Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 22 - Témoignages du 24 mars 2011
OTTAWA, le jeudi mars 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour examiner l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs, et bonjour à ceux qui suivent nos délibérations ici même, sur le réseau CPAC, ou encore sur la Toile. Bienvenue à cette réunion officielle du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Ce matin, nous accueillons M. John Bennett et M. Ralph Torrie, qui représentent Sierra Club Canada. Permettez- moi de commencer par vous souhaiter chaleureusement la bienvenue en cette froide matinée. Je vous prie de nous excuser de vous avoir fait attendre ici toute la soirée mardi, parce que nos représentants élus nous ont empêchés de siéger légalement. Nous sommes ravis que vous ayez pu prolonger votre visite dans la capitale nationale et venir nous rencontrer si tôt ce matin.
Nous poursuivons notre étude sur le secteur de l'énergie en général. Permettez-moi de dire à mes collègues et aux auditeurs à quel point je suis heureux de voir qu'un autre rapport international, de Shell Canada, révèle que le Canada a besoin d'une stratégie ou d'une politique nationale en matière d'énergie. Dans ce rapport, on a utilisé un libellé si semblable aux propos que nous tenons ici et à ce que nous avons écrit dans notre rapport que je me suis demandé s'il avait été rédigé par des gens qui siègent à notre comité. Ce qui est intéressant, c'est que ce débat national sur l'orientation future et sur la nécessité d'avoir un cadre stratégique et structuré en matière de politique énergétique exige une discussion au sein de la population canadienne, parmi les gens de tous les âges et de toutes les régions du pays. J'en suis très content.
Également, on m'a informé hier qu'un groupe de Winnipeg, l'Institut international du développement durable, je crois, a réuni près de 20 groupes. L'institut effectue actuellement des analyses semblables à la nôtre. Ces groupes se réuniront au cours du mois prochain à Winnipeg pour voir comment, collectivement, ils pourront produire des solutions communes qui tiendraient compte des intérêts des divers groupes. C'est très bien.
En raison des exigences du Parlement, entre autres du fait que la législature touche à sa fin, nous n'avons pas beaucoup de temps ce matin. Nous allons donc entendre le groupe d'hier soir. Mon prédécesseur vous en parlera dans un instant, mais nous avons aussi un groupe de témoins que nous étions initialement supposés entendre à 8 heures ce matin, des représentants du secteur du charbon. Nous les entendrons après avoir écouté nos amis du Sierra Club.
Messieurs, permettez-moi de vous présenter les gens qui sont ici. Je sais que vous avez suivi nos délibérations. Je suis le sénateur David Angus, du Québec, et je préside le comité. À ma droite, je vous présente le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, vice-président du comité. À ses côtés se trouve Marc LeBlanc, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous fournit de précieuses recherches et nous aide à ne pas nous écarter du droit chemin. À côté de lui, vous avez le sénateur Richard Neufeld, ancien ministre de l'Énergie et des Ressources de la Colombie-Britannique, et le sénateur Daniel Lang, du Yukon, un ancien ministre, législateur, homme de pouvoir et d'influence dans ce territoire très spécial. Nous avons également parmi nous notre seul sénateur élu, le sénateur Burt Brown, de l'Alberta.
À ma gauche, il y a notre greffière efficace, Lynn Gordon. Vous la connaissez déjà. À sa gauche, je vous présente le sénateur Tommy Banks, mon prédécesseur, qui a parié beaucoup d'argent et quelques puits de pétrole sur ses terres qu'il n'y aurait pas d'élection. Sénateur Banks, on ne peut pas prévoir ce qui se passera, mais nous sommes heureux de vous compter parmi nous ce matin. À sa gauche, de Montréal, au Québec, une ville où la campagne électorale battra son plein, nous avons le sénateur Judith Seidman, qui est le membre le plus récent de notre comité.
Je suis également fier de vous présenter ce matin le sénateur Jacques Demers, qui n'est pas membre régulier de notre comité, mais qui remplace le sénateur Linda Frum. Sa célébrité à l'échelle nationale dépasse de loin la nôtre. C'est un homme qui comprend le travail non partisan et l'esprit d'équipe, et comment on peut travailler de façon efficace dans l'adversité. C'est un merveilleux sénateur, un grand ami et un bon collègue. Bienvenue, sénateur Demers. À sa gauche, de la Saskatchewan, je vous présente le sénateur Robert Peterson, membre régulier et estimé de notre comité.
Permettez-moi de mentionner sans plus tarder que nous avons visité de nombreuses centrales nucléaires. Nous avons visité celle de Chalk River pour essayer de comprendre comment fonctionne le secteur nucléaire. Nous avons visité la centrale de Darlington, ainsi que certaines usines de produits chimiques, en plus de la centrale de Bruce Power. Nous avons acquis à tout le moins une compréhension de néophyte de ce qu'est la production d'électricité à partir du nucléaire au Canada. Nous n'avons pas encore établi de position ferme.
Depuis notre dernière réunion, le Japon a été frappé par un horrible tsunami, un séisme et des problèmes dans une centrale nucléaire. Je suis donc ravi que les représentants du Sierra Club aient accepté de se joindre à nous ce matin pour nous montrer un autre aspect du nucléaire. Merci de nous avoir fourni des documents à l'avance. Et merci encore de votre indulgence, d'être restés avec nous pendant deux jours.
Chers collègues, ces messieurs nous expliqueront un certain de nombre de préoccupations qu'ils partagent avec bien des gens, et que nous devrions avoir aussi, au sujet de l'utilisation du nucléaire comme source d'énergie.
M. Bennett est directeur exécutif du Sierra Club. C'est un militant bien connu et éloquent, souvent cité dans les médias. Il est quotidiennement en communication avec des écologistes du Canada et du monde entier. Il a fait une longue carrière, et il a entre autres occupé des postes chez Greenpeace, au Climate Action Network et à Climateforchange.ca. Il fait campagne sur des enjeux liés à l'énergie et à l'environnement depuis le début des années 1970, alors qu'il a été cofondateur du premier bureau de Greenpeace à l'est des Rocheuses et qu'il a lancé la première campagne de Greenpeace sur l'énergie nucléaire.
M. Bennett a fait la manchette lorsqu'avec trois militants de Greenpeace, il a fait du canot près de la centrale nucléaire de Bruce pour prouver que la sécurité y était déficiente. C'est très intéressant, car nous nous sommes rendus à cette centrale il y a deux mois environ. D'après ce que nous avons constaté, même les chars d'assaut de Kadhafi ne pourraient pas y pénétrer, mais c'est peut-être grâce aux mesures de sécurité qui ont été mises en place après les événements du 11 septembre.
Ralph Torrie, membre du conseil d'administration de la Fondation Sierra Club du Canada; président, Torrie-Smith Associates, Sierra Club Canada : C'est plus facile en canot.
Le président : Oui, et comme c'est de l'eau lourde, on peut ramer plus lentement.
Chers collègues, vous trouverez les notes biographiques de ces messieurs dans les documents qui vous ont été remis. J'ajouterais que M. Torrie accompagne M. Bennett. Il est membre du conseil d'administration de la Fondation Sierra Club du Canada et il est réputé pour son esprit visionnaire combiné à des analyses rigoureuses. On lui doit des contributions originales et importantes dans le domaine du développement durable. Il est diplômé de l'Université de Waterloo et a été coordonnateur adjoint de groupes de recherche sur l'énergie de l'Université des Nations Unies et du Centre de recherches pour le développement international.
Chers collègues, comme je l'ai dit, vous trouverez de plus amples détails dans les documents. Je vais maintenant me taire et vous laisser la parole, monsieur Bennett.
John Bennett, directeur exécutif, Sierra Club Canada : Tout d'abord, permettez-moi de vous dire quelques mots sur le Sierra Club. Nous sommes l'une des organisations environnementales les plus vieilles du Canada, et assurément l'une des plus vieilles du monde. Nous sommes associés au Sierra Club des États-Unis, qui a été fondé en 1892. Depuis, nous travaillons à conserver notre faune et notre flore ainsi qu'à protéger la santé et le bien-être de la population. Pour cette raison, nous pensons qu'il faudrait éliminer progressivement les centrales nucléaires et que cet effort devrait être entamé délibérément, et ce dès maintenant.
En 1977, quand j'ai visité la centrale de Bruce, j'ai planté la première bannière de Green Peace, sur laquelle on pouvait lire : « L'énergie nucléaire : dangereuse, inutile et coûteuse ». C'était vrai à cette époque et ce l'est encore aujourd'hui. On peut voir les problèmes de sécurité qui se posent au Japon actuellement.
Toutefois, cette énergie est également inutile. J'ai grandi dans l'ouest de Toronto, près de l'autoroute 427. La façon la plus rapide d'aller à l'école, c'était de courir pour traverser l'autoroute. Si on voulait s'y rendre plus lentement, il fallait contourner l'autoroute et traverser le pont. La question était de savoir si le risque que je courrais en traversant l'autoroute était nécessaire. Ma mère pensait que c'était un risque inutile — et je suis maintenant d'accord avec elle. Ce que nous devons décider maintenant, c'est si l'énergie nucléaire est un risque que nous devons courir.
C'est principalement de ce risque dont je vais parler aujourd'hui. C'est pour cette raison que j'ai demandé à M. Torrie de m'accompagner, parce qu'il est l'expert quant à la façon dont nous pouvons réorganiser nos réseaux énergétiques afin de ne pas avoir à courir ce risque.
M. Torrie : Bonjour à tous. Si vous essayez de traverser l'autoroute 427 à l'heure de pointe aujourd'hui, vous pourriez probablement vous y arrêter pour faire un pique-nique.
Je tiens à remercier mes collègues de l'Association charbonnière canadienne, dont nous prenons la place à la table des témoins ce matin. Ce n'est pas votre faute, mais je comprends qu'ils ont dû s'ajuster au changement d'horaire qui nous permet de comparaître aujourd'hui.
Je ne vais pas lire de texte préparé. Nous avons déposé des documents, auxquels je vais me référer. Je vais être bref, tant pour la raison que j'ai mentionnée que pour laisser le plus de temps possible pour répondre aux questions et aux préoccupations qui vous sont venues à l'esprit durant vos délibérations et vos voyages.
Mes remarques porteront sur deux sujets. Le premier est celui du risque, plus particulièrement le risque posé par le nucléaire. Le deuxième est la question de la nécessité de l'énergie nucléaire et des solutions de rechange.
J'ai commencé à m'intéresser au risque posé par le nucléaire au début des années 1970, ce qui semble bien lointain maintenant. J'étais à cette époque un jeune étudiant en physique, et j'avais obtenu un emploi coopératif; à cette époque, les meilleurs emplois se trouvaient dans les sociétés d'hydroélectricité ou à Énergie atomique du Canada limitée, EACL, car le travail y était intéressant et le salaire était plus élevé qu'ailleurs.
J'ai été affecté deux fois chez EACL. La première fois, c'était pour faire de la recherche sur les fondements de la philosophie de la sécurité nucléaire au Canada, qui avaient été élaborés au début des années 1950. Encore aujourd'hui, ce sont les mêmes principes qui sous-tendent l'approche fondamentale des ingénieurs nucléaires de partout au monde dans le domaine de la gestion du risque dans l'exploitation des centrales nucléaires.
La deuxième fois, j'ai été chargé de mener des simulations en Fortran sur d'éventuelles fuites de réfrigérant à la centrale nucléaire de Bruce, qui en était à cette époque aux premières étapes de sa conception. Si je vous parle de cette expérience, c'est que j'ai certaines connaissances techniques des problèmes qui peuvent se poser dans le domaine de la sécurité des réacteurs nucléaires, surtout dans le cas des réacteurs CANDU, qui possèdent des caractéristiques particulières.
Cependant, je suis également un environnementaliste. Ce matin, plutôt que de vous parler de la polémique à l'égard des problèmes qui affligent l'industrie nucléaire — je suis convaincu que vous en avez déjà entendu parler —, je veux vous faire part de mes observations sur les raisons pour lesquelles le débat sur cette question est polarisé.
On s'entend à peu près tous sur les risques que pose l'énergie nucléaire. Tout le monde s'entend pour dire qu'une énorme radioactivité et une intensité énergétique élevée sont forcément risquées. Tout le monde convient que c'est très dangereux et qu'il faut gérer et contrôler ce risque.
Tout le monde s'entend également pour dire que cette technologie produit des déchets dont on ne sait pas encore comment se débarrasser et qui demeureront extrêmement dangereux pendant de nombreuses années après leur sortie du réacteur. On peut justement tirer des enseignements de l'arrêt des réacteurs de Fukushima en ce moment.
Tout le monde s'entend en outre pour dire que l'accroissement des niveaux de radioactivité dans notre environnement représente un nouveau risque pour la santé. Toutefois, nous le connaissons encore mal. Nous en savions très peu à ce sujet dans les années 1950, à l'époque où l'on a mis en place les premières mesures de sécurité pour les réacteurs nucléaires. On pouvait se baser sur les données tirées d'Hiroshima, mais je ne pense pas qu'on comprenait bien les effets à long terme de l'accroissement des radiations à bas niveau dans l'environnement. Ce champ d'études est encore en évolution.
Tout le monde convient également qu'il faut, à presque n'importe quel prix, éviter que même de petites quantités de matériaux fissiles soient retirées du cycle d'utilisation de combustibles nucléaires à des fins civiles, pour se retrouver entre les mains d'organisations terroristes ou d'États voyous — et certains diraient même d'États légitimes — qui pourraient s'en servir pour fabriquer des armes de destruction massive.
D'autres problèmes se posent, mais dès l'émergence d'un débat sur l'énergie nucléaire, quatre grands problèmes sont ressortis : la sûreté des réacteurs, les déchets radioactifs, la répercussion de la contamination radiologique sur la biosphère qui s'est produite au cours de notre génération et, enfin, la façon d'éviter que des matériaux soient utilisés pour la fabrication d'armes, et je dirais même d'armes dites « malpropres ».
La plupart des faits ne sont pas contestés. Cependant, là où les opinions divergent — et je l'ai fait remarquer pour la première fois il y a 35 ans, et je maintiens ma position en la fignolant —, c'est qu'on ne définit pas tous « les risques acceptables » de la même façon. Les opinions sont à ce point tranchées sur ce sujet que les groupes anti et pronucléaires ne peuvent même pas se sentir.
Je ne sais pas si on le fait toujours — l'industrie a beaucoup peaufiné ses relations publiques —, mais à ses débuts, et j'y étais, l'industrie nucléaire disait : « Quiconque pense que cette technologie n'est pas sûre est irrationnel, puisqu'elle l'est, bien évidemment. »
Le modèle de prédilection dans l'élaboration des mesures de sécurité pour les réacteurs nucléaires était le modèle de risque linéaire, ou le modèle de probabilité des conséquences. Voici à quoi il se résume : prenez une conséquence — par exemple, une fuite de radioactivité d'un réacteur nucléaire — et appelons-la X. Si on peut montrer que la probabilité que cette conséquence se produise est Y, alors le risque est égal à X multiplié par Y.
C'est ce modèle qu'on a intégré aux normes de conception technique pour les systèmes de secours, d'arrêt, de refroidissement d'urgence et de confinement, et dans la structure réglementaire de l'industrie nucléaire au Canada et dans le monde occidental : le risque est égal à la conséquence multipliée par la probabilité.
Le problème, lorsque la technologie en était à ses débuts, mis à part la possibilité que le modèle soit imparfait, c'était que l'on comprenait mal les conséquences. On ne pouvait se baser sur aucun accident dans les réacteurs, mis à part certains incidents survenus dans certains réacteurs de recherche. On avait très peu de renseignements sur les effets des radiations sur la santé.
Néanmoins, on s'est très vite attaché à limiter la probabilité de tels évènements, à tel point qu'on entend aujourd'hui des ingénieurs de la sûreté nucléaire affirmer le plus sérieusement du monde avoir réduit à moins d'un pour un million d'années-réacteurs, ou à moins d'un pour 100 000 années-réacteurs, le risque d'une libération non contenue de radioactivité d'un réacteur CANDU.
Sur quoi fondent-ils de telles affirmations? Ils se disent qu'ils ont des barres d'arrêt d'urgence et que leurs tests ont montré que le risque de défaillance du système lorsqu'il est sollicité n'est que de un pour 10 000 années-réacteurs. Ensuite, il y a le deuxième système d'arrêt urgence, et leurs tests réguliers montrent qu'il présente lui aussi un risque indépendant de défaillance de un pour 10 000 années-réacteurs. La probabilité de défaillance simultanée de ces deux mécanismes est de un pour 10 000 multiplié par un pour 10 000.
Ce calcul nous permet d'établir à un pour 100 millions la probabilité de défaillance simultanée de ces deux systèmes. Ajoutez à cela la probabilité d'une défaillance du système de refroidissement d'urgence et vous obtenez ces probabilités extraordinairement faibles d'une libération non contenue de substances radioactives. Voilà donc ce sur quoi on a concentré tous les efforts.
C'est pour cette raison qu'on a accordé très peu d'attention aux conséquences possibles dans ce modèle d'évaluation des risques. Peu importe l'énormité potentielle des conséquences, ce modèle permet toujours de rendre acceptable le risque pour la sécurité en réduisant suffisamment la probabilité.
Ce que nous ont appris les accidents du réacteur japonais, de Three Mile Island et de Tchernobyl, et de tous les autres accidents de réacteur, c'est que dans presque tous les cas, les systèmes ne sont pas vraiment indépendants. Ils sont tous situés au même endroit et installés sur le même réacteur. Or, il y a une limite fondamentale à l'indépendance que peuvent avoir deux choses situées l'une à côté de l'autre. Il y aura presque toujours des accidents d'origine commune ou des circonstances imprévues qui montrent que les systèmes qu'on croyait indépendants ne le sont pas vraiment.
La première question qu'il faut se poser pour évaluer notre situation en matière de sécurité nucléaire est la suivante : le modèle linéaire d'évaluation des risques que nous appliquons nous permet-il de calculer des probabilités crédibles assez basses pour neutraliser les énormes conséquences d'une libération non contrôlée de substances radioactives? On peut se demander s'il est possible d'évaluer de telles probabilités à l'aide de systèmes techniques.
Par surcroît, et c'est là que le débat se polarise — la crise environnementale a entraîné l'émergence d'une nouvelle approche, selon laquelle certaines conséquences sont tout simplement inacceptables. Aucun calcul des probabilités ne pourrait les rendre acceptables. Cette approche postule qu'on ne doit pas faire des gestes qui risquent le moindrement d'engendrer des conséquences d'une extraordinaire gravité. Nous ne devons pas créer la possibilité de conséquences susceptibles de miner de façon permanente la capacité de l'écosphère de soutenir la vie.
Mais ces questions ne sont jamais posées dans l'univers quotidien de la sûreté nucléaire, qui se contente de réduire les risques grâce à des systèmes techniques. Voilà pourquoi, lorsqu'il est question de sûreté des réacteurs, on ne s'interroge jamais sur la possibilité de créer d'aussi gros réacteurs.
Car après tout, si on limite la quantité de radioactivité au même endroit, on limite, par le fait même, l'ampleur des conséquences possibles d'une libération de substances radioactives. Les responsables de la sûreté nucléaire ne se demandent jamais s'il est avisé de placer plusieurs réacteurs au même endroit, malgré les économies d'échelle possibles, étant donné le risque d'accidents d'origine commune, comme ceux qui sont survenus au Japon. Tout comme le Canada, le Japon a l'habitude de placer plusieurs unités au même endroit, et nous voyons aujourd'hui ce que cela peut donner. Si un réacteur tombe en panne, on ne peut même pas dépêcher des équipes vers les autres à cause des dangers et des champs de radiation, et la gestion de la crise tourne autour du réacteur défaillant. Et peu après, les autres réacteurs tombent en panne.
Il y a des questions importantes par rapport aux conséquences que personne ne pose. Prenons l'exemple rechargement du réacteur en marche. On considère que c'est l'un des attributs du réacteur CANDU qui permet de justifier les coûts en capital élevés du système. L'idée, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'arrêter le réacteur pour le réapprovisionner en combustible, mais le problème, c'est que cette capacité crée une autre catégorie d'accidents potentiels qui résulteraient de problèmes entre l'interface de la calandre et l'appareil de chargement du combustible, sans parler des accidents potentiels causés par le partage de combustible, et je pense qu'il y a eu un incident de la sorte à Pickering. On passait sous silence le fait que la présence de grandes quantités d'eau lourde crée un danger de contamination au tritium très difficile à gérer, voire impossible en cas de fuites incontrôlées pour les ouvriers des centrales et le public en général. Peut-être qu'on devrait s'abstenir d'utiliser de l'eau lourde dans les réacteurs.
On ne se demande jamais si l'utilisation d'eau lourde, le recours au rechargement réacteur en marche et la forte densité de réacteurs dans une même centrale pour augmenter la production énergétique et profiter d'économies d'échelle se traduisent par une prise de risques trop importants, risques qu'on n'est vraiment pas prêt à assumer.
Pour conclure un autre message bref sur la sécurité nucléaire, je dirais que si on décide de procéder à une étude de la question, on ne devrait pas s'en tenir au secteur du nucléaire parce que les intervenants de l'industrie sont trop pris par le paradigme de la probabilité des conséquences pour comprendre qu'il est impératif qu'on s'attaque aux autres questions importantes de l'heure. En effet, les autorités au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario tentent de déterminer s'il faut oui ou non continuer à rénover les réacteurs, et les autorités de l'Ontario, sinon des deux autres provinces, doivent prendre des décisions quant à la construction de réacteurs. L'heure est venue également, 40 ans après la mise en service des premiers réacteurs, de nous demander si tout cela en vaut vraiment les risques. Mettons de côté pour le moment l'aspect technique. Concentrons-nous sur les conséquences et demandons-nous si nous craignons la possibilité, peu importe la probabilité, des conséquences là où ce n'est tout simplement pas acceptable.
Il y a bien longtemps que le secteur des assurances s'est posé la question. En effet, les compagnies d'assurances ont toujours refusé d'assurer ces risques, pour cette raison justement. Même si vous présentiez des tas de documents démontrant à quel point il est peu probable qu'il y ait une fuite non confinée de radioactivité, il vous serait tout simplement impossible d'obtenir une assurance. Un risque autre que le risque zéro est tout simplement trop élevé pour ces compagnies. Par conséquent, le secteur du nucléaire est protégé dans les divers pays concernés par des lois qui limitent sa responsabilité en cas de fuites non confinées. Parce qu'il est impossible d'obtenir une assurance contre ce risque. Cela n'a jamais été possible. Mais peut-être que ça l'aurait été si le secteur avait accordé un peu plus d'attention aux conséquences. Peut-être qu'il serait possible d'obtenir une assurance si les réacteurs étaient beaucoup plus petits et s'il était possible de démontrer de façon irréfutable que les conséquences sont extrêmement limitées.
Pour revenir au réacteur CANDU, il a, dans sa conception même, une boucle de rétroaction positive. Si on assiste à ce qui s'appelle l'expulsion du caloporteur, à savoir la création de petites bulles dans le circuit de refroidissement, la radioactivité augmente. C'est ce qui s'est produit à Tchernobyl. On devrait sans doute se demander s'il est judicieux de concevoir les réacteurs ainsi. Est-ce vraiment logique de concevoir des réacteurs qui ne s'arrêtent pas automatiquement, de par leur conception en cas de dysfonctionnement au niveau de la géométrie du cœur ou de sa capacité de refroidissement?
Permettez-moi de terminer cette partie sur le risque par cette conclusion. Vous feriez erreur de conclure que les détracteurs de l'énergie nucléaire, comme les membres du Sierra Club, qui trouvent que les risques sont inacceptables, irrationnels et mal informés. Au contraire, nous prenons une approche au risque qui est très moderne, rationnelle et bien documentée. Cette approche nous permet de conclure que si nous voulons préserver la biosphère, il nous faut éviter certains types de risques. Par exemple, la présence de grandes quantités de matières hautement radioactives à proximité de haute densité de vapeurs d'eau hautement pressurisées, ce n'est peut-être pas une très bonne idée. Bon, j'en ai suffisamment dit sur les risques nucléaires.
On a l'impression, de nos jours, que c'est devenu acceptable de jouer à la roulette russe, à partir du moment où l'arme a suffisamment de chambre de tir, mais on devrait peut-être se demander pourquoi on accepterait de jouer à ce jeu-là. Ce qui m'amène à la deuxième question que je voulais aborder et à laquelle j'ai consacré beaucoup de mon temps depuis les années 1970, à savoir comment une société qui se veut durable peut-elle subvenir à ses besoins énergétiques.
J'ai consacré les 30 dernières années à cette question. Relativement récemment, j'ai effectué une étude d'une certaine envergure juste avant la signature du Protocole de Kyoto. Il faut savoir que l'énergie durable ne se limite pas à la réduction des gaz à effet de serre; ce qu'il faut faire, c'est créer un système énergétique pérenne en ce qui a trait aux matières toxiques, les déchets et nos besoins énergétiques, et j'en passe. Vous trouverez les différents critères dans les documents que j'ai déposés.
Le rapport financé par la Fondation David Suzuki et terminé juste avant l'adoption du protocole de Kyoto avait pour objectif de décrire la marche à suivre pour que le Canada puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre, dans ce cas précis, de 50 p. 100 avant 2030. On m'a également demandé de préciser s'il était possible d'atteindre cet objectif sans renouveler notre engagement au secteur nucléaire, c'est donc une contrainte que je me suis imposée dans le cadre de mon étude. Il faut savoir que d'ici 2030, nous n'aurons plus d'énergie nucléaire à moins que les centrales existantes ne soient reconstruites et que d'autres centrales ne voient le jour, donc je me suis attelé à la tâche. De toute façon, l'aspect nucléaire n'avait pas énormément de poids. Nous nous sommes plutôt intéressés aux changements qu'il faudrait mettre en œuvre pour diminuer les émissions du secteur énergétique canadien.
Lorsque j'ai terminé mes travaux, le Club Sierra du Canada et d'autres groupes m'ont demandé de m'intéresser plus particulièrement au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l'Ontario afin de décrire de façon plus détaillée la transition proposée vers un avenir à faible émission, toujours sans énergie nucléaire. Le tout se retrouve dans ce petit rapport, qui date de quelque temps puisqu'il a été rédigé à l'époque du protocole de Kyoto que j'ai déposé. Lorsque M. Bennett m'a invité à comparaître aujourd'hui, j'ai dit : « Vous savez, personne ne s'est intéressé aux options non nucléaires. » Le rapport de transition, c'est la dernière chose que j'ai faite.
Je ne voudrais pas que vous pensiez qu'il s'agit là de la réponse définitive à la problématique de l'élimination de l'énergie nucléaire. Il s'agit plutôt d'un exemple qui démontre qu'il est possible de s'écarter du nucléaire comme source énergétique tout en révisant grandement nos émissions de gaz à effet de serre.
Permettez-moi de dire, d'autre part, que, comme vous je crois, je suis choqué de constater qu'il n'y a pas eu beaucoup d'études de ce genre. Et je ne parle pas des études effectuées par les antinucléaires. A-t-on un plan B? A-t-on une solution de rechange? Que ferons-nous en Ontario s'il nous est impossible d'assurer la pérennité du secteur nucléaire, en dépit de notre volonté? Malheureusement, on ne peut pas dire qu'il y a eu beaucoup d'études sérieuses bien financées et détaillées portant sur les solutions de rechange, pour qu'on ait ces informations à notre disposition, au besoin. Il faut en faire beaucoup plus, et le gouvernement doit faire sa part, à mon avis, tout au moins pour que nous ayons un plan B au cas où nous en aurions besoin un jour.
Nous avons besoin d'une stratégie qui nous permettrait de nous éloigner de l'énergie nucléaire. Il faudra qu'elle soit beaucoup plus détaillée que ce qui a été fait jusqu'à présent et bien plus exhaustive que les petites analyses à l'emporte- pièce, comme celles que j'ai déposées aujourd'hui.
Au sein de la collectivité des experts énergétiques, il y en a qui s'intéressent de près aux aspects économiques et techniques des sources énergétiques qu'on utiliserait si le nucléaire était complètement écarté, et la situation n'est pas si alarmante que cela. La même chose se fait en Europe et d'ailleurs dans tout le monde occidental.
Vous vous souviendrez peut-être de l'étude effectuée il y a quelques années par la table ronde nationale visant à démontrer comment nos émissions de gaz à effet de serre pouvaient diminuer petit à petit au cours des 50 prochaines années. C'est moi qui ai fait ce travail. Dans nos calculs, nous avons inclus le nucléaire. Et on n'y est pas allé avec le dos de la cuillère. On a vraiment pris le nombre maximal de réacteurs qui pouvaient être construits d'ici 2050. Je ne me souviens pas du nombre exact, mais nous avons utilisé un scénario d'expansion nucléaire d'envergure, mais, en dépit de tout cela, les résultats en matière de réduction de gaz à effet de serre n'étaient que très petits, relativement parlant. Parmi les plus petits, d'ailleurs. En effet, ce sont vraiment l'efficacité énergétique, les options d'électricité renouvelables, les combustibles liquides à base de biomasse et la cogénération électrique et gazière qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L'inconvénient du nucléaire a toujours été le fait qu'on ne peut que produire de l'électricité. Et l'électricité a un rôle limité, du moins pour l'heure, quant à l'utilisation qu'on en fait au Canada. Et de toute manière, l'électricité produite ici n'émet déjà que peu de carbone, même quand on ne prend pas en compte l'option nucléaire. Je suppose d'ailleurs que pour la plupart d'entre vous qui sont assis autour de cette table, il n'y a pas de centrale nucléaire dans votre province; on n'en ressent sans doute pas le besoin et peut-être que ce besoin ne se fera jamais ressentir. En fait, c'est une question qui ne touche que trois provinces. Le problème est plus marqué en Ontario, évidemment, et la transition s'y ferait plus lentement. Le Québec, pour sa part, pourrait décider de tourner le dos au nucléaire dès aujourd'hui et personne ne s'en rendrait compte. D'ailleurs, rares sont ceux qui savent qu'il existe des centrales au Québec. Pour le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, le défi serait plus important, mais cela ne veut pas dire que c'est impossible. En effet, plus nous nous intéressons aux options qui nous permettraient de réduire nos émissions de gaz à effet de serre à long terme, plus nous nous rendons compte qu'elles nous permettraient de répondre à nos besoins énergétiques tout en respectant la planète et tout en favorisant une économie durable. L'offre et la demande en matière énergétique répondraient davantage aux besoins humains, ce qui n'a jamais été le cas pour le nucléaire, en raison sans doute de la nature de son mode de production.
En guise de conclusion, j'aimerais dire deux choses. D'abord, nous nous devons d'étudier à fond la question de la sécurité nucléaire. Ce questionnement ne se résume pas simplement à une divergence d'opinions entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, les bons et les méchants. Il devrait prendre en compte le virage auquel nous assistons dans le monde relativement à notre tolérance aux risques en sachant que ceux qui estiment que les risques nucléaires ne sont pas acceptables ont des raisons légitimes raisonnables et bien fondées de le croire. Je ne demande pas à ce que tout le monde soit avec eux, mais plutôt qu'on reconnaisse qu'il s'agit d'une prise de position logique.
Deuxièmement, de plus en plus de recherches et de rapports tendent à démontrer qu'un avenir énergétique caractérisé par une production et une consommation d'hydrocarbures beaucoup moins importantes qu'à l'heure actuelle et par l'absence du nucléaire est envisageable. La problématique énergétique ne sera pas facile à résoudre, même si on opte pour l'option que je viens de décrire, mais je pense que cette option, il faut certainement la prendre en compte, notamment parce qu'on y accorde de plus en plus de crédibilité, surtout dans le sillage des catastrophes qui se sont abattues sur le Japon au cours des dernières semaines.
Je conclurai en disant qu'au Sierra Club du Canada, nous sommes de tout cœur avec les Japonais. On a l'impression que leur sort, c'est de fournir des données épidémiologiques sur les effets de la contamination radiologique sur la santé. Nous avons tous des amis et des collègues au Japon, et cela nous blesse profondément de voir ce qui s'y passe et ce qui va s'y passer, malheureusement, pendant quelque temps encore. Et tout cela à cause d'une philosophie de conception inappropriée et malavisée qui jauge de façon inadéquate l'ampleur des risques.
Le président : Monsieur Torrie, merci beaucoup de vos commentaires qui ont trait à l'étude que nous tentons de mener. Votre exposé était équilibré, logique et raisonné. Je me demande bien quelle serait la réaction en France si vous prononciez le même discours à Paris.
Chers collègues, il ne nous reste que 21 minutes pour les questions et il y a sept sénateurs qui désirent intervenir. On va s'en tenir à une question chacun.
Le sénateur Mitchell : J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais étant donné ce que vient de dire le président, je vais faire le tri.
Monsieur Torrie, j'aimerais clarifier quelque chose. J'ai cru vous entendre dire — mais j'ai du mal à croire que c'est vraiment ce que vous vouliez exprimer, et c'est pour cette raison que je vous demande de clarifier la situation — que si les réacteurs étaient plus petits qu'à l'heure actuelle et davantage dispersés, c'est-à-dire que la densité était moindre, et qu'ils relevaient du gouvernement plutôt que du secteur privé — au Japon, il y a des doutes qui ont été exprimés quant à la rigueur de la société privée qui exploite les réacteurs en question —, si nous effectuions tous ces changements et avions à notre disposition la meilleure technologie, nous pourrions continuer à exploiter des centrales tout en limitant les risques globaux. Est-ce ce que vous vouliez dire? Ou dites-vous plutôt qu'il faut carrément se débarrasser des centrales complètement?
M. Torrie : Je ne sais pas dans quelle mesure ce que je pense à ce sujet est pertinent. M. Bennett est sans doute mieux placé que moi pour vous parler de la perspective du Sierra Club du Canada.
Comme vous le savez sans doute, l'idée de construire des réacteurs nucléaires de petite taille, c'est l'idée chaude du moment, sans vouloir faire de jeux de mots inopportuns. Mais tout est relatif, évidemment. Ceux dont il est question généreraient de 40 à 50 mégawatts, ce qui est énorme relativement aux besoins énergétiques qui sont les nôtres. Beaucoup de chaleur résiduelle serait générée et ces réacteurs seraient toujours trop grands pour servir de site de cogénération efficace. D'autre part, la forte concentration de radioactivité pourrait avoir de graves conséquences en cas d'incidents.
Il semblerait que le pire des accidents dans un réacteur nucléaire de très petite taille, comme celui de Chalk River par exemple, serait beaucoup moins grave que ce qui pourrait se passer dans un réacteur de dizaines de mégawatts ou encore de centaines. Mais mes informations et mon analyse datent un peu. Je suppose que les aspects économiques se compliquent de beaucoup et il faut savoir que la sécurité nucléaire n'est pas le seul facteur qu'on prend en compte quand on évalue le risque nucléaire. En effet, il faut traiter des déchets radioactifs. Il est même possible que le problème de sécurité s'aggrave suite à la prolifération de petits sites, et de toute manière, le problème de l'augmentation des faibles niveaux de radioactivité perdurerait.
Le sénateur Mitchell : Moi, ce qui me frustre, c'est que je suis très préoccupé par les changements climatiques et qu'aucune des solutions proposées n'est parfaite. La question, donc, c'est de déterminer s'il existe une solution pratique qui peut être mise en œuvre assez rapidement pour contrer les effets des changements climatiques. Le problème des émissions de gaz à effet de serre ne date pas d'hier, et l'heure est venue de trouver une solution pratique qui sera acceptable aux yeux de la population. D'ailleurs, il est possible que la population décide de rejeter le nucléaire entièrement, et dans cette mesure, on a réglé une partie du problème. Mais nous devons évaluer les risques des changements climatiques par rapport aux autres risques parce que les effets des changements du climat se font ressentir un peu partout. Les effets se font ressentir partout dans le monde et touchent toutes les populations. Comment faut-il faire pour trouver une solution ensemble?
M. Torrie : Les partisans du nucléaire comme solution partielle aux problèmes de changements climatiques sont passionnés, certes, mais quand nous analysons de près la situation, nous nous rendons compte que le nucléaire ne nous permettra pas d'atteindre notre objectif parce qu'il ne nous permet que de faire une chose. Je vous l'apprends peut-être, mais notre problème dans ce pays, c'est qu'environ 60 p. 100 de l'énergie est utilisée à des fins de chauffage et de ces 60 p. 100, 50 p. 100 sont utilisés pour répondre aux besoins de chauffage à basse température, pour chauffer à température ambiante des immeubles comme celui-ci, par exemple. Vingt-cinq pour cent de l'énergie est utilisée sous forme de carburant liquide pour les transports.
La consommation électrique, c'est-à-dire l'énergie qu'on utilise pour alimenter les lumières, les petits moteurs, les électroménagers, les appareils de télécommunication et les appareils électroniques, ne représente que 13 p. 100 de la consommation totale. Dans notre pays, l'hydroélectricité nous permet de répondre à cette demande. L'énergie nucléaire a sa part de ces 13 p. 100 et aimerait avoir sa part des 87 p. 100 restants mais le problème, c'est que le rôle de l'électricité dans l'avenir est toujours incertain. Pour être en mesure de dire si oui ou non le nucléaire aura sa place dans l'avenir, il faut savoir quel rôle jouera l'électricité dans le secteur énergétique. À mon avis, le nucléaire ne permet pas de répondre adéquatement aux besoins des utilisateurs et les coûts sont tellement astronomiques que le résultat, et on le sait très bien, c'est que le secteur attire du capital, des experts, des innovateurs, l'attention des décideurs et des subventions du gouvernement. EACL a reçu plus d'argent en un an que les sommes proposées dans le budget d'hier visant les rénovations domiciliaires dont le but serait de rendre plus écoénergétiques les habitations. Le secteur est comme une grande éponge. Et dans quelle mesure est-ce qu'on en profite? De l'énergie qui ne comble qu'une toute petite partie de nos besoins.
Le sénateur Neufeld : Merci de vos remarques. Je viens de la Colombie-Britannique, et dans cette province, j'ai proposé un plan énergétique qui dit non aux centrales nucléaires. Nous pouvons nous permettre de le faire, parce que nous avons à notre disposition d'autres options. Ce n'est pas le cas de tout le monde.
J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je veux m'en tenir à la remarque que j'ai trouvée la plus intéressante, à savoir quand vous avez parlé de l'exploitation du gaz naturel. Que pense le Sierra Club du Canada du fait que quand on tente d'exploiter le gaz naturel, le mouvement pro-environnement signifie son désaccord. On en a entendu parler ici dans le cadre de témoignages. Je ne dis pas que c'est vous qui l'avez dit, même si c'est peut-être le cas, ou peut-être que c'était par l'entremise de votre association.
Qu'en est-il du Japon? Le Japon ne peut pas se permettre de tourner le dos au nucléaire tout simplement parce qu'il n'y a pas suffisamment de place pour installer les panneaux solaires et les éoliennes nécessaires pour répondre aux besoins de la population. S'il n'y avait plus de centrale, d'où viendrait l'électricité? Dans certains pays, cette source d'énergie est inaccessible et dans d'autres, on construit des centrales à l'heure actuelle. Je suis d'accord avec le président. Dans quelle mesure est-ce que vos propos seraient bien accueillis en France, où 98 p. 100 de l'électricité est produite par des centrales nucléaires, si vous disiez aux autorités de ce pays qu'il faut se débarrasser du nucléaire pour adopter autre chose? Je ne dis pas que je ne prends pas au sérieux vos propos, au contraire, mais en même temps, il faut bien faire face à la réalité. Il y a des centrales qui se font construire en Russie, tout le monde en parle; c'est une façon de diminuer la dépendance au charbon, et la Chine devrait sans doute suivre cet exemple. Dans tous les domaines, il y a toujours des avantages et des inconvénients. Il n'y a pas une bonne réponse. Je pense qu'il faudra qu'on ait différentes sources énergétiques, mais on ne peut pas se permettre de tout simplement tourner le dos à une forme d'énergie qui existe depuis longtemps, après tout.
Le président : Quelle est votre question?
Le sénateur Neufeld : J'en avais deux, une sur le gaz naturel et l'autre sur ce que ferait le Japon.
M. Torrie : Si je me suis rendu au Japon ces dernières années, c'est notamment parce que le gouvernement japonais, de concert avec le Royaume-Uni, a commandité un réseau international de gens qui se penchent précisément sur votre question. Les Japonais ont fait de la recherche là-dessus, et je serais ravi de vous faire parvenir ces travaux plutôt que d'entrer dans les détails ici. Je pense que la France s'est également penchée sur le sujet. Dans la mesure où le comité s'intéresse aux options énergétiques dans ces autres pays, je pourrais vous montrer ce que les gens là-bas en pensent. Au cours de ma carrière, je me suis concentré sur le Canada, mais je suis au courant de ce qui se passe dans d'autres pays.
Si vous sous-entendez qu'en l'espace d'une génération, l'espèce humaine est devenue irrévocablement dépendante d'une source d'énergie dont nous ne disposions pas il y a 35 ans, c'est plutôt étonnant. Cela me semble peu probable.
En ce qui concerne le gaz naturel, je ne sais pas si M. Bennett souhaite vous donner le point de vue de Sierra Club Canada.
M. Bennett : Nous considérons le gaz naturel comme un carburant de transition. Nous avons des réticences à l'égard du méthane de houille et de la fracturation, parce que la façon d'obtenir le gaz naturel est ici bien différente et beaucoup plus nuisible pour l'environnement, et parce qu'on est allé de l'avant sans effectuer d'évaluation environnementale complète et sans comprendre l'ensemble des répercussions. C'est pourquoi vous constatez des problèmes dans le Nord de la Colombie-Britannique; on impose soudainement une toute nouvelle technologie à une collectivité sans avoir effectué les évaluations environnementales qui s'imposent pour déterminer si cette pratique est véritablement durable.
En ce qui concerne l'utilisation du gaz naturel, sachez que cet édifice est chauffé au gaz naturel, mais que sa combustion pourrait également produire de l'électricité pour l'éclairage, or on ne le fait pas. Par conséquent, on utilise le gaz naturel d'une façon très inefficace. Nous devrions veiller à ce que la combustion du gaz naturel produise également de l'électricité comme produit dérivé, afin de faire durer les réserves de cette ressource pendant encore de nombreuses années. La priorité absolue, c'est de cesser le gaspillage.
En France, on fait exactement ce qu'on a fait au Canada, c'est-à-dire mener une étude pour déterminer comment procéder. La France s'en sortait très bien sans énergie nucléaire. Elle s'en sortira encore très bien à l'avenir, mais elle ne pourra pas s'arrêter dès demain. Il y a différentes façons de trouver une solution au problème.
Le sénateur Neufeld : Je me dois d'intervenir. Vous dites que la fracturation est une nouvelle technologie, mais elle est pratiquée depuis 60 ans, et même plus, à ma connaissance. J'ai travaillé dans l'industrie. Lorsque j'étais enfant, je transportais du sable de fracturation. Il ne s'agit pas d'une nouvelle technologie; elle existe depuis longtemps. C'est une façon contournée pour votre organisation de dire qu'on ne devrait peut-être pas se fier au gaz naturel. Je veux que ce soit clair : vous avez dit que la fracturation était une nouvelle technologie, mais je suis totalement en désaccord avec vous.
M. Bennett : C'est la façon de l'utiliser aujourd'hui qui est relativement nouvelle. Le fait qu'on ait permis d'aller de l'avant sans évaluation adéquate ni participation suffisante de la collectivité dans le Nord de la Colombie-Britannique a causé directement ces conséquences.
Le sénateur Neufeld : J'habite cette région.
M. Bennett : Je sais. Je sais également que de nombreuses autres personnes y vivent. Ce n'est pas le seul endroit où l'on a recours à cette technologie. On a proposé cette option au Québec et partout aux États-Unis, et dans tous les cas, on remet cette option en question.
Nous maintenons notre position de toujours : effectuons une évaluation environnementale afin d'étudier toutes les options. Cependant, on a sauté cette étape en Colombie-Britannique; on n'a pas tenu d'étude de ce genre. Reparlons-en quand l'évaluation aura été faite. D'ici là, vous ne pouvez pas dire qu'il ne s'agit pas d'une toute nouvelle technologie qui n'aura aucune conséquence néfaste pour l'environnement parce que vous ne vous êtes pas donné la peine de faire le travail.
Le sénateur Neufeld : Tout ce qu'on fait a des répercussions sur l'environnement. En venant ici par avion, en voiture ou à pied, vous avez eu un effet sur l'environnement.
M. Bennett : J'ai pris l'autobus ce matin.
Le président : Pas de gêne, pas d'embarras, le transport en commun vous y mènera.
Le sénateur Banks : Monsieur Torrie, vous n'avez pas encore fait de moi un écologiste, mais vous avez changé ma vision des choses, et je vous en remercie.
En ce qui concerne la notion de risque acceptable, le comité s'est déjà penché sur la question. Lorsque nous nous sommes rendus à Paris, et que nous avons discuté, notamment avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, un détracteur nous a dit que ces niveaux de risque d'exposition pour les gens qui vivent près des centrales nucléaires ou qui y travaillent sont établis par une organisation quelconque qui en décide arbitrairement. La personne en question, dont je ne me souviens plus du nom — il s'agissait d'un médecin qui a comparu devant nous —, nous a dit que ces niveaux n'étaient pas appropriés, qu'ils étaient arbitraires et inadéquats. C'est ce qu'elle a soutenu.
La même chose s'applique-t-elle au facteur de sécurité d'une centrale nucléaire? Pourriez-vous nous le dire, précisément? J'ai reçu une communication la nuit dernière d'un homme qui affirme avoir conçu le système de sûreté de la centrale d'Arlington, entre autres. Il prétend que le facteur de sécurité de cette installation est de niveau 1. Il m'a expliqué que les facteurs de sécurité entraient dans trois catégories, et il m'a présenté les arguments justifiant l'attribution d'un niveau 1 dans ce cas-là.
Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer brièvement ces niveaux, puisque cela pourrait nous être utile dans nos délibérations?
M. Torrie : Je pense que vous faites référence à la défense en profondeur. Ces niveaux de sécurité sont établis en fonction du contexte réglementaire et de la conception des réacteurs canadiens. C'est à négocier avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN. Si vous désirez obtenir une description de ces niveaux, je vous suggérerais de vous adresser à la commission, puisque je crains de les massacrer.
Je peux vous assurer que l'établissement de ces niveaux est toujours une priorité pour l'industrie nucléaire, ici comme à l'étranger. On s'emploie à concevoir des systèmes indépendants dont on peut démontrer les probabilités de défaillance. Par conséquent, il est possible que les probabilités de défaillance simultanée soient suffisamment faibles pour que, lorsqu'on les multiplie par les conséquences possibles, on obtienne un risque acceptable.
Ce concept remonte aux travaux d'Ernest Siddall, à Chalk River, dans les années 1950, et de ceux d'autres chercheurs du Royaume-Uni et des États-Unis menés à la même époque, parce qu'ils faisaient face à un problème. D'autres industries, notamment celle du charbon, se sont basées sur les premières expériences, qu'on a d'ailleurs utilisées comme point de référence à l'époque. En effet, on a étudié ce qu'on croyait être le taux de décès causé par le cycle du charbon utilisé comme combustible dans les années 1950, et on s'est dit : « Nous devons être 100 fois meilleurs, parce que notre technologie est nouvelle et que nous ne savons pas de quoi aurait l'air un accident. » C'est ainsi qu'on a établi les cibles. Peut-être était-ce 1 000 fois meilleurs, mais, enfin, on a parlé de « taux moyen de mortalité ». Jamais on ne fonctionnerait ainsi aujourd'hui, mais dans les premiers travaux publiés, on parlait de conséquences, de décès, de probabilités, d'évolution du nombre d'incidents par année au fil du temps, de probabilités de un sur un million ou de un sur 10 millions, qui donnaient le nombre moyen de décès par année. C'est le genre de raisonnement linéaire qui permettrait de justifier une Troisième Guerre mondiale, en tant qu'il n'y en ait pas une quatrième.
Le sénateur Banks : Ces niveaux ne s'utilisent-ils qu'au Canada, ou existe-t-il une mesure universelle?
M. Torrie : C'est un système purement canadien. Je pense que l'ancien directeur de la CCSN s'est employé à faire passer à l'échelle mondiale cette approche en matière de réglementation de l'énergie nucléaire, pour des raisons évidentes. Cependant, jusqu'à maintenant, les réacteurs nucléaires étaient tous conçus avec le même programme, en quelque sorte, c'est-à-dire la même approche réglementaire. Si vous achetiez un réacteur CANDU, que vous soyez en Inde, au Pakistan ou ailleurs, vous adoptiez l'approche canadienne en matière de licence et de réglementation, puisqu'il y a des différences.
Les Américains, de façon générale, donnent des spécifications beaucoup plus détaillées des différentes composantes et de leur rendement. L'approche britannique, sur laquelle s'aligne davantage celle du Canada, consiste à prendre un peu de recul et à fournir une liste plus restreinte d'exigences réglementaires que les concepteurs doivent respecter, preuves à l'appui, plutôt que de fournir les spécifications pour chaque rondelle, écrou et boulon, si on exagère un peu.
Le président : Je pense que M. Torrie a proposé de nous fournir davantage de renseignements généraux sur la façon d'établir ces niveaux de sécurité. Si cette offre tient toujours, nous serions ravis que vous transmettiez ces documents à la greffière. Je vois que le temps presse, et je dois dire que, si vous y êtes disposé, nous aimerions vous inviter à nouveau devant le comité à une date ultérieure.
Nous en sommes à trois intervenants, et il reste six minutes.
Le sénateur Lang : J'aimerais formuler une observation sur ce que je lis ici. Vous semblez dire que, surtout en Ontario, la demande en électricité stagne et pourra même diminuer, si on accroît l'efficacité énergétique et qu'on adopte diverses autres mesures. J'imagine que ce pourrait également être valide pour l'ensemble du Canada.
J'aurais une question à cet égard. Comment pouvez-vous soutenir cette hypothèse, lorsqu'on sait, preuves démographiques à l'appui, que la population planétaire passera de sept à neuf milliards d'habitants en 30 ou 40 ans? La demande en énergie, peu importe sa source, croîtra d'autant. Monsieur Bennett, comment pouvez-vous le justifier?
Ensuite, monsieur Torrie, je vous remercie de vos observations. Ce qui m'inquiète, c'est que nous avons 50 ou 60 ans d'expérience dans le domaine nucléaire. Nous avons donc 50 ans de déchets nucléaires à entreposer à moins de 40 milles de Toronto, dans ce qui semble être des contenants en plastique, bien que ce ne soit pas le cas.
Monsieur Bennett, étant donné ces faits, votre organisation appuie-t-elle l'entreposage souterrain des déchets nucléaires? Appuieriez-vous le gouvernement dans ses démarches pour trouver un endroit désigné et utilisé à cette fin, afin de relever les vrais défis qui se posent à nous, plutôt que d'entendre toutes sortes d'organisations répéter : « Pas dans ma cour »?
M. Bennett : Puisque nous sommes une organisation nationale, nous n'avons pas de cour.
Le sénateur Lang : Tout le monde en a une.
M. Bennett : Le premier problème à régler, c'est la production continue des déchets. Commençons par cesser d'en produire, puis nous pourrons voir comment nous en débarrasser. On ne pourra pas régler le problème tant qu'on continuera à créer davantage de déchets.
Le sénateur Lang : Permettez-moi de vous interrompre, mais je crois que vous éludez la question.
M. Bennett : Absolument pas.
Le sénateur Lang : Tout à fait. J'ai une question pour vous. Cinquante ans de déchets nucléaires sont entreposés à moins de 40 milles de Toronto. Nous l'avons tous constaté, puisqu'on en a eu une visite guidée.
Pour faire face à la situation, votre organisation est-elle prête à appuyer les gouvernements pour créer des installations d'entreposage souterraines afin de réduire les répercussions du stockage de ces déchets?
M. Bennett : Je serai clair, encore une fois. La première étape consiste à cesser d'en produire. Ensuite, sachez que nous participerons aux audiences à venir pour discuter de ce dépôt. Nous ne pourrons pas nous prononcer sur l'endroit précis tant que nous ne saurons pas quel site sera choisi. Nous devrons alors étudier la géologie du terrain et la question du transport.
Si vous me demandez si en ce moment nous appuyons l'idée d'un dépôt souterrain, la réponse est non. Nous sommes prêts à nous laisser convaincre qu'il existe un endroit parfait, mais le problème, c'est qu'aucun trou ne sera suffisamment grand, si on continue à produire d'autres déchets.
C'est donc par là qu'il faut commencer. C'est ce que nous devrions faire. Pour revenir rapidement sur les propos du sénateur Banks à l'égard de la réglementation, sachez que l'on prévoit au Canada des rejets de tritium beaucoup plus élevés qu'en Europe et en Californie. C'est tout simplement parce que la technologie CANDU produit plus de tritium que les autres concepts. Par conséquent, la norme, prétendument en matière de santé, est basée sur ce que le réacteur peut atteindre, et non pas sur ce que la population peut absorber.
Lorsque nous avons soulevé ce point, la Commission canadienne de sûreté nucléaire nous a dit, moins d'une demi- heure après la publication de notre rapport, que c'était de la science de pacotille. Le système est très partial et tend à stigmatiser les gens comme moi en les qualifiant de déraisonnables, alors que c'est tout le contraire. Je pense que ce sont ceux qui mènent des expériences nucléaires sur nous sans notre permission qui sont les grands inconscients de cette société.
Le sénateur Seidman : J'aimerais revenir encore une fois sur la question des risques acceptables. M. Torrie a dit qu'il existe un certain type de risques que nous ne devrions pas prendre. C'est une déclaration sans appel. Certes, des problèmes, des risques et des conséquences semblables sont associés au pétrole et au gaz naturel, comme on l'a constaté dans le golfe, et comme on en entend parler au sujet de la fracturation aux fins d'exploration du gaz de schiste. De nombreux environnementalistes disent que ces risques n'en valent pas la peine.
Ainsi, il faudrait éliminer progressivement le recours à l'énergie nucléaire, comme vous le proposez, mais également au pétrole et au gaz naturel. Or, il faut tenir compte de l'analyse des risques et des avantages, pas seulement des conséquences. Qu'en pensez-vous?
M. Torrie : C'est une question extrêmement importante. Je me contenterai de signaler que la recherche sur les sources d'énergie à faible émission ne prévoit pas en général l'élimination graduelle des combustibles fossiles, mais plutôt la réduction de leur utilisation à un niveau qui soit absorbable par les écosystèmes dans lesquels le CO2 est relâché, c'est-à- dire à des niveaux beaucoup plus faibles qu'actuellement, mais tout de même pas nuls.
Le sénateur Seidman : Je ne pense pas que vous ayez répondu à la question.
M. Torrie : Votre question laisse entendre qu'il faudrait cesser d'utiliser les combustibles fossiles. Certains seraient certes de cet avis, mais la recherche sur les faibles émissions ne part pas de ce principe, mais plutôt de celui selon lequel il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre à un certain niveau — qui n'est pas nul — que la biosphère et toute la biomasse soient capables d'absorber de façon durable. Cela ne veut pas dire qu'on doit cesser d'utiliser les combustibles fossiles, mais plutôt qu'il faut, selon la quantité de CO2 qu'on réussit à capter et à stocker, réduire leur utilisation à un niveau viable.
Le sénateur Seidman : Ce que je disais, c'est que si on appliquait vos arguments visant l'élimination de l'énergie nucléaire au pétrole et au gaz naturel, il faudrait cesser d'utiliser ces deux sources d'énergie également.
M. Torrie : Toutes ces études sur les faibles émissions se concentrent sur les compromis entre les coûts et les avantages. Ces derniers ne se résument pas à la production d'énergie en soi. En effet, quand on y pense, il n'y a aucune demande de combustible et d'électricité. Ce qu'on veut vraiment, le véritable avantage, ce sont des habitations chaudes et confortables, des bières froides, des douches chaudes, un emploi, une éducation et du magasinage. La méthodologie de recherche met donc l'accent sur les avantages. C'est le point de départ. On ne part pas du principe que la seule façon de combler ces besoins et ces désirs humains passe nécessairement par l'accroissement de la production énergétique. Peut-être que l'amélioration des édifices, des véhicules et de l'aménagement urbain, notamment, pourrait nous permettre d'obtenir les avantages que nous souhaitons, c'est-à-dire une bière froide, une douche chaude, une pièce confortable, et l'accès à l'éducation, à l'emploi et aux achats, en réduisant de beaucoup la contribution des produits énergétiques et en dépendant plus largement d'une conception intelligente, d'une bonne information et de l'efficacité énergétique.
L'idée maîtresse de cette nouvelle vision énergétique consiste à élargir le contexte dans lequel on considère les produits énergétiques.
Le sénateur Seidman : Je le comprends bien. Merci.
Le président : C'est une très bonne discussion. Je devrai terminer avec vous, sénateur Brown, et je sais que vous serez bref.
Le sénateur Brown : Dans les premières semaines qui ont suivi la catastrophe au Japon, on ne parlait que des défaillances de l'industrie nucléaire. Or, ce n'est pas de là que venaient les problèmes, mais bien du tsunami. Le Japon a subi le plus fort séisme enregistré depuis des années. Le mur d'eau qui s'est effondré sur les réacteurs était si gigantesque qu'il les a totalement engloutis. L'eau s'est engouffrée dans les générateurs qui auraient permis d'éteindre la réaction des barres de combustible et a complètement coupé le courant. Ainsi, l'hydrogène s'est accumulé sous les toits; or, on n'avait pas de ventilateurs pour s'en débarrasser. Cela ne faisait qu'empirer.
Je ne pense pas que cela veut dire que les ingénieurs ne peuvent pas trouver une façon de construire des réacteurs qui puissent supporter ce genre de choc. Des accidents d'avion et de voiture se produisent depuis des années, mais on améliore leur construction constamment, et de moins en moins de gens meurent dans ce genre d'accidents, qui se font d'ailleurs de moins en moins fréquents.
À la radio, j'ai entendu un expert qui travaille depuis 25 ans dans le domaine de l'énergie nucléaire dire que le problème du Japon, c'est qu'il ne pourra pas se détourner de l'énergie nucléaire, et pour la simple raison qu'un réacteur de 40 à 50 mégawatts, ce dont vous parliez, ne prend pas plus d'espace qu'un cube de 12 pieds d'arête. Je pense qu'on pourrait mettre deux réacteurs dans l'espace qu'occupe cette table. Il a dit qu'en faisant la conversion, cela donnait de 180 à 250 millions de chevaux-vapeur. Voilà la raison pour laquelle le Japon ne peut pas s'en départir.
Êtes-vous en train de nous dire que les ingénieurs ne peuvent pas construire d'installations nucléaires qui soient véritablement sûres?
M. Torrie : Il faudrait voir ce que vous entendez par « véritablement sûres ». Si on s'en tient au sens courant de cette expression, ma réponse est oui. Je pense que la plupart des ingénieurs nucléaires diraient également qu'il est impossible d'atteindre la sécurité absolue.
Le sénateur Brown : Ce monsieur n'est pas d'accord avec vous.
M. Torrie : S'il pense pouvoir garantir la sécurité, il mérite le prix Nobel.
M. Bennett : Bien des gens disaient également que l'automobile ne remplacerait pas les chevaux parce qu'il y en avait des millions et que toute une industrie et le système de transport dépendaient d'eux; et pourtant, ils ont été remplacés. On peut remplacer n'importe quelle source d'énergie de façon plus sûre. C'est ce qu'on souhaite que vous reteniez : il n'est pas nécessaire de prendre des risques indus. On n'a pas à dépenser des sommes astronomiques pour des choses dont on n'a pas besoin. On peut remplacer ces chevaux.
Le président : Monsieur Bennett et monsieur Torrie, vous nous avez transmis un message clair. Lorsque j'ai discuté brièvement avec M. Bennett mardi soir, alors que nous espérions pouvoir nous réunir, je lui ai demandé s'il avait été à Darlington, enchaîné aux bancs d'église, là où ils démarraient certaines audiences. Vous m'avez dit — et je fais une paraphrase — que vous ne faites plus ça. Ce que vous faites ce matin est beaucoup plus constructif. Nous comprenons le contexte dans lequel vous avez transmis votre message ce matin. Si je suis président lorsque nous reviendrons lors de la prochaine législature, j'aimerais beaucoup que vous reveniez et que vous nous permettiez d'explorer cette question avec vous. Dans le cadre de notre étude, je pense que vous avez très bien cerné et déterminé le genre de questions que nous devons poser et auxquelles nous espérons répondre dans notre rapport.
Nous vous sommes très reconnaissants. Merci beaucoup.
Je vais demander aux prochains témoins de se présenter.
Pendant que les témoins s'installent, je vous présenterai un document. J'espère que vous l'avez tous. Le titre pourrait certainement intéresser les témoins précédents. Toutes ces sources d'énergie feront partie du mélange ultime d'une façon ou d'une autre. Je pense que l'évaluation des risques fait partie intégrante de la façon dont nous allons procéder.
Le prochain panel comporte quatre témoins : un d'entre eux provient de l'Association charbonnière canadienne et trois de la Sherritt International Corporation. De Sherritt, nous recevons Mme Juanita Montalvo, directrice générale des affaires commerciales et durabilité; M. Amar Amarnath, conseiller principal; et M. Sean McCaughan — un superbe nom irlandais — directeur général, Division des charbonnages. De l'Association charbonnière canadienne, nous recevons M. Allen Wright, que certains d'entre nous connaissaient très bien je pense. Merci de nous donner un peu de votre temps pour nous permettre d'entendre le Sierra Club ce matin.
Je vais essayer de prendre un peu de temps supplémentaire vers la fin, si Mme Gordon me le permet. Vous étiez dans la salle lorsque je nous ai présentés plus tôt, je crois.
Allen Wright, président et premier dirigeant, Association charbonnière canadienne : Je connais beaucoup des sénateurs, également, d'une autre vie.
Le président : Monsieur Wright, vous êtes président et premier dirigeant de l'Association charbonnière canadienne. Je pense que vous avez présenté ce document.
M. Wright : Nous l'avons préparé en équipe. Je serai le premier à prendre la parole aujourd'hui. Je la céderai ensuite à Sean McCaughan, qui passera ensuite le micro à Amar Amarnath, notre expert technique. C'est une des raisons pour lesquelles il se joint à nous aujourd'hui.
J'apprécie cette occasion de comparaître devant le comité sénatorial. Cette question me tient à cœur depuis longtemps. Je participe également à l'Institut canadien de politique énergétique, EPIC, un groupe qui se penche également sur le volet énergétique. C'est un sujet qui me tient vraiment à cœur. Il est crucial pour le Canada, et je pense que nous devons nous y attarder. Il comporte des défis, en matière de compétences et qui ne sont pas les moindres lorsque les provinces sont propriétaires des ressources énergétiques. Cela représente tout de même un défi un peu plus grand.
Aujourd'hui, je vais commencer par parler de l'Association charbonnière canadienne et donner un bref aperçu de ce que nous faisons, puis je parlerai un peu de la réalité énergétique mondiale et canadienne, et du charbon dans le panier d'énergies. Je vais ensuite parler des défis à relever à l'aide de la technologie. L'exploitation de bon nombre des hydrocarbures aura pour conséquence l'utilisation de nouvelles technologies.
Vous avez devant vous une présentation, et je ferai référence aux numéros des diapositives pour vous aider à suivre.
L'Association charbonnière canadienne existe sous une forme ou une autre depuis 1906. Nous existons depuis très longtemps. Nous représentons des entreprises actives dans l'exploration, la mise en valeur, l'utilisation et le transport du charbon. Nos membres comprennent les entreprises de charbon, les chemins de fer et les ports utilisés dans le transport du charbon, les fournisseurs industriels de biens et de services et les municipalités qui s'intéressent à l'exploitation, au transport et à l'utilisation du charbon sous forme de source énergétique sécuritaire, durable, respectueuse de l'environnement et socialement responsable.
Il ya deux sortes de charbon. Le charbon métallurgique ou pour la fabrication de l'acier. Environ 70 p. 100 de l'acier primaire mondial est fabriqué en utilisant le charbon. Nous allons nous concentrer sur le charbon thermique ou énergétique, et c'est pour cette raison que des représentants de Sherritt International Corporation sont ici avec moi aujourd'hui. Il s'agit de loin du plus grand producteur de charbon thermique au Canada.
La diapo 3 montre la répartition géographique du charbon au Canada. Vous verrez que la plus grande proportion se trouve dans l'Ouest canadien, bien qu'une certaine partie est située dans les Maritimes : au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Quelques projets intéressants pourraient également avoir lieu là-bas.
Cette carte doit être mise à jour, car elle ne reflète pas réellement certains des gisements trouvés dans le Nord de la Saskatchewan et au Centre-Ouest du Manitoba. Il n'y a pas longtemps, une entreprise forait pour des diamants et a découvert un filon considérable de charbon. Plusieurs autres entreprises en ont trouvé encore plus. Il faudra se pencher sur cette région.
La diapo 4 indique que la production totale de charbon au Canada en 2010 était de 68 millions de tonnes, dont deux tiers étaient du charbon thermique et un tiers était du charbon métallurgique pour la fabrication de l'acier.
Le président : Est-ce que tout ce charbon est consommé au Canada, ou en exportons-nous?
M. Wright : Nous sommes un grand exportateur, bien que la plupart du charbon exporté soit du charbon métallurgique pour la fabrication d'acier. Nos marchés cibles sont le Japon, Taiwan et ainsi de suite. La majorité du charbon thermique est consommé au pays, en Alberta et en Saskatchewan pour la production d'électricité.
Comme je l'ai mentionné, 56 millions de tonnes sont utilisées au Canada, dont 11 ou 12 millions de tonnes sont importées. Le reste est produit au Canada. Nous fournissons environ 8 p. 100 de l'énergie primaire au Canada et environ 14 p. 100 de l'électricité au Canada. Il est important de souligner que nous sommes un contributeur majeur à l'économie canadienne. L'année dernière, notre industrie a généré des retombées économiques de 5,5 milliards de dollars.
La diapo 5 vous donne une idée de la production d'électricité au Canada. Il s'agit d'une source énergétique régionale. Comme vous le savez, le Québec produit principalement de l'hydroélectricité, comme le Manitoba et la Colombie- Britannique. Le charbon est une source énergétique majeure en Alberta, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse.
Cela vous donne une idée des pourcentages pour ce qui est de la production. Cela vous donne également une idée de l'emplacement des usines.
Le président : Le Québec n'en produit pas du tout?
M. Wright : Le seul charbon dont se sert le Québec est pour la production de ciment.
Le président : C'est pour les chaussures dont ils ont besoin dans les tribunaux québécois.
M. Wright : Il est important de souligner que les provinces utilisent les sources énergétiques qui leur procurent un avantage concurrentiel.
Je vais maintenant parler de la réalité énergétique mondiale. En ce moment, le charbon fournit environ 29 p. 100 de l'énergie primaire mondiale et 40 p. 100 de la production d'électricité. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime qu'en 2035, les hydrocarbures représenteront encore 80 p. 100 de l'énergie totale. Elle prévoit également que le charbon représentera 43 p. 100 de l'énergie dans un marché de l'électricité en expansion considérable.
Il y a une situation qu'il est important de considérer et de placer dans un contexte. Je veux parler des États-Unis. Pour bien des gens, la Chine et l'Inde n'ont pas la même pertinence. Le fait est que nous sommes intimement liés aux États-Unis. Les États-Unis prévoient que le charbon représentera encore 44 p. 100 de l'énergie produite en 2035. Ce pourcentage baissera un tout petit peu, mais fera partie d'un plus grand secteur. Il est important de se rendre compte que le charbon continuera d'être utilisé.
La diapo 7 vous donne une idée de la répartition mondiale du charbon. Il est important de bien examiner cette diapo. Les réserves mondiales sont plus élevées et plus réparties que celles du pétrole et du gaz. L'autre avantage du charbon est qu'il ne donne habituellement pas lieu à des conflits géopolitiques. C'est important. Beaucoup d'autres carburants fossiles et d'autres sources font l'objet de conflits géopolitiques. Nous avons parlé du nucléaire aujourd'hui, qui est clairement une autre préoccupation.
Il convient également de noter que le charbon est une ressource stratégique, pas seulement en Inde et en Chine, mais aussi et surtout aux États-Unis. Les États-Unis sont l'Arabie saoudite du charbon. Ils étudient de nombreuses façons de l'exploiter, que ce soit pour la production d'électricité ou la conversion de charbon en liquides. Une entreprise canadienne a tenté de mettre sur pied une exploitation au Canada. Comme vous le savez, nul n'est prophète dans son pays. Cette entreprise est maintenant au Texas et est dotée d'une nouvelle technologie de conversion du charbon en liquides qui transformera le charbon en pétrole brut synthétique qui peut être raffiné.
Le président : Quel est le nom de cette entreprise?
M. Wright : Quantex Energy. Son centre d'opération est à Calgary, mais elle construit son usine au Texas, ce qui est regrettable pour de nombreuses raisons.
Il faut également tenir compte, dans le cas des hydrocarbures, dont le charbon, du fait que beaucoup de discussions sont en cours à propos de l'utilisation d'énergies renouvelables. Nous appuyons fortement l'utilisation d'énergies renouvelables. Lorsque vous construisez une éolienne, il faut plus de 170 tonnes de charbon cokéfiable pour fabriquer l'acier de cette tour, donc nous participons également à ces projets.
Toutefois, selon les prévisions de l'AIE pour 2035, les énergies renouvelables hors hydroélectricité représenteront 7,3 p. 100. Nous devons faire preuve de réalisme pour ce qui est de la production de l'énergie dont nous avons besoin. Il ne s'agit pas de se demander si on utilisera du charbon à l'avenir, mais comment mieux l'utiliser.
J'aimerais donner la parole à mon collègue, M. McCaughan, qui nous amènera au sujet dont discutera M. Amarnath, soit la technologie et ce que nous en faisons.
Sean McCaughan, directeur général, Division des charbonnages, Sherritt International Corporation : Merci d'avoir invité l'industrie du charbon ce matin. M. Wright a bien décrit l'industrie canadienne du charbon et a bien démontré que le charbon est une source précieuse d'énergie au Canada. J'aimerais en dire plus sur certains de ces éléments à propos du charbon et de son rôle dans le panier d'énergies canadien.
À la diapo 8, je pense qu'un des éléments clés dont le comité sénatorial est au courant est que le Canada a des ressources abondantes de charbon. Cette diapo indique qu'il y a environ 200 milliards de tonnes de charbon au Canada.
Le président : Les deux types?
M. McCaughan : Oui, le charbon thermique et le charbon métallurgique. Si l'on place cette quantité dans un contexte d'années de production fondées sur le niveau actuel de production, il équivaut à des siècles et des siècles de ressources. Nous avons des ressources très abondantes de charbon au Canada.
Le gouvernement de l'Alberta entreprend actuellement de quantifier des gisements de charbon plus profonds. Il paraît que l'Alberta a des ressources allant jusqu'à 3 billions de tonnes de charbon profond. C'est une immense réserve et qui placerait davantage le Canada à égalité avec les États-Unis au plan des réserves de charbon.
Un autre élément clé pour ce qui est de l'abondance du charbon au Canada, c'est que si ce montant est traduit en quantité d'énergie, il y a plus d'énergie dans le charbon du Canada que l'ensemble des ressources en pétrole et en gaz. Je pense que c'est un atout précieux du Canada.
La diapo 9 signale une caractéristique principale du charbon thermique pour la production d'électricité. Nous avons tenté de démontrer que le charbon, par unité d'énergie, est de relativement faible coût comparativement aux autres sources de combustible possibles. Si vous comparez le charbon — les bâtons verts, bleus et violets de ce graphique — au gaz naturel et au pétrole, c'est un carburant à très faible coût pour la production d'électricité. Il s'agit d'une composante de la production d'électricité, et aide certainement à faire du charbon une source de production d'électricité de base à faible coût au Canada.
La diapo suivante cherche à démontrer le coût de l'électricité généré par le charbon. Il est important de remarquer que de nombreuses études aujourd'hui portent sur le coût de nouvelles centrales électriques. En voici une d'entre elles. Ce coût changera au fur et à mesure que l'industrie du charbon et l'industrie des services publics étudient les gaz à effet de serre et la façon dont on peut réduire et capturer ces émissions. Nous en toucherons quelques mots dans un instant, au sujet des technologies de charbon épuré.
Ce que nous voulons faire valoir aujourd'hui, c'est que si on produit de l'électricité aujourd'hui en utilisant les technologies actuelles, le charbon est une solution à faible coût qui offre de l'électricité à faible coût. En fait, les unités qui produisent de l'électricité alimentée au charbon aujourd'hui en Alberta, en Saskatchewan et ailleurs au Canada offrent de l'électricité à des taux plus bas que ceux indiqués dans le graphique.
À la diapo 11, il s'agit davantage de la stabilité des prix du charbon. Le charbon est une source prévisible de carburant en matière de coût. Son coût qui a été stable au fil du temps lui donne un avantage comparativement aux autres sources de combustibles fossiles. Au cours des dernières années, les coûts du gaz naturel et du pétrole ont été très volatiles. Il s'agit d'un élément important pour prédire les coûts de l'électricité afin que les consommateurs puissent prévoir ce que leur coûtera l'électricité qu'ils consomment. C'est important pour les services publics lors du financement et de la planification de nouvelles centrales.
Je passe maintenant à la diapo 12. J'ai fait le survol de certaines des caractéristiques principales du charbon et des raisons pour lesquelles il est une partie importante du panier d'énergies canadien. Pour la suite de l'exposé, nous voulons parler des mesures prises par l'industrie du charbon en ce qui concerne le charbon et ses émissions. Cela est directement lié à la façon dont le charbon est utilisé pour produire de l'électricité dans le secteur des services publics.
Le charbon produit des émissions, comme les autres combustibles fossiles. Nous avons fait des progrès considérables au cours des 30 à 40 dernières années pour réduire les émissions de l'électricité alimentée au charbon. La plupart des réductions ont été des SOx du NOx — la réduction de particules et de mercure. Les progrès se poursuivent.
Par exemple, le captage du mercure est maintenant exigé en Alberta. Les services publics utilisent une technologie de charbon activé qui capte 70 p. 100 et plus du niveau de mercure contenu dans les émissions de gaz de combustion. Cette technologie de captage du mercure sera mise en œuvre aux États-Unis au cours des prochaines années. Sherritt, dont parlera M. Amarnath plus tard, y participe grâce à une usine de charbon activé que nous avons construite.
Les gaz à effet de serre représentent le plus grand défi en matière d'émissions que l'industrie essaie de relever. Il est essentiel que l'industrie continue sa recherche et son développement afin de capter et de réduire les gaz à effet de serre. L'industrie du charbon investit dans ces technologies.
Au nom de Sherritt, étant donné que nous représentons la grande majorité de l'industrie du charbon thermique au Canada, nous avons investi dans la technologie de gazéification, la compréhension du captage et du stockage de carbone et dans d'autres technologies du charbon épuré depuis bon nombre d'années maintenant. Nous avons bâti une usine pilote en Alberta, qui est unique au Canada. M. Amarnath peut en dire plus là-dessus. Nous faisons partie de la Canadian Clean Power Coalition (CCPC). Nous nous sommes joints à quelques autres associations, avec le Lignite Energy Council du Dakota du Nord, et avons entrepris un bon nombre d'études avec certaines universités sur l'amélioration des technologies du charbon épuré.
Je vais demander à M. Amarnath de vous en dire plus sur les technologies du charbon épuré auxquelles participent Sherritt et l'industrie.
Le président : Ce qui nous amène à la page 13, c'est exact?
Amar Amarnath, conseiller principal, Sherrit International Corporation : C'est exact. Je vais surtout parler de ce à quoi fait face l'industrie du charbon au Canada — certains des problèmes auxquels fait face l'industrie au Canada.
Sherrit est une entreprise en hydrométallurgie de premier rang depuis le plus longtemps. Nous faisons partie de l'industrie du charbon seulement depuis 2001. La plupart d'entre nous ont été exposés au charbon il y a 10 ans. Lorsque nous avons intégré le charbon dans notre entreprise, nous devions comprendre de quoi il s'agissait. Je vous dirai franchement que je ne savais pas grand-chose à propos du charbon il y a 10 ans. Nous en savions beaucoup sur le minerai de nickel, de cuivre et de zinc, donc nous avons inventé une nouvelle expression dans notre entreprise : nous appelons le charbon « minerai de charbon ».
La raison pour laquelle nous avons créé cette expression, c'est que nous en sommes venus à la conclusion que le charbon en soi ne pose pas de problème, à part sa production de CO2. Toutefois, tous les autres éléments qui accompagnent le charbon, tels que les pyrites, le souffre, le sélénium et le mercure, posent problème.
Ce qui m'amène à la diapo qui montre ce qui se passe aujourd'hui. Aujourd'hui, nous avons une centrale située à l'entrée de la mine, ce qui signifie que nous exploitons le charbon et le brûlons directement dans la centrale électrique. Si vous comparez cela à toute autre industrie d'hydrocarbures, personne ne prend un baril de bitume ou un baril de pétrole brut ou de gaz naturel et le brûle directement. Ils doivent le raffiner et se débarrasser de tous les autres éléments. Dans le cas de l'industrie du charbon, puisque le charbon est considéré comme étant un combustible à faible coût, pendant longtemps les gens le brûlaient directement. Lorsque l'on fait ça, tout le souffre, le mercure et les cendres sont problématiques. Ce que nous avons fait à l'époque était de chercher à capter tous ces éléments après la combustion. Nous avons tenté de trouver des solutions.
Nous nous sommes dit que ce n'était peut-être pas la meilleure façon de le faire. Pourquoi ne pas adopter l'idée que mieux vaut prévenir que guérir? Pourquoi ne pas se débarrasser de tous ces éléments nuisibles qui accompagnent le charbon avant la gazéification et redéposer le charbon dans la mine dans son état naturel? Si nous faisons cela, si nous épurons le charbon le plus possible, voilà une responsabilité sociale ainsi qu'une responsabilité économique. C'est une meilleure façon de penser, donc notre façon de penser a changé. Au cours des sept dernières années, nous nous sommes concentrés précisément là-dessus.
Les termes « technologie du charbon épuré » servent à décrire beaucoup de choses. Lorsque les gens envisagent le cycle combiné de gazéification combiné, ce sont toutes les technologies du charbon épuré, mais chez Sherritt, lorsque nous parlons de technologies du charbon épuré, nous faisons référence précisément au fait d'épurer le charbon avant sa combustion.
Nous avons participé à une étude effectuée par le gouvernement fédéral en 2004, avec les services publics, du nom de Cartes routières technologiques du charbon écologique. Nous avons élaboré les cartes routières pour le Canada en 2004, dans lesquelles nous avons souligné que nous aimerions effectuer plus de recherche sur les étapes précédant la combustion.
Le président : À la diapo numéro 13, est-ce que « PC » veut dire « plain coal »?
M. Amarnath : Non, cela désigne le charbon pulvérisé, le « powder coal ». C'est le jargon de l'industrie. Je suis désolé si j'ai employé des acronymes par inadvertance.
Pour la technologie de demain, il nous faut une raffinerie de charbon tout comme une raffinerie de pétrole ou une raffinerie de gaz et de pétrole. Il nous faut une raffinerie de charbon qui élimine tous les mauvais éléments et qui nous donne un charbon conçu spécialement pour la combustion et qui donnera un meilleur rendement au service public. Nous pouvons aussi procéder à la gazéification du charbon, qui permet aussi la polygénération ou à la gazéification intégrée du charbon, l'IGCC, pour produire des engrais, de l'hydrogène, des carburants synthétiques et d'autres choses.
Je passe à la diapo 14. Quand on examine cette industrie, il faut tenir compte de trois facteurs. Si vous voulez épurer le charbon, vous pouvez le faire à trois moments différents. Premièrement, cela peut se faire avant la combustion, comme je l'ai déjà indiqué; ça demande beaucoup de travail. Deuxièmement, on peut le faire en augmentant l'efficience de la combustion dans les usines même, car en améliorant le rendement de la combustion, on abaisse automatiquement l'intensité de production de gaz à effet de serre de chaque centrale de charbon pulvérisé. Troisièmement, la dernière chose est ce qu'on peut faire après la combustion. Avec une épuration préalable, l'amélioration du rendement et une épuration postcombustion, on minimise les émissions de gaz à effet de serre et on élimine presque entièrement les problèmes que posent actuellement les SOx et les NOx, particulièrement les particules et le mercure.
La diapositive 15 décrit ce que nous appelons la chaîne de valorisation du charbon propre. Essentiellement, plutôt que d'employer l'acide provenant des matières premières issues du sol directement pour la production d'énergie, si on prend le premier carré, le carré bleu, on voit que, habituellement, dans l'Ouest du pays, on emploie du charbon de 60 à 84 p. 100. Pour la cendre, c'est de 16 à 40 p. 100. Soit dit en passant, tout le charbon du Canada figure dans la catégorie des charbons de bas rang, ce qui signifie que sa teneur en cendre et en humidité est élevée, par opposition au charbon bitumeux abondant aux États-Unis, sur la côte Est.
Compte tenu de cela, dans le cas que nous vous présentons aujourd'hui, la combustion de ce charbon produit des SOx, des NOx, du mercure et des particules. En raison du taux d'humidité élevé, ce charbon a un faible pouvoir calorifique, et en raison d'un pouvoir calorifique inférieur, le rendement est inférieur. Le rendement thermique de notre centrale se situe donc aujourd'hui entre 32 et 36 p. 100, et des gaz à effet de serre sont rejetés dans l'atmosphère.
Nous proposons de passer à l'étape suivante, soit l'épuration intermédiaire. Quand le charbon est extrait de la mine, un processus d'épuration permet de faire passer la teneur en cendre à environ 8 à 13 p. 100 et la teneur en charbon à 87 et 92 p. 100. Cette technologie n'est pas théorique, elle existe vraiment; elle est commercialisée et employée un peu partout dans le monde. On peut ainsi réduire les SOx et les NOx en retirant certains des éléments extraits avec le charbon tels que les pyrites et les pyrrhotites. On peut même retirer de 50 à 60 p. 100 de mercure. Si cela se fait au préalable, la teneur en mercure est abaissée et, du coup, il y a moins de particules puisque l'on brûle du charbon à faible teneur en cendre. Le pouvoir calorifique et le rendement thermique en sont améliorés et l'intensité des émissions de gaz à effet de serre est automatiquement moindre.
On a fait énormément de recherche au Japon et en Australie, notamment. À partir d'un charbon à teneur élevée en cendre comme le nôtre, on a produit, dans le cadre d'une usine pilote, un charbon contenant moins d'un pour cent de cendre. C'est ce que nous appelons le charbon ultra-propre; la teneur en carbone est d'au moins 99 p. 100. Le charbon dont la teneur en carbone était de 60 à 70 p. 100 s'approche maintenant d'une teneur en carbone de 99 p. 100. La combustion de ce charbon ne produit pas de souffre, pas de mercure, pas de sélénium ni de SOx. Il reste quelque NOx en raison des tendances de la combustion. Il n'y a aucune particule parce que l'on brûle du carbone et le pouvoir calorifique est élevé parce que tous les autres éléments ont été éliminés et que la combustion dans une chaudière donne un très haut rendement. Ce rendement étant supérieur, l'intensité des gaz à effet de serre en est réduite.
Dans les prochaines diapos, je traite des chiffres ciblés. Passons à la diapositive 16 : quelle est notre cible pour l'épuration du charbon avant la combustion? Notre objectif est de réduire réellement l'intensité des gaz à effet de serre et des autres impuretés telles que le mercure. Comment pouvons-nous faire cela? Nous procédons étape par étape. Actuellement, nous brûlons des matières premières. Dans un avenir rapproché, nous pourrons construire des usines d'épuration du charbon. Il est ironique de noter que nous épurons déjà le charbon au Canada, mais tout ce charbon propre est exporté. Tout ce charbon propre à teneur en cendres de 8 à 12 p. 100 est exporté vers le Japon, et nous ne brûlons que du charbon brut.
Notre objectif à court terme est donc d'employer la technologie existante pour épurer le charbon avant la combustion. Vous vous intéressez sans doute au coût. On dit habituellement que le coût de l'extraction du charbon est de 10 à 20 $ la tonne, mais pensons plutôt en termes d'énergie. En termes de pouvoir calorifique, de 10 à 20 $ la tonne représente de 50 à 65 cents le gigajoule. C'est ce que produit le charbon.
Le gaz naturel coûte environ de 5 à 6 $ le gigajoule en moyenne; le charbon est donc moins cher. Mais selon notre logique, il est préférable de ne pas brûler du charbon à 50 à 65 cents le gigajoule, mais plutôt de dépenser un peu d'argent avant pour le nettoyer. La procédure d'épuration ajoute 50 cents pour la production d'un charbon de niveau intermédiaire, ce qui signifie que le charbon épuré coûte environ 1 à 2 $ le gigajoule, ce qui est encore moins que le gaz naturel pour cette procédure améliorée de combustion de charbon. Voilà le processus intermédiaire.
Les Japonais, eux, sont censés se doter de leur première centrale commerciale d'ici 2016. Le pouvoir calorifique augmentera alors de 25 à 30 p. 100, et les émissions de gaz à effet de serre seront réduites d'environ 20 p. 100 par centrale.
Ce qui est bien dans tout ça, c'est qu'il n'est pas nécessaire de modifier considérablement l'infrastructure des centrales existantes. Il faut apporter des changements au niveau de la construction de la chaudière, par exemple, mais, essentiellement, la conversion des centrales existantes se fait par le biais de l'épuration du charbon qui alimente les centrales. Du coup, les services publics font un gain immense puisqu'ils réduisent leurs coûts d'entretien.
Qu'implique l'épuration précombustion du charbon? Je n'entrerai pas dans les détails, mais les étapes sont nombreuses. Il y a une séparation mécanique, laquelle consiste essentiellement à pulvériser le charbon et à séparer le roc du charbon à la mine même; on envoie le charbon épuré au lieu de combustion. On peut épurer encore un peu le charbon par flottation de la mousse. On peut employer des procédés utilisés dans le secteur du charbon métallurgique où les normes sont plus strictes en raison des exigences élevées de l'industrie de l'acier. Malheureusement, le secteur du charbon thermique n'a aucune exigence particulière et cela devrait changer. Une fois que les exigences auront été resserrées, ces méthodes pourront être employées.
On peut aussi appliquer de la pression et employer des températures élevées pour supprimer l'humidité.
Voilà donc lest trois choses essentielles que nous pouvons faire avec du charbon brut.
Il est intéressant de noter que les Japonais ont trouvé une nouvelle solution pour éliminer les cendres du charbon. Mitsubishi a une nouvelle turbine de 2 mégawatts faisant l'objet d'un projet pilote. D'ici deux ans, on fera l'essai d'une turbine de 50 à 100 mégawatts. Le charbon ultra propre pourra être brûlé directement dans la turbine. On pourra y brûler du gaz naturel, mais aussi du charbon ultra propre puisqu'il ne contiendra plus de cendres qui auraient pu endommager les pales de la turbine. Le cycle combiné de la turbine charbon-vapeur permettra d'augmenter de 53 p. 100 le rendement des centrales.
Comme M. McCaughan l'a indiqué, quand Sherritt a commencé à s'intéresser à l'épuration du charbon précombustion, nous avons fait beaucoup de travail dans des petits laboratoires et nous nous sommes dit qu'il fallait améliorer les procédés. Avec l'aide du gouvernement de l'Alberta — et, pour un temps, de l'Alberta Energy Research Institute — nous avons construit une centrale pilote qui peut maintenant produire les kilogrammes de charbon sans cendre et sans humidité, à partir de charbon de l'Ouest canadien. La centrale est entrée en opération en 2009 et j'ajouterai que c'est la seule utilisant du charbon thermique au Canada à l'heure actuelle. Nous sommes enthousiasmés par ce projet et nous aimerions nous doter d'une installation de démonstration utilisant du charbon propre pour la combustion.
En ce qui concerne l'efficacité de la combustion, il importe de noter qu'à mesure qu'on améliore le rendement des centrales, on abaisse l'intensité des émissions de CO2. Il existe plusieurs technologies. Il y a le charbon pulvérisé, qui est la base. Il y a le charbon supercritique. SCPC signifie « supercritique » et USCPC signifie ultra-supercritique. J'ai déjà fait mention de la gazéification connue sous l'acronyme anglais d'IGCC.
Une autre technologie progresse dans différentes régions du monde : c'est la gazéification in situ du charbon. Il s'agit de gazéifier le charbon souterrain par combustion et de nettoyer le gaz pour produire de l'électricité. C'est la Russie qui est le chef de file à ce chapitre, et la Chine, l'Inde et l'Europe investissent des sommes considérables dans la gazéification.
La dernière méthode dont j'aimerais vous parler est la polygénération. Nous, nous considérons le charbon comme un combustible, mais dans bien des pays, le charbon est plus que cela. Le charbon est la matière de base pour la production de nombreux produits chimiques, tels que des engrais, le méthanol et les combustibles synthétiques. Dans ce cas, on convertit le charbon en un produit chimique utile. Plutôt que de simplement le transformer en CO2, qui sera rejeté dans l'atmosphère, on peut le convertir en urée, qui peut ensuite être stockée pour utilisation éventuelle par le secteur agricole.
Le tableau figurant à la diapo 19 provient de l'institut du charbon du Japon. Il montre le niveau de référence. La technologie actuelle est celle du charbon pulvérisé. Avec du charbon à pouvoir calorifique et rendement élevés, le mieux que l'on puisse obtenir est un rendement net de 38 p. 100, ce qui donne une charge de référence de 100 p. 100 du taux d'émission du CO2. Dans une centrale supercritique, on augmente le rendement de 2 p. 100. Toutefois, ce faisant, on peut aussi réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de 5 p. 100.
Il n'est pas nécessaire de construire une centrale supercritique pour obtenir le même résultat. Il suffit de procéder à une épuration intermédiaire du charbon. On obtient la même amélioration du rendement et la même réduction de l'intensité des émissions de GES.
L'étape suivante est le procédé ultra-supercritique ou ce qu'ont commercialisé les Japonais, le procédé de combustion en lit fluidisé sous pression dont le rendement est de 42 p. 100 et qui permet de réduire l'intensité des émissions de GES de 10 p. 100 par centrale.
En concevant de nouvelles technologies, comme l'IGCC, on peut obtenir un rendement aussi élevé que 46 p. 100, ce qui signifie une réduction de l'intensité de 17 p. 100. Comme je l'ai déjà indiqué, la combustion en turbine de charbon ulta- propre donne un rendement pouvant aller jusqu'à 53 p. 100. Cela a été prouvé dans une centrale pilote. Cela signifie que chaque centrale peut réduire l'intensité des émissions de GES ou de CO2 de 35 p. 100.
J'aimerais maintenant aborder brièvement la postcombustion, ce qu'on peut faire après la combustion. À l'heure actuelle, on emploie des épurateurs pour éliminer les SOx et les NOx. Cette technologie existe déjà. Comme l'a indiqué M. McCaughan, on peut retirer le mercure à l'aide de charbon activé produit par Sherritt en Saskatchewan. On peut ainsi capter jusqu'à 90 p. 100 des émissions de mercure. Le captage et l'entreposage du carbone sont essentiels pour la réduction de tous les CO2. Cette technique présente le même potentiel que la récupération assistée du pétrole et a fait l'objet de projets pilotes un peu partout dans le monde. Des centrales commerciales existent, mais on ne peut y mener toutes les étapes; autrement dit, la gazéification intégrée du charbon, le transport du CO2 et la récupération assistée du pétrole ne peuvent tous se faire au même endroit à l'heure actuelle.
M. Wright : Nous appuyons depuis longtemps l'idée d'exiger un panier d'énergies. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un peu comme investir tout son REER dans une seule action dans l'espoir de gagner le gros lot et de se retrouver en mauvaise posture si on ne le gagne pas. Nous estimons que le charbon devrait faire partie de ce panier. Il est certain qu'il fera partie du panier d'énergies mondial si ces projections sont exactes.
Le charbon est fiable et le charbon est sûr, ce qui est de plus en plus important du point de vue géopolitique. Le charbon est peu coûteux. Comme l'a souligné M. McCaughan, nous en avons 200 milliards de tonnes et on me dit que nous pourrions en trouver beaucoup plus si nous faisions de l'exploration.
Pour l'avenir, il nous faut une politique claire qui faciliterait l'investissement dans le charbon et qui comprendrait une politique financière pour l'investissement dans la technologie et des directives claires concernant le prix du carbone, entre autres.
Notre secteur, comme tous les autres, préfère la certitude. Comme nous vous l'avons dit, nous faisons des investissements, mais nous ne sommes pas les seuls. Des milliards de dollars sont investis un peu partout dans le monde. Les investissements dans la technologie nous mèneront à une solution, et il faut le comprendre.
En terminant, je tiens à dire que, dans l'élaboration d'une stratégie énergétique — stratégie que nous réclamons depuis un certain temps —, il faut examiner toutes les sources d'énergie de façon objective. Il faut tenir compte de tous les aspects, positifs, négatifs, sociaux, environnementaux et économiques. Toutes les sources d'énergie présentent des inconvénients attribuables à diverses raisons. Si on veut progresser, on doit tenir compte de tous ces aspects.
Nous avons tous un parti pris. J'ai lu certaines transcriptions de vos délibérations, et certaines déclarations étaient très intéressantes. Toutefois, si vous voulez agir comme il se doit, vous devez examiner la situation de la façon la plus objective possible pour prendre une décision éclairée. C'est ce que je nous encourage tous à faire.
Je ne suis pas certain que cela ait été fait jusqu'à présent. La stratégie d'EPIC, par exemple, est centrée sur le pétrole et le gaz. Si on examine le gaz naturel, on doit tenir compte du cycle de vie complet. Le charbon produit environ 90 p. 100 de ses émissions à la chaudière et le gaz, environ 60 p. 100. Toutefois, si on tient compte du cycle de vie complet, les chiffres sont bien différents.
Il a été question des gaz de schiste. Dans le cadre d'une étude menée à l'Université Cornell à laquelle participe un professeur de Calgary, on a étudié le profil d'émissions des gaz de schiste. Je ne suis pas contre l'idée. Je crois que nous devons profiter de toutes les sources d'énergie. Il faut toutes les examiner si on veut prendre une décision éclairée.
Merci de nous avoir invités à vous adresser la parole. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Au cours du peu de temps qui vous avait été alloué, vous nous avez présenté un exposé plutôt détaillé.
J'ai une question qui découle de votre dernière observation, monsieur Wright. Il est évident que vous avez suivi les travaux de notre comité. Vous avez dit avoir lu la transcription de certaines de nos délibérations. Bien sûr, nous voulons étudier toutes les sources d'énergie et nous avons déjà dit qu'il faut un panier d'énergies, de toutes les sources d'énergie. Croyez-vous que nous sommes sur la bonne voie ou devrions-nous corriger le tir, selon vous?
M. Wright : Ce que je dis, c'est que, dans votre examen, vous devez être objectif. Je ne veux pas critiquer le gaz naturel. J'estime que nous avons de la chance d'avoir toutes ces ressources. Toutefois, dans ce débat, on semble exclure d'emblée le charbon. J'ai lu certaines des remarques et des questions des sénateurs sur la possibilité que le gaz naturel sauve la planète. Dans les faits, si vous tenez compte de tous les aspects du gaz naturel, des émissions de méthane en particulier, la situation n'est pas telle qu'on pourrait le croire. Si vous voulez prendre une décision éclairée, vous devez examiner tous ces éléments.
Le charbon présente des problèmes, nous en sommes conscients. Nous tentons de régler ces problèmes. Exclure d'emblée le charbon parce que le gaz naturel est mieux n'est pas la solution. Si vous pensez à l'énergie éolienne, vous n'avez qu'à penser à la situation de l'Alberta Electric System Operator, l'AESO, en matière d'offre et de demande et vous verrez que la situation évolue constamment. On y montre le charbon, l'hydroélectricité, le gaz, l'énergie éolienne et d'autres. L'AESO représente une énergie éolienne de 777 mégawatts; j'ai fait imprimer quelques exemplaires. Un jour, récemment, cette centrale produisait 661 mégawatts, le lendemain ou deux jours plus tard, ce n'était plus que 1 mégawatt. Autrement dit, pour faire un bon examen, vous devez être le plus objectif possible, même si je dois avouer que nos secteurs ne sont peut-être pas aussi objectifs qu'ils pourraient l'être.
Le président : Je comprends. Nous en avons pris note et nous tentons de faire la part des choses. Bien sûr, ce matin, on nous a dit que l'énergie nucléaire est propre et verte, qu'elle ne présente aucun risque et qu'on devrait bâtir des centrales nucléaires un peu partout, et que le charbon est tout aussi propre et vert quand il est pulvérisé. Quoi qu'il en soit, nous tentons d'être objectifs et de faire fi de la partialité tout à fait naturelle, mais nous accueillerons favorablement toute suggestion ou information que vous pourriez nous faire au fur et à mesure que notre étude progressera, ce qui sera le cas après les élections, car il est évident que nous avons besoin de toutes les sources d'énergie et qu'il nous faudra un panier d'énergies constructif qui soit plus efficace, propre et durable.
Nous travaillons tous très fort à cette étude et si nous ne sommes pas sur la bonne voie, n'hésitez pas à nous le dire, car nous avons l'esprit très ouvert. Je crois que vous pouvez le constater.
M. Wright : Bien sûr, et je vous en félicite. Nous tentons tous de travailler très fort à cette étude, et n'oublions pas que, en dernière analyse, nous cherchons une solution pour les 50 ans à venir, et non pas pour les trois prochaines années, ce qui est habituellement le long terme en politique. Nous voulons nous assurer que toutes les solutions sont envisagées. Je vous félicite et je ne veux pas me faire le critique des autres sources d'énergie qui nous sont toutes nécessaires. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. En Colombie-Britannique, on a recours à l'hydroélectricité, ce qui est tout à fait sensé. Pourquoi se tournerait-elle vers une autre source d'énergie?
Nous sommes bien intentionnés. Il s'agit simplement de s'assurer qu'on examine la situation sous tous les angles possibles.
Le président : Monsieur McCaughan, vous avez dit une chose qui a retenu mon attention, à savoir que le charbon n'est pas un enjeu géopolitique comme le sont d'autres sources d'énergie. Il est d'ailleurs étonnant que nous entendions tant parler de la renaissance du nucléaire au moment où s'est produit cette tragédie au Japon. De même, vous nous avez décrit les nombreux progrès dans le domaine de la houille, mais de terribles désastres se produisent encore dans les mines. Cela revient à ce que vous disiez. Dans une perspective globale, tout est inter relié.
Le sénateur Mitchell : J'ai deux questions, l'une générale et l'autre précise. Votre exposé était très éloquent. Vous parlez des changements climatiques, mais je m'interroge sur l'intensité de vos efforts pour le contrer. Tous les témoins vantent les avantages économiques importants de l'énergie qu'ils produisent ainsi que la diversité des sources d'énergie et la nécessité de tous ces types d'énergie et leur importance au plan économique. Toutefois, si nous n'arrivons pas à contenir les gaz à effet de serre et les changements climatiques, le tort que cela causera à notre économie effacera tous les avantages économiques de ce genre d'énergie.
Les représentants de votre industrie ont-ils déclaré sans équivoque qu'ils reconnaissent l'existence des changements climatiques et le fait qu'ils sont provoqués par les gaz à effet de serre comme ceux que produit la combustion de charbon?
J'en arrive à ma deuxième question. Vous avez fixé des cibles, mais mettiez-vous beaucoup d'efforts à les atteindre? Avez-vous fixé une date à laquelle vous devriez avoir ramené vos émissions de gaz à effet de serre à un certain niveau et peut-être à un niveau négligeable? Qui gère les mesures que votre industrie prend dans ce sens? Qui en fait la promotion? Avez-vous dit au gouvernement : « Donnez-vous ce prix, parce que nous en avons besoin tout de suite. Nous devons agir dès que possible. » Essayez-vous de vous esquiver en disant que vous prenez des mesures pour réduire les gaz à effet de serre et produire du charbon propre? Si je vous parais un peu cynique, c'est parce que je tiens à obtenir une réponse, puisqu'il y a un véritable problème. Les uns après les autres, les porte-parole des différentes industries se vantent de leurs exploits et font valoir que la vitalité de leur secteur est essentielle pour l'économie. Quant à moi, j'estime que les changements climatiques pourraient bien effacer tous les avantages économiques de votre industrie.
M. Wright : J'admets que nous devons nous attaquer à ce problème. Bien entendu, il y a deux aspects à la question. La plupart des émissions sont produites au moment de la consommation du produit et non de son extraction. Bien entendu, les méthodes d'extraction du charbon ne sont pas parfaites, mais nous efforçons de régler les problèmes. Nous tâchons d'utiliser des biocarburants et de réduire nos émissions par le prélavage du charbon. Nous nous attaquons à tous les aspects du problème.
Au Canada, il y a essentiellement deux gros producteurs de charbon : Sherritt, pour l'énergie thermique, et Teck, pour la métallurgie. Il existe aussi beaucoup de petites compagnies. Voilà pourquoi la société Sherritt est aussi active à la Canadian Clean Power Coalition. Cet organisme étudie les différentes technologies et c'est pourquoi Sherritt et l'Electric Power Research Institute en font partie. C'est une organisation américaine respectée.
Quant à savoir si on a fixé une date, on pense commercialiser le captage du carbone d'ici 10 ans, mais les dirigeants de Sherritt ne se contentent pas d'attendre, ils travaillent sur tous ces autres fronts. Comme ils l'ont indiqué, il existe déjà des technologies. En Ontario, on ferme les centrales alimentées au charbon. Voilà plusieurs années, une délégation européenne est venue au Canada. Comme vous savez, le monde entier prend l'Europe comme modèle qui, disent-ils, mise de plus en plus sur les énergies renouvelables. Or, le fait est qu'au Danemark, 39 p. 100 de l'électricité est encore produite par le charbon. Et les Danois paient environ 30 cents le kilowatt pour l'électricité.
Quand ils nous ont rendu visite, les Européens ont été étonnés de voir que les centrales de Nanticoke et de Lambton — Nanticoke est sans doute la plus grosse centrale en Amérique du Nord et produit près de 4 000 mégawatts — n'étaient pas équipées d'épurateurs, puisqu'en Europe, c'est obligatoire. Nous devons maintenant tracer un plan d'action et fixer des échéances. M. McCaughan ou M. Amarnath pourraient peut-être vous donner des dates plus précises. Il serait difficile de dire que nous allons le faire d'ici huit jours parce que ce n'est pas si facile.
Le sénateur Mitchell : Il y a une catastrophe nucléaire au Japon; ils corrigeront le problème demain. Pour le reste, il faut cesser de parler et fixer des échéances. Il faut intensifier nos efforts.
Le gouvernement a dit qu'il fixerait d'ici 2007 une quelconque date butoir pour les centrales alimentées au charbon. Maintenant que nous avons abandonné l'idée du plafonnement des émissions assorties de l'échange des droits d'émissions, vous parlez du prix; nous allons réglementer le secteur. Les fonctionnaires ont-ils déjà entamé des discussions avec les sociétés comme Sherrit et les compagnies propriétaires des centrales alimentées au charbon pour quantifier les émissions? Leur a-t-on dit : Voici ce que ce service public doit faire et voici la date à laquelle cela devra être fait »? Sommes-nous rendus à l'étape de signer des accords, des contrats et des protocoles d'ententes en vertu d'un régime de réglementation gouvernementale, ou en est-on encore à l'étape des discussions?
M. McCaughan : En ce moment, le gouvernement discute principalement avec les entreprises de services publics qui consomment le charbon; ils discutent d'une nouvelle politique sur les émissions de gaz à effet de serre produites par le charbon. On nous a dit qu'une cible devrait être fixée en 2011, ce qui nous ramène aux propos de M. Wright au sujet de la clarification de la réglementation du carbone. Il faut que la réglementation soit claire, car l'industrie du charbon et le secteur des services publics souhaitent investir dans l'acquisition de technologies moins polluantes à base de charbon et ils ont besoin de savoir avec certitude quels règlements seront adoptés et quelle sera leur responsabilité en matière de stockage de CO2. Il faut définir de façon claire et concise beaucoup d'enjeux et prévoir de longs délais d'exécution pour que l'industrie puisse s'adapter.
Sénateur Mitchell, votre autre question portant sur les délais est très pertinente. Notre entreprise est cotée en bourse et nous investissons beaucoup d'argent dans la technologie du charbon épuré. Nos investisseurs nous posent la même question : Quand allez-vous appliquer ces technologies? Que faisons-nous pour y parvenir? Nous sommes fiers d'être chefs de file au Canada en matière de technologie de charbon épuré. Nous y travaillons depuis 2003 ou 2004. Nous avons probablement été l'une des premières sociétés à investir fortement dans la gazéification du charbon et nous continuerons à le faire grâce à notre centre de recherche sur le charbon épuré que nous venons de construire. Il faut agir sans tarder et nous nous efforçons d'avancer aussi vite que possible.
Le sénateur Mitchell : Accélérez la cadence.
Le sénateur Banks : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Mitchell. Si je vous repose la question, c'est parce que M. Amarnath a dit que les technologies de raffinage avant la combustion ne permettaient pas d'éliminer tous les polluants. Vous avez dit que ces techniques existent déjà, et je parle d'épuration avancée. Vous avez ajouté, monsieur Amarnath, que vous seriez en mesure d'améliorer encore vos méthodes d'épuration lorsqu'on aura resserré les exigences.
L'industrie attend-elle de se faire dire quel est l'objectif pour agir ensuite? Je sais que les sociétés ont besoin de connaître les règles et qu'elles aiment bien que tout soit clair. Mais si on ne connaît pas la cible, comment peut-on l'atteindre? Et comment savoir quelle somme il faudra dépenser pour l'atteindre, ou même pour la dépasser si on veut être ambitieux?
Je réitère donc la question du sénateur Mitchell : quel délai vous êtes-vous fixé pour le faire? Attendrez-vous que quelqu'un vous oblige à le faire, ou agirez-vous pour rendre votre produit plus acceptable?
M. Amarnath : Je peux répondre à cette question?
M. McCaughan : Absolument.
M. Amarnath : Au Canada, l'industrie du charbon n'est pas verticalement intégrée, ce qui pose certains défis. Elle est constituée de sociétés d'extraction minière et de services publics. Les sociétés minières sont depuis longtemps fières d'extraire le charbon efficacement et avec peu d'accidents. La plupart des mines de charbon sont à ciel ouvert. C'est une des raisons pour lesquelles le Canada peut se targuer de ne pas avoir eu beaucoup d'accidents graves, du moins dans l'Ouest du pays. Chez Sherritt, nous sommes fiers d'attacher une grande importance à la sécurité.
Cela dit, jusqu'où aller? Nous avons demandé qu'on nous donne des consignes précises. Autrement dit, il y a deux façons de résoudre le problème. Le gouvernement peut dire à l'industrie : « Vous devez plafonner vos émissions d'oxyde de soufre au niveau X, vos émissions d'oxyde d'azote au niveau Y et limiter à Z la quantité de particules de mercure. »
C'est alors que les services publics pourraient répondre : « Si vous voulez régler le problème, pourquoi ne pas laisser l'industrie générer ses polluants et ensuite les nettoyer. » En tant que société minière, nous croyons qu'il y a une autre solution. On peut épurer le charbon en amont. Si vous nous donnez des consignes précises — des limites pour le soufre, le mercure ou d'autres substances — nous nous efforcerons de les respecter. Toutefois, cela coûtera plus cher que de simplement extraire le charbon et vous le donner. Voilà le hic.
En ce moment, il voudrait obtenir le charbon au prix le plus bas et ensuite, l'épurer. C'est précisément pour cette raison que nous avons adhéré à la CCPC, car ainsi nous pourrons travailler avec les sociétés des services publics, nos clients, pour leur expliquer qu'il y a une autre solution. Nous avons actuellement un excellent comité à l'intérieur de la CCPC, et il examine de près la question de la matière première. Il est plus facile d'épurer le charbon en amont et cela coûte beaucoup moins cher que de procéder autrement. Cela se fait déjà.
Quant à vous donner un horizon, j'espère que d'ici quatre ou cinq ans, l'épuration intermédiaire sera répandue. Nous pouvons construire des usines d'épuration intermédiaire en amont de chaque centrale électrique commerciale.
Le sénateur Banks : Les sociétés de services publics sont vos clients. Ont-elles intérêt à procéder de la façon que vous venez d'évoquer? Croient-elles que c'est dans leur intérêt de le faire?
M. Amarnath : Oui.
Le sénateur Banks : Mais vous venez de dire qu'elles ne veulent rien savoir de tout cela. Elles préfèrent se contenter d'installer des épurateurs en haut des cheminées.
M. Amarnath : Par le passé, nos clients se souciaient peu du produit de base. Mais après avoir travaillé avec eux au cours des cinq dernières années, nous leur avons fait comprendre qu'il était moins coûteux d'épurer le produit de base. Il est plus économique d'éliminer toutes ces substances sur place, à la mine.
Nous effectuons en ce moment une importante étude auprès des services publics pour mettre en évidence les avantages d'épurer le charbon avant la combustion. Le rapport devrait paraître d'ici un an et nous espérons qu'il favorisera l'épuration avant la combustion.
M. McCaughan : Toutes les sociétés de services publics font partie de la CCPC, mais nous sommes la seule compagnie charbonnière qui travaille avec eux. On nous a chargés de réaliser cette étude sur la valorisation du charbon; c'est la deuxième étude que nous réalisons. Nous collaborons également avec l'EPRI à la réalisation de cette étude. Cela montre bien que nous collaborons avec les services publics dans ce dossier.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Wright, je vous connais depuis longtemps et vous êtes un porte-parole convaincant de l'industrie du charbon. Merci d'être venu aujourd'hui nous rappeler qu'il faut examiner tous les aspects de la question. C'est ce que je persiste à croire.
Je n'ai pas de question à vous poser parce que je suis d'accord avec ce que vous faites. Je vous en félicite parce qu'à certains endroits, il n'y a qu'une source d'énergie et c'est le charbon. C'est la question que j'ai posée aux autres témoins : que fait le Japon?
Je suis persuadé qu'il n'existe pas de solution miracle, mais qu'il y a une foule de choses qu'on peut faire. Le président serait sans doute d'accord avec moi. Voilà le but qu'il faut viser. Il ne faut pas se contenter de dire ceci est inacceptable; il faut examiner tous les aspects de la question.
Le sénateur Lang : Je conviens avec vous de l'importance d'avoir recours à toutes les sources d'énergie. Voici ce qui me préoccupe. Qu'il s'agisse de l'industrie pétrolière avec les sables bitumineux ou de l'industrie gazière, avec la fracturation, dont le sénateur Neufeld a parlé avec les témoins que nous avons entendus plus tôt — de l'énergie nucléaire et de n'importe quelle source d'énergie, les messages véhiculés à la population sont toujours négatifs.
Je sais que nous avons besoin d'énergie. Je sais aussi que votre industrie, tout comme l'industrie pétrolière et gazière, et l'industrie nucléaire, s'efforcent de présenter et de produire cette source d'énergie d'une façon plus raisonnable.
Qu'entendez-vous faire pour informer la population de ce que vous faites? En tant que consommateur, je n'entends parler que de charbon polluant. Quand on en parle à la télévision, c'est pour présenter la catastrophe liée à l'extraction du charbon au Pakistan, qui est un pays du tiers-monde où l'on n'extrait pas le charbon comme cela se fait au Canada. Travaillez-vous avec les autres industries à mettre au point un programme concentré et instructif de relations publiques de manière à informer les Canadiens de ce que vous faites, des procédés que vous utilisez pour offrir votre source d'énergie?
M. Wright : M. McCaughan et Tim Boston, de Capital Power, voudront également intervenir, mais en tant qu'association nous avons opté pour une approche à trois volets. Nous voulons faire une plus grande place aux communications.
Il est difficile d'atteindre un vaste auditoire. Il faut envoyer un message plus ciblé. On peut procéder de deux façons. Évidemment, on peut s'exprimer au niveau politique, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui. Mais on peut aussi diffuser notre message dans les écoles. Nous essayons d'intervenir dans le programme scolaire, lorsque les élèves étudient la question des ressources et de l'énergie, pour leur permettre d'avoir un point de vue équilibré.
Cela ne se faisait pas dans le passé. Fait intéressant, nous faisons partie d'un groupe d'éducation énergétique en Alberta; on n'y parle pas seulement de charbon mais de toutes les sources d'énergie. On m'a raconté que pendant une réunion, un enseignant s'est levé pour présenter ses excuses. Il a dit : « Depuis 26 ans, je donne de l'information erronée à mes élèves parce que je ne comprenais pas les réalités de l'énergie. »
Prenez le cas du pétrole et du gaz. Si nous présentions une publicité dans laquelle toutes les activités découlant d'une forme d'énergie disparaissaient de la pièce, il ne resterait plus grand-chose. Fort heureusement, je ne porte pas mon complet de polyester, alors je ne me retrouverais pas tout nu, mais vous comprenez où je veux en venir.
Voilà des exemples de choses que nous faisons. Ce n'est pas facile parce que notre organisation est assez petite, mais nous travaillons ensemble. Je sais que la communication est un élément central pour l'EPIC. Je sais aussi que Capital Power fait des efforts pour amener les gens à comprendre le rôle qu'il joue. Il ne fait aucun doute qu'ils ne sont pas faciles à convaincre.
M. McCaughan : Si vous me permettez d'ajouter à ce que vient de dire M. Wright, nous savons que le message ne passe pas. À la CCPC, nous sommes en train de remanier en profondeur notre site web en tant qu'outil de communication. Nous y mettons les résultats de nos rapports et études pour que le public puisse y avoir accès gratuitement sur Internet. Je crois que c'est une réalisation extraordinaire.
De toute évidence, les messages relatifs à ce qu'a fait la société Sherritt ne passent pas. Il faut trouver les meilleures façons de les communiquer.
M. Wright : C'est effectivement un défi. Le vieux précepte « construisez quelque chose, et les gens viendront » ne se vérifie pas toujours. Nous venons de remanier notre site Internet. On y trouve plus d'information et de données sur l'industrie et ce qui se fait dans le domaine. Nous allons étoffer notre section sur la technologie et insérer une section sur la remise en état des terres.
Beaucoup de gens pensent que nous ne nous soucions pas de cela. Bien au contraire, les deux plus grosses compagnies s'affairent à remettre des sites miniers depuis plus de 40 ans, c'est-à-dire bien avant que cela ne soit devenu une exigence. Elles ont fait un travail extraordinaire, mais les gens ne le savent pas. Vous avez raison : on ne pense qu'aux aspects négatifs.
Le président : Le sénateur Peterson aura le mot de la fin, car le temps est presque écoulé.
Le sénateur Peterson : Vous faites beaucoup d'effort pour mettre au point des technologies de charbon épuré et je vous en félicite. Il est peut-être difficile de savoir avec précision quand vous atteindrez cet objectif, mais où en êtes-vous en ce moment? Diriez-vous que vous avez déjà fait la moitié ou les trois quarts du chemin?
M. McCaughan : Bonne question. Nous investissons dans cette technologie depuis 2004 environ. Nous avons franchi plusieurs étapes et beaucoup appris.
Nous avons beaucoup travaillé au lancement d'un projet commercial de gazéification du charbon en Alberta de 2004 à 2006; nous étions sur le point de lancer un projet commercial qui aurait permis de capter tout le carbone de l'Alberta. Après avoir réalisé des études de faisabilité et investi des millions dans ce projet, nous avons constaté que la technologie coûterait plus cher que prévu. Nous avons besoin d'information plus claire en ce qui concerne la réglementation du carbone et le stockage.
Nous avons dû opter pour une approche polyvalente et investir non seulement dans les techniques d'épuration du charbon, mais également dans la valorisation du charbon. Au chapitre de l'épuration, nous espérons pouvoir observer d'ici cinq ans les résultats d'une centrale que nous sommes en train de construire.
Le président : Je vous remercie, messieurs, d'être compréhensifs relativement à nos contraintes de temps. Ottawa se transforme en cirque pendant les derniers jours d'une législature.
Je suis persuadé que nous ferons de nouveau appel à vous quand viendra le temps de nous prononcer sur le panier d'énergies souhaitable pour le Canada. Nous vous remercions d'avoir proposé de venir nous parler du charbon, mais nous ne vous avions pas oubliés. On nous avait beaucoup parlé indirectement du charbon et de l'importance de votre industrie. Nous sommes maintenant mieux renseignés et nous espérons avoir de nouveau le plaisir de vous recevoir dans l'avenir. Merci encore.
Chers collègues, la séance est levée.
(La séance est levée.)