2009 était aussi la première année où des éoliennes tournaient dans chaque province du Canada, grâce au projet de Bear Mountain, dans la circonscription du sénateur Neufeld. Ce sont les premières éoliennes installées en Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, c'est l'Ontario qui domine, suivi de très près par l'Alberta et le Québec, qui se disputent la deuxième place au chapitre de la capacité de production totale installée.

La capacité de production actuelle du Canada est de 3 549 mégawatts, et on prévoit que, d'ici la fin de l'année, elle augmentera tout juste au-dessus de 4 000 mégawatts. Histoire de mettre ce chiffre en perspective, les turbines génèrent assez d'électricité pour combler les besoins de 1,4 million de ménages au Canada, ce qui représente environ 1,7 p. 100 de la demande totale du Canada en électricité. Il ne s'agit plus d'une ressource marginale.

La prochaine diapositive porte sur la croissance sur le plan de l'énergie éolienne au Canada. De 2005 à 2010, la croissance annuelle de l'énergie éolienne se chiffrait en moyenne à 46 p. 100. Vous remarquerez que les tendances mondiales au chapitre de la puissance éolienne installée se manifestent aussi au Canada.

Voilà la situation actuelle. Nous avons le vent dans les voiles, et, au cours des cinq prochaines années, cette tendance va certainement se maintenir. Nous prévoyons que, d'ici 2015, la production d'énergie éolienne poursuivra sa croissance robuste à l'échelle du pays. L'année 2011 sera une année record pour l'industrie, car on compte installer une capacité de plus de 1 000 mégawatts.

Pour vous donner un peu de contexte, en moyenne, une éolienne produit environ deux mégawatts. L'éolienne coûtera en moyenne cinq ou six millions de dollars et produira assez d'électricité pour alimenter 600 ménages.

Compte tenu de tous les contrats conclus visant une nouvelle capacité de production éolienne dans diverses provinces, à l'heure actuelle, on prévoit installer une puissance d'environ 5 000 mégawatts d'ici 2015. Du reste, il est probable que de nouveaux contrats soient conclus en Saskatchewan, en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard.

Cela signifie que, si nous interrompons toute démarche d'approvisionnement en cours et attendons l'installation de la puissance éolienne prévue par contrat, notre capacité de production augmentera pour atteindre environ 12 000 mégawatts d'ici 2015. À ce moment-là, l'énergie éolienne comblera environ 5 p. 100 de la demande canadienne en électricité. Histoire de mettre cette proportion en perspective, la production classique d'électricité au moyen de centrales au gaz naturel représente 5 p. 100. Dans cinq ans, l'énergie éolienne se trouvera au même niveau que le gaz naturel aujourd'hui.

Le président : Vous avez parlé de la production d'environ 3 549 mégawatts d'ici la fin de l'année, et vous prévoyez l'installation d'une capacité supplémentaire de 1 000 mégawatts en 2011. La « capacité installée » signifie-t-elle que le vent doit souffler et que chacune des hélices de ces éoliennes doit tourner à plein régime?

M. Whittaker : C'est une bonne question. En général, lorsqu'on dit qu'une capacité de production d'énergie éolienne de 1 000 mégawatts tourne à plein régime, 1 000 mégawatts d'électricité sont produits. Toutefois, les installations n'en produisent pas toujours autant. Par exemple, une voiture peut rouler à 150 km/heure, mais nous ne conduisons pas toujours aussi vite. Le taux moyen correspond au « facteur de capacité ». Nous prenons le rendement moyen sur un an, qui équivaut à environ 35 p. 100 pour l'énergie éolienne. Le plus élevé est d'environ 42 p. 100. Certains parcs éoliens à l'Île-du-Prince-Édouard possèdent un tel facteur de capacité. En général, on parle d'une moyenne de 35 p. 100. C'est la même chose pour toutes les technologies. Une centrale hydroélectrique ne produit pas toujours à pleine capacité. La production est moindre et elle varie. Dans le cas de l'hydroélectricité, le facteur de capacité tourne autour de 80 p. 100. La quantité d'électricité totale produite par le système correspond à ce qu'on obtient au bout.

Le sénateur Massicotte : Pour récapituler, le facteur de capacité pour 1 000 mégawatts est de 35 p. 100. Combien de ménages peut-on alimenter ainsi?

M. Whittaker : Un mégawatt alimente environ 300 ménages.

Le sénateur Massicotte : Et combien ça coûte?

M. Whittaker : Les éoliennes qui produisent un mégawatt sont rares. Le coût est d'environ 2,8 millions de dollars pour un mégawatt dans le cas d'une éolienne qui produit l'électricité nécessaire à 300 ménages.

Le sénateur Massicotte : C'est pour un mégawatt?

M. Whittaker : Oui.

Le sénateur Banks : Quelle est la relation entre la production réelle et la capacité? Je pose cette question parce que la réponse, bien qu'elle semble si évidente, ne l'est peut-être pas. Dans le cas de l'hydroélectricité, lorsqu'une centrale est exploitée à 80 p. 100 de sa capacité, c'est parce que quelqu'un en a décidé ainsi.

M. Whittaker : Non, il faut tout démonter pour l'entretien. Il y a des moments où les centrales hydroélectriques se trouvent dans des situations de sécheresse ou d'étiage, alors ils réduisent le facteur de capacité. Ils le font aussi en cas d'offre excédentaire. Les raisons sont nombreuses, mais, en général, un taux de 80 p. 100 est une bonne estimation lorsqu'il s'agit de calculer l'électricité produite en fonction de la capacité installée.

Le sénateur Banks : J'espère que vous saurez me contredire. Dans le cas de l'hydroélectricité, que la centrale ait interrompu ses activités ou qu'il y ait offre excédentaire, quelqu'un a décidé de faire passer la capacité de 100 p. 100 à 80 p. 100.

M. Whittaker : Un certain nombre de facteurs ont pu intervenir. Ils peuvent avoir décidé d'interrompre les activités aux fins de l'entretien, mais il arrive aussi que l'eau vienne à manquer. Durant les périodes de sécheresse, la centrale ne peut pas fonctionner à plein régime.

Le sénateur Neufeld : C'est aussi quelque chose qui arrive lorsqu'on produit de l'énergie éolienne. Les éoliennes ne peuvent pas non plus toujours tourner à plein régime, alors cette capacité est également réduite. La différence tient au fait que, dans le cas de l'hydroélectricité, il y a un appel de puissance de base — si on en a besoin, on peut l'obtenir. Il en va de même pour l'énergie nucléaire, le charbon ou le gaz naturel, à moins que quelqu'un coupe l'approvisionnement en amont.

Le sénateur Banks : C'est là où je voulais en venir.

Le président : Je n'ai rien contre les demandes de précision en cours de route, mais laissons M. Whittaker terminer son exposé.

M. Whittaker : La prochaine diapositive porte sur la situation après 2015 et expose l'état des choses jusqu'à ce moment-là. Beaucoup de contrats sont en place. Nous allons atteindre la barre des 2 000 mégawatts même si aucun nouveau contrat n'est conclu. La situation après 2015 est un peu effrayante, en toute franchise. Il y a beaucoup d'incertitude quant à l'avenir. La seule province à avoir planifié au-delà de 2015 est la Nouvelle-Écosse. En fait, je devrais apporter une petite précision : depuis quelques heures, l'Ontario est aussi du nombre, car elle a publié sa stratégie énergétique à long terme qui laisse entrevoir où se trouvera l'énergie éolienne après 2015. C'est seulement la deuxième province à publier une stratégie. Cette incertitude constitue un énorme défi.

La situation pourrait changer pour les promoteurs de l'énergie éolienne dans ces provinces. Après 2015, si nous regardons les différentes provinces, rien ne donne à penser qu'on est intéressé à construire de nouvelles installations. Les promoteurs estiment que la situation est incertaine pour eux. Alors, lorsqu'ils songent à faire des investissements, ils sont un peu nerveux. Il en va de même pour les fabricants. Les fabricants commencent à venir au pays, et ils doivent prendre d'importantes décisions d'investissement pour qu'une usine fabrique des pales, des nacelles, des tours ou de l'équipement électronique de puissance. Pour prendre cette décision, ils doivent croire qu'il continuera à y avoir une demande en énergie éolienne, et, à l'heure actuelle, ils n'en sont pas convaincus. La situation est incertaine.

On prévoit que, d'ici 2020, l'investissement mondial en énergie éolienne se chiffrera à environ un billion de dollars. La question qui s'impose est la suivante : quelle proportion de ce montant sera investie ici. Regardez les endroits qui ont émis un signal à long terme. Les États-Unis l'ont fait, et la plupart des pays de l'Union européenne ont également fixé des cibles. L'enjeu est crucial pour nous. Je sais que l'intérêt du comité à regarder les stratégies énergétiques à long terme et la place que devrait avoir l'énergie éolienne et d'autres sources énergétiques est louable. Je vais revenir sur cette question plus tard, mais ce signal à long terme est essentiel si nous voulons attirer des investissements à long terme dans l'emploi et l'infrastructure au Canada.

Allons à la prochaine diapositive. Il y a deux ans, l'industrie a pris du recul et s'est penchée sur l'avenir de l'énergie éolienne. Pourquoi se donner du mal à tenter d'exploiter l'énergie éolienne à long terme? Nous avons créé quelque chose que nous appelons 2025 La force du vent. Il s'agit d'une vision de l'avenir où l'énergie éolienne comblera 20 p. 100 de toute la demande canadienne en électricité d'ici 2025.

À notre avis, les raisons de vouloir réaliser cette vision sont nombreuses. Nous possédons une ressource éolienne incroyable. En observant une carte des vents du Canada, nous pouvons clairement constater que nous possédons ce que beaucoup considèrent comme l'une des meilleures ressources éoliennes au monde. Or, nous avons une base hydroélectrique énorme. S'il y a un mariage parfait, c'est bien celui de l'énergie éolienne et de l'hydroélectricité. Elles s'aiment. Elles se complètent bien. De nombreux chefs de file mondiaux ont réussi à exploiter cette synergie. Notre potentiel d'exportation d'énergie verte est fantastique. Nos voisins du sud sont extrêmement friands d'électricité — et d'électricité verte. Nous avons des ressources énormes, alors il reste seulement à les relier. Nous possédons une assise manufacturière solide sur laquelle nous pourrons construire cette industrie.

Quant aux retombées, à quoi ressemblerait l'industrie éolienne si on comblait 20 p. 100 de la demande en électricité au moyen de l'énergie éolienne? Nous parlons d'une puissance éolienne installée d'environ 55 000 mégawatts. Nous parlons d'un investissement direct d'au moins 80 milliards de dollars au Canada. Nous parlons de la création d'environ 52 000 nouveaux emplois directs grâce à l'énergie éolienne. Nous parlons de réductions annuelles des émissions de gaz à effet de serre d'environ 17 mégatonnes de CO2.

Pour vous donner une idée de ce que cela représente, si nous prenions une capacité de production de 55 000 mégawatts — en espaçant bien les éoliennes pour s'assurer qu'elles ne se font pas obstacle —, toutes ces éoliennes, offrant le cinquième de l'électricité au Canada, occuperaient le cinq millième de notre masse terrestre. Cela équivaudrait plus ou moins à dire que l'Île-du-Prince-Édouard produirait le cinquième de toute l'électricité du Canada. Il ne nous faut pas beaucoup d'éoliennes pour obtenir des résultats phénoménaux.

Nous voyons une excellente raison d'aller de l'avant, mais, de toute évidence, il nous faudra relever beaucoup de défis d'ici là. La prochaine diapositive traite des principaux défis pour l'industrie, et je vais en mettre quatre en lumière.

Le premier défi tient à un problème de leadership. Nous avons de la difficulté à amener les dirigeants à envisager l'énergie éolienne à grande échelle. À l'échelon fédéral, ce leadership suppose beaucoup de travail dans le but de concevoir une stratégie énergétique fédérale et de renouveler le financement fédéral de l'énergie éolienne pour renforcer notre capacité de soutenir la concurrence à ce chapitre. Comme je l'ai dit, on prévoit un investissement d'un billion de dollars au cours des 10 prochaines années. Quelle proportion nous reviendra? À l'heure actuelle, en Allemagne, 64 000 personnes ont un emploi dans le secteur de la fabrication d'éoliennes.

Le président : Et quel est ce chiffre ici?

M. Whittaker : À peine plus de 7 000 personnes travaillent dans l'industrie de l'énergie éolienne à l'heure actuelle au Canada. En Allemagne, l'industrie éolienne est la deuxième consommatrice d'acier, derrière l'industrie automobile. Cette industrie a pris beaucoup d'expansion là-bas. L'Allemagne a été capable d'attirer cette industrie parce qu'elle a émis un signal à long terme.

C'est une démarche qu'a entreprise l'Ontario, avec sa Loi sur l'énergie verte, et il s'agit simplement de voir grand lorsqu'on pense à l'énergie éolienne. Lorsque les investisseurs se penchent sur le Canada, ils ne regardent pas chaque province individuellement. Ils observent le pays dans son ensemble, et c'est pourquoi il importe que le pouvoir fédéral affirme sa vision pour l'avenir. À l'heure actuelle, on estime que l'exportation de pétrole a une valeur d'environ 60 milliards de dollars, l'exportation annuelle du gaz correspond à environ 30 milliards de dollars et toute l'électricité représente environ trois milliards de dollars. Nous possédons une ressource fantastique, et je crois que nous pouvons la mettre en valeur.

Le deuxième défi est d'ordre financier. Je vais parler du coût de l'énergie éolienne. En général, on a l'impression que, si on arrivait à fixer un prix adéquat pour le carbone, cela suffirait à combler l'écart entre l'énergie éolienne et les autres technologies. Le besoin d'établir une image claire du marché du carbone est criant.

Le président : Si on établissait un prix pour le carbone, d'une façon ou d'une autre, est-ce que cela permettrait de réduire le prix de l'énergie éolienne pour le rendre comparable?

M. Whittaker : Le prix de tout le reste grimperait. À l'heure actuelle, il n'y a pas de réel marché du carbone fonctionnant de façon indépendante en Amérique du Nord.

Le sénateur Massicotte : Cinq dollars, ça ne fonctionne pas.

M. Whittaker : Quinze dollars non plus.

Le sénateur Massicotte : Cent dollars, ça devra bien fonctionner, non? Quel est le montant?

M. Whittaker : Si l'on prend le programme écoÉNERGIE pour l'électricité renouvelable mis en place par le gouvernement, qui cessera d'être financé en 2011, le taux était de 1 ¢ le kilowattheure. Transposé en prix du carbone, il se situerait entre 40 et 50 $ la tonne. Actuellement, à des endroits comme l'Alberta, qui possède un marché du carbone fonctionnel, le prix est limité à, si je ne m'abuse, 15 $ la tonne, et cela ne permet pas de bien combler l'écart. Le prix est assujetti à un plafond. Il n'est pas libre de fluctuer comme il le devrait. Est-ce que cela répond à la question?

Le président : Merci beaucoup.

M. Whittaker : Le gouvernement conservateur a été clair, l'an dernier, quand le programme écoÉNERGIE n'a pas été renouvelé. Le ministre Prentice a dit que la création d'un marché du carbone permettrait de combler le vide laissé par la disparition du programme écoÉNERGIE. Par la même occasion, le ministre a aussi dit que le Canada suivrait l'exemple des États-Unis en matière de création d'un marché du carbone. À l'heure actuelle, il y a de l'incertitude aux États-Unis concernant la création d'un marché du carbone.

Nous pensons que le temps est venu pour le Canada d'offrir une certaine certitude à ce sujet. Nous savons qu'il y a de l'incertitude aux États-Unis, mais nous savons également que l'arrivée du marché du carbone est inévitable. Il fera son apparition dans deux, trois ou cinq ans, mais c'est inévitable. Plus nous pourrons rapidement donner une idée de ce à quoi ressemblera le marché du carbone, plus les investisseurs pourront se manifester et plus nous pourrons leur offrir de la certitude.

Troisièmement, il y a aussi les défis associés au réseau. Bon nombre des aspects que j'ai mentionnés ne concernent pas seulement l'énergie éolienne. L'énergie éolienne connaît une croissance plus rapide que d'autres sources de production d'énergie, ce qui fait que l'industrie se heurte plus rapidement à ces défis que nombre des autres technologies de production. Il y a toutefois un enjeu commun à toutes les filières. S'il y avait, ici, des représentants de l'industrie nucléaire, de l'industrie de l'hydroélectricité ou de l'industrie du gaz naturel, nous dirions tous la même chose. Il faut de nouveaux investissements dans le réseau. Nous n'avons pas investi de façon convenable dans l'infrastructure du réseau au cours des 20 à 30 dernières années, et nous ne pouvons tout simplement pas continuer à utiliser le réseau sous sa forme actuelle. Il faut absolument le mettre à niveau.

Le quatrième problème concerne l'acceptabilité sociale, et c'est un problème auquel nous sommes confrontés depuis que l'énergie éolienne est devenue un enjeu sur la place publique. Elle a été l'objet de beaucoup d'attention et, bien honnêtement, d'une certaine opposition.

Le président : Il y a deux semaines, j'ai découpé dans l'un des journaux nationaux un article de fond où il était écrit que l'énergie éolienne est la nouvelle énergie nucléaire. Est-ce que le syndrome « pas dans ma cour » entre un peu en jeu? Est-ce que c'est ce que voulez dire?

M. Whittaker : L'énergie éolienne a reçu beaucoup d'attention. Comme toute chose qui sort de l'ombre, elle a reçu beaucoup d'attention, tant positive que négative. Nous avons fait des enquêtes, comme l'ont aussi fait des groupes indépendants, pour savoir comment les gens percevaient l'énergie éolienne, et les résultats ont été extrêmement positifs. Un récent sondage effectué en Ontario a révélé que 87 p. 100 des Ontariens souhaitaient que la province développe davantage l'énergie éolienne.

Le président : À condition qu'il n'y ait pas d'énormes éoliennes devant chez eux.

M. Whittaker : L'un des éléments intéressants que le sondage a révélés, c'est que, plus les gens vivent à proximité d'un parc éolien, plus ils approuvent l'énergie éolienne. Dans le district municipal de Pincher Creek, on estime que les comptes de taxes des résidents seraient aujourd'hui deux fois plus élevés s'il n'y avait pas de parcs éoliens dans la région. Des endroits comme Wolfe Island tirent un revenu de l'énergie éolienne. Dans certains cas, les revenus annuels ont doublé. Ces sommes ont aidé certaines municipalités à construire des centres communautaires, des patinoires de hockey, des cliniques et d'autres installations qu'on ne trouvait pas auparavant dans ces municipalités.

Bien honnêtement, nos meilleurs alliés sont les collectivités où se trouvent déjà des éoliennes. Bon nombre de régions rurales appuient fermement l'énergie éolienne. Dans bien des cas, les régions rurales subissent un ralentissement économique à cause du déclin du secteur de l'exploitation des ressources naturelles, et l'énergie éolienne leur offre toutes sortes d'avantages, comme des revenus découlant de l'impôt foncier ou des redevances directes. C'est assez ironique, mais l'énergie éolienne est mieux acceptée là où on produit déjà de l'énergie à l'aide du vent.

Du point de vue de l'industrie éolienne, il faut dire que nous avons une véritable responsabilité. J'ai dit, au départ, que nous avions la responsabilité de développer l'énergie éolienne de façon durable. Or, une grande part de ce mandat consiste à mobiliser adéquatement les collectivités. On parle souvent, chez les promoteurs, des cinq C de la promotion d'un projet : la communication, la communication, la communication, la construction et la communication. S'ils laissent de côté un seul de ces C, tout peut s'écrouler. Si les collectivités n'acceptent pas un projet éolien, le promoteur va en baver. Il faut donc répondre ouvertement aux questions, comprendre les préoccupations d'une collectivité et agir en bon voisin dans cette collectivité. Quand les promoteurs d'un projet agissent ainsi, ils sont accueillis à bras ouverts.

À Baie-des-Sables, dans la péninsule gaspésienne, vous pourrez trouver un groupe de gens formidablement heureux de la présence du parc éolien le long de la route vers Matane. On y trouve une usine de fabrication de tours et d'assemblage de cellules. Des jeunes qui étaient retournés en Gaspésie étaient, depuis plusieurs années, incapables de trouver un bon emploi, mais, maintenant, ils peuvent trouver du travail grâce à l'industrie éolienne. La valeur des propriétés et le prix des maisons ont augmenté dans la péninsule gaspésienne et dans les autres régions où l'énergie éolienne est en expansion.

Il y a de nombreuses histoires heureuses à raconter, et elles ont toutes en commun de bonnes relations avec la collectivité. Il ne faut jamais tenir l'appui de la collectivité pour acquis. Nous ne pouvons pas arriver dans une collectivité, installer les éoliennes et nous attendre à ce que tout le monde soit content. Il faut répondre aux questions, et c'est ce que nous essayons de faire.

C'est un grand défi à relever.

Le président : Votre association joue un rôle important au chapitre des communications.

M. Whittaker : Tout à fait. Dans les semaines qui viennent, nous rendrons public un document sur les pratiques exemplaires en matière de communication communautaire. C'est un document très important qui décrit les pratiques à respecter si l'on veut approcher adéquatement une collectivité et comprendre les sujets qui la touchent. Il contient des conseils à l'intention de nos propres promoteurs.

Comme je l'ai dit plus tôt, la meilleure façon de garantir des projets pour l'avenir, c'est de s'assurer que nos projets actuels sont convenables. Nous travaillons activement pour que les projets actuels soient convenables, et cela commence toujours par une conne communication. D'une certaine façon, nous nous considérons presque comme les coordonnateurs de l'industrie, d'abord et avant tout.

Le président : Pour revenir un peu sur qui vous êtes, combien êtes-vous au bureau d'Ottawa? Quel est votre budget annuel?

M. Whittaker : Notre association compte 24 employés à l'échelle du pays. À Ottawa, nous sommes 15 ou 16. Notre association repose sur la Constitution, selon laquelle l'énergie relève principalement des provinces. Nous essayons donc de décentraliser nos activités, et nous avons des bureaux dans diverses provinces afin de faire la promotion de l'énergie éolienne dans chacune d'entre elles. Notre budget annuel atteint environ 5,5 millions de dollars.

Le président : Merci.

M. Whittaker : La prochaine diapositive traite de certains mythes au sujet de l'énergie éolienne. Je vais aborder deux d'entre eux. J'ai lu votre rapport intitulé Attention Canada! En route vers notre avenir énergétique, et je l'ai trouvé formidable, parce qu'il est rare de trouver un document qui aborde la question de l'énergie de façon aussi approfondie. Je remercie le comité de l'avoir rédigé et rendu public, car il apporte des éléments pertinents au débat. Il y a une phrase que j'ai remarquée et que j'aimerais vous citer :

À l'occasion, la puissance de sortie peut varier fortement et être difficile à prévoir, ce qui rend difficile le maintien de la stabilité du réseau électrique.

Cette phrase traite d'un des mythes les plus tenaces à propos de l'énergie éolienne, celui qui veut qu'elle soit peu fiable et intermittente. Nous savons, d'expérience — de la bouche non pas de promoteurs de l'industrie éolienne, mais de services publics dont le réseau utilise beaucoup d'énergie éolienne —, que c'est faux. Ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'aux fins des projections, la variabilité du vent est grandement compensée par la répartition géographique. Qu'est-ce que cela veut dire? Nous pouvons avoir une éolienne à Ottawa qui tourne très vite et produit beaucoup d'énergie parce qu'il y a beaucoup de vent, tandis que, pendant ce temps, à Thunder Bay, il y a peu de vent pour faire tourner l'éolienne. Cependant, le vent n'arrête pas de souffler partout en même temps, et l'éolienne de Thunder Bay pourrait tourner plus rapidement quand celle d'Ottawa ralentira. Si nous répartissons suffisamment d'éoliennes sur un territoire assez vaste, nous constatons qu'un très bon équilibre se crée. Les services publics et les exploitants, des personnes sérieuses dont la responsabilité consiste à assurer la bonne marche des installations, ont constaté que la variabilité du rendement d'une foule d'éoliennes réparties sur un grand territoire peut être inférieure à la variabilité qui nous est attribuable quand nous allumons et éteignons tous nos appareils électriques.

Il y a un autre secteur qui a fait du chemin au cours des dernières années, et c'est celui des prévisions. En effet, notre capacité à prévoir les vents s'est améliorée de façon remarquable. La science des prévisions est impressionnante. Il y a des entreprises de prévision qui, à l'aide de superordinateurs, offrent aux services publics qui exploitent l'énergie éolienne des services de prévision pour leur dire quelle sera la part de l'énergie éolienne dans leur réseau à tout moment. Ces entreprises sont maintenant capables de faire des prévisions pour une période de 24 heures.

La variabilité est donc compensée en grande partie par le fait que ces entreprises sont capables de prédire cette variabilité plusieurs heures à l'avance. Pour les opérateurs du réseau, la variabilité fait partie du quotidien. Il n'y a pas plus variable que les êtres humains, puisque nous allumons et éteignons sans arrêt des appareils et que les opérateurs du réseau doivent suivre les tendances. Ils sont aussi habitués à suivre l'offre, ce qui n'est pas bien difficile. Nous avons constaté que les services publics dont le réseau utilise beaucoup l'énergie éolienne peuvent tirer jusqu'à environ 20 p. 100 de leur énergie du vent, sans que cela n'entraîne des répercussions importantes sur le fonctionnement de leur réseau. C'est remarquable. Il y a quelques années, on pensait que, si on utilisait un tout petit peu d'énergie éolienne, les lumières allaient s'éteindre et tout allait s'écrouler. Les services publics qui ont beaucoup d'expérience à ce chapitre ont constaté que ce n'est pas vrai.

J'ai apporté une publication avec moi aujourd'hui. Si vous êtes, comme moi, un ingénieur et que ces choses vous passionnent, vous la trouverez intéressante. Elle a été préparée par l'Institute of Electrical and Electronics Engineers, l'IEEE, une association professionnelle très sérieuse.

Le président : Comment s'intitule-t-elle?

M. Whittaker : Il s'agit de l'IEEE Power & Energy Magazine. Ils ont publié en décembre 2009 un numéro spécial sur l'intégration de l'énergie éolienne, et on y parle de l'expérience des services publics en ce qui concerne l'intégration de cette forme d'énergie. Ce groupe n'a rien à voir avec nous, mais les auteurs ont constaté que l'énergie éolienne est plus facile à intégrer que ce qu'on croyait initialement. Ils ont aussi constaté que cette intégration coûte moins cher que ce qu'ils pensaient. Si la production d'énergie éolienne coûte 10 ¢ le kilowattheure, il en coûte moins de 1 ¢ le kilowattheure pour venir équilibrer la variabilité de cette source d'énergie.

Je lis parfois dans les journaux que l'énergie éolienne est fantastique, mais qu'elle doit être appuyée à 100 p. 100 par une autre source d'énergie : chaque mégawatt d'énergie éolienne doit être appuyé par un mégawatt d'énergie produite à l'aide du gaz naturel. C'est tout à fait faux. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve à l'appui de cette affirmation. Il est important de dissiper ce mythe.

Le deuxième mythe que nous voulons faire tomber est celui voulant que l'énergie éolienne coûte cher. Je sais que d'autres témoins ont parlé du besoin de réinvestir dans l'infrastructure de l'énergie. Les derniers grands travaux de construction d'installations de production d'énergie au Canada remontent à 1993 en Ontario. La construction d'une quantité appréciable de lignes de transport d'énergie remonte à encore plus loin. Nous devons investir dans de nouvelles installations. Tout le monde vous le dira : que ce soit au sein du secteur de l'énergie éolienne ou d'autres secteurs de l'énergie, les nouvelles installations de production coûtent beaucoup plus cher qu'autrefois. Il est impossible de construire des centrales hydroélectriques au même coût qu'autrefois. Il est impossible de construire une centrale nucléaire au même coût qu'autrefois. Pour ce qui est de la production d'énergie par des centrales à combustibles fossiles, il faut tenir compte de certaines fluctuations des prix. De nouvelles installations de production d'énergie coûteront toujours plus cher qu'autrefois. Nous devons construire de nouvelles infrastructures, installer de nouvelles lignes et construire une infrastructure de distribution et de transport de l'énergie. Tout cela vient entraîner une augmentation du coût de l'électricité. Nous avons assisté à une augmentation des prix, récemment, en Ontario, et celle-ci est surtout attribuable aux investissements que l'on prévoit faire dans l'infrastructure. Ces investissements sont inévitables, que ce soit dans le secteur éolien ou dans un autre secteur.

On construit actuellement des éoliennes — beaucoup d'éoliennes. Or, l'énergie éolienne offre ce que nous appelons une transparence totale des prix. En Ontario, actuellement, des projets éoliens se déroulent en vertu de la Loi sur l'énergie verte à un coût de 13,5 ¢ le kilowattheure, et ce, pour 20 ans. Ce coût ne change pas. Il n'y a pas de coût de déclassement ni de coût associé au traitement des déchets toxiques qui s'y ajoute. Ce montant de 13,5 ¢ inclut tous les coûts. Nous avons constaté la signature de contrats pour de l'énergie éolienne au cours des dernières années. Au Québec, il y a de cela plusieurs années, un contrat avait été conclu à 6,5 ¢ le kilowattheure, et, plus récemment, il y en a eu un à 8,6 ¢ le kilowattheure. C'est un écart important, mais il n'y a aucun coût caché, et il est important de le souligner.

Regardez les coûts de la construction de nouvelles installations. Regardez le Québec et la Colombie-Britannique, qui jouissent de bases hydroélectriques fantastiques, et ils ont pu les bâtir à un coût moins élevé. Au Québec, il y a un bloc d'énergie, qu'on appelle le bloc patrimonial, et cette énergie coûte, je crois, environ 3 ¢ le kilowattheure. À l'époque, ils étaient capables de construire à ce coût. Si l'on regarde les montants qu'il faudrait payer pour construire aujourd'hui de nouvelles installations, on constate qu'ils sont beaucoup plus importants qu'auparavant.

Dans bien des cas, l'énergie éolienne est presque concurrentielle — sur le plan du coût — par rapport à bon nombre des autres sources d'énergie. Comme je l'ai dit, nous pensons que l'écart sur le plan des coûts qui existe entre la production d'énergie éolienne et la production d'énergie classique n'existerait plus si l'on fixait le prix du carbone. Est-ce que l'énergie éolienne coûte cher par rapport aux nouvelles installations des autres filières? Non; elle est concurrentielle sur le plan du coût. Il y a encore un écart entre les coûts, mais nous pourrions le combler si nous fixions le prix du carbone.

Pour conclure, j'aimerais souligner deux choses. D'abord, on ne peut plus dire que l'énergie éolienne est une « solution de rechange ». On pouvait le dire il y a cinq ans, mais aujourd'hui, elle est dans les ligues majeures. Nous avons assisté à une croissance extrêmement rapide de l'énergie éolienne au Canada, et nous pensons que nous n'avons fait qu'effleurer la surface des possibilités. L'énergie éolienne offre des possibilités infinies au Canada. Au cours des cinq prochaines années, les nouvelles installations permettront de produire en moyenne 1 600 mégawatts, en plus d'entraîner des occasions incroyables de création d'emplois et d'investissement à l'échelle du Canada. C'est un aspect important : l'énergie éolienne signifie des emplois.

Cette croissance ne se fera toutefois pas toute seule, et nous devons agir dès maintenant si nous voulons profiter pleinement des occasions que nous offre l'énergie éolienne. Tous ces investissements, ces emplois et cette relance économique n'apparaîtront pas par magie. Nous devons agir de façon proactive. Nous pouvons apprendre de l'expérience d'autres pays. L'Espagne a commencé à produire de l'énergie éolienne en 2000, avec à peu près le même potentiel énergétique que nous avons, et l'énergie éolienne compte maintenant pour plus de 10 p. 100 de l'énergie produite dans ce pays. L'Espagne compte quelques-uns des plus importants fabricants d'éoliennes au monde. Le plus important promoteur de projets éoliens se trouve en Espagne, et c'est parce que le pays a vu les choses en grand et a décidé d'aller de l'avant. Il a envoyé un signal à long terme.

Nous croyons que, si nous voulons créer et maintenir un marché stable, nous devons voir les choses en grand. Cette vision doit exister d'abord et avant tout au sein des provinces, mais elle doit aussi être présente à l'échelon fédéral. D'autres témoins ont parlé du rôle du gouvernement fédéral dans le développement de l'énergie éolienne. Nous pensons que son rôle consiste à donner une vue d'ensemble de la situation, et cette vue d'ensemble doit prendre la forme d'une stratégie de l'énergie. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de stratégie de l'énergie éolienne, ni de stratégie énergétique tout court. Si nous voulons savoir quel chemin prendre, c'est par là qu'il faut commencer. Mais si nous ne savons pas quel chemin prendre... Comme on dit, nous ne savons pas où nous allons, nous ne pouvons pas savoir où placer le pied. Nous pensons que l'énergie éolienne peut jouer un rôle essentiel dans une stratégie de l'énergie.

Deux autres éléments importants méritent d'être soulignés : le renouvellement du soutien direct pour l'énergie éolienne et la certitude sur l'évolution du marché du carbone. Il faut aussi, en même temps, établir une base solide pour l'énergie éolienne, et ce, par l'engagement social et l'augmentation des investissements dans la recherche et le développement et dans l'éducation, et par l'augmentation des investissements dans le réseau. Il n'y a pas de solution miracle si l'on veut que l'énergie éolienne connaisse la croissance que nous croyons qu'elle peut connaître au Canada. Cette croissance exigera des efforts concertés, et nous croyons fermement que le gouvernement fédéral a un énorme rôle à jouer dans ces efforts. Nous accueillerons avec plaisir l'aide que le comité pourra nous offrir pour ce qui est d'envoyer le signal à long terme.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Je vous remercie d'avoir présenté cet excellent exposé, riche en réflexions. Vous avez traité le sujet de façon simple, mais détaillée, et c'est remarquable. Je vois mon collègue, à ma droite, le vice-président, qui jubile après avoir entendu tout cela.

Avant de le laisser poser la première question, j'aimerais en poser une moi-même. Vous avez abordé cette question quand vous avez dit que le mariage entre l'énergie éolienne et l'hydroélectricité était un mariage parfait, qu'il y avait entre elles une véritable synergie. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de cette synergie?

M. Whittaker : Ce qui est bien, avec l'hydroélectricité, c'est qu'il est possible de l'exploiter à fond puis d'en ralentir l'exploitation, et cela ne change rien. On n'a qu'à ouvrir ou à fermer les vannes. L'électricité produite à partir d'un barrage peut varier. Ce n'est pas un fonctionnement par étapes. Ce n'est pas tout ou rien; tout est possible.

L'énergie éolienne, pour sa part, varie à court terme, et elle varie d'heure en heure. Si nous apparions l'énergie éolienne et l'énergie hydroélectrique, nous pouvons accélérer et ralentir la production d'hydroélectricité en fonction du vent. Ce qu'on fait, dans bien des cas, c'est qu'on utilise l'hydroélectricité pour venir renforcer l'énergie éolienne et créer de beaux blocs solides d'énergie, éolienne et hydroélectrique, que l'on peut transporter. On profite ainsi des avantages des deux formes d'énergie.

Le président : Est-ce que les installations éoliennes doivent être situées tout près des centrales hydroélectriques?

M. Whittaker : Non. De fait, le Québec a servi en quelque sorte de banc d'essai. Les barrages de la baie James sont bien loin des éoliennes, qui se trouvent actuellement principalement dans la péninsule gaspésienne, mais il est tout à fait possible de trouver l'équilibre entre les deux formes d'énergie, et ce, à court terme.

Il est intéressant de voir qu'on a constaté, au fil du temps, que l'énergie éolienne est moins variable que l'hydroélectricité. À long terme, sur une période de 10 ou 20 ans, on frappe toujours une ou deux périodes de sécheresse avec l'hydroélectricité. Si l'on prend une période de 30 à 40 ans, on frappera des périodes de sécheresse assez importantes. Il n'y a pas de telles périodes de sécheresse avec le vent. Le vent est constant d'une année à l'autre.

Si l'on fait une place à l'énergie éolienne au sein du réseau, celle-ci pourra venir appuyer l'hydroélectricité pendant de longues périodes. C'est pourquoi je dis que c'est un mariage parfait. L'énergie éolienne et l'hydroélectricité sont complémentaires : l'hydroélectricité appuie l'énergie éolienne à court terme, tandis que l'énergie éolienne appuie l'hydroélectricité à long terme.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Whittaker. Le président a raison; c'est un sujet qui me passionne. C'était un excellent exposé. Nous parlons souvent du syndrome « pas dans ma cour », et, dans le cas de l'énergie éolienne, le problème est visuel parce que les éoliennes sont visibles.

Ce dont les gens ne se rendent pas compte, c'est que, chaque jour, peu importe où elles se trouvent, les centrales électriques au charbon sont pratiquement dans la cour de tout le monde, devant chez nous et dans nos poumons, puisqu'elles produisent des émissions de gaz qui créent le smog. Si vous n'avez pas remarqué la présence de ces centrales, regardez dans votre cour par une journée chaude. Il faut bien le dire : tout est une question de perception, et c'est en grande partie ce contre quoi vous luttez : la façon dont les gens perçoivent les choses.

J'aimerais en savoir plus sur cette question du signal à long terme, qui est une solution acceptable pour les initiatives provinciales et fédérales. Quand vous parlez de signal à long terme, voulez-vous dire, plus précisément, qu'il faut que quelqu'un s'engage à subventionner un tarif?

M. Whittaker : En 2001, le gouvernement libéral de l'époque a mis en place une initiative que l'on appelait le Programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne, qui offrait 1 ¢ le kilowattheure. Le gouvernement conservateur ne s'est pas contenté de maintenir les incitatifs dans le cadre de son programme écoÉNERGIE : il a aussi offert des incitatifs pour la production d'électricité allant jusqu'à 4 000 mégawatts. Le programme a été un franc succès. De fait, il a connu un tel succès que tous les fonds ont été distribués plus rapidement que prévu. Le programme n'a pas duré aussi longtemps que le gouvernement l'avait prévu. C'est là un signal très important. On peut dire que les initiatives des gouvernements libéral et conservateur ont fait démarrer l'énergie éolienne à l'échelle du pays parce qu'elles ont convaincu les investisseurs que le gouvernement s'intéressait vraiment à l'énergie éolienne. Ce programme est un exemple positif de ce qui peut être fait. Maintenant, les provinces prennent le relais et fixent leurs propres objectifs. De toute évidence, ce programme peut prendre diverses formes.

Une stratégie nationale de l'énergie éolienne serait une autre façon, pour le pays, de dire qu'il croit en cet investissement et qu'il pense que cela offre d'énormes possibilités. À l'étranger, le Canada est perçu non pas comme 10 provinces et territoires, mais bien comme un pays. Le message qui est transmis aux autres pays, c'est qu'ils peuvent investir massivement au Canada en toute confiance. Oui, le gouvernement fédéral a un rôle énorme à jouer.

Le sénateur Mitchell : Je suis d'accord pour réduire de moitié le prix du carbone. Pour en fixer le prix, pensez-vous qu'il est préférable d'utiliser une taxe ou encore un plafond, ou pensez-vous que cela n'a pas d'importance?

M. Whittaker : Je sais que cette question a été posée à d'autres témoins, et c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Au bout du compte, ce qui importe, c'est d'envoyer le meilleur signal possible.

Actuellement, la tendance est au plafonnement et à l'échange. Les taxes sur le carbone sont essentiellement un autre moyen pour atteindre le même but. D'une certaine façon, la fin justifie les moyens. Il s'agit de trouver la façon la plus efficace de régler la question du prix.

Le sénateur Mitchell : L'argument que l'on entend, c'est que l'énergie éolienne coûte trop cher. Vous avez apporté des arguments convaincants contre celui-ci. Je pose la question, mais c'est pratiquement pour la forme. De véritables entreprises ont investi 63 milliards de dollars dans ce secteur l'an passé, surtout aux États-Unis. De fait, elles emportent avec elles plusieurs de nos entreprises de fabrication, peut-être même un grand nombre. Il y a sûrement des raisons économiques derrière tout ça.

Est-ce que la faiblesse de cet argument, ce n'est pas que, d'une certaine façon, nous pouvons produire de l'énergie à un coût si peu élevé ici que l'énergie éolienne n'est pas compétitive, ou voulez-vous plutôt dire que le coût de construction de nouvelles installations vient essentiellement annuler l'écart?

M. Whittaker : De toute évidence, les ressources du Canada sont incroyables. La capacité de production d'énergie d'un parc éolien à l'Île-du-Prince-Édouard ou en Nouvelle-Écosse dépasse de loin la capacité de production d'un parc éolien au Massachusetts.

Nous avons une meilleure ressource. Nous pouvons recouvrer nos coûts, mais les investissements iront là où il y a de la certitude. L'énergie éolienne demeure compétitive par rapport à d'autres sources d'énergie classiques. Aux États-Unis, on peut investir dans un parc éolien et voir revenir une bonne part de cet investissement grâce à un crédit d'impôt à l'investissement. Cela vient accroître la rentabilité, en plus de faire augmenter de quelques points de pourcentage le rendement du capital investi. C'est bien suffisant pour les inciter à investir aux États-Unis.

En 2009, 41 nouvelles installations de fabrication d'éoliennes sont entrées en fonction aux États-Unis. Cette croissance était, essentiellement, la réponse de l'industrie à un signal selon lequel les États-Unis avaient véritablement des vues sur l'énergie éolienne. C'est ce type de contexte de compétitivité à l'échelle mondiale que nous voulons créer.

Le sénateur Mitchell : Vous pouvez peut-être même nous envoyer une réponse à cette question. Si vous deviez rédiger une stratégie de l'énergie éolienne pour le gouvernement de l'Alberta, quels seraient les éléments de cette stratégie?

Les objectifs pourraient prendre la forme d'un pourcentage de l'énergie totale produite; il pourrait aussi être question d'une forme de mécanisme de tarification du carbone; il pourrait aussi être question de certains types de programmes de crédits d'impôt qui permettraient de rendre l'industrie un peu plus concurrentielle.

Est-ce que des programmes de formation et d'éducation sont nécessaires pour former la main-d'œuvre requise pour appuyer ce type d'industrie et permettre la construction d'installations dans les plus brefs délais?

M. Whittaker : L'Alberta est un exemple un peu particulier parce qu'il s'agit d'un marché entièrement déréglementé. L'énergie éolienne y est en concurrence directe avec toutes les autres technologies. La province est reconnue pour n'avoir aucun attachement à une technologie de production d'énergie en particulier et, dans ce contexte, l'énergie éolienne réussit à s'en sortir très bien. C'est là que le programme écoÉNERGIE est entré en jeu.

Un certain nombre de propositions ont été présentées. On a entre autres discuté de l'idée de créer un facteur d'intensité de la ressource qui s'appliquerait à l'échelle de la province et qui donnerait un coup de pouce à l'énergie éolienne. Encore une fois, d'une certaine façon, la fin justifie les moyens, mais on souhaite aussi offrir à l'énergie éolienne en Alberta un meilleur contexte fiscal, depuis la disparition du programme écoÉNERGIE, parce que l'énergie éolienne a de la difficulté à concurrencer l'énergie classique, dont les promoteurs n'ont pas à payer les coûts externes associés à la production d'énergie.

Le président : Je veux vous présenter le sénateur Dickson, de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il sera heureux d'apprendre que l'on a dit de bien belles choses à propos de sa province d'origine et du fait qu'elle pourrait participer à l'évolution de l'énergie éolienne comme source clé d'énergie.

Le sénateur Banks : Monsieur Whittaker, j'espère que l'énergie éolienne deviendra tout ce que vous espérez qu'elle deviendra, et je veux donc que vous me corrigiez si j'ai des doutes à ce sujet.

Vous avez dit que, d'ici 2025, l'énergie éolienne pourrait répondre à 20 p. 100 des besoins en électricité du Canada. Vous savez donc de quelle quantité d'électricité le Canada aura besoin. Quelle est cette quantité, à peu près?

M. Whittaker : Le chiffre exact ne me vient pas à l'esprit.

Le sénateur Banks : Disons que c'est 100.

M. Whittaker : Une quantité d'environ 55 000 mégawatts d'énergie éolienne permettra de répondre à un cinquième des besoins.

Le sénateur Banks : Les besoins totaux correspondraient donc à cinq fois 55 000, soit 275 000 mégawatts.

M. Whittaker : Ce n'est pas tout à fait cela, puisqu'on exprime l'énergie requise plutôt que les capacités.

Le sénateur Banks : Parlons alors en termes de pourcentage. En 2025, les besoins du Canada seront de 100 p. 100, et l'électricité permettra de répondre à un cinquième de ces besoins. L'électricité est fiable à 38 p. 100, et ce taux atteindra 40 p. 100 d'ici là parce que l'efficacité s'accroîtra. Par conséquent, pour fournir 20 p. 100 de l'électricité dont nous aurons besoin, il faudra produire 50 p. 100 de ce que nous utilisons. Ai-je raison ou tort?

M. Whittaker : Toutes les sources produisent de l'électricité sous la forme de kilowattheures. Pour un électron, ce n'est pas important de savoir d'où il vient, que ce soit d'une éolienne ou d'une installation hydroélectrique. Il se mêle aux autres. Cela signifie que l'énergie éolienne fournira un cinquième des électrons qui iront dans le réseau.

Le sénateur Banks : D'accord. Ce que je veux dire, c'est qu'il existe un écart en ce qui concerne la certitude de l'approvisionnement par rapport à l'hydroélectricité. Vous avez dit que la fiabilité était d'environ 80 p. 100. Je suppose que, dans le cas du gaz, c'est au moins 80 p. 100. Dans le cas de l'énergie nucléaire, c'est probablement 85 p. 100, ou quelque chose du genre. Dans le cas de l'énergie éolienne, elle est d'environ 40 p. 100. L'énergie éolienne est moitié moins fiable en ce qui concerne la certitude de l'approvisionnement et le fait que je peux être certain que, quand j'appuie sur le commutateur, la lumière s'allumera.

Pour fournir un cinquième, ou 20 p. 100, de l'énergie dont nous aurons besoin, et étant donné que l'énergie éolienne est fiable à 40 p. 100, il nous faut une capacité de 50 p. 100, n'est-ce pas? Pour clarifier ma question, est-ce que 55 000 mégawatts représentent 50 p. 100?

M. Whittaker : Sur le plan du total de la puissance installée, on peut dire, en effet, que cela représentera environ 50 p. 100. Cela représentera probablement 40 ou 50 p. 100. Il le faut, puisque l'énergie éolienne produit en moyenne 30 p. 100 de l'électricité au cours d'une année, tandis que l'hydroélectricité et les autres formes d'énergie représentent en moyenne 80 p. 100.

Il est important de souligner qu'un parc éolien et une seule éolienne ne fonctionnent pas de la même façon. Une éolienne, à elle seule, produit parfois à un taux de 100 p. 100, parfois 0 p. 100, parfois 50 p. 100, 60 p. 100 ou 20 p. 100. La production fait des bonds, mais nous pouvons la relier à une autre éolienne située à 100 km de là, qui produit à 0 p. 100, 20 p. 100, 50 p. 100 ou 60 p. 100. La production fait les mêmes bonds, puis une autre éolienne située à 200 km de là se comporte différemment.

Toutes ensemble, elles atteignent un certain équilibre. Même si le total est de 30 p. 100, pour un parc éolien, 30 p. 100 est un pourcentage plutôt constant. Dans le cas d'un important parc éolien réparti dans des zones géographiques variées, on peut prédire avec précision à quel moment il produira de l'électricité. L'opérateur du réseau peut donc le combiner à l'électricité provenant d'autres sources. La fiabilité n'est pas vraiment un problème. L'éolien peut permettre de produire de l'électricité en même temps que d'autres sources, à un taux satisfaisant pour l'opérateur du réseau, qui sera en mesure de maintenir l'approvisionnement.

Le sénateur Banks : Cela doit pouvoir être fiable, puisque, comme vous le dites, il y a un si grand nombre d'éoliennes, et tout le monde peut comprendre de quelle diversité vous parlez, puisqu'il suffit de passer près d'un grand parc éolien pour constater qu'une éolienne tourne à très grande vitesse tandis qu'une autre, 500 pieds plus loin, ne tourne à peu près pas.

Vous avez prêté beaucoup d'importance au carbone. Avez-vous été déçu par l'effondrement du marché du commerce du carbone de Chicago?

M. Whittaker : L'un des marchés les plus fructueux en matière d'effets externes, qu'il s'agisse du carbone ou de polluants atmosphériques, a été le programme sur les émissions de dioxyde de soufre en vigueur dans les années 1990 aux États-Unis. Ce programme était considéré comme une réussite incroyable parce qu'on a non seulement réussi à réduire les émissions de dioxyde de soufre très rapidement, mais aussi réussi à le faire à une fraction du prix prévu. On doit permettre à ce type de marché libre d'exister.

En ce qui concerne le marché de Chicago, pour une raison ou une autre, on ne lui a pas permis d'exister à titre de marché au sens classique de « marché de marchandises ».

Le sénateur Banks : Est-ce que c'est à cause d'une réglementation excessive?

M. Whittaker : Oui, c'est à cause de la réglementation excessive. Dans tout marché où il n'y a pas suffisamment de signaux clairs entre l'offre et la demande, alors les signaux sont faussés, et la valeur du produit change, de sorte que le marché n'est plus viable. Oui, cela est attribuable à un ensemble de facteurs, mais on n'a pas laissé flotter l'offre et la demande comme on aurait dû le faire.

Le sénateur Banks : Avez-vous une idée de la différence, s'il y en a une, entre les types de fonds publics qui ont été utilisés pour subventionner, disons, les sables bitumineux et les types de fonds publics qui ont été consacrés à l'énergie éolienne en particulier — en la distinguant des sources d'énergie renouvelable au sens large, c'est-à-dire l'énergie éolienne en comparaison avec les sables bitumineux? La comparaison n'est pas très bonne, mais avez-vous de l'information à cet égard?

M. Whittaker : Non. Il est extrêmement difficile d'avoir une comparaison entre des pommes et des pommes à ce chapitre. Le soutien dont a bénéficié le secteur de l'énergie éolienne provenait principalement d'un programme direct — d'abord le Programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne et ensuite le programme écoÉNERGIE —, mais d'autres secteurs ont souvent reçu une aide fiscale. Il est difficile de comparer l'argent consenti au moyen de mesures fiscales et l'argent attribué par l'intermédiaire d'un programme direct, alors une telle comparaison est problématique.

Nous savons que GE Services financiers-écoÉNERGIE a produit une analyse sur le programme écoÉNERGIE où elle se demande ce qui arriverait si le gouvernement fédéral injectait un milliard de dollars dans ce programme. Quelle serait l'incidence au chapitre des recettes fédérales? GE Services financiers-écoÉNERGIE est arrivé à un bilan net positif. Pour chaque dollar investi dans le programme écoÉNERGIE, il y a environ 1,30 $ qui retourne au gouvernement sous la forme de taxes, d'impôts, d'impôts fonciers, et cetera, alors l'investissement apporte un avantage net.

Le sénateur Banks : S'agit-il d'un retour d'argent direct ou est-ce le résultat d'un effet multiplicateur?

M. Whittaker : Pour chaque dollar affecté au programme écoÉNERGIE, le secteur privé investit 8 $ parce que c'est à lui qu'il revient de réaliser le projet, et ces 9 $ au total entraînent la création d'un certain nombre d'emplois et le versement d'argent dans les coffres de l'État par l'intermédiaire du régime fiscal. Le résultat net de chaque dollar investi est un retour de 1,20 $.

Le sénateur Frum : Pour ce qui est de déboulonner certains mythes, je crois comprendre que, sur votre site web, vous dites que le parc éolien du Québec peut générer 663 mégawatts, ce qui est suffisant pour satisfaire les besoins en électricité d'environ 230 000 ménages. Toutefois, l'énergie éolienne ne peut alimenter à elle seule en électricité 230 000 ménages. L'idée selon laquelle l'énergie éolienne peut répondre à elle seule aux besoins en électricité d'un seul ménage est un mythe, n'est-ce pas?

M. Whittaker : Non. En moyenne, un ménage consomme environ 10 mégawattheures d'électricité, et la source de cette électricité n'a pas vraiment d'importance. Lorsque nous essayons de calculer la proportion dans laquelle l'énergie éolienne répond aux besoins en électricité du ménage, nous regardons combien d'électrons l'énergie éolienne introduit dans le réseau et combien d'électrons tout le reste introduit dans le réseau — au Québec, c'est l'hydroélectricité —, puis nous additionnons toutes ces quantités d'électrons, ce qui donne un nombre X de mégawattheures d'électricité. Ensuite, nous divisons ce nombre par 10 mégawattheures et nous obtenons alors la quantité d'électricité que le ménage a consommé en moyenne.

Le sénateur Frum : Je comprends cela, mais, en ce qui concerne le message qui est transmis, je crois qu'on induit les gens en erreur lorsqu'on fait valoir que l'énergie éolienne peut satisfaire — si on utilise le mot « satisfaire » — les besoins en électricité d'un ménage, quels qu'ils soient. L'énergie éolienne peut fournir une certaine partie de l'électricité consommée par un ménage, mais jamais alimenter à elle seule en électricité 230 000 foyers, n'est-ce pas?

M. Whittaker : En théorie, cela serait possible. On dit cela à titre d'exemple seulement parce qu'il est difficile pour les gens de s'imaginer ce qu'est un kilowattheure ou un mégawattheure, de sorte qu'on utilise ce nombre pour donner aux gens une idée du nombre de foyers qui seraient alimentés en énergie éolienne; ce n'est qu'à titre d'exemple, en effet.

Le sénateur Frum : À cet égard, vous avez parlé des municipalités qui ont vu leurs revenus augmenter grâce à la production d'énergie éolienne. Or, certains critiques avancent que la diminution de l'assiette fiscale est supérieure aux gains réalisés, en raison des inconvénients qui découlent de la perte de territoire, de la baisse du tourisme, de la stagnation ou de la diminution de la valeur des propriétés qui se situent dans les environs du parc éolien, des crédits d'impôt généralement consentis aux promoteurs de projets éoliens et des taxes et des frais que doivent payer les consommateurs pour subventionner les entreprises d'énergie éolienne. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur l'analyse des coûts et avantages?

M. Whittaker : Pour ce qui est de la superficie, une éolienne occupe généralement de 2 à 3 p. 100 des terres où elle est installée. Une éolienne de taille moyenne requiert 80 acres de terres et occupe 2 p. 100 de cette superficie. La raison pour laquelle les agriculteurs aiment tant les éoliennes, c'est qu'ils peuvent installer une éolienne au milieu d'un champ et utiliser quand même les terres aux alentours, comme ils le faisaient avant. L'éolienne occupe très peu d'espace. Les vaches broutent autour de l'éolienne, et, si les agriculteurs cultivent des champs, ils peuvent continuer d'utiliser leurs terres de la même façon qu'avant, à ceci près qu'ils reçoivent beaucoup d'argent grâce à l'éolienne qui se trouve au milieu de leur propriété.

Vous avez fait allusion à la valeur des propriétés. Un certain nombre d'études ont été réalisées. Par exemple, le Lawrence Berkeley National Laboratory, aux États-Unis, a mené une étude exhaustive sur la valeur des propriétés situées à proximité de tout parc éolien que les chercheurs du laboratoire pouvaient trouver. Nous avons aussi réalisé une étude sur la valeur des propriétés. Nous avons fait appel à un groupe indépendant et nous lui avons demandé si les projets éoliens avaient une incidence sur la valeur des propriétés. Nous nous sommes penchés sur la situation dans la région de Chatham-Kent. Tant l'étude du Lawrence Berkeley National Laboratory que la nôtre — et toute autre étude menée sur le sujet — ont révélé que, en fait, les éoliennes ont un effet net positif.

Cela tient au fait que la présence d'éoliennes dans la région procure un avantage net aux municipalités. En effet, la présence d'éoliennes a souvent un effet neutre ou positif sur la valeur des propriétés. Nous n'avions rien à voir avec cette étude, car elle a été menée par un groupe indépendant.

Un agriculteur reçoit de 5 000 $ à 10 000 $ pour une seule éolienne. De nombreux agriculteurs nous ont dit : « Si je n'avais pas cette éolienne, je serais obligé de vendre ma ferme. » Deux éoliennes, soit 20 000 $, peuvent rendre une exploitation agricole rentable, et cela est particulièrement important dans les régions rurales qui ont été durement touchées.

Au chapitre du tourisme, l'une des choses qui se produisent avec les éoliennes, l'un des problèmes que rencontrent les promoteurs, c'est qu'ils ne tiennent pas suffisamment compte des répercussions des projets éoliens sur le tourisme, mais il y a en fait une hausse du tourisme. Vous constaterez que, là où on a installé des éoliennes, il y a de longues files de voitures le long de la route, car les gens arrêtent pour regarder les éoliennes. On oublie de mettre sur pied des centres d'interprétation. Lorsqu'on commence à ouvrir des centres d'interprétation, les gens s'y rendent. La région de North Cape, à l'Île-du-Prince-Édouard, est un endroit d'une beauté incroyable, mais très éloigné. C'est à deux heures de Charlottetown. Il y a un centre d'interprétation sur l'énergie éolienne tout près du parc éolien de North Cape, et, chaque année, 60 000 personnes visitent la ville de Tignish, dont la population est loin d'atteindre 60 000 habitants. Les éoliennes ont une incidence nette positive sur le tourisme. Des mariages ont souvent lieu à la base de l'éolienne à Toronto. À St. Leon, au Manitoba, on a créé un centre d'interprétation où on diffuse des vidéos et des témoignages, et la municipalité de St. Leon n'a pas beaucoup d'autres choses à offrir que ces éoliennes. Pourtant, le nombre de touristes a monté en flèche.

Ne me croyez pas sur parole. Visitez ces endroits et discutez avec les gens du coin, qui n'ont rien à voir avec nous, et ils vous diront qu'ils sont fortement en faveur des projets éoliens. L'enthousiasme de ces gens découle en grande partie des retombées économiques. Les éoliennes sont avantageuses pour les municipalités. Oui, je crois que les histoires positives sont faciles à trouver.

Le sénateur Frum : Je vois à quel point vous admirez la beauté des éoliennes. Le mois dernier, lorsque 230 canards ont été tués en se posant sur des étangs de résidus, cette histoire a fait les manchettes à l'échelle nationale. Selon une étude espagnole, trois millions d'oiseaux sont tués chaque année par les éoliennes ou les lignes électriques qui s'y raccordent. Des chauves-souris et toutes sortes d'oiseaux se font prendre dans les éoliennes et les lignes électriques. Peut-être que Canards Illimités a déjà pris position sur le sujet, je l'ignore. Que répondez-vous à cela?

M. Whittaker : Cet organisme a bel et bien pris position. En Amérique du Nord, l'un des plus grands défenseurs de l'énergie éolienne est la National Audubon Society. D'après ses analyses, une éolienne tue en moyenne un ou deux oiseaux par année.

Le sénateur Frum : Je croyais que c'était un ou deux par semaine.

M. Whittaker : Non, non, ce n'est pas la moyenne dans l'industrie. Encore une fois, cette information provient de groupes voués à la conservation qui n'ont rien à voir avec nous. En moyenne, une éolienne tue deux ou trois oiseaux par année. C'est malheureux. Nous aimerions qu'il n'y en ait aucun. On a fait beaucoup de travail au cours des 20 dernières années pour déterminer quels étaient les meilleurs endroits où installer une éolienne. Je vais être honnête avec vous : certaines éoliennes installées il y a 20 ans ne se trouvent pas au bon endroit. À cette époque, on manquait de connaissances sur les trajets des oiseaux migrateurs et sur le comportement de certaines espèces d'oiseaux, mais on a fait beaucoup de chemin dans ce domaine. Pour obtenir l'approbation d'installer une éolienne, les promoteurs doivent procéder à une étude exhaustive de ses répercussions. Des groupes comme la National Audubon Society, qui regroupe des ornithologues purs et durs, se sont prononcés en faveur de projets éoliens bien situés, car ils estiment que le réchauffement planétaire constitue une menace supérieure pour l'habitat des oiseaux et que, dans l'ensemble, il est mieux de produire de l'énergie éolienne que de continuer à détruire de grandes étendues de l'habitat des oiseaux.

Le sénateur Frum : Je veux corriger cette information dans le compte rendu. J'ai ici des chiffres qui proviennent du Fish and Wildlife Service des États-Unis. Une seule éolienne aurait tué jusqu'à 37 oiseaux en une année.

M. Whittaker : Il se peut qu'une seule turbine ait tué autant d'oiseaux. Toutefois, en moyenne, une éolienne tue deux ou trois oiseaux par année. Une éolienne mal située peut...

Le sénateur Frum : On parle ici de l'éolienne moyenne.

M. Whittaker : Ce chiffre m'étonne. Je devrai vérifier cette information.

Le président : Où sont ces éoliennes, sénateur Frum? S'agit-il des éoliennes de Rosedale?

Le sénateur Frum : Il s'agit d'éoliennes en sol américain, car c'est le Fish and Wildlife Service des États-Unis qui a calculé ces chiffres.

Le sénateur Brown : Vous êtes optimiste au sujet des éoliennes. Avez-vous des chiffres se rapportant à la durée de vie relative d'une éolienne sans entretien?

M. Whittaker : Au temps que pourrait fonctionner une éolienne si elle n'était pas entretenue?

Le sénateur Brown : Sans entretien, oui.

M. Whittaker : Probablement aussi longtemps que durerait votre automobile. La durée de vie moyenne d'une éolienne est d'environ 20 ans, mais, si on ne l'entretient pas, elle cessera de fonctionner. Il y a un système de commande automatique. Si personne n'y touche et qu'il se produit quelque chose, si le système détecte un problème, l'éolienne cessera de fonctionner.

Le sénateur Brown : Je veux plutôt savoir combien d'heures ou de jours peut fonctionner l'éolienne avant de requérir un entretien.

M. Whittaker : C'est une bonne question. Je l'ignore. L'éolienne en tant que telle, mais aussi les systèmes mécaniques, la boîte d'engrenage et les composantes électroniques de la tour font l'objet de beaucoup d'entretien. Les activités d'entretien diffèrent pour chacune de ces composantes.

Le sénateur Brown : Croyez-vous que l'essor de l'énergie éolienne dépend de l'établissement du prix du carbone? Croyez-vous que l'établissement du prix du carbone est essentiel pour assurer l'expansion des projets éoliens?

M. Whittaker : Non. Actuellement, sur la base du prix, le principal concurrent de l'éolien est le gaz naturel. Le prix du gaz naturel est très bas en ce moment, extrêmement bas, et il est difficile pour l'éolien de concurrencer le gaz naturel. Si le prix du gaz naturel augmentait, alors l'énergie éolienne se trouverait en meilleure position.

La création d'une bourse du carbone n'est pas une panacée. Nous savons que le marché du carbone s'en vient et que cela favorisera l'essor de l'énergie éolienne. L'un des avantages avec l'éolien, c'est que le prix que paient actuellement les exploitants restera toujours le même. S'ils ont conclu un contrat prévoyant un prix de 13,5 ¢ en Ontario, ou plus ou moins ailleurs, ce prix restera le même pendant 20 ans. Le prix ne changera pas selon le prix de leurs intrants, contrairement à ceux qui utilisent des combustibles fossiles ou d'autres choses.

Le sénateur Brown : J'étais très intéressé par cette question, car, la semaine dernière, j'ai vu défiler au bas d'un écran de télévision une nouvelle qui disait que le nouveau Congrès à majorité républicaine ne voterait pas en faveur de la création d'un mécanisme de plafonnement et d'échange ou d'un marché du carbone. J'ai pensé qu'il serait utile que je mentionne cette information.

Combien avons-nous d'éoliennes actuellement au Canada pour produire 1 p. 100 de toute l'électricité?

M. Whittaker : Environ 1 700 éoliennes.

Le sénateur Brown : Il en faut environ 6 000 ou un peu plus pour produire 5 p. 100 de toute l'électricité.

M. Whittaker : Pour arriver à 5 p. 100, nous devons tripler le nombre actuel d'éoliennes. Il ne faut pas oublier que les éoliennes sont de plus en plus grosses. Les éoliennes installées il y a cinq ans peuvent produire chacune en moyenne 1,5 mégawatt d'énergie. Celles qu'on vient d'installer peuvent produire de 2,8 à 3 mégawatts, et les prochaines pourront probablement générer de 5 à 7 mégawatts. Le nombre d'éoliennes requises diminuera au fil du temps. Je m'attends à ce que nous ayons besoin d'environ 2 500 ou de 3 000 éoliennes pour produire cette quantité d'électricité.

Le sénateur Seidman : J'aimerais me pencher sur les défis que devra relever votre industrie sur le plan du leadership — pour voir grand. Je voudrais jeter un coup d'œil à vos chiffres. Vous dites que, en 2010, l'énergie éolienne comble environ 1,7 p. 100 des besoins en électricité. Si je regarde votre projection pour 2015, vous ajoutez 8 000 autres mégawatts, ce qui nous amène à 5 p. 100. Si je passe à votre objectif pour 2025, soit dans 15 ans, vous nous amenez à 20 p. 100. De 2010 à 2015, c'est-à-dire en cinq ans, nous sommes censés générer 8 000 mégawatts supplémentaires. J'essaie de comprendre comment nous pouvons passer de 1,7 p. 100 à 20 p. 100, comment nous pouvons atteindre cet objectif. Ce n'est pas clair pour moi. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

M. Whittaker : C'est une bonne question. Entre 2005 et 2025, ce n'est pas une fonction linéaire. Il s'agit plutôt de l'une de ces fameuses courbes de croissance en bâton de hockey. Selon nos projections, si nous atteignons 12 000 mégawatts d'ici 2015, nous réaliserons notre objectif parce que nous prévoyons que ce nombre augmentera d'année en année. D'ici à 2015, nous produirons environ 8 000 mégawatts supplémentaires, de sorte que nous générerons en moyenne environ 1 600 mégawatts par année. On s'attend à ce que, entre 2015 et 2025, la production s'élève d'abord à 2 500, puis à 3 000 et, enfin, à 4 000 mégawatts par année. La croissance sera non pas linéaire, mais exponentielle.

Le sénateur Seidman : Je comprends, mais dans quelle mesure l'expansion de l'éolien nous permettra-t-elle d'atteindre cet objectif? Lorsque je regarde les chiffres pour 2009 et 2010 et les projections pour 2015, je me demande comment nous pouvons générer une croissance en bâton de hockey?

M. Whittaker : Il ne fait aucun doute que l'industrie éolienne est capable d'installer rapidement un grand nombre d'éoliennes. Un des avantages dans le domaine de l'éolien, c'est que nous pouvons construire rapidement de nombreuses installations. Il ne suffit que d'avoir les ressources pour le faire. Il n'y a pas beaucoup de différence entre l'installation d'un parc de 1 000 mégawatts et d'un parc de 5 000 mégawatts. Il faut seulement cinq fois plus d'éoliennes, cinq fois plus de promoteurs et cinq fois plus de collectivités. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Seidman : Cette vision et ce plan sont-ils réalistes?

M. Whittaker : Nous le croyons. Comme je l'ai mentionné, l'Espagne a commencé à peu près au même point que nous en 2000. Aujourd'hui, en 2010, l'énergie éolienne compte pour plus de 10 p. 100 de toute la production d'électricité dans ce pays. L'Espagne a été capable d'ajouter plusieurs milliers de mégawatts par année.

Aux États-Unis, de manière générale, on s'attend à ce qu'ils ajoutent environ 5 000 mégawatts par année. Ce pays peut installer assez facilement les éoliennes permettant d'ajouter cette quantité d'électricité. C'est faisable, mais c'est une question de réaction en chaîne. En effet, les éoliennes qu'on installe une année permettent de générer une certaine capacité qui, à son tour, permet au pays d'installer encore plus d'éoliennes l'année suivante; cela fait boule de neige.

Le sénateur Seidman : J'ai jeté un coup d'œil aux projets dans chacune des provinces. Je crois qu'il y en a huit en Colombie-Britannique, 11 en Alberta, deux en Saskatchewan, un au Manitoba, 15 en Ontario, 19 au Québec, trois au Nouveau-Brunswick, 11 en Nouvelle-Écosse et un à l'Île-du-Prince-Édouard. Peut-être pourriez-vous nous dire quelles sont les régions qui présentent le plus grand potentiel.

M. Whittaker : Comme je l'ai mentionné, 55 000 mégawatts représenteraient le cinquième de toute la production d'électricité au Canada, et c'est notre cible. Les parcs éoliens permettant de produire cette quantité d'électricité occuperaient la même superficie que l'Île-du-Prince-Édouard. Nous n'avons pas besoin d'une tonne d'éoliennes. Le potentiel qu'offre chaque province est énorme. Dans une étude réalisée au Québec, on a mesuré le potentiel que recèle une région située à 25 km de lignes de transport d'électricité où on considère que le potentiel éolien est bon. On a découvert que cette région offre un potentiel de plus de 100 000 mégawatts. Cette région se trouve à seulement 25 km de lignes de transport d'électricité, et son potentiel éolien est qualifié de « bon ». Chaque province peut produire de l'énergie éolienne. Récemment, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a annoncé que la province présentait un potentiel éolien de 5 000 mégawatts qui pourrait être exploité en marge du projet du cours inférieur du Churchill. Chaque province est comblée à l'excès pour ce qui est de son potentiel éolien. Il s'agit de se fixer un objectif et de suivre les étapes pour passer des contrats.

Le président : Sénateur Banks, voulez-vous demander une clarification?

Le sénateur Banks : Ma question se rapporte à celle du sénateur Seidman. Est-il utile pour nous de savoir que la capacité actuelle est 26 fois supérieure à ce qu'elle était il y a 10 ans?

M. Whittaker : Désolé; il s'agit d'un taux de croissance moyen de 26 p. 100.

Le sénateur Banks : Non. Selon votre graphique, en 2000, nous avons généré 137 mégawatts. D'après les chiffres obtenus en octobre 2010, nous en produisons maintenant 3 549. En moins de 10 ans, la production a été multipliée par 26. Notre capacité éolienne est 26 fois supérieure à ce qu'elle était il y a 10 ans. Si nous la multiplions par 26 au cours des 10 prochaines années, et ainsi de suite jusqu'en 2025, allons-nous atteindre l'objectif que vous avez en tête?

M. Whittaker : Oui. En fait, nous dépasserons cet objectif. Les gens de l'industrie éolienne sont un peu comme je suis — des optimistes. Ils envisagent l'avenir de l'éolien de façon positive. Lorsqu'on revient sur les projections faites au cours des 10 dernières années par les organismes internationaux relativement au taux de croissance potentiel de l'éolien, nous constatons que la croissance a toujours dépassé considérablement les attentes. Les gens du milieu de l'éolien étaient optimistes dès le départ, alors l'essor se poursuit plus rapidement que quiconque l'avait imaginé.

Le sénateur Seidman : Je vais terminer par une dernière question.

Le président : Oui, vous avez été interrompue.

Le sénateur Seidman : J'aimerais revenir sur les régions qui offrent un potentiel. Vous dites qu'elles présentent toutes un potentiel. Comme vous l'avez déclaré si judicieusement, la communication et les relations publiques sont cruciales. On ne peut pas aller bien loin sans la collaboration et l'engagement des collectivités et des personnes qui vivent dans ces régions.

Au Québec, il y a eu une vive controverse malgré le fait que 19 projets sont en voie d'être réalisés, d'après ce que je vois ici, mais je l'ignorais avant. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de la controverse et du type de plaintes que suscitent les projets éoliens?

M. Whittaker : Cela varie d'une collectivité à une autre. Toute la mise en œuvre se déroule à l'échelon local. Au bout du compte, la façon dont le projet est proposé et dont il est reçu repose sur un ensemble de facteurs. On ne peut appliquer une approche unique pour inciter la collectivité à s'engager.

Si on prévoit installer des éoliennes dans une collectivité, la population posera des questions. Elle doit en poser. Il est normal que les gens s'interrogent au sujet de toutes sortes de choses. Le nombre de questions que posent les gens sur l'énergie éolienne est renversant, et ils ont aussi des préoccupations qui découlent d'une multitude d'aspects. Le promoteur d'un projet se doit d'être le plus transparent possible et de répondre à chacune des questions du mieux qu'il le peut.

Dans certains cas, un promoteur ne peut pas convaincre tout le monde. Certaines personnes ne seront pas convaincues, et cela arrive dans tout type de projet. Les promoteurs qui ont le soutien de la population ont cherché dès le début à faire participer la collectivité et font preuve d'une très grande transparence. Toutefois, il y aura toujours des personnes qui n'appuieront pas le projet, ce qui est malheureux. L'accueil que la population réserve à un projet varie d'une collectivité à une autre.

Le sénateur Seidman : Quelles sont les plus grandes craintes exprimées par les gens lorsque vous les consultez? Avez-vous des intentions honnêtes lorsque vous essayez de promouvoir l'énergie éolienne? Quelles sont les plus grandes craintes que nourrissent les gens à qui vous parlez?

M. Whittaker : Une grande partie de ces craintes se rapportent à des aspects économiques. Les gens sont très préoccupés par une éventuelle diminution de la valeur de leur propriété. Des gens disent parfois qu'ils trouvent que les éoliennes ne sont pas belles. Certains se demandent si la présence d'éoliennes nuira à la valeur de leur propriété. Il y a ce genre de préoccupations.

Les gens se soucient également des répercussions sur l'environnement. Pour revenir aux préoccupations d'ordre économique, les gens veulent savoir ce que le projet apportera à la collectivité et veulent comprendre quelles seront les conséquences pour eux. Ils se demandent si le projet aura une incidence sur les taxes municipales, s'il entraînera une diminution de la valeur de leur propriété et s'il créera des emplois dans la région.

Les craintes varient beaucoup d'un endroit à l'autre. Il y a d'autres préoccupations d'ordre environnemental, social et économique. Il n'y a jamais une seule grande préoccupation. Voilà pourquoi les promoteurs doivent répondre à toutes les questions qui leur sont posées, mais il n'y a pas un projet éolien qui suscite les mêmes craintes.

Le sénateur Seidman : Vous dites qu'il n'y a aucune préoccupation commune. Si vous faisiez la liste de toutes les préoccupations et les regroupiez par catégories, ne trouveriez-vous pas des préoccupations communes?

M. Whittaker : L'aspect visuel revient souvent. L'une des choses qu'il faut prendre en considération lorsqu'on tente d'apaiser les craintes des gens, c'est de savoir s'il s'agit d'une crainte de nature quantitative. Si une personne s'inquiète au sujet des oiseaux, il existe beaucoup d'études qui montrent quels sont les effets des projets éoliens sur les oiseaux. Il en va de même pour les chauves-souris. Il en va de même pour la valeur des propriétés et la réduction des émissions. Nous pouvons étayer nos réponses de chiffres et de données scientifiques.

L'aspect visuel est une crainte plus difficile à dissiper, car les promoteurs ne peuvent pas dicter aux gens ce qu'ils doivent penser. Si une personne n'aime pas l'aspect de l'éolienne, on ne peut pas faire grand-chose pour changer cela.

Chez les promoteurs, le leitmotiv est « faut le voir pour le croire ». Ils loueront un autobus. Ils se rendront dans une collectivité et diront : « Tous ceux qui veulent voir un parc éolien, montez dans l'autobus, et nous vous y conduirons. »

Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont déjà visité un parc éolien, mais je peux vous dire que ce sont des ouvrages incroyables. Je ne suis pas le seul à penser cela — évidemment, j'ai un faible pour les éoliennes —, mais si des promoteurs amènent des gens visiter un parc éolien, ils trouvent cela extraordinaire. Il pourrait y avoir une éolienne au milieu de cette table — elle serait plus grosse que cette table —, mais nous discuterions comme nous le faisons maintenant; nous visitons les lieux et nous discutons avec les gens qui vivent près du parc éolien, et ils nous font des commentaires positifs.

Souvent, le fait d'inviter les gens qui ont des craintes à visiter un parc éolien contribue grandement à apaiser leurs craintes. Soudainement, ils ont l'impression d'être en présence de quelque chose qu'ils connaissent. Cela revient à ce que je disais plus tôt : plus un promoteur consulte de près la population, plus la population appuiera le projet éolien.

Le sénateur Seidman : Je veux clarifier la question des craintes et des préoccupations, car, d'après ce que j'ai lu, il y en a qui sont communes à toutes les collectivités. Par exemple, vous n'avez pas parlé du bruit. Je présume que c'est une préoccupation importante.

M. Whittaker : Oui.

Le sénateur Seidman : Que nous disent les données scientifiques au sujet du bruit?

M. Whittaker : C'est une bonne question. J'ai oublié de mentionner que la question du bruit est souvent évoquée. Les lignes directrices qui renseignent les promoteurs sur les endroits où peuvent et ne peuvent pas être installées des éoliennes sont bien définies. En Ontario, les lignes directrices sont strictes. Le bruit émanant d'une éolienne ne peut jamais dépasser 40 décibels au mur de toute résidence située aux alentours du parc. Le nombre de décibels permis augmente avec la vitesse du vent, car, dès que le vent se lève, le bruit des feuilles masque le bruit de l'éolienne. L'Ontario impose également un seuil minimal. Le minimum est de 550 mètres. Même si le bruit est de 40 décibels à 300 mètres, ce qui est souvent le cas, les lignes directrices interdisent aux promoteurs d'installer une éolienne à cet endroit; il doit y avoir une distance de 550 mètres. Quarante décibels correspondent essentiellement au bruit dans une bibliothèque. Le bruit de l'éolienne est souvent plus faible que le bruit ambiant.

De telles lignes directrices existent dans chaque province et territoire au Canada. Les promoteurs doivent rigoureusement s'y conformer. Il y a d'autres exigences concernant la marge de recul entre les éoliennes et les limites des propriétés, et les éoliennes et les routes. La sécurité publique est un aspect important.

Lorsque les promoteurs essaient de voir où ils peuvent installer des éoliennes, ils commencent par prendre une grande étendue de terres, puis ils éliminent les parcelles où ils ne sont pas autorisés à installer des éoliennes. Ils doivent déterminer quels sont les endroits qu'ils doivent exclure en raison du bruit, de la proximité des routes ou du caractère accidenté du terrain. Ils ne peuvent installer des éoliennes à aucun endroit situé à proximité de l'habitat d'une espèce menacée ni à aucun endroit où il y a des risques possibles pour les oiseaux migrateurs. Il y a des restrictions concernant les zones protégées.

Les promoteurs doivent tenir compte de toutes ces considérations. Ils inscrivent tous ces détails sur leur carte et finissent par circonscrire une petite parcelle de terre où ils peuvent installer des éoliennes.

Sans ce processus de sélection, ils ne peuvent faire approuver leur projet. Ce processus est long et laborieux et donne lieu à un très grand travail d'analyse.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de votre excellent exposé. Je n'ai aucun problème avec l'énergie éolienne. Ce n'est pas une panacée, mais cela s'ajoute aux diverses sources d'énergie qui nous permettront de générer de l'électricité dans l'avenir.

Je voudrais clarifier quelques points. N'oublions pas que de 75 à 80 p. 100 de notre électricité au Canada est produite à partir de sources d'énergie propre, et ce, depuis un certain nombre d'années. Nous nous en sortons diablement bien.

Quelles sont les sources d'électricité au Danemark? Vous dites que, actuellement, 20 p. 100 de l'électricité dans ce pays est générée par l'éolien. La situation du Danemark m'intéresse toujours parce que je connais les chiffres. Si nous nous comparons avec l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Allemagne et la Grèce, le Canada, avec son 1 p. 100, fait piètre figure.

Je préférerais que nous regardions les choses sous un angle positif. L'énergie éolienne, c'est génial, mais, l'an dernier, le Danemark facturait 36 ou 38 ¢ le kilowattheure aux ménages. Actuellement, le Danemark génère environ 40 p. 100 de son électricité à partir du charbon. On peut probablement observer un scénario semblable dans la plupart de ces pays. Ils ont absolument besoin de l'énergie éolienne. Je comprends pourquoi ils ont besoin d'exploiter des sources d'énergie propre.

Ne croyez-vous pas que nous devrions peut-être tirer fierté de ce que nous avons accompli au Canada plutôt que de déplorer le fait que notre production d'énergie éolienne s'établit à 1 p. 100 et que c'est bien mince par rapport à d'autres pays? Vous devriez peut-être faire une comparaison entre le coût de cette forme d'énergie dans chacun de ces pays et déterminer quelles filières énergétiques sont présentes dans chacun. Êtes-vous d'accord?

M. Whittaker : Je suis certainement d'accord pour dire que l'éolien est non pas la solution, mais une partie de la solution. L'énergie éolienne fait partie d'un programme énergétique équilibré. Autrefois, le Danemark recourait abondamment au charbon. Le Danemark peut faire ce qu'il fait parce qu'il est bien raccordé à tous les réseaux qui l'entourent — à l'Allemagne, au sud, et à la Norvège et aux autres pays scandinaves, au nord. Le Danemark est très bien connecté à d'autres réseaux. Dans le cas de l'énergie éolienne, la taille compte pour beaucoup. Si le pays présente une bonne diversité géographique, il peut intégrer encore plus l'énergie éolienne. Tant qu'on équilibre cette forme d'énergie avec d'autres sources, on peut très bien l'intégrer.

Comme je l'ai mentionné, en 2009, l'énergie éolienne constituait la nouvelle source d'énergie la plus importante, pas seulement dans les pays de l'Union européenne, mais également aux États-Unis.

Le sénateur Neufeld : Les États-Unis tirent 60 p. 100 de leur électricité du charbon.

M. Whittaker : Aux États-Unis, une grande partie des projets éoliens ont été réalisés à des fins purement économiques, parce que c'est un choix sensé. Actuellement, l'un des plus grands défenseurs de l'énergie éolienne est T. Boone Pickens.

Le sénateur Neufeld : Il y a aussi le gaz naturel.

M. Whittaker : Oui, le gaz naturel; il y a de la place pour tout le monde. Nous ne dirions jamais que l'énergie éolienne est la solution idéale pour tous. Cette forme d'énergie fait partie d'un programme équilibré, car la sécurité énergétique réside dans la diversité des sources d'énergie.

Le sénateur Neufeld : Je ne remets pas en question cet aspect. Je dis simplement que cela nous fait paraître minables alors que ce n'est pas le cas. Nous nous en tirons plutôt bien. Lorsque vous nous comparez à d'autres pays qui tirent une grande partie de leur énergie du charbon et que vous dites que, au Canada, seulement 1 p. 100 de l'électricité est générée par l'énergie éolienne, cette comparaison donne l'impression que le Canada traîne de la patte.

J'ai subi beaucoup de pressions semblables, alors je sais de quoi il en retourne : nous sommes des incapables en Colombie-Britannique parce que nous ne produisons pas d'énergie éolienne. Pourtant, en Colombie-Britannique, 95 p. 100 de l'électricité est générée à partir de sources d'énergie propre.

Je veux soulever ce point et voir si vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'il serait peut-être plus avisé de fournir plus d'information sur ces pays avec lesquels vous nous comparez et sur les motifs de comparaison. Je n'aime pas dénigrer le Canada. Le Canada fait du bon travail. Nous devrions féliciter toutes les provinces et tous les territoires parce qu'ils ont réussi à générer de 75 à 80 p. 100 de leur électricité à partir de sources d'énergie propre.

Les pays européens, à l'exception de la France, se réjouiraient de cette situation; le Danemark, l'Espagne et l'Allemagne aimeraient tous générer une plus grande part de leur électricité à partir de sources d'énergie propre. C'est là où je veux en venir.

Le président : Avez-vous une question?

Le sénateur Neufeld : Oui, je lui ai demandé s'il penserait à cela, et il a dit qu'il le ferait, alors tout va bien.

L'autre chose que je veux mentionner concerne mon ami de l'Alberta qui parle du marché du carbone. Encore une fois, il faut se rappeler que de 75 à 80 p. 100 de notre électricité provient actuellement de sources d'énergie propre. Ce dont nous avons besoin, c'est que les États-Unis et le Canada — au moins ces deux pays — créent un marché du carbone, sous quelque forme que ce soit, qu'il s'agisse d'une taxe sur le carbone ou d'un système de plafonnement et d'échange. Si le Canada est le seul à créer un tel marché, il sera désavantagé par des possibilités d'expansion limitées. Nous ne pourrions ajouter que 20 p. 100 d'électricité provenant de sources d'énergie propre, même si toute cette électricité était générée à partir de l'éolien.

Convenez-vous que, comme les États-Unis tirent 60 p. 100 de leur énergie du charbon — à vrai dire, dans les environs de 55 p. 100 ou 65 p. 100 —, nous devons travailler de concert avec eux pour définir une norme nord-américaine dans le but de réaliser l'objectif énoncé? Étant donné que le Canada offre un potentiel éolien immense, nous pouvons exploiter cette ressource et envoyer cette énergie verte aux États-Unis. Convenez-vous que nous devons travailler à la mise en place d'une telle norme pour favoriser l'essor de votre industrie au Canada?

M. Whittaker : Je crois qu'il vous serait difficile de trouver quelqu'un qui va nier les deux choses suivantes : d'une part, il y aura un marché du carbone et, d'autre part, ce marché finira par devenir le marché du carbone de l'Amérique du Nord. Toutefois, est-ce que ce sera dans cinq ans ou dans quinze ans C'est la grande question qu'on se pose.

La question qui s'impose est la suivante : voulons-nous être pris au dépourvu lorsque ce marché s'ouvrira? Lorsque les États-Unis mettront en place leur loi, ils ne nous attendront pas. Si nous sommes pris au dépourvu et qu'aucune mesure n'a été prise, nous pourrions être désavantagés.

Si nous convenons du fait que le marché du carbone s'en vient, réfléchissons un peu sur ce à quoi le marché du carbone ressemblera. L'Alberta a adopté une attitude progressiste et a dit : « Faisons un essai et voyons ce que ça donne. » En prenant de l'avance, vous amenez l'industrie à réagir à certains signaux qui — vous le savez bien — s'en viennent. Ils peuvent ensuite faire les investissements nécessaires et, dès que les États-Unis prendront une décision et diront : « Oui, nous mettons en place un marché du carbone », nous aurons donc une longueur d'avance et jouiront du soutien nécessaire de l'industrie pour faire concurrence.

La chose qui unit toutes les sources de production d'énergie, c'est le besoin d'avoir une certitude à long terme, d'où l'intérêt d'avoir une longueur d'avance en ce qui concerne les marchés du carbone.

Le sénateur Neufeld : Je ne suis pas contre, et le gouvernement fédéral affirme qu'il travaille de concert avec les États-Unis aux fins d'élaboration. Quant au moment où cela aura lieu, je l'ignore. Je crois que personne ne le sait. Il y a peut-être quelqu'un qui aurait une idée, mais qui sait? Cela dépend d'un paquet de choses. Le Canada ne sera pas pris au dépourvu. L'Alberta est dotée d'un marché du carbone, de même que le Québec et l'Ontario, et la Colombie-Britannique participe à un marché propre à la région de l'Ouest. On fait des progrès en ce qui concerne le travail de collaboration étroite entre le Canada et les États-Unis. Je suis heureux que vous soyez d'accord sur le fait que nous avons besoin de cette norme nord-américaine, comme vous l'avez dit, pour que nous puissions ensuite nous y adapter et pour éviter que la norme soit élaborée en isolement par le Canada, parce que je crois que cela désavantagerait les Canadiens.

Lorsque vous parlez du besoin de voir grand, à l'échelon fédéral, au sujet de l'énergie éolienne, je suis derrière vous. Je n'ai plus besoin de voir le gouvernement fédéral jouer dans ma cour en Colombie-Britannique. Je crois que les provinces et les territoires gèrent leur propre processus et qu'ils s'en tirent bien. Il faut être sur ses gardes lorsqu'on songe à demander au gouvernement fédéral d'établir des normes.

Dans votre exposé, vous avez dit plusieurs fois qu'il faut promouvoir l'énergie éolienne. Pourquoi devrions-nous uniquement privilégier l'énergie éolienne? Pourquoi ne pas parler de toutes les sources d'énergie de remplacement? Je parle du point de vue de la Colombie-Britannique, car vous savez comme moi que c'est l'approche préconisée par le plan énergétique que j'ai mis en place. On n'a parlé ni de l'énergie éolienne ni des centrales au fil de l'eau ni de l'énergie solaire, on englobe toutes les sources d'énergie. Est-ce un commentaire légitime? Dites-vous qu'il faut voir grand au chapitre de l'énergie éolienne pour bâtir l'industrie — et vous ne parlez que de votre industrie et vous ne tenez pas compte de la vue d'ensemble? Êtes-vous en train de nous dire que nous devrions adopter une vue d'ensemble en établissant une norme fédérale?

M. Whittaker : Pour ce qui est de voir grand, lorsque vous vous penchez sur certains secteurs qui représentent de gros investissements au Canada — comme les secteurs des sables bitumineux et de l'automobile —, ils ne se sont pas développés tout seuls. Le fait d'avoir vu grand y est pour quelque chose. C'est la même chose dans le cas du développement de l'hydroélectricité au Québec. Ce sont des cas où nous avons vu grand et où nous nous sommes dit que nous avons une occasion et que nous devrions être proactifs en saisissant l'occasion pour nous assurer d'en tirer le maximum. Nous avons vu les résultats.

Nous ne sommes pas les seuls à demander une stratégie énergétique qui s'appuie sur une vision ambitieuse. Comme je l'ai mentionné, avec des exportations annuelles de l'ordre de 60 milliards de dollars pour le pétrole, de 20 ou 30 milliards de dollars pour le gaz naturel et de 3 milliards de dollars pour l'électricité, nous avons des ressources incroyables au Canada. Pourquoi n'exportons-nous pas une plus grande quantité de cette énergie? Les États-Unis ont des besoins en énergie énormes. Lorsque vous voyez grand à l'égard de l'énergie éolienne, vous songez à ce qui peut être fait avec l'électricité propre. Et ce n'est pas seulement nous.

L'hydroélectricité provenant de centrales au fil de l'eau dans votre province constitue une ressource formidable. L'énergie éolienne, la bioénergie et l'énergie marémotrice ont toutes un rôle à jouer. En adoptant une vision, vous ne désignez pas des gagnants, mais vous dites : « Nous reconnaissons le potentiel de cette source et nous la mettrons en valeur. »

L'énergie éolienne se trouve dans une situation inhabituelle au Canada, principalement grâce à l'hydroélectricité. En effet, l'hydroélectricité représente actuellement un peu plus de 60 p. 100 de l'énergie produite au Canada, et, comme je l'ai dit, l'hydroélectricité et l'énergie éolienne sont particulièrement bien assorties. Elles se plaisent. Cette combinaison représente une occasion formidable pour nous. Si les autres filières peuvent tirer profit de cette occasion, c'est tant mieux, mais, là où nous voyons grand au chapitre de l'énergie éolienne, il y a également la possibilité de voir grand à l'égard de toutes les sources d'énergie. Seulement, nous croyons que l'énergie éolienne est particulièrement bien placée.

Le sénateur Neufeld : J'ai une autre question.

Si, à l'heure actuelle, je peux produire de l'hydroélectricité à 80 $ ou aux alentours de ce montant, et de l'énergie éolienne à 110 $ ou à 130 $ ou aux alentours de ces montants — ce qui est à peu près la norme —, et que la durée de vie des installations éoliennes est de 25 ans et celle des centrales hydroélectriques, d'environ 100 ans, pourquoi devrais-je choisir l'énergie éolienne?

M. Whittaker : Lorsque vous comparez les sources énergétiques ou parlez, par exemple, de mégawatts ou de différentes technologies, la comparaison finale entre des pommes et des pommes est exprimée sous forme de cents par kilowattheure ou de dollars par mégawattheure.

À l'heure actuelle, il n'y a aucun doute que l'énergie produite par des centrales au fil de l'eau en Colombie-Britannique est concurrentielle, mais l'énergie éolienne peut parfois offrir des avantages que vous ne pouvez pas nécessairement obtenir grâce à l'hydroélectricité, et vice versa. Encore une fois, on revient à la sécurité et à la diversité. Honnêtement, dans d'autres régions des provinces canadiennes, le coût par kilowattheure de l'énergie éolienne produite est plus faible que d'autres technologies, comme l'hydroélectricité provenant d'une centrale au fil de l'eau, mais cela ne veut pas dire que vous ne devriez pas les développer.

Selon moi, vous devez être proactifs et établir une gamme équilibrée. En Colombie-Britannique, les centrales hydroélectriques au fil de l'eau ont actuellement un avantage au chapitre du coût, mais cela ne veut pas dire que vous ne devriez pas exploiter d'autres sources d'énergie.

En Ontario, l'énergie éolienne est plus avantageuse que certaines autres technologies, mais cela ne veut pas dire que vous ne devriez pas les développer. Encore une fois, cet équilibre nous ramène à l'idée de voir les choses en grand. Vous devez songer à votre avenir et aux occasions qui s'offrent à vous en ce qui a trait à cette diversité, puis mettre le cap sur cet objectif et faire ce qu'il faut. Ce n'est qu'une question de voir grand et de s'assurer d'avoir les ressources nécessaires.

Le sénateur Peterson : Y a-t-il des promoteurs qui construisent des parcs éoliens sans détenir un contrat d'achat d'énergie électrique?

M. Whittaker : En Alberta.

Le sénateur Peterson : Est-ce que c'est là seulement?

M. Whittaker : Je crois que l'Ontario est le seul autre endroit où certains promoteurs élaborent des projets pour le marché libre à l'intention de groupes comme Bullfrog Power, mais ils ont toujours un contrat de production avec eux. Ce n'est vraiment qu'en Alberta qu'on trouve des centrales commerciales qui produisent de l'énergie et qui évoluent sur le marché au comptant.

Le sénateur Peterson : Comme votre groupe ne possède pas de lignes de transport d'électricité, vous devez vendre à des concurrents qui possèdent des lignes de transport.

M. Whittaker : Cela dépend du marché. Dans des endroits comme le Québec, les producteurs doivent vendre à Hydro-Québec. Ils sont tenus de le faire. Dans la majorité des provinces réglementées, ils sont tenus de vendre à la société d'État. La plupart des administrations canadiennes se conforment aux règles de la Federal Energy Regulatory Commission — ou la FERC — aux États-Unis, et l'un des principes de base de la FERC — qui s'applique aux États-Unis et, par la bande, à une grande partie du Canada — est le libre accès aux lignes de transport d'électricité. Ils doivent fournir l'accès à tous ceux qui y entrent. Pour se conformer aux règles de la FERC, s'ils ont de la place sur leurs lignes, ils sont tenus d'offrir l'accès.

Le sénateur Peterson : Fabriquons-nous des turbines au Canada?

M. Whittaker : À l'heure actuelle, nous avons des fabricants de tours à Matane — au Québec —, en Saskatchewan et à Fort Erie, en Ontario. Nous avons un fabricant de pales à Gaspé et un fabricant de nacelles à Matane. Divers autres composants de la chaîne d'approvisionnement sont fabriqués un peu partout au pays.

Les gens s'attachent aux turbines de grande taille, mais il existe des turbines de taille moyenne qui conviennent aux collectivités, plus particulièrement les collectivités éloignées, et aux applications commerciales. Pour ce qui est des turbines dont la puissance s'étend de 20 à 100 kilowatts, nous avons la moitié des fabricants du monde entier.

Le sénateur Peterson : Nous n'avons pas les principaux fabricants. Est-il possible de les attirer?

M. Whittaker : Siemens commence à investir beaucoup en Ontario. Nous savons que d'autres fabricants sont intéressés à s'installer au Canada. Enercon de même que RePower construisent actuellement de nouvelles centrales au Québec. Dans le cas de l'Ontario et du Québec, comme ils ont des exigences de contenu intérieur, les fabricants doivent réaliser la majorité de leur projet dans la province aux fins d'admissibilité, mais il est vrai qu'on verra certainement un investissement. Les fabricants réagissent actuellement aux marchés qui leur ont donné un signal à long terme, comme le Québec, l'Ontario et d'autres provinces. Ils répondent certainement à la demande.

Le président : Nous avons le sénateur Massicotte, puis deux autres personnes pour une deuxième série de questions. Notre temps est déjà écoulé, mais, monsieur, vous avez les nerfs bien solides et vous vous en tirez à merveille. J'ai laissé les gens poser leurs questions. Ce soir, nous avons consacré plus de 17 minutes à deux questions.

Le sénateur Massicotte : J'ai eu la réponse à toutes mes questions.

Le sénateur Banks : Lorsque j'ai emprunté l'autoroute Gardiner à Toronto, j'ai remarqué plusieurs turbines de taille moyenne — qui sont plus petites — sur des édifices, des entrepôts ou des usines et aux alentours. La production est-elle importante? Finira-t-elle par devenir un facteur important? Et je parle ici des économies d'échelle. Lorsque Texas Instruments a lancé l'ordinateur de poche, il coûtait 900 $, et, à présent, nous en recevons un gratuitement lorsque nous faisons le plein. Je suppose que le coût de la technologie des turbines de taille moyenne d'électricité va probablement baisser. Dans l'Ouest du Canada, chaque ferme a des éoliennes. L'idée de recourir à l'énergie éolienne ne date pas d'hier, même dans l'Ouest canadien. Cette production deviendra-t-elle un facteur important? Les gens commenceront-ils à recourir à cette source pour combler une part importante de leurs besoins énergétiques? Je suppose que oui, parce que les turbines sont là.

M. Whittaker : Oui, il n'y a aucun doute, et c'est purement une question de coût. À l'heure actuelle, concernant les petites turbines éoliennes — et, encore une fois, si on ramène tout cela aux cents par kilowattheure d'énergie produite —, les petites turbines sont loin de pouvoir produire de l'énergie à un coût comparable à celui de l'énergie produite par les turbines de grande taille. Le coût de l'énergie produite par des turbines de grande taille est aux alentours de 8 à 14 ¢ le kilowattheure. Quant aux systèmes de taille moyenne, pour produire de 20 à 100 kilowatts, le coût varie de 20 à 30 ¢ le kilowattheure, tandis que, pour les petits systèmes — les turbines installées dans la cour arrière —, le coût est de 40 à 50 ¢ le kilowattheure. Le prix original de l'énergie solaire en Ontario est fixé à 80 ¢, et il a été révisé à la baisse depuis.

C'est une question d'économies d'échelle. L'éolienne de grande taille s'appuie sur une technologie de pointe comparable à celle d'un avion. Ces turbines produisent suffisamment d'énergie pour réduire les coûts, et c'est pourquoi elles rivalisent — sur le plan du coût — avec les technologies classiques.

Ils ne produisent pas suffisamment de petites turbines. On a l'impression que, s'ils commençaient à produire suffisamment de petites turbines, les coûts baisseraient davantage, même s'ils sont déjà en baisse.

Comme je l'ai mentionné, il y a 10 fabricants de systèmes de taille moyenne dans le monde, et la moitié se trouve au Canada. Il y a 20 ans, au Danemark, une toute petite entreprise appelée Vestas a commencé à fabriquer des turbines éoliennes pour le marché intérieur, et nous savons tous où l'entreprise est rendue. Elle compte parmi les premiers fabricants mondiaux. Nous croyons que la même chose peut se produire au Canada si nous sautons sur l'occasion de leur offrir un marché intérieur.

Actuellement, 1,5 milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à l'électricité. Il faudra des systèmes de cette taille pour leurs collectivités, et nous croyons qu'une excellente occasion se présentera au fur et à mesure que les prix baissent, qu'ils réalisent des économies d'échelle et que nous commençons à exporter un plus grand nombre de ces systèmes.

Nous avons actuellement une technologie canadienne qui fonctionne dans les collectivités de l'Alaska — des systèmes éolien/diesel. Dans les collectivités isolées et éloignées, ces systèmes répondent à 80 p. 100 des besoins énergétiques de différentes collectivités. C'est une technologie canadienne principalement destinée à l'exportation. Si nous pouvons la développer au Canada et faire baisser le prix, il n'y a aucun doute que sa part de marché augmentera. Quant aux petites turbines utilisées dans les ménages, encore une fois, la même situation peut se produire, mais il serait difficile de rivaliser avec l'électricité provenant d'autres sources, si on s'appuie purement sur le prix.

En août 2007, lors de la fameuse panne d'électricité, des agriculteurs ont perdu pour 50 000 $ de stocks parce qu'ils ont manqué d'électricité durant trois jours. En tant que groupe, ils sont très intéressés à jouir d'une certaine indépendance au chapitre de l'approvisionnement en énergie. S'ils peuvent avoir une turbine qui leur procure ce genre d'indépendance, alors cette turbine devient un choix sensé sur le plan financier. Même si le coût de l'électricité est plus élevé, il est stable; ce sera 20 ¢ par kilowattheure au lieu de 12 ¢ — prix de l'électricité achetée au réseau —, mais ce sera 20 ¢ pour la durée de vie de la turbine, à savoir durant 20 ans. En outre, en cas de panne d'électricité, les agriculteurs ont un plan de secours, ce qui leur évitera de perdre 50 000 $. Aux yeux de nombreux agriculteurs, le coût commence à valoir la peine.

Le sénateur Mitchell : À la lumière de la discussion concernant le syndrome « pas dans ma cour », le développement économique et les 10 000 $ ou 20 000 $ qu'un agriculteur reçoit pour une turbine installée sur son terrain, je me rends compte du fait que nous parlons d'un différent modèle d'investissement économique qui a d'importantes conséquences sur le développement rural. Actuellement, comme les centrales thermiques au charbon sont souvent situées près d'une ville, les retombées économiques, quelles qu'elles soient, touchent une ville qui jouit déjà de beaucoup de retombées économiques. Toutefois, ce modèle signifie que la production d'énergie et les avantages qui en découlent peuvent s'étendre partout au pays. De nombreuses collectivités rurales — même en Alberta, où tout le monde croit que les autres sont riches et qu'ils ne le sont pas —, peuvent en tirer profit parce qu'ils peuvent augmenter leur assiette fiscale, alors que l'énergie ne contribuait aucunement à l'assiette fiscale auparavant, et elles peuvent le faire maintenant. Il est question non pas de réduire l'assiette fiscale, mais de la modifier et de la renforcer et d'offrir des possibilités de développement économique à de nombreuses petites communautés isolées. Cela est-il exact?

M. Whittaker : Oui. L'énergie éolienne a toujours été principalement considérée comme un moteur du développement économique rural, et cela a toujours été son point fort. Oui, cet avantage tient au fait que les collectivités rurales sont principalement les endroits où l'argent est distribué. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

Le sénateur Neufeld : Le sénateur Mitchell a fait allusion à ma question : avez-vous dit que certaines entreprises donnent 10 000 $ par turbine à des agriculteurs? Si oui, où?

M. Whittaker : Il y a des projets en Ontario où des agriculteurs reçoivent jusqu'à de 8 000 $ ou 10 000 $ par turbine.

Le sénateur Neufeld : Dans une ville? Laquelle?

M. Whittaker : C'est en campagne. Généralement, les turbines ne sont pas installées dans les villes. Il n'y a pas suffisamment d'espace.

Cela dépend du genre de contrat. Le montant varie, mais, pour une seule turbine, c'est aux alentours de 5 000 $ à 6 000 $, jusqu'à 10 000 $.

Le sénateur Neufeld : C'est beaucoup moins en Alberta. J'ai l'impression que c'est un gros montant comparativement à celui qui m'a été fourni pour Pincher Creek.

M. Whittaker : Cela dépend grandement de la valeur du terrain. En Ontario, le montant tend à être plus élevé en raison de la valeur agricole élevée du terrain; les paiements peuvent donc être plus importants. Le montant est également plus élevé si l'éolienne se trouve sur un site qui constitue une ressource éolienne incroyable; cette parcelle de terrain où la turbine est installée a beaucoup plus de valeur. Cela dépend de l'endroit.

Le président : Est-ce que c'est tout, mes chers collègues?

Le sénateur Dickson : J'ai une petite question : quel avenir réserve-t-on aux parcs éoliens en mer au Canada, plus particulièrement au large de la côte Atlantique?

M. Whittaker : C'est une bonne question. Je suis surpris de ne pas l'avoir entendue avant.

Actuellement, en Europe, nous constatons beaucoup de mouvement vers l'exploitation hauturière, principalement parce qu'ils commencent à manquer d'espaces terrestres. Ils ont des installations terrestres, mais la ressource n'est pas si formidable. Lorsqu'ils vont en mer, ils se retrouvent soudainement avec des facteurs de capacité incroyables ou avec des vents vraiment forts.

Au Canada, nos terres offrent des ressources et des facteurs de capacité incroyables. Les Européens sont toujours impressionnés lorsqu'ils viennent au Canada et voient la quantité d'électricité que les parcs éoliens canadiens produisent.

L'exploitation hauturière suscite beaucoup d'intérêt parce que la ressource est bonne, mais il y a beaucoup de potentiel à exploiter sur la terre. Nous verrons probablement beaucoup de développement, plus particulièrement en Europe et sur la côte Est américaine.

Google a annoncé un plan visant à construire une énorme ligne de transport d'électricité en mer, ce qui est fantastique. C'est parce que le problème aux États-Unis est différent. Leur meilleure ressource se trouve dans le Midwest, et le gros de la demande se trouve sur les côtes Ouest et Est; ils ont donc besoin d'énormes lignes pour transporter l'électricité des deux côtés, alors que, s'ils construisaient des installations en mer, comme au Massachusetts, ils obtiendraient une ressource éolienne fantastique, située assez près de la demande.

Au Canada, c'est différent parce que nous sommes éparpillés, et nos ressources éoliennes sont relativement mieux réparties, ce qui facilite l'approvisionnement.

C'est particulièrement le cas de la région des Grands Lacs qui a une ressource du tonnerre. La Nouvelle-Écosse, plus particulièrement l'île du Cap-Breton, peut en dire autant. Il y a beaucoup de potentiel là-bas. Cela revient à une question financière. Il coûte plus cher de mettre en place un parc éolien au large que sur la terre. Il y a plus de vent, mais il en coûte plus cher de les installer en mer. C'est une question d'équilibre économique.

Le président : Merci infiniment, vous nous avez été extrêmement utile. Nous apprécions les bons commentaires que vous avez présentés sur notre rapport provisoire et le fait que vous appuyez ce que nous tentons de faire.

Vous avez parlé d'une revue où un article de fond a été consacré à l'énergie éolienne. Si vous pouviez faire une copie de cet article et la mettre à la disposition de nos attachés de recherche — de même que d'autres documents —, nous vous serions reconnaissants. Vous pouvez prendre les arrangements nécessaires avec notre greffière, et nous serons heureux d'en prendre connaissance.

Si nous pouvons vous offrir d'autres occasions de faire part de votre message — ce que vous faites de façon si éloquente —, nous serons heureux de le faire. Nous irons, comme nous l'avons mentionné, nous entretenir avec des gens au Québec et dans la région de l'Atlantique au début de la nouvelle année. Nous allons vouloir tout savoir sur l'énergie éolienne — certainement, en Nouvelle-Écosse, au Québec et à l'Île-du-Prince-Édouard —, et nous pourrions faire appel à vos services pour nous mettre en contact avec les personnes appropriées lorsque nous irons dans les collectivités. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à ce sujet.

M. Whittaker : Nous sommes à votre entière disposition et serons honorés de vous fournir tous les renseignements que nous pouvons. Toutes les questions imaginables se trouvent sur notre site web. Je suis sérieux concernant ce défi : si vous avez une question dont la réponse ne figure pas sur notre site web, je vous enverrai un modèle de turbine éolienne.

Le président : Est-ce que vous voulez dire qu'aucune n'a été posée ce soir? Vous avez dit sept fois qu'il s'agissait d'une bonne question; alors, je croyais que nous faisions du bon travail.

M. Whittaker : Vous avez fait de l'excellent travail.

Le président : Pas de prix, par contre.

M. Whittaker : Nous serons heureux de fournir tout renseignement et toute réponse à des questions fréquemment posées. Je veux vous dire un grand merci pour cette occasion. Nous avons rarement la possibilité de parler de l'énergie éolienne dans un contexte plus large.

Nous saluons votre effort pour stimuler le dialogue et la discussion. Nous vous offrirons tout le soutien possible parce que c'est une discussion qui est absolument nécessaire.

Au nom de l'association et de l'industrie éolienne, je vous remercie de cette occasion et je serai disposé à répondre à toute autre question.

Le président : Merci, monsieur. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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