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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17 - Témoignages du 3 février 2011


OTTAWA, le jeudi 3 février 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour tout le monde. C'est notre première réunion publique depuis le congé de Noël. Je vous souhaite à tous une bonne rentrée et une bonne et heureuse nouvelle année.

Nous avons été occupés, puisque nous continuons de planifier nos voyages — à Québec, la semaine prochaine, et dans le Canada atlantique, quelques semaines plus tard — afin de poursuivre notre recherche des faits et de tenir des audiences publiques. Lorsque nous aurons fini de parler aux témoins, je demanderai aux membres de rester encore quelques moments afin de tenir une séance à huis clos où nous pourrons discuter de ces voyages et des travaux futurs du comité. La séance sera brève, mais il est toujours bon de faire le point, puisque le comité directeur s'est réuni hier.

Nous poursuivons notre étude sur l'élaboration d'un cadre stratégique pour l'avenir du secteur de l'énergie. Tout le monde semble d'accord pour dire qu'il est réellement nécessaire d'élaborer des directives et des signaux clairs sur la façon dont nous voulons que le secteur de l'énergie évolue, à la lumière de l'explosion démographique mondiale, du problème des changements climatiques et de la nécessité de trouver un système plus efficient axé sur des sources d'énergie plus durables. Notre étude est déjà avancée.

Je souhaite la bienvenue non seulement aux personnes ici présentes, mais aussi à tous ceux qui nous regardent sur la CPAC et ceux qui se sont rendus sur le nouveau site web spécial consacré à notre étude. On peut y accéder à l'adresse www.canadianenergyfuture.ca.

Je suis heureux de pouvoir dire qu'après des débuts timides — comme l'a écrit un journaliste, cette semaine, de vieux sénateurs arrivent enfin dans le monde moderne des médias sociaux —, nous avons quelques adeptes, même s'ils ne sont pas nombreux, sur Twitter et sur Facebook; nous sommes donc en contact avec le public. Nous demandons aux Canadiens — et je m'adresse à ceux qui ne sont pas ici présents — de participer avec nous à cet important débat sur le secteur de l'énergie.

Sans plus attendre, je vais vous présenter les membres de notre comité, de façon à ce que nos témoins et les téléspectateurs sachent qui nous sommes. Je suis le sénateur David Angus. Je viens du Québec et je suis président du comité. Voici le sénateur Grant Mitchell, d'Edmonton, en Alberta, qui est le vice-président du comité. Voici ensuite deux excellents représentants de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks; le seul sénateur élu, Bert Brown, de l'Alberta; le sénateur Judith Seidman, de Montréal, au Québec; le sénateur Richard Neufeld, de Fort St. John, en Colombie-Britannique; le sénateur Linda Frum, de Toronto, en Ontario; notre greffière, Lynn Gordon; mon prédécesseur, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Daniel Lang, du Yukon, et le sénateur Yonah Martin, de la Colombie-Britannique, qui remplace un collègue ce matin.

C'est un plaisir de vous avoir avec nous, sénateur Martin. Je crois que c'est la première fois que vous assistez à une séance du comité, et j'espère que vous allez apprécier le débat. Je sais que nous traitons de sujets chers aux Britanno- Colombiens.

Je souhaite en particulier la bienvenue à nos invités. Nous recevons Timothy M. Egan, président de l'Association canadienne du gaz, et Arunas Pleckaitis, vice-président, Développement commercial et Stratégie client, d'Enbridge Gas Distribution.

Avant de devenir président et chef de la direction de l'Association canadienne du gaz, M. Egan était président du High Park Group, entreprise-conseil en matière d'affaires publiques qui se spécialise principalement dans des questions liées à la réglementation et aux politiques touchant l'industrie canadienne, en particulier les secteurs des ressources naturelles et du transport.

M. Egan jouit d'une très bonne réputation dans l'industrie de l'énergie et le milieu des intervenants; c'est qu'il a beaucoup travaillé dans le domaine des communications et des politiques publiques touchant le secteur de l'énergie, travail qui constitue depuis longtemps l'une des activités fondamentales du High Park Group.

M. Pleckaitis, vice-président, Développement commercial et stratégie client d'Enbridge, est à ce titre responsable du développement commercial, de la planification stratégique, du marketing et des ventes, de la gestion de la demande et du service à la clientèle. Il s'occupe également de tous les aspects de la stratégie client de l'entreprise, y compris le développement de son nouveau système d'information sur les clients.

Messieurs, je sais que vous allez présenter de concert un exposé et un diaporama. Cela nous fait grand plaisir. Comme je l'ai dit plus tôt, nous allons commencer par votre exposé puis nous vous poserons des questions.

Ensuite, la réunion publique prendra fin, et les membres du comité se réuniront à huis clos pour 5 à 10 minutes.

Veuillez commencer.

Timothy M. Egan, président et chef de la direction, Association canadienne du gaz : Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs, de nous accueillir ici ce matin. J'ai discuté cet automne avec un de vos collègues, qui n'est pas présent aujourd'hui, le sénateur McCoy. C'est cette conversation qui nous a amenés à témoigner aujourd'hui.

Je venais d'entrer à l'Association canadienne du gaz, en septembre, et, pendant les premières réunions, j'étais allé la voir, puisqu'elle avait déjà communiqué plusieurs fois avec mes prédécesseurs. Elle pensait que ce serait une bonne chose que je me présente devant le comité pour donner un aperçu des activités actuelles de l'ACG et d'inviter l'une de nos compagnies membres à parler plus en détail de ses initiatives en cours. M. Pleckaitis, qui représente Enbridge, l'une des plus importantes entreprises membres de mon association, a donc gracieusement accepté de venir avec moi.

Nous avons préparé un assez long diaporama que nous allons parcourir. Si cela vous convient, nous allons accepter les interruptions et les questions chaque fois que cela sera nécessaire. Je vais présenter la première partie de l'exposé, puis je laisserai M. Pleckaitis prendre le relais et parler des activités d'Enbridge.

Le président : C'est parfait, monsieur Egan. Je crois que vous suivez nos travaux depuis que nous avons commencé cette étude. Nous allons, comme quelqu'un l'a dit, observer chacun des arbres de la forêt, mais aussi la forêt dans son ensemble, sous l'angle d'un système d'énergie systémique.

Nous allons également nous pencher sur les différentes sources d'énergie. Nous commençons tout juste à nous intéresser à l'industrie gazière, que nous n'avons pas beaucoup étudiée jusqu'ici. De fait, pendant notre séjour au Québec, nous allons étudier la question du gaz de schiste. Donc, s'il y a des liens entre toutes ces choses, j'aimerais que vous nous le fassiez savoir.

Au bout du compte, je me rends bien compte que ce qui importe, c'est la façon dont nous accédons à la ressource : la méthode de forage, de fracturation et cetera. Toutefois, votre ressource nous intéresse et nous commençons à l'examiner de plus près; c'est pourquoi nous avons hâte d'entendre votre exposé.

M. Egan : Notre exposé est divisé en quatre parties. Je vais d'abord donner un aperçu de l'industrie du gaz naturel; cela correspond en quelque sorte, si vous voulez, à l'un des arbres les plus importants de votre forêt. Ensuite, puisque vous cherchez à établir un cadre énergétique pour le Canada, il serait utile de brosser brièvement le portrait de la consommation d'énergie; je crois que nous devons envisager le système énergétique du point de vue du consommateur. C'est l'approche adoptée par l'Association canadienne du gaz, qui regroupe les distributeurs de cette industrie.

Vous avez parlé des gaz de schiste. Nous ne représentons ni les responsables de l'extraction ni les producteurs. Je crois que vous avez déjà entendu des producteurs témoigner au sujet de certains de ces enjeux. J'accueillerais avec plaisir les questions d'ordre général, car nous tenons énormément à ce produit; en effet, c'est le produit que nous vendons aux consommateurs.

Dans la troisième partie de l'exposé, M. Pleckaitis vous donnera les détails de certaines des activités d'Enbridge, et je crois que vous allez trouver cela intéressant. Pour terminer, je vous ferai part de quelques réflexions concernant le cadre énergétique du Canada. Ces réflexions découlent de mon travail antérieur à titre d'expert-conseil, lequel avait été commencé par quatre associations professionnelles du secteur de l'énergie : l'ACG, mon employeur actuel; l'Association canadienne des producteurs pétroliers, ou ACPP, l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques, ou ACPRE; et l'Institut canadien des produits pétroliers.

Nous pensons qu'un cadre uniforme sur la façon d'aborder les enjeux énergétiques du pays sera très utile. Toutefois, la façon dont ce cadre va s'appliquer variera d'une administration à une autre. Je vais reparler de ce cadre à la fin de l'exposé.

Voici d'abord un aperçu de l'ACG. La diapositive 4 fournit quelques renseignements sur le contexte de nos activités en tant qu'association et sur nos intérêts. À notre avis, l'industrie de la distribution de gaz est le chef de file de ce que nous appelons « les solutions d'énergie intelligente » pour le pays, et le gaz naturel est à la base de ces solutions. C'est ce que nous disons toujours et partout, même dans l'ascenseur, chaque fois que nous avons l'occasion de parler en tête-à- tête de ce sujet avec quelqu'un.

Laissez-moi développer cette pensée. Quand nous parlons des moyens que nous allons prendre pour offrir ces solutions, nous croyons qu'il faut d'abord faire mieux comprendre le rôle du gaz naturel dans le système énergétique du Canada. Au pays, le gaz naturel fournit 30 p. 100 de l'énergie utilisée. La plupart des Canadiens ignorent cela; lorsqu'ils pensent à l'énergie, ils pensent surtout à l'hydroélectricité, aux sables bitumineux ou à leur automobile. Ils ne sont pas conscients de la place qu'occupe le gaz naturel parmi les sources d'énergie. Notre premier rôle consiste donc à le faire savoir.

Deuxièmement, nous voulons que le Canada adopte un solide cadre stratégique en matière d'énergie qui permettra de réaliser le plein potentiel du gaz naturel. Nous pensons que ce potentiel est important.

Notre troisième rôle concerne la création d'un cadre réglementaire solide dans le domaine du gaz naturel. Ce cadre est presque toujours établi à l'échelon provincial, mais il existe également des enjeux pertinents à l'échelon fédéral.

Notre quatrième rôle concerne l'excellence opérationnelle et l'amélioration de la sécurité du public pour ce qui a trait à la distribution du gaz naturel. Notre grande priorité, en tant qu'industrie, c'est la sécurité. Nous sommes fiers de nos réalisations à ce chapitre, et l'industrie cultive l'amélioration continue en matière de sécurité.

En ce qui concerne le produit lui-même — le gaz naturel ou l'énergie intelligente —, comme je l'ai déjà dit, nous avons lancé l'an passé un programme plus large que nous appelons l'Initiative sur le gaz naturel canadien. Les participants représentent tous les maillons de la chaîne de valeur de l'industrie du gaz naturel : la Canadian Society for Unconventional Gas, qui s'intéresse à l'innovation; l'ACPP, c'est-à-dire l'association des producteurs; les principaux gazoducs et distributeurs; et l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel. Cette initiative réunit tous les intervenants de l'industrie du gaz naturel.

Dans le cadre de cette initiative, nous avons dressé la liste des sept principales qualités du gaz naturel que les gens doivent connaître, selon nous. Premièrement, c'est un produit canadien sur lequel reposent des milliers d'emplois au pays et qui génère environ 30 milliards de dollars d'exportations chaque année. Le gaz naturel est une importante ressource pour le Canada. Il fait partie d'un marché nord-américain intégré. Les ressources en gaz naturel des États- Unis sont évidemment importantes, et le commerce entre les deux pays est intensif.

Deuxièmement, le gaz naturel est abondant, et l'Amérique du Nord a des réserves pour plus d'un siècle. À l'heure actuelle, l'innovation promet encore davantage de sources non conventionnelles renouvelables et la découverte d'autres sources de gaz naturel. Il y a quelques années, nous aurions dit avoir des réserves pour 30 ans. Aujourd'hui, nous parlons plutôt d'un siècle, en raison du nombre et de l'ampleur des nouvelles sources non conventionnelles découvertes.

Le président : Parlez-vous du gaz de schiste ou d'autres sources non conventionnelles?

M. Egan : On connaît plusieurs de ces sources que l'on appelle « non conventionnelles », et le gaz de schiste est la plus importante de ces sources, étant donné le nombre de gisements de gaz de schiste que l'on découvre. Il est important de savoir qu'on en découvre toujours plus, partout au pays. À la fin du document, vous trouverez une carte illustrant l'évolution des bassins d'approvisionnement; vous pourrez constater où se trouvent certains des nouveaux gisements découverts au Canada et sur le continent.

Troisièmement, nous présentons le gaz naturel comme une source d'énergie propre. Il n'émet pas de particules; il produit peu de gaz à effet de serre, et il peut être utilisé de toutes sortes de manières avec efficience. Le gaz naturel a cette caractéristique unique de pouvoir être livré directement au domicile. L'utilisation la plus efficiente de l'énergie se mesure à la pointe du brûleur, et c'est pourquoi nous voulons que le plus possible de gens utilisent des brûleurs dans leurs activités quotidiennes, de manière à favoriser la plus grande efficience possible de l'utilisation de l'énergie.

Quatrièmement, le gaz naturel est polyvalent. Les propriétaires, les entreprises, les hôpitaux, les écoles, les usines et les producteurs d'électricité aux quatre coins du Canada comptent sur le gaz naturel.

Cinquièmement, c'est un produit abordable. L'offre est abondante, l'infrastructure est robuste et l'industrie est intégrée on ne peut plus efficacement; les prix demeurent donc stables. Aujourd'hui, ils sont bas. Nous prévoyons qu'à court et à moyen termes, ils devraient rester à ce niveau. Idéalement, nous devrions pouvoir nous tenir dans une fourchette de prix donnée. Je crois que, dans un avenir prévisible, cette fourchette devrait être stable et relativement restreinte.

Le président : En ce qui concerne les prix, on ne cesse de nous dire que, à l'heure actuelle, le prix du gaz est peu élevé. Je suppose que c'est en grande partie en fonction de l'offre et de la demande. Dans ce contexte, si les prix sont si faibles, il n'y a pas d'incitation à investir et à faire de l'aménagement en vue d'extraire le produit et de le transporter par gazoduc, et cetera. Est-ce exact ou s'agit-il d'un mythe que vous tentez de dissiper?

M. Egan : Je m'excuse : où est l'effet dissuasif?

Le président : L'industrie n'est pas encouragée à investir de grosses sommes pour exploiter les gisements de gaz et mettre le produit sur le marché.

M. Egan : Le gaz est un produit négocié sur le marché libre, et c'est pourquoi les projets d'extraction et de production dépendent du prix que le marché peut offrir. À l'heure actuelle, on peut extraire le gaz de manière économique, et le prix n'a jamais été aussi bas. Je ne suis pas expert en ce qui concerne le prix de l'extraction, mais, à un prix inférieur à 4 $, les producteurs peuvent extraire le gaz de manière rentable. Je sais cela.

Est-ce un obstacle au développement? Dans un certain sens, oui. Les promoteurs iront là où il y a des débouchés. Nous disposons d'importantes réserves de gaz. Cela veut-il dire que certains débouchés ne seront pas exploités? C'est possible. Les investisseurs cherchent le meilleur rendement possible. C'est le système de l'offre et de la demande. Quand la demande en gaz augmentera, les prix vont probablement augmenter en conséquence. Ce mouvement encouragera la mise en œuvre de projets, ce qui, par ricochet, entraînera une nouvelle baisse des prix. C'est un système efficace.

Est-ce que les bas prix découragent les investisseurs? Peut-être, si l'on considère que les investisseurs cherchent un bon taux de rendement et qu'ils pourraient s'intéresser à un autre produit si le gaz naturel n'offrait pas le meilleur rendement. Il ne faut pas perdre de vue que les réserves sont abondantes et qu'il y a largement place à de nouvelles possibilités d'investissement; donc, si la demande en gaz naturel augmente, nous avons beaucoup d'autres réserves à exploiter sur le continent.

Le président : Merci.

M. Egan : Le gaz naturel possède deux autres qualités : il est fiable et il est sûr. Ces deux qualités sont évidemment reliées. L'infrastructure des gazoducs de l'Amérique du Nord est très étendue. Je l'appelle le « géant silencieux » parce qu'elle est en majeure partie cachée, même si quelques-uns des principaux gazoducs sont visibles. Cette infrastructure aboutit à des résidences et à des entreprises sur tout le continent, et elle est extraordinairement fiable; des jours comme aujourd'hui, en particulier, nous apprécions tous le gaz naturel.

Le président : L'homme qui est assis à votre droite en sait beaucoup au sujet des gazoducs. Nous avons entendu le nom Enbridge en lien avec le réseau de gazoducs, alors nous allons en entendre parler aujourd'hui.

M. Egan : Oui, M. Pleckaitis vous présentera une carte qui illustre bien le vaste réseau d'Enbridge.

Pour terminer, en parlant de sécurité, le Canada est un chef de file mondial de la production, du transport, de la distribution et de l'utilisation sécuritaires du gaz naturel. Comme je l'ai déjà dit, la sécurité est une grande priorité pour l'industrie.

Je vais brosser rapidement le portrait des intervenants de l'industrie. Nous les appelons les entreprises de services énergétiques intelligents. Cette carte du Canada représente les membres de mon association, c'est-à-dire les entreprises de distribution de gaz naturel, à l'échelle du pays. Vous allez reconnaître les entreprises de vos régions respectives. Ce que je veux bien faire comprendre, c'est qu'il y a au pays 6,2 millions de consommateurs, ou 6,2 millions de pointes de brûleur. Cela veut dire que quelque 20 millions de Canadiens consomment du gaz naturel, chez eux ou au travail, chaque jour.

Le président : Cela soulève une question. Vous comptez 6 millions de consommateurs, mais 20 millions d'utilisateurs. Est-ce que cela veut dire que l'on compte trois ou quatre personnes par ménage?

M. Egan : Dans la grande majorité des cas, les consommateurs sont des ménages. Selon un rapide calcul, il y a 2,5 personnes par ménage, ce qui donne un nombre élevé. Toutefois, il faut aussi tenir compte des entreprises et de l'industrie, où les gens travaillent. C'est une estimation approximative, monsieur le sénateur. J'ai participé, fin septembre, à ma première réunion du conseil d'administration, et j'ai demandé aux membres de mon association ce que 6,2 millions de consommateurs représentent pour les sénateurs et les députés, si on pense au nombre de commettants, car je m'attendais à ce qu'on me pose des questions au sujet de ce nombre. Ce n'est pas le résultat d'un calcul savant. Nous essayons d'obtenir un nombre plus exact, mais, par un rapide calcul, on arrive à un nombre de 2,5 personnes par ménage.

Le président : Vous devez comprendre que ce sont des questions de base comme celles-là que vont vous poser des profanes au sujet de votre industrie. Parlons de ces pourcentages, en gros. Qu'est-ce que cela représente, 6 millions ou 20 millions? Disons que toutes les entreprises sont vos clientes et qu'il n'y a pas de pétrole ni de sources d'énergie autres. Est-ce que ce serait 10 p. 100 ou 20 p. 100?

M. Egan : Cela représente 30 p. 100 des réserves d'énergie, ce dont je vais parler plus tard en vous donnant la ventilation du système global. Nous représentons également des entreprises de transport, des fabricants et des fournisseurs; le gaz naturel répond à 30 p. 100 de nos besoins énergétiques. Quand j'arriverai au volet sur le point de vue du consommateur, je vous en dirai un peu plus au sujet de ces services.

La diapositive suivante présente quelques-uns de ces services. Quand je dis que le gaz naturel répond à 30 p. 100 des besoins énergétiques, je parle des besoins des secteurs industriel, résidentiel, commercial et agricole, de la production énergétique et, dans une moindre mesure, du transport. Je dirais que c'est dans le secteur du transport que l'on trouve le meilleur potentiel de croissance pour le gaz naturel.

Cette diapositive illustre certaines des utilisations du gaz naturel partout au pays. Pour l'industrie, le gaz naturel est une source de chaleur pour les procédés industriels. Au chapitre de la production d'électricité, nous comptons des installations de production d'électricité au gaz naturel dans plusieurs régions du pays; elles sont particulièrement utiles lorsque les activités doivent commencer dans l'immédiat.

Concernant les utilisations plus efficientes, par exemple la production combinée de chaleur et d'électricité, les possibilités se multiplient dans les régions urbaines à forte densité de population. Le plus récent débouché du gaz naturel, c'est son utilisation à titre de carburant de transport. Le transport compte pour environ 30 p. 100 de l'énergie utilisée, et on commence tout juste à trouver des débouchés importants pour le gaz naturel.

Je vais maintenant vous parler de quatre initiatives que nous avons mises en œuvre pour mieux positionner notre produit et les entreprises membres de notre association. La première initiative concerne l'innovation et la technologie; la seconde, les systèmes énergétiques communautaires intégrés; la troisième, l'information et les données, ce qui nous ramène à votre question, sénateur; et la quatrième concerne la prévention des accidents.

Nous avons lancé récemment la première initiative, qui concerne les technologies et l'innovation énergétiques, en tant que projet de collaboration entre nos membres, qui ont mis en commun leurs ressources financières dans le but d'examiner les possibilités d'investissement stratégique dans la commercialisation des technologies et de l'innovation dans le domaine du gaz naturel. J'ai déjà mentionné certaines des utilisations actuelles du produit. Nous pensons qu'il existe une diversité de nouvelles utilisations et de façons d'améliorer les utilisations existantes, et nous voulons les explorer. Il peut s'agir de toutes sortes de choses, de nouveaux chauffe-eau innovateurs à des unités de microgénération.

On entend par microgénération la production combinée de chaleur et d'électricité à très petite échelle. Imaginez que vous avez dans votre maison une unité qui produira à la fois de l'électricité et de la chaleur. Elle fonctionnerait au gaz naturel, et vous n'auriez plus besoin d'un fournisseur d'électricité : vous généreriez sur place l'électricité dont votre maison a besoin. Cette technologie innovatrice existe déjà, sous certaines formes, et nous essayons d'encourager la mise sur le marché de nouvelles applications.

Il existe également de nouvelles technologies d'utilisation des gaz naturels renouvelables. On peut par exemple récupérer le biométhane produit par les installations de gestion des déchets ou qui se dégage des déchets agricoles, entre autres, et il est fort possible que la technologie nous permette de les intégrer au système du gaz naturel et de les distribuer sur notre réseau. Les débouchés de ce genre sont variés. Comme je l'ai déjà dit, les entreprises mettent en commun leurs ressources financières et s'efforcent d'en tirer le meilleur parti en investissant dans ces types de débouchés qui n'ont généralement pas la faveur des investisseurs au Canada. Cette mise en commun nous permet de tirer profit des débouchés qui se présentent. C'est l'une des grandes initiatives que notre industrie a lancées.

Le président : Je pense à l'unité résidentielle miniature que vous avez décrite. Est-ce qu'une petite unité peut produire à elle seule de la chaleur et de l'électricité?

M. Egan : Oui, c'est le but recherché.

Le président : Avec le froid et les tempêtes que nous connaissons de nos jours, cette idée pourrait être très populaire.

M. Egan : C'est l'occasion qui s'offre à nous. Ces unités ne sont pas encore vendues au magasin du coin. Cette première grande initiative nous servira à déterminer ce que nous devons faire pour que des choses comme celles-là soient beaucoup plus largement offertes, à un prix qui intéressera le consommateur.

La deuxième grande initiative — qui a été présentée au comité cet automne, je crois — s'appelle QUEST, ou Quality Urban Energy Systems of Tomorrow. Mon association a joué un rôle central dans la création de QUEST, initiative qui regroupe tout un éventail de partenaires : des gouvernements, des représentants de notre industrie et d'autres industries, des groupes environnementaux, des promoteurs et des entreprises.

Nous cherchons à créer des systèmes énergétiques communautaires intégrés, c'est-à-dire des systèmes fonctionnant dans les zones urbaines et permettant de tirer profit de la grande demande d'énergie et de l'utilisation et du gaspillage important d'énergie. L'objectif est de récupérer cette énergie gaspillée et, en mettant en place des systèmes d'énergie de quartier capables de récupérer la chaleur, nous pouvons intégrer d'autres technologies, puisque la densité de population occasionne une forte demande, ce qui fait que de nombreuses technologies y sont plus économiquement viables qu'ailleurs.

Le rôle du gaz naturel est, d'abord, de servir de base pour l'utilisation de toutes ces autres applications. Les autres applications ne sont peut-être pas aussi fiables, et elles sont peut-être intermittentes. Le gaz naturel offre une base constante et garantie à ce système.

Le second avantage que nous apportons à ces systèmes énergétiques communautaires intégrés, c'est le fait que les entreprises membres de mon association sont les entreprises de services énergétiques. Elles comprennent quels gazoducs et systèmes énergétiques sont nécessaires pour faire démarrer ce type de projet.

QUEST est la seconde grande initiative. La première vise les nouveaux débouchés permettant de répondre à la demande et à stimuler l'innovation et les possibilités. Elle s'attache à l'efficience et aux solutions en matière d'efficience.

La troisième initiative est elle aussi un projet de collaboration. Il s'agit du Canadian Energy Partnership for Environmental Innovation, le CEPEI. Nous cherchons à créer un ensemble robuste de données sur notre industrie et sur le gaz naturel au Canada, en particulier des données sur les aspects environnementaux, à savoir les changements climatiques, la qualité de l'air, les gazoducs, les répercussions sur l'air, la terre et l'eau ainsi que les attributs environnementaux des systèmes énergétiques et des nouvelles technologies.

La quatrième initiative est une grande initiative axée sur la prévention des dommages. Son objectif est de documenter le gros des mesures que nous avons mises en œuvre dans le domaine de la santé publique et de la sécurité des travailleurs au Canada, d'abord et avant tout, mais également d'étudier l'une des grandes préoccupations. Nous sommes une société de plus en plus urbanisée, et il y a toujours des dangers en raison du fait qu'une bonne partie de l'infrastructure se trouve dans le sous-sol des centres urbains. À mesure que nous mettons en place de nouvelles infrastructures et que nous construisons de nouveaux édifices, nous risquons d'endommager des infrastructures liées à l'eau, aux déchets, à l'électricité et au câble, pendant les étapes d'aménagement et de construction.

Par cette initiative nationale, nous voulons mettre en œuvre un service téléphonique à trois chiffres, un centre d'appels à guichet unique qui permettra de localiser les installations des services publics pour chaque province, et faire adopter une loi qui obligera les intervenants à appeler avant de creuser, dans chaque province, de manière à réduire de façon importante les dommages à l'infrastructure que peut entraîner la croissance de nos villes.

La première étape de ce projet consistera à demander — au début de 2011 — au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, de concert avec d'autres intervenants, que l'on nous attribue un numéro à trois chiffres.

C'était un survol de l'Association canadienne du gaz et de l'industrie qu'elle sert.

En second lieu, j'aimerais vous présenter quelques notions élémentaires qui répondent à certaines de vos questions et touchent au fond de la question faisant l'objet de votre étude.

Nous avons préparé quelques diapositives sur le système énergétique. Comme je l'ai dit en commençant, la place qu'occupe le gaz naturel est souvent méconnue. C'est en partie parce que les gens ne savent pas comment l'énergie est utilisée au Canada. Ce graphique illustre trois grandes utilisations de l'énergie au Canada : le transport, la production d'électricité et le chauffage.

Du côté des transports, le plus grand consommateur est de toute évidence l'automobile; mais il faut compter également le transport par chemin de fer, par camion, par voie aérienne et par voie maritime. Le transport utilise 31 p. 100 de l'énergie consommée au Canada. Et cette énergie est presque totalement générée par le pétrole ou les produits du pétrole.

La deuxième utilisation, c'est l'électricité, ce que nous appelons la « charge branchée » des maisons, notamment l'éclairage et les appareils électriques, mais il faut aussi compter les machines et les applications industrielles. Ces utilisations comptent pour 17 p. 100 de la consommation d'énergie et misent à 75 p. 100 sur les centrales nucléaires et hydroélectriques et à environ 6 p. 100 sur le gaz naturel. Les autres sources d'énergie sont principalement le charbon et les nouvelles sources renouvelables.

La troisième utilisation, le chauffage, se taille la part du lion. Au Canada, 52 p. 100 de l'énergie utilisée est tirée de sources diverses. Le gaz naturel représente 60 p. 100 de cet approvisionnement. J'ai parlé plus tôt d'une proportion de 30 p. 100; si nous voulons connaître la part du gaz naturel dans l'ensemble du système, elle serait de 30 p. 100 et elle serait majoritairement consacrée au chauffage.

La diapositive suivante fournit la répartition de la consommation d'énergie par secteur économique, soit les secteurs résidentiel, commercial et industriel et celui du transport ainsi que la part consacrée par chaque secteur au transport, à la production d'électricité et au chauffage.

La diapositive qui suit montre ce que nous utilisons. L'assortiment est diversifié dans tous les secteurs, comme je l'ai déjà dit. Pour le transport, la source la plus utilisée, et de loin, est le pétrole et les produits pétroliers, comme le montre la répartition. Et c'est l'essence qui est la principale source pour le transport.

En ce qui concerne les appareils électriques, au Canada, la plus grande part, quelque 65 p. 100, revient à l'hydroélectricité; l'énergie nucléaire et l'énergie tirée du charbon viennent ensuite, et le gaz naturel fournit environ 6 p. 100 de cette énergie.

Mais pour le chauffage, c'est le gaz naturel qui est proportionnellement la source plus importante, que ce soit directement et indirectement par le truchement de l'électricité, car le gaz naturel servant à la production d'électricité peut ensuite servir au chauffage.

Nous essayons de faire comprendre cette répartition chaque fois que nous parlons de l'utilisation du gaz naturel à l'échelle du pays. Les gens qui utilisent de l'énergie le font pour trois choses : se déplacer, se servir d'appareils électriques et se chauffer. Je trouve utile de montrer comment cette utilisation se répartit, car les gens commencent alors à envisager le système énergétique d'une autre façon et, en s'appuyant sur leurs intérêts personnels, à réfléchir au produit qu'est le gaz naturel.

Il est également bien que les gens comprennent mieux leur système énergétique. Nous voulons stimuler l'efficience et l'innovation, et il faut pour cela que les gens comprennent mieux le système qui est le nôtre aujourd'hui. Il est facile de conclure qu'il suffit de construire un million de ceci pour que tout aille pour le mieux. Il demeure que notre système énergétique est diversifié et complexe. C'est l'une des forces du Canada, et nous avons avantage à continuer de l'améliorer. Nous pensons que le gaz naturel est un élément essentiel de cet exercice.

J'ai été bavard. Je vais maintenant laisser M. Pleckaitis poursuivre l'exposé et traiter de certains sujets qui intéressent particulièrement Enbridge. Merci de m'avoir laissé vous donner cet aperçu; je reprendrai la parole à la fin de l'exposé pour parler un peu plus du cadre énergétique du Canada.

Le président : Merci. Avant de céder la parole à M. Pleckaitis, je dois dire que certains d'entre nous, en particulier les membres plus âgés, se souviennent de l'époque où on a commencé à utiliser le gaz naturel pour chauffer les maisons; ils se rappellent les explosions et la question de la sécurité. C'est une sorte de peur intrinsèque. Je sais que vous insistez particulièrement sur la sécurité, vous en avez parlé trois fois ce matin. Y a-t-il une grande résistance à ce sujet, ou êtes- vous arrivé à apaiser cette crainte qui, je le reconnais, n'est pas fondée? Je l'ai constatée, et c'est sûrement l'un de vos plus grands défis.

M. Egan : M. Pleckaitis doit composer lui-même avec cette crainte, régulièrement, à titre de vice-président de la Stratégie client, alors je vais le laisser répondre.

Arunas Pleckaitis, vice-président, Développement commercial et Stratégie client, Enbridge Gas Distribution : La toute première préoccupation de notre industrie, c'est la sécurité; celle des employés, mais également celle des consommateurs. J'ai déjà eu l'occasion de travailler dans l'industrie du gaz dans des provinces où le gaz était bien établi avant ma naissance, par exemple en Ontario, et à Ottawa; j'ai également travaillé dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick, où cette industrie en est à ses débuts : on n'utilise le gaz que depuis 2000.

De manière générale, les consommateurs qui ont l'habitude d'utiliser du gaz naturel — en Ontario, par exemple — admettent que le gaz naturel est un produit sûr. C'est l'opinion générale.

Au Nouveau-Brunswick, où j'ai travaillé pendant deux ans à la mise en place de cette industrie, il a été difficile d'apaiser les craintes des consommateurs, qui craignaient pour leur sécurité s'ils alimentaient leur maison au moyen d'un produit inflammable. Il faut beaucoup de temps pour surmonter la crainte et l'inquiétude. On n'y arrive pas tout simplement en passant quelques annonces.

Il y a une chose qui fait frémir notre industrie : ce sont les accidents. S'il y a quelque chose qui ébranle notre entreprise et qui rallie nos employés, c'est tout ce qui concerne la sécurité ou pourrait nuire ou faire du mal à un consommateur.

Vous avez entendu parler d'accident malheureux, par exemple celui de San Bruno, en Californie. Il a eu l'effet d'une vague dans toute notre industrie, et tout le monde a insisté encore davantage sur la sécurité et la sécurité de l'infrastructure. C'est toujours une préoccupation, vu l'incidence que cela peut avoir sur notre produit.

C'est vraiment pour moi un plaisir d'être ici. Je ne m'étais jamais adressé auparavant aux membres du Sénat, et je dois admettre que je suis intimidé par toute la sagesse et l'expérience accumulées dans cette salle. Veuillez m'excuser si je bégaie un peu pendant mon exposé.

Ce matin, j'aimerais d'abord vous donner un aperçu d'Enbridge. Je vous promets de ne pas essayer de vous vendre quelque chose. Je travaille pour un secteur relativement — non pas un petit secteur, mais un secteur d'Enbridge, à savoir Enbridge Gas Distribution, le secteur qui s'occupe de la distribution du gaz. La plupart de mes commentaires concerneront les activités de ce secteur, qui s'attache à l'interaction avec notre clientèle; je parlerai aussi de ce que nous faisons, des défis que nous devons relever, de la façon dont notre entreprise et l'ensemble de l'industrie évoluent, de notre vision de l'avenir et des mesures que nous prenons pour réaliser cette vision.

Le président : Vous êtes une entreprise intégrée, vous savez donc peut-être que des représentants de votre secteur de l'exploration et de l'exploitation des gisements de gaz au large de la Nouvelle-Écosse ont déjà comparu devant nous. Nous connaissons donc un peu votre entreprise, pour laquelle nous avons un grand respect.

M. Pleckaitis : Merci. Prenons maintenant la page 20; cette carte de l'Amérique du Nord illustre, je l'espère, toute l'étendue de nos activités. Nous sommes une entreprise nord-américaine. Nous exerçons nos activités au Canada et aux États-Unis. Nos activités d'exploitation sont menées à l'échelle nord-américaine, mais notre siège social est situé à Calgary. Nous appartenons à 75 p. 100 à des intérêts canadiens.

Quant à nos activités, nous considérons qu'elles se divisent en quatre éléments, en quatre secteurs opérationnels fondamentaux. Tout d'abord, nous avons le réseau de transport de liquides — les pipelines —, qui, essentiellement, transporte le pétrole du lieu de production vers les marchés de consommateurs. Évidemment, les sables bitumineux constituent une part importante, en amont, de ce système d'infrastructure. Nous possédons le plus grand système de pipeline de transport de liquide au monde.

Ensuite, du côté du transport du gaz, nous avons les grands gazoducs qui transportent le gaz du lieu de production, encore une fois, jusqu'au marché; les gens ne savent pas que 40 p. 100 du gaz extrait des eaux profondes du golfe du Mexique sont transportés par les gazoducs d'Enbridge.

Il y a ensuite la distribution du gaz naturel vers les consommateurs — c'est-à-dire les ménages et les entreprises —, mon secteur d'activités. Consumers Gas — ce qui s'appelait alors Consumers Gas, il m'arrive encore d'utiliser ce nom — Enbridge Gas Distribution, en Ontario, est le plus important et le plus ancien service de distribution de gaz au Canada.

Pour terminer, le dernier et le plus petit secteur d'activités, au chapitre des revenus, mais celui qui croît le plus rapidement, est le secteur de l'énergie verte et renouvelable. La diapositive suivante résume les composantes de nos activités dans le domaine de l'énergie verte ou renouvelable. Le graphique en bas à droite, si vous pouvez le voir, montre à quelle vitesse croît ce secteur de nos activités.

Bientôt, d'ici la fin de l'année, nous aurons mis sur pied une capacité de production d'électricité d'environ 900 mégawatts. Ce volume suffit à répondre aux besoins en électricité d'environ trois quarts de million de résidences. En peu de temps, ces diverses sources de production d'énergie verte et renouvelable sont devenues une part de plus en plus importante de nos activités.

La principale source de cette production d'énergie, à l'heure actuelle, est l'éolienne. Environ 700 de ces 900 mégawatts proviennent de parcs d'éoliennes. Ces parcs sont situés principalement en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et, depuis peu, au Colorado.

Nous avons aussi commencé récemment à exploiter des centrales solaires photovoltaïques, et nos premières installations sont situées à Sarnia, en Ontario. Nous exploitons maintenant une centrale solaire photovoltaïque comptant parmi les plus grandes de son genre dans le monde.

La pile à combustible est un autre secteur que nous commençons à explorer et nous nous y intéressons depuis un certain temps. De fait, nous exploitons une centrale à pile à combustible de deux mégawatts qui est extrêmement propre, selon les normes de la Californie. Cette centrale, située à côté de mon bureau, génère deux mégawatts, ce qui est suffisant pour approvisionner en électricité près de 2 000 consommateurs.

Ensuite, il y a les technologies liées à l'électricité géothermique de l'Oregon. Nous nous sommes lancés dans les technologies géothermiques, qui consistent essentiellement à prendre de la chaleur — récupérer de la chaleur — de la croûte terrestre. Nombre d'entre vous ont déjà entendu parler des pièges à carbone et des projets de captage du CO2. Nous participons à des projets de démonstration, en collaboration avec 40 autres entreprises de l'Alberta et de la Saskatchewan, dans le but de démontrer la faisabilité technique et la rentabilité des méthodes d'injection de CO2 dans les couches aquifères, sous la croûte terrestre.

Prenons maintenant la diapositive suivante; je vais maintenant concentrer mes commentaires sur les aspects touchant la distribution du gaz. Vous voyez sur cette carte que nous distribuons du gaz à quatre endroits : l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'État de New York. Nous comptons plus de 1,9 million de consommateurs, et ce nombre s'accroît de 30 000 à 60 000 consommateurs par année.

Les programmes dont je suis le plus fier — j'ai participé à leur création —, ce sont nos programmes de gestion de la demande. Je ne sais pas si les sénateurs savent ce qu'est la gestion de la demande; cela concerne la conservation de l'énergie et l'efficience énergétique. Je crois que c'est l'industrie des services publics qui a inventé ce terme, « gestion de la demande », mais notre société a été le premier service de distribution de gaz du Canada à proposer officiellement des programmes de conservation d'énergie et d'efficience énergétique à ses clients, et c'était en 1995.

Au début de ces programmes, je dois reconnaître que j'étais un cadre subalterne, et il a fallu quelque temps pour que les cadres supérieurs de notre entreprise acceptent l'idée selon laquelle nous pourrions encourager nos consommateurs à moins utiliser notre produit. Aujourd'hui, cependant, en raison du changement culturel qui s'est produit dans notre entreprise, absolument tout ce qui se fait du côté du marketing ou des ventes est fondé sur le principe de l'efficience énergétique et de la conservation de l'énergie; nous voulons nous assurer que les consommateurs utilisent notre produit de la façon la moins coûteuse et la plus efficiente possible.

Sur la diapositive suivante, nous essayons de réduire à sa plus simple expression ce qui me tient éveillé, la nuit, quand je réfléchis à notre entreprise et à la façon dont elle évolue. Vous pensez peut-être qu'avec tous nos consommateurs, dont le nombre augmente de 30 000 à 60 000 chaque année, nous nous trouvons dans une situation confortable. Regardez, dans le coin supérieur droit de la diapositive, la consommation moyenne de gaz par nos consommateurs résidentiels. Encore une fois, comme M. Egan l'a dit, la grande majorité de nos clients sont des ménages. Vous voyez, sur cette diapositive, qu'à compter de 2000 — en fait, cette tendance remonte environ au milieu des années 1990 —, la consommation moyenne par consommateur résidentiel diminue année après année d'environ 1,3 p. 100.

Cette diminution est due à plusieurs facteurs : les maisons comportent maintenant des fournaises et des chauffe-eau plus efficients, elles sont plus hermétiques, mieux isolées, elles ont de meilleures fenêtres, et cetera. Pour toutes ces raisons, la consommation par consommateur diminue constamment. Même si nous comptons de 30 000 à 60 000 consommateurs de plus par année, nous constatons que le volume total de gaz distribué par nos gazoducs est presque le même aujourd'hui qu'il l'était en 2000. Dans l'ensemble, l'utilisation efficiente de notre produit est une bonne nouvelle.

Ajoutons à cela ce que M. Egan a dit au sujet de l'abondante réserve de gaz naturel, bonne pour encore plus d'un siècle, et sans parler des autres technologies ou des autres produits que, je le crois, nous allons envisager un jour plus sérieusement, par exemple les hydrates de méthane, nous disposons d'une immense réserve de gaz naturel pour l'avenir.

Beaucoup de gens considèrent encore le gaz naturel comme un combustible fossile. Comme les sénateurs le savent très bien, nombre des politiques des gouvernements du monde entier poussent les entreprises et les consommateurs à utiliser des sources d'énergie plus propres en abandonnant les sources qui envoient du carbone dans l'atmosphère.

Je crois que, parmi les professionnels de l'énergie, on se rend de plus en plus compte qu'à un moment donné, on pensait que le monde entier adopterait l'énergie électrique. Je suis convaincu que tout le monde a entendu parler de l'expression « réseau électrique intelligent », qui est assez courante; on pensait que le monde entier passerait à l'électricité, et que nos systèmes de transport passeraient à l'électricité. On comprend de plus en plus, de manière pragmatique, que ce monde n'existera pas dans un avenir prévisible, et je ne peux même pas m'imaginer qu'en pratique, il existera dans un avenir plus éloigné.

La réalité, c'est qu'il faudra un réseau thermique, un réseau électrique et un réseau gazier fonctionnant ensemble. On n'a pas encore défini selon quels pourcentages, mais la réalité, au bout du compte, c'est que ces trois réseaux énergétiques fonctionneront ensemble et qu'il faudra évidemment encourager la conservation de l'énergie et l'efficience énergétique chez l'utilisateur final.

Le président : Quand j'entends l'expression « réseau intelligent », en pensant par exemple à l'une des initiatives qui sont ressorties du dialogue sur l'énergie propre entre le Canada et les États-Unis, nous ne pensons pas seulement à un réseau électrique intelligent. Nous pensons aussi à l'énergie éolienne, entre autres. Je crois que vous avez dit que les « professionnels de l'énergie » estimaient qu'il ne s'agirait pas uniquement d'un réseau électrique, mais ce que vous avez décrit, c'est un réseau intelligent, n'est-ce pas?

M. Pleckaitis : Oui, c'est cela. M. Egan a dit que près de 50 p. 100 de toute l'énergie consommée dans les résidences ou les entreprises étaient consacrées au chauffage. Nous ne pouvons pas, ni en pratique, ni financièrement, tirer cette énergie de l'électricité. Demandez à une personne qui travaille pour un service public d'électricité quelconque si, à son avis, ce serait une bonne idée d'installer des plinthes chauffantes dans les résidences des consommateurs dans le but de consommer d'électricité de manière efficiente; elle vous répondra que ce n'est pas la façon la plus efficiente de chauffer les résidences ou les entreprises.

Pour les activités exigeant de la chaleur, dans les entreprises, pour chauffer l'eau et chauffer les locaux, dans un édifice comme celui-ci ou dans une résidence, la manière la plus efficiente de consommer l'énergie est de la tirer du gaz naturel. La question qui se pose est la suivante : pouvons-nous le faire de façon plus efficiente et plus propre? Je vais répondre à cette question un peu plus loin dans mon exposé.

Enfin, il y a la question de l'incertitude. Je serai le premier à dire qu'aucune des personnes que je connais dans l'industrie de l'énergie n'a une boule de cristal et ne peut dire de quoi aura l'air le système énergétique, où que ce soit dans le monde. Tout le monde a une théorie sur la forme qu'il prendra. S'il y a une chose que j'ai apprise en plus de 25 ans dans le monde de l'énergie, c'est qu'il n'y a rien de certain dans le domaine, si ce n'est que c'est différent à chaque endroit.

Si nous regardons ailleurs dans le monde, et si nous cherchons les raisons pour lesquelles les choses se sont déroulées d'une certaine façon dans les différents pays d'Europe — pourquoi le Japon ou la Chine ont adopté certaines façons de faire, et on voit la même chose au Canada, dans les différentes provinces —, les pays ont été portés à adopter certains systèmes énergétiques, à donner la préférence à une forme d'énergie plutôt qu'à une autre, en fonction de leurs propres besoins, avantages ou désavantages. Encore une fois, il nous suffit de regarder d'un bout à l'autre de notre grand pays — comment les choses se présentent-elles au Québec par rapport, par exemple, à ce qui se passe en Alberta ou en Ontario — et de nous demander pourquoi les choses ont évolué ainsi? C'est en fonction des ressources, avantages ou désavantages propres à chacun que cela s'est passé ainsi.

J'aimerais transmettre un message au Sénat : il n'y aura pas une solution unique pour tout le Canada. Il faudra l'adapter aux besoins particuliers des Canadiens de chacune des provinces.

Le président : Est-ce que l'on tiendra compte des besoins ou des ressources? Prenons par exemple l'hydroélectricité du Québec : pas besoin d'y réfléchir, n'est-ce pas? Prenons ensuite une province qui possède beaucoup de charbon, comme l'Alberta. Il doit y avoir une façon de faire des prédictions.

M. Pleckaitis : Oui; il est clair qu'une province comme le Québec possède une ressource hydroélectrique propre et abondante qu'elle l'utilisera. Cela, en soi, comme vous le savez, entraîne aussi ses propres défis, au chapitre des répercussions. Il faut également mettre cela dans la balance. Vous dites que vous allez tenir des audiences au Québec. Le Québec découvre également d'importantes quantités de gaz naturel. La question est la suivante : de quelle façon ces deux formes d'énergie vont-elles se combiner, et quelle est la bonne façon de les combiner?

Encore une fois, il serait peut-être mieux — plutôt que de parler de besoins — d'envisager la question sous l'angle des avantages ou des désavantages d'une administration par rapport à une autre sur le plan de la concurrence. Les avantages seront un important facteur au moment de déterminer comment une certaine administration va aménager son système énergétique.

Le président : La correction est juste. C'est le mot « besoins » qui m'a troublé. Au bout du compte, c'est le marché qui va décider.

M. Pleckaitis : Oui, en effet.

M. Egan : Vous avez parlé du Québec. Lorsque je me suis préparé pour mon témoignage, j'ai réuni quelques statistiques sur la répartition de la consommation d'énergie par les utilisateurs finaux, au Québec. On suppose, en raison de l'hydroélectricité au Québec, lequel est un joueur si important sur la scène mondiale, que les besoins en énergie du Québec sont comblés principalement par l'électricité, alors qu'en fait, 40 p. 100 des besoins en énergie de la province sont comblés par l'hydroélectricité; aujourd'hui, 10 p. 100 de cette énergie vient du gaz naturel; environ 40 p. 100, du pétrole et des produits du pétrole; et 10 p. 100 du bois et des déchets de pâtes et papiers, donc de l'énergie récupérée à partir des déchets de bois.

Le président : Je reconnais mon erreur. Ce n'est pas si évident que cela.

M. Egan : Ce que je veux dire, c'est que, si nous regardons chacune des provinces, nous constatons que les sources d'énergie sont remarquablement diversifiées. Je reviens à ce dont je parlais, au sujet des transports, de l'électricité et du chauffage. Je crois que nous avons tous fait des suppositions, en raison des ressources particulières que possède chaque région, et ce sont des ressources extraordinaires, mais les sources d'énergie du pays sont diversifiées.

J'aimerais que vous regardiez, région par région, la diversité des sources d'approvisionnement, la disponibilité de ces ressources, leur coût et leurs répercussions sur l'environnement. Toutefois, l'autre aspect dont je parle chaque fois que je le peux, c'est le fait qu'il faut voir tout cela du point de vue du consommateur, de plus en plus. Le consommateur est l'un des principaux moteurs du système énergétique. Nous considérons souvent le Canada uniquement comme un grand fournisseur d'énergie. Nous sommes aussi un grand consommateur d'énergie, et, au chapitre de l'énergie, la consommation d'énergie est un aspect important qui nous aide à déterminer ce qui nous tient à cœur lorsque nous pensons à un cadre énergétique fondé sur l'innovation.

M. Pleckaitis : Je ne vais pas parler du dernier point de ma diapositive 23. J'ai parlé de l'incertitude liée à la forme que prendra le système énergétique de l'avenir. L'autre incertitude concerne le rythme auquel les changements vont se produire. Prenons la situation il y a seulement deux ou trois ans; d'énormes efforts ont été consacrés à la transformation rapide de l'industrie de l'énergie. L'Ontario offre un bon exemple. Récemment, il y a eu une résistance de la part des consommateurs au chapitre des prix. Un facteur important consiste à tenir compte du besoin de changement du secteur de l'énergie, mais également à reconnaître la participation des consommateurs à ces changements, au chapitre des prix et des comportements. M. Egan a abordé cette question.

L'autre chose qui influe sur les entreprises comme les services publics d'énergie, qu'il s'agisse d'électricité ou de gaz, c'est le cadre réglementaire, et je parlerai de ce facteur dans les prochaines diapositives.

Au sein de notre entreprise, nous sommes d'avis que des services publics efficients, efficaces et réglementés, qu'il s'agisse de gaz ou d'électricité, sont essentiels si l'on veut transformer le système énergétique du Canada. Si je dis cela, c'est parce que les services publics — et, encore une fois, je parle du gaz et de l'électricité — ont une structure d'activités qui est unique. Elles ont noué des relations non seulement avec leur importante clientèle — et M. Egan a mentionné le nombre de clients avec qui l'entreprise est régulièrement en lien, partout au Canada —, mais, en outre, les entreprises ont une base communautaire. Par exemple, dans notre secteur d'activités, nous devons obtenir des concessions, et elles ne sont pas garanties pour la vie. Il faut renouveler les concessions, ce qui suppose d'établir des relations de travail avec les municipalités où se trouvent ces concessions, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui va creuser sous les routes et qui devra installer des gazoducs sous des emprises routières. Dans notre secteur, nous devons travailler de manière intégrée et coordonnée avec les collectivités où nous exerçons nos activités.

Les services publics peuvent également réaliser des économies d'échelle sans comparaison avec celles de nombreuses autres organisations, encore une fois, en raison du nombre de nos clients. Nos investissements sont à long terme. Contrairement aux entreprises qui se lanceraient en affaires en pensant devoir en tirer des profits, récupérer leurs investissements en 5 ou 10 ans, nos industries, les industries des services publics, tendent plutôt à envisager de le récupérer sur plus de 25 ans, ou de 50 ans, car c'est en général la durée de vie de cette infrastructure.

Un certain nombre de facteurs font en sorte que nous sommes généralement considérés comme un secteur d'activités à faible risque — vu la sécurité et la longue durée de vie de nos installations — et c'est pourquoi nous avons accès à du capital à faible coût. Certes, peu d'entrepreneurs investissent dans le secteur de l'énergie en raison des risques élevés que cela suppose, mais les services publics, de par la nature de leurs activités, ont accès à un capital à faible coût.

Pour terminer, les services publics possèdent une énorme expérience en matière d'exploration, de gestion et de développement sécuritaires et fiables des systèmes énergétiques.

Sur cette diapositive, le dernier point est à certains égards le point le plus important. Les services publics sont, à mon avis, des instruments stratégiques pour le gouvernement. C'est pourquoi on les a créés. L'avantage des services publics par rapport à de nombreux autres types d'organisations, c'est qu'ils sont par nature transparents. Ils doivent régulièrement rendre des comptes et donner aux organismes de réglementation qui les régissent un plein accès aux informations sur leurs clients, à leurs informations financières et aux renseignements concernant les investissements.

Le président : Est-ce que cette surveillance est liée à l'établissement des tarifs?

M. Pleckaitis : Oui, c'est en raison de l'établissement des tarifs. Cet accès assure la transparence de ces entreprises et de leur façon de faire et leur permet de rendre des comptes à l'organisme de réglementation ainsi qu'aux clients et aux collectivités qu'elles servent.

Je vais parler de la diapositive suivante plutôt que d'essayer de vous expliquer ce diagramme; vous pourrez l'étudier si vous cherchez le sommeil, un soir.

Cette diapositive essaie d'exposer la situation des services publics de l'avenir. S'il y a un message que je veux faire comprendre aux sénateurs aujourd'hui, c'est que, du moins de la façon dont Enbridge l'envisage, nous ne nous reposons aucunement sur nos lauriers. Nous reconnaissons que l'énergie et le système énergétique doivent changer. Nous avons l'intention on ne peut plus ferme de participer à l'orientation de ce changement.

Si vous me demandez ce que j'envisage au chapitre des changements, j'en ai déjà abordé quelques-uns, et M. Egan également. Premièrement, nous prévoyons une approche axée sur des sources multiples. Nous allons voir de plus en plus, je crois, une intégration étroite entre les services publics et les systèmes. J'ai parlé du système électrique. Il ne s'agit pas seulement d'un système électrique ou d'un système gazier; c'est un système au gaz, un système électrique et un système de chauffage qui nous permettra de transmettre facilement la chaleur et d'assurer l'échange de chaleur entre les édifices et les aires communes.

Nous allons voir de plus en plus, dans les systèmes de l'avenir, la production décentralisée. Monsieur le président, vous vous êtes intéressé au concept mentionné par M. Egan : de petites unités combinées de microgénération dans chaque maison. La technologie existe; elle fonctionne. À l'heure actuelle, elle est coûteuse — le prix d'achat d'une unité est de plus de 10 000 $ —, mais c'est une technologie éprouvée et utilisée dans de nombreux pays. Ce système de production décentralisée est, à mon avis, le nec plus ultra, puisqu'il nous permet de produire pour nos maisons le volume d'énergie dont nous avons besoin. La chaleur excédentaire qui est toujours produite lorsque l'on tire de l'électricité d'un combustible fossile est ensuite captée et sert à chauffer l'eau ou les pièces de la maison; lorsque nous n'avons pas besoin de cette énergie, l'électricité peut être transmise au réseau et utilisée par d'autres, elle sera distribuée sur les réseaux communs, sur lesquels nous sommes branchés. Quand nous parlons d'un système décentralisé et intégré, au final, cet appareil est un des exemples d'intégration dont je parle.

Le président : Vous ne recommandez pas aux Canadiens de courir s'acheter une génératrice résidentielle?

M. Pleckaitis : Pas encore.

Le président : Ils ne devraient pas non plus creuser de grands trous sous leur maison pour se convertir à l'énergie géothermique, n'est-ce pas?

M. Pleckaitis : Non, effectivement.

Les sénateurs ne doivent pas oublier les caractéristiques du système énergétique qui continuent d'être importantes, à mon avis : la sécurité, la fiabilité, la responsabilité financière du système et, au bout du compte, la responsabilisation. La responsabilité devant les clients et les collectivités servis sera une autre caractéristique qui, selon moi, persistera dans le domaine des services publics.

Allez à la prochaine diapositive. Je n'avais pas l'intention d'aborder tous ces secteurs.

Le président : Êtes-vous à la diapositive 27?

M. Pleckaitis : Je suis à la diapositive 26.

Le président : Merci.

M. Pleckaitis : Cette diapo résume un certain nombre de domaines d'action qu'envisagent notre société et le secteur de la distribution de gaz.

Une grande part du centre-ville d'Ottawa se chauffe à l'aide d'un système énergétique de quartier. J'ignore si vous connaissez ce système. Il est exploité par le gouvernement fédéral. On fait circuler de l'eau chaude et de la vapeur dans des conduits sous les rues et on chauffe chaque immeuble de cette façon au lieu d'utiliser un système de chauffage et de ventilation distinct dans chaque immeuble.

Ce système est courant en Europe. Ce n'est pas le cas au Canada, mais je crois que vous verrez de plus en plus souvent ce type de système à mesure que nous observerons une concentration accrue des logements et des commerces, au lieu d'être plus éloignés les uns des autres.

Nous pouvons établir des systèmes énergétiques de quartier qui génèrent de la chaleur de façon efficiente — peut- être d'une source renouvelable combinée au gaz naturel ou je ne sais quoi — puis distribuent cette chaleur dans la collectivité — dans les maisons, dans les commerces, et cetera — au moyen de conduites d'eau chaude situées sous les rues.

Le système offre un excellent rendement, mais vous pouvez imaginer le coût qu'il faut assumer pour l'établir. C'est comme si on essayait d'installer un système de métro sous une ville qui a déjà été construite. Il faut le faire durant les premières étapes de l'urbanisation et de l'aménagement, lorsqu'on détermine comment sera aménagée une collectivité ou qu'on réaménage une friche industrielle dans une ville existante. C'est à ce moment-là que les responsables des services publics — l'électricité et le gaz — et les planificateurs communautaires doivent collaborer avec les promoteurs pour concevoir quelque chose comme ça.

Le président : Comment un tel système devient-il la responsabilité du gouvernement fédéral? Il s'agit d'infrastructures.

M. Pleckaitis : Ressources naturelles Canada fait la promotion des systèmes énergétiques de quartier. Le ministère essaie d'encourager les municipalités et les services publics à le faire au moyen de projets pilotes et de mesures incitatives. Il offre un savoir technique; il offre des mesures incitatives pour encourager la croissance du savoir et la mise à l'essai de ces projets, de sorte qu'un nombre croissant de collectivités puissent commencer à installer ces systèmes au Canada.

L'autre domaine qu'a mentionné M. Egan était le gaz naturel renouvelable, et c'est un domaine excitant. Encore une fois, de grandes quantités de déchets aboutissent dans des dépotoirs et produisent du méthane. Les gaz produits sont surtout des gaz méthanes, qui, une fois que nous les nettoyons, deviennent du gaz naturel, celui-là même que nous utilisons dans nos maisons.

Selon des études menées au Royaume-Uni et aux États-Unis, on estime le potentiel technique du gaz naturel renouvelable à jusqu'à 25 p. 100 de tout le gaz naturel que nous utilisons actuellement dans nos systèmes. Ce gaz vient des déchets, c'est-à-dire des déchets enfouis, des déchets organiques provenant de programmes de bacs verts, de déchets d'élevage ou, finalement, de la biomasse, des déchets ligneux de l'industrie forestière. Le gaz est récupéré, traité, puis réinjecté dans le gazoduc, le réseau de distribution de gaz, de la même façon qu'on injecterait du gaz issu d'un puits dans l'Ouest canadien ou du gaz de schiste.

À mon avis, ce nouveau secteur excitant illustrera parfaitement l'écologisation et le nettoyage accrus du système au gaz, car, sans cela, le gaz est souvent émis dans l'atmosphère.

Vous avez peut-être déjà entendu parler du gaz naturel liquéfié, le GNL, aux fins du transport. La technologie est bien réelle et éprouvée. Les sociétés de transport longue distance par camion croient en cette technologie, mais on n'a pas l'infrastructure qui permettrait d'installer des postes de ravitaillement au gaz naturel liquéfié pour ces camions, source extrêmement propre comparativement au carburant couramment utilisé, à savoir le diesel.

L'un des projets auxquels nous participons est dirigé par Gaz Métro, au Québec. Une grande société québécoise de camionnage, Robert Transport, joue aussi un rôle important. Nous faisons notre part en Ontario en établissant à Toronto un poste de ravitaillement qui permettra aux grands routiers de Montréal de passer par le couloir de transport pour aller à Toronto, afin de démontrer le rendement et les économies qu'offre le GNL dans le domaine du transport.

Voilà un autre exemple.

Le président : Mesdames et messieurs, nous allons rencontrer des représentants de Robert Transport mardi prochain, dans le cadre de notre séance à Montréal. Nous allons aussi rencontrer Gaz Métro.

M. Pleckaitis : Sénateur, il s'agit d'un secteur extrêmement excitant Comme l'a mentionné M. Egan, 30 p. 100 de tous les gaz à effet de serre émis au Canada proviennent du secteur des transports, et il s'agit presque toujours de produits pétroliers. Si nous pouvions prendre une partie de ce secteur et le convertir au gaz naturel, les retombées sur le plan du rendement et de l'environnement seraient importantes.

Le dernier point sur cette diapositive concerne la coopération entre les services publics de distribution de gaz et d'électricité. Lorsque j'ai fait mes débuts dans l'industrie gazière, une terrible rivalité régnait entre ces services. Nous nous disputions la faveur des clients. Dans une certaine mesure, cette rivalité existe encore entre nos industries. Je suis heureux de dire que, comme on est de plus de plus nombreux à reconnaître que le monde change et qu'il faut une collaboration entre les réseaux d'électricité, les réseaux de gaz et les réseaux thermiques, nous observons beaucoup plus de coopération entre l'industrie de l'électricité et l'industrie gazière. Je ne peux qu'encourager une telle pratique.

Je décris la coalition de grands distributeurs au bas de la diapo. Par exemple, neuf des plus grands services de gaz et d'électricité en Ontario, qui servent 80 p. 100 des clients ontariens, collaborent maintenant dans le cadre de programmes coopératifs.

Un programme à Ottawa, toujours au stade préliminaire, est un excellent exemple. Nous travaillons à un programme avec Hydro Ottawa dans le but de créer des programmes de conservation de l'électricité à l'intention de clients utilisant cette source d'énergie. Nous travaillons déjà avec ces clients dans le cadre de programmes de conservation du gaz. Il n'y a rien qui confond un client, qu'il soit un client industriel, commercial ou résidentiel, comme un tel éventail de différents types de programmes de conservation et d'efficacité énergétique. Certains proviennent des services publics d'électricité, d'autres, des services publics de distribution de gaz et d'autres encore, du gouvernement fédéral ou provincial. Nous tentons de simplifier le message et l'exécution de ces programmes pour nos clients.

À la dernière diapo, je voulais parler de ce que je considère comme certains des plus grands défis que devra relever notre industrie et certaines des solutions. Lorsque je parle des défis, loin de moi l'intention de blesser quelqu'un ici dans la salle en invoquant la nature parfois incertaine et contradictoire des politiques gouvernementales.

Lorsque j'examine ce défi et que j'essaie de déterminer comment je concevrais des politiques, ce n'est pas une question simple, car, comme je l'ai dit, je ne vois pas de solution simple ni de solution unique qu'on pourrait appliquer à chaque administration.

L'industrie et le secteur de l'énergie doivent absolument pouvoir compter sur des principes gouvernementaux uniformes sur la direction que nous faisons prendre à notre industrie énergétique pour se renseigner et s'orienter. Nous observons de plus en plus de conflits entre la politique provinciale en Ontario et les intérêts communautaires.

Nous voyons de plus en plus de collectivités — des groupes de propriétaires ou de municipalités — s'opposer à l'établissement de lignes de transport d'énergie, de gazoducs et d'éoliennes ou de centrales solaires dans leur secteur. Je crois que ce seront de plus en plus les collectivités, individuellement, encore une fois, qui finiront par dicter l'évolution de politiques énergétiques et du système énergétique.

L'importance de la cohérence, dans la mesure du possible, des principes des entités fédérales, provinciales et municipales deviendra cruciale, selon moi, pour l'avenir de l'énergie. Le débat sur la réglementation ou l'absence de réglementation se poursuit aussi. Autrement dit, l'industrie énergétique devrait-elle être déréglementée davantage? Devrait-on maintenir le niveau de réglementation actuel ou devrait-on l'accroître?

J'évolue dans les secteurs non réglementés et réglementés de l'énergie depuis plus de 25 ans. Je suis absolument convaincu que les entreprises réglementées jouent un rôle important, pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt, sur le plan des avantages pour le consommateur et la collectivité que sert une industrie réglementée.

Le dernier défi, dont nous avons parlé plus tôt et qu'a mentionné M. Egan, se rapporte aux consommateurs. Le Canada jouit d'une abondance de sources d'énergie. C'est l'un de nos avantages concurrentiels à l'échelle internationale. Mais il arrive parfois que ce facteur joue contre nous.

En raison de son abondance, l'énergie est extrêmement abordable pour le consommateur moyen comparativement à celui de pratiquement tout autre pays dans le monde. C'est aussi un produit extrêmement fiable. Lorsqu'ils allument l'interrupteur ou lorsqu'ils reviennent à la maison le soir, les consommateurs s'attendent à ce que l'appareil de chauffage soit en marche et à ce que les lumières s'allument. C'est certainement une attente. Ce n'est pas courant dans beaucoup d'autres pays dans le monde.

Le consommateur s'attend aussi à ce que l'énergie soit disponible. S'il construit une maison, il s'attend à ce que l'énergie soit disponible pour l'alimenter. C'est une chose que nous tenons pour acquise. Compte tenu de cette abondance, l'énergie ne se situe à la tête ni de nos préoccupations ni de nos intérêts, ou n'a jamais occupé cette place par le passé, et la connaissance qu'a le consommateur de l'industrie énergétique, de la provenance de l'énergie et de ce que cela suppose n'est habituellement pas très grande.

Un aspect important de ce que tous les ordres de gouvernement et tous les services publics doivent faire, c'est informer les consommateurs et collaborer avec eux pour s'assurer qu'ils comprennent ce qui se produit dans l'industrie énergétique et ce que cela suppose pour eux. Au bout du compte, ce sont eux qui refuseront d'accepter ce qu'on leur impose et en seront mécontents, qu'il s'agisse de changements de comportement nécessaires ou, peut-être, d'augmentations des prix.

Lorsqu'on regarde tout ça, on peut se demander quelles mesures il faut prendre. Je placerais ces mesures dans trois grandes catégories. Tout d'abord, la démarche doit être multi-niveaux. J'ai parlé de la coopération entre les services d'électricité et de gaz. La coopération et la nécessité de trouver des intérêts et des principes communs entre les gouvernements et tous les intervenants de l'industrie sont extrêmement importantes.

À l'instar de la démarche multi-niveaux et intégrée, le dialogue est important. Cependant, encore une fois, il n'y a ni de solution simple ni de solution unique. La transformation de notre industrie ne surviendra pas en 5 ou en 10 ans; il s'agit d'un long cheminement — l'industrie gazière a plus de 160 ans. Toutefois, nous devons entreprendre cette transformation. Notre entreprise, notre industrie est enthousiaste à cet égard et souhaite jouer un rôle de premier plan dans cette transformation.

Monsieur le président, voilà mes observations.

Le président : Pour quelqu'un que la perspective de comparaître devant le comité sénatorial rendait nerveux, vous pouvez crier victoire. Vous avez fait un excellent travail. Merci beaucoup.

M. Egan : Puis-je vous ennuyer avec une autre diapositive, sénateur?

Le président : Oui. Je dois mentionner que le temps risque de poser problème en raison de toute cette information intéressante qui nous est présentée.

M. Egan : La page 29 est intitulée « Un cadre énergétique intégré pour le Canada ». Beaucoup de discussions sont en cours; différentes personnes proposent différents projets de politique énergétique pour le pays, différentes stratégies énergétiques pour le pays.

Je vais vous soumettre la proposition suivante : comme je l'ai déjà mentionné, elle a été créée il y a environ deux ans par l'Association canadienne du gaz, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association de pipelines d'énergie et l'Institut des produits pétroliers — les quatre associations de la chaîne de valeur des hydrocarbures.

Nous voulions élaborer un cadre pour la politique énergétique. Nous ne recommandons pas une politique particulière pour le pays. Nous croyons que l'établissement d'une politique particulière risque d'ouvrir un débat partial où l'on essaiera de dicter ce qui doit arriver et à quel endroit. Au chapitre de l'énergie, nous ne croyons pas que le rôle du gouvernement consiste à imposer ses idées. Toutefois, nous estimons que certaines choses peuvent se produire à l'échelon national. Le cadre énergétique en question constitue une tentative de jeter les bases pour ce genre de choses.

Premièrement, en bas du cadre, on a les fondements. Nous estimons qu'il y a lieu de mettre sur pied des politiques explicites en ce qui concerne les objectifs environnementaux, sociaux et économiques qui reflètent les besoins et les intérêts des Canadiens. Sur ces fondements reposent six piliers de l'activité politique où peut intervenir le gouvernement fédéral afin d'assurer la durabilité de la consommation énergétique, par exemple, l'une des choses qu'a mentionnées M. Pleckaitis en ce qui touche les politiques et les programmes visant à élaborer de nouvelles technologies, à améliorer le rendement énergétique, à rehausser les codes et les normes, et cetera.

Deuxièmement, quant à l'engagement à l'égard de l'extraction, de la production et du transport durables des ressources, le gouvernement doit jouer un rôle clé, surtout en ce qui a trait à la réforme de la réglementation. Il y a toute une gamme de dispositions législatives fédérales ayant une incidence sur le développement énergétique, et elles doivent constamment être révisées.

Troisièmement, il faut adopter une démarche durable à l'égard de l'énergie et des changements climatiques. De toute évidence, les préoccupations environnementales sont à l'avant-plan des préoccupations du public, mais ce dernier ne les comprend pas nécessairement très bien, et c'est un dossier sur lequel le gouvernement fédéral doit exprimer une vision claire.

Quatrièmement, il nous faut une « licence sociale » continue pour construire et exploiter. Il est difficile de construire de grosses centrales de production d'énergie dans la société d'aujourd'hui. Les consommateurs doivent prendre un engagement clair, qu'il s'agisse de collectivités locales, de collectivités des Premières nations ou je ne sais quoi. Au bout du compte, si les gens ne sont pas de notre côté, nous ne pouvons pas faire avancer ces projets.

Cinquièmement, il faut continuellement renforcer la capacité et s'assurer que nous avons les ressources humaines nécessaires ainsi que l'information et les données voulues pour mieux comprendre notre système énergétique et veiller à ce que nous ayons des gens pour continuer à travailler à son amélioration.

Enfin, nous devons adopter une approche coopérative de la mobilisation intergouvernementale. Nous croyons qu'il est nécessaire que le gouvernement fédéral, les provinces et nos partenaires commerciaux tiennent une discussion constante au sujet des enjeux touchant l'énergie. Ces piliers de l'activité politique nous aideront à assurer la sécurité, la fiabilité, l'abordabilité, l'innovation et la durabilité.

Je suis président de l'Association canadienne du gaz; n'ayons pas peur des mots : je suis un porte-parole de l'industrie gazière ou « monsieur gaz », comme me surnomment mes filles. Néanmoins, j'admets que notre système énergétique repose sur une diversité de sources d'énergie. La diversité est l'une des forces du Canada. Nous voulons l'exploiter davantage.

Il n'est pas question ici d'accorder au gaz la priorité absolue. Cela serait impossible, et il faut effectivement diversifier l'éventail des sources d'énergie afin de permettre à chacune d'évoluer le mieux possible et de servir les intérêts et de répondre aux besoins des Canadiens.

Le président : Merci à vous deux. Mesdames et messieurs, je vous demanderais de poser des questions brèves et, chers témoins, donnez des réponses concises si vous le pouvez. Il nous reste environ une demi-heure pour les questions, et j'ai six personnes sur ma liste. Le sénateur Mitchell commencera.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs, d'avoir livré un exposé intéressant.

Tout d'abord, j'aimerais parler de la question de l'incertitude sur le plan de la réglementation. De toute évidence, dans une certaine mesure, cette incertitude est liée à l'incertitude sur le plan de la politique et des initiatives touchant les changements climatiques. Dans un tel contexte, votre association ou votre société proposerait-elle d'établir un prix pour les émissions de carbone? Le cas échéant, comment s'y prendrait-elle? Que préféreriez-vous : un système de plafonnement et d'échange, une taxe sur les émissions carboniques, ou rien du tout — simplement laisser les prix monter?

M. Egan : Je n'ai pas sondé mon conseil d'administration sur la question. Nos activités ne sont pas axées sur le débat des émissions carboniques en tant que tel. Il y a tout un débat autour de deux de ces solutions, à savoir la taxe sur les émissions carboniques ou le système de plafonnement et d'échange. Si nous comprenons bien, le gouvernement actuel a retenu une troisième solution, qui consiste à attendre de voir ce que fera notre principal partenaire commercial et, en attendant, à adopter une approche par secteur pour saisir des occasions particulières. Nous croyons que cette démarche est prudente, vu l'importance de notre relation commerciale.

Nous nous consacrons à l'amélioration du rendement par des applications novatrices, des systèmes énergétiques communautaires intégrés et d'autres approches, car nous croyons que, peu importe la décision, le gaz naturel fera partie de la solution parce qu'il est peu polluant, et c'est là une priorité partagée par tous.

Nous croyons que, grâce à un bon cadre stratégique, à un bon cadre financier et à un bon cadre de réglementation, les émissions carboniques finiront probablement par diminuer. Au fil du temps, le rendement de notre système s'améliorera grâce à un certain nombre de facteurs; et ce rendement amélioré s'accompagnera d'une diminution des émissions de carbone. À mon avis, l'objectif de réduire les émissions de carbone n'est pas toujours la meilleure façon d'aborder le problème.

Le sénateur Mitchell : Votre association reconnaît-elle le phénomène des changements climatiques et le fait que c'est un problème urgent auquel nous devons réagir?

M. Egan : Je crois que si vous demandez cela au PDG de l'une ou l'autre des sociétés membres de notre association, il reconnaîtra l'augmentation des émissions de CO2. Ces émissions de CO2 augmentent en raison de l'activité humaine et semblent avoir une incidence sur le climat. La réponse courte est oui.

Je crois que vous observerez une importante divergence d'opinions quant aux conséquences et à l'ampleur de cette incidence et une véritable préoccupation à l'égard du discours excessif qui s'ensuit. Toutefois, je crois que vous constaterez aussi qu'ils s'entendent pour dire que ce phénomène est une importante préoccupation des Canadiens sur laquelle il faut se pencher, ce que nous faisons de plusieurs façons.

M. Pleckaitis a parlé de ces façons, comme l'introduction du gaz naturel renouvelable. Cette source d'énergie contribue beaucoup à la réduction des émissions. L'amélioration du rendement réduit les émissions. L'introduction de systèmes intégrés est une autre solution. Tout le monde a parlé de l'efficacité de l'intégration du gaz et de l'électricité au chapitre de la réduction des émissions. Cette intégration procure aux Canadiens un approvisionnement abordable et durable en énergie.

Le sénateur Mitchell : Dans votre exposé, monsieur Pleckaitis, vous avez déclaré que vous êtes actif dans le domaine des technologies éolienne, solaire et géothermique. À quel point ces technologies sont-elles près d'être concurrentielles? Vos activités sont-elles motivées par le fait que vous croyez que ces technologies seront concurrentielles? Si non, pourquoi?

M. Pleckaitis : La question, tout d'abord, c'est de savoir pourquoi nous sommes intéressés par ces technologies. Pour les raisons que tout le monde ici connaît, l'énergie durable suscite un intérêt accru. Nous sommes actifs dans ces domaines parce que nous comprenons que le monde change et nous ne voulons pas attendre passivement que ce changement survienne. Nous voulons apprendre par la pratique.

Pour tout dire, ces percées et les investissements consentis tiennent au fait qu'il y a des subventions. D'une façon ou d'une autre, les gouvernements — provinciaux, fédéraux et d'État — intègrent des incitatifs à différents mécanismes qui permettent à ces investissements d'avoir lieu. L'idée, c'est que les économies d'échelle réalisées à l'égard de ces technologies en réduiront les coûts. Certes, c'est bien le cas.

La principale question que doit se poser notre société — et je sais que notre conseil d'administration se la pose — consiste à déterminer à quel rythme nous devons nous tourner vers l'énergie verte et investir dans ce secteur. Si nous allons trop vite, par exemple en croyant que la tendance vers l'investissement dans l'énergie durable s'intensifiera et que, soudainement, les gouvernements retirent leurs mesures incitatives — nous avons un secteur en croissance, bâti aux frais des contribuables à tous les échelons. Ensuite, tout à coup, l'industrie fait un pas dans cette direction, et les subventions disparaissent. Si l'industrie n'est pas viable parce que les consommateurs ne veulent pas assumer le plein coût lorsque les subventions disparaissent, qu'adviendra-t-il de l'industrie?

Le rythme de la croissance, l'incidence sur le consommateur et la constance des politiques gouvernementales font tous partie de l'équation. C'est pourquoi notre approche est réfléchie. Toutefois, il s'agit du secteur d'activités d'Enbridge qui connaît la croissance la plus rapide.

Le sénateur Brown : J'apprécie votre exposé. Une autre société gazière qui a témoigné ici avant Noël nous a bien informés à ce sujet aussi.

Vous avez dit qu'une solution ne réglera pas à elle seule le problème de la consommation d'énergie, mais je me demande si vous n'avez pas déjà trouvé la meilleure solution pour l'époque actuelle, à savoir le transport. Je crois que vous en avez parlé trois ou quatre fois.

Je crois que vous nous avez dit que le transport était à l'origine de 30 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. On nous a déjà appris que, comparativement à ce qu'utilise actuellement l'industrie de camionnage, le GNL permettrait d'obtenir une réduction de 50 p. 100 des polluants; je parle de tous les polluants, pas seulement des gaz à effet de serre que nous ne pouvons pas voir, mais aussi des polluants que nous pouvons voir.

Pourquoi ne déployez-vous pas davantage d'efforts pour amener le gouvernement à prendre certaines mesures, comme des incitatifs fiscaux, qui permettraient à l'industrie d'assumer les coûts de renouvellement des moteurs existants dans les camions de transport ou d'installer, sur la chaîne de montage, de nouveaux moteurs destinés à l'alimentation au GNL?

Je crois savoir que convertir un moteur coûte environ 18 000 $ et qu'un moteur au gaz naturel neuf coûte environ 10 000 $. L'industrie du transport est omniprésente au pays. Elle est énorme, et c'est là que nous pouvons avoir la plus grande incidence.

M. Pleckaitis : Je vais demander à M. Egan de parler des incitatifs, et je pourrais aborder la question du point de vue de l'industrie en ce qui touche la transformation du secteur du transport.

M. Egan : Sénateur, nous faisons des pressions pour cet incitatif. Tout d'abord, en ce qui concerne les statistiques, vous avez raison; environ 30 p. 100 des émissions proviennent de véhicules utilitaires lourds et de poids moyen, lesquels, selon moi, constituent environ 3 p. 100 de tous les véhicules sur les routes. On pourrait réduire les émissions de beaucoup en fabriquant plus de véhicules à bon rendement énergétique.

Une proposition est actuellement soumise au ministère des Finances, fruit des efforts de notre association sœur, l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel, et nous appuyons la proposition. On propose un crédit d'impôt sur 50 p. 100 du coût différentiel de ces moteurs. Si le coût d'un moteur diesel est de X $, le crédit d'impôt doit couvrir 50 p. 100 du montant, en plus du coût additionnel du moteur.

Nous croyons que ce crédit d'impôt aura une incidence importante sur les émissions. Nous croyons également que cela créerait une occasion fantastique d'intégrer les véhicules au gaz naturel au marché du transport. Je crois que vous avez peut-être entendu des témoignages d'Encana à l'automne. Il s'agit d'un des plus gros producteurs au pays et d'un important promoteur du gaz naturel pour les véhicules. Cette société mène une campagne dynamique pour l'adoption d'un programme encore plus large; elle est d'avis que nous pouvons introduire les véhicules au gaz naturel de façon plus massive.

Je crois que vous pourrez constater que cet incitatif suscite beaucoup d'intérêt à l'échelle de l'industrie. On milite en sa faveur.

La proposition que nous avons soumise au gouvernement fédéral repose sur une initiative bien ciblée. Je tiens aussi à souligner que nous avons proposé une disposition de réexamen. Nous ne croyons pas que ce crédit d'impôt devrait exister indéfiniment. Il s'agit plutôt de surmonter l'obstacle actuel afin d'introduire les véhicules sur le marché. Une fois que cet obstacle aura été surmonté, le marché deviendra plus concurrentiel, et le gaz naturel pourra s'imposer par ses propres moyens.

Le sénateur Brown : L'autre problème qu'on nous a déjà souligné tient à la distance entre les stations de gaz naturel. Actuellement, il y a une station d'essence à chaque coin de rue. La distance entre les stations de gaz naturel ou de GNL doit correspondre à l'autonomie du véhicule, afin qu'il puisse transporter de la marchandise d'un endroit à l'autre. Vous avez déjà mentionné Montréal, et des endroits comme Calgary et Edmonton, qui se prêteraient idéalement à ce genre de choses.

Soutenez-vous ce dossier avec autant de vigueur que les moteurs?

M. Pleckaitis : Oui, sénateur, nous le faisons. J'ajouterais aussi les Maritimes à votre liste, puisque l'on peut se procurer du gaz naturel liquéfié à Saint John et il y a un volume important de transport longue distance partant de Halifax pour traverser le pays. L'inclusion de Halifax, des Maritimes et du couloir de transport a beaucoup de sens, du reste. Encore une fois, le gaz naturel liquéfié est accessible non seulement à Montréal, mais aussi au Nouveau- Brunswick.

Je vais mentionner que notre société, Enbridge Gas Distribution, compte la plus grande flotte de véhicules au gaz naturel au Canada. Nous faisons valoir l'intérêt du gaz naturel pour notre flotte de véhicules et aussi pour les camions résidentiels. Nous louons des dispositifs de ravitaillement à domicile, de sorte que nos clients puissent faire le plein du gaz naturel à la maison. Nous louons ces dispositifs depuis plus de 25 ans.

Vous devez revenir en arrière et vous demander pourquoi cette tendance ne s'est pas poursuivie. La réalité, c'est que l'industrie, jusqu'à tout récemment, était en déclin. Aujourd'hui, il n'existe pas un seul fabricant qui produit des véhicules alimentés au gaz naturel au Canada. Il y en a en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et aux États-Unis. Nous avons dû importer des véhicules des États-Unis pour les utiliser au Canada. Le Canada s'est retiré de l'industrie et a concentré ses activités sur les grosses voitures et les gros moteurs alimentés à l'essence.

On prend conscience des répercussions environnementales du transport et de la quantité de gaz naturel actuellement disponible en Amérique du Nord et au Canada, et les fabricants commencent à s'en apercevoir. Les fabricants le reconnaissent. Troisièmement, si nous demandons à beaucoup de gens ici présents où sera le secteur du transport dans 20 ans, beaucoup répondront qu'il sera dans l'ère du véhicule électrique. Peut-être bien. Toutefois, à la lumière des renseignements dont j'ai pris connaissance, on est toujours très préoccupé par l'efficacité des véhicules électriques et le fonctionnement de la technologie. Je ne suis pas au courant d'une technologie électrique à l'intention des camions lourds qui doivent parcourir de longues distances. La technologie ne fonctionne pas pour cela.

À mon avis, le gaz naturel a un rôle à jouer dans le secteur des transports, pour les véhicules longue distance et, dans certains cas, les véhicules à poids moyen et léger. À mon avis, au bout du compte, on assistera à une diversification — à la mise à l'épreuve — de différentes technologies. Peut-être que, dans 20 ou 30 ans, une technologie l'emportera sur une autre, mais nous devons établir les mécanismes qui favoriseront l'essor d'une multitude de carburants de transport.

Le président : Ce sujet était intéressant. Nous devons passer à autre chose.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de votre exposé. J'ai longtemps milité en faveur de l'alimentation de la flotte de véhicules canadienne au gaz naturel, alors je suis heureux de connaître vos orientations.

Quant à l'électricité pour les voitures, c'est peut-être une solution mieux adaptée aux grands centres urbains, mais nous devons produire l'électricité. Vous avez mentionné plus tôt la difficulté de trouver des emplacements pour les installations de production et de transmission. C'est vrai; j'ai moi-même éprouvé cette difficulté.

L'une des diapos — la page 23 — illustre la production américaine en billions de pieds cubes. En 2010, vous indiquez que 11 p. 100 ont été importés. En 2035, on prévoit que les États-Unis n'importeront que 1 p. 100 de leur gaz. Ils ont un peu de GNL, mais le GNL provient surtout de l'Ouest canadien et un peu de l'Est canadien, et il est destiné au marché américain.

Je regarde la page 35, les gisements de gaz de schiste qui seront notre plus grande source de gaz. Je connais, par exemple, le bassin de Horn River, situé dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique. L'industrie l'estime à 500 billions de pieds carrés. Si je regarde ces petits points au Canada, je vois beaucoup de gaz de schiste, même comparativement aux États-Unis.

Je vois ces chiffres diminuer pour l'exportation canadienne. Je regarde aussi la diapositive 33, et je constate que, d'ici 2020 — presque le même horizon temporel que dans les autres diapos —, le gaz de schiste jouera un rôle bien modeste au Canada, selon vos prévisions. J'ignore comment vous en arrivez à ces conclusions, car je sais que le gaz de schiste suscite beaucoup d'enthousiasme dans l'industrie. On produit beaucoup de gaz de schiste. Je connais le cas de l'Alberta et de la Colombie-Britannique en particulier.

Il me vient à l'idée que nous devons nous tourner vers les marchés à l'extérieur du Canada pour nous approvisionner en gaz naturel. Enbridge, avec son pipeline qui relie les sables bitumineux à la côte ouest de la Colombie-Britannique, est importante, à mon avis, mais nous avons aussi besoin d'un gazoduc, de sorte que nous puissions exporter du GNL partout dans le monde.

Êtes-vous d'accord, ou avez-vous un quelconque point de vue sur ces questions? Je crains le moment où les États- Unis n'importeront plus que 1 p. 100 d'environ 25 billions de pieds carrés par année. Cette baisse serait un coup terrible pour l'économie canadienne. Plus tôt, lorsque vous avez présenté votre diaporama, vous avez parlé de 30 milliards de dollars en exportations. Pouvez-vous préciser?

M. Pleckaitis : Voilà une excellente observation. Je n'ai pas rapproché les projections canadiennes et les projections américaines. Toutefois, les projections américaines sont aussi influencées par le fait que jusqu'à 10 p. 100 du gaz naturel qui arrive sur le marché américain est du GNL qui provient du large des côtes. Il y a à peine quelques années — certainement pas plus de cinq —, on croyait que le GNL arriverait en Amérique du Nord à partir d'autres pays et que, vu le déclin des réserves conventionnelles — et il y a effectivement eu un déclin dans les réserves conventionnelles —, nous verrions peut-être de plus en plus de gaz naturel de l'étranger exporté en Amérique du Nord sous forme de GNL. La situation est complètement inversée.

Puisqu'il y a tant de gaz en Amérique du Nord et comme tant de réservoirs ont été découverts, les producteurs tentent de déterminer s'ils peuvent liquéfier le gaz naturel sur place pour l'envoyer dans d'autres pays. C'est une option.

Le profil des exportations du Canada vers les États-Unis évolue. Cette transformation repose sur le fait que, jusqu'à maintenant, la plupart des réserves de gaz de schiste ont été découvertes et exploitées aux États-Unis — le Texas a joué un grand rôle dans sa mise en valeur dans les États du Sud. La Colombie-Britannique en est toujours aux premières étapes de la mise en valeur de son potentiel.

La quantité de gaz de schiste qui existe peut-être dans les Maritimes, au Québec et dans d'autres provinces qui ont à peine été explorées jusqu'à ce jour pourrait transformer du tout au tout la carte des gisements. Il faudra encore au moins de 5 à 10 ans pour réellement comprendre où sont situés les gisements de gaz de schiste en Amérique du Nord. La proximité de ces gisements aux marchés déterminera où va ce gaz naturel. Globalement, ce chiffre est à la baisse, parce que le prix du GNL descend, et on s'attend à ce que le gaz américain provienne de plus en plus de gisements de gaz de schiste situés sur le territoire continental des États-Unis.

Le sénateur Neufeld : Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les possibilités que l'on établisse tout un réseau de gazoducs qui s'étend de l'Alaska aux 48 États au Sud sont plutôt faibles, pour utiliser cette analogie?

M. Pleckaitis : Je dirais qu'il y a la question de savoir à quel moment on découvrira ces réserves de gaz.

Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé de l'arrivée du gaz naturel au Nouveau-Brunswick et la difficulté d'en parler aux gens. Je comprends cette difficulté. Je vis à un endroit où l'on s'y est habitué. J'ai travaillé dans ce domaine toute ma vie, alors je suis habitué au gaz naturel. Que fait votre société au Nouveau-Brunswick pour communiquer avec les gens et leur démontrer que le gaz naturel est une source de carburant sûr pour le chauffage, entre autres?

M. Pleckaitis : La division du Nouveau-Brunswick est relativement jeune, et une autre entreprise est exploitée par une autre société en Nouvelle-Écosse. Nous avons 10 000 clients de gaz au Nouveau-Brunswick, qui compte une population d'environ 750 000 âmes. Nous sommes au Nouveau-Brunswick depuis 10 ans. Nous avons consacré énormément de temps à sensibiliser les consommateurs, par tous les moyens, comme la création d'un réseau de distributeurs, le bouche-à-oreille et la mise à l'essai du gaz naturel.

Beaucoup de dirigeants politiques et de gens influents dans la province utilisent le gaz naturel et s'y habituent, alors le message fait son chemin. Le processus est long et intéressant. Lorsque j'ai participé au lancement des activités de distribution du gaz au Nouveau-Brunswick, comme je venais de l'Ontario, je m'attendais à ce que les choses soient semblables. Tout à coup, je me suis retrouvé dans un endroit où il n'y avait pas de gaz naturel et où il n'y avait qu'un monteur d'installations au gaz pour toute la province.

Nous avons établi dans des collèges communautaires des programmes de formation à l'intention de gens qui ne connaissaient jusqu'alors que l'huile, le propane ou le bois. Ils ont suivi une formation pour vendre, installer et réparer des appareils au gaz. On a dû mettre beaucoup de temps pour établir la capacité à paliers multiples nécessaire pour interagir avec les particuliers clients, l'industrie de l'entretien et l'infrastructure de soutien.

Le sénateur Neufeld : Je comprends que vous avez besoin de monteurs d'installations au gaz, mais peut-être que vous pourriez me donner une réponse plus tard sur ce que vous faites pour convaincre le grand public. Nous n'avons pas le temps d'entendre votre réponse maintenant, mais si vous pouviez nous la donner, je vous en serais reconnaissant.

Le sénateur Seidman : Merci, messieurs. Il ne fait aucun doute pour moi que, pour une raison ou une autre, l'importance du gaz naturel échappe à la conscience du public. Vous avez souligné cette réalité. Peut-être que le gaz de schiste et toutes les nouvelles technologies ont permis, dans une certaine mesure, de nous rappeler l'importance du gaz naturel au Canada. Votre exposé de ce matin a été enrichissant. C'était une expérience d'apprentissage fantastique pour nous tous, probablement. Je vous remercie de votre exposé instructif.

Je viens de Montréal et je m'en voudrais de ne pas vous demander votre avis sur le plus récent incident gênant, si je peux me permettre, à la fin de la semaine dernière, au sujet d'une fuite de gaz dans un puits de forage au Sud-Ouest de Québec, à Leclercville. Selon la presse, il semble y avoir dans ce puits — depuis un certain moment déjà — une fuite qui n'a pas été colmatée. On en est venu à découvrir que plusieurs avis faisaient état de problèmes à différents puits au Québec.

Ma question comporte deux volets. Premièrement, pouvez-vous nous parler de cet incident? Je suis d'accord pour dire qu'il importe que nous comprenions bien toutes ces questions et que nous n'entretenions pas la crainte que nous avions peut-être il y a des années, qui reflètent mal les nouvelles technologies et la façon dont nous devrions les envisager.

Deuxièmement, l'un des faits plutôt étonnants que nous avons découverts au sujet du déversement de pétrole dans le golfe du Mexique, lorsque nous avons parlé à différentes sociétés et suivi au quotidien la situation à l'égard de ce déversement, c'est que les entreprises ne semblent pas avoir consacré beaucoup d'argent à la recherche et au développement ayant trait à la gestion des catastrophes. Elles consacrent beaucoup d'argent à la recherche et au développement pour savoir comment aller de plus en plus creux dans les océans pour extraire le pétrole. Le déversement dans le golfe du Mexique est devenu une grande expérience en direct où l'on apprenait, au quotidien, comment colmater le puits.

L'ACG a des initiatives centrales, dont le Canadian Energy Partnership for Environmental Innovation, ou CEPEI, et un programme Appelez avant de creuser, qui donnent à penser que vous vous attaquez à ces dossiers. J'aimerais en savoir davantage au sujet de ces initiatives.

M. Egan : Quant à votre première question au sujet de fuites au Québec, nous ne sommes pas du côté de la production et nous ne sommes pas les extracteurs. Nous pouvons vous recommander des gens qui pourront parler de la question des fuites. Cela dit, j'ai parlé à un haut dirigeant de Talisman Energy Inc. qui m'a décrit la situation comme s'inscrivant dans une série d'incidents isolés. Il a comparé chaque fuite à une bonbonne de barbecue. Il a expliqué que les quantités étaient si loin en dessous de ce qu'on était tenu de déclarer dans la province de l'Alberta qu'il ne savait pas nécessairement quoi en faire. Il a dit reconnaître que cela a donné lieu à un énorme problème sur le plan des communications, car la province de Québec n'a jamais connu d'extraction de gaz de schiste sur son territoire par le passé. Les Québécois regardent la situation et se demandent ce qui se passe.

Oui, l'industrie doit mieux communiquer la réalité. Dans la plupart des cas, les entreprises sont situées sur des territoires où le public a l'expérience de ce genre de choses et les comprend beaucoup mieux. Nous devons nous pencher sur ce dossier et démontrer que le gaz naturel peut être utilisé en toute sécurité, bien représenter les gens du milieu et nous assurer que ses intérêts sont reflétés. Voilà la première chose.

Quant à la sécurité et au CEPEI, ce sont là les priorités. Si vous franchissez le seuil de la porte de l'une des entreprises que je représente, l'une des premières choses que vous verrez, c'est un babillard qui traite de la sécurité. Cela fait partie intégrante de la culture de l'industrie. C'est extraordinaire. Cela m'a frappé lorsque je suis arrivé, en septembre.

Comme l'a dit M. Pleckaitis, dès qu'il y a un quelconque incident, l'industrie dans son ensemble prend des mesures et détermine ce qu'elle doit faire pour éviter qu'une telle chose se produise dans l'avenir. Elle investit beaucoup dans la gestion de la sécurité et de l'intégrité. Nous essayons de nous assurer que tout le monde est conscient de l'importance de cette priorité et du fait que nous nous améliorons sans cesse sur le plan de la sécurité. Nous nous améliorons, mais le défi sur le plan des communications consiste à nous assurer que le public fait confiance à la ressource. Nous tentons de surmonter ce défi grâce à ces initiatives.

M. Pleckaitis : Je vais me faire l'écho de M. Egan. Premièrement, je tiens à rappeler au sénateur que l'histoire du gaz naturel remonte loin. Beaucoup des choses dont nous parlons, par exemple, le déversement dans golfe du Mexique, sont le produit de nouvelles technologies. Le pétrole était extrait à des profondeurs jamais vues auparavant, et il y a eu des conséquences inattendues. Elles se sont fait beaucoup sentir dans notre secteur d'activités, car nous nous intéressons au transport du pétrole et du gaz. San Bruno, en Californie, est un autre exemple.

Lorsque ce genre d'incident se produit, surtout à un endroit où on ne s'y attendait pas, Enbridge — dans notre cas — regarde alors tout ce qu'elle fait et se demande : « Que tenons-nous pour acquis? Quels accidents pourraient se produire, lorsque nous faisons notre analyse des risques? »

Nos conseils d'administration nous posent de telles questions plus souvent à cause de responsabilités en jeu. Nous consacrons une partie beaucoup plus grande de nos efforts sur la prévision des événements inattendus et à la façon de réagir. Encore une fois, de tels exemples nous amènent à examiner ces choses beaucoup plus attentivement et en détail.

Le sénateur Seidman : Je comprends cela. Ma question se rattache à ce que vous a demandé le sénateur Neufeld concernant ce que vous faites pour convaincre les Canadiens de l'importance d'aller de l'avant avec le gaz naturel. Nous attendrons votre réponse à cette question importante. Merci.

Le sénateur Lang : Le sénateur Seidman a parlé de l'ampleur de l'engagement des différentes sociétés et organisations à l'égard de la technologie et de la recherche et développement, surtout dans la foulée des évènements dans le golfe du Mexique. Il est devenu clair que l'argent était investi dans le but d'extraire le plus rapidement possible, et non pas de gérer un éventuel incident le plus vite possible.

Monsieur Egan, en votre qualité de porte-parole pour toutes les sociétés et les organisations, lorsque vous avez parlé de la mise en commun de ressources pour la recherche et le développement et la technologie et l'innovation, à quel genre de montant annuel pensiez-vous? Quel type d'entente avez-vous avec les établissements d'enseignement postsecondaire qui travaillent avec les différentes administrations ou avec le gouvernement du Canada?

J'espère que vous n'entreprenez pas cette initiative indépendamment des autres gouvernements et de pareilles entités et que nous ne refaisons pas la même chose ou ne tentons pas de réinventer la roue à mesure. Peut-être pourriez-vous en parler?

M. Egan : L'initiative a en fait pour objet de nous empêcher de réinventer la roue. L'initiative ne vient pas du gouvernement, elle vient de l'industrie. Je ne peux pas parler des ressources qu'ont affectées les gouvernements à ce dossier, mais je peux vous dire que cette initiative, que nous avons lancée il y a à peine quelques mois, consiste actuellement à tenir des conversations avec les gouvernements afin de déterminer le genre d'investissements consacrés à la technologie et à l'innovation dans le domaine du gaz naturel en ce moment.

Quant aux montants actuellement en jeu, initialement, c'est probablement de l'ordre de quelques millions de dollars à l'échelle du pays. Encore une fois, nous avons lancé cette initiative il y a quelques mois et, idéalement, à long terme, nous allons recueillir une somme d'argent importante, plusieurs dizaines de millions de dollars, pour la technologie et l'innovation.

Nous essayons d'aborder l'initiative de façon ciblée afin de définir les priorités à l'échelle du pays. J'en ai mentionné deux : les chauffe-eau et la microcogénération. Nous sommes actuellement en train de dresser une liste des priorités. Nous voulons déterminer qui fait quoi dans ces domaines et ce que nous pouvons faire ensemble. Dans certains cas, il y a des préoccupations en matière de propriété intellectuelle, mais nous trouvons des possibilités d'améliorer notre efficacité au moment d'envisager ensemble des possibilités de mise en œuvre et de commercialisation qui peuvent donner une impulsion à certaines de ces initiatives.

Le sénateur Lang : Juste pour préciser, l'initiative est seulement le début de ce type particulier de mise en commun des ressources et constitue un pas dans cette direction, n'est-ce pas?

M. Egan : C'est exact.

Le sénateur Lang : Tout le monde serait heureux de savoir que vous prenez cette initiative.

Mon autre préoccupation que je tenais à aborder, à la suite du sénateur Neufeld et du sénateur Seidman, tient aux relations publiques. Sincèrement, on peut reprocher à l'industrie, dans une certaine mesure, de ne pas avoir bien expliqué la situation et informé le public. L'industrie supposait que le public savait.

M. Egan : L'industrie fait actuellement face à un problème sur le plan des communications. À mon avis, et M. Pleckaitis a fait allusion à cette difficulté, il y a deux ans et demi, nous parlions tous de l'importance du gaz naturel pour compenser le déclin de l'offre. Tout à coup, des percées technologiques remarquables ont rendu l'offre abondante. Les gens ont commencé à s'intéresser au gaz naturel comme ils ne l'avaient jamais fait avant.

Pour être franc avec vous, cet intérêt nous a un peu pris au dépourvu. Nous essayons de réagir. Les efforts sur le plan de la communication s'améliorent, un endroit à la fois, mais nous avons toujours beaucoup de travail à faire. Mon prédécesseur m'a dit, lorsque j'ai pris le poste, qu'il essayait depuis des années de dire aux gens que le gaz naturel fait partie de la gamme des sources d'énergie et que personne n'écoutait. Soudainement, tout le monde s'intéresse au gaz naturel. Nous n'avons pas peaufiné notre réponse à cela aussi bien que nous aurions dû, mais nous nous efforçons actuellement de le faire. J'entends ce que vous dites.

Le sénateur Lang : Je vais passer à la question des systèmes de réglementation environnementale établis partout au pays et au gouvernement fédéral. Votre organisation a-t-elle présenté une déclaration de principe sur les changements constructifs que l'on pourrait apporter à l'actuel système fédéral pour en améliorer la convivialité et, en même temps, honorer nos responsabilités environnementales?

M. Egan : Mon association représente le côté de la distribution. C'est nous qui avons le moins de contact direct avec le gouvernement fédéral dans l'industrie. Cela dit, mes collègues du secteur intermédiaire et du secteur amont, avec qui nous collaborons étroitement dans le cadre de cette initiative, ont fait beaucoup plus de travail à cet égard.

Je vais leur transmettre la question, et je suis certain qu'ils peuvent vous communiquer les détails. Ils parlent d'une série de lois fédérales où s'impose une réforme réglementaire : la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril, la Loi concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur la protection des eaux navigables. On travaille sur toutes ces lois, et je vais transmettre votre question.

Le sénateur Frum : Je viens de l'Ontario et je vis dans une ville où on pourrait presque qualifier la collecte des déchets de fasciste. Nous devons trier les déchets dans toutes sortes de catégories.

Je suis aussi intriguée par le concept du potentiel de gazéification des déchets. À la lumière de votre dernier commentaire au sujet de l'abondance du gaz naturel, je me demande pourquoi le potentiel de gazéification des déchets n'a pas fait l'objet de plus d'investissements et d'intérêt. Vous avez mentionné à quelques reprises qu'il s'agissait d'une excellente source potentielle.

Le manque d'investissement est-il causé par le coût de l'extraction, qui est si minime qu'il n'y a tout simplement aucune raison d'investir dans ces processus de gazéification ou — dans la même logique que la réponse que vous avez donnée au sénateur Mitchell — est-ce parce que les gouvernements provinciaux ont orienté tous les incitatifs vers l'énergie éolienne et solaire? Estimez-vous que les incitatifs provinciaux en place en Ontario pour l'énergie éolienne et l'énergie solaire ciblent les bons éléments de l'énergie renouvelable?

M. Pleckaitis : Votre première question était de savoir pourquoi les questions du gaz naturel renouvelable ou de la récupération du gaz viennent tout juste d'être mises à l'avant-plan. Je crois que tout cela s'inscrit dans le nouvel intérêt que l'on prête aux gaz à effet de serre et à l'efficience et à la conservation énergétiques.

L'Europe pratique beaucoup la récupération du gaz à partir des déchets. Lorsque nous nous sommes demandé comment nous pouvions améliorer et nettoyer le flux gazeux, nous avons déterminé que la récupération est une façon de le faire. Lorsque nous avons vu les rapports européens et ce qu'on faisait là-bas, nous avons commencé à examiner la technologie en place en Europe.

Nous avons commencé à travailler avec des entreprises qui produisent et entreposent ces déchets et tentent d'introduire les technologies. Nous sommes toujours aux premières étapes de l'établissement même des normes qui nous permettront d'injecter ce gaz dans les réseaux de distribution. Il s'agit d'un processus d'apprentissage qui repose sur la sensibilisation et la préoccupation accrues à l'égard de l'environnement.

Quel était l'objet du deuxième volet de votre question?

Le sénateur Frum : Les incitatifs.

M. Pleckaitis : Oui, l'énergie éolienne et solaire : j'ai félicité le ministre qui a joué un rôle crucial dans la création de la Loi sur l'énergie verte en Ontario, car il ne fait aucun doute que cet instrument a donné lieu à des retombées. Les incitatifs découlant des tarifs de rachat garantis pour l'énergie éolienne et solaire ont sans aucun doute stimulé la création du marché. De nouvelles entreprises voient le jour et établissent des centrales solaires et éoliennes, entre autres. Nous assistons maintenant à la réaction des consommateurs face à ces sources d'énergie et à leur reconnaissance des coûts qu'elles supposent.

Encore une fois, ceci n'est pas une critique. Je parle de l'équilibre. La loi et les incitatifs ont été créés afin de stimuler les entreprises de ce secteur, et cela a fonctionné. La question est alors la suivante : demeureront-elles viables si l'argent leur est retiré? Le gouvernement parle déjà de réduire le montant des subventions.

Je crois qu'il faut chercher l'équilibre. Nous devons stimuler l'investissement et être en mesure d'investir. Les gouvernements jouent un rôle clé dans la quête de cet équilibre. La question est de savoir comment s'y prendre et comment le faire de façon à assurer la durabilité.

Le sénateur Frum : J'approuve l'essentiel du raisonnement du sénateur Brown. Vous avez mentionné qu'il est bon de diversifier les sources d'énergie, mais, lorsque la principale motivation de l'investissement d'un gouvernement est la durabilité, nous devons peut-être circonscrire nos activités et dire que nous allons investir dans les moteurs de véhicules de transport ou la gazéification des déchets. Peut-être que le fait d'investir un peu partout n'est pas la façon de faire la plus efficace.

M. Egan : Je dirais que ces questions relèvent de choix stratégiques que doit faire le gouvernement, qui doit envisager tout un éventail de priorités. Nous croyons que le transport est un enjeu bien important pour tous les Canadiens. Pour revenir aux commentaires du sénateur Brown, trois grands couloirs de transport importent : Edmonton-Calgary-Vancouver, le couloir Windsor-Québec, puis un couloir des Maritimes. Ensemble, ces passages touchent probablement de 80 à 85 p. 100 de la population du pays. Le secteur du transport semble s'imposer comme priorité pour bien des raisons. À une époque où les ressources sont limitées, il faut faire des choix, et nous croyons que c'est l'option qui s'impose.

Le président : Merci. Chers collègues, nous sommes arrivés au terme de notre discussion avec l'Association canadienne du gaz. La séance a été instructive. J'espère, messieurs, que vous avez senti l'engagement du comité. Nous sommes intéressés par ce que vous aviez à nous dire, et j'espère que nous pourrons vous poser d'autres questions dans l'avenir.

D'une certaine façon, vous nous avez préparés pour notre visite au Québec, lundi et mardi prochains. J'espère que vous nous regarderez. Si nous nous écartons, je suis certain que vous nous aiderez à revenir à l'essentiel. Monsieur Egan et monsieur Pleckaitis, merci d'être venus.

Nous allons conclure cette partie de la séance et poursuivre brièvement à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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