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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 16 - Témoignages du 7 décembre 2010


OTTAWA, le mardi 7 décembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 18 h 14 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Bonsoir, chers collègues et témoins et bonsoir aux spectateurs sur le réseau CPAC, sur Internet et sur notre propre site, pour cette étude spéciale de notre comité.

Il s'agit d'une réunion officielle du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du secteur de l'énergie en général, afin de trouver une stratégie pour avoir un système de production d'énergie et d'électricité plus durable, plus efficient et plus propre dans notre pays à l'avenir, compte tenu des exigences de l'explosion démographique, des changements climatiques et de tous les facteurs environnementaux et économiques connexes.

Nous avons le privilège ce soir d'entendre les représentants de l'Association canadienne des carburants renouvelables. Nous accueillons M. Gordon Quaiattini, président; M. James Grey, président du conseil; et M. Todd Moser, secrétaire. Je crois que vous connaissez nos travaux.

Je m'appelle David Angus, et je suis sénateur du Québec et président du comité. Notre vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, est absent ce soir, mais il est représenté. En passant, je vous prie d'excuser notre début tardif, mais le Sénat est en session. D'habitude, nous sommes prêts à commencer les réunions de comité à 17 heures, mais nous ne sommes pas autorisés à siéger en comité lorsque la Chambre siège. Nous avons maintenant un créneau d'une heure et trois quarts, et j'espère que cela suffira pour faire notre travail ce soir.

Je vais présenter ceux qui sont autour de la table ce soir. À ma droite, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, M. Mark Leblanc et Mme Sam Banks. De ce côté de la table, je pense que vous avez rencontré le sénateur Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Boisvenu, du Québec, représente ce soir le sénateur Lang, du Yukon, qui est absent.

[Traduction]

À ma gauche, notre très compétente greffière, Mme Lynn Gordon, et de ce côté-ci de la table, le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan. Je peux vous assurer que d'autres sénateurs viendront se joindre à nous, mais il est important de commencer tout de suite.

M. Quaiattini a joué pendant longtemps un rôle déterminant pour les clients du secteur des biocarburants et il a été associé au sein du Wellington Strategy Group, une entreprise de relations avec le gouvernement établie à Ottawa, avant devenir président de l'Association canadienne des carburants renouvelables en 2008. À ce titre, il est le principal défenseur de l'industrie des carburants renouvelables à Ottawa et dans les provinces, ainsi que son principal porte- parole national dans les médias.

Monsieur Quaiattini, bienvenue à vous et à votre équipe. Je crois comprendre que vous avez une déclaration. Nous passerons ensuite à la période de questions.

Un autre sénateur vient d'arriver de ce côté-ci de la table, le sénateur Judith Seidman, du Québec. Vous avez aperçu rapidement — et il reviendra dans un instant — le sénateur Paul Massicotte, également du Québec.

Gordon Quaiattini, président, Association canadienne des carburants renouvelables : Nous sommes heureux de témoigner à nouveau devant votre comité. Nous sommes venus la dernière fois en 2008. Votre comité a alors joué un rôle dans l'adoption du projet de loi C-33, qui a établi l'obligation de mélanger 5 p. 100 de carburants renouvelables dans l'essence et 2 p. 100 dans le diesel. Nous sommes ravis de témoigner à nouveau devant votre comité à l'occasion de vos importants travaux sur la politique énergétique du Canada.

Je présenterai d'abord ceux qui m'accompagnent. Jim Grey est président-directeur général chez IGPC Ethanol Inc., une organisation unique, puisque c'est la seule coopérative agricole qui possède une usine d'éthanol au Canada. Cette coopérative appartient majoritairement à plus de 900 investisseurs agricoles de l'Ontario. M. Grey est également président du conseil de l'Association canadienne des carburants renouvelables. Todd Moser est vice-président des carburants de remplacement chez Rothsay Biodiesel, une filiale des Aliments Maple Leaf. Rothsay Biodiesel a construit la première usine de biodiesel commercial au Canada, dans la province de Québec. L'éthanol et le biodiesel sont donc représentés à la table.

Le président : Désolé de vous interrompre, mais un autre sénateur vient d'arriver, comme je vous l'avais promis. Le sénateur Dickson vient de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

M. Quaiattini : Le moment est particulièrement bien choisi pour nous de venir vous rencontrer, étant donné que nous venons tout juste de terminer notre dernier rapport sur l'industrie, dont j'ai remis copie au comité. Nous avons consacré environ 18 mois à ce document, pour définir la taille et la portée de l'industrie que nous avons bâtie au cours des 15 dernières années au Canada, en particulier pendant les cinq dernières années, quand nous avons grandement accru les capacités. Nous décrivons également ce que nous aimerions faire dans ce domaine à l'avenir. Je sais que les sénateurs ont ce document, que nous avons pu remettre au comité dans les deux langues officielles la semaine dernière.

Pourquoi les carburants renouvelables? Pour quelle raison sommes-nous un élément avisé et assuré de l'avenir énergétique, environnemental et agricole du Canada? En un mot, pour répéter une phrase que nous disons souvent, nous aidons le Canada à aller au-delà du pétrole. Mais permettez-moi d'être clair en disant que, lorsque je parle d'aller au-delà du pétrole, je ne veux pas dire que les combustibles fossiles sont sur le point de disparaître. Je ne veux pas dire non plus que nous faisons campagne contre le secteur pétrolier et gazier. Ni contre tout autre élément du secteur énergétique qui assure des emplois et la croissance dont nous profitons tous au Canada. Nous ne parlons pas de substitution. Nous parlons de diversité. Et nous parlons du rôle vital que les carburants que nous extrayons du sol ou que nous produisons en laboratoire jouent actuellement et continueront de jouer à cet égard.

Bien entendu, et les honorables sénateurs le savent sans doute, le pétrole continuera d'occuper la première place dans un avenir prévisible, mais les carburants renouvelables sont en pleine expansion. Ils sont de plus en plus utilisés et ils offrent d'excellentes possibilités à long terme au Canada.

C'est le cas pour une foule de débouchés et, franchement, c'est représentatif de ce qui se passe ailleurs dans le monde. C'est le cas dans les pays en développement et dans les pays émergents, dans le monde entier, où la production croissante d'éthanol a la capacité de contribuer à l'augmentation du bien-être économique et à l'égalité sociale. Et c'est certainement le cas ici même au Canada.

Nous avons fait des pas de géant dans le secteur de l'éthanol et du biodiesel. Des usines de production d'éthanol à partir de céréales ont été construites et sont maintenant opérationnelles. La production de biodiesel à partir d'oléagineux et de graisse jaune est une réalité et deviendra un succès commercial encore plus grand puisque l'industrie envisage d'ajouter de nouvelles capacités de production au Canada.

Ce que je dis, c'est que, au XXIe siècle, le Canada joue un rôle de chef de file et doit continuer de jouer ce rôle dans le domaine des carburants renouvelables et de remplacement de même que dans le secteur pétrolier et gazier traditionnel. Ce n'est pas une question de choix. C'est une simple question de mathématique. L'offre et la demande sont les éléments de base de l'équation. Le prix du pétrole va toujours fluctuer. Toutefois, la réalité est inévitable : le pétrole est une ressource finie. Nous avons besoin de produits de remplacement. Ces produits sont nécessaires. De concert avec des entreprises engagées et grâce à une politique publique avisée, le Canada peut contribuer à relever ce défi. En devenant un fournisseur énergétique diversifié sur les marchés mondiaux, nous pouvons continuer à connaître la réussite dans le secteur énergétique et, en fait, nous pouvons prendre appui sur notre succès. Comme on le dit : la diversité fait la force, et les gouvernements et les parlements successifs, ainsi que le Sénat évidemment, le reconnaissent depuis deux décennies.

Je ne vous ferai pas un cours d'histoire, mais j'aimerais souligner la collaboration importante qui a toujours existé entre le gouvernement et l'industrie afin d'aider ce secteur à trouver ses marques et à faire concurrence à des intérêts colossaux et bien établis pour se tailler une place. Les gouvernements ont mis en place quelques politiques afin d'aider notre secteur à prendre pied dans l'industrie incroyablement compétitive des carburants de transport. Permettez-moi de prendre quelques minutes pour les passer brièvement en revue.

D'abord et avant tout, il y a la norme sur les carburants renouvelables, le projet de loi C-33 que j'ai évoqué plus tôt et les travaux de votre comité à ce sujet en 2008. Cette mesure exige un contenu minimum en carburant renouvelable de 5 p. 100 dans l'essence. Elle prendra effet la semaine prochaine, le 15 décembre.

Pour notre industrie, elle offre la garantie d'un marché déterminé. Elle assure une place pour nos produits et nous encourage à exploiter nos installations de façon économique. En fait, nous célébrons ce mois-ci la promulgation officielle de ces règlements applicables à l'éthanol.

En ce qui concerne le pourcentage de 2 p. 100 établi dans la norme sur les carburants renouvelables applicable au biodiesel, l'industrie que nous représentons demande de fixer au 1er avril 2011 la date de début de la première période d'application, laquelle prendra fin le 31 décembre 2012. J'aimerais m'arrêter un instant sur le sujet parce que je sais que les membres du comité ont entendu d'autres témoins remettre en question la norme sur les carburants renouvelables applicable au biodiesel, comme ce fut le cas auparavant pour la norme sur les carburants renouvelables applicable à l'éthanol.

Soyons bien clairs; les questions portant sur le rendement à basse température et la faisabilité technique ne se posent plus. On y a déjà répondu; catégoriquement et à maintes reprises. En fait, il vous faudra chercher longtemps pour trouver une industrie qui a fait l'objet d'autant de tests ou d'examens aussi approfondis que celle du biodiesel. Projets pilotes, études pointues, enquêtes et examens; nous avons relevé tous les défis haut la main. De plus, les autres intervenants de l'industrie peuvent difficilement nous trouver en défaut au sujet de l'avis, étant donné que le gouvernement a entamé le processus de consultation dès 2006, il y a près de cinq ans.

Les études de faisabilité technique ont été achevées en 2008 et le rapport a paru en janvier 2009, il y a donc près de trois ans. En avril 2010, d'autres projets de démonstration ont été achevés et un rapport préliminaire a été remis par Ressources naturelles Canada à Environnement Canada l'été dernier. Bref, ce que j'essaie de dire aussi clairement que je peux, c'est que nous avons réussi toutes les épreuves qui nous ont été imposées. Et nous convenons avec le gouvernement que le moment d'agir est venu.

Et l'affaire n'est pas banale; tant pour l'éthanol que pour le biodiesel, la norme sur le carburant renouvelable est la pierre angulaire de notre industrie. Pour l'investisseur, elle est synonyme de certitude et c'est la certitude qui crée l'intérêt. Au Canada rural, elle se traduit par des emplois maintenus, des usines qui tourneront et de la matière première à vendre. Pour les conducteurs, c'est des carburants plus verts et une incidence positive, à terme, sur les prix à la pompe. Pour nous, la norme se traduit par une réduction des émissions de gaz à effet de serre et un avenir énergétique plus propre.

Le deuxième levier public important aura été le programme écoÉNERGIE pour les biocarburants. Comme vous le savez, ce programme offre un soutien crucial pour ce qui est d'attirer les capitaux nécessaires à l'édification d'une capacité de production d'éthanol et de biodiesel au Canada.

Je ne saurais dire à quel point ce programme a été vital dans la production des résultats que nous constatons. Nous collaborons avec le gouvernement afin de réorganiser ses efforts dans le domaine du biodiesel, dans la perspective de passer à la production commerciale à grande échelle au Canada.

Enfin, il faut mentionner le Fonds de technologies du DD et le Fonds de biocarburants ProGen de Technologies du développement durable Canada (TDDC), qui ont joué un rôle clé en aidant notre industrie à financer des technologies naissantes pour l'élaboration des biocarburants de la prochaine génération. En fait, bon nombre de ces projets sont proches de la phase de commercialisation et la recapitalisation du Fonds de technologies du DD et le maintien du Fonds de biocarburants ProGen exclusivement pour ces projets revêtent une importance cruciale pour la réussite de ces technologies de pointe élaborées chez nous.

De ce que nous faisons avec le gouvernement, je vais maintenant passer à ce que nous faisons pour le Canada et je commencerai par l'économie. Il s'agit principalement des faits saillants tirés du rapport que nous vous avons remis.

Chaque année, plus d'un millier d'emplois permanents ont été créés dans le secteur secondaire par l'industrie des biocarburants pour soutenir le fonctionnement des usines. Ces emplois s'ajoutent aux 14 000 emplois directs et indirects qui ont déjà été créés par la construction de nouvelles installations.

Quelque 2,3 milliards de dollars d'immobilisations investis, pour la plupart sinon la totalité en région rurale; environ 3 milliards de dollars d'activité économique et un accroissement de 1,5 milliard de dollars de l'assiette fiscale locale, provinciale et fédérale, uniquement dans la phase de la construction. En tout, l'industrie ajoute jusqu'à 2 milliards de dollars à l'économie canadienne.

À cela, il faut ajouter les avantages environnementaux de notre industrie. Avec l'entrée en vigueur de l'exigence de 5 p. 100 et l'engagement d'imposer celle de 2 p. 100 en 2011, ces normes combinées sur le carburant renouvelable permettront d'abaisser les émissions de carbone de 4,2 mégatonnes par année, soit l'équivalent du retrait d'un million de voitures de notre réseau routier. D'après un rapport préparé par ChemInfo Services, des experts indépendants, l'éthanol produit au Canada permet de réduire les émissions de GES de 62 p. 100, par rapport aux combustibles fossiles classiques, et le biodiesel permet de réduire les émissions de GES d'un impressionnant 99 p. 100.

Notre bilan énergétique est résolument positif. Selon des études faites récemment par l'Agence internationale de l'énergie, pour chaque unité d'énergie utilisée pour créer des biocarburants, 2,34 unités sont produites. Cela constitue un ratio très élevé, tant pour l'efficacité que pour les avantages environnementaux.

Le bulletin de l'industrie fait état de nombreux autres avantages comme l'incidence positive pour les agriculteurs et les promesses des biocarburants pour l'industrie forestière et les collectivités qui en dépendent pour leur prospérité.

Mon message à ce propos est fort simple : notre industrie a tenu promesse. Nous sommes même allés au-delà des attentes. Nous devons maintenant penser à la prochaine étape.

Pour cela, nous devons concentrer notre attention sur les biocarburants avancés. Car nous savons, en tant qu'industrie, que c'est notre capacité de produire les biocarburants de première génération qui nous permettra de mettre au point la prochaine génération de biocarburants avancés. Et nous savons que les avantages scientifiques, environnementaux et économiques additionnels des biocarburants se feront sentir pendant des années.

La course est déjà engagée, à l'échelle planétaire, pour produire de meilleurs biocarburants; le Canada occupe une position idéale et il peut la conserver si nous maintenons notre rythme de travail.

Nous concevons ce travail en deux temps : les besoins à court terme et les possibilités à long terme. À court terme, nous devons terminer le travail portant sur le biodiesel. Après, nous préconisons la création d'un groupe de travail international sur les biocarburants avancés qui nous aidera à coordonner et à planifier soigneusement nos efforts pour ouvrir la marche dans ce domaine nouveau.

À plus long terme, au-delà des normes de 5 p. 100 et de 2 p. 100, nous voyons une norme élargie. Cela veut dire un engagement à porter les marchés des carburants renouvelables à 10 p. 100 et à 5 p. 100 afin d'assurer un accès suffisant au marché, un marché dans lequel les biocarburants avancés répondraient à une partie croissante de la demande. Et, en cette période de restrictions budgétaires, il est logique d'examiner d'autres formules de financement des programmes, par exemple des mesures fiscales ciblées, sans incidences sur les recettes, qui inciteraient à produire des biocarburants avancés et à investir dans le domaine.

Notre industrie est en pleine transition. Il faut mesurer le chemin parcouru en compagnie du gouvernement; constater que nous avons tenu nos engagements. Et nous sommes prêts à continuer, au nom de notre industrie et de la population canadienne qui appuie la cause de carburants plus verts et plus propres.

Sachez que notre industrie est ravie de pouvoir s'adresser à votre comité et lui expliquer sa situation. Le Sénat en général et votre comité en particulier sont respectés pour le travail approfondi et minutieux qu'ils ont accompli à ce sujet jusqu'ici.

Ce fut un plaisir de vous exposer le travail que nous avons réalisé et d'évoquer ce que nous voulons faire pour le Canada et les Canadiens, en tirant profit d'une saine association avec le gouvernement et les deux Chambres du Parlement. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Deux autres sénateurs nous ont rejoints, le sénateur Bert Brown, de l'Alberta; et le sénateur Janis Johnson, du Manitoba, qui représente le sénateur Linda Frum, de Toronto, ici ce soir.

Chers collègues, je vous rappelle tous que nous devons être revenus à la Chambre à 20 heures, alors tenez-en compte dans vos questions. Je ne veux couper la parole à personne, mais j'aimerais que la période de questions aille rondement, si possible.

Je poserai d'abord quelques questions. J'ai jeté un coup d'oeil rapide à votre brochure, qui présente essentiellement association et les réalisations dans l'industrie des biocarburants. Je n'ai pas vu de liste de vos membres. Y a-t-il une liste des membres de l'Association canadienne des carburants renouvelables?

M. Quaiattini : Oui, dans l'annexe du document, à la page 26, il y a une liste de toutes les usines d'éthanol opérationnelles ou en construction; et à la page 29, la même chose pour le biodiesel.

Le président : Excellent. Êtes-vous financés par des cotisations de vos membres?

M. Quaiattini : Toutes ces usines ne sont pas membres, mais oui, c'est exact. Nous représentons les fabricants d'éthanol et de biodiesel. Nous avons aussi des membres parmi les organisations agricoles, comme le Conseil canadien du canola et Grain Farmers of Ontario. Quelques intérêts agricoles sont aussi représentés à notre table.

Des sociétés énergétiques, comme Shell et Suncor, sont également membres de l'association puisqu'elles produisent des carburants renouvelables, ainsi que des sociétés intéressées à investir dans les technologies de la prochaine génération. Toute la chaîne de valeur des fournisseurs de technologie et des producteurs de carburant est représentée à notre table.

Le président : Vous avez expliqué assez longuement que vous avez collaboré avec le gouvernement — le gouvernement fédéral en particulier — pour arriver à l'étape actuelle, que vous avez qualifiée de point tournant, et que vous devez maintenant passer à l'étape avancée de votre industrie.

Je remarque que vous avez évoqué Technologies du développement durable Canada et ses fonds, ainsi que les organisations qui ont reçu du financement et qui ont réussi. En ce qui concerne les mesures à prendre pour l'avenir, vous avez attiré mon attention quand vous avez déclaré qu'il est extrêmement important de recapitaliser TDDC. Que voulez-vous dire? Quelles sont les sommes en cause et de quelles sources?

M. Quaiattini : TDDC a deux fonds qui appuient actuellement non seulement le secteur des carburants renouvelables mais aussi les autres acteurs du secteur de l'énergie renouvelable au Canada. Le fonds de technologies vise à prendre la recherche et l'innovation qui sont principalement à l'étape du laboratoire, du projet pilote, et à l'amener à l'étape de la démonstration.

Un exemple dans notre industrie est Iogen Corporation, établie à Ottawa. C'est une entreprise de technologie de l'éthanol cellulosique de la prochaine génération. Iogen a profité du fonds de technologies et des précurseurs de ce fonds. Elle a pris cette technologie de production d'éthanol cellulosique du niveau du laboratoire et a construit une usine de démonstration à Ottawa qui produit quelque 5 millions de litres par année d'éthanol cellulosique de prochaine génération. Quand arrive la transition vers la commercialisation de cette technologie de la prochaine génération, le Fonds de biocarburants ProGen de TDDC entre en jeu.

Le problème actuel est que le fonds de technologies est complètement utilisé et que plusieurs technologies concurrentes, pas seulement dans les carburants renouvelables, mais aussi l'énergie éolienne, le solaire et la biomasse, par exemple, aimeraient que leur technologie parvienne à l'étape de la démonstration. L'an dernier, TDDC a demandé en vain du financement supplémentaire pour le fonds de technologies.

Le président : Quels sont les montants en jeu?

M. Quaiattini : Il faudrait demander à TDDC. Je ne sais pas exactement combien ils ont demandé. Le programme original était d'environ 550 millions de dollars, et la plus grande partie de ce montant est déjà engagée. Le Fonds de biocarburants ProGen est un programme de 500 millions de dollars. Il est utilisé en entier actuellement et il n'y a pas besoin d'argent frais dans ce secteur.

Le président : Merci. Nous procéderons en fonction de notre liste. Je donne la parole au sénateur Massicotte, grand actionnaire d'Iogen, j'en suis sûr. S'il ne l'est pas, il le deviendra.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Dans votre rapport, vous parlez de mythes et vous essayez de les détruire. Je ne suis pas un expert dans votre domaine, mais quand on lit ce qui s'écrit sur les incidences environnementales, il y a toujours quelques constantes. Ainsi, l'utilisation du maïs est efficiente pour la fabrication de biocarburants, mais quand on tient compte de toute l'énergie qu'il faut, y compris l'eau, la planète ne devrait pas utiliser le maïs pour produire de l'éthanol, mais plutôt la canne à sucre ou d'autres plantes qui poussent très rapidement au Brésil. Pouvez-vous nous donner plus de renseignements à ce sujet? Est-ce une affirmation valide, ou êtes-vous d'accord? De grands experts sont arrivés à cette conclusion.

M. Quaiattini : Il ne fait aucun doute qu'il y a des avantages à utiliser la canne à sucre pour produire de l'éthanol. C'est une charge d'alimentation efficiente pour cette production, mais vous conviendrez qu'elle ne pousse pas sous tous les climats. La canne à sucre ne pousse que dans certains pays tropicaux, où ce type de matière première a un potentiel de croissance. Des pays comme le Canada et les États-Unis ne pourraient pas faire pousser de la canne à sucre de manière viable, alors il faut trouver des cultures de remplacement, du côté des céréales. Le maïs et le blé sont devenus la charge d'alimentation dominante de première génération pour la production de carburants renouvelables.

C'est une matière première très efficiente parce qu'on n'utilise que l'amidon pour produire l'éthanol, et que c'est à partir de l'amidon qu'on extrait le sucre, et le sucre est fermenté pour produire de l'alcool. L'alcool est ensuite dénaturé avec de l'essence pour produire de l'éthanol. C'est un processus qui existe depuis des centaines d'années, alors l'aspect scientifique de la production d'alcool n'est pas nouveau. C'est l'efficience avec laquelle on peut extraire le sucre du grain et transformer les nutriments et les vitamines contenus dans le grain dans un sous-produit comme le grain distillé. Ce grain distillé se retrouve ensuite dans le secteur de l'élevage et est un aliment précieux qu'aiment les éleveurs de bétail, parce qu'il concentre les nutriments et les vitamines. C'est un aliment pour le bétail qui a plus de valeur que le grain brut. Les éleveurs obtiennent donc une valeur en utilisant du grain distillé.

Nous sommes assez efficients pour utiliser du maïs et du blé afin de produire de l'éthanol, sénateur. Dans le climat nord-américain, comme ailleurs, c'est la matière première la plus efficiente actuellement pour la production, et nous produisons plus de maïs et de blé qu'il n'en faut pour pouvoir répondre aux besoins du marché des aliments pour le bétail, sans oublier une fois de plus que le grain que nous utilisons n'est pas du grain alimentaire. Le maïs que nous utilisons est le maïs jaune industriel. C'est du maïs destiné à l'alimentation du bétail. La production d'éthanol n'est pas en concurrence avec la production d'aliments. Il y a une saine concurrence en ce qui concerne l'utilisation par le bétail, mais c'est avec le grain sec distillé, qui est un sous-produit de la production d'éthanol, pour lequel nous pensons qu'il y a une valeur dans l'industrie de l'élevage.

Le gouvernement a pris la décision importante de mettre en place une stratégie de l'éthanol, en partie pour aider les producteurs de grains du Canada qui, vous en conviendrez sans doute, pendant plusieurs années ne pouvaient pas gagner leur vie avec ce qu'ils plantaient dans le sol et récoltaient à l'automne. De fait, le gouvernement fédéral actuel, lors de la première réunion du Cabinet du premier ministre Harper, a été obligé de verser 1 milliard de dollars dans un programme d'urgence pour aider les producteurs de grains en 2006, simplement parce que les agriculteurs ne s'en sortaient pas et avaient donc besoin de ces filets de sécurité. Ce qui était troublant dans cette décision de 2006, c'est qu'elle n'était pas la première et que les gouvernements précédents avaient dû faire exactement la même chose. En partie, le gouvernement, fédéral et provincial, a vu la corrélation directe entre un nouveau débouché sur le marché pour les grains canadiens grâce à la production de carburants renouvelables et une certaine transformation à valeur ajoutée au pays.

Le sénateur Massicotte : C'était une subvention du gouvernement à l'industrie de l'élevage ou des grains.

M. Quaiattini : Oui. Pendant presque toute la dernière décennie, les gouvernements successifs ont dû mettre en place des programmes d'urgence et de protection du revenu à l'intention des agriculteurs. D'après Statistique Canada, 2008 a été la première année où il y a eu une réduction nette de quelque 1,2 milliard de dollars des programmes de protection du revenu des agriculteurs. On pouvait voir qu'après 2006, 2007 et 2008, le prix des grains a finalement commencé à remonter, de sorte que les producteurs de grains du pays ont pu obtenir un revenu acceptable.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous mettre un prix à tout cela? Je suis un homme d'affaires. Cela coûte combien? C'est une subvention indirecte du gouvernement. Combien cela coûte-t-il, combien coûte un gallon de ce produit par rapport au pétrole ou selon un autre point de comparaison, comme la réduction des CO2? Pouvez-vous me donner une comparaison du prix de production avec le pétrole, le gaz naturel et le nucléaire? S'il n'y avait aucune subvention, existeriez-vous? Si aucun quota n'était imposé, existeriez-vous?

M. Quaiattini : Le mandat est certainement l'instrument le plus précieux que nous ayons.

Le sénateur Massicotte : Si vous ne l'aviez pas, existeriez-vous?

M. Quaiattini : Ce serait difficile, par ce que l'industrie pétrolière a eu pour ainsi dire un monopole de 100 ans, en possédant le système de distribution du carburant au Canada.

Le sénateur Massicotte : La réponse est non.

M. Quaiattini : La réponse est non. Sans la politique du gouvernement, nous ne serions pas là.

Le sénateur Massicotte : S'il y avait une subvention directe, combien vous faudrait-il pour soutenir la concurrence du gaz naturel, du pétrole, de l'énergie nucléaire et ainsi de suite?

M. Quaiattini : Encore une fois, c'est un peu difficile de répondre à cette question, mais permettez-moi de vous donner la meilleure réponse dont je suis capable. Je vais essayer également d'être aussi bref que possible.

À cette jeune étape de notre industrie, le prix de l'éthanol est relié à la fois au prix du pétrole et au coût de notre charge d'alimentation. Ce sont les deux principaux facteurs du prix de l'éthanol. Quand le maïs coûtait 2 $ le boisseau et que le pétrole coûtait 40 $ le baril, nos prix étaient concurrentiels. Si le prix du maïs dépasse 6 $ et que le pétrole coûte ce qu'il coûte actuellement, soit plus de 90 $ le baril, nos prix sont encore concurrentiels.

Le sénateur Massicotte : Quel est le coût de production d'un gallon d'éthanol?

James Grey, président du conseil, Association canadienne des carburants renouvelables : C'est une question difficile à répondre parce que 75 p. 100 de notre coût de production est le maïs et que le prix du maïs change tous les jours.

Le sénateur Massicotte : C'était la semaine dernière ou le 31 novembre? Donnez-moi un point de comparaison.

M. Grey : Il y a une heure, peut-être.

Le sénateur Massicotte : Il y a une heure, donc.

M. Grey : Il coûtait environ 5 $ le boisseau.

Le sénateur Massicotte : Je sais combien coûte un gallon d'essence. Si c'était de l'éthanol pur, combien coûterait un gallon?

M. Grey : Pour donner une idée, habituellement, le rendement dans une usine d'éthanol est d'environ 2,8 gallons d'éthanol par boisseau de maïs.

Le sénateur Massicotte : C'est la réponse à ma question?

M. Grey : Encore une fois, c'est très difficile de répondre. Si vous faites le calcul, 2,8 gallons le boisseau, à 5 $, ce qui représente 75 p. 100 de notre coût, cela donne un peu moins de 3 gallons d'éthanol, alors 4 $.

Le sénateur Massicotte : Quatre dollars le gallon ou le litre?

M. Grey : Le gallon.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Tout d'abord, monsieur Quaiattini, mes compliments pour une très bonne présentation marketing. Vous faites bien l'éloge de l'utilisation des biotechnologies en matière d'énergie. Toutefois, ce n'est pas sur ce volet que porteront mes questions.

Dans les années 2000, j'étais directeur général du ministère de l'Environnement en Montérégie, région où on produit beaucoup de maïs. À cette époque, un débat entourait la question à savoir si le maïs devait nourrir nos voitures ou la planète.

Je comprends que la production de maïs industrielle et la production de maïs à des fins humaines ou animales sont deux générations différentes. Toutefois, ces deux cultures se font sur les mêmes terres. Pour produire l'éthanol, vous avez besoin de deux matières premières soit le sol et le maïs.

La production de maïs au Canada va en augmentant. Dans les dix prochaines années, elle passera de 8 à 15 millions de tonnes, soit presque le double de la production actuelle.

La culture du maïs requiert beaucoup de pesticides et d'engrais chimiques. L'azote, par exemple, est utilisé pour démarrer la production de maïs. Cependant, il est la source des algues bleues. En Montérégie, on retrouve plusieurs projets d'implantation d'usines d'éthanol.

Comment comptez-vous composer avec cette problématique environnementale majeure? Les sols cultivables, en Montérégie, sont en décroissance à cause de l'urbanisation. La Montérégie est située au sud de Montréal, dans la vallée de la plaine du Saint-Laurent. Il s'agit d'une des plaines les plus fertiles du Canada, si on la compare à l'Ouest canadien. À chaque année, on perd dans cette région près de 15 000 hectares au profit de l'urbanisation.

Devant cette augmentation de la production, tant dans l'Ouest qu'au Québec, comment allons-nous relever ce défi environnemental, que nous avons a créé depuis 20 ans? De quelle façon votre industrie relèvera ce défi? J'ai peine à m'imaginer comment on fera face à la situation environnementale qui règne en Montérégie alors que la production de maïs doublera au cours des prochaines années pour fabriquer de l'éthanol.

[Traduction]

M. Quaiattini : Vous avez posé des questions très importantes. Je vais tenter de répondre à la question concernant les terres agricoles disponibles, puis je décrirai ce que je connais des débouchés dans la province de Québec.

Dans le contexte canadien, en ce qui concerne l'ampleur des terres agricoles et surtout de la biomasse disponible, nous pouvons certainement accroître la production d'éthanol et de biodiesel bien au-delà de ce que nous faisons actuellement. Je vais situer le contexte.

À l'heure actuelle, nous avons une capacité de production d'environ 1,9 milliard de litres d'éthanol dans un marché autorisé qui, comme je l'ai dit, commence la semaine prochaine, ce qui nécessitera 2 milliards de litres d'éthanol.

Pour le biodiesel, nous avons une capacité de production d'environ 160 millions de litres dans un marché autorisé qui nécessitera un peu plus de 500 millions de litres, alors il y a encore beaucoup de chemin à faire afin de bâtir la capacité nécessaire pour le biodiesel.

Pour l'éthanol, nous y sommes presque. Nous avons une grande usine d'éthanol en Ontario qui commencera à tourner au début de l'an prochain et une autre petite usine qui produit actuellement, ce qui nous fournira presque les 2 milliards de litres dont nous avons besoin.

Mais dans une perspective nationale et en particulier dans l'Ouest canadien où nous n'avons pas encore une grande capacité de production, il y a beaucoup de terres agricoles disponibles. De 5 à 7 millions d'acres environ de terre arable restent en jachère tous les ans. Ces terres ne sont tout simplement pas cultivées, en partie parce qu'il n'y a pas de demande pour les grains.

Vous avez raison, il y a peu de capacité dans la province de Québec pour accroître la production traditionnelle d'éthanol de première génération à partir du maïs. Dans les discussions avec le gouvernement du Québec, notre industrie a indiqué très clairement que la capacité de production d'éthanol-maïs au Québec se fonderait sur la quantité de maïs excédentaire qui serait mise à disposition, et que toute expansion future de la capacité de production d'éthanol au Québec serait axée sur la technologie de la prochaine génération, où nous utiliserions des résidus agricoles, des résidus forestiers et d'autre biomasse comme charge d'alimentation.

Vous avez raison d'affirmer qu'il y a peu de marge de manoeuvre pour faire plus au Québec. Par conséquent, notre industrie a été assez sensible dans les discussions que nous avons avec la province et avec les partenaires agricoles du Québec au fait que le développement là-bas sera axé sur les technologies de la prochaine génération.

Mais dans l'Ouest canadien, nous avons certainement une grande capacité pour produire beaucoup plus que maintenant.

L'autre aspect qui me paraît délicat, pour répondre directement à votre question, est qu'il importe également de tenir compte de l'évolution des rendements. Presque toute l'expansion considérable de la production d'éthanol au cours de la dernière décennie, tant aux États-Unis qu'au Canada, est attribuable à la quantité de maïs que nous récoltons grâce à la croissance des rendements. Il y a 20 ou 25 ans, nous récoltions environ 70 boisseaux de maïs à l'acre. De nos jours, le rendement est d'environ 150 à 160 boisseaux à l'acre. De fait, en Ontario, les agriculteurs ont récolté cette année jusqu'à 200 boisseaux à l'acre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : L'augmentation de la production du maïs suit la même courbe que la croissance d'utilisation des engrais. L'accroissement de la production du maïs, particulièrement au Québec, fut rendu possible grâce à l'utilisation massive des engrais.

Je comprends que des modifications génétiques ont été effectuées, que la qualité du maïs a augmenté et que beaucoup de recherche a été faite. Toutefois, la croissance de la production de maïs suit la croissance de l'utilisation des engrais. L'utilisation des engrais m'inquiète.

[Traduction]

M. Quaiattini : En réalité, c'est plutôt le contraire actuellement. Ce sont des statistiques nord-américaines et elles peuvent varier d'une région à l'autre, Mais si vous regardez les tendances actuelles, depuis 10 à 15 ans, pour la production de maïs, l'utilisation d'engrais azotés diminue nettement à mesure que la production de maïs augmente.

Vous avez évoqué la raison, en partie; c'est beaucoup attribuable à la modification des semences et aux progrès biotechnologiques. Nous cultivons du maïs qui résiste aux ravageurs et qui, par conséquent, ne demande pas plus de pesticides. Il est question de souches de charges d'alimentation qui peuvent extraire les nutriments du sol sans qu'il faille ajouter beaucoup plus d'engrais pour permettre cette expansion.

Le maïs utilisé pour la production de carburants renouvelables au Canada n'est jamais irrigué, alors nous comptons seulement sur l'eau qui tombe du ciel quand il pleut. Il n'y a aucune irrigation. Ce qui est particulièrement important — et les agriculteurs canadiens sont des chefs de file dans ce domaine —, c'est l'atténuation de l'érosion des sols par des pratiques sans labour. Nous ne labourons plus chaque fois que nous changeons de culture. Nous utilisons une technologie très précise pour semer et pour appliquer l'engrais afin que l'engrais ne soit pas appliqué dans tout le champ; il est appliqué de façon à ce que la plante ait le plus de chance d'extraire ce nutriment. Le Canada est presque le chef de file incontesté de l'atténuation de l'érosion des sols, grâce à certains des meilleurs agriculteurs.

Le gouvernement du Québec, les agriculteurs du Québec et notre industrie ont été particulièrement mobilisés. La grande usine d'éthanol de GreenField Ethanol à Varennes, au Québec, a une entente avec les agriculteurs qui l'approvisionnent en maïs afin qu'ils respectent des normes de durabilité environnementale dans la production de ce maïs, pour qu'il puisse être utilisé dans la production d'éthanol à l'usine. Une entente a été négociée entre la province de Québec, GreenField Ethanol et les agriculteurs. Environ 400 agriculteurs de la région fournissent le maïs, et nous pensons que c'est un modèle de pratiques exemplaires de durabilité, assez progressiste pour assurer l'atténuation environnementale dans la production d'éthanol.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je conclurais en disant qu'il faut comprendre que, au Québec, les engrais animaux, le fumier, sont contrôlés par des normes, mais on ne contrôle pas encore l'utilisation des engrais chimiques. Je vous donne un exemple : vous parlez toujours de l'azote comme démarreur. Un fermier part une production de maïs, une pluie survient, arrosant le sol, il sera autorisé à remettre une autre application d'azote.

C'est vrai qu'il y a eu des ententes entre les producteurs agricoles dans l'utilisation d'engrais animal, surtout en ce qui concerne les lisiers, mais, dans l'utilisation des engrais chimiques, je doute qu'il y ait eu une entente.

[Traduction]

Le président : La situation a un peu changé depuis que vous étiez haut fonctionnaire chargé de l'environnement, mais c'est très intéressant.

Le sénateur Peterson : Merci, messieurs, pour votre exposé. Vous avez mentionné que vous voulez être un fournisseur d'énergie pour le monde entier. Avez-vous un mandat dans toutes les provinces actuellement?

M. Quaiattini : Sénateur, j'irai d'ouest en est. La Colombie-Britannique a un mandat d'éthanol de 5 p. 100 et un mandat de biodiesel de 3 p. 100, qui montera à 5 p. 100. C'est entré en vigueur le 1er janvier de cette année.

L'Alberta a un mandat d'éthanol de 5 p. 100 et un mandat de biodiesel de 2 p. 100, qui entreront en vigueur le 1er avril 2011.

En Saskatchewan, un mandat d'éthanol de 7.5 p. 100 est en place depuis quelques années. Comme vous le savez, la Saskatchewan a été l'une des premières provinces à autoriser l'utilisation de l'éthanol. Le gouvernement Wall s'est engagé à établir une norme pour le biodiesel, et nous espérons que cet engagement sera tenu en 2011.

Le Manitoba a un mandat d'éthanol de 8,5 p. 100, qui existe depuis quelques années et une norme pour le biodiesel qui est entrée en vigueur en novembre 2009.

L'Ontario a un mandat d'éthanol de 5 p. 100, qui est entré en vigueur en 2007.

Le Québec n'a pas de mandat, mais il a une cible de 5 p. 100 de biocarburants de la prochaine génération en 2012. Comme je l'ai indiqué au sénateur précédent, c'est l'orientation que le gouvernement du Québec a prise.

Il n'y a pas de normes sur les carburants renouvelables dans la région de l'Atlantique et, comme le sait le comité, le mandat national entre en vigueur la semaine prochaine pour les 5 p. 100 d'éthanol et il y a un engagement de mettre en place un mandat de 2 p. 100 en 2011.

Le sénateur Peterson : Vos installations auront du mal à répondre à la demande, n'est-ce pas?

M. Quaiattini : Oui. Le mandat de 5 p. 100 qui entre en vigueur la semaine prochaine nécessitera quelque 2 milliards de litres d'éthanol à mélanger, et nous avons actuellement une capacité de production de 1,9 milliard de litres, et certaines usines qui commencent à tourner. Nous aurons une expansion suffisante pour remplir le mandat pour l'éthanol.

Pour le biodiesel, nous sommes encore loin. L'absence de date ferme pour le début du mandat en 2011 a influencé des décisions capitales sur la construction de capacités de production supplémentaires, alors nous souhaiterions certainement que le gouvernement agisse rapidement pour tenir cet engagement. Nous sommes optimistes que le gouvernement le fera au début de la nouvelle année.

Le sénateur Peterson : Avez-vous des importations actuellement?

M. Quaiattini : Nous en avons un peu, certainement pour le biodiesel, vu les mandats en place en Colombie- Britannique et les travaux de préconformité en cours en Alberta et en Manitoba. Nous avons du biodiesel américain qui entre sur le marché canadien, mais nous avons aussi du biodiesel canadien, qui se concentre principalement en Ontario et au Québec, exporté sur le marché américain. Nous n'avons pas tout à fait la capacité suffisante dans l'Ouest canadien pour répondre aux besoins des mandats, et nous sommes donc appuyés actuellement par du biodiesel importé des États-Unis. En Ontario et au Québec, en l'absence de normes, la production actuelle est exportée sur le marché américain actuellement.

En vertu de l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, nous avons un commerce libre du carburant et nous nous attendons certainement à ce qu'il continue. Nous serons concurrentiels sur ce marché.

Le président : Simple précision pour nos auditeurs, quand vous dite « nous », vous voulez dire les membres de votre association, l'industrie canadienne?

M. Quaiattini : Oui. Nous ne représentons que l'industrie canadienne, sénateur.

Le président : Quand vous utilisez le terme « mandat », ce sont des règles qui ont été établies d'une façon ou d'une autre, pour exiger qu'un pourcentage ou une proportion du carburant automobile soit mélangé avec du biodiesel ou de l'éthanol?

M. Quaiattini : Exactement, sénateur.

Le président : Un règlement fédéral, comme celui qui entre en vigueur est fédéral, ou un règlement provincial?

M. Quaiattini : Oui.

Le président : Ces mandats visent, pour simplifier les choses, à réduire les émissions de CO2 liées à la combustion de carburant, n'est-ce pas?

M. Quaiattini : C'est certainement l'une des politiques publiques que les gouvernements, fédéral et provinciaux, ont établies pour l'industrie. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, quand on se fonde sur une évaluation du cycle de vie, l'empreinte carbone de l'éthanol par rapport au carburant fossile donne un avantage de 62 p. 100 à l'éthanol, et pour le biodiesel, il y a une réduction très impressionnante de 99 p. 100 des gaz à effet de serre comparativement au diesel traditionnel.

Vous avez raison, sénateur. L'un des objectifs de politique publique que les gouvernements voulaient atteindre en établissant ces mandats était de se doter de carburants plus propres dans le secteur des transports afin de réduire les gaz à effet de serre. Je suppose que le comité est au courant que de 25 p. 100 à 30 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre viennent du secteur des transports.

Le président : Nous avions entendu dire 28 p. 100.

M. Quaiattini : C'est exact.

Le sénateur Neufeld : Je voudrais examiner deux aspects, le premier étant le rendement à basse température. Ayant vécu presque toute ma vie dans le Nord, ayant travaillé dans la construction dans l'Arctique et ayant été agent de distribution en vrac de diesel et d'essence pendant environ 13 ans, j'ai vu du diesel figer à moins 40 et moins 50.

Je sais qu'il y a eu des tests continus et vous affirmez les avoir réussis. Je sais que, lorsque nous avons voulu mettre en place nos normes en Colombie-Britannique, nous voulions qu'elles reflètent ce qui se passe dans le Nord et qui arrive de plus en plus souvent dans le Sud, où il fait plus chaud que dans le Nord. M'affirmez-vous maintenant que du biodiesel à 2 p. 100 ne figera pas à moins 40 et moins 50? Avez-vous découvert cela dans vos tests, et sous des règles strictes ou dans un usage général?

M. Quaiattini : Je vais vous répondre brièvement, sénateur, en ce qui concerne les travaux de démonstration que nous avons effectués au Canada dans le climat que vous avez décrit, et je demanderai à M. Moser de donner des précisions sur l'utilisation du biodiesel dans les parcs de véhicules.

Lorsque le gouvernement a annoncé en 2007 son intention d'aller de l'avant avec les mélanges de diesel au Canada, la condition imposée à l'industrie était que nous devions démontrer la faisabilité technique dans tous les climats canadiens. Nous avons donc participé à un effort concerté qui a commencé en 2007-2008. Le projet de démonstration du biodiesel en Alberta a utilisé divers mélanges de biodiesel, de suif et d'oléagineux, dans des camions de transport circulant entre Edmonton et Fort McMurray au printemps, l'été et en plein hiver quand il faisait moins 40 degrés, dans le climat unique de notre merveilleux pays. Ce projet, réalisé de 2007 à 2008, a utilisé divers mélanges et fait divers tests, y compris laisser les camions sans tourner pendant une fin de semaine, puis les faire démarrer. Ces tests visent précisément à tenir compte du temps froid et des problèmes de gélification.

Ce projet de 4 millions de dollars était une initiative conjointe du gouvernement fédéral, de la province de l'Alberta et de l'industrie canadienne des carburants renouvelables. L'industrie pétrolière s'est aussi alliée à nous. Le rapport a été publié en janvier 2009, et il a démontré sans aucun doute que le biodiesel est techniquement faisable et peut être utilisé par tout temps.

Je laisserai M. Moser décrire plus précisément les aspects techniques de ce travail.

Todd Moser, secrétaire, Association canadienne des carburants renouvelables : Le projet de démonstration de l'Alberta en a fait la preuve en l'utilisant dans l'un des climats les plus rigoureux du Canada afin de voir s'il fonctionnait. Les résultats de l'étude démontrent que oui, il fonctionne.

Vous comprendrez certainement que même les produits de distillat doivent être bien entreposés et bien utilisés. Vous n'utilisez pas du gasoil léger de craquage catalytique dans le Grand Nord, sinon vous vous attirez des problèmes. Il faut définitivement de la prudence dans l'entretien et la manutention. Vous ne faites pas des folies comme utiliser des mélanges à pourcentage élevé avec des produits de distillat saisonniers dans le Grand Nord. Je sais que nos amis de l'industrie pétrolière connaissent bien le problème et peuvent le contrôler.

Nous utilisons des mélanges de biodiesel depuis 2002. La participation à plusieurs projets de démonstration comme le Bio Bus, et BioMer au Québec faisait partie intégrante de la construction de notre usine de démonstration. Nous les avons aussi utilisés dans notre parc de véhicules de Rothsay à Montréal. Nous avons élargi cette utilisation et faisons maintenant rouler toute l'année 149 camions gros porteurs du parc de Rothsay à l'aide de mélanges de biodiesel.

Nous avons fait nos propres mélanges jusqu'à cet automne. Maintenant, FS PARTNERS, un distributeur de carburant de l'Ontario, effectue certains mélanges pour nous en Ontario.

Nous n'avons pas eu de problèmes, même si nous fonctionnons dans des climats plutôt rigoureux. Assoyez-vous au- dessus de nos réservoirs à Sainte-Catherine le long de la Voie maritime du Saint-Laurent et vous verrez qu'il n'y fait pas chaud en janvier. Nous faisons rouler ce parc de véhicules avec des mélanges de biodiesel depuis 2002. De fait, nous avons même des camions B100 qui roulent d'avril à octobre. Ce sont des véhicules modifiés, qui ne sont sous garantie, alors nous augmentons les taux de mélange recommandés par le fabricant de matériel d'origine. Nous pouvons le faire parce que les camions ne sont plus sous garantie, mais nous n'avons pas de problème non plus avec ces camions.

Nous avons dû nous prouver à nous-mêmes et prouver aux producteurs de ce carburant qu'il résisterait à l'épreuve du temps. À l'aide de 149 camions du parc de Maple Leaf, nous aurons parcouru 19 millions de kilomètres avec des mélanges de biodiesel. Nous faisons un mélange d'environ 10 p. 100, et je peux vous assurer que ce produit fonctionne, parce que nous l'utilisons.

Le sénateur Neufeld : Je comprends pleinement que vous n'utilisez pas de mélanges de diesel d'été. Je le comprends et je comprends votre réponse.

Mais j'apporterai une petite précision. À Fort McMurray et où je vis, nous pensons peut-être que le climat est rigoureux, mais le climat le plus rigoureux, c'est celui de l'Arctique. Je ne crois pas qu'il y ait eu de démonstrations, mais je vous demande : Y a-t-il eu des démonstrations à l'aide de biodiesel à un mélange de 2 p. 100 dans le climat rigoureux de l'Arctique?

M. Moser : Je ne suis pas au courant d'études sur les transports, mais je sais que le biodiesel se retrouve dans les applications minières. Je ne sais pas jusqu'où dans le Nord, pour dire la vérité, mais c'est un produit attrayant dans les mines profondes, à cause de son faible point d'inflammation.

Nous avons tendance à toujours imaginer le gros camion Mack quand nous parlons de biodiesel, mais il a d'autres applications — par exemple, dans des réservoirs intérieurs pour les groupes électrogènes ou dans les applications minières.

Le sénateur Neufeld : Vous pouvez utiliser du diesel d'été dans ces cas et vous le faites probablement, bien souvent. Merci beaucoup.

M. Quaiattini : Vous savez probablement aussi que le mandat que vous avez établi, à titre de ministre en Colombie- Britannique donne à l'industrie pétrolière le choix de décider où se fait ce mélange, et que le mandat national de 2 p. 100 fera exactement la même chose. Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, est exclu du mandat de 2 p. 100, tout comme les territoires. Le règlement est souple et donne à l'industrie pétrolière cette souplesse qui permet de répondre aux exigences par une moyenne.

Le président : La température est-elle la principale raison des exclusions?

M. Quaiattini : Je ne le sais pas. Nous voulions nous assurer que les pétrolières, qui s'échangent du carburant entre elles, et leur mode de fonctionnement commercial soient assez souples pour que les pétrolières puissent prendre les décisions. Les camions sont garantis jusqu'à des niveaux aussi élevés que B20. Il y a des normes en place — jusqu'à E10 pour l'éthanol. Elles ont le choix de concentrer ce mélange dans certaines régions pour obtenir une utilisation maximale. D'autres régions ne seront peut-être pas visées, mais nous l'avons accepté dans le processus réglementaire.

Le sénateur Neufeld : Je pose ces questions pour répondre aux gens de l'Institut canadien des produits pétroliers, l'ICPP, qui sont venus ici, il y a une semaine, et qui soutenu que cela ne fonctionnera pas dans les applications septentrionales. Vous dites le contraire, et ils sont de l'autre côté, alors je suppose que la vérité est entre les deux.

Je sais que l'un de leurs plus gros problèmes est que les normes varient d'un bout à l'autre du pays. Nous pouvons tous comprendre qu'il serait bien d'avoir une seule norme — pas seulement bien, presque obligatoire. Il faut une norme unique dans tout le pays.

On a largement expliqué, et il y a eu quelques questions à ce sujet plus tôt, que cultiver des oléagineux pour produire du biodiesel ne réduit pas beaucoup les émissions de gaz à effet de serre, parce qu'il faut cultiver la terre et faire toutes sortes de chose qui rendent l'opération neutre finalement.

Vous me dites autre chose, je crois. J'aimerais que vous précisiez votre pensée, parce que c'est ce qu'on entend. Il y a de nombreuses autres questions concernant le fait qu'on enlève des aliments de la bouche des gens. Je crois comprendre que ce n'est pas ce que nous faisons, mais pouvez-vous me décrire la différence — combien vous économisez, et me donner une brève explication.

M. Quaiattini : Encore une fois, sénateur, l'un des objectifs de politique publique des gouvernements pour autoriser l'utilisation des carburants renouvelables était l'avantage de la réduction des GES. Nous prenons cette question très au sérieux, en tant qu'industrie, à tel point que nous avons demandé à une tierce partie de faire une évaluation du cycle de vie de l'éthanol et du biodiesel que nous produisons au Canada. On parle parfois de rendement énergétique global. Il s'agit d'une évaluation qui part du moment où la semence est mise en terre jusqu'à ce que les consommateurs fassent le plein et roulent dans leurs véhicules, c'est une évaluation de tout le cycle de vie de la production et de l'utilisation des carburants renouvelables.

Pour l'éthanol, l'avantage du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, par rapport au carburant fossile traditionnel, est une réduction de 62 p. 100. Pour le biodiesel, étant donné que la plus grande partie du biodiesel que nous produisons et consommons au Canada actuellement provient d'huiles de cuisson et de graisses animales transformées — je fais attention de ne pas parler de déchets parce que je m'attire parfois des ennuis si j'utilise ce terme, vu que ces produits ont une valeur —, la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut atteindre 99 p. 100.

Dans le cas des oléagineux, du biodiesel de canola est produit dans l'Ouest canadien en petites quantités actuellement. La réduction des gaz à effet de serre se situe entre 75 p. 100 et 80 p. 100. C'est un avantage environnemental important tiré de cette utilisation, obtenu dans un modèle d'évaluation du cycle de vie.

De fait, Ressources naturelles Canada a élaboré le modèle utilisé. Il s'appelle GHGenius. À l'échelle mondiale, il est considéré comme l'un des meilleurs modèles d'évaluation du cycle de vie, parce qu'il tient compte de nombreux intrants énergétiques et de nombreux facteurs pour calculer les chiffres que je communique au comité. Nous sommes heureux d'être examinés de la sorte.

Le sénateur Neufeld : Quel est le nom de l'entreprise que vous avez embauchée?

M. Quaiattini : Comme nous l'indiquons dans le rapport, c'est une entreprise appelée Cheminfo Services Inc., des experts en génie et en environnement. Elle utilise le modèle GHGenius de Ressources naturelles Canada.

Le président : Le sénateur Massicotte dit que c'est indiqué à la page 40 du rapport. Merci pour l'information.

Le sénateur Massicotte : C'est compliqué. Cela ne nous dit pas grand-chose, à moi en tout cas, mais je suis étonné du pourcentage; c'est impressionnant.

Le sénateur Brown : Messieurs, j'aimerais savoir si vous avez couvert tous les aspects du transport dans toutes les provinces. Je sais qu'il y a la Commission canadienne du blé, et quelques problèmes pour transporter du diesel rouge de la Saskatchewan vers l'Alberta. Ces règlements enragent toujours les agriculteurs. Avez-vous été confrontés à ces problèmes jusqu'ici, ou est-ce parce que vous passez de la matière première à un produit pétrolier que vous n'êtes pas touchés par ces organisations?

M. Quaiattini : Il n'y a pas d'obstacles pour l'industrie, ni pour obtenir la charge d'alimentation ni dans le flux de l'éthanol ou du biodiesel entre les provinces. Heureusement, nous pensons que les règles établies dans les provinces qui ont été à l'avant-garde des mandats pour les carburants renouvelables chez elles l'ont fait d'une manière qui fonctionne. Nous continuons de parler aux gouvernements pour les inciter à ne pas mettre en place ce genre de restrictions.

Comme nous le disons dans le document, nous accroissons notre capacité afin de répondre à la demande canadienne créée par ces mandats, mais quand on regarde au sud de la frontière, pour avoir un point de comparaison, le mandat d'éthanol aux États-Unis nécessitera 36 milliards de gallons d'éthanol à mélanger d'ici 2022. Pour mettre ce chiffre en perspective, ce seul mandat d'éthanol représente le quadruple du carburant de transport utilisé annuellement au Canada. C'est une demande très forte que les États-Unis cherchent à créer pour l'utilisation des carburants renouvelables. Il y a également un mandat de 1 milliard de gallons pour le biodiesel sur le marché américain.

Étant donné que nous avons une importante biomasse à notre disposition au Canada, nous osons espérer qu'avec le temps, pas à court terme, mais à long terme, nous accroîtrons notre capacité de production au Canada au point de pouvoir exporter du carburant, un peu comme nous le faisons actuellement en Alberta et en Saskatchewan pour le pétrole, au lieu de la situation actuelle. Comme je l'ai déjà expliqué, nous exportons sur le marché américain du canola qui est transformé en biodiesel, et ce biodiesel revient au Canada pour servir les mandats en Colombie-Britannique, celui qui entrera bientôt en vigueur en Alberta et celui qui existe déjà au Manitoba.

Nous ne constatons pas encore cette transformation à valeur ajoutée dans l'Ouest canadien, mais nous voyons le canola sortir du pays et revenir en produit transformé. Nous aimerions que cette valeur s'ajoute chez nous. Nous avons certainement la capacité et la technologie pour le faire. Nous commençons à peine. Il faut faire plus. Notre capacité de créer cette certitude du marché est ce qui importe pour établir la date du début du mandat du biodiesel que nous avons demandée.

Le sénateur Brown : Je comprends votre comparaison entre les États-Unis et le Canada, mais le commerce à l'échelle interprovinciale est plus problématique qu'avec les États-Unis. Ce n'est pas nouveau. Ainsi, la Saskatchewan avait du diesel rouge depuis de nombreuses années et nous ne pouvions pas le trouver en Alberta. Je n'ai jamais pu comprendre cela. Il était meilleur, il prolongeait la vie des moteurs et tout le reste, mais nous ne pouvions pas mettre la main dessus. L'Alberta avait des restrictions contre ce diesel. Le pense que la commission du blé de la Saskatchewan a eu des problèmes avec le transport du grain. Je voulais savoir si le produit amélioré a été maintenu à une norme lui permettant de traverser toutes les barrières provinciales.

M. Quaiattini : Heureusement, ces barrières n'existent plus.

Le sénateur Dickson : J'ai deux types de questions, en tant que sénateur de la Nouvelle-Écosse, particulièrement intéressé par les sources d'énergie durables et renouvelables. Vous vous êtes arrêté au Québec. Après avoir parlé de la province de Québec, vous n'avez rien dit sur la région de l'Atlantique. En plus du point de vue de l'innovation technologique, avez-vous discuté avec les gouvernements de la région de l'Atlantique? Je remarque que la Nouvelle-Écosse est la seule province à accorder un crédit d'impôt pour le biodiesel, comme vous l'indiquez à la page 37 de votre rapport. Quelle est la réaction dans l'Atlantique? Allez-vous là-bas? Travaillez-vous là-bas? Aimeriez-vous communiquer au comité des observations positives ou négatives?

M. Quaiattini : La question est opportune. En 2005-2006, quand nous discutions avec les gouvernements fédéral et provinciaux des stratégies à mettre en place concernant les carburants renouvelables, nous sommes évidemment allés dans la région de l'Atlantique. Malheureusement, nous n'avons pas senti l'élan auquel nous nous attendions. Nous avons essayé à nouveau, dans le cadre de nos activités de sensibilisation dans les quatre provinces en juin dernier. Nous avons repéré quelques entreprises et technologies qui aimeraient être dans la région de l'Atlantique, dont certaines entreprises très innovantes. Il y a une technologie : une entreprise appelée Atlantec Bioenergy qui examine la possibilité d'utiliser la betterave à sucre pour produire de l'éthanol. Elle est en train de construire une usine de démonstration et souhaite vivement que cette possibilité se développe.

Il y a certainement des défis d'approvisionnement en charge d'alimentation pour l'éthanol dans la région de l'Atlantique, à court terme. À long terme, à mesure que nous avançons vers la commercialisation de l'éthanol cellulosique, il y aura clairement des débouchés pour les résidus forestiers dans la région de l'Atlantique. Il est possible d'utiliser cette biomasse dans la production d'éthanol. Pour la filière du biodiesel, M. Moser peut peut-être répondre.

M. Moser : Notre usine ne se trouve pas en Nouvelle-Écosse, mais nous obtenons une partie de notre matière première de Truro, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Dickson : Je le sais. C'est là que je vis.

M. Moser : Une partie des produits recyclés viennent de Truro jusqu'à notre usine à Ville de Sainte-Catherine et sont transformés en un biodiesel qui réduit les GES de 99 p. 100. Soyez assuré que la Nouvelle-Écosse joue un rôle pour créer un meilleur environnement pour les Canadiens.

Le sénateur Dickson : Je vis à Truro, près de l'usine d'équarrissage. Ils ont fait certaines améliorations, mais le syndrome « pas dans ma cour » s'applique à cette usine. Je dois avouer que, de temps en temps, quand le vent souffle dans la bonne direction, je ne me demande si nous ne souffrons pas pour que vous en profitiez. Simplement pour que mes concitoyens de ma ville, Truro, le sachent, je fais partie des nombreuses personnes qui souffrent.

Ma deuxième question touche à la capacité de trouver des charges d'alimentation variées. Un groupe en Nouvelle- Écosse, dirigé par Orville Pulsifer de Truro, étudie la possibilité d'utiliser les graminées comme matière première. Que pensez-vous de ce projet?

M. Quaiattini : Je ne peux pas me prononcer sur ce projet en particulier, mais je peux certainement parler de la technologie. Il ne fait aucun doute qu'il est possible d'utiliser des graminées indigènes comme le panic raide, prédominant dans l'Ouest canadien. La technologie d'Iogen que j'ai déjà évoquée et qui est une technologie d'éthanol cellulosique, peut utiliser des graminées indigènes comme matière première. Bien que les débouchés pour la technologie de première génération dans la région de l'Atlantique n'aient pas été aussi visibles que nous l'aurions aimé, à mesure que nous avançons vers la commercialisation de l'éthanol et du biodiesel de la prochaine génération, il ne fait aucun doute que la région de l'Atlantique pourra en profiter.

J'ai été encouragé quand j'ai rencontré le premier ministre de la Nouvelle-Écosse à Halifax cet été. Ce gouvernement vient d'entreprendre un examen de la politique de transport et de l'énergie renouvelable. Le premier ministre a été très sensible aux débouchés pour les carburants renouvelables dans votre province. Le premier ministre de l'Île-du-Prince- Édouard a lui aussi exprimé son intérêt.

Idéalement, du point de vue de notre industrie, une stratégie dans la région de l'Atlantique serait utile pour réunir toutes les provinces. J'ai mentionné l'atelier que nous avons organisé en juin. Les quatre provinces étaient représentées. Il y a eu un intérêt pour une exploration des débouchés futurs et des façons de créer le bon environnement concurrentiel et le bon environnement réglementaire. La réglementation fédérale sera utile en ce sens.

En vertu des mandats de 5 p. 100 et de 2 p. 100, Irving, un acteur régional dans l'Atlantique, devra effectuer des mélanges d'éthanol et de biodiesel dans les régions des Maritimes, où cette pétrolière est présente. À long terme, nous espérons pouvoir accroître la capacité de production dans les régions afin que les besoins soient satisfaits localement.

Le sénateur Dickson : Avez-vous rencontré Irving? Je suppose que vous avez eu des réunions avec le groupe Irving, à Saint John, au Nouveau-Brunswick.

M. Quaiattini : Irving a participé à la réunion en juin. Oui, ils étaient présents aux réunions.

Le sénateur Dickson : Avez-vous eu aussi des réunions privées avec eux? Globalement, quelle a été leur réaction, en public ou en privé?

M. Quaiattini : Les Irving étaient représentés à l'atelier que nous avons organisé en juin. Ils ont déclaré publiquement qu'ils respecteraient les exigences des mandats. Je ne peux pas parler au nom des divers membres de mon association qui pourraient avoir eu leurs propres discussions commerciales avec Irving au sujet de l'avenir. On a pensé à un moment donné que Irving construirait une usine de biodiesel dans la région de l'Atlantique. Je ne sais pas quelle est la situation actuellement. Certainement, comme Suncor, Shell et Husky, qui sont actives dans le secteur des carburants renouvelables, nous espérons que Irving examinera aussi cette possibilité.

Le sénateur Dickson : Ma dernière question porte sur un collège et une université des Maritimes, soit l'Université du Nouveau-Brunswick et le Nova Scotia Agricultural College, qui se trouve chez moi, à Truro. Ave-vous travaillé directement avec ces établissements postsecondaires?

M. Quaiattini : Dans le cadre de nos activités de sensibilisation que nous avons entreprises en juin et que nous poursuivons, nous avons eu des expressions d'intérêt du secteur universitaire, ainsi que des provinces, pour discuter des possibilités.

Le sénateur Dickson : Dernière question, mais non la moindre, il y a un nouveau gouvernement au Nouveau- Brunswick. Avez-vous parlé au premier ministre Alward?

M. Quaiattini : Pas encore. Encore une fois, dans le cadre de la stratégie de sensibilisation que nous continuerons en 2011, nous avons l'intention d'aller vers les quatre provinces de l'Atlantique et de chercher un moyen de discuter ensemble des possibilités, cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Dickson : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je pense que la réponse à ma question se trouve dans un tableau. À la page 40, vous affirmez qu'il y aura une réduction de 99 p. 100. Ce taux semble tellement exagéré, que je ne peux pas l'interpréter, mais cet aspect a été examiné plus tôt. Autrement dit, je ne suis pas tout à fait convaincu.

M. Quaiattini : Je demanderai à M. Moser de répondre.

M. Moser : Je ne prétends pas être un expert de l'analyse du cycle de vie, mais si je comprends bien cette évaluation porte sur le lieu d'origine et les types de charges d'alimentation. Dans le cas de charges d'alimentation recyclées comme les huiles de cuisson et les graisses animales transformées, il y a un avantage évident, parce que le bilan commence à l'usine d'équarrissage, tandis que les huiles d'oléagineuses doivent retourner à l'usine.

Le sénateur Massicotte : Vous avez aussi une page qui résume les capacités de vis membres pour le diesel, par exemple. Je pense que le lecteur moyen qui voit l'information à la page 29, par exemple, se demanderait quelle réduction de CO2 représente le biodiesel.

Si vous appliquez ces chiffres à l'utilisation moyenne du biodiesel, pas seulement pour être sélectif — nous pourrions être sélectifs et tirer la conclusion que nous voulons —, est-ce que cela s'appliquerait? À la page 29, je vois charges d'alimentation : canola, charges d'alimentation variées, graisse jaune et graine oléagineuse. Quels seraient les pourcentages?

M. Moser : Il faudrait retourner au rapport de Cheminfo Services pour les trouver.

M. Quaiattini : Le taux de 99 p. 100 est en réalité une moyenne, qui tient compte du faut que la plus grande partie de la production de biodiesel actuellement au Canada provient, comme je l'ai dit, des graisses animales transformées et d'huiles de cuisson. Encore une fois, je fais attention de ne pas parler de « déchets », mais dans le fond, c'est de cela qu'il s'agit.

Il ne s'agit pas d'utiliser un grain ou un oléagineux; vous prenez un produit — si vous êtes dans la restauration, vous devez vous débarrasser de ces graisses et vous ne pouvez pas les jeter simplement à l'égout.

Le sénateur Massicotte : Je vois qu'un grand nombre de vos membres utilisent du canola et des oléagineux.

M. Quaiattini : Je fais à nouveau une mise en garde. Si vous examinez ces usines, celles qui sont opérationnelles et celles qui sont en construction, vous verrez que la plupart des usines opérationnelles pour le biodiesel sont celles qui utilisent de la graisse jaune de cuisson et des graisses animales transformées comme charge d'alimentation.

Mais dans le cas de la moyenne que j'ai indiquée plus tôt au comité, en utilisant des oléagineux ou du canola, le pourcentage de réduction des GES se situe entre 75 p. 100 et 80 p. 100. Il y a une solide fourchette de 75 p. 100 à 99 p. 100, ce qui représente un taux de réduction des GES très positif.

Le sénateur Massicotte : Les experts de l'industrie et les autres rapports confirment-ils ces chiffres?

M. Quaiattini : De nombreux rapports touchent à cette question. Ce qui est unique dans le nôtre, c'est que nous parlons des carburants renouvelables produits au Canada. Il y a des rapports semblables pour l'Europe et pour les États-Unis, ou pour d'autres régions du monde qui utilisent du biodiesel, et les fourchettes varient selon la charge d'alimentation, l'intrant énergétique employé et l'âge de l'usine.

Au Canada, presque toute la capacité de production a été construite depuis cinq à six ans, alors nous utilisons la technologie la plus moderne. Une usine d'éthanol construite il y a 25 ans ne permettrait pas d'atteindre ces taux de réduction des GES.

Les résultats pour les usines américaines construites il y a 25 ans et alimentées au charbon n'auraient rien à voir avec les nôtres. L'écart s'explique par l'innovation des 25 dernières années pour la production de ce carburant.

Le sénateur Brown : Je voudrais ajouter quelque chose que vous avez oublié. Quand on cultive du canola pour faire de l'huile comestible, c'est un produit très lucratif, qui se vend de 14 $ à 15 $ le boisseau. Mais si le canola est gelé, il perd presque toute sa valeur parce qu'il n'est plus comestible; l'huile est amère et les grains sont verts. Peu importe la quantité produite, et pour une utilisation avec le pétrole, cela n'a rien à voir. Chaque fois qu'il y a du gel dans le Sud de l'Alberta et le Sud de la Saskatchewan, il y a des tonnes de canola à vendre, et les agriculteurs obtiennent un meilleur prix si c'est pour vos besoins plutôt que pour la fabrication d'huile comestible.

M. Quaiattini : C'est évident. L'autre question importante, en particulier dans l'Ouest canadien, c'est qu'il y a eu une grande expansion de la capacité de triturage dans l'Ouest canadien, afin de pouvoir saisir les importants débouchés à l'exportation, qui ne cessent de grandir. Nous exportons 80 p. 100 du canola que nous cultivons et récoltons. Nous n'avons tout simplement pas chez nous la transformation à valeur ajoutée que nous souhaiterions. C'est en partie la promesse que fait le biodiesel.

Nous avons construit toute cette capacité de triturage, mais pas encore de capacité de production de biodiesel. À court terme, la grande capacité de triturage, mais l'absence d'un marché diversifié pour écouler sa production, sera problématique. Je pense donc que les agriculteurs ont raison d'être nerveux; nous ne voulons pas que les prix baissent parce que la capacité de triturage est plus élevée que les besoins.

L'autre aspect que vous devez connaître et que l'une des raisons pour avoir un marché du biodiesel au Canada est que c'est un moyen de compenser des difficultés sur les marchés d'exportation. La Chine a cessé d'accepter le canola à divers moments, ce qui a obligé le gouvernement à intervenir. Ce que cherchent les producteurs de canola et l'industrie dans l'Ouest canadien, c'est notamment cette diversité de l'utilisation du canola, afin que nous ne dépendions pas du marché des exportations, qui peut parfois être interrompu et créer des problèmes.

Le président : Y a-t-il d'autres questions? Vu nos contraintes de temps, nous nous en sortons très bien. Monsieur Quaiattini, je vous remercie beaucoup, ainsi que vos deux collègues, M. Grey et M. Moser.

C'est un sujet compliqué pour nous et il y a beaucoup d'information contradictoire dans les médias sur les produits de votre association. Je suis certain que nous vous demanderons d'autres renseignements à mesure que nous avancerons, et si vous voulez communiquer avec nous à l'avenir, directement ou par l'entremise de la greffière, n'hésitez pas à le faire.

M. Quaiattini : Je vous remercie. Nous sommes à votre disposition pendant que vous poursuivez vos importants travaux concernant l'étude de la politique énergétique. Nous serons ravis de revenir, quand vous le voulez.

Le président : La séance est levée.

(La séance est levée.)


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