Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 20 - Témoignages du 3 mars 2011 (séance du matin)
ST. JOHN'S, le jeudi 3 mars, 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 8, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, alors que nous poursuivons notre visite très instructive dans le Canada atlantique. Aujourd'hui, nous sommes à St. John's, Terre-Neuve.
Nous arrivons tout juste de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Auparavant, nous avons tenu des séances au Nouveau-Brunswick ainsi qu'en Nouvelle-Écosse, tout cela en trois jours. L'objectif est de recueillir des renseignements dans le cadre de notre étude sur un cadre stratégique pour le système énergétique du Canada. Partout où l'on va, on entend la même chose : nous avons besoin de sources d'énergie propres, renouvelables et durables : l'approvisionnement ainsi que la consommation de l'électricité et d'autres sources d'énergie doivent être plus efficaces. On nous répète constamment que ce qui coûte le moins cher et est le plus durable, c'est la conservation.
Nous sommes très chanceux, ce matin, de pouvoir accueillir M. Ed Martin, président et premier dirigeant de Nalcor Energy. Nous avons beaucoup entendu parler de vous dans les trois autres provinces de l'Atlantique et nous sommes tous très impressionnés par ce qui semble être un projet très important pour le Canada dans son ensemble, et pour Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse en particulier. Sans plus tarder, monsieur Martin, je vous cède la parole. Après votre déclaration d'ouverture, nous aurons une foule de questions à vous poser.
Ed Martin, président et premier dirigeant, Nalcor Energy : Merci, monsieur le sénateur, et bonjour à vous tous. Je suis heureux d'être ici.
En guise de préparation pour mon témoignage d'aujourd'hui, j'ai consulté certains documents rédigés par le comité, notamment Attention Canada! En route vers notre avenir énergétique, le document de la Phase I. Je vous félicite d'avoir publié ces données et de vouloir aider la cause. Je n'ai eu aucune difficulté à comprendre l'objectif de la séance d'aujourd'hui et je vous en remercie.
Bien entendu, j'ai retenu quelques éléments et quelques phrases du document, et je m'en suis inspiré pour préparer ma déclaration. Le document fait état des défis et des occasions pour les provinces situées en amont et en aval des systèmes énergétiques. Il propose aussi un objectif principal : repérer les domaines où la collaboration régionale et pancanadienne pourrait s'accentuer. De plus, le comité voulait avoir une meilleure idée des grandes questions administratives et prendre connaissance des initiatives précises. Je crois pouvoir aborder tous ces points dans ma déclaration.
J'aimerais d'abord vous parler un instant de la première phase du projet du cours inférieur du fleuve Churchill et vous donner un aperçu de son état d'avancement. Il y a encore beaucoup de questions entourant ce projet, et j'espère que vous me les poserez, mais je compte répondre à quelques-unes d'entre elles dans ma déclaration, des questions comme « Ce projet se réalisera-t-il? » C'est une excellente question. Ça me fait un peu rigoler. Mais pour ceux qui n'ont pas vu le chantier de près, je crois pouvoir apporter quelques explications.
Le président : Monsieur Martin, si vous permettez, c'est exactement le genre d'information que nous voulons entendre. Toutefois, j'ai oublié de nous présenter, afin que vous ayez une bonne idée de qui nous sommes. Le comité est un des 18 comités sénatoriaux permanents, et les membres sont très au courant de cette cause populaire du mois, de l'année, de la décennie, du centenaire.
Mon nom est David Angus. Je représente le Québec au Sénat depuis 18 ans, et je suis également le président du comité. À ma droite se trouve mon collègue, le sénateur Grant Mitchell, ancien chef du Parti libéral de l'Alberta. C'est un parlementaire distingué et habile, et nous sommes très privilégiés de pouvoir compter sur lui comme vice-président du comité. À la droite de M. Mitchell, vous avez deux personnes-ressources extraordinaires : Marc LeBlanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement. Le sénateur Robert Peterson, ancien directeur de Cameco Corporation, représente la Saskatchewan. À ses côtés, le sénateur Dan Lang, ancien ministre et député au Yukon. Je l'appelle le pit- bull de Whitehorse. C'est un des membres du comité les plus estimés.
À ma gauche, Lynn Gordon, notre merveilleuse greffière que vous avez déjà eu le plaisir de rencontrer. C'est grâce à elle si nos séances sur la route se déroulent si bien. À ses côtés, le sénateur Richard Neufeld. Il a beaucoup d'expérience dans le secteur de l'énergie ayant été pendant huit ans, si je ne m'abuse, ministre de l'Énergie en Colombie-Britannique.
À sa gauche, le sénateur Elaine McCoy, qui fut, elle aussi, ministre et membre du Cabinet. Chaque fois que je discute avec elle, je lui découvre de nouveaux atouts. C'est une femme très talentueuse et très expérimentée. Elle a été une grande source d'inspiration pour nous dans le cadre de cette étude, car elle peut nous offrir de nombreuses perspectives différentes. À sa gauche, le sénateur Bert Brown, lui aussi de l'Alberta. C'est le seul sénateur élu.
Le comité compte d'autres membres, mais nous sommes moins nombreux à nous déplacer. Le sénateur Fred Dickson, d'Halifax, que vous connaissez peut-être, est notre représentant des Maritimes. Il était du voyage, mais, malheureusement, il est demeuré en Nouvelle-Écosse pour des raisons médicales. Je crois que c'est tout. Je suis désolé pour cette interruption.
M. Martin : Merci. Habituellement, avant de parler en détail du projet du cours inférieur du fleuve Churchill, j'aime donner une vue d'ensemble de l'avenir énergétique de Terre-Neuve-et-Labrador — vers où on s'en va, ce que révèle généralement notre plan énergétique —, car cela présente le contexte et aide à faire le lien entre cette partie du projet et notre plan à long terme.
J'aimerais d'abord parler un peu du plan énergétique de la province. Avant d'accepter ce poste, il y a cinq ans, j'ai travaillé pendant de nombreuses années dans l'industrie gazière et pétrolière, principalement à Calgary et en Saskatchewan. Il y a de nombreuses années, je suis revenu dans la région pour travailler en grande partie dans le forage en mer. Le gros de mon expérience, je l'ai acquise dans de grands projets, dont Hivernia, Terra Nova et White Rose. Ensuite, on m'a offert ce poste.
La première chose que j'ai faite, ce fut de rencontrer le gouvernement provincial pour établir certaines bases. On s'est dit qu'on avait une quantité énorme de richesses et de ressources entre les mains, mais, malheureusement, notre bilan en matière d'établissement de projets opportuns est inégal. On se souvient tous de certains projets nationaux, mais je ne vais pas les aborder aujourd'hui. On s'est dit que, puisqu'il s'agissait d'une occasion incroyable, il fallait faire les choses correctement. Alors, nous avons pris le temps d'analyser la situation. Nous voulions établir un plan et nous assurer d'être sur la bonne voie.
Nalcor Energy — je parlerai un peu plus de l'entreprise dans quelques instants — et le gouvernement provincial se sont réunis pour établir un plan énergétique. C'est un plan très intéressant. Nous pourrions vous en faire parvenir une copie, si vous le voulez. Pour le moment, je vais simplement aborder quatre ou cinq des principales questions pertinentes à la discussion d'aujourd'hui.
Le président : Merci. Nous serions heureux d'avoir une copie du plan. Vous pouvez le faire parvenir à notre greffière.
M. Martin : Il est très intéressant. J'aime à le souligner, parce que toutes les activités de la province en matière d'énergie, que ce soit le pétrole, le gaz, l'hydroélectricité, l'énergie éolienne, la biomasse, et j'en passe, sont détaillées dans ce plan. Si vous le lisez, vous comprendrez exactement ce que nous faisons, car tout y est. On y fait la synthèse énergétique de notre situation jusqu'en 2041. Je parle de 2041, car nous avons convenu d'établir un plan à long terme, un plan de 30 à 40 ans. Nous devons penser aux prochaines générations, car elles seront affectées par les décisions que nous prenons aujourd'hui.
Nous avons choisi 2041, car cette année revêt un cachet particulier. C'est l'année où le contrat concernant les projets du cours supérieur du fleuve Churchill vient à échéance. Il ne fait aucun doute que cela changera la donne. C'est pourquoi nous avons tenu compte de ce moment dans notre préparation et nous avons choisi d'établir un plan qui s'achève en 2041.
Ensuite, nous avons convenu qu'il fallait dresser une liste détaillée de toutes les ressources disponibles, ce que nous appelons notre entrepôt énergétique. Nous avons pris en note toutes les ressources qui sont ou seront mises en valeur. C'est probablement le principe ou l'orientation que nous avons établi. Ça peut paraître simple, mais c'est surprenant de voir tout le dialogue qu'il a fallu pour en arriver là.
Nous avons étudié quelques tableaux. Je ne les ai pas inclus dans la documentation, mais ils montraient essentiellement ce qui se produirait si on épuisait toutes nos ressources pétrolières et gazières, des ressources non renouvelables, comme vous le savez. Nous avons établi un profil de production de ces ressources qui s'échelonne sur de nombreuses années. Les résultats sont très intéressants, mais ils montrent une tendance à la baisse, puisqu'il s'agit d'une ressource non renouvelable.
Ensuite, nous avons comparé ce profil à celui de nos sources renouvelables pour principalement l'hydroélectricité et l'énergie éolienne. Fait intéressant, la tendance est constante et à la hausse, car il s'agit de ressources renouvelables. Elles sont toujours présentes, vous pouvez tabler sur elles.
Certains résultats de ces tableaux se rejoignent. Selon nous, la solution était alors plutôt évidente : si l'on veut penser à long terme et laisser un héritage aux prochaines générations, la meilleure façon d'utiliser les revenus de l'exploitation pétrolière et gazière, c'est non seulement d'en mettre de côté, mais aussi d'en investir une partie dans des infrastructures d'énergie renouvelable. Nous avons compris qu'il faut faire des changements. Nous devons créer un réseau, trouver une façon de transporter l'énergie produite avec des ressources renouvelables ailleurs au pays, tout en satisfaisant à nos besoins. Au cours des prochaines années, nous devons concentrer nos efforts sur la construction d'infrastructures. C'est le plus beau legs que l'on pourrait laisser aux générations futures. C'est à la suite de cette réflexion que nous avons décidé de prendre une partie des revenus de l'exploitation des ressources non renouvelables — chose possible pour la première fois de notre histoire — et de l'investir dans la construction d'infrastructures d'énergie renouvelable pour que les prochaines générations se retrouvent dans une meilleure position.
Les ressources de pétrole et de gaz disparaissent lentement. Mais dans notre entrepôt énergétique — dont je parlerai dans quelques instants —, nous avons l'éolienne, l'hydroélectricité et d'autres énergies renouvelables pour les 30 ou 40 prochaines années. Nous voulons devenir un leader mondial de l'énergie renouvelable. C'est une source de revenus essentiellement inépuisable. Qu'y a-t-il de mieux pour le pays? Un Canada atlantique qui tire des avantages financiers solides à long terme constitue un atout pour le reste du pays. C'est un peu notre vision en matière d'énergie renouvelable.
Le président : Je suis convaincu que vous y arriverez, monsieur Martin. Bien sûr, Nalcor n'a aucun secret pour vous, mais pour nous, il s'agit d'une sorte de société hybride. Nous ne comprenons pas bien où elle se situe. Est-ce une entreprise de services publics ici, ou une entreprise distincte de la compagnie d'électricité? Pourriez-vous nous donner plus de détails? Je suis certain qu'il y a des actionnaires, entre autres.
M. Martin : Certainement. Un autre avantage de ce plan énergétique, c'est qu'il a permis à la province de réaliser que nous avions certains atouts. Nous avons des gens très instruits et très expérimentés, notamment dans le secteur de l'énergie, puisque nous y travaillons depuis de nombreuses années. Cependant, nous sommes peu peuplés. Si l'on veut réussir et être compétitif, nous devons trouver une façon de réunir tous ces experts dans une même région afin de pouvoir tirer le maximum de leurs connaissances et de leur expérience sur le plan énergétique. C'est la raison pour laquelle Nalcor a été créée.
Le plan énergétique a donné vie à Nalcor. Nalcor signifie simplement Newfoundland and Labrador Corporation. Nous ne voulions pas un nom tape-à-l'oeil. Ce qui nous intéressait, c'était la stabilité énergétique à long terme. Le nom Nalcor nous convenait.
Au début, j'ai été embauché à titre de PDG d'Hydro Terre-Neuve-et-Labrador, une société d'État provinciale. Elle est très bien dirigée et compte un personnel très compétent. De façon générale, elle produit et fournit de l'électricité et assure une grande partie de la distribution d'électricité dans les régions rurales de la province. On nous a demandé, à mon équipe de direction et à moi, de transformer cette société d'État en une société énergétique plus grande régissant tout ce dont nous parlons aujourd'hui, une sorte d'organisme de mise en œuvre et d'exécution de la politique du gouvernement provincial.
Hydro Terre-Neuve-et-Labrador est devenue Nalcor, mais demeure un élément clé de la nouvelle société. Nalcor est la société portefeuille sous laquelle se trouvent Hydro Terre-Neuve-et-Labrador et Churchill Falls (Labrador) Corporation. Nous sommes également propriétaires et exploitants de l'usine de Churchill Falls située au nord. La société compte aussi une division du pétrole et du gaz qui défend les intérêts provinciaux au chapitre du forage en mer, protège nos acquisitions et régit certaines licences d'exploration sur la côte Ouest de Terre-Neuve, un secteur en expansion. Nous avons une division pour le projet du cours inférieur du fleuve Churchill. Selon nous, la création d'une division pour ce projet se justifie en raison de la taille de celui-ci, comme vous pourrez le constater.
La division Bull Arm Fabrication régit l'immense usine de fabrication construite pour le projet Hibernia. Nalcor est propriétaire et exploitant de cette usine de classe internationale. De grandes sections du projet Hebron y seront bientôt construites. Nous avons également un service de marketing de l'énergie, service que nous tentons de grossir. Nous deviendrons un des plus importants fournisseurs d'électricité, de pétrole et de gaz du Canada atlantique, peut-être même du pays. Nous avons commencé à constituer notre groupe de marketing afin de commercialiser à long terme toute cette énergie.
La société hydroélectrique est devenue Nalcor, mais cette dernière est une société d'État du gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador, et il ne fait aucun doute qu'elle le restera.
Le président : Les six divisions que vous avez mentionnées sont-elles toutes des filiales?
M. Martin : Oui. Certaines sont des compagnies constituées en personne morale, et d'autres sont simplement des divisions de Nalcor. Toutefois, toutes sont considérées comme des entreprises distinctes avec chacune un dirigeant, même si elles travaillent beaucoup ensemble.
Le président : Très bien. Merci.
M. Martin : C'est donc notre plan énergétique. J'ai parlé de notre objectif à long terme, de notre entrepôt énergétique, des ressources renouvelables par opposition aux ressources non renouvelables, de la création de Nalcor et du fait que nous avions une occasion de bien faire les choses. Par expérience, nous savons que, pour réussir à long terme, nous devons conclure des accords avantageux pour toutes les parties. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Mais, nous nous sommes appuyés sur ce principe pour conclure l'accord entre Emera, en Nouvelle-Écosse, et Nalcor, à Terre-Neuve-et-Labrador. Il s'agit, selon nous, de la première étape d'une aventure qui se poursuivra pour les 40 prochaines années. Nous voulions préalablement établir la base du cadre d'activités de cette aventure.
Le président : Vos nouveaux partenaires en Nouvelle-Écosse nous ont dit que, pendant des années, la province s'est sentie comme étant la fin du réseau. Ils croient, maintenant, que la province ne sera qu'une étape importante sur l'autoroute de l'énergie selon la direction dans laquelle on regarde.
M. Martin : C'est un projet très avantageux pour la Nouvelle-Écosse. Elle n'est pas la fin du réseau. Terre-Neuve-et- Labrador n'est pas la fin du réseau, puisque nous sommes le réseau. Depuis des centaines d'années, la province, plus particulièrement Terre-Neuve, s'alimente elle-même. Je dis souvent que l'on dispose du seul réseau isolé en Amérique du Nord, mis à part le réseau nord-américain. Encore une fois, c'est une situation avantageuse pour toutes les parties. Aussi heureuse que soit la Nouvelle-Écosse de ne pas être la fin du réseau, nous sommes tout aussi heureux d'être cette fin, car, pour la première fois de notre histoire, nous serons reliés directement au reste du pays par deux endroits. Cela sera très avantageux, non seulement pour le Canada atlantique sur le plan de la fiabilité, en raison de la ligne de transmission vers le reste du pays, mais aussi pour Terre-Neuve-et-Labrador — imaginez à quel point cela améliorera la fiabilité dans notre province. Pour la première fois, nous aurons accès à d'autres sources d'énergie, car les lignes de transmission fonctionnent dans les deux sens.
Donc, si jamais une tempête de verglas s'abattait sur la province — et, naturellement, elles ont été nombreuses au fil des ans, la météo à Terre-Neuve nous réservant toujours des surprises —, nous pourrons importer de l'électricité d'autres régions en Amérique du Nord. Je crois que, si notre service public d'électricité est si solide, c'est parce que nous ne pouvons compter sur personne d'autres pour nous aider. Lorsqu'il y a une panne d'électricité, nous devons nous débrouiller seuls. Nous avons donc bâti et exploité notre réseau en fonction de cette réalité. Mais, pour la première fois de son histoire, la province pourrait profiter d'un énorme avantage, soit celui d'être liée au reste de l'Amérique du Nord, par le Nord et le Sud, pour ses besoins énergétiques. On dit que c'est bien comme avantage pour la province, mais je vais vous montrer, dans quelques secondes, l'avantage considérable que cela représente pour le reste de l'Amérique du Nord, plus particulièrement pour le Canada, qui aura accès à une source d'énergie sans précédent.
Le président : Juste une précision pour ceux d'entre nous qui viennent d'ailleurs au pays. Lorsque vous parlez des deux extrémités, vous parlez d'une ligne de transmission au Labrador passant par le détroit de Belle-Isle vers le Québec et le reste du pays, et, j'imagine vers le Nouveau-Brunswick pour rejoindre les autres provinces atlantiques; et d'un câble sous-marin reliant Terre-Neuve au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. C'est bien cela?
M. Martin : Exactement. C'est une excellente description.
Mais, encore une fois, ce n'est que le début. Prenons le Québec comme exemple. Pour le moment, nous vendons jusqu'à 300 mégawatts par année par l'intermédiaire du Québec en vertu du pouvoir de rachat que nous confère le contrat conclu entre Hydro-Québec et la Churchill Falls (Labrador) Corporation. Pendant des années, le Québec nous achetait cette électricité à la frontière, mais nous avons décidé, récemment, de vendre cette électricité à d'autres. C'est un changement très intéressant pour nous. Mais ce n'est qu'un début.
Nous poursuivons les négociations avec le Québec concernant le libre accès à d'autres éléments du projet. Nous participons à des discussions réglementaires avec le Québec. Comme c'est souvent le cas dans ce genre de discussions, il y a des hauts et des bas. Cependant, les choses progressent. C'est une de ces difficultés qu'il faut surmonter. Non seulement nous aurons ce que l'on appelle notre réseau des Maritimes, mais il ne fait aucun doute que nous vendrons de l'électricité par l'intermédiaire du Québec, car les avantages sont trop importants.
La deuxième phase du projet concerne Gull Island dont je parlerai dans quelques secondes. La première phase du projet vise à relier les chutes Muskrat, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Le projet de Gull Island permettrait de générer 2 250 mégawatts. En faisant circuler cette électricité par l'intermédiaire du Québec, celui-ci pourrait en tirer d'énormes avantages, puisqu'en raison des tarifs actuels, cela pourrait lui rapporter environ 160 millions de dollars par année, et ce, pour toujours. Il faudrait, par contre, créer de nouvelles infrastructures aux coûts de 2 millions de dollars, à ce qu'on nous dit. Mais cela serait avantageux pour nous et pour le Québec, car en raison du libre accès, il pourrait profiter lui aussi de ces nouvelles infrastructures. En fin de compte, alors que nous poursuivons les discussions réglementaires, nous croyons qu'à long terme, ce projet procurera des avantages énormes à l'Ontario, au Québec et au Canada atlantique.
Aussi, nous avons rapidement conclu que les deux extrémités du réseau devaient être reliées au reste du pays. Cela ne fait aucun doute, compte tenu de la quantité d'électricité sans précédent que nous pourrons produire dans la province. Le potentiel est immense. Si l'on tient compte des lignes de transmission actuelles et des infrastructures qu'il faudra construire aux points de rencontre avec le reste du pays et les États-Unis, il est clair que le réseau doit être connecté à ses deux extrémités.
La première phase nous rend très enthousiastes. Au cours des quatre dernières années, nous n'avons pas ménagé nos efforts dans nos projets hydroélectriques : Gull Island, chutes Muskrat, ligne de transmission vers le Québec et une autre vers les Maritimes. Il n'était pas question de choisir entre les projets : il s'agissait de déterminer lesquels il fallait agencer ensemble.
Voici la première combinaison choisie, et la meilleure pour bien des raisons : les chutes Muskrat, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Mais n'oubliez pas que ce n'est que la première phase. Il reste encore beaucoup de jumelage et de travail à faire.
Pour répondre à votre question, monsieur le sénateur, les deux extrémités du réseau seront reliées au reste du pays. Ce sera avantageux, non seulement pour Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi pour le reste du pays, compte tenu de ce que l'on pourra apporter, à long terme, au Canada atlantique, à l'Ontario et au Québec.
Le président : Je sais qu'il est toujours difficile de réunir le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador autour d'une même table pour discuter. Mais, nous avons entendu parler du projet de La Romaine, une initiative du Québec près du Labrador. Le Québec discute-t-il de ce projet avec vous? Coordonnez-vous avec lui l'accès aux mêmes lignes de transmission que pour ce projet-ci ou est-ce un peu trop idéaliste de ma part?
M. Martin : Eh bien, vous touchez au cœur du problème, car nous avons amorcé cette conversation. Si l'on regarde ce qui s'est produit au fil des ans, on remarque que, encore une fois, Terre-Neuve-et-Labrador se retrouve dans une situation particulière.
Certaines choses ont changé. Notre situation financière s'est considérablement améliorée en ce qui concerne le pétrole et le gaz, et nous voulons bien investir ces revenus. Aussi, dans le but d'améliorer leur marché, les États-Unis ont ouvert celui-ci au libre accès. Avec toute sa richesse hydroélectrique et son expertise, le Québec a dit souhaiter participer à ce marché, et avec raison. Cependant, les États-Unis exigent en contrepartie d'avoir le libre accès aux réseaux de leurs partenaires. Le Québec offre ce libre accès par l'intermédiaire d'Hydro-Québec qui en établit les paramètres et qui décide qui peut en profiter. Cela dit, à cause des changements que j'ai mentionnés, notre province a décidé elle aussi de participer à ce marché. Comme je l'ai dit, nous paierons les tarifs nécessaires, nous assumerons les coûts des nouvelles infrastructures. Ensuite, nous pourrons utiliser le réseau québécois, mais à un prix joliment élevé, comme il faut nous y attendre.
C'est nous qui avons pris cette initiative. Nous avons présenté nos demandes. Pour régler cette question, nous travaillons depuis cinq ans avec Hydro-Québec et la Régie de l'énergie qui, j'imagine, est la régie des services publics du Québec, son instance d'appel. Je pense qu'on peut dire que nous avons une divergence d'opinions. Je ne veux absolument pas m'étendre là-dessus aujourd'hui. Mais ce que je veux dire, c'est que nous sommes en train de nous frayer un chemin dans le système québécois, et c'est dans ce cadre que nous instaurons la discussion.
La Romaine est un bon exemple. Ce projet avait la priorité sur nous. C'est correct. Nous aurons probablement accès à certaines des infrastructures qu'Hydro-Québec met en place. Nous sommes les suivants. Nous serions obligés de construire des infrastructures additionnelles et de les payer. Ce qui arrive, c'est que si le Québec réalise son projet hydroélectrique sur la rivière Petit-Mécatina — un autre projet provincial à venir —, il pourra profiter de certaines de nos installations. C'est ainsi.
Nous avons présenté la demande et sommes en train de trouver un terrain d'entente. C'est ce que nous faisons en matière de libre-accès.
Le président : C'est très utile.
M. Martin : La page 4 du document distribué dresse le portrait énergétique de la province; il est important de l'examiner. À l'aide de cette illustration simple, nous essayons de démontrer pourquoi nous tenons à bien faire les choses. Regardez les petits blocs à l'avant. Dans la section « Hydro », on indique 6 700 mégawatts au bas du bloc : il s'agit de la production actuelle et des développements en cours. Les 6 000 mégawatts représentent la production des projets hydroélectriques à venir, comme entre autres celui du cours inférieur du fleuve Churchill. Dans le cas de l'énergie éolienne, la production actuelle dépasse à peine 50 mégawatts, mais le potentiel de production s'élève à plus de 5 000 mégawatts. Je pense que c'est encore plus. Au Labrador comme à Terre-Neuve, il y a de très bons régimes éoliens, comme vous l'avez probablement remarqué au fil des ans lors de vos visites.
De plus, nous avons de très grands aménagements hydroélectriques. La combinaison de l'hydroélectricité et de l'éolien est une affaire en or, car elle permet essentiellement de consolider l'énergie éolienne. On peut vendre cette énergie tant qu'il y a du vent, mais qu'arrive-t-il lorsque celui-ci tombe? Pendant que le vent souffle, on emmagasine de l'eau derrière le barrage sans toutefois produire d'hydroélectricité. Il suffit d'ouvrir le barrage dès que le vent se calme. L'énergie hydroélectrique prend alors instantanément la relève de l'énergie éolienne. Le vent devient presque un produit hydroélectrique grâce à la combinaison des deux types d'énergies. Nous avons de très abondantes ressources hydroélectriques et éoliennes. Le potentiel éolien dépasse donc sans aucun doute 5 000 mégawatts. Cette énergie occupe la deuxième position puisque l'hydroélectricité est plus rentable, mais la ressource est là et sera bientôt exploitée.
Il y a ensuite les énergies non renouvelables. La production actuelle de pétrole et les développements en cours représentent presque 3 milliards de barils, et on estime qu'il en reste 6 milliards à exploiter. Quant au gaz naturel, 10 billions de pieds cubes ont été découverts. Selon des estimations indépendantes, il semble qu'il y en aurait encore plus de 60 billions à extraire.
Il y a d'autres sources d'énergie à Terre-Neuve et dans d'autres provinces, comme la biomasse, mais nous avons tendance à nous concentrer sur ces quatre-ci étant donné leur importance. Nous savons que, même si ce sont celles que nous ciblons pour l'instant, les autres viendront plus tard. Vous pouvez donc voir que nous disposons d'abondantes ressources renouvelables et non renouvelables. Vous pouvez comprendre pourquoi nous tenons à favoriser l'échange et à construire les infrastructures nécessaires pour exploiter les ressources énergétiques renouvelables, représentées en vert, au fur et à mesure que diminuent les ressources non renouvelables qui, elles, sont représentées en bleu.
La diapositive représente Nalcor et le chemin parcouru. J'en ai déjà parlé. Je voulais vous donner le contexte pour que vous ayez un aperçu de ce qui nous passionne. C'est ce qui guide nos décisions. Je voulais commencer par présenter les projets incontournables; ceux-ci vont se réaliser. Nous sommes en train d'y travailler et sommes très bien partis pour réussir. Il est bon que vous ayez une idée de notre orientation.
J'en aurais long à dire sur le pétrole et le gaz naturel, mais ce sera pour une autre fois. Ces ressources représentent une grande part de notre marché, mais je préfère aujourd'hui me concentrer sur l'aménagement hydroélectrique du cours inférieur du fleuve Churchill, étant donné l'intérêt qu'il suscite et la vitesse du développement. Je vais faire de mon mieux pour vous informer de la situation.
Le président : Vous exploitez beaucoup vos ressources extracôtières. Importez-vous du pétrole et du gaz naturel, par exemple du brut, de la Libye ou d'ailleurs?
M. Martin : Oui, nous en importons pour la raffinerie située à Come By Chance. Il s'agit de mazout lourd à teneur élevée en soufre puisque l'usine est équipée pour cette matière. Je ne pourrai pas vous dire exactement d'où il provient, car je n'ai pas d'information sur l'usine. Le brut que nous produisons est très léger, comme le Brent, mais cette raffinerie utilise un produit différent. Nos exportations sont toutefois bien plus importantes que nos importations. Nous importons aussi du mazout C pour la centrale d'Holyrood, une très vieille centrale thermique qui produit environ 35 p. 100 de notre électricité. Les gens qui travaillent là-bas et qui s'occupent de l'exploitation de la centrale font un excellent travail, mais la centrale nous pose problème sur le plan environnemental. L'aménagement hydroélectrique du cours inférieur du fleuve Churchill servira notamment à la remplacer. Nous finirons par cesser nos importations de pétrole ou de gaz produit par méthode thermique. Lorsque le projet du fleuve Churchill sera prêt, la province n'utilisera plus que des ressources renouvelables pour produire de l'électricité.
Le président : C'est formidable. Merci.
M. Martin : Lorsque je discute de l'aménagement hydroélectrique du cours inférieur du fleuve Churchill, au Labrador, je précise toujours qu'il y aura deux nouvelles centrales hydroélectriques. La première centrale des chutes Churchill, qui produit 5 500 mégawatts, est exploitée depuis 40 ans. Nous vendons la majeure partie de la production au Québec. Elle est située sur un plateau du Labrador, à partir duquel le Churchill coule vers l'Atlantique. Les deux projets se trouvent en aval. La première centrale sera située à Gull Island et produira 2 200 mégawatts. Pour vous donner une idée, la pointe de consommation de la Nouvelle-Écosse est d'environ 2 200 mégawatts à 8 heures un matin d'hiver, pendant que les grille-pain fonctionnent à plein régime. La production de la centrale suffirait à approvisionner cette province au cours de la journée la plus froide de l'année.
Le président : Est-ce que la centrale de Gull Island est déjà en activité?
M. Martin : Non, elle en est à l'étape de projet. Ce sont deux projets à venir.
Le président : C'est ce que nous pensions.
M. Martin : La deuxième centrale se trouvera à Muskrat Falls. Je vais vous en parler davantage. Cette centrale, qui produira 824 mégawatts, sera située en aval de Gull Island, nettement plus près de Happy Valley-Goose Bay, à proximité de la côte.
Comme je l'ai dit, le cours inférieur du fleuve Churchill accueillera deux centrales hydroélectriques dans le cadre de ce projet. Nous avons naturellement toujours prévu d'espacer la construction des deux projets dans le temps. En construction, la meilleure façon de procéder est de commencer avec un projet; lorsqu'on a développé suffisamment d'expertise et que la construction est assez avancée, on déménage les ressources au prochain site. C'est ainsi dans l'exploitation des sables bitumineux et dans tout autre projet d'envergure. Nous avons dû décider quelle centrale il convient de construire en premier et, à cette fin, déterminer quelle ligne de transport d'énergie atteindra sa limite en premier, sans oublier que nous avons besoin des deux lignes et des deux centrales. Après quatre années de travail, nous avons pu décider quelle centrale construire en premier, et je vais vous en parler dans un instant.
Le sénateur Peterson : À titre comparatif, quelle est la production des installations du cours supérieur du fleuve Churchill?
M. Martin : Cette centrale produit 5 400 mégawatts, ce qui comble entre 15 et 20 p. 100 des besoins énergétiques du Québec.
Le sénateur Peterson : Merci.
M. Martin : Avons-nous le droit d'échanger ainsi?
Le président : Tout à fait.
M. Martin : Je préférerais continuer de répondre aux questions plutôt que de présenter un exposé en bonne et due forme.
Une question m'a été posée tellement souvent que j'y réponds maintenant d'emblée. Je vous invite à consulter la page 7. On me demande habituellement si le projet de câble sous-marin entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve est viable. C'est naturellement une question légitime, car ceux qui la posent ne travaillent habituellement pas dans le domaine. Tous les gens de l'industrie savent que cette technologie éprouvée existe depuis belle lurette. Pour vous en donner une idée, voici une carte de l'Europe du Nord-Ouest. Tous les traits noirs représentent les câbles sous-marins actuellement fonctionnels. La plupart d'entre eux ont un diamètre plus important et sont plus longs que celui que nous proposons. Un petit trait rouge se trouve dans le coin supérieur gauche de la carte : il s'agit de la longueur du câble sous-marin que nous proposons en comparaison avec ceux de l'Europe. Plusieurs très bons exemples de câbles sous- marins sont énumérés à gauche de la carte, dont NorNed, qui vient d'être mis en service. Si vous désirez obtenir un peu plus d'information à ce sujet, c'est celui que vous devriez rechercher sur le Web, puisqu'il est récent, plus gros et plus long que celui que nous proposons. Sur le Web, on parle beaucoup de ce câble qui relie la Norvège et les Pays-Bas.
Le sénateur Lang : Quelle est la longueur du câble que vous proposez?
M. Martin : Il mesurera environ 180 kilomètres et aura une capacité de 500 mégawatts. En réalité, nous utiliserons deux câbles de 250 mégawatts pour assurer la redondance, ce qui totalise 500 mégawatts dans le premier segment qui complète ce projet. C'est notre premier câble sous-marin, mais nous vous donnons des exemples pour que vous ayez une idée de la situation. C'est une technologie tout à fait éprouvée.
Nous comptons au sein de notre équipe d'ingénierie les ingénieurs et les entreprises d'Europe qui ont travaillé à cette technologie. Grâce à eux, nous disposons d'une grande quantité d'information précieuse. Tous les levés du plancher sous-marin ont été réalisés. Nos navires ont passé les deux derniers étés à sillonner les eaux. Ils ont cartographié par bathymétrie tout le tracé du câble. En fait, il y a déjà plusieurs câbles dans l'eau; depuis bien des années, trois câbles sous-marins à fibres optiques, je crois, relient la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Ce n'est donc rien de nouveau.
Est-ce réalisable? Oui, tout à fait. En plus, notre équipe compte aussi plusieurs spécialistes qui ont travaillé pendant presque toute leur carrière pour des sociétés qui exploitent du pétrole dans les Grands Bancs, à près de 300 kilomètres de la côte; ils travaillaient avec trois plates-formes de forage et toutes sortes de tuyaux sous-marins reliant les plates- formes de chargement et les activités sous-marines. Ce territoire s'appelle le couloir d'icebergs. Depuis 25 ans, les oléoducs sous-marins sont une grande réussite, et bon nombre de ceux qui y ont contribué font aujourd'hui partie de notre équipe. Même s'il s'agit maintenant d'électricité plutôt que de pétrole, je voulais que vous sachiez ce que nos spécialistes sont parvenus à accomplir dans la province. La technologie sous-marine est loin de nous rebuter; au contraire, nous sommes très à l'aise, et le projet est réalisable. Ce n'est plus qu'une question de coûts.
Le président : Comme on dit chez nous, ce n'est pas sorcier.
M. Martin : C'est vrai. Ce n'est pas un peu de technologie de haute mer qui va nous effrayer.
Maintenant que vous connaissez la situation, j'aimerais m'arrêter sur certains détails de l'entente que nous avons conclue avec la Nouvelle-Écosse et Emera. Tant que vous ne connaîtrez pas la logique derrière la décision, je peux comprendre que vous ayez des questions, mais je suis convaincu que vous saisirez exactement ce que nous voulons faire dès que vous serez au courant. Je vais m'y attarder un peu.
Vous trouverez cette carte-ci dans votre document; elle ne porte aucun numéro, mais il s'agit de la page 8 qui suit la diapositive dont nous venons de discuter. J'aimerais souligner deux ou trois éléments. Au Labrador, le point Churchill Falls représente la centrale actuelle. En aval, un trait jaune relie Churchill Falls et Gull Island : c'est là que sera située la centrale de Gull Island qui, comme je l'ai mentionné, est la deuxième étape du développement du cours inférieur du fleuve Churchill. Un deuxième trait se trouve entre Gull Island et Muskrat Falls. C'est ce barrage, illustré dans le coin supérieur droit de la carte, qui sera développé en premier. Je pourrais vous parler encore deux heures de la ligne très active, comme je l'ai dit, qui relie Churchill Falls au Québec, ainsi que de nos plans pour le Canada. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas extrêmement actifs au Québec et en Ontario grâce à cette route. Mais puisque nous avons peu de temps, je préfère aujourd'hui mettre l'accent sur les développements du cours inférieur du fleuve Churchill, et vous parler du reste à une autre occasion.
Le président : Ceux qui connaissent bien la géographie constateront que La Romaine est vraiment proche de la zone verte, quand on y pense.
M. Martin : C'est vrai. Ce projet est situé tout près, au Sud de Gull Island.
Vous avez mentionné La Romaine à deux reprises, monsieur le sénateur. J'ai une remarque à ce sujet, étant donné ce que j'ai entendu dans la presse et ailleurs. À propos des garanties de prêt ou des autres mesures dont nous discutons avec le gouvernement fédéral, certains se demandent pourquoi celui-ci devrait subventionner un projet qui peut entrer en concurrence avec un autre projet du Québec ou d'ailleurs qui, lui, n'a reçu aucune subvention.
Je tiens à apporter deux ou trois précisions. Ce qui importe le plus à mes yeux, c'est de considérer avec recul ce que le projet permet d'accomplir. Nous avons parlé d'approvisionner les provinces de l'Atlantique en reliant Terre-Neuve et le Labrador. Ce serait la première étape permettant de fournir au Canada entre 12 000 et 15 000 mégawatts supplémentaires d'énergie propre et renouvelable. C'est du jamais vu. Cela changera certainement la donne dans l'Est du Canada ou le Nord-Est de l'Amérique.
En pensant ainsi, je me demande si nous aurions un jour construit le chemin de fer ou les autoroutes. C'est le genre de changement fondamental que nous produirons pour l'Est du Canada. En ce qui a trait à la concurrence, je crois que nous ne nous posons pas la bonne question. À mon avis, ce n'est pas une question de concurrence. Il faut plutôt se demander où nous allons trouver l'énergie dont nous avons besoin, ce qui est une toute autre équation. Nous avons examiné toutes les estimations et tous les rapports sur l'approvisionnement de l'Ontario, du Québec, de la Nouvelle- Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, de même que ceux de la Nouvelle- Angleterre et de New York. Nous avons laissé de côté ces deux derniers pour nous pencher d'abord sur la situation du Canada. Nous avons évalué la demande à venir, basée sur une estimation très prudente dans la plupart des cas étant donné la récession, puis avons considéré toutes les centrales à remplacer — sauf pour le nucléaire, puisqu'on s'attend à des travaux de reconstruction en Ontario. Selon ces chiffres, il manquera environ 14 000 mégawatts d'électricité pour approvisionner l'Est du Canada, soit l'Ontario, le Québec et les provinces de l'Atlantique. Nous avons examiné les données actuelles.
Le président : À quel moment? Est-ce en 2041?
M. Martin : Non, c'est une estimation des besoins vers l'année 2030, ce qui arrive très vite dans ce domaine, étant donné le temps qu'il faut pour construire des centrales. Il manque environ 14 000 mégawatts pour l'Est du Canada seulement, sans tenir compte de l'énergie nucléaire. Outre nos propres projets, les projets officiels à venir devraient fournir environ 7 000 mégawatts, ce qui signifie qu'il manque environ 7 000 mégawatts. Le Québec a laissé entendre qu'il a d'autres plans. Il y aura d'autres développements, mais même en les additionnant tous, y compris le projet du fleuve Churchill, il n'y a toujours pas suffisamment d'énergie pour approvisionner les provinces de l'Est en énergie. Ces données ne tiennent même pas compte du nucléaire. En Ontario, on prévoit fournir entre 12 000 et 14 000 mégawatts de plus grâce à la remise à niveau de certaines centrales nucléaires. Si l'Ontario changeait d'avis, ces mégawatts s'ajouteraient au manque à combler. Nous n'avons pas encore examiné la situation de l'État de New York et de la Nouvelle-Angleterre, dont les besoins seront encore plus importants pour la même période. Je ne crois pas que la possibilité d'exporter entre 200 et 300 mégawatts devrait entrer en ligne de compte.
Cela changera-t-il le visage de l'énergie en Amérique du Nord? Je ne pense pas. En avons-nous besoin? Oui. Avons- nous besoin de Gull Island? Oui. Le Québec a-t-il besoin de plus d'énergie? Oui. La concurrence n'a pas d'importance si nous n'avons pas suffisamment d'énergie; il faut plutôt se demander comment la stimuler. Comment faire pour répondre aux besoins énergétiques du marché si nous manquons d'électricité? Nous aurons besoin de tous les projets. Étant donné ce manque à combler, chaque province ou territoire devrait chercher à fournir le plus d'énergie possible dans le système, comme je l'ai dit. Pourquoi faire autrement?
Encore une fois, nous avons bâti le Canada parce que nous avons su mener à bien nos projets dans le cas du chemin de fer et des autoroutes. Parallèlement, ces projets énergétiques sont tout à fait essentiels, alors on ne peut pas envisager la situation en fonction de la concurrence. Ce qui compte, c'est que nous en avons besoin, et Terre-Neuve-et-Labrador y contribuera largement.
Nous répondrons d'abord à nos besoins — cela ne fait aucun doute —, mais comme nos ressources sont abondantes, nous tenons compte des besoins de l'Ontario ainsi que des provinces de l'Atlantique. Nous examinons même la situation aux États-Unis, au cas où nous voudrions faire affaire avec eux, mais nous accordons la priorité au Canada. Nous devons nous entraider chez nous. Cela ne fait aucun doute. Je tenais à préciser tout cela, car les nouvelles que j'entends me découragent parfois : on ne se pose pas la bonne question.
Je reviens maintenant aux ententes que nous venons de conclure. À cette étape-ci, nous proposons de construire trois éléments distincts. Le projet hydroélectrique de Muskrat, qui sera le premier à prendre forme, comprend la centrale hydroélectrique à Muskrat Falls et deux lignes de transport d'électricité qui relieront Gull Island et Churchill Falls, représentées sur la carte par des traits jaunes. Ce projet de centrale hydroélectrique représente un engagement de 2,9 milliards de dollars. La somme a été convertie en dollars de 2016 et n'inclut pas les intérêts en cours de construction.
Le président : Est-ce que la ligne qui part de Muskrat et qui franchit le détroit de Belle Isle en fait partie?
M. Martin : Non, il s'agit de la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls et des deux traits jaunes qui relient Muskrat Falls à Gull Island, et Gull Island à Churchill Falls. Ce sont deux lignes de transport d'énergie. Ces trois éléments représentent ensemble 2,9 milliards de dollars.
Le président : Ces lignes ne font pas partie du projet de Muskrat.
M. Martin : Oui, elles en font partie.
Le président : Oh, d'accord.
M. Martin : Je vais vous en expliquer la raison. Du point de vue de l'environnement, les deux projets occupent une très faible superficie au sol par rapport à la centrale du cours supérieur du fleuve Churchill, qui est située sur un plateau. À l'époque, le terrain a été inondé considérablement en raison de la quantité incroyable d'eau qui s'y trouvait. Or, les nouveaux projets sont situés plus loin en aval, dans une vallée fluviale très profonde. Ainsi, seule la gorge sera inondée. Le cours supérieur du fleuve Churchill couvre probablement 2 500 kilomètres carrés environ, et le réservoir contient au total 5 000 kilomètres carrés d'eau. Par contraste, la superficie de Gull Island est de 85 kilomètres carrés — plutôt que 5 000 kilomètres carrés —, et celle de Muskrat Falls, de 41 kilomètres carrés, puisque toute l'eau restera prisonnière de la vallée étroite. Nous avons conclu une entente avec la centrale du cours supérieur du fleuve Churchill pour partager ce grand réservoir, et nous avons besoin de ces lignes de transport d'énergie pour y relier les nouveaux développements. En d'autres mots, il faut une ligne de transport d'énergie pour pouvoir partager l'eau. C'est pourquoi ces lignes font partie du projet.
Le barrage de Muskrat Falls coûtera à lui seul environ 2,5 milliards de dollars. Les deux lignes de transport d'énergie reviendront à environ 400 millions de dollars, ce qui totalise 2,9 milliards de dollars.
Le sénateur McCoy : À titre comparatif, quel est le coût total du projet Hebron?
M. Martin : Je peux vous en donner une idée, puisque nous sommes partenaires de ce projet. Étant donné notre participation directe de 5 p. 100, nous aimons que l'exploitant nous donne des chiffres. La somme exacte serait probablement préférable, mais en gros, le projet coûte entre 4 et 6 milliards de dollars, plus ou moins. La taille du projet est similaire. Pour vous donner un ordre de grandeur, la construction de la plate-forme Hibernia, il y a des années, a coûté environ 5,4 milliards de dollars, je crois, soit entre 5 et 6 milliards de dollars.
Le sénateur Neufeld : Quelle est la distance entre Churchill Falls et Gull Island, puis entre Gull Island et Muskrat Falls? Quelle distance parcourront les lignes de transport d'énergie, et combien d'énergie transporteront-elles?
M. Martin : En gros, ces lignes mesureront environ 200 kilomètres et supporteront une tension de 345 kV.
Le sénateur Neufeld : Avez-vous dit 345?
M. Martin : Oui, ce seront des lignes de 345 kV. Il est intéressant de souligner que ces lignes améliorées aideront non seulement le projet, mais aussi tout le Labrador. À Happy Valley-Goose Bay et dans l'Ouest du Labrador, la demande commence à augmenter, surtout de la part du secteur minier et d'autres secteurs en croissance, mais l'infrastructure en place depuis 40 ans commence à atteindre ses limites. Ces installations complètent le réseau de lignes de transport d'énergie et augmentent les possibilités de croissance à venir au Labrador.
Le sénateur Neufeld : Combien coûtent ces lignes? Vous l'avez mentionné assez rapidement.
M. Martin : Elles coûtent 400 millions de dollars.
Le sénateur Neufeld : Puisque les lignes coûtent 400 millions de dollars, les 2,5 milliards de dollars qui restent couvrent toute la construction du barrage de Muskrat Falls?
M. Martin : Oui, c'est effectivement le prix du barrage. La somme a été convertie en dollars de 2016 et ne compte pas les intérêts.
Le président : Avant hier en Nouvelle-Écosse, l'opposition de bandes métisses au projet de Muskrat Fall faisait la une de l'actualité. Ces bandes vivent-elles au Labrador?
M. Martin : Oui. Vous savez probablement qu'elles ont déposé une plainte en cour afin d'obtenir une injonction visant à empêcher les audiences publiques. Nous verrons comment la situation évoluera au tribunal. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que ces bandes forment un groupe d'intérêt non négligeable. Nous avons mené une consultation en profondeur auprès de tous les groupes sur le territoire, mais pour ce groupe en particulier, nous avons organisé des réunions ou avons tenté de le faire à près de 25 reprises. Je sais que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a accordé environ 180 000 $ au groupe pour la réalisation d'études, et bien sûr, pour sa participation. Nalcor aussi lui a remis 300 000 $ à cette fin. Nous avons travaillé fort avec ce groupe et avec bien d'autres groupes, y compris les Innus du Québec. Nous avons passé des heures à discuter avec les Innus du Québec, les Innus du Labrador et beaucoup d'autres groupes d'intérêt, comme Grand Riverkeeper Labrador, diverses chambres de commerce, et ainsi de suite. Nous avons déployé des efforts considérables pour leur transmettre de l'information, nouer le dialogue et travailler avec eux. Je crois que c'est aujourd'hui que commencent les audiences publiques au Labrador. Nous attendons les 45 prochains jours avec impatience non seulement en raison de tout le travail accompli jusqu'à maintenant, mais aussi parce que nous ne pourrions demander rien de mieux que 45 jours de consultation. L'objectif de tout cela est de mener à bien le projet.
Le président : Qui préside les audiences publiques?
M. Martin : Il s'agit d'une commission mixte d'examen fédérale-provinciale, dont les membres ont été nommés conjointement, par définition. Cette commission mènera un examen environnemental à part entière. Je ne sais pas exactement quand elle a été formée, mais nous travaillons avec elle depuis deux ou trois ans.
Le sénateur Lang : Combien de personnes vivent là?
M. Martin : Au Labrador, il y a environ 25 000 personnes dans la région. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais les gens sont surtout concentrés à Happy Valley-Goose Bay et dans l'Ouest du Labrador. Si on tient compte de ces deux collectivités et de celles de Churchill Falls et de Nain, sur la côte, cela donne 12 000, 15 000 ou plus sur le nombre total de 25 000 personnes que compte la région. Beaucoup de gens vivent sur la côte. Les principales concentrations de populations sont dans l'Ouest du Labrador, à Happy Valley-Goose Bay, à Churchill Falls et sur la côte.
Le sénateur McCoy : Vous avez dit que les 2,9 milliards de dollars ne comprenaient pas tous les intérêt. De quoi est-il question au juste?
M. Martin : Il y a aussi les intérêts intercalaires, soit les intérêts qui s'accumulent pendant la construction. Nous commencerons à dépenser plus de fonds d'immobilisation en 2012 et les intérêts s'accumuleront.
Le sénateur McCoy : Je me demandais ce que vous vouliez dire par là.
Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que le projet de Muskrat Falls représentait une dépense de 2,5 milliards de dollars. Je crois que la production serait de 840 ou de 850 mégawatts. La géographie ou autre chose doit avoir une influence, car cela me semble plutôt abordable pour produire autant d'énergie. Quel est le facteur qui vous avantage? Parle-t-on d'un facteur déterminant? C'est clair que l'électricité sera moins coûteuse si on la produit avec seulement un investissement de 2,9 milliards de dollars.
M. Martin : Monsieur le sénateur, un rapport indépendant a été produit. J'en oublie le titre, mais nous l'avons inclus dans l'évaluation environnementale. Ce rapport indique qu'à l'heure actuelle, il s'agit de deux des meilleurs projets au Canada. Ces projets auraient dû être réalisés il y a 40 ans, mais c'était impossible pour toutes sortes de raisons.
C'est simplement une question de géographie naturelle. La géographie influence beaucoup l'efficacité d'un projet hydroélectrique et elle est idéale dans le cas qui nous occupe. Il faut également tenir compte de la hauteur de la dénivellation. Au Labrador, la dénivellation naturelle est très importante et, en plus de la géographie des environs, c'est ce qui rend les projets aussi intéressants. Si beaucoup d'eau coule dans un tuyau très peu incliné, elle sortira assez lentement; mais si l'eau coule à pic, elle sort très vite et elle fait tourner les turbines rapidement. Grosso modo, c'est simplement une question de géographie et de topographie. Je répète qu'il s'agit de deux des derniers grands projets à réaliser.
Le sénateur Neufeld : Je ne veux pas insister, mais le terrain est-il surtout composé de roches et combien de mètres ou de pieds la dénivellation fait-elle?
M. Martin : Le canal de fuite de Churchill Falls, la différence entre l'eau en haut et l'eau en bas du barrage, c'est à peu près 425 pieds. Je ne me souviens pas avec précision du canal de fuite de Gull et de Muskrat, mais bien sûr, c'est environ la même chose. On parle d'une pression exercée grâce à une dénivellation de 425 pieds.
Le sénateur Neufeld : Le sol se compose-t-il surtout de roches?
M. Martin : Oui, je pense que c'est le cas à Terre-Neuve. Il y a beaucoup de roches, mais elles sont recouvertes d'une couche importante d'autres matières. C'est pourquoi il n'y aura pas beaucoup de dynamitage. Nous devrons retirer bien des choses pour arriver aux roches, qui ne présentent pas beaucoup de problèmes concernant les deux projets.
Le sénateur Mitchell : Avant qu'il ne soit trop tard, je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit. Le projet est intéressant et je crois qu'il remplacera une bonne partie de l'énergie produite par les centrales au charbon. Avez-vous une idée de l'énergie produite par ces centrales que le projet permettra de remplacer? Permettez-moi de dire que la réduction ou l'élimination progressive des centrales au charbon semble bien résulter, d'une manière ou d'une autre, des nouvelles dispositions réglementaires annoncées par le gouvernement fédéral. C'est une très bonne chose; dans les circonstances, le gouvernement ne devrait-il pas vous accorder la garantie de prêt? Étant donné qu'il a mis en œuvre des dispositions pour remplacer ces centrales, le gouvernement fédéral pourrait vous accorder la garantie de prêt demandée.
Le président : Tout d'abord, demandez-vous une garantie de prêt?
M. Martin : Oui, tout à fait. Je vais en parler de manière générale, car j'y pensais hier soir et j'ai pris quelques notes. Je peux vous répondre avec précision concernant la réduction des gaz à effet de serre, mais vous voulez savoir pourquoi nous demandons une garantie de prêt. J'ai examiné sous quatre angles les avantages que le projet présente pour les Canadiens.
Nous en avons beaucoup parlé et il s'agit d'un projet de grande envergure sur les plans national et régional; cela ne fait aucun doute. Nous allons relier Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi fournir tellement d'énergie. Cela change tout, dans l'Est du Canada.
Concernant les gaz à effet de serre, vous avez parlé des objectifs actuels du gouvernement fédéral. À lui seul, le projet représente une réduction d'environ 4,5 mégatonnes dans les provinces de l'Atlantique. En outre, le projet de Gull Island nous permettra d'en faire bien plus, car selon les prévisions du gouvernement fédéral, la réduction des gaz à effet de serre sera de 10 ou de 12 mégatonnes. Lorsque nous aurons fermé la centrale de Holyrood, à Terre-Neuve, les émissions de GES seront réduites de une ou de 1,5 mégatonne. L'énergie sera renouvelable à 100 p. 100.
Par ailleurs, je félicite le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, qui a fixé des objectifs parmi les plus élevés du pays et cela lui est très profitable.
Le sénateur Mitchell : On ne peut rien accomplir sans établir des objectifs élevés.
M. Martin : En effet.
Au gouvernement de la Nouvelle-Écosse, on a été très créatif et on nous a dit que, si on ne faisait pas telle chose, on devrait en faire une autre, comme combiner l'énergie éolienne et la biomasse. Je reparlerai un peu de l'entente si l'occasion se présente. On nous a montré les coûts et on nous a demandé si nous pouvions réaliser un projet hydroélectrique, plus avantageux; nous avons répondu que c'était possible. C'est là que nous avons commencé à collaborer avec Emera, en Nouvelle-Écosse. Le projet intéressait les représentants de la société et, en ce qui nous concerne, il nous permettait de remplacer la centrale de Holyrood. Même si 60 p. 100 de l'eau et de l'énergie n'était pas mis à profit, le projet nous intéressait. Or, tout à coup, il a aussi suscité l'intérêt du gouvernement de la Nouvelle- Écosse, lorsque nous en avons rediscuté. Je reviendrai sur la question dans un instant.
Concernant le besoin d'une garantie de prêt, il s'agit d'un projet de grande envergure sur les plans national et régional et, notamment, pour ce qui est des GES. On parle d'un projet de 6,2 milliards de dollars et, par expérience, nous pouvons dire qu'il entraînera des retombées économiques très importantes. Le projet sera très profitable pour Terre-Neuve, mais encore plus pour le Québec, l'Ontario et les autres provinces de l'Atlantique, en raison des industries qu'on y trouve. Par le passé, tout l'Est du Canada, dont l'Ontario et le Québec, a beaucoup bénéficié de tels projets. Nous sortons d'une récession et les projets vont augmenter la stabilité régionale et la sécurité de l'approvisionnement au pays, en plus de permettre la réalisation d'autres initiatives régionales d'énergie renouvelable, si l'on pense à l'éolien à l'Île-du-Prince- Édouard, en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick. L'hydroélectricité sera avantageuse pour nous et elle renforcera d'autres entreprises.
De plus, notre projet est essentiel au réseau est-ouest dont les gens parlent. Je dirais qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, nous participons au changement. Nous avons demandé le libre accès et nous dépensons beaucoup d'argent pour l'obtenir. Par exemple, nous engagerons des fonds considérables au Québec. Nous cherchons à bâtir une autre partie du réseau est-ouest. Bien des gens parlent de ce réseau, mais nous travaillons à son établissement et nous pensons que c'est une très bonne chose pour le pays.
Cependant, mettons cela de côté un instant. Mon prochain argument n'est peut-être pas le meilleur, mais j'ai effectué quelques recherches hier soir et mon personnel a examiné ce qui fait que les gens n'envisagent pas le projet d'un point de vue pancanadien. Mon personnel a trouvé des exemples d'aide que le gouvernement fédéral a accordée pour d'autres grands projets d'infrastructure partout au pays. Je ne sais pas pourquoi on se concentre sur un petit projet et pourquoi on dit qu'il est différent. L'Ontario présente de nombreux exemples et, bien sûr, l'industrie automobile se démarque. Au Québec, l'aérospatiale sort du lot si on se penche sur ce qui a été fait au fil du temps. Dans l'Ouest, il y a la séquestration de carbone, qui permettrait d'augmenter la production de pétrole canadien dans l'économie mondiale. Le gouvernement doit augmenter l'offre et aider les Canadiens à le faire. Cela doit vous dire quelque chose et c'est ce dont nous parlons à l'heure actuelle.
Dans le cas qui nous occupe, ce sont les contribuables qui profitent directement d'une garantie de prêt. Il est essentiel de considérer que les avantages consentis iront tout droit dans l'assiette des taux. Ce ne sont pas seulement Emera, Nalcor ou les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador qui vont profiter de l'aide financière. Étant donné que l'assise économique du Canada est plus forte que celle des provinces de l'Atlantique, la garantie de prêt permettrait de réduire les taux d'intérêt. Au fond, on parle de transférer l'argent des banques aux contribuables.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Martin, c'est un très bon argument. Durant nos audiences en Nouvelle-Écosse, on a soulevé la question sur ce qui garantit aux Néo-Écossais qu'ils vont profiter des économies réalisées. La chose est-elle certaine ou dépend-elle des négociations entre la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et votre organisation? C'est une question essentielle.
Vous avez présenté un très bon argument et je parlerais aussi des sables bitumineux, qui entraînent d'excellentes retombées économiques pour tout le pays, notamment pour Terre-Neuve. En passant, je suis de l'Alberta et je vous remercie de nous fournir une main-d'œuvre aussi précieuse. Le gouvernement fédéral a aidé à la mise en valeur des sables bitumineux grâce à une participation directe au capital. Le gouvernement possédait une partie de Syncrude et il a investi des milliards de dollars dans la recherche et ce genre de choses, en plus de la capture et du stockage de carbone. Selon moi, il s'agit d'un excellent argument.
Le projet sert en partie à remplacer les centrales au charbon et il répond à une exigence de la politique fédérale. Le gouvernement du Canada participe déjà au projet; il ne peut donc pas simplement le laisser tomber, s'en laver les mains et dire qu'il ne donnera pas de fonds, car en fin de compte, cela ne lui coûtera rien.
M. Martin : J'ai travaillé dans le secteur du pétrole, qui est très profitable. C'était la bonne chose à faire et cela a renforcé le pays. Il faut contribuer aux projets pour qu'ils se réalisent et cela s'applique dans le cas présent.
Le sénateur Mitchell : Tout à fait.
M. Martin : On parle de projets énergétiques qui changent tout au pays et, selon nous, c'est une excellente occasion pour le gouvernement fédéral de travailler en partenariat.
Le président : Merci.
M. Martin : Je ne m'attarderai pas sur le sujet, mais si je ne m'abuse, j'ai parlé de l'esprit de compétition qui existe dans certaines provinces. Nous souhaitons simplement montrer un autre point de vue et dire que le Canada aura un important manque à gagner. Il ne faut pas entrer en compétition, mais se demander où on va trouver l'énergie. Si on tient compte de tous les facteurs et si on compare ce qui se fait dans le reste du pays, la garantie de prêt est, selon nous, une des meilleures occasions pour le gouvernement fédéral de participer à un projet et de travailler en partenariat.
Le sénateur Neufeld : Si on additionne tous les coûts — les 2,9 milliards de dollars pour la première partie de la transmission et tout le reste ainsi que les coûts liés à Gull Island après cela —, les projets sont-ils, en tant que tels, tout à fait avantageux sur le plan économique? À mon avis, 2,5 milliards de dollars pour construire un barrage de 824 mégawatts, c'est très abordable par rapport à ce qui se fait ailleurs au pays. Si on exclut les garanties de prêts, de tels projets sont-ils rentables et permettent-ils de réduire les tarifs imposés aux points de livraison? Si une garantie était accordée, quel pourcentage représenterait la baisse du tarif offert aux utilisateurs finaux, s'il vous plaît? Parle-t-on d'un demi-cent le kilowattheure?
M. Martin : La première question concerne la faisabilité du projet s'il ne bénéficie pas d'une garantie de prêt. Je vous répondrai sans détour, mais je vais tout d'abord situer le contexte de manière brève. Bien sûr, les gens se demandent pourquoi il faut accorder une garantie de prêt si elle n'est pas nécessaire. Et si elle l'est, on se dit que le projet n'est pas rentable et qu'il vaut mieux alors ne pas consentir une garantie de prêt. Nous nous sommes penchés sur la question. De nombreuses personnes de mon coin de pays qui travaillent à Ottawa depuis quatre ans et moi n'avons jamais rien demandé. J'ai simplement continué d'expliquer le projet et de vous informer de ce que nous faisions, en vous disant que je ne vous parlerais pas de possibilité d'investissement avant que le projet soit rentable. Tout le monde a dit que l'idée était excellente.
Le projet est rentable et il peut être mis en œuvre sans une garantie de prêt. Cependant, la question n'est pas là. Le grand avantage que les Canadiens tirent de tels projets, c'est que nous bâtissons l'avenir, en particulier dans l'Est du pays. Il s'agit d'une importante occasion d'investissement pour le gouvernement du Canada. C'est ce que nous disons aux représentants du gouvernement fédéral, des banques ou des groupes d'investisseurs. Si l'objectif du gouvernement est de faire profiter les Canadiens, nous avons un excellent projet qui se compare à tout ce qui se fait au pays et il importe d'y participer.
La seconde question concerne les réductions aux contribuables. Je ne sais pas en ce qui a trait à la Nouvelle-Écosse, mais si on tient compte des intérêts durant la construction et d'autres choses concernant Terre-Neuve-et-Labrador, on parle d'un taux d'intérêt réduit de 2 p. 100. Le projet pourrait coûter près de 15 p. 100 moins, mais en raison de notre structure, la facture mensuelle des utilisateurs finaux baisserait d'environ 6 ou 7 p. 100. C'est ainsi que les choses fonctionnent, car nous devons prendre en considération d'autres coûts. Les contribuables ne profitent pas d'une réduction de 15 p. 100 à cause de toutes sortes de frais. Cela dit, la facture d'électricité mensuelle des utilisateurs finaux baisserait de 6 ou de 7 p. 100.
Le sénateur Neufeld : À quoi les 6 ou 7 p. 100 se rapportent-ils? Parle-t-on d'environ 8 cents le kilowattheure pour l'utilisateur final?
M. Martin : Je pourrai vous répondre d'ici peu, sénateur.
Le sénateur Neufeld : Merci. Ne vous méprenez pas, car je dirais que votre approche et vos idées sont excellentes. Dans la même veine que les propos du sénateur Mitchell sur la réduction des gaz à effet de serre, le gouvernement fédéral doit-il accorder des garanties de prêts pour tous les projets qui sont rentables ou presque et qui visent à produire de l'électricité propre? Je pense que d'autres projets au Canada entraînent les mêmes avantages, même si leur importance est moindre. Le gouvernement doit-il forcément offrir des garanties de prêts pour de tels projets?
M. Martin : Monsieur le sénateur, je dirais qu'on ne peut pas minimiser l'importance des projets. Je pense que, si d'autres projets au pays donnent le même genre d'avantages dont j'ai parlé, ils doivent être prioritaires, comme les nôtres. Je ne sais pas si les autres projets sont aussi profitables. Au risque de me répéter, il est question de relier Terre- Neuve-et-Labrador dans les deux sens à la partie continentale du Canada pour la première fois, de produire jusqu'à 15 000 mégawatts d'énergie propre, de réduire de beaucoup les GES dans les provinces de l'Atlantique, d'y travailler en tant qu'unité opérationnelle, une situation sans précédent, et de renforcer le pays. À bien y penser, de tels avantages sont loin d'être négligeables. Si d'autres projets au pays peuvent avoir un effet aussi positif dans une région importante — notre projet a une grande influence sur le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, Terre- Neuve, le Québec et l'Ontario —, ils doivent aussi être prioritaires.
Le sénateur Mitchell : Il faut également penser que, si vous pouviez réduire les GES de 4,5 mégatonnes et s'il y avait un marché du carbone fixé à 30 $ la tonne, vous pourriez vendre des crédits qui s'élèveraient à 135 millions de dollars. Si nous nous mettons simplement à la tâche et si nous établissons un marché du carbone au pays, nous pourrons disposer d'encore plus de possibilités économiques ou vendre des crédits en Europe.
M. Martin : C'est un excellent commentaire. Nous n'avons pas inclus le coût du carbone, car nous voulions rester prudents dans nos calculs. Toutefois, vous avez raison et c'est une bonne remarque. Je crois que le gouvernement fédéral établit des objectifs et qu'il fait des progrès. Je sais que la question est complexe, mais notre projet sera réalisé avant l'entrée en vigueur de tels marchés. Il convient de se demander ce que nous allons faire; notre projet ne profitera pas des crédits sur le carbone et nous devons aller de l'avant.
Le sénateur Mitchell : Merci. C'est dommage.
Le sénateur Lang : Concernant les finances, vous avez dit que les principales recettes venaient de l'industrie du pétrole et du gaz. À quoi s'est-on engagé? De combien d'argent parlons-nous?
M. Martin : Je vais parler de manière générale. La garantie de prêt a une influence sur notre structure financière. Néanmoins, si on présume que le projet est financé de manière raisonnable, soit à hauteur de 6,2 milliards de dollars, on doit prévoir un ratio d'endettement moyen de 70-30. Ce ratio donne donc des capitaux propres de l'ordre de 1,5 à 2 milliards de dollars. Il s'agit d'estimations. Sans garantie de prêt, il faudrait sans doute investir davantage, car c'est ainsi que les choses fonctionnent. Étant donné que nous voulons construire quelque chose qui servira aux générations à venir, nous pourrions demander au gouvernement provincial d'augmenter sa participation. C'est une question de proportion.
Je dois féliciter le gouvernement de la province de ce qui a été fait. Lorsque je suis arrivé en poste, Hydro Terre- Neuve-et-Labrador était criblée de dettes pour plusieurs raisons. Le ratio d'endettement est passé de 88 à 90 p. 100. Cela dit, nous inversons la tendance et la province a investi dans Nalcor pour le projet en question et les projets pétroliers. À Nalcor, le bilan indique environ 40 ou 45 p. 100 de dettes et le solde, ce sont des capitaux propres qui serviront au financement. Étant donné que le gouvernement provincial a déjà engagé des fonds, nous nous préparons en conséquence. Voilà donc pour ce qui concerne notre partie à nous. Il faut maintenant demander la participation des marchés financiers. Or, on nous répond que notre structure est correcte et que le projet est sur la bonne voie, mais on refuse de nous aider. On veut savoir ce que font les gouvernements fédéral et provincial et où nous en sommes dans nos démarches. Nous essayons de réunir toutes les conditions nécessaires. Il est clair qu'au gouvernement provincial, on a pris des mesures énergiques et qu'on tient parole concernant les dépenses liées à l'infrastructure.
Le président : Veuillez nous excuser de toutes les interruptions, mais nous avons convenu que c'était la meilleure façon de fonctionner; poursuivez.
M. Martin : J'aimerais parler de la carte quelques minutes, car elle aide beaucoup à comprendre le projet. Je répète qu'il faut tenir compte de trois choses. Il y a la ligne de transport entre Muskrat Falls et Soldiers Pond, que nous appelons la ligne de l'île de Terre-Neuve. Le projet demande d'investir 2,1 milliards en dollars de 2016, sans compter les intérêts intercalaires. Il y a aussi la ligne de transport des Maritimes, qui représente 1,2 milliard de dollars.
Mettons de côté la ligne des Maritimes, car je veux insister sur un élément essentiel de la structure du projet et dire qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, on aura besoin d'une nouvelle source d'énergie en 2015. C'est une simple planification du système. La demande est croissante même si certaines papeteries ont fermé. Vale Inco ouvre une fonderie et il y a la croissance normale de la demande. Nos gens ont procédé à des analyses rigoureuses et ils nous ont dit qu'il fallait construire quelque chose en 2015 pour répondre aux besoins. Cela ne pose pas de problème. Nous avons examiné toutes les options et conclu que l'option la plus rentable pour assurer l'indépendance énergétique de Terre-Neuve-et- Labrador, c'était de construire un barrage à Muskrat Falls et d'installer une ligne de transport vers Terre-Neuve, deux occasions qui nous permettraient de construire d'autres petits barrages et des éoliennes et de remplacer des sources d'énergie actuelles par une centrale thermique.
Bon nombre d'options ont été étudiées et la meilleure option pour Terre-Neuve-et-Labrador, c'est un barrage à Muskrat Falls et une ligne vers Terre-Neuve qui n'utilise que 40 p. 100 de l'énergie du barrage et qui laisse un excédent de 60 p. 100. Grosso modo, nous prenons des mesures relatives à la planification du système.
À partir de là, nous nous sommes bien sûr demandé à quoi les 60 p. 100 disponibles pourraient servir. Nous devions assurer l'indépendance énergétique, car assurer la sécurité de l'approvisionnement, c'est planifier la production. On ne peut dépendre de personne pour satisfaire à ses propres besoins. En tout cas, c'est la façon de penser des Terre- Neuviens depuis 100 ans. Nous ne pouvons pas simplement acheter de l'énergie; il faut être indépendant. Nous nous sommes demandé comment utiliser les 60 p. 100 qui restaient. Nous ne pouvions pas laisser l'eau couler au-dessus du barrage. Je répète que nous avons tenu des discussions fructueuses avec les représentants de la Nouvelle-Écosse et d'Emera sur ce que l'énergie allait coûter par rapport aux avantages. Nous nous sommes entendus sur 20 p. 100. Le marché était bon pour eux et pour nous. Cela nous a amenés à parler de la ligne de transport des Maritimes. Nos clients ont promis d'investir 1,2 milliard de dollars dans la construction de la ligne pour obtenir 20 p. 100 de l'énergie durant 35 ans. Nous deviendrons propriétaires de la ligne après cela pour 1 $ et ils pourront profiter d'un libre accès pendant les 15 années suivantes. Nous pourrons reprendre les 20 p. 100 si nous le souhaitons ou conclure un nouveau marché avec eux. De plus, nous posséderons et gérerons l'énergie qui excédera les 20 p. 100 sur la ligne des Maritimes.
Donc, 40 p. 100 de l'énergie va à Terre-Neuve-et-Labrador et 20 p. 100, à la Nouvelle-Écosse, et 40 p. 100 est toujours disponible. Lingan reçoit 40 p. 100 d'énergie par une ligne qui ne coûte rien, car, au fond, l'énergie serait gaspillée si elle demeurait inutilisée. Étant donné qu'il pouvait fermer certaines centrales au charbon grâce à nous, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse nous a permis d'utiliser ses lignes de transport. Nous allons nous servir des lignes existantes et payer selon l'utilisation. Au lieu de construire de nouvelles infrastructures, nous nous servirons des lignes actuelles, en Nouvelle-Écosse. Au Nouveau-Brunswick, Emera a acheté l'usine à gaz de Bayside, qui a une capacité de transport de 260 mégawatts. Nous allons en profiter seulement durant l'été, mais cela répond à nos besoins, car nous utilisons toute l'énergie en hiver. Emera nous a cédé les droits jusqu'à la frontière du Maine. Cette compagnie a des parts au Maine et en Nouvelle-Angleterre et elle possède Bangor Hydro Electric Company, qui a fait l'acquisition de Maine Electric Power Company et de ses droits acquis liés à l'engorgement, il y a un certain nombre d'années. Même si l'énergie n'est pas disponible pour l'instant, la priorité ira à l'entreprise qui possède ces droits, en cas d'engorgement. Les droits nous ont été cédés. Si nous le souhaitons, nous pourrons sans doute vendre de l'énergie en Nouvelle- Angleterre à 12 ou à 13 $ le mégawattheure.
Cependant, je ne pense pas que nous allons le faire. Je pense que nous vendrons la majorité de l'énergie dans les provinces de l'Atlantique. Il nous fallait accéder à un marché pour la première fois de notre histoire afin de négocier sur un pied d'égalité avec les gouvernements des autres provinces. Nous y sommes arrivés et je pense que, si on y met le prix, nous vendrons sans doute la majorité de l'énergie dans les provinces de l'Atlantique. Nous discutons beaucoup avec les représentants de ces provinces.
L'entente est très avantageuse pour nous et, à Emera, on nous a offert des garanties. On a accepté d'acheter l'énergie au même prix, même si une ligne ne fonctionnait plus. Autrement dit, nous avons supprimé le risque concernant les lignes de transport.
En retour, Emera souhaitait faire d'autres investissements. Emera est une entreprise privée et c'est une très bonne chose. Elle souhaitait investir à Terre-Neuve et nous avons dit que nous acceptions à la condition de garder le contrôle du système de transport. Nous nous sommes entendus pour qu'Emera investisse 600 millions de dollars des 2,1 milliards nécessaires à la ligne. Nous pensons qu'il s'agit d'un excellent marché. De plus, nous cherchions à réduire nos investissements quelque peu, en vue du projet de Gull Island. Selon nous, il ne faut pas trop investir dans les lignes de transport, parce que c'est la production d'énergie qui est intéressante. Le marché nous est profitable et il nous a permis d'ouvrir la voie à une bonne entreprise qui investit à Terre-Neuve-et-Labrador. Toutes les parties sont gagnantes et nous conservons des fonds pour le projet de Gull Island.
Voilà le fondement de l'entente; nous tenions à ce que les choses fonctionnent. Deux entreprises et deux gouvernements provinciaux qui souhaitaient conclure un marché juste et profitable pour tous ont donc élaboré un projet rentable. Simplement du point de vue des chiffres, le projet fonctionne. Je répète qu'en fin de compte, tout ce dont j'ai parlé concerne la rentabilité. Nous pouvons aller de l'avant et nous pensons qu'il s'agit d'une belle occasion pour le gouvernement fédéral de participer à un projet.
Le président : Quels sont les besoins annuels en énergie de Terre-Neuve-et-Labrador?
M. Martin : En fait, 40 p. 100 de l'énergie produite par ce projet suffiront à répondre aux besoins de Terre-Neuve-et- Labrador, et notre énergie sera complètement renouvelable.
Le président : Donc, 320 mégawatts?
M. Martin : Je dirais entre 300 et 500 mégawatts. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques, mais nos besoins se situeront environ entre 300 et 500 mégawatts. Cet écart s'explique par le fait que nos besoins pourraient atteindre 500 ou 600 mégawatts en hiver et ils pourraient être bien moindres en été. Toutefois, vous devez vous rappeler qu'il s'agit de nos besoins actuels. Ils augmenteront, et nous prévoyons que d'ici 2041, nous aurons besoin de toute l'énergie produite. Les 40 p. 100 excédentaires serviront à répondre aux besoins des Terre-Neuviens.
Nos prévisions fonctionnent même si nous ne prévoyons rien construire d'autre, parce que nous voulions que le projet soit indépendant. En réalité, nous redirigerons l'énergie exportée pour répondre à nos besoins; nous aurons accès à la capacité qui sera créée ici. Cela encouragera d'autres développements dans les domaines de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne au Labrador et sur l'île de Terre-Neuve. Nous n'avons pas tenu compte de ces éléments dans nos prévisions, parce que nous ne croyons pas que c'était prudent, mais c'est ce qui se produira. Nous continuerons d'augmenter notre capacité et d'exporter de l'énergie, et ce sera seulement possible sous cette configuration. En même temps, comme je l'ai dit, nous continuons de mettre l'accent sur le projet de Gull Island et les autres corridors. C'est seulement la première étape, comme je l'ai mentionné, d'un plan échelonné sur 30 ou 40 ans, et celui-ci fonctionne.
J'ai presque fini, mais j'aimerais répondre à d'autres questions. J'aimerais aussi pouvoir aborder la question de la progression du projet. Encore une fois, nous n'avons aucun moyen de le savoir, mais je me sens vraiment obligé de vous en parler, parce que nous sommes vraiment avancés. Je tiens vraiment à vous faire savoir que ce projet progresse. Je veux que vous le saisissiez. Avons-nous le temps? Avez-vous d'autres questions?
Le président : Oui, absolument. Nous avons parlé avec votre assistant là-bas. Si vous pouvez rester plus longtemps que prévu, nous avons le temps.
M. Martin : Sénateur, je vais passer la journée ici, si cela nous permet de progresser.
Le président : Prenez votre temps. Tous les six sénateurs aimeraient vous poser des questions lorsque vous aurez terminé. Veuillez vous assurer de nous dire tout ce que vous voulez nous dire en premier.
M. Martin : Je passerai directement à la page 17 du document anglais, pour ceux qui veulent suivre l'exposé. Il y a beaucoup de données intéressantes. Je crois avoir abordé la majorité des éléments, et vous pouvez évidemment consulter le document par vous-même. La partie sur l'état du projet débute à la page 17 du document anglais, et c'est le sujet dont j'aimerais maintenant vous parler. La page suivante concerne le processus par points de contrôle. C'est encore une fois une façon d'avoir une vue d'ensemble du projet. C'est la façon typique de réfléchir à l'exécution d'un projet. Cette méthode est utilisée dans toutes les grandes entreprises, et nous l'utilisons depuis des années. C'est ainsi que nous organisons nos idées. C'est le meilleur moyen de réaliser des projets de grande envergure, comme le nôtre. Nous avons appris de notre longue expérience qu'il faut établir des règles dès le début et dresser la liste de ce qui doit être fait pour passer un point de contrôle où nous nous arrêtons, nous examinons la situation et nous prenons une décision avant d'investir plus d'argent. C'est la fonction de chacun de ces points de contrôle. Nous avons établi ce qui doit être fait et approuvé à chaque étape du projet. Lorsque nous arrivons à l'un de ces points de contrôle, nous nous arrêtons, nous passons en revue ce qui a été fait et nous examinons les données de nouveau. Nous vérifions pour nous assurer que le projet est toujours réaliste.
Il y a quelques mois, nous avons passé le deuxième point de contrôle. Cela veut dire que nous avons réalisé beaucoup de travaux en quatre ans. J'en discuterai dans un instant. En passant le deuxième point de contrôle, cela veut dire que nous sommes prêts à aller de l'avant et à investir de l'argent pendant que nous attendons l'approbation environnementale et d'autres éléments. Nous n'avons pas de contrôle sur le processus relatif à l'approbation environnementale, mais nous sommes rendus aux audiences. Si nous obtenons l'approbation, les autres éléments et notre financement, nous sommes prêts et nous avons décidé de poursuivre les investissements. Lorsque tout sera en place, nous pourrons passer le troisième point de contrôle et aller de l'avant avec les premières pelletées de terre. Nous nous attendons à le faire d'ici la fin de l'année.
Le président : Vous dites toujours « si » vous obtenez cet élément. Il n'y a pas de « si », non?
M. Martin : Je n'ose jamais m'avancer sur le processus relatif à l'approbation environnementale. Donc, en mettant de côté ce processus sur lequel nous n'avons pas vraiment de contrôle, nous avons donné le feu vert à la suite du projet. Cependant, je dois dire « si », parce que nous sommes très engagés dans ce processus et nous voulons le suivre comme il se doit, et nous ferons tout ce qu'il faut pour y arriver. En présumant que nous obtenions l'approbation, nous pourrons officiellement aller de l'avant. Toutefois, je dois utiliser le « si ». L'approbation environnementale est très importante à nos yeux.
Le sénateur McCoy : Ce n'est pas un processus en lien avec la porte de l'Atlantique; c'est le processus normal de prise de décisions dans le cadre d'un projet
M. Martin : Vous avez tout à fait raison, madame le sénateur. Nous l'utilisons d'un bout à l'autre de l'entreprise. Nous avons établi une liste très détaillée d'éléments que nous devons compléter pour passer un point de contrôle; j'ai sorti les cinq ou six éléments clés qui vous intéresseront le plus pour vous donner un aperçu de notre progression et de tout ce qui a été accompli lorsque nous passons un certain point de contrôle. Les catégories se trouvent à la page 19 du document anglais. J'aimerais parler brièvement de notre progression au sujet des études techniques, du dossier des Autochtones, de l'environnement, de l'accès aux marchés, de l'exécution du projet et du financement.
En ce qui concerne les études techniques, à la page 20 du document anglais, elles ont concerné trois projets : celui de production, soit Muskrat Falls et Gull Island. Nous avons mené bon nombre d'études techniques. Nous avons passé trois étés sur le terrain à mener des travaux; nous avons aménagé des puits pour vérifier l'épaisseur des dépôts meubles, pour étudier les diverses interfaces possibles entre les roches et pour comprendre ce qui se trouve dans le sol. Nous analysons depuis 40 ans la longue histoire de notre hydrologie. Actuellement, nous sommes rendus au point où nous comprenons la tâche et nous avons suffisamment évalué les coûts pour nous permettre de passer le deuxième point de contrôle.
Au sujet du projet de ligne de transport entre le Labrador et l'île de Terre-Neuve et du projet entre l'île de Terre- Neuve et les Maritimes, nous avons tracé les corridors. Nous avons envoyé des navires prendre les mesures bathymétriques, comme je l'ai mentionné. Si nous regardons ce qui se passe entre Terre-Neuve et le Labrador, nous avons créé deux équipes : une équipe tunnel et une équipe subsurface. Les deux équipes ont procédé à des études techniques, et nous avons décidé de déposer les câbles sur le fond marin. Beaucoup de travaux ont été nécessaires pour prendre ces décisions et pour atténuer les risques afin que seuls les risques acceptables subsistent. Les études techniques nous ont permis de comprendre la tâche. N'oubliez pas que ce projet est en cours depuis 40 ans. Nous avons retenu beaucoup de données des essais précédents en plus de les modifier et de les réévaluer, et nous avons ajouté nos propres données. Nous avons utilisé ces renseignements pour évaluer les coûts.
Le président : Il est assez évident en consultant le document et en vous écoutant que bon nombre d'éléments préliminaires à la réalisation du projet de Gull Island, même si c'est le prochain projet, sont faits en même temps pour les deux projets.
M. Martin : Absolument. Nous n'avions pas le choix, parce que ce n'était pas nous qui décidions du projet qui serait lancé en premier. Nous savions que les deux s'en venaient. Nous avons donc avancé les deux en même temps.
Le président : J'aimerais revenir à la page sur processus par points de contrôle. J'ai l'impression que vous êtes presque rendus au deuxième point de contrôle aussi pour le projet de Gull Island.
M. Martin : Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Dans ce projet, je crois que c'est la question de l'accès aux marchés que nous aimerions régler. Pour passer le deuxième point de contrôle, l'une des exigences est d'avoir une liste de conditions avec un partenaire acceptable pour confirmer que nous avons accès aux marchés; et le tout doit être documenté. C'est ce que nous apporte l'accord conclu avec Emera. Dans le cas du projet de Gull Island, nous devons d'abord conclure nos discussions avec le Québec. Ensuite, ce projet sera essentiellement rendu au même stade que le projet de Muskrat Falls.
J'aimerais vous parler des consultations avec les Autochtones, ce qui se trouve à la page 21 du document anglais. Nous sommes très fiers à Nalcor de l'excellente relation forgée avec la nation innue du Labrador avec laquelle nous collaborons depuis maintenant plus de deux ans. Il y avait un grave problème qui traînait depuis 20 ou 30 ans, mais nous avons réussi à gagner la confiance de ce peuple. Nous avons en fait paraphé trois ententes détaillées entre Nalcor, la province de Terre-Neuve-et-Labrador et la nation innue. La première concerne l'entente sur les répercussions et les avantages du projet sur la partie inférieure du Churchill, et elle est très importante. La seconde est une entente de redressement en ce qui concerne la partie supérieure du Churchill, et elle aborde les problèmes des Innus en lien avec le premier développement d'il y a 40 ans. La troisième est l'entente provinciale sur les revendications territoriales. Ces ententes sont conclues, paraphées et attendent essentiellement d'être utilisées. Le gouvernement fédéral est le seul qui peut, selon la Constitution, officialiser les revendications territoriales, et ce processus est en cours. Lorsque ce sera fait, toutes les pièces du casse-tête seront rassemblées. Les ententes pourront alors être utilisées; elles sont prêtes. Ce n'est pas comme si nous devions effectuer toutes les discussions du début ou même en tenir. Chaque mot se trouve dans ces ententes, et elles ont été paraphées et sont prêtes. Elles sont conclues.
Le président : Nous avons vu votre annonce. Les deux chefs innus étaient présents. Cette annonce concerne-t-elle aussi les Métis?
M. Martin : Les Métis sont un groupe d'intérêt distinct. J'ai déjà mentionné les discussions que nous tenons avec certains autres groupes d'intérêt, dont le NunatuKavut, anciennement la nation métisse du Labrador. Nous tenons également des consultations avec les Innus du Québec, et les Inuits habitent bien entendu aussi le littoral. Nous consultons tous ces groupes.
Par contre, je tiens à souligner que nous ne commençons pas ces consultations. Elles sont déjà entamées depuis deux ou trois ans, et tout sera prêt lorsque la partie du fédéral sera terminée. En accord avec la province, dès le début, notre approche a été de ne pas annoncer d'abord un projet, et d'essayer de le lancer ensuite. Nous avons travaillé un peu en catimini depuis quatre ans et nous avons passé le deuxième point de contrôle avant même d'annoncer que nous allions de l'avant avec le projet. Je vous présente aujourd'hui ce qui a été fait et ce qui se déroule en coulisses depuis quatre ans, c'est-à-dire beaucoup d'efforts.
Au sujet de l'évaluation environnementale, j'ai parlé du projet de production, Muskrat Falls et Gull Island. Les audiences débutent aujourd'hui. Nous avons recueilli beaucoup de données, et il y a eu plusieurs séries de questions. Fait intéressant, certaines des questions les plus détaillées nous ont été posées par Hydro-Québec. Nous avons passé des heures à répondre à nos bons amis du Québec, mais nous sommes prêts à aller de l'avant. En ce qui concerne la ligne de transport entre le Labrador et l'île de Terre-Neuve, nous sommes prêts à soumettre notre évaluation environnementale. En février 2009, nous nous sommes inscrits pour une évaluation environnementale. Nous attendons les lignes directrices préliminaires qui ont été émises; maintenant, nous sommes presque prêts à déposer notre étude d'impact environnemental pour ce projet. En fait, nous sommes déjà inscrits, et il a été décidé que ce sera une étude approfondie, ce qui est une étape importante, et le fédéral et le provincial ont émis les lignes directrices. Nous nous étions préparés en ce sens, et notre soumission est prête. Nous enclencherons le processus d'ici un mois ou deux. Nous soumettrons notre étude d'impact environnemental, et le processus s'approchera alors de sa conclusion.
Nous préparons actuellement l'inscription du projet de ligne de transport vers les Maritimes et nous devrions soumettre la demande au milieu de 2011. Du point de vue du calendrier, cela ne nous dérange pas, parce que c'est un compromis. Il faut être prêts d'avance, mais pas trop en raison des frais d'intérêts durant la construction et d'autres éléments. Il faut en fait approximativement entre deux mois et demi et trois mois pour déposer ces longs câbles. La météo nous permet de le faire durant cinq mois et demi par année. Nous nous demandons actuellement si nous ne devrions pas commencer un an en avance pour nous donner une période de cinq mois additionnels ou si nous devrions attendre. De toute façon, peu importe le scénario, nous repoussons l'opération pour ne pas dépenser d'argent trop tôt. Cela nous donne aussi le temps d'obtenir l'approbation environnementale. Nous avons intégré les périodes de temps nécessaires à notre calendrier, et tout concorde.
Le président : Indépendamment de la période à laquelle vous choisissez de commencer les travaux pour la ligne de transport vers les Maritimes, combien de temps cela prendra-t-il?
M. Martin : Il faut approximativement entre deux mois et demi et trois mois pour déposer les deux câbles.
Il n'y a que trois importantes sociétés bien connues qui produisent en fait ce type de câbles dans le monde. Nous lançons un appel d'offres à ce sujet; la société débarque et nous aide à déterminer nos besoins techniques, puis elle construit les câbles. Elle a le navire pour les déposer. Tout est compris dans le contrat. Comme je vous l'ai montré, les Européens sont très habitués à ce procédé. Nous construirons les stations de chaque côté auxquelles nous raccorderons les câbles. Bien entendu, les lignes de transport terrestres sont notre domaine, à Emera et à nous, depuis 50 ans. Nous nous occuperons de l'infrastructure terrestre. Notre fournisseur prendra la relève et son navire déposera les câbles sur le fond marin. Ces entreprises ont déjà réalisé bon nombre de fois ce genre de travaux, ce qui élimine, pour nous, les risques relatifs à cette opération. Le processus prend entre deux mois et demi et trois mois.
Le président : Si tout va comme prévu, quand ces deux câbles seront-ils déposés sur le fond marin? Est-ce que ce sera en 2012?
M. Martin : Il y a un excellent résumé à la fin du document. Donc, accordez-moi une minute pour m'y rendre, et je vous présenterai un calendrier très détaillé des travaux.
La page 23 du document anglais concerne l'accès aux marchés, et j'en ai déjà parlé abondamment. Nous avons mis beaucoup d'efforts dans l'accès aux marchés, et ce n'est pas fini. Notre partenariat est prêt, et nous avons signé la liste de conditions qui deviendra une entente formelle d'ici la fin de l'année. Nous continuons nos discussions avec le Québec.
En ce qui concerne la réalisation, depuis plusieurs années, nous avons une équipe de projet très expérimentée qui s'occupe du projet de la partie inférieure du Churchill. La grande majorité des gens sont des Téneliens. Nous avons eu la chance de pouvoir profiter au cours des 25 dernières années des investissements du gouvernement fédéral dans Hibernia. Vous voulez voir les bienfaits de ce genre d'investissements du fédéral; constatez ce que les Téneliens ont acquis dans le cadre des grands projets des 25 ou 30 dernières années. La plupart de nos gens sont en forte demande par les Exxon, les Chevron, les Suncor et les Husky de ce monde, mais ils sont ici. Ils travaillent ici. Ils travaillent partout dans le monde. Nous avons eu la chance d'attirer bon nombre de ces gens dans notre équipe. Nous avons beaucoup de Téneliens dans notre équipe, et notre équipe a beaucoup d'expertise.
Il y a environ un mois maintenant, nous avons mené un processus approfondi avec notre entrepreneur en services d'ingénierie, d'approvisionnement, de construction et de gestion de projets. Nous avons décidé de la structure hiérarchique du projet. Nalcor est au sommet avec sa solide équipe. En dessous, nous voulions avoir beaucoup plus de gens, d'entreprises et d'expertise dans le domaine de l'ingénierie pour mener les études techniques détaillées. Nous avons besoin d'aide en ce qui concerne l'approvisionnement en grande quantité dont nous aurons besoin. Lorsque ce sera fait, nous voulons aussi ajouter à l'équipe des gens très expérimentés dans le domaine de l'hydroélectricité pour nous donner un coup de main dans la gestion de la construction. Ils dirigeront les gros entrepreneurs qui feront en fait les travaux. C'est la structure normale d'un méga-projet.
Le fournisseur de services d'ingénierie, d'approvisionnement, de construction et de gestion de projets se situe en dessous de notre équipe. Trois soumissions ont été retenues : Black & Veatch des États-Unis, Hatch de l'Ontario et SNC-Lavalin du Québec. Il s'agissait de trois excellentes soumissions faites par trois excellentes entreprises. D'un point de vue strictement d'affaires, SNC-Lavalin a remporté cet appel d'offres. Le groupe a déposé la meilleure offre, et nous lui avons donc accordé le contrat; je l'ai signé il y a environ un mois. SNC-Lavalin dépêchera ses employés ici à Terre- Neuve-et-Labrador, et tous les travaux techniques se feront sur place. C'est très important pour nous. Nous savons que SNC-Lavalin est une entreprise mondiale. Le groupe a des opérations en Alberta, au Moyen-Orient, au Québec et dans les Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous sommes heureux que ce partenariat soit conclu et que tout se mette en place. SNC-Lavalin dépêche actuellement des employés à Terre-Neuve-et-Labrador.
La première étape est de mener les études techniques plus détaillées; nous espérons qu'elles seront complétées dans les 12 à 18 prochains mois. En même temps, nous placerons sous la responsabilité de ce groupe les éléments à long délai de livraison, puis SNC-Lavalin sera la firme chargée de la gestion de la construction et nous aidera en apportant une plus grande expertise dans ce domaine.
En ce qui concerne le financement, nous avons un processus d'évaluation approfondie des investissements. Nous avons beaucoup d'expertise dans notre équipe, mais nous avons aussi mandaté PricewaterhouseCoopers pour nous conseiller dans les domaines de l'investissement et du financement. Nous avons mis en place un rigoureux processus pour évaluer les risques. Nous sommes tout à fait conformes avec la province à ce sujet et nous allons sonder les marchés au cours du deuxième et du troisième trimestre. Nous n'avons pas perdu les marchés de vue, mais il ne faut pas non plus que les marchés se lassent; c'est bien entendu le pire qui pourrait arriver. Nous ne voulons pas être sur le marché financier mois après mois; les gens voient où le projet s'en va. Nous avons accompli le travail préparatoire. Nous allons de l'avant; nous sommes prêts. Nous sommes prêts à passer à l'action.
Les discussions avec le fédéral sur une garantie d'emprunt sont très importantes en ce moment, parce qu'elles modifieront la structure d'une manière ou d'une autre. Nous essayons donc d'accélérer le processus pour connaître notre situation. Après cela, notre étude sur les marchés et le reste sera terminée.
Le président : Il y a beaucoup de discussions autour de cette garantie d'emprunt par le fédéral. Vous venez de prononcer les mots clés. Vous avez dit que c'est un élément clé de votre financement. Où en sont rendues les discussions officielles avec le ministère des Finances à Ottawa? Comment le processus fonctionne-t-il? Je croyais que c'était seulement une idée qui avait été proposée pour tâter le terrain lorsque nous en avons entendu parler pour la première fois en Nouvelle-Écosse. C'est évidemment fondamental à l'ensemble de votre projet.
M. Martin : C'est fondamental, parce que c'est, encore une fois, un renseignement clé. Lorsque nous sondons les divers marchés, nous devons évidemment savoir si nous l'avons ou pas, parce que cela aura un effet important d'une manière ou d'une autre. Je ne dis pas que nous n'irons pas de l'avant, mais cela influera évidemment sur notre structure. Lorsque le premier ministre du Canada et le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador se sont rencontrés ici il y a quelques semaines, je crois que le premier ministre du Canada — et je tiens à reprendre exactement ses propos — a mentionné que les fonctionnaires examineraient très attentivement notre demande. Il a dit qu'ils s'assuraient que nous leur avons fourni tous les renseignements nécessaires pour qu'ils prennent les bonnes décisions. Je travaille avec certains de nos employés, et nous nous réunissons et échangeons les renseignements dont le gouvernement a besoin. C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment, mais je vous assure que nous sommes actuellement engagés dans un processus d'échange de renseignements.
Le président : Une demande officielle a été formulée. Le processus est en cours. C'est une entente importante, et je vous souhaite bonne chance.
Le sénateur Paterson : Envisagez-vous de payer des frais pour obtenir cette garantie?
M. Martin : C'est de ce genre d'éléments que nous devrons discuter. Je ne voudrais donc pas...
Le sénateur Paterson : Je comprends, mais c'est possible.
M. Martin : Oui, en effet. Tout comme le gouvernement fédéral, nous avons évidemment examiné les divers types de lignes directrices, présentes et passées, établies dans le cadre des garanties d'emprunt consenties par le gouvernement fédéral. Ce genre d'éléments forment un ensemble.
Le président : Le monde des affaires regorge de précédents en ce sens.
M. Martin : Oui. Nous avons l'intention de signer une entente commerciale. Nous l'avons dit dès le début. Ce sera bon pour les contribuables. Nous négocierons fermement, mais c'est une entente commerciale. Je suis assez fier que Terre-Neuve-et-Labrador et Nalcor aient été capables de signer des ententes notamment pour Hebron, Hibernia South, White Rose et des ententes avec Vale Inco et les Innus. Dans notre région, nous avons essayé de faire avancer les choses. J'essaie d'être raisonnable, mais c'est une entente commerciale à nos yeux. Assoyons-nous et discutons-en.
Le président : Merci.
M. Martin : Dans les dernières pages du document se trouve un résumé très détaillé de ce qui se passera chaque année. Encore une fois, tout dépend de l'obtention de l'approbation environnementale, et c'est l'élément sur lequel nous mettons l'accent en ce moment. Toutefois, si tout va comme prévu, à la fin de 2011, nous aimerions dégager les sites et préparer les installations. En 2012, les machineries lourdes devraient en fait préparer le réservoir.
En ce qui concerne la ligne de transport entre le Labrador et l'île de Terre-Neuve, nous commencerons par un forage directionnel horizontal, parce que nous avons découvert que le gel et le dégel au Labrador et sur l'île ont créé beaucoup de failles naturelles qui descendent et qui offrent une protection naturelle. Au lieu de tendre le câble sur 9 kilomètres, nous le ferons serpenter sur 16 ou 17 kilomètres autour des protections naturelles. Par contre, près de la côte, la situation est plus complexe. Nous avons donc décidé de creuser jusqu'à une certaine profondeur, d'avancer, puis de remonter en suivant les contours naturels.
En 2012, nous commencerons, entre autres, le forage. Vous pouvez consulter le calendrier pour avoir une meilleure idée des travaux que nous mènerons. J'espère vous donner un aperçu du projet et répondre à vos questions concernant le moment où les travaux auront lieu et la rapidité avec laquelle ils seront accomplis.
Le président : Vous avez fait un excellent travail, monsieur. Comme vous pouvez le constater, nous devions arrêter à 10 h 30, et il est presque 11 heures. Heureusement, il nous reste du temps, si vous le pouvez; tous mes collègues aimeraient vous poser des questions. Commençons par le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Bon nombre de mes questions ont déjà été répondues. Votre exposé était très fascinant. Vous avez vraiment mis l'accent sur ce projet, mais en début d'exposé, vous avez mentionné l'énergie éolienne. J'aimerais en parler brièvement, parce que c'est une source traditionnelle d'énergie verte. Voici ma question : étant donné que vous avez beaucoup de capacité hydroélectrique et que ce type d'énergie sera fort probablement moins dispendieux en fin de compte que l'énergie éolienne, pourquoi vous donnerez-vous la peine de développer l'industrie éolienne? Pourquoi n'épuisez-vous pas l'hydroélectricité avant de vous tourner vers l'énergie éolienne?
M. Martin : C'est notre intention. Comme je l'ai dit, nous adoptons une approche à long terme. Tout dépend des marchés. L'hydroélectricité est moins dispendieuse à produire. Dans les deux cas, nous avons aussi le problème des lignes de transport. De plus, l'énergie éolienne est beaucoup plus adaptable que l'hydroélectricité. C'est un problème avec les projets hydroélectriques. Il s'agit de grands projets d'infrastructure; il faut construire 824 mégawatts à la fois. On ne peut pas construire un projet de seulement 200 mégawatts avec l'hydroélectricité, puis augmenter la capacité après coup. Il faut s'attaquer à un plus grand projet d'infrastructure. Avec l'énergie éolienne, nous pouvons choisir la quantité de mégawatts que nous voulons produire. Nous pouvons l'adapter selon nos besoins; voilà pourquoi ce type de production vient après l'hydroélectricité. Je vous ai énuméré les raisons : l'hydroélectricité est moins dispendieuse à produire, les deux types d'énergie ont besoin de lignes de transport et l'énergie éolienne est beaucoup plus adaptable. L'hydroélectricité est vraiment un produit sensationnel qui renforce aussi l'énergie éolienne. Lorsque nous mettons ces éléments ensemble, il y a vraiment une séquence. Nous avons décidé de mettre l'accent en premier sur l'hydroélectricité.
Cependant, je dirais que d'après notre plan à long terme, attendez-vous à voir également, d'ici 30 ans, des percées importantes sur le plan de l'énergie éolienne à Terre-Neuve, et elles nous seront profitables. Je sais que je n'arrête pas de promouvoir l'idée, mais c'est un sujet qui me passionne. Le reste du pays aura aussi besoin de cette énergie éolienne, que nous produirons en grande quantité.
Le sénateur Mitchell : C'est formidable. Merci beaucoup.
Le sénateur Lang : Il est très intéressant pour moi de venir ici et de voir que les choses vont si bien. Je tiens à vous en féliciter, vous et le reste de la province. En tant que Canadien, je suis heureux de voir à quel point les choses vont bien ici.
M. Martin : Merci, sénateur.
Le sénateur Lang : J'aimerais parler de l'évaluation environnementale. Vous l'avez mentionnée quelques fois, et vous avez précisé « si » elle se passait comme vous vouliez. Vous avez aussi parlé d'un processus harmonisé d'évaluation environnementale; je présume donc que lorsque ce comité mixte aura pris une décision, elle sera finale et il n'y aura aucun appel pour une autre évaluation fédérale. C'est ma première question.
Deuxièmement, je me pose des questions au sujet du marché américain; vous en avez parlé aussi, mais vous êtes revenu sur le sujet du marché canadien et vous avez dit que vous pensiez que nous serons en mesure de l'investir complètement. Pourriez-vous expliquer plus en détail vos commentaires à propos du marché américain et de votre accès à ce marché, et comment cela est relatif aux frais exigés là-bas comparativement à ceux exigés au Canada.
M. Martin : En ce qui a trait à l'environnement, nous avons tellement mis d'efforts à ce sujet que nous sommes persuadés d'avoir organisé suffisamment de consultations. Je ne peux même pas vous donner une idée du volume de papier que nous avons utilisé et du nombre de cartables que nous avons remplis, mais nous étions heureux de le faire. Je parle ici de remplir des piles de cartables avec des renseignements en réponse à des questions qui allaient de l'effet du projet sur certaines espèces de truites qui vivent dans différentes sections de la rivière au sort de certains billots qui ont été inondés, en passant par les effets sur l'environnement et les collectivités environnantes. Peu importe ce que vous voulez savoir, nous avons fait une étude à ce sujet. Nous avons organisé des consultations; nous avons donc bon espoir d'être dans le droit chemin.
Je ne peux cependant pas me prononcer en ce qui a trait à la possibilité d'un appel. Tout ce que je peux dire, c'est que nous faisons confiance au processus, qui comprend un groupe d'experts fédéral-provincial. D'après ce que je comprends, ils formulent la recommandation, déterminent les effets et les consignent par écrit. Ils nous font ensuite part de leur décision, et si je ne me trompe pas, les ministres doivent l'approuver avant d'aller plus loin. Nous sommes certains d'avoir fait ce qu'il fallait, et nous respectons le processus. Je crois donc que nous atteindrons nos objectifs.
Le président : Et le marché américain?
M. Martin : En ce qui a trait à cet accord précis, nous avons accès par la Nouvelle-Angleterre, ce qui nous donne aussi accès à un marché de l'énergie et à un marché de capacité. À mon avis, c'est l'aspect économique qui fera pencher la balance, mais la Nouvelle-Écosse a de plus grands besoins. Nous aussi, d'ailleurs. Nous allons sûrement participer au marché au comptant, si nous le devons, car à mesure que nos besoins s'accroissent, en supposant qu'il y aura d'autres projets de mise en valeur des ressources à Terre-Neuve et au Labrador, nous pourrons vendre ce 40 p. 100 d'énergie, mais nous pourrons aussi le retirer du marché à tout moment. Si nous devons ouvrir une nouvelle mine ou une nouvelle fonderie, nous avons l'électricité qu'il faut pour le Labrador, et pour la province en tout temps, mais en attendant, nous y associons une valeur pécuniaire. Il s'agit, pour nous, d'un avantage.
En raison de la façon dont le marché fonctionne en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, nous devons payer un tarif pour passer dans chaque province. Nous payons aussi pour entrer aux États-Unis. Ce sont les affaires. Si la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ou l'Île-du-Prince-Édouard achetaient de l'électricité de la Nouvelle- Angleterre, ils devraient aussi payer un tarif, un droit d'importation et un autre tarif. À mon avis, en considérant les besoins du Canada atlantique, si nous faisons affaire entre nous, nous pouvons tous épargner sur les tarifs. Cela signifie que les prix vont commencer à augmenter, et dans ce scénario, la Nouvelle-Écosse a de plus grands besoins en énergie renouvelable, et nous avons une idée des solutions de rechange. Nous nous retrouvons tout à coup dans une situation où nous avons tous les deux des solutions de rechange. C'est à ce moment que nous commençons les négociations en vue d'un arrangement où nous obtenons tous les deux l'énergie qu'il nous faut. Nous allons peut-être gagner un peu plus pour l'énergie et elle va peut-être payer un peu moins, et je pense que c'est ainsi que l'affaire sera conclue au Canada atlantique.
Un autre aspect à considérer est que l'hydroélectricité est un produit fantastique. L'Île-du-Prince-Édouard est grande productrice d'énergie éolienne. L'autre avantage d'avoir accès à la Nouvelle-Angleterre, c'est que les gens là-bas pourraient être intéressés par un produit de capacité, du moins à mon avis. Ils ne veulent pas de notre énergie tant que le vent souffle, et on ne peut pas les en blâmer. Mais il y a quand même place à la négociation. Nous allons leur offrir de leur servir de filet de sécurité moyennant un certain coût, mais quand ils n'en ont pas besoin, nous ne resterons pas à ne rien faire; nous pouvons toujours nous rabattre sur le marché au comptant.
Il est essentiel que ce soit compris, parce que cela nous met sur un pied d'égalité avec les autres provinces. C'est maintenant un fait accompli. En fait, cela crée plus d'occasions d'affaires pour le Canada atlantique, comme je viens de l'expliquer.
Le sénateur Brown : Cette étude a été fascinante et approfondie; je suis étonnée que vous ayez pu vous rendre si loin sans demander au gouvernement de garantir un prêt.
J'ai quelques questions à vous poser. La première concerne les câbles : savez-vous quelle est la durée de vie des câbles sous-marins? Est-il possible de les récupérer et de les réparer ou peu importe ce qu'il faut faire pour les renouveler?
M. Martin : Nous leur attribuons une durée de vie de 50 ans pour nos calculs économiques. Des câbles ont été utilisés sur une période beaucoup plus longue, c'est-à-dire jusqu'à 75 ou 80 ans, mais nous avons fixé notre barème à 50 ans et nos ingénieurs pensent qu'il s'agit d'un paramètre parfaitement acceptable.
En ce qui a trait à leur réparation ou à leur remplacement, c'est absolument réalisable; en fait, ce n'est même pas aussi difficile qu'on pourrait le penser. Il s'agit d'un des aspects pour lesquels nous avons éliminé le risque. En effet, nous n'installons pas des câbles de 500 mégawatts ou de 900 mégawatts; nous installons plutôt deux câbles de 250 mégawatts, et trois câbles de 450 mégawatts dans le Nord. Nous disposons alors de plusieurs ensembles de câbles et cela nous aide à faire tout ce dont vous avez parlé.
L'aspect réparation est assez intéressant et ne cause pas trop de difficultés, puisque ce n'est pas la première fois qu'on le fait. Il s'agit d'envoyer les bateaux pour repérer les câbles endommagés, ce qui a très peu de chances de se produire — nous avons très peu de documents qui rapportent une telle éventualité —, et on peut ensuite couper le câble et ramener cette section à la surface, l'épisser et le remettre à l'eau, et faire de même pour l'autre câble. On estime qu'il faut environ cinq à huit jours pour les réparer. Nous avons donc certainement la capacité de le faire, et nous pouvons travailler à ces profondeurs. Selon nos renseignements, non seulement les câbles ont très peu de chances d'être endommagés, mais nous sommes en mesure de les réparer s'ils le sont.
Le sénateur Brown : Merci. Je suppose que je comprends pourquoi vous planifiez de produire une capacité dont on n'a pas besoin maintenant avec ces trois projets hydroélectriques. Il est évident que votre bassin sur le cours supérieur du fleuve Churchill doit être beaucoup plus grand que ceux de Gull Island et Muskrat en aval. Donc à Churchill Falls, une grande quantité d'eau qui ne passe pas par les turbines est déversée, ce qui force Gull Island à produire à son maximum, et il y a quand même débordement. Je suppose qu'il s'agit de l'entente du partage de l'eau dont vous parliez. L'eau passe par Muskrat Falls en dernier avant d'atteindre l'océan, et les installations là-bas produisent probablement presque toute l'électricité qu'elles peuvent, parce qu'elles disposent de plus d'eau que n'importe quelle autre. Cette eau va de toute façon parvenir à l'océan, car le bassin n'est pas assez grand pour la contenir.
M. Martin : Vous avez raison en grande partie, sénateur, mais laissez-moi clarifier quelques points. L'entente relative à la gestion de l'eau est bien sûr formidable — et la province a légiféré à ce sujet —, parce que la même eau est utilisée trois fois, ce qui est fantastique. Ces deux lignes jaunes qui relient Muskrat et Gull, et Gull et Churchill, sont essentielles, parce que le commerce de l'eau est en fait celui de l'électricité. Selon nos plans, aucune de ces installations ne devrait déborder. Une commission va analyser et coordonner les efforts en ce sens. Les installations sur le cours supérieur du fleuve Churchill ne déborderont pas, mais s'il y a un surplus d'eau, il sera dirigé vers Gull ou Muskrat, et si ces installations n'en ont pas besoin, l'électricité supplémentaire qu'elles produisent sera utilisée pour les besoins des installations du cours supérieur du Churchill. L'électricité y sera mise en réserve, et lorsque le niveau d'eau sera bas et que Gull ou Muskrat devront produire plus d'électricité, alors on fera appel aux installations de la partie supérieure du fleuve.
Trois projets de mise en valeur de ce genre et une gestion de l'eau appropriée permettent de réduire les débordements et de vendre l'électricité. Si une certaine quantité d'eau doit s'écouler, il faut la répartir. Il s'agit donc de diviser toute l'électricité produite de façon appropriée, tout en tenant des comptes, afin de ne pas gaspiller d'eau.
Le sénateur Brown : Il n'y a pas si longtemps, nous avons reçu un témoin qui pensait qu'il serait possible de produire assez d'électricité — avec les énergies hydraulique et éolienne — pour se passer complètement du combustible fossile et de produire de l'hydrogène avec l'électricité, ce qui nous permettrait de vivre dans un monde sans combustible fossile. Avez-vous un commentaire à ce sujet?
M. Martin : Le monde de l'avenir sera intéressant. Je vais vous parler d'une chose, et nous pourrons très bientôt vous en dire plus à ce sujet. En plus de tout cela, Nalcor entretient maintenant un projet de recherche et développement à Ramea, une petite collectivité de Terre-Neuve. Nous croyons qu'il s'agit d'un projet unique en son genre. La collectivité est isolée, elle n'est pas reliée au reste. Elle produit son énergie au diesel, et Newfoundland and Labrador Hydro exploite la centrale. Il y a quelques années, nous avons entrepris un projet de recherche et développement pour lequel nous avons combiné le vent et le diesel. La technologie utilisée consiste en une carte mère d'ordinateur qui permet au diesel de prendre le relais lorsque le vent tombe. Nous y sommes parvenus. Il y a environ quatre ans, nous avons franchi l'étape suivante, c'est-à-dire que nous avons ajouté le stockage d'hydrogène à ce projet. Nous planifions sa mise en service complète pour le milieu de l'année. En fait, nous sommes en plein milieu du processus de mise en service. Lorsque nous avons ajouté de l'hydrogène au mélange, si le vent souffle et que nous n'avons pas besoin d'une autre source d'énergie, nous le stockons sous forme d'hydrogène. Ainsi, au plus fort de l'hiver, on commence par le vent, ensuite l'hydrogène est stocké et finalement le diesel est utilisé en dernier recours.
Monsieur le sénateur, je ne prétends certainement pas que nous allons remplacer tous les besoins thermiques du pays avec cette technologie, mais nous sommes optimistes et nous croyons que la solution que nous proposons va réduire les besoins thermiques des régions rurales. Si la technologie s'avère efficace, elle sera du genre qu'on essaie de développer ailleurs. Tout le monde peut rêver à l'avenir, mais le potentiel est bien réel.
Le président : Si je comprends bien, Churchill est au sommet, et l'eau s'écoule des bassins hydrologiques du sud-est vers le nord. Est-ce bien le parcours de l'eau?
M. Martin : Oui, elle descend vers l'est.
Le président : L'est? Elle se dirige vers l'est?
M. Martin : Oui, vers l'est.
Le président : Oui, vers le nord-est.
Le sénateur McCoy : J'aimerais poser une question très simple. S'il garantit un prêt, quel est le coût pour le gouvernement fédéral?
M. Martin : D'après ce que je comprends, cela n'engendrerait aucun coût. Je suppose que le gouvernement devrait l'inscrire dans ses documents comptables. Si je m'en remets à ma compréhension des marchés financiers et à l'importance du gouvernement fédéral, même s'il s'agit d'un projet d'envergure, il n'affectera certainement pas la cote de solvabilité du gouvernement, surtout lorsqu'on considère ses actifs. C'est pourquoi nous ne voyons pas de coûts associés. Ce que nous envisageons, comme je l'ai déjà mentionné, c'est un transfert de richesse potentielle du banquier ou du financier vers le contribuable.
Le sénateur McCoy : Deuxièmement, le numéro de janvier-février 2011 d'Atlantic Business, le magazine d'affaires le plus important du Canada atlantique, a publié un article dans lequel vous avez apparemment formulé quelques prévisions. La source citée est Nalcor. En ce qui a trait aux tarifs, vous prévoyez qu'une fois Muskrat opérationnel, il en coûtera de 16 à 17 cents du kilowattheure aux abonnés au service résidentiel.
M. Martin : Cela me semble plutôt correct, sénateur. Ce sont les chiffres que je voulais vérifier.
Le sénateur McCoy : Oui, mais ce sont les propos que l'on vous prête. Actuellement, il est d'environ 9,5 cents.
M. Martin : Je sais que — et il s'agit d'un point essentiel dont nous devrions parler — si nous mettons de côté les projets du cours inférieur du Churchill et de la ligne de transport Labrador-Terre-Neuve et que nous n'allons pas de l'avant, nos estimations pour les cinq prochaines années indiquent qu'étant donné que toute l'énergie additionnelle que nous utilisons vient de notre centrale thermique de Holyrood — et nous appliquons des prévisions indépendantes par rapport au prix futur du combustible utilisé dans les centrales thermiques —, les tarifs, si nous ne faisons rien, augmenteront d'environ 37 p. 100 d'ici 2017. Si nous ne faisons rien, les tarifs augmenteront d'environ 37 p. 100. Ce projet permettra de freiner cette hausse. Plutôt que de dépendre du prix du mazout qui, selon les prévisions, continuera d'augmenter, l'augmentation pour les centrales hydroélectriques — nous en avons beaucoup — est d'un peu moins de un pour cent environ. Si on ne fait rien, la courbe aura cette forme. Grâce à ce projet, nous freinons l'augmentation et nous aplatissons la courbe pour toujours.
Voilà ce que je sais. Je pourrais obtenir les chiffres exacts pour vous; je ne les ai tout simplement pas à portée de main en ce moment.
Le sénateur McCoy : Je pense que nous pouvons nous fier à l'article.
M. Martin : Oui.
Le sénateur McCoy : Vous avez dit que la centrale d'Holyrood est alimentée au mazout.
M. Martin : Oui. C'est une des très vieilles centrales. En fait, je sais que dans le passé, la province avait décidé d'installer des épurateurs et des dépoussiéreurs à Holyrood, selon l'aboutissement du projet dont on parle. Si nous examinons la solution de rechange au projet du cours inférieur du Churchill, on constate que c'est ce qui nous avantage : les capitaux supplémentaires requis pour demeurer isolés dépassent largement les trois milliards de dollars, auxquels il faut ajouter le coût du combustible. Voilà pourquoi notre projet fonctionne. On parle d'un investissement de l'ordre de 600 à 650 millions, seulement pour l'installation d'épurateurs et de dépoussiéreurs à Holyrood. Cela ne règle pas le problème des GES, mais seulement ceux des NOx et des SOx.
Si vous essayez de comprendre pourquoi cela fonctionne, ce sont simplement quelques données qui indiquent le genre de choses dont il faudra s'occuper si on ne va pas de l'avant avec ce projet.
Le sénateur McCoy : Quel est l'âge de la centrale d'Holyrood?
M. Martin : Je pense qu'elle a bien plus de 40 ans. Elle doit être remplacée.
Le sénateur McCoy : Pendant notre tournée de l'Atlantique, on nous a aussi suggéré d'élargir le mandat de l'Office national de l'énergie de façon à lui permettre de jouer un rôle accru par rapport aux questions interprovinciales en matière d'électricité, possiblement dans un rôle de médiateur honnête plutôt que de dictateur, mais tout de même en l'habilitant à favoriser des ententes interprovinciales ou régionales. Je ne sais pas si vous y avez songé; si oui, je vous demanderais de bien vouloir commenter.
M. Martin : À mon avis, dire que j'y ai pensé est une litote. Je vais d'abord vous donner deux ou trois exemples. Je dis souvent aux gens que la balle est dans notre camp et que Terre-Neuve-et-Labrador travaille dans un cadre est- ouest. J'en ai parlé plus tôt. Je pose souvent la question suivante : si l'Alberta était obligée de demander à la Saskatchewan de donner son aval pour faire passer du pétrole sur son territoire et devait subir la décision de la Saskatchewan — ou vice versa —, cela fonctionnerait-il? Nous faisons passer l'énergie d'une province à l'autre.
Je prends un peu de recul et je regarde ce qui se fait ailleurs. Dans le réseau de libre accès de la Nouvelle-Angleterre, par exemple, il y avait une entente similaire avec plusieurs sociétés propriétaires de réseaux de distribution et des choses du genre. L'État a confié le contrôle et la gestion de la distribution à un organisme indépendant, ISO New England. On a créé un régime relativement indépendant dans le cadre duquel il y a des dispositions qui permettent d'interjeter appel auprès de la FERC, la Federal Energy Regulatory Commission, de Washington, un organisme central comme celui dont nous parlons. Le Nouveau-Brunswick a fait de même; l'organisme qui s'en occupe est l'IESO, ou Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité. En Nouvelle-Écosse, c'est un peu différent. L'Ontario a créé une société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité. Dans une situation qui concerne le Québec, comme celle dont il est question, l'exploitation du réseau demeure la responsabilité d'Hydro-Québec. C'est elle qui exploite le réseau d'électricité. On ne lui a pas enlevé cette responsabilité. Lorsque nous présentons une demande d'accès, nous ne le faisons pas auprès de l'IESO, mais auprès d'Hydro-Québec. C'est elle qui le gère et qui nous dit ce qui va se passer, et qui fixe les conditions. Pour en appeler d'une décision, il faut s'adresser à la régie, qui est un organisme provincial. Nous sommes rendus à cette étape. À ce moment-ci, nous ne savons pas ce que nous réserve l'avenir.
Suis-je d'avis que ce serait avantageux pour le pays? Tout à fait. Encore une fois, il faut mettre de côté les divergences provinciales et essayer d'en faire abstraction — je ne répéterai pas tous les messages —, mais il n'en demeure pas moins qu'après avoir comblé nos besoins, il nous reste 15 000 mégawatts d'énergie propre. Et l'Ontario s'occupe de son problème lié aux tarifs de rachat garantis et envisage l'hydroélectricité comme moyen de rentabiliser certains de ses investissements dans les programmes de tarifs de rachat garantis pour l'énergie solaire et éolienne, dans la remise en état des centrales nucléaires et, en plus, dans les besoins grandissants des centrales thermiques au charbon, notamment. Et pendant ce temps, au pays, on reste assis à se dire : « Allons. Que faisons-nous ici? » Un organisme de surveillance fédéral.
Pour moi, la question est simple. Nous sommes un pays; nous avons un avantage concurrentiel dans le secteur de l'électricité propre; on reste assis à ne rien faire. Nous devons agir parce qu'il ne s'agit pas d'une question de concurrence à court terme. Il faut penser en fonction de l'avenir du pays, dans 30 ou 50 ans. Si nous ne mettons pas d'ordre là-dedans, nous allons céder notre avantage concurrentiel aux États-Unis parce que tout se fera outre-frontière; ce seront les États-Unis qui s'en occuperont parce que nous ne sommes pas capables de le faire. Les États-Unis s'en occupent. Ce serait fantastique pour le pays et tout le monde en sortirait gagnant. Pensez aux investissements que nous ferions au Québec, en Ontario, n'importe où. Nous sommes prêts à mettre l'argent nécessaire pour investir et nous assurer notre place. D'après moi, cela viendra. Il le faut.
Le sénateur McCoy : Plus tôt, vous avez hésité à utiliser l'expression « édification du pays ». Je vous inciterais à l'adopter. À mon avis, plus chacune de nos régions est forte, plus nous sommes forts d'un bout à l'autre du pays.
M. Martin : Je ne pourrais être plus en accord avec vous. Ce que nous cherchons à faire, c'est de faire valoir notre analyse de rentabilisation. Nous essayons de mettre les chiffres sur la table et de dire « voici ce qui fonctionne ». Pour ce qui est de l'édification du pays, nous pouvons en parler, mais je pense qu'on devrait plutôt parler d'autre chose. Je pense que notre travail consiste à présenter l'analyse de rentabilisation et de dire : « Voyez, vous vouliez savoir si cela fonctionne. Voilà un projet. Il fonctionne. » L'édification d'un pays est facile, à ce moment-là. Nous essayons de faciliter les choses le plus possible.
Le sénateur Neufeld : Merci de votre excellent exposé. Je vous remercie des renseignements. Quelle est la capacité de Gull Island?
M. Martin : Elle est de 2 250 mégawatts.
Le sénateur Neufeld : Cette électricité pourrait aller dans un sens ou dans l'autre, n'est-ce pas? Elle peut passer par Muskrat Falls ou par Churchill, puis descendre? Où est le plan de distribution de cette électricité? Si vous voulez construire la centrale de Gull Island, devrez-vous augmenter la capacité de ce dont vous parlez maintenant?
M. Martin : Oui. Pendant beaucoup d'années, quand nous examinions les projets du cours inférieur du Churchill, nous avons conclu que d'essayer de tout faire pour satisfaire tout le monde ne fonctionne pas. Prenons l'exemple des sables bitumineux. Dans ces projets gigantesques, on observe que les sociétés ont tout naturellement commencé à diviser cela en projets plus petits. C'est une bonne décision d'affaires. Nous avons fait la même chose. Nous avons dit que nous voulions présenter un projet rentable qui serait bénéfique pour la région. Qu'on nous permette d'en réaliser un. Nous construisons cela pour Muskrat Falls. Il n'y a pas assez de capacité pour aller de l'avant avec le projet de Gull Island. Il y a un surplus de capacité, mais ce n'est pas suffisant. Notre choix serait d'en construire plus de cette façon ou de passer par le Québec. C'est une décision rationnelle.
Quelle est notre vision? Encore une fois, nous ne voulons pas nous limiter parce que la solution à cette question viendra du secteur privé, mais ce serait manquer de franchise de ne pas répéter que le fait d'envisager de passer par le Québec jusqu'au Nouveau-Brunswick et en Ontario — et je suis certain que l'Ontario considère que c'est fantastique — serait formidable. Sinon, nous verrons. Notre plan s'étale sur 30 ou 40 ans. Nous allons réaliser ces projets pour toutes les raisons que j'ai mentionnées. Nous trouverons simplement une façon de le faire.
Le sénateur Neufeld : Avez-vous une idée des coûts de construction d'une centrale et d'une ligne de transport à Gull Island?
M. Martin : Oui, mais nous ne les avons pas encore publiés. Je dirais que parce que ce sont deux projets d'envergure, je pense qu'il est plutôt évident que si on a beaucoup plus de mégawatts, le coût unitaire est encore plus intéressant pour Gull Island qu'il ne l'est pour Muskrat. Quant à nous, si vous vous penchez sur notre processus de décision visant à trouver quelque chose qui permettra de satisfaire aux besoins de Terre-Neuve et de remplacer Holyrood, c'est le projet qui nous convient. Il est meilleur que nos autres solutions; c'est donc la chose à faire. Nous avons étudié le cas de Gull aussi, nous avons pensé le faire avec une ligne de transport passant par l'île, mais même si le coût unitaire était plus bas, les dépenses en immobilisations sont plus élevées, puisqu'il s'agit d'un projet plus important. En ce moment, seulement pour nos besoins à Terre-Neuve, Muskrat est la bonne option. À long terme, pour ce qui est du coût unitaire, la centrale de Gull Island — on parle d'une plus grosse centrale et d'un fleuve formidable — est plus intéressante que celle de Muskrat.
Le sénateur Neufeld : Voilà où je voulais en venir. Je comprends pourquoi vous n'avez pas publié ces coûts. Cela me va.
Vous avez dit que Nalcor a aussi une division pétrolière et gazière. Pouvez-vous m'expliquer un peu comment cela fonctionne? Je ne veux pas trop empiéter sur le temps. Les revenus sont-ils versés à la province? Êtes-vous seulement le gestionnaire, ou comment cela fonctionne-t-il? Pour ce qui est de l'électricité, on parle de construire des centrales hydroélectriques. Quand on pense au pétrole et au gaz, construit-on quelque chose qui a rapport au pétrole et au gaz, ou est-ce le secteur privé qui s'en occupe? Où vont les revenus et les choses de ce genre? Il doit y avoir des coûts associés à ce que vous faites.
M. Martin : Dans notre plan énergétique, nous avons présenté notre vision à long terme. Nous nous concentrons sur le pétrole et le gaz. Nous croyons, compte tenu de notre expérience internationale, que le pétrole et le gaz sont des actifs stratégiques. Nous avons étudié beaucoup de pays qui ont connu du succès. La Norvège est un bon exemple. Pour mener les choses à bien, il faut trois aspects : la réglementation, la fiscalité et les capitaux propres.
Du côté fiscal, c'est-à-dire les redevances, les primes et tout le reste, nous avons travaillé sur la structure des redevances. En l'occurrence, le gouvernement reçoit des revenus sous forme de redevances.
Pour ce qui est des capitaux propres, voilà où nous entrons en scène. Nous avons acheté des actions de ces projets, et nous achetons notre participation. Nalcor reçoit des revenus au même titre que tout autre propriétaire, comme le feraient Suncor et Exxon. Nous participons au même titre qu'eux. Cela nous donne voix au chapitre. Ce sont des investissements formidables pour nous, et cela nous permet de participer aux discussions sur l'avenir de l'industrie et d'avoir une incidence sur la marche à suivre.
Le sénateur Neufeld : Nalcor est une société d'État, n'est-ce pas?
M. Martin : Oui. Un bon exemple serait Statoil, en Norvège.
Le sénateur Neufeld : Je connais bien Statoil.
M. Martin : La même façon de penser.
Le troisième aspect est la réglementation. Permettez-moi d'en parler quelques instants. Je n'irai pas en profondeur. Nous croyons que l'exploitation du pétrole extracôtier est faite en codétermination, par l'intermédiaire de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers. Nous envisageons beaucoup de solutions et cherchons à travailler avec le gouvernement fédéral pour stimuler notre industrie ici même. Nous nous comparons. Notre bassin est plus grand que celui de la mer du Nord au Royaume-Uni ou en Norvège. Notre potentiel semble plus important. Lors du forage exploratoire, notre taux de découverte est meilleur qu'au Royaume-Uni, mais pas aussi bon qu'en Norvège, mais c'est un bon taux, très élevé.
Le président : S'agit-il du bassin Orphan?
M. Martin : C'est l'un des bassins. Il y en a plusieurs ici. En plus, si nous forons 180 puits, eux, ils en forent des milliers. L'exploration est cruciale. Comment stimuler l'exploration? Plusieurs choses sont nécessaires, et à notre avis, il nous faut repenser la façon de traiter les données, ici, à l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, c'est-à-dire de les mettre à la disposition du public dans une version électronique qui peut être utilisée immédiatement, comme on le fait ailleurs.
Nous croyons également que le régime foncier n'est pas aussi dynamique que celui d'autres régions pour ce qui est d'ouvrir la porte à de nouveaux joueurs. Il y a trois ou quatre autres aspects auxquels nous travaillons — comme je l'ai dit, je ne peux pas le faire aujourd'hui —, mais nous allons certainement discuter avec le gouvernement fédéral des moyens d'accroître l'exploration. Contrairement aux bassins de ces pays, le potentiel ici au large des côtes de Terre- Neuve n'est pas du tout exploité. Évidemment, nous avons énormément bien réussi jusqu'à maintenant. Nous devons accroître les activités d'exploration et nous avons des idées sur la façon de le faire.
Le président : Nous allons maintenant entendre le dernier sénateur. Sénateur Peterson, vous avez été très patient, mais je sais aussi que vous serez très bref.
Le sénateur Peterson : C'était un excellent exposé. Le projet est excitant, et il est certain que je vous souhaite tout le succès possible.
Comme vous l'avez dit, le projet est en marche. En ce qui concerne la question du contrôle des coûts, l'autre soir, j'ai reçu un courriel des gens de la Nouvelle-Écosse selon lequel on leur avait dit que la ligne coûterait 1,2 milliard de dollars et que ce chiffre était maintenant de 1,8 milliard. Eh bien, ils ne se rendent pas compte qu'il y a deux montants, car il y a 600 millions de dollars de plus. Cela se produit très tôt.
À quelle étape serez-vous en mesure d'établir des chiffres dont vous serez sûrs, et qu'est-ce qui est susceptible de les faire changer?
M. Martin : À l'heure actuelle, nous sommes sûrs de nos chiffres. Pour passer le deuxième point de contrôle, un certain travail doit être accompli, et nous avons fait le travail qu'il fallait. Nous sommes sûrs des chiffres présentement.
Comme je l'ai mentionné, notre prochaine étape consiste à faire faire un plus grand nombre d'études techniques détaillées par des fournisseurs de services d'ingénierie, d'approvisionnement, de construction et de gestion. Nous aurons ainsi plus de données. Nous avons tenu compte des imprévus.
Je dirais qu'on n'est pas passé de 1,2 à 1,8 milliard.
Le sénateur Peterson : Non, ce n'est pas le cas, mais c'est comme cela que cela commence.
M. Martin : Oui, exactement. Par souci de clarté, comme je l'ai dit, 1,2 milliard, c'est une somme qui a été convertie en dollars de 2016 qui n'inclut pas les intérêts en cours de construction. Rien n'a changé jusqu'ici. Nous avons tenu compte des imprévus. Ce que nous devons amener, ce sont des pratiques exemplaires pour pouvoir contrôler les coûts. Comme je l'ai dit plus tôt, cela se résume à faire le travail à l'avance pour que nous comprenions ces choses à mesure que nous progressons. Les gens se demanderont s'il y aura des dépassements de coûts. J'ai participé maintes fois à ce type de projets. Dans certains cas, il y a des coûts inférieurs aux prévisions, et dans d'autres, des dépassements de coûts. Je ne peux pas dire simplement que les projets ne coûteront jamais plus cher que ce que nous prévoyons présentement. Comment pourrait-on l'affirmer?
Notre travail consiste à présenter les estimations en fonction des meilleures pratiques de travaux techniques et des meilleurs principes d'établissement des coûts actuellement, à l'étape où en serait tout projet du secteur privé international, et à dire : « Voici la meilleure estimation sur ce que nous avons présentement; nous y croyons. » Nous avons pris toutes les mesures qu'il fallait à cet égard, et à l'heure actuelle, nous sommes confiants. Avec le temps, nous verrons, et nous tiendrons les gens au courant, mais notre travail consiste à amener des pratiques exemplaires, à contrôler les coûts comme il se doit, et à commencer le travail.
Le sénateur Peterson : Je suis d'accord. Bonne chance.
Le président : Monsieur Martin, vous avez été extraordinaire. C'est valable à deux égards. Je sais que vous vouliez faire passer clairement le message et faire tomber des mythes trompeurs. Je crois également, et corrigez-moi si ce n'est pas le cas, que vous parlez au nom du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et que la première ministre Dunderdale et le ministre de l'Énergie sont à l'extérieur de la province et ne pouvaient donc pas être parmi nous aujourd'hui. Il est certain que nous les saluons. Nous avons rencontré leurs collègues dans d'autres régions du Canada atlantique, et tout le monde nous a assurés qu'il y a une initiative de coopération régionale dans ce domaine très important. Dois-je comprendre que vous appuyez totalement la coopération régionale?
M. Martin : Tout à fait, sénateur. J'aime le fait que c'est ce que nous reflétons, et nous continuons les discussions. Nous voulons jouer un grand rôle dans le développement régional. Nous pensons que c'est la bonne chose à faire. Je reviens sur les pays scandinaves, qui sont d'excellents exemples de grands pays qui conservent leur identité tout en collaborant très étroitement dans le secteur de l'énergie, de la même façon que nous le proposons. Ils sont près des plus grands marchés au monde, ceux de l'Allemagne et de l'Europe occidentale, et en tant que petits pays dont le taux de scolarité est élevé et qui conservent leur identité, ils collaborent très étroitement dans le secteur de l'énergie, dans les domaines dont nous parlons. Nous pensons que c'est un excellent exemple, et c'est ce que nous visons. Nous approuvons totalement et appuyons énormément l'idée.
J'aurais dû vous dire que la première ministre Dunderdale et le ministre Skinner vous saluaient. Nous sommes à l'aise, par contre, car nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde que la province à ce sujet, évidemment, en ce qui a trait au plan énergétique et à la voie que nous suivons. La province est notre actionnaire. Elle est évidemment — j'hésite à m'avancer —, ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit d'une initiative provinciale, et comme je l'ai dit, nous sommes la branche exécutive, et la première ministre et le ministre vous saluent. Mon message cadre certainement avec le leur.
Le président : Merci, monsieur.
L'un de mes collègues a souligné, à très juste titre, que sur la page couverture de votre document, on peut lire « Information confidentielle et délicate sur le plan commercial ». Vous comprenez sûrement qu'une fois que notre séance est rendue publique, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Cela ne vous pose pas problème. Vous comparaissez à une séance publique. L'information ne restera pas secrète.
M. Martin : Non, cela ne me pose pas problème, sénateur.
Le président : Je le savais. Merci beaucoup. Je crois que vous avez convenu de nous donner d'autres renseignements par l'intermédiaire de notre greffière.
M. Martin : Oui.
Le président : Les copies papier dont vous avez parlé sur le plan qui s'étend jusqu'en 2041 seraient peut-être d'un grand intérêt pour nous. Je vous remercie beaucoup.
Chers collègues, je vais maintenant céder la parole à notre autre témoin, qui a fait preuve de beaucoup de patience.
Jackie Janes est conseillère principale en politiques à l'Office of Climate Change, Energy Efficiency and Emissions Trading, le CCEEET.
Madame Janes, sans vouloir révéler tout le contenu de votre exposé, j'attire l'attention des sénateurs sur votre document. À la page 6, on indique que vous relevez directement de la première ministre de la province. Je suis sûr que vous nous en direz davantage à ce sujet. Sans plus tarder, je vous cède la parole.
Jackie Janes, conseillère principale en politiques, Office of Climate Change, Energy Efficiency and Emissions Trading : Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à tous les sénateurs. Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Comme je sais que nous manquons de temps, je vais tenter de procéder rapidement. J'ai préparé un exposé que je propose de vous présenter, si cela vous convient. Il est très approprié que vous parliez de coopération régionale, car les changements climatiques constituent une autre question pour laquelle il y a un besoin de coopération régionale qui, bien entendu, dépasse les frontières canadiennes.
Si vous regardez au bas de la page 1 de mon document, vous constaterez que je veux vous expliquer brièvement la situation de la province. Je vais omettre les sujets que M. Ed Martin a couverts, car il a décrit le potentiel énergétique de la province avec beaucoup d'éloquence. Je vais parler quelque peu de l'objectif et des engagements de la province en matière de changements climatiques et d'efficacité énergétique et je vais examiner l'approche de la province sur la question et la situation unique de la province. Nous avons réuni un certain nombre de recommandations pour le comité afin de vous aider dans votre réflexion qui mènera à la rédaction de votre rapport en temps et lieu.
Comme vous le verrez en regardant la deuxième page, je voulais commencer par donner un aperçu de la nouvelle économie de Terre-Neuve-et-Labrador, et le graphique illustre à quel point notre économie est axée sur l'industrie et est énergivore. C'est très important pour l'économie de la province. Dans le graphique, il y a deux éléments clés qu'il faut souligner. Tout d'abord, c'est que l'exploitation minière et l'exploitation pétrolière, qui sont toutes deux des industries exigeantes en investissements et dont les ressources ont une grande valeur, comptent pour presque 30 p. 100 de notre production économique, en chiffres absolus. À l'échelle nationale, elles comptent pour 5 p. 100; elles occupent donc une place extrêmement importante dans notre province.
L'autre élément qu'il faut souligner, c'est que les industries manufacturières de notre province ne tiennent pas une grande place, si l'on compare à l'ensemble du Canada.
La prochaine diapositive, au haut de la page 3 —, et M. Martin a couvert ces points —, nous montre que notre potentiel énergétique est très enviable. Ce que je veux signaler ici, c'est que la province a une perspective unique sur le débat sur les changements climatiques, car étant donné l'envergure de ses ressources non renouvelables et de ses ressources renouvelables, elle se situe des deux côtés du débat à cet égard. Toutefois, je ne parlerai pas davantage du contenu de cette diapositive, car il a été couvert.
Le bas de la page 3 nous montre que la province est une grande exportatrice d'énergie. Comme vous pouvez le remarquer, même en ce moment, notre production énergétique intérieure a augmenté considérablement au cours de la dernière décennie, grâce en bonne partie à la production pétrolière au large des côtes. Même en 2008, nous exportions la majeure partie de l'énergie que nous produisions.
L'élément essentiel qu'il faut relever, pour ce qui est des gaz à effet de serre, c'est que 91 p. 100 de nos émissions proviennent en fait de la combustion énergétique.
Le président : Proviennent-elles de la centrale de Holyrood?
Mme Janes : La centrale Holyrood est un émetteur majeur. Quatre secteurs économiques sont responsables des émissions de gaz à effet de serre : Holyrood est responsable d'une bonne partie des émissions, et il y a le raffinage du pétrole marin, l'exploitation minière et le papier journal.
Le président : La raffinerie de Come By Chance est-elle la principale?
Mme Janes : Oui. Il n'y a que la raffinerie de Come By Chance. Par ordre d'importance, ce serait le pétrole marin et le papier journal. Cependant, en raison de la fermeture de certaines usines de Grand Falls, le papier journal est une source de moins en moins importante de gaz à effet de serre.
En 2008, la dernière année pour laquelle il y a des données provinciales au sujet des émissions de gaz à effet de serre, ce grand secteur industriel — l'exploitation minière, le raffinage du pétrole marin, la production d'électricité et le papier journal — était responsable de 54 p. 100 des émissions de la province; il s'agit donc d'une énorme quantité.
La deuxième grande source d'émissions en importance, ce sont les transports, qui causent 33 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Les autres sources sont les bâtiments, les déchets, et une petite partie, soit 1 p. 100 des émissions, est causée par les secteurs forestier et agricole.
Nous passons à la partie 2, qui porte sur l'objectif et les engagements de la province. La diapositive qui est au bas de la page 4 vient réitérer ce que M. Martin a dit dans son exposé. L'objectif central du plan énergétique de 2007 du gouvernement provincial était de transformer les riches ressources non renouvelables de la province en une économie durable grâce à une énergie propre renouvelable, pour les générations à venir.
Il est clair, comme l'a dit M. Martin, que ce plan aidera la province à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, mais il pourrait aussi être utile à d'autres administrations du Canada et peut-être même des États-Unis désireuses, elles aussi, de réduire leurs émissions.
Passons maintenant à la première diapositive de la page 5. Vous verrez que dans le plan énergétique de 2007, la province s'est aussi engagée à élaborer trois stratégies. Ainsi, elle devait d'abord mettre sur pied sa toute première stratégie en matière d'efficacité énergétique. Deuxièmement, elle devait dresser un nouveau plan d'action sur les changements climatiques. Le premier datait de 2005. En troisième lieu, compte tenu de la contribution énorme des grandes industries énergivores aux émissions de gaz à effet de serre dans la province, il faut élaborer une stratégie de réduction des émissions de ces industries.
Vous pouvez voir à la diapositive au bas de la page 5 les engagements stratégiques qu'a pris la province. Le premier, qu'a approuvé le Conseil de la fédération en 2008, est d'augmenter de 20 p. 100 son efficacité énergétique d'ici à 2020. On s'est donc engagé à réduire d'ici à 2020 la consommation d'énergie des habitations, des édifices et des industries de 20 p. 100 par rapport à ce qu'elle aurait été sans qu'on intervienne. C'est la cible qui a été adoptée l'année dernière lors de la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada, ou GNA/ PMEC qui, du côté du Canada, englobe les provinces de l'Atlantique et le Québec.
De plus, lors d'un forum tenu en 2001, les GNA/PMEC ont adopté une série de cibles d'émissions de gaz à effet de serre pour la région, que vous pouvez voir au bas de la page. L'une d'elles visait la stabilisation en 2010 des émissions aux niveaux enregistrés en 1990 et une réduction des émissions de 10 p. 100 par rapport à ces mêmes niveaux au plus tard en 2020. Une cible beaucoup plus ambitieuse a été adoptée pour le milieu du siècle à la lumière des données scientifiques dont on disposait à ce moment-là.
Voilà donc ce qui constitue le cadre stratégique de la province pour l'efficacité énergétique et les changements climatiques.
Le troisième volet de l'exposé porte sur l'approche de la province dans des situations extraordinaires. Le président l'a dit, je suis la conseillère principale en politiques de la première ministre Dunderdale. Je relève directement d'elle, et j'ai créé tout récemment, en 2009, un nouvel organisme central du gouvernement appelé Office of Climate Change, Energy Efficiency and Emissions Trading.
Ce bureau est chargé d'élaborer des politiques et des stratégies, en regard de l'importance qu'accorde la province à ce programme, de son désir d'assurer un leadership dans ce domaine et du fait que les changements climatiques sont un enjeu très complexe, qui touche tous les secteurs. Vous savez certainement qu'il y a des ramifications environnementales, économiques, sociales et politiques, et la province voulait éviter que la réflexion sur le sujet se fasse en vase clos. Le bureau s'intéresse tout autant aux répercussions économiques qu'à l'incidence sur l'environnement et aux ramifications sociales de ces changements, et il est donc un intermédiaire objectif, qui collabore avec tous les ministères.
Le président : Me permettez-vous de vous interrompre?
Mme Janes : Bien entendu.
Le président : L'initiative semble très visionnaire. Comment avez-vous acquis toute cette perspective? Avez-vous, personnellement, des compétences en la matière?
Mme Janes : Vous pouvez certainement dire d'après mon accent que je ne suis pas originaire de Terre-Neuve-et- Labrador.
Le président : Eh bien, nous pensions que vous veniez peut-être du Haut-commissariat de Grande-Bretagne à Ottawa, où on est très préoccupé par les changements climatiques.
Mme Janes : En fait, c'est mon domaine de compétence. J'ai travaillé pendant sept ans pour le gouvernement britannique dans le domaine des changements climatiques et de l'efficacité énergétique. J'ai d'abord été pendant quatre ans négociatrice internationale pour le Protocole de Kyoto et les pourparlers avec les Nations Unies, et ensuite j'ai dirigé le module chargé de préparer le Royaume-Uni à assumer la présidence du G8 en 2005. Vous vous souvenez peut- être que le premier ministre de l'époque, Tony Blair, avait décidé de faire des changements climatiques une priorité de son mandat, et j'ai été chargée du dossier.
Ensuite, j'ai dirigé une équipe d'une cinquantaine de fonctionnaires chargés de prendre les choses en main au Royaume-Uni et d'élaborer des politiques et des programmes pour réaliser les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Royaume-Uni; j'étais aussi responsable de la politique et de la stratégie du Royaume-Uni en matière d'efficacité énergétique.
Mon mari est originaire de Terre-Neuve, et ceux d'entre vous qui connaissent la province savent que s'il y a une chose que veut un Terre-Neuvien, c'est retourner chez lui. Il vivait avec moi à Londres, quand une occasion fantastique lui a été offerte de revenir ici pour aider à construire la province, alors je l'ai accompagné.
Le président : Est-ce que c'était en 2008?
Mme Janes : Oui, en 2008. J'ai eu l'énorme chance de pouvoir mettre une partie de ma connaissance et mon expérience de la situation en Europe au service de la province pour aider à établir la politique et le cadre d'action d'ici.
Le président : Chers collègues, vous trouverez le curriculum vitae de Mme Janes dans le dossier.
Le sénateur Peterson : Je constate que vous relevez directement de la première ministre. Avez-vous des rapports avec le ministre des Ressources naturelles ou celui de l'Environnement et de la conservation?
Mme Janes : Vous soulevez là un bon point. Je travaille en très étroite collaboration avec ces ministres. Il n'y a pas de rapport hiérarchique officiel, mais le ministre des Ressources naturelles reste, bien entendu, le porte-parole en matière d'efficacité énergétique du gouvernement et le ministre de l'Environnement et de la conservation, celui du dossier des changements climatiques. Par conséquent, tout le travail que nous faisons qui touche à ces domaines de responsabilité est acheminé à ces ministres.
Le gouvernement a mis sur pied un comité spécial du Cabinet sur les changements climatiques et l'efficacité énergétique, dont ces deux ministres sont les coprésidents. Aussi, le ministre des Finances siège à ce comité, de même que le ministre de l'Innovation, du Commerce et du Développement rural, qui est le ministère économique; le ministre des Affaires intergouvernementales; le ministre des Transports et des Travaux; et le ministre des Affaires municipales. C'est donc un effort concerté de tout le gouvernement pour faire progresser ce dossier.
Le président : Est-ce que cela existait sous le gouvernement du premier ministre Williams aussi?
Mme Janes : C'est le premier ministre Williams qui a pris l'initiative de créer le bureau, alors à l'origine, j'étais sa conseillère principale en politiques.
Il convient néanmoins de souligner que les rôles et responsabilités du bureau consistent seulement à élaborer des politiques et des stratégies, à recueillir les éléments d'information nécessaires pour formuler une stratégie fondée sur les faits et à tenter d'amener les ministères à tenir compte de ces enjeux dans leur réflexion. Nous ne mettons pas en œuvre de programmes, de services ou de règlements. C'est la responsabilité des ministères.
Le président : Excellent. Veuillez poursuivre.
Mme Janes : Nous passons maintenant à la diapositive de la page 7. Je veux seulement signaler deux ou trois des situations très particulières qui se posent pour la province relativement à ce programme, parce que je les juge assez intéressantes.
La quantité totale d'énergie consommée par la province a fluctué de 81 à 89 p. 100 entre 2003 et 2009. Cette fluctuation est la conséquence de modifications apportées à la structure industrielle, particulièrement dans le secteur des journaux imprimés. Si on ne regarde que la partie insulaire de la province, le chiffre est inférieur, soit 75 à 88 p. 100, pour la même période. M. Martin a parlé avec éloquence du réseau électrique isolé et du fait qu'on dépend de Holyrood; c'est ce qui explique la situation.
Il est clair, d'après les projections de faible croissance, que la proportion d'énergie renouvelable déployée dans la province diminuera à l'avenir, à moins que la centrale thermique au diesel d'Holyrood soit remplacée par l'électricité de Muskrat Falls. C'est absolument essentiel, du point de vue des changements climatiques.
Dans le plan énergétique de 2007, le gouvernement s'est engagé à déclasser Holyrood pour la replacer par l'énergie propre renouvelable de Muskrat Falls quand ce chantier a été mis en branle. À cause de la faible croissance d'ici à 2017, soit l'année prévue pour l'entrée en fonction de la centrale de Muskrat Falls, nous prévoyons une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 1,2 million de tonnes dans la province seulement.
Ainsi, la province produira environ 98 p. 100 d'électricité renouvelable quand la centrale de Muskrat Falls entrera en fonction. Cela donnera aussi une énorme quantité d'énergie excédentaire que la province pourra exporter ailleurs au Canada pour réduire l'énergie produite au moyen de combustibles à forte intensité en carbone, notamment en Nouvelle-Écosse.
Vous pouvez voir sur la première diapositive de la page 5 que le plus important, en ce qui concerne les changements climatiques, c'est que dans la plupart des provinces qui produisent beaucoup d'électricité au moyen de combustibles fossiles, l'efficacité énergétique est souvent l'un des moyens les plus économiques de réduire les émissions. Comme 98 p. 100 de l'électricité que nous allons produire sera renouvelable, notre province n'aura pas la même motivation économique. Cela ne veut pas dire toutefois que nous n'accordons pas une énorme importance à l'efficacité énergique, pour diverses autres raisons que vous connaissez tous très bien.
Le président : L'une des choses les plus frappantes, même si elle semble plus banale, que nous avons constatées durant notre tournée éclair de trois jours, c'est que le chauffage des habitations à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick dépend lourdement de sources émettrices. Quelle est la source de chauffage des maisons de Terre- Neuve?
Mme Janes : Beaucoup sont encore chauffées au mazout, mais le chauffage électrique gagne du terrain. Les chiffres grimpent avec le temps, à cause des nouveaux lotissements, des nouvelles constructions. Pour l'instant, avec Holyrood, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, le chauffage au mazout reste ce qu'il y a de plus efficace pour la population. Par contre, quand la centrale électrique de Muskrat Falls se mettra à tourner, évidemment, elle produira moins d'émissions. Actuellement, la province ne pousse pas beaucoup les gens dont les maisons sont chauffées au mazout à se convertir à l'électricité parce que cela ne ferait que stimuler la production de la centrale thermique alimentée au diesel, qui est très sale. Plus tard, toutefois, on pourrait encourager plus activement la population à changer de mode de chauffage, pour favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le président : Est-ce que vous n'envisagez pas d'autres solutions, comme le granulé de bois, et d'autres combustibles du genre? Je ne pose la question que parce que vous avez ces énormes usines de pâtes et papiers qui ferment progressivement, alors que vous disposez de cette source. Je suppose qu'il faudrait pour cela de nouveaux poêles et une nouvelle infrastructure.
Mme Janes : C'est un excellent point. Nous nous intéressons beaucoup au granulé de bois, et plusieurs usines de la province en produisent. Pour l'instant, le principal marché pour ce produit est à l'étranger, l'Europe en fait. La réglementation en matière d'émissions de gaz à effet de serre, là-bas, fait que le marché des biocarburants est très vigoureux. Le gouvernement a lancé des initiatives pour stimuler l'intérêt pour le granulé de bois, et offre notamment des subventions pour l'installation de poêles à granulés dans les domiciles. Pour l'instant toutefois, le marché de la province est loin de pouvoir absorber la quantité de granulés produite.
Le sénateur Neufeld : Je comprends ce que vous dites, que l'efficacité énergétique dans le secteur de l'électricité n'entraînera pas beaucoup de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Cela ne devrait toutefois pas décourager Terre-Neuve de chercher d'autres moyens de réduire la consommation d'électricité; je ne pense pas que cela se justifierait. Peut-être vous ai-je mal comprise, mais pouvez-vous me dire où se situe Terre-Neuve, sur cette échelle de consommation moyenne des ménages; il existe des graphiques pour l'illustrer. Est-ce que vous vous situez dans la partie supérieure de l'échelle de consommation d'électricité, ou encore dans la partie inférieure? Il y a toutes sortes de moyens de réduire la consommation d'électricité.
Mme Janes : Vous avez tout à fait raison. Je ne voulais pas donner à penser que la province n'est pas résolument déterminée à accroître son efficacité énergétique; elle l'est. C'est l'un des piliers du plan énergétique de 2007. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le sénateur, il y a toutes sortes d'autres raisons d'appuyer l'efficacité énergétique, à part la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En fait, si vous passez à la page...
Le sénateur Neufeld : Je ne veux pas vous faire sauter des étapes de votre exposé; j'attendrai que vous en soyez là. Nous avons appris hier — c'est pourquoi j'aborde la question — que les dépenses par habitant de Terre-Neuve pour l'efficacité énergétique semblent minimes, comparativement au reste du pays. En fait, la province est à peine visible sur l'échelle; c'est presque rien. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?
Vous pouvez faire peu de cas des émissions de gaz à effet de serre — non pas que ce ne soit pas un enjeu important — mais pourquoi investissez-vous si peu dans l'efficacité énergétique?
Mme Janes : Je pense que la province essaie d'adopter la nouvelle approche stratégique à l'égard de l'efficacité énergétique qu'elle décrit dans son plan énergétique de 2007, et qu'elle s'efforce de recueillir les éléments d'information qui lui permettront d'investir là où elle pourra obtenir les meilleurs résultats au meilleur prix. Elle n'a pas dépensé autant que d'autres, mais on sait que les investissements ne constituent qu'une mesure ou qu'un instrument parmi d'autres pour stimuler l'efficacité énergétique. Notre gouvernement a fait d'autres choses; par exemple, ses édifices sont construits selon la norme LEED Argent, et il prend d'autres moyens du genre.
Là où je voulais en venir au sujet de l'énergie renouvelable, c'est que lorsqu'on examine l'aspect économique des investissements à faire dans l'efficacité énergétique, on analyse tous les gains que l'efficacité énergétique peut nous faire réaliser. Or, quand une si grande proportion de l'énergie qu'on produit est renouvelable, les gains sont moins grands sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.
Nous sommes en train de faire, avec les responsables des services publics, un examen des programmes actuels et des possibilités pour l'avenir. Pour moi, c'est un dossier évolutif. Notre gouvernement est conscient de son rendement comparativement à d'autres, et il a vraiment à cœur d'étudier la question pour déterminer ce qu'il devra faire.
Le sénateur Neufeld : Je vais citer quelques chiffres, si vous voulez bien. J'ai ici le graphique que nous avons reçu hier d'un spécialiste de l'efficacité énergétique. Au poste des dépenses par habitant pour l'efficacité énergétique, le montant le plus élevé est de 45 $ par habitant; Terre-Neuve dépense 2,50 $ par habitant. La moyenne des trois gouvernements qui dépensent le plus est d'environ 30 $ par habitant. C'est un gros écart. Les provinces dont il s'agit, qui dépensent 45 $, ont une capacité de production similaire à celle de Terre-Neuve. Près de 95 p. 100 de l'électricité est produite par des centrales hydroélectriques propres. Je pense que c'est une bonne question, à laquelle j'espère recevoir une bonne réponse.
Mme Janes : Je vous remercie.
Allons au point 6 de la page 7. Il est clair que, théoriquement, l'électricité renouvelable pourra un jour servir dans le transport de surface. Les transports, dans l'ensemble, produisent 33 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre et le transport de surface compte pour les deux tiers de cet apport. Il faudrait donc des avancées technologiques appropriées dans l'infrastructure.
Terre-Neuve est la province la plus rurale du Canada, ce qui présente des défis particuliers. M. Martin a parlé des collectivités isolées qui sont en dehors du réseau. Des diapositives sur le projet réalisé à Ramea pour ces collectivités seront projetées plus tard.
Je disais donc qu'un gros pourcentage de nos émissions sont produites par des industries énergivores tributaires du commerce. Elles produisent aussi 50 p. 100 du PIB provincial. C'est très important. Certains de ces secteurs, comme celui de l'exploitation pétrolière extracôtière, ont un choix très restreint de solutions pour réduire leurs émissions. J'espère que cela vous donne une idée de certaines particularités de la situation qui est la nôtre.
Au nombre des recommandations que nous voulions vous faire aujourd'hui, il y a d'abord l'amélioration de l'information à nous fournir. Nous savons que l'enquête fédérale sur le secteur énergétique n'a pas porté sur tous les sites industriels de la province. Deux de nos trois champs pétroliers en mer, par exemple, et l'une de nos trois principales mines ne sont pas inclus dans les données. Comme les estimations des émissions de gaz à effet de serre se fondent sur les données énergétiques, cela pourrait fausser les estimations du gouvernement fédéral en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre de la province.
Nous savons toutefois que le gouvernement fédéral intègre dans ses estimations des données supplémentaires enregistrées au niveau de certaines installations. Nous savons aussi que les changements climatiques apporteront des changements dans les précipitations qui pourront influer sur l'hydroélectricité et que les changements de température se répercuteront sur le nombre annuel de journées de chauffage, et peut-être même de climatisation. Évidemment, tout cela influera sur la demande en énergie.
Enfin, bien des collectivités ont été privées de courant par le passage de l'ouragan Igor, à la fin de l'automne 2010. Nous savons donc que les changements climatiques provoqueront d'autres phénomènes météorologiques très importants, et nous devons comprendre les répercussions que cela pourra avoir sur la sécurité de l'infrastructure énergétique et de l'approvisionnement. Il faut donc une amélioration de l'information communiquée et une meilleure collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Je passe à la diapositive suivante, sur une plus grande certitude. Les entreprises, vous pouvez le comprendre, ont besoin de certitude pour pouvoir planifier. Elles ont besoin de gérer les risques et il est très difficile pour elles de planifier efficacement sans savoir ce que sera le cadre réglementaire fédéral, quand il pourrait entrer en vigueur et ses conséquences sur ces secteurs.
Des groupes de réflexion au Canada et aux États-Unis ont constaté que plus on tarde à mettre en œuvre des mesures énergiques pour réduire les émissions, plus la réalisation des objectifs est coûteuse. C'est parce que nous aurons englouti de plus en plus de capitaux au fil du temps, sans résultats véritables.
Les entreprises du Royaume-Uni disaient souvent qu'elles voulaient recevoir des informations légales, durables et claires. Autrement dit, elles voulaient avoir toute la certitude possible pour investir. Je pense qu'il en est de même pour notre économie.
Nous sommes maintenant à la page 9. Le gouvernement de la province a publié en 2010 un document de travail sur les changements climatiques et l'efficacité énergétique. C'était un document public qui cherchait à susciter le dialogue et les commentaires du public sur l'orientation stratégique du gouvernement.
Dans ce document, le gouvernement disait vouloir analyser le moyen d'attribuer une valeur aux émissions de gaz à effet de serre, parce que cela créerait un incitatif financier qui pousserait les entreprises et les particuliers à tenir compte des répercussions de leurs activités sur les changements climatiques. Je pense qu'il en est traité dans le document que vous avez publié l'année dernière.
Passons maintenant à la page 10. L'un des éléments importants que la province doit prendre en considération, et que nous recommanderions d'intégrer désormais à la réflexion sur cette question, c'est la compétitivité de nos secteurs tributaires du commerce qui sont de grands consommateurs d'énergie. Rien qu'ici, à Terre-Neuve, le secteur industriel, qui est important, consomme 45 p. 100 de notre énergie et produit 58 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre de 54 p. 100 englobe Holyrood qui, bien entendu, n'est pas tributaire du commerce. Si nous soustrayons Holyrood de l'équation, cela fait 45 p. 100 des émissions. Ces industries, celles qui sont tributaires du commerce, sont des preneurs de prix sur les marchés internationaux. Toutefois, nous entrevoyons des possibilités à l'horizon, et l'efficacité énergétique en est un exemple évident. Tout le monde y gagne; elle fait diminuer les coûts de production, elle stimule la compétitivité et elle permet de réduire les gaz à effet de serre.
J'aimerais vous donner un exemple très concret d'un investissement fait ici, dans la province. La raffinerie, ici, investit d'énormes sommes, des millions et des millions de dollars, pour accroître de 13 p. 100 sa capacité de production et pouvoir produire jusqu'à 130 000 barils de pétrole par jour. En même temps, cependant, elle prévoit une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre allant jusqu'à 20 p. 100, grâce à une utilisation plus efficace de l'énergie. Tout le monde en sort gagnant; la raffinerie réduira ses coûts de production et, ainsi, deviendra plus compétitive sur les marchés internationaux, et, en plus, accessoirement, elle réduira ses émissions de gaz à effet de serre. C'est le genre de possibilités que nous recherchons. .
Le graphique qui est au bas de la page illustre notre perspective de la relation entre l'efficacité énergétique et les changements climatiques. Au milieu, dans la partie verte, on voit des synergies considérables entre ces deux éléments. En réduisant la dépendance aux combustibles à forte teneur en carbone, nous réduisons les émissions de gaz à effet de serre; de plus, cela ouvre quantités de débouchés économiques aux chapitres de l'innovation, des nouveaux marchés et des nouveaux emplois.
Cependant, comme le disait le sénateur, même si nous ne produisions du jour au lendemain que de l'énergie renouvelable dans tous les secteurs, celui des transports et aussi celui de l'électricité, nous aurions encore tout intérêt à rechercher l'efficacité énergétique pour les raisons indiquées dans la partie jaune du cercle de gauche : elle réduit les frais de combustible; elle stimule la compétitivité; elle accroît le bien-être des consommateurs; elle nous évite de devoir créer de nouvelles centrales coûteuses; elle libère plus d'énergie propre pour les exportations; et elle renforce la sécurité énergétique. La province est bien résolue à étudier les moyens d'améliorer son rendement énergétique à l'avenir.
Vous verrez à la page suivante que nous recommandons aussi, pour votre réflexion, que tout cadre qui sera établi pour la réduction des gaz à effet de serre dans le futur laisse aux compagnies une certaine marge de manœuvre, parce que certaines industries n'ont que très peu d'options efficaces par rapport aux coûts pour réduire leurs émissions. Il est très important qu'elles aient d'autres possibilités pour pouvoir respecter les exigences de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et qu'on n'exige pas seulement d'elles qu'elles réduisent à tout prix les émissions de leurs installations. L'industrie pétrolière en mer en est un bon exemple.
Le graphique qui est au bas de la page 11 découle d'une étude que la province a commandée l'année dernière sur la détermination du prix du carbone. L'étude était centrée sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être réalisées d'ici à 2020 et 2030 selon différents prix du carbone. L'axe des Y représente le coût de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, soit de 0 à 300 $. L'axe des X illustre le pourcentage de réduction des émissions qui serait réalisable selon différents prix du carbone. Nous avions entrepris ce travail dans le but de cerner les possibilités qui s'offrent dans différents secteurs de l'économie de la province.
Le graphique illustre une courbe typique du coût marginal de la réduction dans le secteur minier, dans ce cas-ci. Il montre que le secteur aurait la possibilité de réduire nettement ses émissions de carbone d'ici à 2020 et 2030. L'ampleur de ces réductions dépend cependant beaucoup, bien sûr, de l'incitatif économique qu'est le prix du carbone. Ce qui présente les plus grandes possibilités de réduction des émissions, et c'est illustré en vert, c'est le remplacement du combustible par l'électricité renouvelable. La partie en bleu illustre la conversion au biodiesel, et en gris, les hausses de l'efficacité énergétique liées à la rotation des capitaux. Ce qu'il est important de retenir de cette diapositive, c'est qu'à des prix différents du carbone, les entreprises du secteur ont tout un éventail de solutions pour réduire les émissions de leurs installations.
J'aimerais établir le contraste entre cette diapositive et la suivante, au haut de la page 12. On y voit une courbe du coût marginal de la réduction des émissions de l'industrie pétrolière extracôtière. Vous pouvez voir tout de suite que même à 300 $ par tonne de carbone, il y a des possibilités de réduction limitées tant en 2020 qu'en 2030, et ces possibilités dépendent de la technologie du biocarburant. L'industrie pétrolière extracôtière produit 17 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre de la province et, comme l'expliquait M. Martin, au contraire de l'exploitation minière et de l'exploitation terrestre du pétrole, les plateformes pétrolières étant à plus de 300 kilomètres des côtes, elles ne peuvent être converties à l'électricité renouvelable pour réduire les émissions. Ce serait impossible.
Vous le savez, ces producteurs évoluent sur un marché international hautement compétitif, et en l'absence de contraintes mondiales en ce qui concerne le carbone, l'imposition au secteur de l'exploitation pétrolière de mesures réglementaires coercitives pour qu'il réduise à tout prix les émissions de ses installations lui ferait du tort, et entraînerait l'abandon prématuré de champs pétroliers.
Ce que je tenais à dire, ce n'est pas que ce secteur ne peut pas faire sa part dans les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais que toute mesure qui sera prise devra être soigneusement conçue pour lui laisser une marge de manœuvre afin qu'il puisse avoir d'autres choix plus économiques, comme la contribution à un fonds technologique à un prix convenu par tonne d'émissions, ou l'investissement dans des mesures de compensation.
Le président : Pourriez-vous accélérer? Nous prenons du retard.
Mme Janes : Absolument.
Le président : Nous avons le document, de toute façon.
Mme Janes : Je crois que nous pouvons terminer d'ici quelques minutes.
La sixième recommandation porte sur l'efficacité énergétique. Pour moi, c'est l'évidence même, c'est fondamental. Elle présente bien des avantages. Une approche axée sur l'efficacité énergétique doit englober tous les secteurs de l'économie, et tous les types de combustibles. Elle doit stimuler la conservation, donc le comportement, ainsi que l'efficacité technologique, et aussi transformer les marchés. C'est l'objet de la diapositive suivante.
On voit à la page 13 qu'il ne suffit pas de miser uniquement sur l'électricité. Il faut songer à d'autres secteurs, comme celui des transports, qui consomme 40 p. 100 de toute notre énergie. Il faut aussi s'intéresser à tous les types de combustibles. L'électricité est importante, mais comme vous pouvez le voir sur le graphique, 64 p. 100 de l'énergie consommée dans la province est produite au moyen du pétrole raffiné.
Notre gouvernement est conscient que pour vraiment accroître l'efficacité énergétique, il lui faudra déployer des efforts pour provoquer un changement de comportement dans le sens de la conservation, mais aussi pour stimuler l'efficacité, ce qui entend l'adoption de nouvelles technologies et de technologies existantes. Le gouvernement dispose de tout un éventail d'instruments, et dans la cadre de notre processus stratégique, nous examinons le rôle que peuvent jouer tous ces instruments et la façon de tirer des enseignements de ce qui se fait ailleurs. L'avantage, quand on sait qu'il y a moyen de faire plus, c'est qu'on peut s'inspirer de ce que font les autres, et nous sommes tout disposés à collaborer avec nos collègues d'autres provinces en ce sens.
Le captage et l'entreposage du carbone ont suscité beaucoup d'intérêt, et il est vrai que c'est une technologie très importante, dans laquelle il faudra désormais beaucoup investir. Cet investissement doit néanmoins aller de pair avec des incitatifs axés sur les technologies éprouvées dont le déploiement se bute à des obstacles.
Le Canada est déterminé à ce que d'ici à 2020, 90 p. 100 de son électricité provienne de sources renouvelables, et, pour cela, il faudra de grands projets hydroélectriques comme celui de Gull Island. Pour les grandes centrales hydroélectriques, cela comporte des défis liés à la transmission, la transmission est-ouest, et aussi la nécessité d'exercer des pressions pour que l'hydroélectricité soit définie comme une source d'énergie renouvelable aux États-Unis, parce que tous ces éléments influent positivement sur les facteurs économiques des projets. Outre les technologies de grande échelle, d'autres défis méritent réflexion. Certains sont de moindre envergure, mais ils restent néanmoins importants.
La page 15 porte sur ce dont parlait M. Martin. La carte, sur la gauche, illustre une collectivité — en fait, c'est une île — Ramea, au large de la côte Sud de la province. Il s'y trouve de nombreuses petites collectivités, qui sont hors du réseau électrique. Elles sont isolées, leur population est éparpillée, alors leur approvisionnement en électricité est compliqué et coûteux. C'est le défi qu'a voulu relever Nalcor Energy, comme le disait M. Martin, en dirigeant un examen des possibilités qu'offrent l'énergie éolienne et l'hydrogène. C'est une approche très innovatrice qui pourrait être intéressante pour les collectivités isolées du monde entier.
Le message que je veux faire passer, à la page 16, c'est que les changements climatiques présentent une menace, comme on le sait. Nous connaissons tous les répercussions négatives que pourraient avoir des changements dans les températures et les précipitations, et les profondes préoccupations que suscitent les incidences économiques et l'efficacité sur l'environnement des mesures mises en œuvre pour réduire les émissions en l'absence d'un plan mondial d'atténuation. Il faudra donc que tout cadre fédéral qui sera établi tienne compte de facteurs liés à la concurrence et de la nécessité d'une certaine marge de manœuvre, comme je le disais tout à l'heure.
Ce n'est ici, en fait, qu'un rappel que même dans ce contexte, nous ne devons pas ne voir que les risques, parce qu'il y a pour le Canada d'énormes possibilités d'innover et de concevoir de nouveaux produits et services qui lui permettront de s'emparer de nouveaux marchés et de créer des emplois. Par exemple, une technologie conçue et mise en marché ici et exportée en Amérique du Nord permet aux gens de déterminer la quantité véritable d'énergie qu'ils consomment. Il existe des solutions qui peuvent profiter à tout le monde. L'une d'elles, dans laquelle nous investissons depuis deux ans, accroît l'efficacité des maisons des ménages à faible revenu. Nous avons mené un projet pilote de deux ans, qui nous a permis de découvrir le moyen de faire économiser 700 $ aux ménages à faible revenu. Sur plusieurs années, cela peut faire une belle somme.
La dernière diapositive résume les recommandations. Je voulais surtout dire que bien que la province ne soit responsable que de 1,5 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du Canada, notre gouvernement est déterminé à faire sa part dans la lutte contre le problème et à pleinement participer à la solution. Nous prenons la question très au sérieux.
Compte tenu de l'ampleur du défi que constituent les changements climatiques et du défi que votre comité doit relever, je vous souhaite bonne chance pour l'avenir. Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup de cet excellent exposé.
Malheureusement, chers collègues, c'était tout le temps dont nous disposions. Je vais toutefois nous laisser prolonger un peu la séance afin de permettre aux sénateurs Mitchell et Lang, nos deux experts en matière de changements climatiques, de poser des questions sur des sujets diamétralement opposés.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le président. Je vous remercie également, madame Janes.
Ce que le président voulait dire, c'est que je fais profiter le comité de mon grand intérêt à l'égard des changements climatiques. Je suis fort impressionné par vos travaux. Je le suis particulièrement par vous personnellement et par la décision stratégique d'assumer votre rôle et de ne pas l'enterrer au fond d'un ministère, mais plutôt de l'intégrer au cabinet du premier ministre. Ainsi, vos propos possèdent une autorité et un poids considérables, ce qui n'est pas à prendre à la légère.
Je remarque notamment que certains gouvernements ne font pas grand chose au pays. C'est le cas du gouvernement national. Par contre, celui de la Colombie-Britannique agit exactement comme le vôtre. Votre province dépend énormément à l'industrie pétrolière et gazière, et pourtant met en œuvre des initiatives et des engagements de grande envergure.
Sur quelle philosophie vous appuyez-vous? Qu'est-ce qui a incité le premier ministre Williams à adopter cette position? Comment explique-t-il son attitude? Peut-être pourriez-vous nous exposer ce qui vous motive pour que nous comprenions pourquoi votre province intervient dans ce domaine, alors que d'autres, qui ont les mêmes intérêts dans l'industrie pétrolière, et peut-être même le gouvernement fédéral n'agissent pas?
Madame Janes : D'un point de vue provincial, tout procède de la vision établie dans le plan énergétique de 2007. Nous considérons les impacts des changements climatiques comme une menace pour notre province. Ces impacts sont considérables et peuvent se manifester sous la forme de phénomènes météorologiques extrêmes, comme l'ouragan Igor qui nous a frappés l'automne dernier, causant des dommages et des perturbations substantiels. Les changements climatiques laissent leur empreinte sur notre littoral, y aggravant l'érosion côtière et l'intensité des conditions météorologiques. Or, 90 p. 100 de notre population vit sur la côte.
Nous avons ces impacts à l'œil car nous sommes incertains de ce que l'avenir nous réserve. La foresterie constitue une industrie importante dans notre province, mais nous avons vu ce qui se passe en Colombie-Britannique, où le dendroctome du pin ponderosa a ravagé les forêts et mis à mal l'économie. Nous savons que si les températures s'adoucissent et que le printemps arrive plus tôt, des maladies et des ravageurs, dont certains pourraient menacer la santé humaine, progresseront vers le Nord. La maladie de Lyme, par exemple, n'a fait son apparition dans la province qu'au cours de la présente décennie. On trouve maintenant des tiques infectées dans la plupart des régions de la province.
Nous croyons que les impacts seront dramatiques, notamment sur les industries de l'exploitation des ressources naturelles, qui constituent le moteur de notre économie. Par exemple, nous savons que les changements climatiques feront varier la salinité et la température de l'océan. Or, la pêche est une industrie extrêmement importante pour notre province; elle fait partie de sa culture.
Par conséquent, nous évaluons les impacts potentiels des changements climatiques et voulons nous y préparer de notre mieux, tout en sachant qu'il y a une limite à ce que l'on peut faire. Nous voulons faire partie de la solution. La réalité des changements climatiques ne fait aucun doute pour notre province. Nous avons dépassé l'argument environnemental : la question est maintenant économique. Il faut déterminer comment on peut positionner l'économie dans l'avenir.
Nous nous dirigeons vers un monde où il faudra réduire le plus possible les émissions de carbone. Nous ignorons à quelle vitesse cette évolution s'effectuera. Peut-être qu'en chemin, nous entendrons des signaux d'alarme nous signifiant que le changement ne s'opère pas aussi rapidement que prévu. Mais cette évolution est en cours : c'est inévitable. Veut-on être un gagnant ou un perdant? Veut-on décider maintenant de positionner l'économie et de déterminer où elle en sera dans 10 ou 20 ans pour figurer parmi les gagnants?
Je suis assez certaine de la position du Royaume-Uni à ce sujet. Ce pays mène les débats sur les changements climatiques, mais s'intéresse surtout aux aspects économiques. L'Union européenne a établi un régime d'échange de droits d'émission en 2005. Le Royaume-Uni est toutefois le premier pays du monde à avoir instauré un tel régime dans l'ensemble de son économie, en 2001. Le gouvernement a agi ainsi afin d'apprendre; sachant que Londres est un centre financier mondial et voulant en faire une plaque tournante des échanges de droits d'émission, il a su saisir l'occasion qui se présentait.
Voilà pourquoi je voulais terminer par la diapositive 8 pour signaler que si les occasions qui s'offrent sont intéressantes, il ne convient pas de se cacher la tête dans le sable. Il faut évaluer les effets des mesures sur l'économie et s'efforcer de stimuler cette dernière de manière adéquate.
Le sénateur Mitchell : C'est brillant, formidable. Vous avez demandé si l'on veut être un gagnant ou un perdant, et c'est exactement le nœud de la question.
Le président : Il est préférable de gagner.
Le sénateur Mitchell : Les occasions qui s'offrent dans ce domaine sont extraordinaires, et votre province est capable d'en tirer parti, alors que le gouvernement fédéral les laisse filer entre ses doigts.
J'aimerais ensuite voir ce qu'il en est des échanges de droits d'émission. En Colombie-Britannique, par exemple, la Pacific Trading Corporation trouvera une manière d'avoir une empreinte écologique sans carbone. Même l'Alberta a eu l'initiative d'instaurer un programme de plafonnement et d'échange permettant aux agriculteurs et aux producteurs d'obtenir des crédits. Que proposez-vous à cet égard?
Mme Janes : La province n'a pas adopté de position ferme à ce sujet. Nous avons jusqu'à maintenant procédé à deux vagues de consultation auprès de l'imposant secteur industriel et examiné trois approches que nous pourrions prendre pour réduire les émissions. Il y a tout d'abord l'échange de droits d'émission. La Western Climate Initiative est la seule démarche prise à cet égard pour l'instant. Il y a ensuite l'approche réglementaire adoptée en Alberta, assortie de certains assouplissements, qui pourraient prendre la forme d'un fonds technologique ou de mesures compensatoires. La dernière approche, qui s'impose en Colombie-Britannique également, consiste à appliquer des taxes sur les émissions de carbone pour encourager l'action.
Pour l'heure, nous analysons ces trois approches et les divers impacts qu'elles auraient sur nos industries. L'avantage de rester dans une petite province, c'est qu'il est plus facile d'y élaborer une approche sur mesure.
Au chapitre de l'échange des droits d'émission, je dirais toutefois qu'en théorie, il n'est guère rentable pour une province aussi petite de faire cavalier seul dans une telle initiative. Vous comprendrez aisément qu'il faut disposer de liquidités suffisantes sur les marchés et d'une certaine envergure. Plus les marchés sont vastes, plus l'initiative est rentable, car on trouve des mesures antipollution plus économiques.
Même si nous nous intéressons à ce qui se passe dans ce domaine, nous devons agir à grande échelle. Nous devons donc examiner les possibilités qui existent de ce côté et voir comment les exploiter afin de tirer parti de la valeur des ressources renouvelables dans lesquelles nous voulons investir.
Le sénateur Lang : J'aimerais formuler une observation. Il me semble injuste d'affirmer que le gouvernement national et les autres provinces restent les bras croisés dans ce dossier. Il faut qu'il soit très clair que l'on prend progressivement des mesures à cet égard.
Un investissement de cinq milliards de dollars dans un fonds destiné aux infrastructures vertes de toutes les régions du pays afin d'atteindre certains de nos objectifs environnementaux, ce n'est pas à prendre avec un grain de sel. Après avoir adopté les normes en vigueur sur le plan des émissions, nous avons imposé des critères encore plus stricts à l'industrie de l'automobile; il faudra quelques années pour atteindre les objectifs. Cette industrie est celle qui émet les plus grandes quantités de carbone au pays. Ne parlons pas des secteurs des sables bitumineux et de l'exploitation pétrolière en mer.
J'aimerais également faire remarquer que le gouvernement national et les provinces investissent des sommes considérables dans la technologie afin de capter le carbone, ce qui est un bon pas en avant.
Selon moi, il est faux de dire que le gouvernement fédéral, à cause de son orientation politique, reste les bras croisés, et je ferais remarquer à mon collègue qu'il agit bel et bien dans ce dossier. Il unit ses efforts avec les provinces et les États-Unis pour s'attaquer au problème. La question consiste à savoir comment s'y prendre pour y arriver. À cet égard, je suis d'accord avec vous, et je crois que vous avez fait un excellent exposé.
Mme Janes : Merci.
Le sénateur Lang : Je tiens toutefois à souligner que pendant que l'on s'empresse d'imposer une taxe ou un prix sur le carbone, il ne faut pas croire que le petit salarié ne passera pas à la caisse.
Nous parlons de l'industrie comme si elle ne faisait pas partie de l'équation. Or, elle vend une marchandise que tout un chacun, vous autant que moi, achètera. Ce qui m'inquiète — et j'aimerais faire appel à votre expérience antérieure dans le domaine —, c'est qu'au moment de la mise en œuvre du programme d'échange des droits d'émission en Europe, le prix du baril de pétrole était de 40 à 50 $, alors qu'il est aujourd'hui de 100 $ et pourrait atteindre 150 ou même 200 $.
J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet. Avez-vous tenu compte de ce facteur? Certains d'entre nous, qui examinons la question sous un autre angle, considérons que le prix du carbone s'établira de lui-même parce que le prix du pétrole est tellement élevé qu'il faudra forcément prendre des mesure pour rompre notre dépendance à une ressource rendue inabordable. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président : Vouliez-vous répondre?
Mme Janes : Je ferais simplement remarquer que c'est absolument exact. Plus le prix du pétrole augmente, plus les gens ont intérêt à faire preuve d'innovation pour trouver des sources d'énergie peut-être moins onéreuses. Le prix même du pétrole stimule donc l'innovation et le développement de la technologie.
Selon moi, quand on étudie les données scientifiques sur les changements climatiques, comme celles du quatrième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, qui publiera son cinquième rapport dans quelques années, on voit clairement que le problème est criant. Si nous laissons la technologie évoluer à son propre rythme, cela n'ira pas assez rapidement. Si l'on se fie aux prévisions de l'Agence internationale de l'énergie, le gouvernement doit investir sérieusement dans des mesures comme l'initiative de captage et de storage du carbone mise en œuvre en Alberta pour vraiment stimuler l'innovation. La technologie jouera un rôle de premier plan, tout comme les prix des ressources et de la production d'énergie.
Le président : Je vous remercie beaucoup, madame Janes. Vous avez fait un excellent exposé.
Chers collègues, voilà qui met fin à notre séance de ce matin.
(La séance est levée.)