Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 20 - Témoignages du 2 mars 2011 (séance de l'après-midi)
CHARLOTTETOWN, le mercredi 2 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 13 h 11, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Nous poursuivons les audiences publiques du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles dans le cadre de notre étude détaillée du secteur de l'énergie. Nous menons actuellement une série d'audiences de recherche des faits en vue d'élaborer une approche stratégique pour le Canada dans un monde complexe en évolution constante, caractérisé par une explosion démographique et une industrialisation accrue de pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil, et où les besoins en énergie augmentent littéralement avec chaque seconde qui passe. De toute évidence, nous devons repenser notre système.
Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi M. Andrew Noseworthy, qui est le conseiller spécial en matière d'énergie pour l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, que nous connaissons sous le nom d'APECA.
Andrew F. Noseworthy, conseiller spécial au président (énergie), Programmes et politiques, Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) : J'ai préparé des notes d'allocution qui, je crois, vous ont été distribuées. Je propose de les passer en revue, mais n'hésitez pas à m'interrompre si vous avez des questions ou des observations; je serai heureux d'y répondre.
Je me réjouis d'être ici aujourd'hui pour vous parler particulièrement du rôle que joue l'APECA dans le secteur de l'énergie. Durant ma déclaration, j'espère que j'arriverai à vous faire mieux comprendre les perspectives que cet important secteur présente pour la région. Je veux également prendre quelques instants pour vous donner un aperçu des activités que mène l'APECA dans le secteur de l'énergie.
Je sais que vous avez déjà entendu le témoignage de divers ministères fédéraux qui sont, à nos yeux, des ministères à vocation analogue et avec lesquels nous entretenons une relation étroite, notamment Ressources naturelles Canada. Je crois qu'il est essentiel de tenir ce genre de dialogue et de comprendre le rôle de ces ministères parce qu'on a ainsi une bonne idée de ce que l'APECA ne fait pas. Même si nous considérons le secteur de l'énergie comme un important catalyseur de la croissance économique, la réalité est que l'APECA n'a pas de responsabilité réglementaire directe dans ce secteur et n'est pas le principal responsable de l'élaboration des politiques fédérales sur les questions énergétiques, pas même dans la région.
Divers ministères et organismes fédéraux jouent un rôle assez actif dans le secteur de l'énergie du Canada atlantique : RNCan, bien entendu, est le ministère fédéral chargé de la politique et de la réglementation en matière d'énergie; du côté du développement économique, parallèlement à nos efforts, Industrie Canada joue un rôle important en orientant la politique industrielle nationale, tandis que Commerce international Canada surveille le commerce international et les activités commerciales liées à ce secteur; Environnement Canada, pour sa part, se concentre sur les aspects environnementaux du développement et de la production énergétiques, en plus d'assumer des rôles stratégiques et réglementaires dans ce domaine. Outre ces ministères de premier plan, d'autres intervenants jouent aussi un rôle, notamment le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le ministère des Pêches et des Océans, le ministère des Transports et l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, ou l'ACEE.
Contrairement à ces ministères et organismes, l'APECA n'a aucune responsabilité législative ou réglementaire dans le domaine de l'énergie. Le mandat législatif de l'APEC consiste à appuyer le développement économique régional et, plus particulièrement, la croissance des revenus gagnés et des perspectives d'emploi au Canada atlantique.
Compte tenu des responsabilités directes limitées de l'APECA dans ce secteur, certains d'entre vous se demandent sûrement pourquoi elle y attache tant d'importance. Je crois qu'il est possible de trouver la réponse à cette question...
Le président : Monsieur Noseworthy, vous êtes en train de nous présenter ces organismes, et c'est un bon point de départ. Mais pourriez-vous d'abord nous parler un peu de vous ou peut-être de votre parcours?
M. Noseworthy : Volontiers.
Comme vous l'avez mentionné, je suis conseiller spécial au président de l'APECA en ce qui concerne le secteur de l'énergie. Je travaille pour le gouvernement du Canada depuis près de sept ans. Auparavant, j'étais fonctionnaire pendant près de 18 ans auprès du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, notamment comme secrétaire associé au cabinet et sous-ministre des Affaires intergouvernementales. Entre-temps, j'ai également occupé le poste de directeur général de la Commission Romanow sur l'avenir des soins de santé.
C'est peut-être le bon moment de vous dire aussi que je ne suis pas vraiment un expert dans le domaine de l'énergie. Je tenterai de répondre à vos questions de mon mieux, mais je ne suis pas un expert proprement dit.
Le président : Voilà des renseignements utiles. Vous êtes originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, n'est-ce pas?
M. Noseworthy : En effet. Bien entendu, j'ai des employés et des responsabilités dans l'ensemble de la région. J'y reviendrai tout à l'heure, mais l'APECA est dotée d'une équipe chargée des questions d'énergie et elle entretient une relation très étroite avec le ministère des Ressources naturelles Canada. Nous avons créé l'Office de l'énergie de l'Atlantique, un organisme assez innovateur, selon moi, qui pourrait intéresser le comité.
Revenons à la question de savoir pourquoi nous attachons tant d'importance au secteur de l'énergie. Je renvoie le comité au témoignage accordé l'année dernière par Elizabeth Beale du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, ou le CEPA. Lorsqu'elle a pris la parole devant vous, Mme Beale a souligné le rôle déterminant que l'énergie joue dans la croissance économique du Canada. Un des points les plus frappants de son témoignage était le fait qu'au cours des 10 dernières années, l'investissement annuel dans le secteur de l'énergie au Canada atlantique a représenté entre 55 et 65 p. 100 du total des investissements dans la région. Elle a réaffirmé la perspective présentée dans certaines des récentes publications du CEPA, notamment son Atlantic Report, publié l'année dernière. Dans le rapport, on affirme que le secteur de l'énergie s'est tellement développé qu'il est dorénavant le groupe d'industries le plus important au Canada atlantique.
Aujourd'hui, le secteur représente environ 12 p. 100 du produit intérieur brut du Canada atlantique. Je ne suis pas sûr si ce chiffre représente bien la réalité parce qu'en fait, le secteur de l'énergie a des incidences plus marquées dans certaines régions, comme Terre-Neuve-et-Labrador, où il constitue environ le tiers du PIB provincial. À l'échelon régional, le secteur est à l'origine d'environ 18 000 emplois. Les produits énergétiques représentent presque les deux tiers des exportations de marchandises de la région, et ceux fabriqués au Canada atlantique représentent environ 58 p. 100 des exportations régionales, totalisant une valeur approximative de 16,7 milliards de dollars.
Le secteur pétrolier a le potentiel de devenir une force économique encore plus importante dans le futur. D'ailleurs, il en est de même pour le secteur de l'énergie renouvelable.
Les chiffres que je vous ai mentionnés — et dont je dois la plupart à Elizabeth — montrent que le Canada atlantique est déjà une force considérable dans le secteur de l'énergie, et nous avons établi une base solide axée sur quatre facteurs importants. Le premier, c'est notre base de ressources. En ce qui a trait aux ressources pétrolières, le secteur de la haute mer du Canada atlantique est un élément solide et en plein essor. À preuve, de nos jours, Terre-Neuve-et-Labrador est le plus grand producteur de pétrole brut léger classique au Canada, et l'exploitation grandissante des ressources en haute mer de cette province est très prometteuse. De plus, il y a beaucoup de potentiel de production de gaz naturel et de pétrole dans les régions extracôtières traditionnelles de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, ainsi que dans les nouvelles frontières comme le Labrador et le bassin des Maritimes. En fait, pour ce qui est du bassin des Maritimes, qui comprend les eaux entourant l'Île-du-Prince-Édouard, la Commission géologique du Canada a suggéré que son potentiel pourrait égaler celui du delta de Beaufort-Mackenzie et produire 39 billions de pieds cubes de gaz naturel. Qui plus est, comme le comité l'a peut-être déjà entendu, la région présente un potentiel pour le gaz de schiste. Voilà donc où nous en sommes uniquement dans le secteur pétrolier et gazier.
Cette région est aussi une véritable centrale d'énergie propre et renouvelable, comme le montre le développement éventuel du cours inférieur du fleuve Churchill — un projet dont vous avez déjà entendu parler et dont vous entendrez sûrement parler davantage demain, à Terre-Neuve-et-Labrador. En fait, certaines personnes considèrent cette région comme le dernier potentiel hydroélectrique encore sous-développé en Amérique du Nord.
En outre, le Canada atlantique est doté d'un des meilleurs profils d'énergie éolienne en Amérique du Nord, comme plusieurs témoins vous l'ont dit aujourd'hui, et c'est particulièrement vrai ici, à l'Île-du-Prince-Édouard.
Outre l'énergie éolienne et l'hydroélectricité, la baie de Fundy est considérée comme l'un des meilleurs sites producteurs d'énergie marémotrice en Amérique du Nord. Des entreprises de renommée internationale déploient actuellement des turbines commerciales sur son plancher océanique. En effet, un rapport préparé l'année dernière par RNCan estime que le potentiel générateur de la baie de Fundy à elle seule pourrait être de 3 000 mégawatts en énergie marémotrice. Et c'est juste dans la baie. Notre région présente aussi un grand potentiel pour d'autres formes d'énergie marine et d'énergie des vagues. Les déchets ligneux, la production de biocombustibles à partir de sources comme les algues ainsi que les nouveaux développements dans les domaines de l'hydrogène et de l'énergie solaire présentent également un potentiel énergétique important. Comme je l'ai dit, nos ressources constituent le premier fondement de l'activité économique ici dans le secteur de l'énergie.
Le deuxième, c'est notre capacité actuelle en ce qui concerne des projets internationaux de grande envergure dans le domaine. D'importants projets comme Sable, Hibernia, Terra Nova, Whiterose et Deep Panuke sont de calibre international et démontrent notre capacité de nous engager dans des projets marins à grande échelle. Outre la mer, le Canada atlantique est l'hôte de la plus grande raffinerie de pétrole au pays et du premier terminal de GNL à Saint John, au Nouveau-Brunswick, où vous étiez hier. Bien entendu, c'est sans oublier l'énorme projet hydroélectrique du cours supérieur du fleuve Churchill.
La présence de ces projets d'envergure m'amène au troisième fondement de la croissance des industries énergétiques de l'Atlantique : notre capacité industrielle de base et le savoir-faire qui existe ici grâce à ces projets et à notre main- d'œuvre qualifiée.
Bien entendu, le quatrième et dernier fondement, c'est notre potentiel grandissant pour le savoir-faire en recherche.
Comme le comité le sait probablement, il y a quelques années, Angus Bruneau, qui vient de Terre-Neuve-et- Labrador, a présidé un groupe consultatif national sur l'énergie scientifique et technologique. Lorsqu'il a produit son rapport, il a dit : « Si le Canada ne met pas davantage l'accent sur l'innovation énergétique, il devra de plus en plus se tourner vers des technologies mises au point à l'étranger pour avoir accès à ses propres ressources. » Bien qu'il s'agisse d'une affirmation qui touche le pays dans son ensemble, je crois qu'elle est d'autant plus vraie ici au Canada atlantique. Pour libérer le véritable potentiel de nos ressources, il a souvent été nécessaire de trouver de nouvelles solutions novatrices, par exemple pour l'exploration du pétrole et du gaz dans des milieux difficiles, ou de réaliser des avancées technologiques essentielles à la maximisation du potentiel des ressources énergétiques renouvelables comme le vent et l'énergie marémotrice.
Étant donné les défis liés à ces ressources et à leur exploitation durable en bonne et due forme, les entreprises et les établissements d'enseignement de notre région ont acquis une expérience pionnière dans des domaines comme la gestion de la glace et l'énergie éolienne. La capacité que nous avons acquise pour surmonter les défis auxquels nous sommes confrontés dans notre région est non seulement importante afin de maximiser le potentiel de développement responsable et durable, mais elle donne également à nos entreprises l'occasion d'appliquer leurs idées novatrices et leur expertise ailleurs dans le monde, par exemple au Groenland et dans l'Arctique.
Ainsi, grâce à ses sources abondantes d'énergie, à ses chercheurs et installations de niveau international, à ses excellentes infrastructures commerciales et de transport, à ses faibles coûts d'exploitation et à son bassin de travailleurs instruits, le Canada atlantique est un chef de file mondial en matière de production énergétique, d'exportation et de recherche. Cette capacité a fait de lui un joueur important au sein de l'industrie énergétique nord-américaine à titre de fournisseur sécuritaire et fiable de pétrole, de gaz naturel et d'électricité. Nous avons la possibilité de jouer un rôle encore plus grand à l'avenir. Tout cela explique pourquoi l'APECA attache tant d'importance à l'énergie.
Permettez-moi de vous présenter notre mandat en tant qu'organisme et de vous expliquer brièvement ce que nous faisons, plus précisément dans le secteur de l'énergie.
Créé en 1987, l'APECA est un organisme fédéral qui collabore avec les Canadiens de l'Atlantique en vue d'instaurer dans la région une économie novatrice, productive et compétitive. Elle a le mandat de diriger et de coordonner les activités fédérales de développement économique dans les quatre provinces de l'Atlantique. La responsabilité de travailler de concert avec les partenaires et intervenants régionaux dans le but de favoriser la croissance et les perspectives économiques, de même que de chercher à atténuer les défis économiques auxquels est confrontée notre partie du pays s'inscrit aussi au cœur du rôle de l'APECA. Nos programmes mettent l'accent sur l'appui accordé au secteur privé pour la création et le renforcement des possibilités économiques ainsi que pour l'encouragement à l'innovation.
Essentiellement, les activités de l'APECA visent surtout trois secteurs : le développement des entreprises, le développement communautaire ainsi que la politique, la représentation et la coordination. Par le truchement de programmes comme le Programme de développement des entreprises, ou le PDE, nous aidons à mettre sur pied de nouvelles entreprises ou encore à agrandir celles déjà en place pour qu'elles deviennent plus concurrentielles grâce à l'innovation, au développement des débouchés commerciaux ainsi qu'à l'accroissement de la productivité et à l'amélioration des compétences.
L'APECA s'implique dans le secteur de l'énergie depuis ses débuts. À l'origine, nos activités visaient en fait à aider les petites et moyennes entreprises, principalement à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, à profiter du secteur pétrolier et gazier croissant au large des côtes au début des projets Hibernia et Sable. Des programmes comme le PDE nous ont permis, au fil des ans, de fournir de l'aide aux entreprises pour l'élaboration de plans d'affaires, le marketing et l'obtention d'une aide modeste à des fins d'expansion.
Ce travail se poursuit, tout comme notre collaboration avec les offices des hydrocarbures extracôtiers et les gouvernements provinciaux afin d'obtenir des avantages pour les entreprises responsables des principaux projets. Nous collaborons aussi étroitement avec les associations de l'industrie en vue de renforcer la capacité, l'investissement et les débouchés commerciaux.
Au-delà de cet ensemble traditionnel d'activités, nos efforts déployés dans ce secteur au cours de la dernière décennie sont complétés par d'autres activités, principalement l'établissement du Fonds d'innovation de l'Atlantique, ou le FIA, qui appuie l'innovation et la commercialisation de la recherche et du développement dans divers secteurs, dont celui de l'énergie. En effet, le secteur de l'énergie a été l'un des plus actifs dans le cadre du FIA et, jusqu'à maintenant, nous avons investi plus de 90 millions de dollars, soit environ un sixième des fonds versés jusqu'à ce jour, sur des projets de recherche et de développement dans notre région.
En plus de l'appui direct aux projets du secteur de l'énergie par le truchement du PDE et du FIA, l'APECA a aussi agi à titre de partenaire actif de l'industrie et des gouvernements provinciaux en cherchant à promouvoir de nouveaux investissements dans le secteur de l'énergie de la région. Nous avons aussi mis l'accent sur la construction d'une forte capacité internationale d'approvisionnement afin de répondre à la demande des projets énergétiques majeurs non seulement au Canada atlantique, mais aussi dans le monde entier. À titre d'exemple, nous avons collaboré avec des gouvernements provinciaux et des associations de l'industrie afin de développer davantage les débouchés et les marchés internationaux pour les entreprises locales d'approvisionnement dans des pays comme le Brésil, le Groenland et le Royaume-Uni, au moyen d'activités telles que des missions commerciales. Ces missions sont conçues pour faire valoir les capacités de nos entreprises et les aider à s'associer à des acheteurs et distributeurs potentiels à l'étranger.
Mis à part cette activité, l'APECA joue un rôle en quelque sorte unique en son genre : celui de défenseur au nom de la région et de ses industries au sein du système fédéral et dans le cadre de l'élaboration des politiques fédérales. Ce rôle de défenseur s'inscrit dans notre mandat législatif et il est d'une importance cruciale dans un secteur aussi dispersé sur le plan géographique et aussi complexe du point de vue technique que celui de l'énergie.
À ce titre, nous défendons le développement responsable du secteur de l'énergie de la région et, comme je l'ai dit, nous collaborons étroitement avec non seulement d'autres ministères fédéraux, mais aussi avec les provinces et l'industrie, pour relever les défis et profiter des occasions qui se présentent dans la région.
Dans ce contexte, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de deux initiatives précises, susceptibles d'intéresser le comité. J'ai déjà mentionné brièvement l'Office de l'énergie de l'Atlantique. Je vais d'abord parler de cet organisme, puis peut-être vous dire quelques mots sur la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique, que vous brûlez d'envie de connaître, j'en suis sûr.
L'Office de l'énergie de l'Atlantique, ou l'OEA, a été annoncé par l'ancien ministre de Ressources naturelles Canada, Gary Lunn, à St. John's en juin 2008, comme un mécanisme permettant au gouvernement du Canada de coordonner et de gérer ses activités liées à l'énergie dans la région de l'Atlantique. Au moment de faire cette annonce, le ministre Lunn a fait remarquer que l'OEA devait être un partenariat entre l'APECA et le ministère qui viserait à intégrer le mandat de RNCan en matière de ressources et de politiques liées à l'énergie avec le mandat de l'APECA pour le développement économique. À la suite de l'annonce, le personnel de l'APECA et celui de RNCan ont tenu de longues consultations auprès de l'industrie et des gouvernements provinciaux au sujet de la structure et du rôle potentiel de l'OEA. La conclusion tirée à la suite de ces consultations était un consensus voulant que l'OEA se concentre sur les questions de développement stratégique de l'industrie.
Doté d'une petite équipe répartie dans l'ensemble de la région, l'OEA a un bureau principal à St. John's, à Terre- Neuve-et-Labrador. Son mandat couvre tant le secteur pétrolier traditionnel que celui de l'énergie propre et renouvelable. Nous avons fait en sorte que l'ouverture de ce bureau ne vienne pas embrouiller les responsabilités officielles de l'APECA et de RNCan, ou encore ajouter un niveau de bureaucratie supplémentaire pour ce qui est de la gestion des enjeux énergétiques dans notre région.
Dans ce contexte, l'OEA regroupe des employés de deux ministères fédéraux, créant de nouvelles synergies entre les deux et leur permettant de travailler ensemble à la réalisation des objectifs communs d'un plan de travail, tout en continuant de donner suite à leurs mandats législatifs et statutaires respectifs au Canada atlantique.
Comme je l'ai dit, l'OEA n'a pas de rôle à jouer dans la réglementation du secteur. Selon nous, son rôle consiste à aider les clients à se familiariser avec les programmes et les services fédéraux — il ne prend pas part à la gestion directe des programmes fédéraux. Toutefois, l'OEA joue un rôle dans des domaines tels que les mesures destinées à attirer des investissements et il cherche à mieux coordonner les activités de l'APECA et de RNCan en ce qui concerne l'expansion du commerce, l'appui à la recherche et au développement et l'analyse des politiques.
Premièrement, selon nous, le rôle de l'OEA consiste à favoriser la collaboration et le dialogue sur des questions clés ayant trait au développement de l'industrie, qu'il s'agisse de collaboration au sein du gouvernement fédéral, avec les provinces ou avec les représentants de l'industrie et du monde universitaire; deuxièmement, l'OEA cherche à améliorer les communications, la sensibilisation et le cheminement de l'information sur les questions liées à l'industrie énergétique du Canada atlantique au sein du gouvernement fédéral; et troisièmement, l'OEA vise à appuyer et à favoriser les efforts déployés pour surmonter les obstacles au développement de l'industrie et, plus particulièrement en menant, en encourageant et en incitant l'analyse et la mise en œuvre de nouvelles politiques sur des questions clés ayant trait au développement de l'industrie.
Je suis heureux de dire que le bureau existe maintenant depuis environ un an et qu'il fonctionne avec beaucoup d'efficacité. Je crois que l'OEA a créé un point de départ pour l'industrie en ce qui a trait à l'accès au gouvernement fédéral et qu'il a amélioré la coordination sur le terrain du travail effectué dans ce secteur entre l'APECA et RNCan.
Pour ce qui est de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique, vous savez probablement qu'elle a été annoncée en mars 2009, à la suite d'un investissement du gouvernement du Canada pouvant atteindre 4 millions de dollars. Au moment d'annoncer cette porte d'entrée, les ministres ont déclaré que son objectif était de faciliter le développement du secteur de l'énergie renouvelable de la région de l'Atlantique en favorisant la collaboration, la compréhension commune et la communication entre les gouvernements et le secteur privé, afin de maximiser et d'accélérer le développement des ressources énergétiques renouvelables dans la région.
Dans ce contexte, la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique met l'accent, d'abord, sur l'échange de renseignements ayant trait au développement des sources d'énergie propre du Canada atlantique et, ensuite, sur la réalisation de nouvelles analyses, au besoin, pour accroître la compréhension que l'on a de ces ressources, des défis et des occasions qui existent relativement à leur développement. Ainsi, cette initiative est un réel exercice de collaboration et elle est gérée du côté fédéral par l'APECA et RNCan. Elle a comme objectif de bâtir des partenariats et d'atteindre un consensus parmi les intervenants, notamment les quatre gouvernements provinciaux du Canada atlantique et les services publics de la région, afin de favoriser une compréhension et une démarche communes pour le développement et la distribution des sources d'énergie propre de la région. L'initiative axe ses efforts sur l'élaboration de politiques détaillées dans des domaines comme les avantages de l'intégration des systèmes électriques régionaux, l'examen des pratiques exemplaires ayant trait au financement de projets sur l'énergie renouvelable et à l'appui de la recherche et du développement ainsi que les possibilités de chaîne d'approvisionnement pour des projets liés à l'énergie renouvelable. Le travail relatif à la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique est mené sous la direction d'un comité composé de sous- ministres fédéraux et provinciaux et avec la collaboration active des gouvernements provinciaux du Canada atlantique et du secteur privé. Nous avons l'espoir que les études et les analyses en cours dans le cadre de ce projet seront terminées d'ici la fin de l'année.
Pour conclure, j'espère que j'ai su vous démontrer que l'avenir s'annonce prometteur pour le secteur de l'énergie au Canada atlantique. Le potentiel des ressources électriques de la région est vaste et le développement de ces ressources aiderait le Canada atlantique à mieux établir sa force économique. Pour sa part, l'APECA continuera d'appuyer le développement de ce secteur au moyen de ses programmes, s'il y a lieu, et en poursuivant ses efforts visant à défendre et à appuyer le secteur dans des domaines comme l'attraction d'investissements, le développement du commerce et la promotion des fournisseurs, l'appui de la recherche et du développement, ainsi que l'analyse de politiques et la défense des intérêts. Elle continuera également à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires des gouvernements fédéral et provinciaux, et de l'industrie, par le biais d'initiatives comme l'Office de l'énergie de l'Atlantique et la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique pour atteindre l'objectif commun qui est de poursuivre le développement du potentiel énergétique de la région et de l'exploiter.
Je m'excuse d'avoir parlé autant, mesdames et messieurs les sénateurs, mais j'ai cru bon de lire la totalité de mes notes d'allocution.
Le président : Merci. Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser quelques questions préliminaires. Premièrement, l'APECA est un organisme fédéral à part entière, n'est-ce pas?
M. Noseworthy : C'est exact.
Le président : Elle relève du ministre Ashfield, je crois.
M. Noseworthy : C'est exact.
Le président : Travaillez-vous ici, à Charlottetown?
M. Noseworthy : En fait, je travaille à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Est-ce que c'est là que se trouve le siège social de l'APECA?
M. Noseworthy : Non, le siège social de l'APECA se trouve à Moncton. Au total, 30 bureaux de l'APECA sont disséminés dans la région du Canada atlantique, notamment des bureaux régionaux dirigés par des vice-présidents dans chacune des quatre provinces de l'Atlantique. En outre, dans la région du Cap-Breton, nous collaborons avec la Société d'expansion du Cap-Breton.
Le président : Est-ce que l'Office de l'énergie de l'Atlantique et la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique sont également des programmes fédéraux?
M. Noseworthy : Oui, c'est exact.
Le président : Commençons par la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique, la PEEA. Est-ce qu'elle possède un bureau quelque part?
M. Noseworthy : Non, c'est un projet. Nous ne pensons pas que cette initiative sera maintenue à long terme, même s'il est tout à fait possible que le travail que nous accomplirons se traduira par des relations plus solides entre les gouvernements et les services publics, lesquelles perdureront une fois notre travail terminé. L'objectif de la PEEA est d'élaborer des politiques précises durant la prochaine année.
Le président : Vous dites que le projet est géré par RNCan et l'APECA. Cela veut donc dire que les deux organismes reçoivent des rapports.
M. Noseworthy : C'est exact.
Le président : À l'heure actuelle, ce projet relève donc du ministre Ashfield et du ministre Paradis?
M. Noseworthy : C'est exact.
Le président : Comment les 4 millions de dollars ont-ils été utilisés jusqu'à présent?
M. Noseworthy : En fait, jusqu'à présent, nous n'avons pas dépensé beaucoup d'argent, mais je crois que cela va changer. L'argent sera dépensé principalement dans deux domaines. Premièrement, nous nous concentrerons sur les problèmes de développement industriel liés au secteur des énergies renouvelables. Par exemple, l'un de nos projets consiste à étudier les pratiques exemplaires, à l'échelle internationale, en matière de financement de petits projets axés sur les énergies renouvelables. Nous sommes en train de l'élaborer en ce moment même et espérons obtenir une réponse à la demande de propositions et avoir un consultant en poste dans un avenir proche. Les résultats de ce projet seront rendus publics. Ils aideront l'APECA, RNCan, d'autres ministères ainsi que les provinces à élaborer des politiques pour encadrer le développement ultérieur de ce secteur. Nous réalisons également des projets dans le domaine de la promotion des fournisseurs et celui des pratiques exemplaires visant à faciliter le soutien des gouvernements à la recherche et au développement dans le secteur des énergies renouvelables.
Voilà le premier domaine. Il s'agit d'un ensemble d'études axées sur les problèmes de développement économique et les pratiques exemplaires que nous pourrions utiliser dans la région du Canada atlantique.
Le travail dans le deuxième domaine est plus technique, l'objectif étant d'accroître l'efficacité et de faire des économies en encourageant les services publics à coopérer davantage et à intégrer leurs activités au niveau de la gestion du système et des possibilités de développement futures, compte tenu du fait que le Canada atlantique n'est pas grand marché.
Ce travail consiste à étudier les modèles possibles de coopération — par exemple le modèle ISO utilisé aux États- Unis —, dans le secteur de l'énergie, entre autres, et de faire de la modélisation macroéconomique, afin d'essayer de diriger les services publics vers les possibilités de collaboration et de leur présenter les avantages.
Plusieurs acteurs participent à ce processus — tous les services publics et tous les gouvernements provinciaux — et, à ce jour, nous avons passé le plus clair de notre temps à essayer de concevoir des études pertinentes. Au moment où je vous parle, la planification bat son plein dans la région et nous espérons que le travail constructif débutera au cours des prochains mois. Les études axées sur le développement économique débuteront bientôt. Je crois que la première sera lancée dans le courant de la semaine prochaine, sous forme de demande de propositions pour une invitation à soumissionner.
Le président : Comme vous le savez, nous ne sommes pas le gouvernement fédéral. Par contre, nous faisons partie intégrante de la structure constitutionnelle du gouvernement fédéral, puisque nous sommes la Chambre haute indépendante du Parlement et, à ce titre, nous étudions notamment des politiques publiques, comme celle sur l'énergie. Certains ont laissé entendre que ces enjeux énergétiques fondamentaux revêtent une importance nationale, eu égard à un système de distribution, à un réseau Est-Ouest ou encore à un câble sous le détroit de Northumberland.
D'autres ont laissé entendre que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle, puisque ce ne sont pas des enjeux régionaux et que c'est un projet qui s'inscrit dans l'édification de notre pays. Nous avons entendu toutes sortes de propositions au sujet de garanties de prêt et du coût des câbles. Nous avons entendu beaucoup de choses. Je suppose que la concrétisation de ces projets dépend de l'adoption d'une politique énergétique. Le mandat que vous venez de décrire relève, semble-t-il, de ce domaine.
J'ai de la difficulté à m'y retrouver. Partons du principe que je suis le premier ministre Ghiz. Il y a l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'Office de l'énergie de l'Atlantique et la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique, pas beaucoup d'argent et pas de bureau. J'aimerais obtenir de l'argent pour réaliser un projet d'intérêt et d'importance non seulement pour l'Île-du-Prince-Édouard, mais pour l'ensemble de notre grande nation. Est-ce que je frappe à la bonne porte si je m'adresse à vous? Autrement dit, à qui devrais-je m'adresser?
M. Noseworthy : Nous ne finançons pas de projets énergétiques particuliers.
Le président : Élaboreriez-vous néanmoins la politique et recommanderiez-vous le projet au Cabinet? C'est au fond ce que j'aimerais savoir.
M. Noseworthy : C'est le ministère des Ressources naturelles qui est responsable, sur le plan fédéral, de l'élaboration des politiques énergétiques. Par contre, selon la nature du programme, plusieurs ministères et organismes fédéraux pourraient financer des projets futurs.
Le but de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique n'est pas de financer un projet en particulier ou d'investir dans une infrastructure donnée. Le but est vraiment de réunir les provinces et les services publics autour de la même table — afin qu'ils discutent des avantages économiques stratégiques liés à la collaboration et que cela se traduise par quelque chose de positif — , et d'essayer, dans ce contexte, de leur fournir une base commune d'information pour l'élaboration des politiques futures.
Comme je l'ai déjà dit, l'APECA n'intervient pas directement dans le secteur de l'énergie et je ne suis certainement pas un expert en la matière. Notre rôle se limite à réunir ceux qui ont les compétences nécessaires et à s'assurer qu'ils disposent des bons renseignements, afin qu'ils puissent discuter en connaissance de cause. Au fond, notre but est non pas d'élaborer des politiques en vue de créer nos propres projets et programmes, mais de transmettre rapidement l'information à tous les acteurs du secteur de l'énergie, en espérant que cela aura des répercussions positives.
Le président : D'accord, mais je dois vous dire que je suis un peu confus.
Le sénateur McCoy : À la page 6, vous parlez du rapport du Groupe consultatif national sur l'énergie scientifique et technologique. Comment s'appelait le directeur du groupe?
M. Noseworthy : C'était M. Angus Bruneau.
Le sénateur McCoy : Ce rapport devrait être disponible à la Bibliothèque du Parlement, n'est-ce pas?
M. Noseworthy : Probablement que oui. Il a été publié en 2006.
Le sénateur McCoy : Nous devrions l'ajouter à nos documents de référence. Il me semble qu'il y a beaucoup de potentiel dans le travail que vous accomplissez dans le cadre de l'initiative de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique. De plus, vous avez raison. Il est très important d'encourager la compréhension mutuelle et je comprends la nature exploratoire de votre travail. C'est très intéressant. Lorsque vous avez dit que vous espérez qu'une partie des études sera terminée dans le courant de cette année, vous avez aiguisé mon appétit.
Est-ce que ce comité figure dans votre liste de distribution? Vous produisez certainement des sondages d'opinion ou des rapports factuels que nous devrions pouvoir étudier.
M. Noseworthy : J'espère du moins que nous en produirons à l'avenir, car jusqu'à présent nous n'en avons pas produit beaucoup. Bien sûr, tous les documents que nous publions sont accessibles au public. Jusqu'à présent, nous avons passé le plus clair de notre temps à essayer de réunir tous les acteurs autour de la même table, afin d'établir la portée du travail et définir le contenu des études. Nous pensions qu'il valait mieux le faire d'emblée et créer cette base commune.
Nous espérons que la demande de propositions pour la première étude qui, comme je l'ai mentionné, sera axée sur le financement de projets à petite échelle, sera lancée bientôt, d'ici le printemps ou l'été probablement. Je pense que toutes les études devraient être lancées au cours des prochains mois.
Le sénateur McCoy : Je vous demanderais de mettre ce comité sur votre liste de distribution et je vais également vous donner ma carte. J'aimerais que mon nom figure sur cette liste ou plutôt votre liste de diffusion électronique.
M. Noseworthy : D'accord.
Le sénateur McCoy : C'est une liste électronique. Je vous félicite de vos efforts.
Le sénateur Mitchell : M. Noseworthy, j'ai une note ici qui indique qu'en date du 30 novembre 2010 le mandat de l'initiative de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique n'avait pas encore été mis au point, mais je pars du principe que c'est maintenant fait?
M. Noseworthy : Oui.
Le sénateur Mitchell : Pourrions-nous en obtenir une copie?
M. Noseworthy : Je m'efforcerai de transmettre une copie au comité.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir sur la question de la garantie de prêts, un enjeu qui pèse lourd dans la décision de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si cette question sonnera le glas du projet, mais si je me mets à la place de la Nouvelle-Écosse, je crois que c'est une possibilité. Quelle est votre position à ce sujet? Est-ce que l'APECA essaie d'imposer la garantie de prêts?
M. Noseworthy : À mon avis, le ministère des Finances ou les ministres fédéraux sont mieux placés que moi pour répondre à cette question. Le projet de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique a été annoncé bien avant l'annonce du projet du bas Churchill ou celui des chutes Muskrat, et il vise à encourager la collaboration entre les divers acteurs de la région. Son but n'est pas de fournir des données au sujet d'un projet donné ou d'en faire l'analyse. L'APECA n'accorde donc pas une attention particulière au projet des chutes Muskrat.
Le sénateur Mitchell : Le Fonds d'innovation de l'Atlantique alloue de l'argent aux projets, je crois. Vous dites que, à ce jour, ce fonds a alloué plus de 90 millions de dollars à des projets de recherche et développement axés sur l'énergie dans cette région. Près d'un sixième de ces fonds ont été distribués.
M. Noseworthy : Le Fonds d'innovation de l'Atlantique est un programme intéressant. Il vise à encourager la commercialisation de la recherche dans cette région et, plus particulièrement, à promouvoir l'innovation. Nous avons réalisé des projets très intéressants dans le secteur de l'énergie, notamment celui de la société Atlantic Hydrogen de Fredericton, qui travaille en étroite association avec l'Université du Nouveau-Brunswick. Elles ont en fait développé une technologie qui permet de retirer le dioxyde de carbone du gaz naturel et de réduire ainsi les émissions tout en améliorant d'environ 30 p. 100 le rendement énergétique du gaz naturel, lorsqu'il est utilisé comme combustible. Nous leur avons alloué des fonds par le biais du Fonds d'innovation de l'Atlantique afin de les aider à finaliser le développement. Dans la même veine, nous avons alloué des fonds à un autre projet intéressant, celui de la société Ocean Nutrition à Halifax qui travaille au développement d'un biocarburant à base d'algues.
L'APECA fournit un soutien financier pour la commercialisation de projets de recherche. Nous fournissons de l'aide aux petites et moyennes entreprises du secteur, afin qu'elles puissent croître et prendre de l'expansion. Au cours des quelque 20 années de notre existence, nous avons fourni beaucoup de soutien direct aux sociétés — surtout dans le secteur de l'approvisionnement —, notamment à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, pour les aider à démarrer et à se positionner afin d'exploiter au maximum les avantages liés au développement de la zone extracôtière. Nous en entendons beaucoup moins parler aujourd'hui, car elles ne viennent plus nous demander des fonds, par exemple dans le cadre de notre Programme de développement des entreprises. Par contre, nous entretenons toujours des liens étroits avec elles. En effet, elles continuent à nous consulter, notamment pour être au courant des nouveautés dans le secteur et obtenir notre aide pour nouer des liens avec certaines pétrolières. Je tiens à préciser que la nature de notre travail a changé. Avant, notre mandat se limitait à fournir des services de soutien au financement aux sociétés, pour des projets précis, alors que maintenant nous les aidons à comprendre ce qui se passe dans le milieu des ressources énergétiques.
Le sénateur Mitchell : Pourrions-nous obtenir une liste des projets financés par le Fonds d'innovation de l'Atlantique?
M. Noseworthy : Oui, je tâcherai de vous la fournir.
Le sénateur Mitchell : Connaissez-vous la société Seaforth Energy?
Le président : Vous avez certainement des parts dans cette société.
Le sénateur Mitchell : Non, je m'y intéresse, c'est tout.
Le président : Vous en parlez souvent.
Le sénateur Mitchell : C'est une société locale, de la Nouvelle-Écosse. Elle est installée au cœur de l'une des régions les plus actives dans le développement de l'énergie éolienne. Or, fait étonnant, l'un de nos témoins experts dans ce domaine, du Nouveau-Brunswick, nous a dit hier qu'il n'en a jamais entendu parler. J'ai constaté aujourd'hui que le projet de développement de l'Île-du-Prince-Édouard date d'avant la création de la société Seaforth Energy. Donc, non seulement la province n'utilise pas cette technologie, alors qu'elle pourrait exploiter ce débouché économique à bon escient, mais aucune des provinces avoisinantes ne s'en est aperçue. Étiez-vous au courant?
M. Noseworthy : Je connais bien la société, mais je ne crois pas qu'il soit approprié que je parle des arrangements que nous avons pris avec des entreprises commerciales.
Le sénateur Mitchell : J'en déduis donc que vous avez un arrangement. L'examen des pratiques exemplaires relatives au financement des projets d'énergie renouvelable est une initiative très intéressante. C'est le point de mire de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique. Avez-vous déjà produit un document ou un rapport à ce sujet?
M. Noseworthy : Cet examen se fera dans le cadre d'une étude réalisée par une société d'experts-conseils. Nous avons constitué un groupe, formé des provinces et de l'APECA, et nous avons mis au point son mandat. Nous avons l'intention de publier une demande de propositions dans le courant de la semaine prochaine à ce sujet. Comme je l'ai dit, nous devrions avoir les résultats dans quelques mois.
Le président : J'aimerais revenir sur ce que j'essayais de savoir plus tôt. Si vous vous mettiez à la place de vos maîtres politiques, vous constateriez que ces provinces n'arrêtent pas de talonner le premier ministre et ses ministres au sujet de la contribution majeure que les « fédéraux » pourraient apporter à un projet d'envergure qui aurait des retombées nationales. À mon sens, la chose logique à faire serait de consulter les gens sur le terrain, comme vous, et de leur demander : « Qu'en est-il? Mettez-nous au courant de la situation. Que recommandez-vous? Qu'allons-nous faire? » Il semble y avoir un tel méli-mélo. Ce n'est pas une critique. J'essaie simplement de comprendre comment cela fonctionne, car le public a l'impression que le gouvernement fédéral est un grand colosse qui ne fait pas le nécessaire pour faire face à cet enjeu de taille. Un organe directeur est présent sur le terrain, mais il ne prend pas les mesures appropriées, si vous me le permettez.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez ou peut-être simplement me dire que je fais fausse route?
M. Noseworthy : Comme je l'ai dit, le but de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique est, premièrement, d'encourager la communication et, deuxièmement, d'encourager la collaboration entre les provinces, les services publics et l'APECA.
Le président : Pourtant, d'ordinaire, l'APECA s'occupe du développement économique.
M. Noseworthy : Bien sûr, nous conseillons le gouvernement sur une multitude de questions de politique économique et, lorsqu'il nous le demande, nous le conseillons sur des projets particuliers.
Le sénateur Brown : Avez-vous un budget déterminé pour la recherche et le développement ou allouez-vous simplement les fonds aux organismes qui font la recherche et le développement.
M. Noseworthy : Le Fonds d'innovation de l'Atlantique est un programme établi et d'application générale de l'APECA, le financement duquel est renouvelé chaque année. Aucun de nos programmes n'est axé expressément sur le financement ou le soutien de la recherche et du développement dans le secteur de l'énergie. Les projets énergétiques sont en concurrence avec les projets d'autres secteurs pour l'obtention des fonds alloués par le Fonds d'innovation de l'Atlantique. C'est peut-être parce que le secteur de l'énergie est si dynamique dans cette région qu'il obtient une si grande part du financement. Le Fonds d'innovation de l'Atlantique est un programme établi, visant à financer la recherche et la commercialisation dans cette région.
Le sénateur Brown : Je ne comprends pas. Prenez-vous les décisions ou dressez-vous simplement une liste des bons projets et en faites la promotion? Faites-vous le chèque?
M. Noseworthy : L'APECA fait effectivement le chèque. Dans le cas du Fonds d'innovation de l'Atlantique, nous avons un conseil consultatif indépendant qui examine tous les projets et fait des recommandations précises au ministre. En fait, les projets sont soumis à un processus intensif d'évaluation par les pairs afin d'en déterminer l'intégrité et le potentiel commercial.
Le sénateur Brown : C'est bien. J'aime bien cette approche, car le processus est long avant que cela ne se rende, disons, jusqu'au premier ministre ou à l'un de ses proches collaborateurs. Vous pouvez faire tout le travail dans la région. Des gens vous présentent des projets, vous faites des suggestions et donnez de l'information, puis vous pouvez prendre une décision, si vous parvenez à trouver un terrain d'entente avec les divers acteurs.
M. Noseworthy : Pour financer les projets dans le cadre du Fonds d'innovation de l'Atlantique, l'APECA tient des rondes successives de financement. Nous en sommes actuellement à la huitième. Nous annonçons toujours notre intention de tenir une telle ronde et invitons les parties intéressées à nous faire parvenir une lettre d'intérêt. Ensuite, dans la deuxième phase, plus détaillée, le comité consultatif indépendant que j'ai mentionné examine en détail tous les projets retenus, avant de faire des recommandations au ministre responsable.
Le sénateur Brown : Pouvez-vous nous dire combien de temps il faut attendre avant que vous ne preniez une décision finale? Des mois ou des années?
M. Noseworthy : Si je ne m'abuse, nous avons commencé le travail concernant la huitième ronde au printemps dernier et nous espérons être en mesure de faire des annonces sous peu. D'ordinaire, il faut compter 9 à 12 mois entre le moment où la ronde de financement est annoncée et où l'on publie la liste des projets retenus.
Le président : Est-ce que RNCan possède un bureau ou a un représentant dans l'une des capitales provinciales de l'Atlantique?
M. Noseworthy : En fait, trois employés de RNCan travaillent dans la région de l'Atlantique et ils partagent les bureaux avec les employés de l'Office de l'énergie de l'Atlantique. Les employés de RNCan travaillent tous à St. John's, dans le secteur de l'énergie. Le premier travaille pour la Commission géologique du Canada, le deuxième pour la Division de la gestion des régions pionnières et le troisième pour la Direction des politiques. L'APECA et RNCan travaillent actuellement à l'élaboration d'un plan de travail commun pour les activités du bureau de St. John's auxquelles participent les employés des deux organismes.
Le président : Donc aucun employé de RNCan ne travaille à Charlottetown, à Halifax ou à Saint John? Les employés de RNCan partagent un bureau avec ceux d'autres organismes à St. John's?
M. Noseworthy : C'est exact.
Le président : Je tiens à préciser que nous devions aller visiter le nouveau terminal de gaz naturel liquéfié de la société Canaport LNG, mais malheureusement les conditions météorologiques défavorables ne nous ont pas permis d'atterrir. Nous espérons aller le visiter à une autre occasion.
M. Noseworthy : Je vous y encourage. C'est une installation fascinante. Il y a vraiment beaucoup de projets d'envergure dans la région de Saint John, notamment la raffinerie et, bien sûr, l'installation de gaz naturel liquéfié.
Le président : Je suppose que c'est un projet important, eu égard aux nombreuses sources d'énergie disponibles actuellement.
Merci, monsieur. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner au comité.
Notre prochain témoin est Leslie Malone, associée en matière de politique chez Environment Northeast. Si j'ai bien compris, vous œuvrez dans le domaine des politiques environnementales. Est-ce exact?
Leslie Malone, associée en matière de politique, Environment Northeast (ENE) : Oui, dans le domaine des politiques environnementales et énergétiques.
Le président : Vous avez la parole.
Mme Malone : Bonjour à tous. Comme vous le savez, je représente Environment Northeast. Je vous remercie d'avoir entrepris cette étude et de me donner l'occasion de vous parler cet après-midi. Aujourd'hui, je vais vous expliquer pourquoi il est primordial de mettre l'accent sur l'efficacité énergétique dans le système énergétique de l'avenir du Canada et comment l'accroissement de l'investissement dans cette source d'énergie essentielle se traduirait par des avantages économiques et environnementaux. Dans mon exposé, qui sera relativement court, afin de garder suffisamment de temps pour les questions, je reprends le contenu des diapositives qui vous ont été distribuées. Je m'excuse, elles n'ont pas été traduites en français, c'est de ma faute.
Environment Northeast, ou ENE, est un organisme sans but lucratif. Nous œuvrons dans le domaine de la politique, de la recherche et de la promotion énergétique aux États-Unis et au Canada. Nous avons des bureaux dans le Maine, au Massachusetts, au Connecticut, dans le Rhode Island, ainsi qu'à Ottawa, en Ontario. Jusqu'à récemment, notre bureau canadien se trouvait ici, à Charlottetown, mais depuis janvier le bureau se trouve dans la capitale fédérale. Actuellement, nous sommes entièrement financés par des fondations. Le personnel d'ENE est composé d'avocats, d'économistes et de scientifiques de l'environnement.
Le président : Ces fondations nous intéressent. Pourriez-vous nous dire qui vous finance?
Mme Malone : Il s'agit principalement de fondations américaines. En fait, je crois que, pour l'instant, aucune fondation canadienne ne finance nos activités. L'Energy Foundation est l'un de nos principaux contributeurs. L'Oak Foundation finance également certaines de nos activités, surtout dans le domaine des politiques d'efficacité énergétique. Il faudrait que je consulte notre rapport annuel pour vous fournir d'autres noms.
Le président : Ce n'est pas nécessaire. Êtes-vous Américaine?
Mme Malone : Non, je suis Canadienne. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, de Charlottetown.
Le président : Travaillez-vous dans tous ces bureaux?
Mme Malone : Non, je travaille au Canada. Je représente le bureau du Canada.
Le président : À Ottawa.
Mme Malone : Le reste de nos employés travaille en Nouvelle-Angleterre.
Nous nous concentrons sur les politiques énergétiques, les politiques climatiques, l'utilisation des forêts et des terres, et le transport. En fait, là où je veux en venir dans ma présentation, c'est que nous n'investissons vraiment pas assez dans les ressources énergétiques rentables. Nous devons rééquilibrer nos choix d'investissements, pour faire économiser des milliards de dollars aux entreprises et aux ménages canadiens, créer des emplois, accroître notre indépendance énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il faut que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada reconnaissent que l'efficacité énergétique est une ressource énergétique à part entière, que l'on peut évaluer et distribuer au même titre que les ressources traditionnelles.
L'investissement dans l'efficacité énergétique est un pilier des politiques énergétiques de bon nombre de provinces, en raison des avantages qui y sont associés. C'est une ressource rentable. Par exemple, dans le secteur de l'électricité, l'efficacité énergétique coûte environ 0,03 $ par kilowattheure, pendant la dure de vie de la mesure, alors que dans bon nombre de provinces du Canada le coût est multiplié par trois ou quatre, voire plus. Les ressources énergétiques rentables sont abondantes et distribuées localement, ce qui signifie que les avantages économiques sont énormes. Pour finir, il est généralement admis que l'efficacité énergétique est un outil qui permet de s'attaquer aux changements climatiques, car elle permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre ou de les éviter.
À la quatrième diapositive, je compare les dépenses pour l'approvisionnement en électricité avec l'investissement dans les programmes d'efficacité énergétique au Canada en 2008. Comme vous pouvez le voir, l'écart est de taille. Même dans des régions qui possèdent de relativement bons programmes d'efficacité énergétique, en raison de la réglementation des services publics et des barrières commerciales en vigueur, nous dépensons au moins 26 fois plus pour l'approvisionnement énergétique à prix de revient élevé que pour l'efficacité énergétique qui, comme vous pouvez le voir, est une ressource nettement moins onéreuse. Bien sûr, cela dépend des sources d'approvisionnement disponibles, mais dans certains cas, il en coûte trois fois moins par unité d'énergie. Il faut donc rééquilibrer ces choix d'investissement.
L'Île-du-Prince-Édouard est un très bon exemple de l'abondance des ressources énergétiques rentables. En 2007, le gouvernement provincial a entrepris une étude sur le potentiel d'efficacité énergétique, afin d'évaluer l'importance de cette ressource et de déterminer quelle quantité de la ressource pouvait être distribuée de façon rentable. Les résultats de cette étude ont montré qu'il est possible de compenser l'augmentation prévue de la consommation énergétique d'ici 2017 dans le secteur résidentiel, commercial, institutionnel et celui des transports de la province en investissant dans des initiatives rentables d'efficacité énergétique. Comme le montre l'étude, sur dix ans, les consommateurs économiseraient près de 150 millions de dollars et on réduirait de 150 000 tonnes les émissions de gaz à effet de serre. De plus, chaque dollar investi dans ces programmes d'efficacité énergétique se traduirait par 2,50 $ en retombées directes pour l'économie locale.
Afin de remédier à cet écart entre les dépenses et de tenter d'avoir accès à cette énorme capacité, les provinces ont besoin du soutien du gouvernement fédéral. Elles doivent aussi confier aux services publics des mandats d'approvisionnement énergétique par des mesures d'efficacité, de manière à ce que ces services investissent dans l'efficacité énergétique, qui est moins coûteuse que la production d'énergie additionnelle. Outre financer les programmes visant l'électricité et le gaz naturel, nous devons concentrer nos efforts sur ceux visant le mazout domestique — et c'est particulièrement important dans cette région du pays où nous dépendons grandement du mazout. C'est ce qu'on appelle l'approche ciblant tous les types de combustibles vers laquelle se tournent maintenant certains États américains.
Ultimement, pour y parvenir et accéder à cet énorme potentiel, nous aurons besoin de nouvelles sources de financement. Dans de nombreuses régions des États-Unis et du Canada, la contribution prélevée sur les factures d'électricité sert à financer des programmes d'efficacité énergétique. Le financement fédéral dont ces programmes bénéficient par ailleurs constitue un élément important de l'équation. Les revenus tirés des programmes de plafonnement et d'échange représentent également une source éventuelle de financement. De plus, dans le cadre de la Regional Greenhouse Gas Initiative, la RGGI, qui est en œuvre depuis septembre 2009, les États du Nord-Est des États-Unis s'engagent à consacrer 70 p. 100 des recettes des enchères à des programmes d'efficacité énergétique. L'initiative n'existe pas depuis longtemps, mais elle génère des centaines de millions de dollars en nouveaux fonds qui sont investis dans les programmes des États. Cette initiative est définitivement en train de devenir une importante voie de financement de l'efficacité énergétique. Pour le mazout, on envisage une contribution flottante qui serait prélevée sur les factures de chauffage.
Je suis maintenant à la diapositive 7. Dans cette diapositive, je voulais seulement illustrer que, dans tous les États de la Nouvelle-Angleterre, les services publics d'électricité ont un mandat d'approvisionnement énergétique par des mesures d'efficacité et que, dans certains de ces États, les services publics qui distribuent le gaz naturel ont également un tel même mandat. Les services publics se fixent ainsi des objectifs annuels ambitieux en matière d'économie d'énergie. Même s'ils ont le mandat de le faire, il reste que c'est impressionnant. Cela se traduit par un financement important, de façon générale, comme on peut le voir dans la diapositive 8, qui illustre les dépenses en matière d'efficacité énergétique par habitant pour l'électricité. En fait, les États de la Nouvelle-Angleterre sont des chefs de file aux États-Unis pour ce qui est du financement des programmes d'efficacité énergétique par habitant, comme on peut le voir dans la diapositive 9.
Du côté des provinces, certaines pourraient être reconnues comme des chefs de file aux États-Unis et au Canada. D'autres devraient effectuer des investissements importants pour rattraper les leaders de l'industrie. Toutes devront redoubler d'efforts pour s'approcher des objectifs en matière d'économie d'énergie établis dans la province. Vous remarquerez que le Nouveau-Brunswick ne figure pas sur le graphique de la diapositive 10. Or, c'est uniquement parce que la province n'a pas été prise en compte dans l'étude de 2010 réalisée par le Consortium of Energy Efficiency. Autrement, elle ferait partie des chefs de file. Elle bénéficie d'un financement généreux et de programmes impressionnants, des programmes qui ont été primés.
Lorsque l'on parle d'efficacité énergétique, on demande systématiquement pourquoi, si les mesures d'efficacité énergétique sont si peu coûteuses et si abondantes, nous avons besoin de financement pour les mettre en œuvre et faire de la sensibilisation. C'est parce que le marché comporte encore beaucoup de lacunes à combler, notamment l'insuffisance des liquidités, les incitatifs partagés, où la personne qui investit n'est pas nécessairement l'utilisateur final, les problèmes d'information ou le manque d'accès à celle-ci et le fait que certaines décisions d'investissement sont très complexes. Les programmes d'efficacité énergétique aux États-Unis et au Canada servent à offrir un soutien technique, à sensibiliser et à éduquer les consommateurs ainsi qu'à offrir des incitatifs financiers afin d'encourager les gens à investir, par exemple, dans des appareils électroménagers, de l'éclairage, des systèmes d'isolation ou des moteurs écoénergétiques.
Le reste de mon exposé est axé sur une étude que nous avons réalisée en 2009 intitulée Energy Efficiency : Engine of Economic Growth. Dans le cadre de cette étude, nous voulions nous pencher sur l'élaboration et la mise en œuvre de la plupart des programmes d'efficacité énergétique en Nouvelle-Angleterre. Cette étude a été menée en Nouvelle- Angleterre, mais je signale que nous discutons actuellement avec les gouvernements provinciaux de l'Est du Canada pour faire un exercice similaire ici, au Canada. En Nouvelle-Angleterre, comme l'élaboration et la mise en œuvre de ces programmes sont largement un processus public mené sous la supervision des États, les retombées économiques pour les consommateurs ont été bien étudiées. Toutefois, il est tout aussi important de connaître les retombées indirectes des programmes d'efficacité énergétique, c'est-à-dire tant le retour sur l'investissement que les économies qui en résultent.
Nous avons élaboré un modèle reposant sur l'augmentation des investissements dans l'efficacité énergétique de sorte qu'il représente toutes les mesures d'efficacité énergétique pour trois types de combustibles dans les six États de la Nouvelle-Angleterre. Cette étude, publiée en octobre 2009, est accessible sur notre site Web et décrit en détail notre méthodologie. Je ne vais donc pas prendre de votre temps maintenant pour en parler. Toutefois, je tiens à signaler que le modèle que nous avons employé, le modèle REMI, a été largement utilisé par les États de la Nouvelle-Angleterre et par certaines provinces pour évaluer leurs propositions stratégiques. Il s'agit d'un outil respecté et éprouvé et il est très utile en ce qu'il permet de présenter les résultats en toute confiance et de les faire accepter en toute confiance.
Nous avons élaboré un modèle de niveaux d'investissement en fonction des projets des États dans le domaine de l'efficacité énergétique ainsi que des études concernant le potentiel de l'efficacité énergétique similaires à celles que l'Île- du-Prince-Édouard a réalisées en 2007. Les objectifs en matière d'économies dans le cadre des programmes d'efficacité énergétique étaient conservateurs et visaient une réduction de 2 p. 100 de la consommation annuelle d'électricité et de 1,25 p. 100 de la consommation annuelle de gaz naturel et de mazout. Nous avons établi les niveaux d'investissement qui représentaient les économies que nous visions. Le graphique de la diapositive 14 illustre les niveaux d'investissement réels, qui sont très importants, que nous avons finalement présentés dans le rapport. Les niveaux d'investissement requis pour réaliser ces économies ont été augmentés par rapport aux budgets actuels de 50 p. 100 par année pour l'électricité et le gaz naturel et de 100 p. 100 par année pour le mazout, car nous n'avons pas financé autant les programmes de chauffage au mazout par le passé.
Nous avons regardé ces investissements sur une période de 15 ans et modélisé les retombées énergétiques sur 20 autres années de sorte qu'on puisse représenter toute l'étendue de ces dernières. La diapositive 15 illustre les résultats directs en ce qui concerne la réduction des coûts de l'énergie. Les économies se chiffrent à 29 milliards de dollars pour l'électricité, à 6 milliards de dollars pour le gaz naturel et à 15 milliards de dollars pour les combustibles non soumis à un contrôle, ce qui totalise des économies de 50 milliards de dollars, et ce, au cours d'une période de 35 ans. C'est très impressionnant.
La diapositive suivante montre les réductions d'émissions de gaz à effet de serre que nous avons observées. Nous avons calculé des réductions totales de 536 tonnes d'émissions de gaz à effet de serre pour les trois combustibles grâce aux programmes d'efficacité énergétique élargis. Il est intéressant de noter que la réduction des émissions de gaz à effet de serre revêt des avantages non seulement sur le plan environnemental, mais également sur le plan économique puisqu'elle permet de réduire la consommation d'électricité et, du même coup, les émissions de gaz à effet de serre attribuables à la production d'énergie.
J'aurais dû souligner que ces chiffres et ces graphiques s'appliquent aux États où le programme de plafonnement et d'échange est en œuvre. Ce programme est un volet important, si jamais nous appliquons un prix du carbone au Canada.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre entraîne une diminution de la demande des quotas d'émission, ce qui a un effet à la baisse sur le prix des quotas et le coût global du programme de plafonnement et d'échange.
À la diapositive 17, nous passons des retombées directes aux retombées macroéconomiques globales. Les résultats sont présentés dans la première colonne selon que chaque État met en œuvre un programme isolément et dans la deuxième colonne selon que les six États mettent en œuvre le programme collectivement. En fait, les retombées seraient encore plus vastes selon le second scénario. Comme vous pouvez le voir, les résultats sur le produit brut de l'État, les revenus et les emplois sont très impressionnants.
Les diapositives 18 et 19 reflètent les retombées économiques globales de l'investissement nécessaire pour créer les programmes. Ici, vous avez l'augmentation du produit brut de l'État en dollars pour chaque dollar dépensé dans le cadre du programme, et à la diapositive suivante, vous avez le nombre d'emplois créés ou susceptibles d'être créés pour chaque million de dollars investi. Je regrette maintenant de ne pas avoir inclus une diapositive comparative sur les technologies énergétiques renouvelables ou fossiles, car les ordres de grandeur peuvent être, dans certains cas, un peu plus importants.
La diapositive suivante, qui montre les aspects des retombées économiques, en fournit une raison. Les retombées de l'investissement dans l'efficacité énergétique sont triples : la personne qui installe ou fait fonctionner le mécanisme bénéficie de son investissement initial; on bénéficie des économies d'énergie réalisées et, enfin, le contribuable aux charges utilisées pour financer le programme en sort également gagnant.
Nous avons constaté que, dans tous les cas, les économies réalisées sur les investissements dans l'efficacité énergétique étaient substantielles alors que l'investissement initial n'était pas si important. C'est important, car, si on compare les investissements dans l'efficacité énergétique et dans d'autres options, généralement, on regarde l'investissement initial et les résultats économiques qu'il génère. Certes, l'efficacité énergétique coûte cher, mais ce sont vraiment les économies qu'elle permet de réaliser qui la rendent avantageuse et montrent qu'elle devrait vraiment être le premier choix.
La diapositive qui suit est notre nouvelle diapositive résumée, car elle présente les retombées économiques globales pour la Nouvelle-Angleterre en tenant compte du fait que tous les États agissent collectivement. Bien que l'investissement initial total dans les programmes d'efficacité énergétique pour l'électricité, le gaz naturel et les combustibles non soumis à un contrôle serait substantiel, les retombées économiques, directes et indirectes, qui en résulteraient en ce qui concerne le produit brut de l'État et les emplois compenseraient totalement.
J'ai inclus d'autres diapositives dans l'annexe, mais je ne veux pas m'y attarder trop longtemps. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions sur la première partie de mon exposé et l'annexe.
Le sénateur Mitchell : Connaissez-vous les programmes Efficacité NB et Efficiency Nova Scotia et est-ce que leur pendant ici serait Evergreen?
Mme Malone : Non, ce serait l'office de l'efficacité énergétique de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Mitchell : Quelle évaluation faites-vous de ces programmes? Y a-t-il des chiffres qui correspondraient à ceux que vous avez ici?
Mme Malone : Comme je ne travaille pas dans le domaine de l'élaboration des programmes, je ne peux me prononcer sur les caractéristiques des programmes, mais je crois comprendre qu'ils fonctionnent très bien. Ils ne bénéficient pas nécessairement du niveau de financement correspondant à leur potentiel de rentabilité. Toutefois, ils sont relativement nouveaux, sauf celui du Nouveau-Brunswick, qui est en œuvre depuis plus longtemps. Ils sont rentables à la longue. Ces organismes commencent à se trouver dans une bonne situation, mais ils auront besoin de financement additionnel à mesure qu'ils élargiront leurs programmes et cibleront d'autres secteurs.
Le sénateur Mitchell : Si vous étiez actuellement première ministre de l'une de ces provinces, quels seraient les cinq programmes d'efficacité énergétique qui seraient prioritaires?
Mme Malone : Cela dépendrait de la situation ou de la région, mais je me concentrerais sur l'intempérisation. Les programmes d'intempérisation de l'enveloppe sont avant-gardistes.
Le sénateur McCoy : Vous voulez dire de l'isolation?
Le sénateur Mitchell : Des fenêtres.
Mme Malone : Absolument, l'enveloppe des bâtiments, de même que l'éclairage évolué, qui est important pour le secteur résidentiel, mais également pour les secteurs commercial et industriel. Ce sont les deux grands secteurs de programmes.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous une analyse plus détaillée? Avez-vous une liste des programmes?
Mme Malone : Nous nous sommes concentrés principalement sur les politiques afin d'obtenir du financement pour ces programmes. Un membre de notre personnel possède une connaissance technique des programmes, et je serais ravie de vous communiquer cette information.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais beaucoup voir cela. J'aimerais voir les caractéristiques des programmes. Je veux dire, c'est très convaincant...
Mme Malone : Mais qu'est-ce cela veut dire concrètement?
Le sénateur Mitchell : Oui, qu'est-ce cela veut dire concrètement?
Je vous renvoie à la diapositive 21. Si vous mettiez tous ces programmes en œuvre, le coût du programme de l'énergie électrique serait de 16,8 milliards de dollars?
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Mitchell : C'est ce qu'on a investi dans les programmes d'efficacité énergétique pour l'électricité dans ces États?
Mme Malone : Non, c'est si les investissements augmentent pour représenter toutes les mesures d'efficacité énergétique sur une période de 15 ans. Ils augmenteraient pendant trois à cinq ans, puis se stabiliseraient à ces niveaux durant les autres années, ce qui correspondrait à ces coûts.
Le sénateur Mitchell : Le produit brut des États augmenterait de 99 milliards de dollars.
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Mitchell : Les dépenses en matière d'efficacité énergétique entraîneraient une hausse de 12 p. 100 du produit brut des États?
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Mitchell : C'est beaucoup.
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Mitchell : Cela créé-t-il de l'emploi?
Mme Malone : Cela créé un nombre important d'emplois et, somme toute, c'est dans ce domaine que nous devrions investir en priorité.
Le sénateur Mitchell : Est-ce bénéfique pour la santé?
Mme Malone : Oui, c'est bénéfique pour la santé.
Le sénateur McCoy : Ma première question porte sur la diapositive 4. Vous avez fait référence à un rapport du CEE sur l'industrie.
Mme Malone : Le Consortium of Energy Efficiency. C'est un groupe de l'industrie qui réalise un nombre important d'analyses sur les programmes étatiques et provinciaux en matière d'énergie et qui publie chaque année un rapport de l'industrie examinant les budgets provinciaux et étatiques pour l'électricité et le gaz naturel.
Le sénateur McCoy : Le CEE a-t-il un site Web?
Mme Malone : Oui.
Le sénateur McCoy : Ce rapport est-il accessible sur le site web?
Mme Malone : Il y a un hyperlien sur la page d'accueil.
Le sénateur McCoy : Il m'est difficile de poser des questions intelligentes, car je n'ai pas eu l'occasion d'absorber toute l'information. De toute évidence, je dois également lire votre étude. Je trouve que tout cela paraît très positif, mais je dois en profiter maintenant pour, à tout le moins, saisir et analyser certaines données, puisqu'il y a une limite de temps. Vous dites que vous présentez les résultats cumulés sur 15 ans, et cetera.
Mme Malone : Nous présentons les résultats cumulés, mais ces programmes génèrent des retombées économiques immédiatement; ils sont extrêmement rentables. Nous avons également ventilé les résultats par année, et je peux vous les fournir.
Le sénateur McCoy : Dans une certaine mesure, vous êtes en train de dire que vous renoncez à investir dans d'autres projets énergétiques, des projets de nouvelle génération en électricité ou une nouvelle raffinerie de pétrole, un nouvel oléoduc ou un gazoduc, ce qui entraînerait probablement une diminution de ces activités, n'est-ce pas?
Mme Malone : Cela est pris en compte dans notre étude.
Le sénateur McCoy : C'est pris en compte?
Mme Malone : Oui, ce l'est.
Le sénateur McCoy : Il s'agit donc d'une augmentation nette sur 15 ans?
Mme Malone : Oui, les retombées économiques sont nettes. L'investissement est calculé sur 15 ans, et les retombées indiquées s'étalent sur 35 ans. En raison de la durée de vie des mesures, les retombées se font sentir durant au moins 20 ans.
Le sénateur McCoy : Vous avez fait le calcul des retombées directes et indirectes. Je présume que vous appliqueriez la même méthodologie dans le cadre d'une analyse sur les retombées socio-économiques s'il s'agissait de la prochaine grande raffinerie ou autre chose. Il s'agit d'un modèle intrants-extrants, je présume?
Mme Malone : En fait, il ne s'agit pas d'un modèle intrants-extrants, mais d'un modèle d'équilibre général. Il permet d'établir en partie les mêmes résultats que le modèle intrants-extrants, mais également d'approfondir l'analyse économique pour la région en fonction des commentaires régionaux.
Le sénateur McCoy : Je vais m'arrêter là, car je crois que je dois étudier la question. Je suis ravie de savoir que vous êtes à Ottawa. Nous pourrons toujours profiter de votre merveilleuse ressource.
Mme Malone : Absolument.
Le sénateur Mitchell : Il serait vraiment intéressant d'avoir de l'information sur les économies directes à la lumière de ce vous affirmez et qui est très convaincant. Y a-t-il un moyen de calculer, disons, le coût moyen d'économiser un kilowattheure au cours d'une période donnée? Il faudrait préciser une période de temps.
Mme Malone : Oui. Il coûte en moyenne 0,03 $ d'économiser un kilowattheure.
Le sénateur Mitchell : Qui coûte 0,09 $ ou 0,10 $ ou $0,12$?
Mme Malone : Voire beaucoup plus.
Le sénateur Mitchell : Oui, mais en moyenne.
Mme Malone : En moyenne.
Le sénateur Mitchell : C'est même 0,07,8 $ pour l'énergie éolienne.
Mme Malone : Oui. Dans le cadre des programmes résidentiels, les coûts varient d'aussi peu que 0,01 $ jusqu'à 0,04 $ le kilowattheure et dans le cadre des programmes commerciaux et industriels, les coûts varient généralement de 0,01 $ à 0,02 $ par kilowattheure économisé. La différence de coût est importante.
Le sénateur Peterson : Qui dépense tout cet argent pour que cela soit possible?
Mme Malone : Dans les États sur lesquels a porté notre étude, ce sont des programmes gérés par les services publics. Les entreprises publiques de production d'électricité et de distribution de gaz naturel gèrent les programmes, qu'elles financent grâce aux contributions. Certains programmes, généralement ceux pour les personnes à faible revenu, sont également subventionnés par l'État.
Le sénateur Peterson : Est-ce le propriétaire qui paie, au bout du compte?
Mme Malone : Le contribuable, oui.
Le sénateur Peterson : On perçoit la contribution, puis le service public m'encourage à prendre des mesures en m'offrant des incitatifs, et cetera?
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Lang : Je suis quelque peu impressionné de voir que votre organisation est financée par les Américains même si elle adopte une perspective canadienne uniquement. Personne ne peut remettre en question la nécessité de l'efficacité énergétique. De toute évidence, comme les coûts de l'énergie augmentent, nous nous dirigeons tous dans cette voie. Je suis étonné. Y a-t-il des ministères au niveau fédéral ou provincial qui réalisent ce genre de travaux?
Mme Malone : Pour ce qui est des analyses?
Le sénateur Lang : Oui.
Mme Malone : Ils réalisent certainement des études sur le potentiel de l'efficacité énergétique. Ils examinent les programmes qu'ils mettraient en place. Ce type d'analyses est assez unique aux États-Unis et nous n'avons jamais vu au Canada une étude semblable, qui examine les retombées tant directes qu'indirectes. Comme je l'ai dit — je me croise les doigts —, nous mènerons bientôt une étude semblable, au moins pour les provinces de l'Est du Canada.
Le sénateur Lang : Dans la conclusion et les recommandations, vous dites que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent appuyer des normes pour les bâtiments ainsi que les appareils et l'équipement évolués, des réformes des politiques en matière d'énergie et de nouveaux mécanismes de financement. Êtes-vous au courant que les codes du bâtiment, du moins dans certaines provinces, ont été considérablement modifiés au cours des dernières années afin qu'ils respectent le principe de l'efficacité énergétique et, bien entendu, de l'économie d'énergie. De plus, il n'y a pas si longtemps, le gouvernement fédéral a pris des règlements concernant les normes que doivent respecter les appareils et l'équipement importés au Canada?
Mme Malone : Oui.
Le sénateur Lang : Nous avons visiblement rempli nos obligations à cet égard partout au pays, je pense.
Mme Malone : À l'heure actuelle, la plupart de ces règlements seraient très utiles, mais il faudrait constamment les modifier en fonction des meilleures pratiques et des nouvelles recommandations.
Le sénateur Lang : Je veux revenir sur votre prémisse au sujet de l'efficacité énergétique et du gouvernement. Nous avons besoin de plus d'argent pour réaliser des études afin de voir si nous pouvons accroître notre efficacité énergétique, mais, pour cela, il faut plus de fonds publics d'une manière ou d'une autre. Avez-vous mené une étude sur la façon dont on pourrait atteindre certains de ces objectifs sans réclamer des fonds, en réaffectant des ressources de sorte que nous puissions atteindre les objectifs dont vous parlez?
Mme Malone : Nous n'avons pas examiné cela, mais il y a probablement des fonds qui pourraient être mieux utilisés au profit de l'environnement.
Le sénateur McCoy : L'Alberta commence à mener ce genre d'études. Lorsque j'ai examiné la documentation sur le sujet, j'ai trouvé qu'il était très difficile de mettre la main sur des données précises. C'est un domaine en pleine émergence. Nous n'avons pas vraiment appris à concevoir l'énergie selon une perspective du XXIe siècle. Nous nous trouvons à un tournant où nous devons voir les choses un peu différemment. Toutefois, comme nous l'avons vu hier, même les grandes sociétés aiment bien qu'on les aide à réduire leur consommation d'énergie lorsque c'est dans leurs propres intérêts.
Le sénateur Lang : Lorsque l'on ne peut se le permettre financièrement, on tente de trouver une autre option pour fournir le même programme ou régler la situation. Je crois que c'est ce qui se passe partout au pays.
Le sénateur Mitchell : Le coût moyen par kilowattheure est de 0,03 $, et je sais qu'il varie selon la source d'énergie. Par exemple, quel est le coût moyen la tonne des émissions réduites de carbone ou de gaz à effet de serre?
Mme Malone : Je n'ai pas ces chiffres en tête, mais nous les avons certainement compilés quelque part.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous me les obtenir, car cela m'intéresse. Vous parlez d'une réserve de fonds qui pourrait être utilisée différemment. Je ne suis pas totalement contre le captage et le stockage du CO2. Des entreprises sont actuellement prêtes à s'y adonner, et certains gouvernements prennent des mesures à cet égard. Le problème, avec les gaz à effet de serre, c'est qu'il y a toujours une raison pour ne pas agir afin de les réduire : l'éthanol est à l'origine de la pénurie de denrées alimentaires, le nucléaire est dangereux et même l'énergie éolienne, apparemment, rebute certains. Il y a toujours une raison. Il serait intéressant d'analyser l'utilisation de cette réserve de fonds dans des mesures de captage et de stockage du carbone, par exemple, même s'il serait difficile de connaître les résultats puisqu'on connaît mal cette technologie. À quoi cela ressemblerait-il si on affectait ces fonds à un programme productif de conservation de l'énergie, comme celui dont vous parlez? Nous parlons de beaucoup d'argent, et on pourrait capter ou éliminer l'émission de tonnes et de tonnes de carbone.
Mme Malone : L'une des raisons pour lesquelles il est si facile de venir défendre ici l'efficacité énergétique, c'est que c'est une option qui ne comporte aucune faille. Nous devrions investir dans des mesures d'économie énergétique en raison des retombées économiques qu'elles engendrent.
Le sénateur Mitchell : Oui.
Mme Malone : J'en prends note et je me rappelle la courbe de McKinsey, la courbe de réduction des coûts des émissions de gaz à effet de serre. Les options économiques sont toutes des mesures d'efficacité énergétique, et c'est lorsque l'on va vers la droite que l'on se heurte au captage et au stockage du carbone et à ce genre de technologies.
Le sénateur Mitchell : Elles sont beaucoup plus coûteuses, en effet.
Mme Malone : Je vais voir combien elles coûtent.
Le sénateur Mitchell : Le seul facteur limitatif avec l'efficacité énergétique, c'est que, même si on double notre efficacité et qu'on émet 50 p. 100 moins d'émissions qu'actuellement, dès qu'on double la population ou qu'on double le développement en Chine et en Inde, nous retournons à la case départ. En un sens, il s'agit d'une mesure provisoire jusqu'à ce qu'on trouve des façons de ne pas émettre d'émissions de gaz à effet de serre.
Mme Malone : Absolument.
Le sénateur Mitchell : Peut-être est-ce une mesure qui nous incite à trouver d'autres moyens. Je ne sais pas.
Mme Malone : On pourrait l'assortir d'un plafonnement.
Le sénateur Mitchell : Un plafonnement, oui. Appliqueriez-vous un prix sur le carbone, et, le cas échéant, de quelle façon?
Mme Malone : Ce serait l'une des premières choses que je ferais. Ensuite, je m'assurerais que les recettes seraient affectées à des programmes visant à réduire davantage les émissions. L'efficacité énergétique serait ma priorité dans ce dossier.
Le sénateur Mitchell : Quels États visés par la RGGI vendent aux enchères des crédits?
Mme Malone : Chaque État le fait. Certains vendent aux enchères la totalité de leurs crédits, et, au total, environ 70 p. 100 de la valeur des quotas est explicitement destinée à des programmes d'efficacité énergétique, ce qui représente des centaines de millions de dollars dès la première année du programme.
Le sénateur Mitchell : À quels prix se vendent-ils, les crédits de carbone?
Mme Malone : Les crédits de carbone se vendent autour de 3 $ la tonne, soit une tonne ordinaire. Si je ne m'abuse, les prix ont atteint le prix plancher, qui est 1,86 $ la tonne, mais c'est à cause de l'attribution excessive des quotas d'émission. Le plafond a été fixé trop haut. La RGGI entame sa deuxième phase en 2012, et il est à espérer que des ajustements seront apportés d'ici là.
Le sénateur Brown : Des villes américaines de quelque superficie que ce soit ont-elles déjà tenté d'éteindre les lumières? Je ne parle pas des lampadaires. Je parle des lumières des édifices à bureaux et des grands quartiers d'affaires où tout ferme à partir d'une certaine heure de la nuit. Je pose cette question parce que nous l'avons vécu dans ma famille. Ma femme siégeait au conseil d'administration des coopératives fédérées, qui ont leurs bureaux dans quatre provinces. Elles ont commencé par installer des appareils d'éclairage détecteurs de mouvement juste pour en faire l'essai, puis le personnel a adopté comme politique de fermer les lumières le soir. Elles ont économisé 1 million de dollars par année pendant les neuf années où ma femme a siégé au conseil d'administration. J'ignore si cette politique est toujours en vigueur, mais, le cas échéant, les économies sont probablement beaucoup plus élevées que 1 million de dollars par année parce que c'était il y a plus d'une décennie.
Lorsque la navette spatiale a traversé l'Australie, un continent qu'elle met environ 30 minutes à survoler, on a demandé à la population australienne d'éteindre les lumières de sorte que les astronautes puissent voir à quoi le continent ressemble la nuit sans lumière. Cela a eu une incidence importante sur la génération d'électricité en à peine 30 minutes.
Mme Malone : Je peux me l'imaginer. C'est impressionnant. Je n'ai pas de bon exemple à donner, mais je suis certaine que les données de l'Heure pour la Terre, une initiative du Fonds mondial pour la nature et à laquelle participent d'autres organisations, sont accessibles à ce sujet. Je crois que cet événement a lieu le 28 mars. Je devrais le savoir. Cette journée-là, les villes et les habitants sont invités à éteindre les lumières. Je suis certaine que les données sur cette initiative sont impressionnantes au fil des années.
Le sénateur Neufeld : Je suis fermement convaincu que la forme d'énergie la plus économique est celle fondée sur l'économie d'énergie. En Colombie-Britannique, le barrage Peace Canyon produit environ 650 mégawatts d'électricité, et, durant la période de Noël, il faut l'équivalent de toute l'électricité que le barrage peut produire pour alimenter les lumières de Noël dans la province uniquement. Il est intéressant de voir, à la lumière de cet exemple — et nous aimons tous les petites lumières qui clignotent et qui décorent nos maisons — combien d'énergie il faut.
Les budgets des États et des provinces relatifs à l'efficacité qui se trouvent aux diapositives 9 et 10 ont-ils seulement trait à l'électricité ou se rapportent-ils également au gaz naturel et au mazout?
Mme Malone : Selon les chiffres, je crois qu'il s'agit seulement de l'électricité. Le CEE fournit des données sur l'électricité et le gaz naturel. Je suis désolée. Nous aurions dû préciser à quoi se rapportent les chiffres. En les examinant, je constate qu'il s'agit des dépenses par habitant consacrées à l'efficacité électrique.
Le sénateur Neufeld : Y a-t-il un endroit où vous pouvez obtenir des données ou des graphiques du même genre pour l'efficacité en matière de gaz naturel, de mazout domestique et tout cela?
Mme Malone : Il y aurait de l'information sur le site Web du CEE au sujet des dépenses de programmes consacrées au gaz naturel. Elles sont loin d'être aussi élevées parce que les programmes ne sont pas aussi développés. Je ne connais pas de source où l'on trouverait toutes les données relatives aux programmes de mazout; cela dit, il y a très peu de programmes de ce genre au pays et les dépenses y afférentes sont minimes à l'heure actuelle.
Le sénateur Neufeld : Je trouve intéressant que la Californie, qui est considérée comme le chef de file par rapport à presque tout ce qui touche l'efficacité et la réglementation en matière de voitures et d'émissions de gaz à effet de serre, en fait deux fois moins que le Vermont.
La deuxième diapositive est très intéressante parce qu'elle concerne le Canada. Ce que je trouve intéressant, c'est le fait que le Québec, le Manitoba et la Colombie-Britannique — la Colombie-Britannique étant au premier rang, soit dit en passant —, où les tarifs d'électricité comptent parmi les moins élevés au Canada puisque ces provinces disposent de presque toute l'hydroélectricité du pays, ont en fait les meilleurs programmes d'efficacité. C'est très surprenant compte tenu des sources à partir desquelles les autres provinces produisent leur électricité. Certaines ne figurent pas sur la liste. Je suis étonné parce que j'ai entendu des gens du Canada atlantique parler du coût élevé du mazout et du gaz naturel, ainsi que du fait qu'ils doivent s'en servir comme source d'alimentation, et pourtant, leurs services publics et leurs gouvernements ne tentent pas de trouver des moyens d'économiser l'électricité. Ce graphique en dit long, s'ils rapportent seulement les données liées à l'électricité. Certaines provinces doivent vraiment s'interroger, en collaboration avec leurs services publics, sur ce qu'elles peuvent faire pour ménager l'électricité plutôt que de penser aux façons d'en produire davantage. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus? J'ai vraiment été frappé par ces données. C'est très bien que ces trois provinces aient les meilleurs tarifs, mais j'ai toujours cru que c'était le coût du produit qui encourageait les gens à devenir efficaces. La diapositive montre que j'avais tout à fait tort.
Mme Malone : Nombre de facteurs entrent en ligne de compte quant aux niveaux d'investissement de la province. L'un d'entre eux est les possibilités d'exportation, mais la culture de la province et des services publics a certainement aussi une incidence. C'est aux décideurs qu'il incombe de faire preuve de leadership et d'ordonner aux services publics d'investir dans la ressource la moins coûteuse. C'est ce qu'on fait en Nouvelle-Angleterre, ce qui explique pourquoi les niveaux d'investissement sont si élevés.
Le sénateur Neufeld : Voulez-vous dire que parce que le Québec et le Manitoba font de l'exportation, ils ont les moyens d'adopter un plus grand nombre de mesures d'efficacité? Est-ce ce que vous entendez par là?
Mme Malone : Pas nécessairement. Ils pourraient le faire, mais ils pourraient aussi voir en leur situation des débouchés économiques. S'ils conservent de l'électricité à un coût moins élevé à l'interne, ils peuvent exporter une plus grande partie du produit.
Le sénateur Neufeld : La Colombie-Britannique est un importateur net. Ce que vous venez de dire ne s'applique donc pas à elle, n'est-ce pas?
Mme Malone : Pas nécessairement, c'est vrai.
Le président : Madame Malone, vous avez dit que vous nous fourniriez des calculs, quelques données.
Mme Malone : Oui.
Le président : Si vous pouviez les transmettre à la greffière, ce serait parfait.
Le prochain témoin est David Taylor, de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.
David Taylor, directeur, Durabilité et efficacité énergétique, Université de l'Île-du-Prince-Édouard : Monsieur le président, monsieur le vice-président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis le directeur de la durabilité et de l'efficacité énergétique de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, ici à Charlottetown.
L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard fournit un environnement d'apprentissage dynamique et encourage l'excellence dans l'enseignement. Elle offre des programmes dans les domaines des arts, des sciences, de l'enseignement, de la médecine vétérinaire, des affaires et des sciences infirmières.
La présence de l'UPEI se fait ressentir bien au-delà de ses frontières grâce à des partenariats qui contribuent à un programme de recherche vivant qui offre de riches possibilités sur le plan des études de premier cycle et des études supérieures.
Suivant son engagement à l'égard du renouveau, l'UPEI a doté son campus historique d'excellentes nouvelles installations d'enseignement et de recherche, de résidences pour étudiants, d'un centre destiné aux étudiants et d'un complexe sportif.
Plus de 4 600 étudiants provenant de 59 pays sont inscrits à l'UPEI. Ils apprennent à connaître personnellement leurs professeurs et deviennent rapidement partie intégrante d'une communauté très unie qui est fière d'appuyer le succès de ses membres.
En sa qualité d'établissement d'enseignement, l'UPEI s'escrime à servir de modèle à ses étudiants et à la population. Son engagement envers la durabilité et l'efficacité énergétique date d'il y a plus de 20 ans, de l'époque où elle chauffait le campus à la biomasse. Par la création de mon poste actuel à l'UPEI et par l'intégration de la durabilité et de l'efficacité énergétique dans sa planification stratégique, elle continue à œuvrer en ce sens. L'établissement compte également un comité consultatif multidisciplinaire chargé d'examiner et de proposer des projets visant à améliorer la durabilité sur le campus.
Le programme de durabilité du campus comprend un système de collecte sélective des déchets, des méthodes de contrôle de la consommation d'énergie conçues pour détecter et régler rapidement les problèmes liés à l'énergie, des systèmes d'éclairage et de contrôle efficaces visant à créer des édifices intelligents et à réduire la consommation, des pratiques de conception des bâtiments écoénergétiques, la conservation des eaux, ainsi que la réduction de l'utilisation des ressources, y compris le papier et d'autres produits consommables.
L'université est branchée au réseau de chauffage urbain et est un de ses plus grands utilisateurs cumulatifs. L'énergie ainsi produite permet de chauffer tous les bâtiments et presque toute l'eau utilisée à des fins domestiques sur le campus. En outre, elle permet de refroidir un grand nombre de bâtiments du campus au moyen de l'absorption. Le réseau de chauffage urbain de Charlottetown est un modèle réussi de système énergétique partagé et un exemple au chapitre de l'efficacité énergétique pour d'autres régions. On ne pourrait faire de si grandes économies avec un seul client; c'est la nature collective du service qui permet d'obtenir de tels résultats.
En centralisant l'installation de chauffage, on élimine les chaudières qui auraient été utilisées dans des édifices isolés chauffés principalement au mazout, ce qui permet de réduire l'ensemble des émissions. Les dispositifs antipollution de la centrale, qui seraient peu rentables pour des utilisateurs individuels, réduisent la quantité de polluants libérés dans l'atmosphère. On emploie des déchets solides et de la biomasse ligneuse renouvelable pour faire fonctionner le système afin de réduire considérablement le recours aux combustibles fossiles pour chauffer les bâtiments, matières qui contribuent grandement à l'effet de serre.
Le réseau, qui est maintenant autonome, n'aurait pu être mis en place sans la contribution financière du gouvernement. En investissant de manière stratégique dans les réseaux de chauffage urbain, le gouvernement peut aider à réduire les émissions et les coûts, et ce, à long terme. Parce qu'elle utilise le réseau de chauffage urbain, l'université épargne des centaines de milliers de dollars par année.
Par ailleurs, l'UPEI joue un rôle de chef de file dans le domaine de l'efficacité énergétique. À l'heure actuelle, le campus entreprend sa troisième campagne d'amélioration du rendement énergétique depuis 2004. L'an dernier, pour la première fois depuis 2001, le campus a fait l'objet d'une vérification exhaustive de la consommation d'énergie. Les travaux qui seront effectués permettront d'épargner plus de 100 000 $ par année. Ils comprendront de l'éclairage, des systèmes mécaniques et des contrôles automatisés qui aideront à réduire la consommation globale d'énergie sur le campus.
Par le passé, l'université a profité de programmes de financement fédéraux et provinciaux dans le but de réduire sa consommation d'énergie. Grâce à ces programmes, l'université a pu diminuer son empreinte énergétique et mettre en œuvre des projets qui n'auraient pas été rentables si on les avait évalués selon leurs mérites.
L'université s'est engagée à être écoénergétique, mais elle doit aussi agir de manière responsable sur le plan financier dans son exécution de cet engagement. Les solutions faciles et les possibilités qui permettraient d'économiser le plus d'énergie sur le campus ont presque toutes été mises en œuvre. Toutefois, ces possibilités sont relatives, et des projets peu rentables peuvent être accélérés au moyen d'investissements stratégiques de la part du gouvernement et d'organismes gouvernementaux, ainsi que de travaux d'amélioration du rendement énergétique.
Sur le campus, normalement, les travaux d'amélioration du rendement énergétique sont entrepris en fonction d'un cycle de trois à cinq ans. Les facteurs ayant eu la plus grande incidence sur ce cycle ont été : l'évolution de la situation financière; l'augmentation du prix de l'énergie, qui a rendu possibles des projets qui n'étaient pas rentables quelques années plus tôt; l'évolution de la technologie; les avancées technologiques qui ont réduit le coût de certaines mesures d'amélioration du rendement énergétique; ainsi que les nouvelles technologies qui ont offert de nouvelles possibilités sur ce plan. L'éclairage à DEL en est un exemple récent.
Les économies d'échelle sont entrées en ligne de compte comme le campus a pris de l'expansion et nous avons cherché à établir des partenariats avec d'autres établissements et intervenants. En investissant dans l'efficacité énergétique au moyen de programmes de vérification et d'amélioration du rendement énergétique, les gouvernements fournissent des possibilités aux utilisateurs finaux, y compris l'université.
L'UPEI cherche toujours à encourager l'innovation et la création d'emplois en utilisant de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques de durabilité et d'efficacité énergétique. C'est seulement en les distribuant sur une plus grande échelle que les fournisseurs pourront améliorer leurs produits et réduire les coûts pour les utilisateurs finaux. L'université peut se servir de sa taille pour influer sur ces changements. Ainsi, les programmes gouvernementaux qui versent des fonds dans l'efficacité énergétique aident l'établissement à faire ces investissements et à contribuer à l'innovation et à la création d'emplois.
De plus, l'université approuve et appuie l'amélioration continue du système de transport en commun de Charlottetown. En diminuant le nombre de véhicules qui circulent sur les routes locales, le service a réduit les émissions polluantes globales. Il commence également à influer sur les caractéristiques socioéconomiques de la ville; les étudiants, qui ont droit à un laissez-passer d'autobus à un prix réduit, ne se sentent plus obligés d'habiter près de l'université. De plus, le service fournit un mode de transport abordable aux personnes qui n'ont pas les moyens de s'acheter un véhicule. Le gouvernement doit absolument investir dans les transports en commun pour en assurer le succès à long terme.
Nous avons fait de grands progrès et apporté d'importantes améliorations sur le campus, mais il y a des défis à relever. Il n'existe pas de méthode normalisée pour mesurer et évaluer le rendement des bâtiments, que ce soit sur le plan des émissions de carbone ou de l'énergie. Il est impossible d'améliorer quelque chose qu'on ne peut pas mesurer de manière uniforme. Il faut un mécanisme public de production de rapports normalisé prévoyant des indicateurs clés de comparaison, et il faut que ce mécanisme soit fourni par un organisme fédéral fiable afin d'assurer l'uniformité à l'échelle nationale.
Nous devons faire tout le nécessaire pour que les mesures relatives à l'efficacité énergétique et à la durabilité soient les mêmes partout et non qu'elles soient prises isolément. Il revient au gouvernement de fournir le leadership et les ressources qui nous permettrons de changer la culture et les pratiques des générations d'aujourd'hui et de demain.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Ce matin, nous avons eu le plaisir et le privilège de déjeuner avec le premier ministre, et il a mentionné l'initiative prise non seulement par l'université, mais aussi par d'autres établissements d'enseignement dans le but de donner une plus grande masse critique au projet. Félicitations. C'est excellent.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous des données sur la réduction de consommation ou sur la conservation d'énergie que vous avez réussi à faire grâce à votre programme? Avez-vous des moyens de mesurer cela?
M. Taylor : Nous prenons des mesures avec les travaux actuels d'amélioration du rendement. Par le passé, nous ne disposions pas de bons instruments pour ce faire.
Nous avons commencé à installer ces instruments en 2007. Nous avons posé des compteurs électriques et des compteurs de chaleur beaucoup plus précis que ceux que nous avions auparavant. Avant, nous disposions de données mensuelles, ce qui n'était pas mal, mais maintenant, nous pouvons comparer des données prises toutes les 15 minutes dans tous les bâtiments du campus. Plus nous rénovons, plus nous pouvons quantifier de près nos résultats. Nous savons que nous avons économisé, mais nous ne pouvons pas associer un chiffre précis à nos économies.
Le sénateur Mitchell : Je pense que c'est l'UBC qui propose de construire le parfait édifice écoénergétique de pointe. Prévoyez-vous faire quelque chose du genre avec vos futurs travaux de construction?
M. Taylor : Nous avons incorporé un grand nombre de ces idéaux dans la construction déjà entreprise sur le campus. Je crois fermement que l'édifice le plus écologique qu'on peut construire, c'est celui qu'on n'a pas à construire. C'est, en quelque sorte et dans la mesure du possible, la philosophie que nous avons adoptée sur le campus, de maximiser l'utilisation des espaces que nous avons déjà, mais lorsqu'il faut bâtir un nouvel édifice, nous employons les toutes dernières technologies.
Le campus est alimenté à l'énergie géothermique. Nous sommes branchés au réseau de chauffage urbain. Si l'on compare ce réseau à l'électricité, ce qui n'est pas tout à fait juste parce qu'un établissement de la taille du nôtre se servirait probablement de mazout lourd comme source d'alimentation, la différence est d'environ 0,09 $ le kilowattheure. Nous paierions 0,09 $ le kilowattheure de plus pour chauffer le campus à l'électricité plutôt qu'au moyen du réseau de chauffage urbain, ce qui n'est pas négligeable. Avec le mazout, en fait, compte tenu du prix actuel, ce serait sûrement presque la même chose. La différence serait probablement de 0,06 $ ou 0,07 $ le kilowattheure. De ce point de vue, nous utilisons et exploitons au maximum cette technologie.
Nous avons aussi examiné nos édifices. Il n'y a pas de bâtiment certifié LEED sur le campus. D'après notre expérience, du moins sur la côte Est, nous avons constaté, lorsque nous avons entrepris de construire de tels bâtiments, que, souvent, l'argent qu'il faut investir pour obtenir la certification LEED ne correspond pas à l'amélioration de l'efficacité réalisée. Dans certains cas, il serait préférable de verser l'argent qui servirait à recevoir la certification LEED dans le bâtiment même. Nous avons pris des décisions stratégiques de ce genre sur le campus. Par exemple, récemment, nous avons appris qu'il faudrait payer environ 200 000 $ pour certifier un bâtiment LEED. À la place, nous avons décidé d'utiliser ces 200 000 $ pour doter l'édifice d'une installation de ventilation plus efficace.
Ce sont ce genre de décisions stratégiques visant à améliorer la conservation sur le campus que nous tentons de prendre. Nous essayons de changer la culture. On construit actuellement un bâtiment sur le campus, la nouvelle école de sciences infirmières. Il utilisera le réseau de chauffage urbain.
En outre, nous minimisons le refroidissement du bâtiment selon l'usage qu'on en fait. Nous utilisons des matériaux qui émettent peu de COV afin de réduire la ventilation requise. Nous tentons d'avoir recours à la ventilation sur demande afin de pouvoir la manipuler en fonction des heures au cours desquelles le bâtiment est occupé.
Aujourd'hui, nous prenons de telles mesures à l'échelle du campus. Il y a deux ans, nous nous sommes interrogés sur les raisons pour lesquelles nous laissions 14 ou 15 de nos 22 bâtiments ouverts le soir alors que nous offrions seulement 10 ou 12 cours. Nous avons déménagé les cours dans deux ou trois bâtiments et nous avons fermé les autres.
C'est en apportant de simples changements de ce genre, comme l'exemple de coopérative présenté plus tôt, que nous avons réussi à économiser autant. Normalement, il s'agit de petits changements opérationnels faciles à effectuer.
Pour la dernière vérification que j'ai mentionnée, nous nous concentrerons principalement sur les technologies de l'utilisateur final. Nous nous penchons sur des choses comme de nouvelles techniques d'éclairage. Nous avons adopté une nouvelle norme d'éclairage sur le campus dans le but de réduire le flux lumineux nécessaire à des endroits particuliers. Par exemple, à certains endroits, nous éclairions auparavant à un taux allant jusqu'à 75 ou 100 lumens, et nous réduisons cela à environ 30 lumens. Les gens n'ont pas moins de lumière pour faire leur travail, mais cette mesure nous permet de réduire notre charge d'éclairage de 50 p. 100. Nous utilisons 50 p. 100 moins de lumière pour fournir, normalement, le même éclairage dont les gens ont besoin pour accomplir leurs tâches quotidiennes.
Dans ce cas-là, plutôt que de faire des investissements considérables, nous enlevons et nous baissons des choses. Je présume que cette mesure se classe dans la catégorie des « solutions faciles ».
Les détecteurs de mouvement occupent aussi une place importante dans les derniers travaux d'amélioration du rendement énergétique que nous avons entrepris. On les utilise beaucoup dans nos nouveaux bâtiments. Nous avons des édifices de tous les âges, de zéro à plus de cent ans. Au fil des années, nous avons tenté de rationaliser cette gamme d'âges et de technologies, et c'est là une des mesures que nous avons prises en ce sens.
Le sénateur Mitchell : Vous pouvez imaginer à quel point nous réduirions le déficit du gouvernement si nous faisions de même dans les édifices fédéraux du pays.
M. Taylor : Il y en a un exemple parfait ici à Charlottetown : l'immeuble Jean-Canfield. Nous nous en servons comme modèle pour concevoir les bâtiments du campus. Cet immeuble est doté de certaines des toutes dernières technologies durables. Par exemple, il utilise le plus possible des méthodes de ventilation naturelle plutôt que mécanique. Il est équipé d'une installation de ventilation mécanique, mais un puits central fait fonction de cheminée naturelle, ce qui pousse spontanément l'air à monter, créant ainsi un courant à l'intérieur du bâtiment. Il faut donc un nombre réduit de ventilateurs et d'installations mécaniques. Je vous parle d'un édifice fédéral.
Il y a aussi des panneaux solaires sur le toit, qui produisent, je crois, 240 kilowatts. De plus, il y a une citerne dans le sous-sol pour les eaux grises. Toutes les toilettes de l'immeuble sont alimentées au moyen des eaux grises, des eaux usées ou recueillies au moyen de gouttières.
En combinant toutes les technologies existantes d'une nouvelle façon dans un seul immeuble, on crée un bâtiment très efficace.
L'UBC travaille avec le même genre de technologies et elle a fait beaucoup de choses semblables. J'ai visité quelques- uns de ses bâtiments, les bâtiments avancés qui ont été construits sur le campus; ils sont équipés des mêmes types de technologies.
Le président : Avez-vous des bâtiments qui ont de la pelouse sur le toit?
M. Taylor : Nous en avons un. Le Collège vétérinaire de l'Atlantique est muni d'un toit vert. Il a été construit probablement avant que les toits verts deviennent à la mode, en 1985. Il est encore là. L'été et au début de l'automne, les gens dînent sur le toit de la structure. Il est facilement accessible.
Le sénateur Peterson : L'université compte-t-elle un département de génie et de sciences, où les étudiants diplômés peuvent participer à l'élaboration de stratégies d'efficacité énergétique?
M. Taylor : Nous offrons un programme de génie. L'UPEI donne les trois premières années d'un diplôme en génie, après quoi les étudiants vont soit à l'UNB, soit à l'Université Dalhousie pour le terminer. La raison pour laquelle nous procédons de la sorte, c'est qu'il est très coûteux de donner et de faire agréer un programme de génie complet de quatre ou cinq ans. En raison du nombre d'étudiants qu'il y aurait à l'Île-du-Prince-Édouard, on ne pouvait justifier l'offre d'un tel programme, car il faudrait enseigner plusieurs domaines d'ingénierie. Par ailleurs, nous avons un département de biologie, qui travaille de près avec notre grand département d'études de l'environnement. Nous collaborons continuellement avec les départements de génie et d'études de l'environnement à l'amélioration de ce genre de choses, que le travail soit centré sur la technologie ou sur l'utilisateur final.
Le sénateur Peterson : Vous avez dit que vous aviez des laissez-passer d'autobus pour les étudiants. Offrez-vous aussi un service d'autobus spécial à destination de l'université?
M. Taylor : Le service d'autobus est géré par une entreprise privée. C'est Trius Transit qui dirige le service d'autobus de Charlottetown. Le réseau dessert toute la ville. Les étudiants obtiennent le laissez-passer à un prix réduit — je crois que c'est 25 $ par semestre —, ce qui leur permet de prendre l'autobus un nombre illimité de fois durant le semestre.
Le Collège Holland, qui se trouve tout près d'ici, veut faire quelque chose de semblable.
Cette structure de prix assure un peu plus la stabilité à long terme de la société de transport. Elle lui donne un flux de rentrées sur lequel elle peut compter. Les autobus qui arrivent à l'université le matin sont bondés. N'oubliez pas qu'il n'y avait pas de service d'autobus à Charlottetown il y a cinq ans; c'est donc assez impressionnant que la société de transport ait réussi à en arriver à ce point.
Le sénateur McCoy : Vous dites qu'il faut un mécanisme public de production de rapports normalisé prévoyant des indicateurs clés de comparaison. Qu'entendez-vous par là?
M. Taylor : Nous pouvons nous comparer à nous-mêmes, mais nous ignorons si l'évaluation est juste lorsque nous considérons la possibilité d'investir dans de futurs travaux d'efficacité énergétique.
Nous nous sommes comparés à d'autres établissements canadiens, ceux qui nous ont fourni les données pertinentes. Il n'existe pas de système normalisé, vérifié et géré par un tiers auquel nous pouvons nous fier pour déterminer dans quel état le bâtiment devrait être. Voici l'état dans lequel il est; voilà l'état dans lequel il devrait être. Notre rendement est-il meilleur ou pire? Un tel mécanisme nous aiderait à prendre des décisions stratégiques par rapport aux fonds que nous devrions placer dans l'efficacité énergétique. Devrions-nous investir dans le bâtiment A ou le bâtiment B? Comment pouvons-nous tirer le maximum de chaque dollar que nous investissons pour réduire notre consommation?
Le sénateur McCoy : Vous avez décrit l'utilité d'un tel modèle. À quoi ressemblerait-il exactement?
M. Taylor : La plupart de ceux que nous avons vus évaluent soit l'énergie par unité de surface — on pourrait donc comparer des gigajoules à...
Le sénateur McCoy : Y a-t-il des modèles déjà établis que vous pourriez suivre?
M. Taylor : Il y en a quelques-uns. Par exemple, la norme LEED repose sur des normes énergétiques qui imposent des taux de consommation d'énergie et des objectifs. Nous pouvons souvent nous fier à ce modèle. C'est difficile pour le secteur institutionnel parce que nous sommes comme des municipalités miniatures; nos campus sont composés de différents types de bâtiments. Par exemple, c'est très difficile pour nous de comparer notre hôpital vétérinaire aux résidences, à un édifice d'enseignement ou à un complexe sportif.
C'est un peu différent si vous êtes, par exemple, un exploitant immobilier qui gère 15 centres commerciaux. Dans ce cas, vous pouvez prendre vos 15 centres commerciaux et les comparer les uns aux autres, en tenant compte de variables comme le lieu et ce genre de choses. Toutefois, c'est beaucoup plus difficile pour nous si nous avons, disons, un seul hôpital d'enseignement vétérinaire. À quoi pouvons-nous le comparer? Il faudrait que ce soit à d'autres hôpitaux d'enseignement vétérinaire, mais il y en a seulement quatre au Canada.
Nous essayons de le comparer à d'autres hôpitaux et institutions médicales qui nous semblent similaires pour tenter de voir s'il est là où il devrait l'être, si son état est acceptable. Nous cherchons toujours à investir dans la réduction de la consommation, mais un mécanisme ciblé nous aiderait à prendre de meilleures décisions stratégiques à long terme par rapport à nos investissements.
Le sénateur McCoy : Prenons l'exemple de l'hôpital vétérinaire. Vous dites que vous vous comparez à un hôpital. Où obtenez-vous les données de l'hôpital?
M. Taylor : Cela dépend de l'hôpital et des territoires qui permettent la divulgation des données. Il arrive parfois qu'on rencontre par hasard, dans le cadre d'un salon commercial, une personne qui a ses données en main et qui cherche quelqu'un avec qui les comparer. Au Québec, les universités doivent publier annuellement leurs chiffres relatifs à l'efficacité énergétique. Nous les utilisons parfois comme points de référence fiables.
Nous avons visité l'Université Concordia à Montréal. Ses représentants nous ont fourni leurs statistiques relatives à l'utilisation d'énergie par unité de surface donnée ou aux gigajoules par mètre carré. Ils sont évalués là-dessus au Québec et ils doivent divulguer ces renseignements. En discutant avec des établissements québécois, nous avons découvert que cette obligation les pousse à faire tout leur possible pour diminuer leurs taux de consommation.
Un système de ce genre pourrait faire toute une différence. Si les gens devaient rapporter leurs taux de consommation, ils auraient aussi à expliquer pourquoi ces taux sont élevés. Ils seraient donc motivés à réduire leur consommation pour éviter d'avoir à répondre à des questions à ce sujet.
Le sénateur McCoy : L'Office de l'efficacité énergétique, au fédéral, ou la CSA, par exemple; serait-ce ce genre d'endroits?
M. Taylor : Des organismes de normalisation, oui.
Le sénateur Lang : Quelle somme a été investie dans votre système énergétique, celui qui touche les déchets solides et la biomasse ligneuse renouvelable? Combien de temps faudra-t-il pour la rembourser en termes réels? J'aimerais aussi que vous nous décriviez le système. Parlez-vous de remplacer la décharge quand vous parlez d'éliminer les déchets solides?
M. Taylor : Oui, en fait, le système a été conçu par le gouvernement provincial au milieu des années 1990. À l'époque, il y avait trois systèmes centralisés distincts. Il y en avait un à l'université, qui alimentait l'université. Le deuxième était au Collège Holland, ici dans le centre-ville de Charlottetown. Je sais qu'il y en avait un troisième, mais je ne sais pas exactement où il était situé.
À l'époque, le gouvernement a décidé de les rationaliser et de les rassembler. Il a donc bâti l'usine de traitement située tout près d'ici, sur Riverside Drive. L'usine est dotée de quatre incinérateurs de déchets solides; elle utilise donc les déchets urbains qui proviennent principalement de partout dans la province.
L'usine fonctionne en parallèle avec le programme provincial Waste Watch. Ainsi, tous les déchets compostables, les produits de papier et les matières recyclables sont retirés d'abord, et ce qui reste est envoyé aux quatre incinérateurs principaux. L'usine produit, à partir de déchets solides, environ 40 p. 100 de l'énergie qu'elle utilise.
La deuxième source d'alimentation est les produits ligneux, en particulier les copeaux et la sciure de bois. Avant, deux ou trois scieries situées sur l'Île-du-Prince-Édouard fournissaient ces matériaux, mais malheureusement, elles ont fermé dans les dernières années. Par conséquent, aujourd'hui, on doit les faire venir de l'extérieur de la province. L'usine produit ainsi un autre 40 p. 100, approximativement, du total de l'énergie qu'elle utilise.
Le reste est généré, principalement en cette période de l'année, par du mazout. L'usine utilise une chaudière située sur les lieux et des chaudières supplémentaires qui se trouvent sur le campus de l'UPEI. C'est le gouvernement provincial qui a versé les fonds initiaux pour que le système soit mis en place, après quoi il l'a confié à une entreprise privée, en 1997 je crois. Depuis, il a changé de mains deux ou trois fois, mais il est demeuré dans le secteur privé.
Depuis 1997, le secteur privé a investi dans l'usine pour l'agrandir et bonifier les avantages offerts aux utilisateurs finaux. Je n'ai pas les chiffres relatifs au remboursement ou à l'entente conclue lors du transfert. Je ne sais pas si l'organisme privé a acheté l'usine au gouvernement provincial ou comment on a procédé, mais c'est grâce à des investissements considérables du gouvernement provincial que tout cela s'est produit.
Les services publics coûtent à peu près 5 millions de dollars par année à l'UPEI, ce qui équivaut à environ 5 p. 100 de son budget total de fonctionnement. Dans d'autres établissements, surtout ceux du Québec, de l'Ontario et de plus loin dans l'Ouest, la moyenne est plus près de 2 à 2,5 p. 100. Nos frais sont considérablement plus élevés. Vous avez sûrement entendu dire, dans les derniers jours, que les prix sont bien plus hauts dans le Canada atlantique. L'an dernier, l'électricité sur le campus nous a coûté en moyenne environ 0,15 $ le kilowattheure. Nous utilisons beaucoup d'électricité. Nous faisons beaucoup de recherche. Nous avons un hôpital d'enseignement vétérinaire. Vous verrez peut-être peu des mesures que nous prenons dans d'autres établissements, mais pour nous, elles sont justifiées sur le plan financier. Lorsque le prix est aussi élevé, il est logique de faire certaines des choses que nous faisons, ce qui n'est peut-être pas le cas pour un établissement qui paye 0,05 $, 0,06 $ ou 0,07 $ le kilowattheure.
Le président : Monsieur Taylor, merci de votre présence.
Nous avons encore deux témoins à entendre. M. Matthew McCarville comparaît à titre personnel. Nous accueillons également M. Tony Reddin, coordonnateur de projets, Énergie, Environmental Coalition of Prince Edward Island.
Tony Reddin, coordonnateur de projets, Énergie, Environmental Coalition of Prince Edward Island (ECO-PEI) : Je suis accompagné d'un autre membre du comité d'ECO-PEI, Kirk Brown.
Il y a maintenant 30 ans que je travaille à des dossiers relatifs à l'énergie et à l'environnement, tant à l'échelle locale que régionale. Je fais aussi du travail de sensibilisation dans les écoles et ailleurs.
ECO-PEI, ou l'Environmental Coalition of Prince Edward Island, est un groupe d'action communautaire qui a été mis sur pied en 1988. Notre objectif est de former des partenariats pour comprendre et améliorer l'environnement de l'Île-du-Prince-Édouard.
Dans le cadre de notre projet énergétique, qui fait de nous un membre de l'Atlantic Canada Sustainable Energy Coalition, nous avons publié plusieurs documents, notamment, en 2007, celui intitulé Pathways to Sustainable Energy Prosperity on Prince Edward Island, qui contenait des recommandations importantes à l'égard de la politique énergétique provinciale. Nombre d'entre elles ont été suivies dans l'élaboration des stratégies énergétiques de la province.
D'abord, je tiens à remercier le comité permanent de promouvoir cette discussion importante sur la stratégie canadienne d'énergie durable. Votre document de travail, que je n'ai pas eu le temps d'étudier très attentivement, est un outil précieux, et nous vous remercions des efforts que vous déployez pour faire participer les Canadiens à ces dossiers. J'ai remarqué, en particulier, que l'un des objectifs était de trouver des moyens de faire intervenir les Canadiens, ce qui est essentiel.
Je ne vais pas répéter les propos que vous avez entendus maintes fois, j'en suis sûr, à savoir que notre abus irresponsable des combustibles fossiles cause de la souffrance humaine sur une grande échelle et des crises climatiques, et qu'il détruit les ressources et la beauté naturelles de notre planète.
Vous avez mentionné plus tôt que vous aviez entendu peu de choses au sujet du stockage de l'électricité, en particulier de l'énergie générée par les éoliennes, et des solutions à cet égard. Une solution serait de stocker l'énergie sans piles, par exemple, d'utiliser les surplus d'électricité pour chauffer de l'eau, des briques en céramique ou une autre matière qui stockerait la chaleur et qui la libérerait quand il y a moins de vent et la demande d'électricité est plus élevée. Un autre exemple serait d'utiliser le surplus d'électricité pour refroidir excessivement les congélateurs; ainsi, quand moins d'électricité est disponible, les congélateurs resteraient froids et n'auraient pas à fonctionner pendant que la demande est haute. Il y a aussi d'autres solutions, comme mettre de l'air ou des liquides sous pression pour récupérer l'énergie au moment où on en a besoin. On peut également exploiter au maximum le vent en changeant la pointe. M. Younker pourrait vous en dire plus à ce sujet; il l'aurait fait si vous lui aviez posé la question.
Ce ne sont là que des programmes qui encourageraient les gens à utiliser l'électricité lorsque la demande est faible et l'offre abondante, et qui les récompenseraient de ce faire. Normalement, cela signifierait que le prix serait moins élevé la nuit ou à d'autres moments, comme lorsqu'il y a un surplus d'énergie éolienne. Je voulais simplement ajouter ces solutions à vos délibérations.
J'aimerais aborder d'autres points que je n'ai pas vus dans votre document de travail; pardonnez-moi s'il y a des choses que j'ai manquées. La plupart des questions dont je veux parler sont liées à un examen de nos valeurs canadiennes. À mon avis, la stratégie canadienne de l'énergie durable doit reposer d'abord et avant tout sur une étude de nos valeurs.
Premièrement, il y a le choix d'utiliser moins d'énergie, toutes sources confondues. C'est presque une question d'attitude : choisir de trouver comment réduire notre consommation — pas comment utiliser plus efficacement ce que nous employons déjà, mais comment faire en sorte que notre consommation ne soit tout simplement pas aussi élevée. Cela est essentiel si nous voulons réduire notre consommation de combustibles fossiles et nos émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu'éviter d'autres catastrophes économiques et climatiques. La question que vous posez dans le document de travail est la suivante : « À quelles fins le Canada a-t-il besoin d'énergie et de combien d'énergie a-t-il besoin? » Ma réponse serait que nous avons besoin de beaucoup moins d'énergie que ce que nous utilisons, et surtout beaucoup moins que ce que nous gaspillons.
À un autre égard, j'aimerais paraphraser Gandhi pour dire qu'il y a assez d'énergie solaire pour satisfaire les besoins de tous, mais non pour assouvir l'avidité de chacun. Les ressources de la Terre sont limitées, comme nous le savons tous, et ce principe s'applique à la réalisation de tout projet énergétique, qu'il soit lié ou non à l'énergie renouvelable.
Jusqu'à ce que chaque décision politique prise au Canada commence par la question « comment pouvons-nous faire cela en utilisant moins ou pas du tout de combustibles fossiles? », nous sommes voués à continuer de détruire la planète. Est-ce le choix que nous voulons faire? Bien sûr que non. Actuellement, notre économie marche aux combustibles fossiles, à une surconsommation de ressources et à une croissance incessante visant à augmenter le PIB. Il faut transformer radicalement notre économie pour qu'elle ne dépende plus des combustibles fossiles. Plus tôt nous passerons à une économie durable, moins le changement sera pénible et coûteux.
Pour y arriver, tous les paliers de gouvernement devront faire preuve de courage et de leadership; ils devront inspirer les Canadiens, donner l'exemple et coopérer. Les programmes pratiques visant à réduire les émissions dues aux combustibles fossiles et à augmenter l'efficacité énergétique ne sont que les premières étapes du combat contre les mauvaises habitudes liées à l'économie de croissance.
En outre, nous devons rejeter les projets d'exploitation de combustibles fossiles qui mettent en danger les eaux et les côtes canadiennes, comme le forage dans le golfe Saint-Laurent. Je vous renvoie à l'excellent exposé donné à Halifax par Gretchen Fitzgerald du Sierra Club, qui comptait 10 raisons bien énoncées de protéger le golfe.
Bien sûr, je ne dis pas que nous devrions cesser d'utiliser des combustibles fossiles dès aujourd'hui, mais nous devons continuellement chercher à réduire notre consommation et à faire preuve de créativité pour nous libérer le plus vite possible des combustibles fossiles. Pour ce, nous devons toujours être attentifs à nos actions et aux choix que nous faisons, tant en ce qui touche les décisions à long terme d'une grande portée que prennent les dirigeants politiques, que les choix que chacun de nous effectue quotidiennement. Par exemple, on aurait pu avoir recours au moins partiellement à la vidéoconférence pour tenir une séance comme celle-ci; on peut rassembler les gens en utilisant efficacement la technologie existante, ainsi que peu d'électricité et d'autres sources d'énergie. Je sais que c'est un défi, mais j'espère que nous réussirons à le relever.
Aussi, la pièce et l'édifice dans lesquels nous nous trouvons, aussi agréables soient-ils, seraient confortables — et probablement plus sains — même s'il y faisait plus frais. Il en va de même, en réalité, pour nos lieux de travail et nos foyers.
Le deuxième point que j'aimerais aborder, c'est le fait que les jeunes, qui représentent l'avenir, bien sûr, doivent être inclus dans les discussions et les décisions de planification stratégique. La question qui se pose est comment faire. Eh bien, en leur demandant quel rôle ils veulent jouer, puis en les écoutant, et en nous mettant au défi de leur donner l'exemple, un exemple qui les remplira d'espoir et non de cynisme. Pour faire participer les jeunes au processus décisionnel de la société, il faut absolument bien financer les écoles et les programmes comme Katimavik, qui donnent aux jeunes l'occasion d'explorer des enjeux et d'en discuter, ainsi que de travailler au sein de la collectivité.
Je mentionnerais en passant que le programme de durabilité mené à l'UPEI — et en fait au sein de nombre d'autres universités — que David Taylor vient de décrire découle des initiatives prises par la Coalition jeunesse Sierra, un organisme national dirigé par des jeunes.
Les jeunes n'attendent même pas qu'on fasse appel à eux. Ils ont beaucoup d'initiative, mais leur contribution pourrait être encore plus grande si nous leur demandions de participer.
Le troisième point concerne l'agriculture et les moyens de produire de bons aliments sans avoir recours aux combustibles fossiles. Bien sûr, la nourriture répond à un besoin fondamental, mais les méthodes agricoles canadiennes utilisent beaucoup de carburant et ne semblent pas être sur le point de changer. Un autre aspect de la question est la pénurie d'agriculteurs — la moyenne d'âge des agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard est presque de 60 ans — et les difficultés que les jeunes doivent surmonter pour entrer dans le métier. En même temps, les exploitations agricoles et le sol pourraient jouer un rôle très précieux dans le stockage de l'excédent de carbone que nous avons mis dans l'air. En effet, on pourrait augmenter la teneur en matière organique du sol. De façon générale, le sol a perdu d'énormes quantités de carbone au fil des années en raison de l'exploitation agricole intensive, mais cet effet pourrait être renversé et le sol pourrait contenir et isoler encore plus de carbone qu'à l'origine. Nous devons trouver des moyens de récompenser les agriculteurs de rendre ce service à la société. Nous devons aussi trouver des façons d'empêcher l'aménagement et l'asphaltage des terres agricoles. L'asphaltage représente peut-être aussi un moyen d'isoler le carbone, mais il est nettement moins efficace que le dépôt de matière organique dans le sol.
En outre, les fiducies foncières agricoles pourraient aider à régler ces problèmes. C'est une autre solution qui permettrait de préserver les terres, de récompenser l'emploi de méthodes agricoles biologiques et de donner des options abordables aux jeunes pour qu'ils deviennent agriculteurs. Bien sûr, tout cela est lié aux enjeux énergétiques.
Le quatrième point est que les accords commerciaux et énergétiques du Canada doivent être négociés de façon à servir les intérêts de la population et non des grandes entreprises. Nous savons tous que, par définition, les entreprises ont le mandat de maximiser leurs profits. Normalement, on entend par là les profits à court terme, et cet objectif signifie qu'on encourage le libre-échange non réglementé, peu importe ce qu'il en coûte aux êtres humains et à l'environnement. Ce sont tout simplement les réalités de la vie. Le principe du libre-échange doit être remplacé par celui du commerce équitable.
L'économie canadienne continuera à marcher aux combustibles fossiles tant que nous dépendrons autant de l'exportation de ces produits aux États-Unis. L'ALENA doit être modifié de façon à encourager la conservation des deux côtés de la frontière.
On doit pour le moins limiter l'exploitation pétrolière en empêchant l'expansion des sables bitumineux jusqu'à ce que l'on détermine s'il existe de meilleures façons de répondre à nos besoins énergétiques.
Le Canada atlantique a déjà commencé à collaborer avec les États de la Nouvelle-Angleterre pour fixer des objectifs visant à réduire les émissions provenant des combustibles fossiles. Nous devons élaborer des stratégies créatives pour utiliser les nouvelles sources d'énergie renouvelable afin de nous affranchir de notre dépendance aux combustibles fossiles. Par exemple, il faut avoir recours à l'énergie hydroélectrique, notamment celle générée par le projet de centrale des chutes Muskrat au Labrador, pour équilibrer et optimiser l'utilisation de l'énergie éolienne dans un réseau régional.
Le cinquième et dernier point concerne l'énergie nucléaire, dont on fait état dans le document de travail, les conclusions duquel nous n'approuvons d'ailleurs pas. Nous sommes d'avis que les centrales nucléaires sont inutiles, dangereuses et peu rentables. Les coûts et les risques énormes qui y sont associés n'en font pas une bonne solution. En outre, elles puisent dans des ressources qui pourraient être consacrées à la recherche de solutions solaires plus sûres, recherche qui progresse tous les jours dans le monde entier. Les Canadiens pourraient aisément profiter de l'incroyable diversité de nouveaux projets d'énergie solaire mis en œuvre un peu partout dans le monde.
Je récapitule : premièrement, il est essentiel, pour éviter d'autres catastrophes économiques et climatiques, de réduire la consommation d'énergie provenant de toutes les sources. Deuxièmement, il faut inviter les jeunes à prendre part aux discussions et aux décisions portant sur la planification de stratégies. Troisièmement, il faut trouver des moyens de pratiquer une agriculture sans combustibles fossiles. Quatrièmement, il faut négocier des accords commerciaux et énergétiques qui serviront les intérêts des Canadiens et non des entreprises. Cinquièmement, l'énergie nucléaire est inutile, dangereuse et peu rentable.
Je vous demande de donner un nouvel essor à la stratégie canadienne sur l'énergie renouvelable, tout en gardant à l'esprit ces points. Incarnez pour tous les Canadiens un modèle de dévouement à la cause — car il s'agit bien d'une cause; nous parlons bel et bien d'un vrai changement de valeurs — en réorientant les ressources financières que vous gérez vers la recherche de solutions à la crise climatique et énergétique.
En conclusion, j'espère que nos enfants se souviendront de nous pour la beauté que nous aurons préservée et non pour l'argent que nous aurons gagné.
Je répondrai maintenant à vos questions.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Reddin, vous avez en quelque sorte décrit l'envers de la médaille. Votre message est vraiment très convaincant.
Au sujet du quatrième point que vous soulevez, sur les techniques agricoles, je tiens à préciser que l'Alberta a mis en œuvre un programme de plafonnement et d'échange qui se situe quelque part entre l'échange de droits d'émission et de crédits compensatoires. Mis en œuvre par le gouvernement du premier ministre Stelmach, il est le premier programme du genre en Amérique du Nord. Mais il n'est pas assez bon, car il se fonde sur l'intensité. Il s'agit néanmoins d'un premier pas dans la bonne direction. Les agriculteurs acquièrent des crédits approuvés et les vendent à TransAlta jusqu'à ce que celle-ci atteigne son plafond. Je crois qu'il existe 21 méthodes approuvées permettant aux agriculteurs de capter du dioxyde de carbone.
M. Reddin : Y compris les matières organiques stockées dans le sol?
Le sénateur Mitchell : Tout cela, oui. Il existe 14 façons, je pense, de capter le dioxyde de carbone issu de l'élevage du bétail et sept pour le CO2 produit par la culture des céréales, ou vice-versa.
Cela m'amène à ma question sur les crédits et les marchés de carbone. Je crois qu'ils ont leur place, qu'ils pourraient nous aider à trouver une solution intéressante. À titre d'exemple seulement, grâce à Kyoto, si on en avait fixé le prix à 20 $ la tonne sur les marchés européens, cela nous aurait rapporté environ 5 milliards de dollars par année. Cela n'aurait pas ruiné l'économie canadienne, malgré ce qu'en disent certains, en l'occurrence ceux qui ne veulent pas se lancer dans l'aventure. Tout cet argent, si nous avions mis en œuvre un tel programme ici, aurait pu aller aux agriculteurs et aux entreprises. Bon, je suis incapable d'arrêter de parler.
Que pensez-vous des crédits et des marchés du carbone, de ce genre de choses?
M. Reddin : Je suis d'accord avec vous. C'est la meilleure façon de financer les programmes d'efficacité énergétique et les autres programmes qui nous permettront de cesser de consommer des combustibles fossiles, ce qui arrivera un jour parce que ceux-ci coûteront de plus en plus cher. Ces crédits et ces marchés représentent une autre façon d'y arriver beaucoup plus facilement.
Le sénateur Mitchell : Vous avez rapidement répondu à la question. Or, j'aimerais que vous entriez un peu plus dans les détails. J'ai l'ai souvent dit, et je sais que mes collègues sont fatigués de me l'entendre dire, mais je le répète : nous n'avons pas besoin de nouvelles technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre; nous avons plutôt besoin de nouvelles technologies pour convaincre la population qu'elle doit réduire ses émissions. Vous avez fait allusion à l'éducation des jeunes, en l'occurrence ceux de Katimavik. Je pense que vous avez mentionné qu'il fallait financer les écoles. Voilà une partie du problème. Il faut changer les mentalités, surtout chez les gens qui votent pour des gouvernements qui estiment ne pas avoir suffisamment de marge de manœuvre ou de capital politique pour faire ce qu'ils doivent faire. C'est ce qu'on constate pour les formes de construction écologique les plus fondamentales et les plus simples, comme les éoliennes. Les gens y résistent et invoquent des problèmes de santé et d'autres raisons injustifiables à mon avis.
M. Reddin : Un bon exemple est le Danemark, je pense — M. Brown pourra nous le confirmer —, où le développement de l'énergie éolienne se fait surtout à l'échelle communautaire. Est-ce en Allemagne ou au Danemark?
Kirk Brown, membre du Comité consultatif du projet d'énergie d'ÉCOPEI, Environmental Coalition of Prince Edward Island (ECO-PEI) : Au Danemark.
M. Reddin : La population s'y est peu opposée, car elle était partie prenante des décisions, et les contretemps ont été bien gérés. Je pense qu'il est important de faire participer les gens aux décisions.
Vous avez raison, ce n'est pas facile. C'est tout un défi, mais ce n'est pas une raison pour ne pas le faire.
Le sénateur Mitchell : Il ne suffit pas simplement d'exercer des pressions sur les gouvernements, il faut aussi faire pression sur la population.
Le sénateur McCoy : J'ai demandé à un autre intervenant d'expliquer brièvement les répercussions sur l'environnement d'un projet d'aménagement hydroélectrique de grande envergure. Je serais curieuse de connaître votre opinion là-dessus. Je vous invite à nous en faire part, si vous le pouvez.
M. Reddin : Je ne prétends pas avoir des connaissances spécialisées dans ce domaine ni avoir pris part à bien des études sur le sujet. Le principal problème des barrages hydro-électriques est bien entendu la destruction et l'inondation de vastes territoires auxquelles ils donnent lieu. Il est toujours question aussi de la durée de vie des barrages. Le limon les envahit tous un jour ou l'autre; certains sont mieux conçus et y résistent mieux, mais aucun n'y échappe entièrement. L'autre problème, c'est l'investissement colossal qu'il faut réaliser. Fait-on le meilleur choix? L'efficacité énergétique permettrait-elle de résoudre les mêmes problèmes à moindre coût? En d'autres mots, nous pourrions peut- être obtenir de meilleurs résultats en mettant en œuvre des programmes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie plutôt qu'en mettant tous nos œufs dans un seul grand panier.
Bien sûr, ces projets soulèvent d'autres problèmes : à qui appartient le territoire utilisé et l'inonder est-il le meilleur usage qu'on puisse en faire? Il est aussi question des corridors de transport et, encore une fois, du vaste territoire qu'il faut utiliser à cette fin. Il faut même examiner très attentivement la somme d'énergie nécessaire pour la construction d'un barrage, la mise en œuvre d'un projet d'une telle ampleur demandant une énorme quantité d'énergie.
M. Brown pourrait probablement vous en dire plus.
M. Brown : Un autre aspect important dont il faut tenir compte, c'est la capacité des barrages et de l'eau retenue par ceux-ci d'agir comme des batteries. Elles ont tendance à compenser l'énergie éolienne et ne servent que lorsque le vent souffle et non pas quand on en a besoin. Ce sont des batteries, bref. Puisque nous en parlons, j'essaie depuis un certain temps déjà de convaincre la province de faire quelque chose à propos des barrages néo-écossais et néo-brunswickois. Il faut étudier attentivement la situation. Parfois, cela fonctionne, parfois, non.
Le sénateur McCoy : Un des sujets dont je vous ai au moins entendu parler concerne une démarche systémique visant à analyser nos besoins et la meilleure façon de les satisfaire, ainsi qu'à déterminer si l'on doit établir des comparaisons entre plusieurs plateformes. Je crois percevoir ce genre de considérations dans votre discours. Ai-je raison?
M. Reddin : Oui. Pour moi, il ne s'agit pas seulement de savoir comment nous allons nous approvisionner en énergie, mais aussi comment notre société sera gérée. La crise sévit déjà. Le Canada est chanceux d'y avoir échappé jusqu'à maintenant. Je fais allusion aux phénomènes climatiques extrêmes, qui sont incontestables et qui se produisent chez nous aussi, mais aussi de leurs conséquences sur les gens qui n'ont pas les moyens de se protéger. Visiblement, d'autres pays en souffrent beaucoup. Il faut décider comment nous allons gérer notre société. Le problème tient en grande partie au fait que l'on utilise des ressources qu'on ne devrait pas vraiment utiliser et qu'on devrait plutôt laisser aux générations futures.
Le sénateur Brown : J'ai écouté avec intérêt votre exposé, monsieur Reddin. Vous avez décrit à grands traits une foule de problèmes, mais vous n'avez échafaudé que très peu de solutions. Cela étant dit, j'aimerais parler des coûts de l'agriculture. Je m'y connais un peu en la matière, ayant travaillé dans le domaine pendant près de 50 ans.
Les agriculteurs ne sont pas syndiqués. Ce n'est qu'en mettant sur pied de grandes exploitations qu'on peut recouvrer les coûts investis. Je vous donnerai seulement un exemple : celui des moissonneuses-batteuses. Quand j'étais adolescent, mon père en a acheté deux d'occasion. Je pense que l'une avait coûté 800 $ et l'autre, 500 $. Il a passé beaucoup de temps à les réparer, et moi, à les conduire et à les lui ramener pour qu'il les répare de nouveau. J'ai acheté ma première moissonneuse-batteuse après l'université. Je l'avais payée 38 000 $ et elle avait deux ans. Une flambant neuve aurait coûté 58 000 $. Avant de délaisser l'agriculture, il y a 10 ans, je me suis procuré une moissonneuse- batteuse pour un peu plus de 200 000 $, et encore, elle n'était munie que d'un bec cueilleur faucheur. Il aurait fallu que je paye 50 000 $ de plus pour avoir un bec cueilleur ramasseur.
Je siège maintenant à un comité consultatif afin d'informer le ministère et M. Harper des coûts actuels de l'agriculture. J'ai interrogé mes voisins quelques mois avant Noël pour savoir combien ils devaient dépenser. J'ai été un peu surpris. Une moissonneuse-batteuse John Deere coûte près de 450 000 $. En ajoutant quelques ramasseurs, un bec cueilleur faucheur et un bec cueilleur ramasseur, la facture monte à plus d'un demi-million de dollars. Voilà une des conséquences qu'a entraînée la syndicalisation des employés : les coûts augmentent chaque fois qu'on négocie avec l'usine. La même chose s'est produite dans le secteur automobile. Je suis convaincu que vous êtes plus au fait de l'augmentation du prix des voitures au fil des ans que de celui de la machinerie agricole. Je vous dirais que les aliments provenant de l'agriculture biologique coûtent beaucoup plus cher parce qu'ils sont produits dans de très petites exploitations qui emploient beaucoup de main-d'œuvre. Je vous serais très reconnaissant si vous nous proposiez un moyen de régler ce problème.
M. Reddin : J'aimerais bien. Je comprends ce que vous dites et j'en suis stupéfait. Un Terre-Neuvien me racontait il n'y a pas si longtemps qu'il avait vendu un tracteur, un Cub International je pense, pour 3 000 $ ou 4 000 $. Je lui avais dit : « Vous ne devez pas en vendre beaucoup dans cette province. » Il m'avait répondu : « Ces petits Cub sont équipés d'un moteur de 20 chevaux-vapeur. On pourrait en vendre 40 ou 50. » Mais il n'y a pas autant d'agriculteurs à Terre- Neuve, ou disons qu'il n'y en a plus autant.
Nous sommes certes rendus au point où il est très difficile de posséder une petite exploitation agricole. Les exploitations agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard sont bien évidemment petites par rapport à celles des Prairies. Néanmoins, le même problème se pose aux exploitations de pommes de terre d'ici, qui doivent devenir de grandes exploitations pour se tirer d'affaire.
Les coûts énergétiques, au fur et à mesure que le prix du mazout augmentera, ne feront qu'empirer la situation. Voilà une autre raison pour s'attaquer au problème de la réduction des combustibles fossiles dans l'agriculture. Pour le moment, il est difficile de penser que c'est possible. Comment feriez-vous fonctionner ces moissonneuses-batteuses?
Le sénateur Brown : On pourrait utiliser le gaz naturel liquéfié. Mais même dans un tel cas, les coûts de conversion du moteur s'élèveraient à 100 000 $.
M. Reddin : En général, il est beaucoup mieux d'utiliser un moteur électrique que des combustibles fossiles. On ne perd pas autant de chaleur.
Le sénateur Brown : Oui, c'est vrai, mais il est difficile de se procurer une rallonge électrique de cinq ou six miles.
M. Reddin : Qu'en est-il des moteurs hybrides? Il me semble que ce serait une bonne idée. Je suis surpris qu'on n'y ait pas encore pensé. Vous en savez probablement plus que moi sur les moteurs électriques.
Le sénateur McCoy : Les taux de conversion au cours du cycle de vie de la production d'électricité posent problème. Lorsqu'on fait une analyse complète, on constate que l'électricité n'est pas nécessairement une bonne source d'énergie, ni pour le chauffage des bâtiments ni pour le transport. C'est peut-être plus propre, mais il faut pousser la réflexion plus loin.
M. Reddin : Bien sûr.
Le sénateur McCoy : Je suis pas mal certaine qu'il ne s'agit pas de la panacée que l'on tente de nous faire miroiter.
M. Reddin : Il faudra faire preuve de beaucoup plus d'imagination. C'est pourquoi il faut commencer maintenant et en faire toujours plus.
M. Brown : J'ai commencé à travailler sur une ferme lorsque j'avais 14 ans. Ce fut le plus bel emploi d'été de ma vie. J'ai beaucoup aimé l'agriculture. Les agriculteurs ont en moyenne 60 ans dans notre province.
Le sénateur Brown : À vrai dire, ils sont un peu plus âgés.
M. Brown : Sont-ils plus âgés ailleurs?
Le sénateur Brown : Je pense que le sénateur Peterson me donnera raison si je dis qu'ils sont plus près des 70 ans.
M. Brown : Il est difficile de prévoir d'où proviendra la nourriture sans agriculture commerciale. D'autres disent pourtant que les petites exploitations agricoles sont plus efficaces à certains égards.
Le sénateur Peterson : Monsieur Reddin, vous avez dit que les centrales nucléaires étaient dangereuses. Je me demandais si vous pouviez nous donner des exemples d'événements qui se sont produits au cours des 40 dernières années.
M. Reddin : Le cycle de l'énergie nucléaire commence par l'extraction de l'uranium, qui produit des résidus constituant un risque pour la santé. Une centrale émet habituellement une grande quantité de tritium, qui constitue un risque pour la santé. Si on part du principe qu'une centrale est exploitée jusqu'à ce qu'elle atteigne presque la fin de sa vie utile, il faut tout de même prendre en charge les matières radioactives qu'elle produit. Voilà un autre bel héritage pour nos arrière-arrière-petits-enfants.
Le sénateur Peterson : Vous pouvez exposer des faits que vous n'aimez pas. Vous devriez peut-être le dire ainsi. Je pense qu'il n'est pas vraiment juste de dire que les centrales sont dangereuses parce qu'il n'est rien arrivé. On a mis de côté des millions, voire des centaines de millions de dollars pour les déclasser. Il suffit de les situer dans le bon contexte au lieu de dire qu'elles sont dangereuses. Conduire une voiture est bien plus dangereux.
M. Reddin : Les répercussions des accidents sont si inconcevables, tant pour ce qui est des résidus radioactifs issus de l'extraction que des centrales elles-mêmes, qu'il faut les considérer comme des catastrophes d'un tout autre ordre. Alors qu'on fait le choix de conduire une voiture, on ne choisit pas de vivre dans les zones qui seraient ravagées en cas de défaillance nucléaire. Il y a plein d'autres éléments dont il faut tenir compte. Si vous le désirez, je peux vous fournir d'autres renseignements pour étayer mes arguments. Je serais heureux de vous en faire part.
Le président : Merci, messieurs Reddin et Brown.
Monsieur McCarville, je crois comprendre que vous êtes ici à titre personnel. Vous nous avez fourni un document très réfléchi, que je viens tout juste de lire.
Matthew McCarville, à titre personnel : Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je manifeste un vif intérêt à la compréhension des questions portant sur le réchauffement de la planète et aux solutions énergétiques.
Mes travaux de recherche portent sur la foresterie écologique, la science biologique et les secteurs énergétiques. De 2007 à 2010, j'étais le coordonnateur du projet d'énergie d'ECO-PEI. En 2008, j'ai pris part au séminaire de formation de l'ancien vice-président américain Al Gore pour le Projet climatique Canada et je présente depuis ce temps des exposés en vue de sensibiliser les gens aux changements climatiques et aux solutions énergétiques. J'ai fait un peu de gestion-conseil dans le secteur énergétique et j'entreprends actuellement une recherche visant à évaluer l'infrastructure de l'énergie marine renouvelable pour le ministère néo-écossais de l'Énergie.
Le président : Qu'est-ce que l'énergie marine renouvelable?
M. McCarville : Il s'agit de l'énergie des marées, du vent de terre et des vagues. Je crois que nous privilégierons ces méthodes, dans cet ordre, pour l'évaluation d'aujourd'hui.
Je veux aujourd'hui vous parler d'un projet visant à convertir le système énergétique canadien en un système fonctionnant entièrement à l'énergie éolienne, solaire, géothermique, marémotrice, houlomotrice et hydroélectrique. Je commencerai mon exposé en vous posant les questions suivantes : quel est le problème? Pourquoi nous en soucions- nous? Pourquoi faut-il prendre rapidement des mesures? Pourquoi ne pouvons-nous pas attendre 100 ans?
Outre les 2,5 à 3 millions de décès annuels dus à la pollution atmosphérique et les frais médicaux et d'assurance cachés, les températures augmentent rapidement. Dans le Canada atlantique, 89 nouveaux records de température ont été établis de septembre à décembre 2010, dont trois nouveaux minimums et 86 nouveaux maximums. Nous avons connu dans les années 2000, 9 des 10 années les plus chaudes de l'histoire. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais eu d'années plus chaudes depuis la création de la Terre. On en a connu des pires il y a 100 millions d'années, mais aucun être humain ne vivait à cette époque. On n'avait donc pas à s'en préoccuper. L'infrastructure doit désormais soutenir de fortes populations, et on souhaite qu'elle dure longtemps.
Les glaces de l'océan Arctique fondent très rapidement, de l'ordre de 15 p. 100 au cours de la dernière décennie seulement. Parce que ces glaces sont très minces — elles n'ont que quelques mètres d'épaisseur, parfois à peine plus de trois à quatre —, leur fonte entraîne l'albédo de l'océan à son plus bas niveau, sous les 5 à 6 p. 100, par rapport à celui de la glace, qui est d'environ 87 p. 100. L'effet est positif et rapide. Une fois que les glaces marines ont disparu, elles ont bien du mal à se reformer. Lorsqu'elles auront complètement disparu, le climat se réchauffera encore plus rapidement. C'est très important d'en tenir compte quand on tente de trouver des solutions, car celles-ci doivent pouvoir être mises en œuvre rapidement. On ne peut miser sur des solutions qui seront peut-être prêtes dans 15 ans, 20 ans, voire 30 ans, ni même sur de nouvelles technologies, parce qu'il faudrait des décennies pour les mettre en application. On doit s'en remettre aux meilleures technologies existantes pour régler le problème.
Nous nous pencherons maintenant sur l'article le plus téléchargé du Energy and Environmental Science Journal en mars 2009, celui de Mark Z. Jacobson, intitulé « Review of solutions to global warming, air pollution, and energy security ». En résumé, Jacobson passe en revue et classe les grandes solutions énergétiques proposées aux problèmes du réchauffement climatique, de la mortalité due à la pollution atmosphérique et de la sécurité énergétique, tout en se penchant sur les impacts de ces solutions, notamment sur l'approvisionnement en eau, l'utilisation des terres, la faune, la disponibilité des ressources, la pollution thermique, la pollution chimique des eaux, la prolifération nucléaire et la sous-nutrition. De toutes les options envisagées, celle consistant à utiliser l'énergie éolienne, l'énergie solaire concentrée et photovoltaïque et l'énergie géothermique, marémotrice, houlomotrice et hydroélectrique en vue d'alimenter en électricité des véhicules électriques à batterie, des véhicules à hydrogène et, par extension, des résidences, des industries et des commerces serait la plus avantageuse.
La combinaison de ces technologies devrait être mise de l'avant comme solution aux problèmes du réchauffement climatique, de la pollution atmosphérique et de la sécurité énergétique. Le charbon, le captage et le stockage du CO2 et l'énergie nucléaire offrent moins d'avantages et pourraient engendrer des pertes de coûts. De son côté, en plus de ne garantir aucun effet bénéfique, l'option du biocarburant comporte les conséquences les plus néfastes.
Nous discuterons ensuite de l'article de Mark Z. Jacobson et de Mark A. Delucchi, « Providing all global energy with wind, water and solar power », publié en 2010 dans l'Energy Policy Journal.
En résumé, les auteurs tentent de déterminer s'il serait faisable de fournir la totalité de l'énergie consommée à l'échelle mondiale : électricité, transports, chauffage, climatisation et ainsi de suite, à partir du vent, de l'eau et du soleil, ce qu'on appelle l'énergie VES. Dans la première partie, les auteurs discutent des caractéristiques du système énergétique VES, de la demande actuelle et future en énergie, de la disponibilité des ressources VES, du nombre de dispositifs VES et des besoins en superficie et en matériel. Dans la deuxième partie, ils se penchent sur le caractère variable, les aspects économiques et la politique de l'énergie VES. Ils évaluent combien il faudrait d'éoliennes, de centrales à l'énergie solaire concentrée, de centrales à l'énergie solaire photovoltaïque, de systèmes photovoltaïques de toit, de centrales géothermiques, de nouvelles centrales hydroélectriques, de dispositifs de récupération de l'énergie de la houle et de turbines marémotrices pour créer d'ici 2030 un monde VES qui utiliserait l'électricité et l'hydrogène électrolytique pour répondre à l'ensemble de ses besoins. Cette infrastructure VES réduirait la demande mondiale en énergie de 30 p. 100 et n'occuperait que 1 p. 100 de plus de la superficie de la planète. Les auteurs proposent de produire toute nouvelle énergie à partir des principes VES d'ici 2030 et de remplacer toute l'énergie préexistante d'ici 2050. Ils sont d'avis que les obstacles au projet sont principalement d'ordre social et politique et non technologique et économique. Le coût énergétique d'un monde VES devrait être semblable à celui du monde d'aujourd'hui.
J'évaluerai maintenant la conversion de l'infrastructure canadienne en infrastructure VES. J'ai converti la consommation d'énergie totale du Canada en 2008 des pétajoules en térawattheures à partir des données de Ressources naturelles Canada. La consommation d'énergie totale convertie en électricité s'élève à 2 424 térawattheures par année au pays. Grâce à des mesures de conservation de l'électricité et de l'hydrogène consistant principalement à remplacer les procédés de combustion inefficaces, comme le décrivent Jacobson et Delucchi dans leur article, elle pourrait diminuer de 30 p. 100, à 1 700 térawattheures par année.
Afin de déterminer s'il est possible de générer cette quantité d'énergie à partir des technologies recommandées par Jacobson et Delucchi, je dresse, à partir des données disponibles, le bilan des ressources canadiennes sur le plan de l'énergie éolienne, solaire, géothermique, marémotrice, houlomotrice et hydroélectrique. Une carte de Statistique Canada montre que la population vit principalement dans le Sud du pays, donnée dont je me sers pour évaluer sommairement les besoins en transport et en interconnexion. Pour ces sources d'énergie recommandées, j'extrapole à partir des données disponibles sur les facteurs de charge afin de calculer la quantité d'énergie pouvant être générée par les installations existantes. Je peux ainsi estimer qu'ajoutés aux centrales actuelles, qui produisent 70 000 mégawatts, 55 000 éoliennes de 5 mégawatts, 500 centrales à l'énergie solaire concentrée de 300 mégawatts, 500 centrales solaires à l'énergie photovoltaïque de 300 mégawatts, près de 3 millions d'éoliennes et de systèmes photovoltaïques de toit de 3 kilowatts, 150 centrales géothermiques de 100 mégawatts, 10 nouvelles centrales hydroélectriques de 1 300 mégawatts, 5 000 dispositifs de récupération de l'énergie de la houle de 0,75 mégawatt et 5 000 turbines marémotrices de 1 mégawatt pourraient répondre à l'ensemble des besoins du Canada en électricité et en hydrogène électrolytique.
Les véhicules, les navires et les trains fonctionneraient à l'électricité et par piles à l'hydrogène. Les aéronefs utiliseraient de l'hydrogène liquide. Les maisons seraient climatisées et chauffées grâce à des appareils électriques et n'utiliseraient plus de gaz naturel, de charbon et d'énergie nucléaire. L'eau serait préchauffée par le soleil.
Si le Canada convertissait tous les véhicules personnels en véhicules électriques à batterie alimentés par l'énergie éolienne, son empreinte serait de 0,2 kilomètre carré, soit près de deux fois la superficie de la Colline du Parlement. La superficie occupée par les éoliennes pourrait toujours servir à l'agriculture.
Le chauffage des bâtiments est un service essentiel comptant pour 62,8 p. 100 de la consommation finale d'énergie dans le secteur résidentiel canadien. Heureusement, le vent, la meilleure option en général, tend à souffler deux fois plus fort pendant le mois le plus froid de l'année que pendant le mois le plus chaud. Pour que les Canadiens consomment de l'énergie éolienne, on pourrait installer dans leur demeure des dispositifs de stockage d'électricité accumulée, comme des briques de céramique, en vue d'assurer la fiabilité du chauffage. À l'Île-du-Prince-Édouard, le ménage moyen qui stockerait de l'énergie accumulée pour se chauffer et qui tirerait son électricité à 95 p. 100 de l'énergie éolienne et à 5 p. 100 de l'hydroélectricité ne produirait des émissions équivalentes au cycle de vie du CO2 que de 200 kilogrammes par année.
Outre l'hydrogène réfrigéré utilisé dans les aéronefs, qu'il faut brûler, et quelques procédés à haute température qui remplaceraient la production d'acier, entre autres, la combustion n'aurait plus lieu d'être, sauf dans de rares circonstances. En résumé, cette voie vers l'énergie durable permettrait au Canada de réduire de plus de 90 p. 100 ses émissions de CO2 en les faisant passer des 488 mégatonnes qu'elles étaient en 2008 à 32 mégatonnes par année.
J'encourage les gens à examiner ces solutions énergétiques attentivement en se servant des sources et des calculs dont je viens de vous faire part comme point de départ. Je peux fournir des analyses et des renseignements plus détaillés sur demande.
Enfin, il me reste une dernière page, « Faire progresser le Canada », qui porte sur les options énergétiques et politiques, mais peut-être puis-je la laisser tomber et répondre à vos questions.
Le président : Vous avez de toute évidence travaillé très fort. Avez-vous préparé ce document dans le cadre de votre travail ou dans vos temps libres?
M. McCarville : J'ai travaillé 35 heures par semaine pendant trois ans pour le projet d'énergie d'ECO-PEI et je consacrais probablement 35 autres heures de mon temps à recueillir de l'information et à comprendre les systèmes énergétiques et les sciences atmosphériques. Je suis loin d'être un spécialiste; je n'ai fait que travailler très fort au cours des dernières années pour comprendre ces questions. Depuis que j'ai quitté mon poste à ECO-PEI, je continue de consacrer beaucoup de mon temps libre à me tenir au courant.
Le sénateur Brown : Avez-vous évalué combien il en coûterait pour procéder aux changements dont vous parlez, c'est-à-dire installer des éoliennes, produire de l'énergie éolienne et faire tout le nécessaire pour produire cette quantité d'électricité?
M. McCarville : Pour ce qui est des coûts des projets d'énergie éolienne, Yves Gagnon et son équipe, de la Chaire K.- C.-Irving en développement durable de l'Université de Moncton, ont procédé à une évaluation de l'incidence économique d'un parc éolien de 100 mégawatts mis en œuvre dans l'Est du Canada, dont ils ont estimé le coût à 2 millions de dollars le mégawatt, soit 0,08 $ le kilowattheure. Pour établir cette voie vers l'énergie durable que je propose au Canada d'emprunter, j'ai eu recours à la même méthodologie que Jacobson et Delucchi, respectivement de l'Université Stanford et de UC Davis. Je m'en suis remis à leurs analyses et à leurs conclusions, qu'ils résument au début de leur rapport sur l'approvisionnement énergétique mondial. Ils soutiennent que les coûts devraient être semblables à ceux d'aujourd'hui. N'oubliez pas que ceux-ci englobent, entre autres, les coûts du programme américain d'indemnisation pour la pneumoconiose des houilleurs. Depuis les années 1970, soit depuis plus de 30 ans, 35 milliards de dollars ont été dépensés au titre de la pneumoconiose des houilleurs causée par le charbon. Les coûts externes comprennent également les frais payés pour les décès prématurés et les maladies dus à la pollution atmosphérique ainsi que les frais médicaux et d'assurance payés pour le traitement de ces problèmes de santé. Les coûts qui découlent de l'intégration de ces facteurs externes sont faramineux.
Le monde adopte rapidement des mesures d'atténuation des changements climatiques. John P. Wyatt, du Energy Modelling Forum de l'Université Stanford, estime que les températures sont en bonne voie d'augmenter rapidement de cinq à six degrés Celsius alors qu'on espère toujours qu'elles se stabiliseront à près de deux degrés Celsius. Si on jette un coup d'œil du côté des scénarios militaires envisagés, on voit bien qu'on adhère à la théorie du bâton de hockey en vue d'accroître la capacité industrielle militaire et de gérer les problèmes qui découleront peut-être d'un réchauffement, non pas de deux degrés, mais bien de cinq à six degrés. On pourrait débattre longtemps des raisons pour lesquelles rien ne justifie cette théorie. On dépense 44 milliards de dollars en vue de renouveler la capacité industrielle militaire du XXIe siècle. Voilà ce que disaient les médias quand le gouvernement du Canada a annoncé qu'il investirait 35 milliards de dollars dans la marine et 9 milliards de dollars dans l'aviation, tout en multipliant les efforts déployés pour asseoir notre souveraineté dans l'Arctique. Si on capitalise 44 milliards de dollars, 1 $ de capitaux propres pour 4 $ de financement, à 2 millions de dollars le mégawatt d'énergie éolienne produite — vous pouvez faire le calcul ou je peux vous faire un calcul approximatif —, et qu'on collabore avec d'autres pays, on peut atténuer les risques du réchauffement climatique et vraiment régler le problème, et ce, en créant très peu d'effets négatifs sur le plan économique.
Le sénateur Brown : J'accepte votre raisonnement. Vous dites que les paquebots, les tracteurs et les aéronefs seront alimentés à l'hydrogène. Or, le coût total pour éliminer les combustibles fossiles doit se chiffrer à des centaines de billions de dollars.
M. McCarville : J'ai eu vent d'une estimation, mais je n'ai pas eu l'occasion d'aller au fond des choses. Le coût de la conversion à l'échelle mondiale serait de l'ordre des 100 billions de dollars.
Le sénateur Brown : C'est ce que je pensais.
M. McCarville : Il ne faut pas oublier que nous investissons déjà dans la production d'énergie. Il faut aussi tenir compte des risques auxquels nous exposent les scénarios militaires envisagés, sans compter les coûts actuels et futurs liés aux décès et aux problèmes de santé dus à la pollution atmosphérique. En d'autres mots, il faut tenir compte de la situation dans son ensemble. Je ne pense pas que ce soit trop demander que de pousser la réflexion un peu plus loin.
Le sénateur Brown : J'admets que ce n'est pas impossible. Lorsqu'on calculera les coûts, on tentera probablement de mettre à l'essai certaines de vos suggestions. C'est ce que nous faisons maintenant en grande partie en ce qui concerne l'énergie éolienne et les autres solutions.
La planète Terre comptera supposément deux milliards de personnes de plus qu'aujourd'hui dans 50 ans. Il faudra être en mesure de nourrir toutes ces personnes. Selon les géologues, lorsque la calotte glaciaire se retirera du pôle Nord, on cultivera les terres situées au nord du Canada, de 100 à 200 miles plus au nord qu'aujourd'hui. On aura au moins plus d'espace pour accroître la production alimentaire.
Je dirai enfin que la conversion à une infrastructure sans combustibles fossiles nécessitera des changements spectaculaires. Si j'examine de près la salle dans laquelle nous nous trouvons sous l'angle de votre scénario, on n'y trouverait aucun microphone, seulement des fils qui pendraient du plafond. La plupart des vêtements que nous portons aujourd'hui n'existeraient pas. Bon nombre d'entre nous seraient nus comme des vers. Il y a beaucoup de produits fabriqués à partir du gaz naturel qui servent à fabriquer nos vêtements, nos chaussures et les pneus de nos voitures. Je ne peux énumérer toutes les choses qui n'existeraient pas sans combustibles fossiles. Je vous laisse le soin de me dire ce que vous en pensez.
M. McCarville : Je conviens que les produits pétroliers font partie intégrante de notre mode de vie quotidien. Je pense qu'ils continueront de jouer un rôle dans l'avenir. Même en convertissant le système énergétique, on pourra toujours améliorer les produits pétroliers. Mais on s'en servira à d'autres fins au lieu de rejeter les déchets de leur combustion dans l'atmosphère.
Le sénateur Brown : On fait porter le fardeau du réchauffement au CO2, idée à laquelle tout le monde semble souscrire. Or, le CO2 ne pollue pas. C'est le dioxyde de soufre et les métaux-traces expulsés des pots d'échappement des automobiles et des camions qui polluent. Voilà ce qui cause la pollution. Ce n'est pas le CO2.
M. McCarville : Vous avancez un très bon argument. L'atmosphère se compose naturellement de CO2. On peut probablement faire valoir cet argument, mais dans une certaine mesure seulement. Il est totalement illogique pour le Canada d'investir davantage dans des centrales au charbon qui captent et stockent du CO2. Il devrait investir dans l'énergie éolienne, car elle ne cause aucune pollution atmosphérique. Même si on décide de combiner le charbon à des méthodes de captage et de stockage du CO2, les émissions produites par les centrales au charbon s'élèvent encore à 450 grammes par kilowattheure. En outre, on réduit l'efficacité de ces centrales de 14 à 25 p. 100. Aussi, ces méthodes ne permettent de capter aucun autre polluant atmosphérique, comme les oxydes d'azote, les oxydes de soufre et les autres polluants rejetés par les centrales. La pollution atmosphérique ne fera en fait qu'augmenter si on recourt aux méthodes de captage et de stockage du CO2, ce polluant atmosphérique auquel vous faisiez allusion. Je crois qu'il est totalement illogique du point de vue de la durabilité de l'environnement de justifier le développement des sables bitumineux par l'utilisation de méthodes de captage et de stockage du CO2. Je vais m'arrêter ici.
Le sénateur Brown : C'est votre opinion.
Le sénateur McCoy : Vous remettez en cause bon nombre des a priori que nous avons tous. Or, certains d'entre nous ne seront peut-être jamais en mesure de s'en départir. Vous nous encouragez néanmoins à porter un nouveau regard sur ce que nous savons et sur ce que nous pensons savoir. Je vous en suis reconnaissante. Je lirai ces deux articles qui vous ont servi de source d'inspiration.
Vous avez dressé un excellent portrait de la situation dans son ensemble, mais certaines incertitudes demeurent. Dès qu'on commence à examiner un système, on peut commencer à dire des choses comme « Qu'en est-il de la qualité de l'air intérieur? C'est en rendant l'enveloppe des bâtiments hermétique que se développe l'asthme, et peut-être même l'autisme. Et ainsi de suite. » Il reste encore beaucoup de pain sur la planche. Pour ce qui est de la construction de 10 nouvelles centrales hydroélectriques d'envergure, n'oublions pas que le territoire n'est pas inoccupé dans le Nord. Pour nous, c'est l'arrière-pays, mais pour les autochtones, c'est leur chez-soi, et ils ont besoin de cet espace en raison de leur mode de vie et de la faible productivité des écosystèmes naturels là-haut.
Il y a des questions sur lesquelles je me pencherais. Je vous vois hocher la tête pour signifier votre accord. Je ne vous poserai pas de questions. Je tiens à vous remercier. Il s'agit d'une véritable bouffée d'air frais qui stimulera mon imagination et qui m'incitera à m'interroger davantage. Je vous en suis reconnaissante.
M. McCarville : Il y a certes des défis à relever. Quelqu'un mentionnait ce matin les métaux du groupe des terres rares et le fait que les aimants permanents installés dans les éoliennes utilisent une petite quantité de néodyme, dont les réserves mondiales sont telles qu'on en épuiserait une importante partie si le monde entier tirait 50 p. 100 de son énergie du vent en vue de répondre à l'ensemble de ses besoins en électricité et en hydrogène électrolytique.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, il existe des solutions de rechange au néodyme utilisé dans les éoliennes. Il faut indiquer que les véhicules électriques utilisent aussi du néodyme, car celui-ci améliore légèrement leur efficacité. Il ne faut pas comprendre que le défi est incroyablement difficile à relever. Nous devons maintenir le cap. Si 40 p. 100 du monde s'alimente à l'énergie solaire photovoltaïque, par exemple, il deviendra difficile de se procurer des matériaux. Heureusement, au fur et à mesure que les matériaux disparaissent, on peut facilement en trouver d'autres. Les réserves mondiales actuelles de lithium sont telles qu'il y en a suffisamment pour faire fonctionner 1,1 milliard de voitures électriques, et encore, il existe des solutions de rechange à cette matière. Au bout du compte, toutefois, il faut pouvoir recycler presque la totalité des matières. Ce n'est pas un problème pour l'acier, le béton et les éoliennes. Il faut pouvoir recycler presque la totalité des matières pour assurer le maintien de tout système répondant aux besoins la population mondiale d'aujourd'hui. Il ne faut pas sous-estimer ce que cela représente.
Vous vous interrogiez sur l'impact de l'hydroélectricité sur l'environnement. Je peux vous dire que du point de vue des changements climatiques, l'hydroélectricité entraîne toute une gamme de répercussions. D'un côté, il y a les prévisions de l'industrie; de l'autre, celles des scientifiques. Elles se rejoignent à un point médian : l'impact est de 65 grammes d'équivalents-CO2 par kilowattheure, en tenant compte de la construction des barrages, de leur durée de vie, qui est de 80 à 100 ans, de l'inondation des zones de végétation et ainsi de suite.
Le sénateur McCoy : Il s'agit de grammes d'équivalents-CO2.
M. McCarville : Oui.
Le sénateur McCoy : Dans de nombreux cas, nous sommes aveuglés par l'argument des changements climatiques. Il faut tenir compte des écosystèmes. Les belettes ne chasseront plus les lapins sous l'eau.
M. McCarville : La raison pour laquelle on recommande en fin de compte l'hydroélectricité, c'est qu'elle offre cet équilibre qui nous permettra de maintenir la fiabilité de l'approvisionnement énergétique au coût le plus raisonnable possible, tout en réduisant suffisamment les émissions pour éviter l'effondrement des écosystèmes, ce qui se produira si les températures augmentent de quatre ou cinq degrés Celsius.
Le sénateur McCoy : Vous prétendez qu'il s'agit du moindre mal?
M. McCarville : Oui. Pour le moment, beaucoup d'auteurs laissent entendre que nous risquons de voir s'effondrer les écosystèmes marins et océaniques. Nous avons non seulement changé la composition de l'atmosphère, mais également celle des océans, et les écosystèmes marins en subissent les contrecoups.
Le président : Je suis d'accord avec le sénateur McCoy quant aux questions que vous avez soulevées et aux vérités acquises que vous remettez en cause. Vous avez fait preuve de beaucoup de politesse, logique, jugement et gentillesse, et nous vous en sommes reconnaissants. Je vous remercie d'être venu.
M. McCarville : La raison pour laquelle je ne recommande pas le nucléaire, à l'instar des auteurs de ces documents, qui ont analysé des évaluations de l'industrie et des ouvrages scientifiques évalués par les pairs, c'est que cette forme d'énergie produit de 9 à 17 fois plus de dioxyde de carbone que l'énergie éolienne. Elle présente aussi le plus haut risque de mortalité. On compte un peu plus de 400 centrales nucléaires dans le monde aujourd'hui. Pour alimenter le monde à l'énergie nucléaire, il faudrait 15 000 centrales de 850 mégawatts. Celles-ci seraient construites dans des pays qui ne sont pas nécessairement aussi bien dirigés et aussi stables que le nôtre. Il est difficile de convaincre l'Iran de ne pas enrichir de l'uranium quand les États-Unis, pour ne nommer que ceux-là, possèdent des installations d'enrichissement de l'uranium et qu'ils se sont déjà servis d'une arme nucléaire, à l'instar d'autres pays. On estime qu'au fur et à mesure que les États-Unis amélioreront l'efficacité des moteurs à combustion interne, ils feront passer de 25 000 à 15 000 le nombre de décès annuels dus à la pollution atmosphérique. Si on répartissait sur une période de plus de 30 ans le nombre de décès causés par l'explosion d'une bombe atomique dans une grande ville, on en compterait plus de 25 000 par année. On peut faire semblant que le risque n'existe pas, mais il n'est en fait pas nul. C'est pour cette raison qu'on doit se demander si on a besoin du nucléaire. Si la réponse est non, on doit alors l'éviter.
Le président : Merci. Cet échange s'est avéré très fructueux.
(La séance est levée.)