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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages du 4 mai  2010


OTTAWA, le mardi 4 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2011.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Ce matin, nous allons poursuivre notre étude du Budget des dépenses pour l'année financière de 2010- 2011 dont notre comité a été saisi.

[Traduction]

Ce comité a déjà tenu sept réunions sur le Budget principal des dépenses et va continuer à l'étudier tout au long de cet exercice. Toutefois, comme les honorables sénateurs le savent, nous allons devoir produire en juin un rapport intérimaire, avant le dépôt du Budget principal des dépenses, et ce rapport servira de base à nos travaux sur ce budget que nous attendons à peu près à cette époque.

Ce matin, nous allons nous consacrer à Énergie atomique du Canada limitée. Nous sommes ravis d'accueillir trois dirigeants de cette société d'État, soit M. Hugh MacDiarmid, président-directeur général, M. Kent Harris, premier vice- président et directeur général des finances et M. William Pilkington, vice-président principal et agent principal du nucléaire.

Monsieur MacDiarmid, je vous invite maintenant à nous faire part de vos commentaires préliminaires, et je crois savoir que M. Pilkington nous entretiendra ensuite brièvement de la dimension purement nucléaire.

[Français]

Hugh MacDiarmid, président-directeur général, Énergie atomique du Canada limitée : Mes collègues William Pilkington, Kent Harris et moi-même apprécions l'occasion d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

J'aimerais tout d'abord vous dire où nous en sommes sur notre priorité absolue en ce moment, soit la réparation et la remise en service du réacteur national de recherche universel, le RNU, aux laboratoires de Chalk River. Je vais commencer par vous donner un aperçu de la situation et, ensuite, M. Pilkington vous fournira des renseignements additionnels.

Comme vous le savez, nous nous acharnons à ces réparations 24 heures sur 24. Plus de 300 employés hautement qualifiés d'EACL et des partenaires de l'industrie participent à ces travaux. Nous travaillons maintenant sur le dernier des 10 sites de la cuve du réacteur qui nécessitaient des réparations. Ce fut une tâche minutieuse dont l'avancement a été freiné par la nécessité d'inspecter, d'analyser, de comprendre le comportement des métaux irradiés et de mesurer le stress exercé sur la structure de la cuve.

En termes simples, ce que nous faisons est du jamais vu dans l'histoire de l'industrie nucléaire. Il s'agit probablement de l'opération de soudage la plus complexe, la plus précise et la plus sophistiquée jamais entreprise dans un environnement radioactif.

Nos employés à Chalk River ont fait face à de nombreuses difficultés techniques durant cette mise à l'arrêt. Ils ont inventé de nombreux outils novateurs contrôlés à distance. Ces outils complexes, équipés de systèmes de vision, doivent être assez compacts pour pouvoir être insérés dans une ouverture de la taille d'une balle de base-ball qui se trouve sur le dessus du réacteur. Ils sont ensuite descendus neuf mètres plus bas dans la large cuve de réacteur, où ils sont déployés et s'alignent sur la paroi de la cuve. Des opérateurs contrôlent le soudage à l'aide d'écrans de télévision et de manettes alors qu'ils se trouvent trois étages plus haut. C'est une entreprise complexe. Toutefois, grâce à l'excellent travail d'équipe de nos employés et de nos fournisseurs, et aux excellents conseils des plus grands spécialistes mondiaux de ces types de soudure et d'autres techniques, nous y arrivons.

Comme nous l'avons annoncé publiquement il y a un peu plus d'un mois, le NRU reprendra sa production d'isotopes à la fin du mois de juillet. Le nouveau calendrier comprend une marge prudente pour les imprévus qui est fonction de la difficulté inhérente de ces dernières séquences de réparation.

Le président : En juillet de cette année?

M. MacDiarmid : Oui. C'est bien cela, monsieur le président.

C'est tous les jours que nous tous, à EACL, ressentons le besoin impératif de terminer ces réparations le plus vite possible pour pouvoir à nouveau produire des isotopes médicaux qui serviront à traiter des patients dans le monde entier. Permettez-moi de le répéter : EACL fait tout en son pouvoir pour remettre le NRU en service le plus rapidement possible et en toute sécurité.

Avant que je ne cède la parole à M. Pilkington pour lui permettre de vous donner de plus amples détails sur les réparations du NRU, je vais traiter brièvement du budget le plus récent, celui de 2010-2011. Il nous a alloué, pour cet exercice, 300 millions de dollars au titre de quatre grandes priorités d'EACL. La première est de garantir un approvisionnement sécuritaire en isotopes médicaux. La seconde est de continuer à assurer une exploitation sécuritaire et fiable des laboratoires de Chalk River, y compris en accordant toute l'attention voulue aux questions prioritaires de santé, de sécurité et d'environnement. La troisième est de poursuivre le développement du réacteur CANDU avancé et la dernière est de continuer à assumer les coûts commerciaux prévus dans le cadre des projets de prolongation de la durée de vie utile des réacteurs.

À EACL, nous comprenons l'importance des projets critiques que nous devons exécuter avec succès, le besoin de restreindre nos coûts, et la nécessité de nous préparer pour la restructuration prochaine de la société. Je vais maintenant donner la parole à M. Pilkington pour la suite de nos remarques préliminaires.

William Pilkington, vice-président principal et agent principal du nucléaire, Énergie atomique du Canada limitée : Comme l'a indiqué M. MacDiarmid, les derniers travaux de réparation et de remise en service du NRU, avec leurs spécificités, progressent régulièrement. L'arrêt forcé du NRU a débuté le 14 mai 2009, avec la fermeture du réacteur causée par une panne d'électricité et la découverte d'une petite fuite d'eau lourde. L'examen visuel à distance a permis de relever un certain nombre d'endroits touchés par une corrosion limitée à la base de la paroi de la cuve du réacteur, dont l'une était à l'origine de la fuite.

Nous avons alors lancé une série d'inspections progressives, avec entre autres plusieurs formes d'examens non destructifs et d'analyses d'échantillons de matériaux extraits de la paroi de la cuve. L'évaluation de l'état de celle-ci a été terminée en novembre 2009. Parallèlement, nous avons étudié les diverses possibilités de réparation et retenu comme stratégie de base pour les réparations la mise en place de cordons de soudure. Nous avons ensuite conçu et construit l'outillage de soudure à distance et mis sur pied une équipe de réparation composée des membres du personnel d'EACL et de nos fournisseurs de technologie et d'outillage. Les procédures de soudure ont été élaborées et validées et les soudeurs spécialisés ont été formés.

La phase de réparation du projet a débuté le 12 décembre 2009. À ce jour, neuf des 10 sites ont été réparés. Nous avons commencé par les sites les plus circonscrits pour acquérir de l'expérience afin de vérifier la précision de l'équipement et des procédures. Les dernières réparations se sont avérées plus complexes. Elles portent sur des superficies plus importantes, qui font qu'il est plus difficile de réaliser des réparations durables tout en gérant les stress qui s'exercent sur la cuve. Il a fallu concevoir une stratégie et des modalités de réparation uniques pour chaque site. L'équipe emploie maintenant une combinaison de plaques soudées, avec deux types de soudures structurelles, verticales et horizontales pour mettre en place une plaque de métal et, enfin, des cordons de soudure horizontaux et verticaux. Nous avons maintenant terminé la conception de la réparation pour le dernier site restant.

En profitant de notre expérience en réparation jusqu'à cette époque et de celle de spécialistes canadiens et étrangers en solutions spécialisées de soudure, en technologie des réacteurs et en gestion des pannes, EACL a confirmé que nous utilisons des techniques de réparation efficaces, que le NRU est effectivement réparable et que notre calendrier actuel est réaliste. Nos conseillers ont également convenu qu'EACL est parvenue à un équilibre qui convient entre des priorités concurrentes de réparations durables, de réduction au minimum des risques de dommages à la cuve du réacteur et de la durée de l'arrêt du réacteur.

Pour se préparer à mener à bien la dernière réparation, la plus importante, il faut procéder en quatre phases successives. Ces phases sont celles de la mise au point de la technique de soudure, de sa validation et des essais de fiabilité, des essais d'intégration et, enfin, de la réalisation de la réparation dans la cuve.

La mise au point de la technique de soudure est la phase la plus longue et la plus difficile à planifier puisqu'il a fallu réaliser un certain nombre d'essais et d'analyses techniques pour parvenir à la solution optimale. Dans le cas du dernier site à réparer, ce processus a débuté en janvier et a pris fin le 30 avril.

Il faut ensuite élaborer les procédures précises de soudure et former les soudeurs à les appliquer. La séquence de réparation doit être raffinée pour permettre aux soudeurs de parvenir à maîtriser les techniques jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de faire des soudures de qualité à répétition. C'est ce qu'on appelle les essais de validation et de fiabilité qui sont actuellement en cours sur le dernier site de réparation.

Après avoir mené à bien les essais de validation et de fiabilité des soudures, nous procédons aux essais d'intégration. Il s'agit d'une révision complète de la réparation du début à la fin. L'ensemble de l'outillage télécommandé pour préparer la cuve à être soudée et pour réaliser la réparation est utilisé dans des essais en grandeur réelle afin de confirmer que la coordination des équipes et des procédures permet bien d'obtenir le résultat exigé. Lorsque nous travaillons dans la cuve, il faut réussir dès la première fois.

Enfin, lorsque toutes ces phases ont été réalisées sans défaillance, l'équipe de réparation est prête à pénétrer dans la cuve du réacteur. C'est un travail important qui prend beaucoup de temps, mais les résultats parlent d'eux-mêmes. Jusqu'à maintenant, chaque site réparé a subi avec succès tous les examens non destructifs exigés à la suite de la réparation.

Les activités de remise en service du NRU se poursuivent en parallèle aux réparations en cours. Ce processus de démarrage à plusieurs étapes est dirigé par une équipe spéciale qui coordonne ses travaux avec ceux de l'équipe de réparation. Pour ramener le réacteur à sa pleine puissance à la suite d'une période d'arrêt prolongé, il faut suivre 19 séquences regroupant plus de 1 000 activités.

De plus, EACL devra obtenir l'approbation de la Commission canadienne de sûreté nucléaire avant de redémarrer le réacteur. Pour réduire au minimum le temps nécessaire, le travail sur le chemin critique de la panne se poursuit sans interruption, 24 heures par jour et sept jours par semaine. Revenir à une exploitation sécuritaire et fiable du NRU, pour permettre de produire à nouveau des isotopes médicaux, reste la priorité de l'équipe chargée de la panne et l'objectif essentiel d'EACL. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup, messieurs Pilkington et MacDiarmid. Nous vous remercions de nous avoir fait part du contexte. J'espérais que vous alliez faire le parallèle entre le NRU de Chalk River, le réacteur national de recherche universel et votre réacteur CANDU, le premier CANDU 6 vendu par EACL au Nouveau-Brunswick. Il semble que vous suiviez le même processus d'apprentissage sur la façon de réparer ou de mettre à niveau un produit que vous avez vendu ou fabriqué il y a plusieurs années. Les délais semblent être les mêmes. Êtes-vous en train d'acquérir des compétences dont l'application sera universelle par la suite?

M. MacDiarmid : Je vous remercie d'avoir abordé cette question et de faire le lien avec le projet de Point Lepreau. Je dois dire que c'est un projet sensiblement différent puisque, dans le cas du NRU, nous avons fait face à une panne due à une fuite imprévue dans la cuve du réacteur. Lorsque nous sommes confrontés à une telle panne, nous devons concevoir dans un délai très court la série de procédures à appliquer pour y remédier.

Le projet de Point Lepreau est le premier d'une série de remises en état de réacteurs CANDU 6. Une fois encore, il s'agit d'un projet plus vaste parce que nous démontons au complet le coeur du réacteur en nettoyant et en inspectant sa cuve pour nous assurer qu'elle peut être remise en service et nous réinstallons ensuite tous les éléments de base dans le réacteur. C'est en vérité un travail de reconstruction beaucoup plus complet du réacteur. Bien évidemment, comme vous le savez fort bien, nous nous sommes heurtés à des difficultés importantes de calendrier et de coûts en réalisant ce travail. La vieille maxime sur les premiers projets d'un genre nouveau s'applique et la leçon est coûteuse pour nous, vous pouvez en être sûrs.

En ce qui concerne le CANDU 6, comme vous le savez très certainement, nous avons déjà un projet en cours de réalisation à Wolsong, en Corée. Nous procéderons dans un an au prochain arrêt du réacteur de Gentilly-2, au Québec, et nous espérons avoir à faire une autre remise en état et prolongation de la durée de vie par la suite sur le réacteur d'Embalse en Argentine.

Le projet de Point Lepreau nous permet d'acquérir une expérience qui, nous l'espérons, permettra à EACL d'avoir une activité commercialement viable de prolongation des durées de vie de plusieurs réacteurs, générant à l'avenir des revenus et des marges bénéficiaires. Nous ne comptons pas qu'il en soit de même pour le NRU. Il ne fait cependant aucun doute que nombre des technologies que nous élaborons auront des applications commerciales, et nous verrons s'il s'avère possible de recouvrer certains coûts à l'avenir en déployant ces technologies, mais nous ne croyons pas que cela se passera de la même façon.

Le président : Dans vos commentaires préliminaires, vous nous avez dit disposer d'un budget de 300 millions de dollars. Ce que nous avons vu jusqu'à maintenant dans le Budget principal des dépenses totalise environ 102 millions de dollars. Devons-nous nous attendre à un autre montant de 200 millions de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses?

M. MacDiarmid : Non, monsieur. Le montant de 300 millions de dollars a été indiqué dans le budget fédéral pour cet exercice, et constitue un ajout aux 102 millions de dollars de notre financement de base. Il vient en sus. Nous sommes obligés de nous en tenir à l'enveloppe mise à notre disposition. Actuellement, nous gérons nos activités pour mener à bien les diverses missions qui nous ont été attribuées. Nos besoins de financement pour la suite dépendront des développements à venir. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. Je suis convaincu que cet échange va soulever d'autres questions.

Le sénateur Ringuette : Messieurs, c'est un plaisir de vous accueillir à ce comité. Cela fait presque un an que nous vous attendions.

Combien d'emplois, probablement hautement qualifiés, votre industrie génère-t-elle au Canada?

M. MacDiarmid : Au total, on estime qu'il y a 30 000 emplois dans le secteur nucléaire au Canada. Cela englobe à la fois la production d'énergie et les diverses chaînes d'approvisionnement et fournisseurs de l'industrie.

Le sénateur Ringuette : Il s'agit d'emplois hautement qualifiés.

M. MacDiarmid : C'est exact. Ce sont des emplois exigeant de notre main-d'oeuvre des compétences très poussées, le genre d'emplois que nous voulons préserver dans notre pays et dont nous voulons voir le nombre augmenter.

Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne la remise en état des réacteurs CANDU en Corée, au Québec et en Argentine, vous nous avez dit espérer en faire à l'avenir une activité d'affaire commercialement viable. Est-ce dans la perspective de vendre EACL?

M. MacDiarmid : Je suis d'avis que, peu importe qui seront les futurs actionnaires d'EACL, ils s'attendront à ce que ce volet particulier de nos activités génère des profits. EACL est composée aujourd'hui de deux unités opérationnelles qui ont des objectifs fondamentalement différents. C'est peut-être là ce qui justifie la réorganisation. Le Laboratoire nucléaire national de Chalk River, dont Bill Pilkington est actuellement responsable, est un centre de science et de technologie dans l'industrie nucléaire. De par sa nature, il a une fonction précommerciale. Il est destiné à faire de la recherche fondamentale qui débouchera sur des possibilités commerciales, sans pour autant être conçu pour être géré sur une base commerciale. L'autre moitié de la société, qui correspond aux activités commerciales de la division du réacteur CANDU, qui conçoit, met en oeuvre et entretien les réacteurs nucléaires, est sans aucun doute censée être rentable. Nous n'avons pas encore réussi à générer les revenus que nous espérions des nouvelles activités. Ces revenus devraient normalement nous permettre d'être financièrement autosuffisants et de financer nos propres activités de développement et nos propres travaux.

En ce qui concerne le besoin d'aide financière pour le développement du produit ACR, le réacteur CANDU avancé, nous nous attendrions dans le cours normal du fonctionnement d'une entreprise à financer ces dépenses de recherche et de développement à même nos liquidités résiduelles, à même nos profits. Pour l'essentiel, il est tout à fait clair que les activités de prolongation de durée de vie des réacteurs et les projets qui en relèvent devraient être rentables.

Le sénateur Ringuette : On parle beaucoup au pays de la demande d'électricité. Lors de la fin de semaine, j'ai entendu dire que l'Ontario envisage d'acquérir un réacteur CANDU additionnel pour produire l'électricité dont elle a besoin.

Il semble que votre concurrent en ce moment, AREVA, dont le gouvernement français est actionnaire, envisage sérieusement l'achat d'EACL. Elle fait partie des soumissionnaires très sérieux. Lorsqu'une entreprise achète un concurrent, elle s'efforce en général de développer davantage sa propre technologie. Cela signifierait-il pour les Canadiens la fin des ventes d'autres réacteurs CANDU?

M. MacDiarmid : Madame le sénateur, je ne peux vous dire qui peut être impliqué à cette étape avancée du processus de réorganisation, mais de mon point de vue, il est certain que les retombées nettes pour le Canada constituent une considération importante et que cela englobe le maintien des emplois dans ce pays et la poursuite de l'utilisation de sa base technologique. C'est ainsi que, comme nation, nous créons de la richesse et c'est pourquoi nous sommes tellement partisans de la stratégie que nous avons adoptée. Nous voulons continuer à être le vendeur, le fournisseur de technologie nucléaire sur le marché canadien. Nous avons eu une approche très agressive sur le marché ontarien du nucléaire et nous voulons utiliser cette base pour faire concurrence au niveau mondial. Si vous examinez la stratégie d'AREVA, c'est exactement ce qu'elle a fait. AREVA dispose d'un marché national important qui lui sert de base pour réussir à faire concurrence ailleurs dans le monde. Notre vision se rapproche beaucoup de la sienne en cela.

J'espère que toute transaction impliquant de nouveaux investisseurs dans EACL tiendra pleinement compte des retombées nettes pour le Canada, qu'il s'agira là d'une considération de base pour conclure un accord et négocier ses conditions d'application. Je m'attends à ce qu'il en soit ainsi.

Le sénateur Ringuette : Je suis ravie que vous ayez insisté sur les conditions. Vous savez certainement fort bien que le projet de loi portant exécution de certaines dispositions du budget, le projet de loi C-9, actuellement à l'étude à la Chambre des communes, demande aux parlementaires d'accorder un chèque en blanc au premier ministre pour vendre EACL sans rendre publique aucune donnée financière ni aucune des conditions attachées à une telle vente, comme vous dites. Avec les années, les Canadiens ont investi des milliards de dollars dans cette technologie et dans votre organisation, ce qui m'amène personnellement à croire que, quoi qu'on fasse, les parlementaires devraient pouvoir étudier la vente et ses conditions, surtout à cause du grand intérêt que les Canadiens portent à la production d'isotopes. La remise en état qui se fait à Chalk River est importante, et les Canadiens s'intéressent vivement à la situation des isotopes.

M. MacDiarmid : Madame le sénateur, le volet de la production des isotopes d'EACL ne ferait pas partie de la transaction envisagée actuellement. Je crois que le gouvernement a été très clair à ce sujet dans sa déclaration en précisant qu'EACL serait en effet scindé en deux entités distinctes et que la production d'isotopes continuerait à relever de la responsabilité du laboratoire nucléaire de Chalk River. Cette installation pourrait être gérée de diverses façons à l'avenir, mais elle continuera à appartenir concrètement au gouvernement du Canada.

Le sénateur Runciman : Les réacteurs de Bruce en Ontario sont-ils des CANDU 6 ou une version plus ancienne?

M. MacDiarmid : Ils sont de conception différente. Les réacteurs Bruce sont plus gros. Ils comptent 480 canaux de combustible au lieu de 380 dans un CANDU 6, et ont une puissance de sortie supérieure. D'autres éléments de leur conception sont également différents de celle des CANDU 6.

Le sénateur Runciman : Lorsque vous avez procédé à des remises en état, est-ce EACL qui les a exécutées en application d'un contrat ou le travail a-t-il été fait par d'autres entrepreneurs?

M. MacDiarmid : Dans le cas de Bruce Power, nous avons assumé une partie importante des travaux, mais pas la totalité comme nous l'avons fait à Point Lepreau. Dans le premier cas, nous étions un sous-traitant important à l'occasion de cet arrêt.

Le sénateur Runciman : L'offre que vous avez faite en Ontario portait sur deux ACR-1000?

M. MacDiarmid : Oui monsieur.

Le sénateur Runciman : J'ai lu un article, qui date peut-être un peu maintenant, disant que 85 p. 100 du travail de conception a été fait. Je suis curieux au sujet de cette offre. Je crois que Westinghouse s'était retirée et qu'AREVA était le seul concurrent restant, mais je me trompe peut-être.

M. MacDiarmid : Je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit le cas.

Le sénateur Runciman : C'est peut-être courant, mais vous faites une offre sur un réacteur pour lequel vous n'avez fait que 85 p. 100 du travail de conception. Êtes-vous des concurrents dans un cas semblable ou proposent-ils d'utiliser des technologies « déjà essayées et validées » pour le réacteur, si vous me permettez d'utiliser cette expression. Leur façon de procéder a-t-elle été certifiée?

M. MacDiarmid : Les principaux compétiteurs sont rendus plus loin dans le programme de développement de leurs réacteurs de troisième génération. Sur le marché mondial, on se trouve dans une période de transition entre les réacteurs de seconde et de troisième génération, et la manifestation la plus évidente de ce phénomène est la mise en oeuvre de nouveaux moyens de protection contre le terrorisme à la suite du 11 septembre en ayant, entre autres, amélioré les mesures de confinement et de sécurité. On observe parallèlement un certain nombre d'améliorations de l'efficacité de la sécurité et d'autres aspects, ce qui fait que l'on passe effectivement d'une génération à une autre.

Il n'y a pas encore de réacteur de troisième génération dont la construction soit terminée, ni bien sûr à avoir été mis en service. AREVA en construit un en ce moment en Finlande et a enregistré des retards importants et de fortes hausses de ses coûts. Son second projet de construction est à Flamanville, en France, et elle a un autre projet qui vient de démarrer en Chine. L'autre vendeur concurrent important, à mon avis, est Westinghouse, qui est en train de construire son premier réacteur de troisième génération en Chine.

AREVA et Westinghouse sont plus avancées que nous ne le sommes et je ne saurais donc prétendre que nous suivons le même rythme de développement. Cela ne signifie toutefois pas qu'elles ont des réacteurs qui ont fait leur preuve et que nous mettons sur le marché quelque chose qui n'existe pas. Nous les suivons d'assez proche. Pour être précis, nous avons un peu de retard sur eux dans le processus de développement, mais, en même temps, je pense que nous pouvons prétendre que nous avons tiré les leçons de leurs expériences et de certaines des difficultés auxquelles elles se sont heurtées avec leurs nouveaux projets de construction.

Après tout, ce n'est pas nous qui avons choisi le calendrier retenu pour l'appel d'offres ontarien. Le gouvernement ontarien a décidé de lancer son programme d'acquisition de réacteur nucléaire avec une demande de proposition structurée de telle façon que nous avons dû décider si nous voulions participer à la bataille avec un réacteur dont la conception n'était pas encore totalement terminée. En réalité, l'Ontario ne nous a pas invités à lui faire une offre reposant sur le CANDU 6. Il voulait un réacteur de troisième génération. Notre décision a alors été relativement simple à prendre, parce que nous étions confiants de l'état d'avancement de la conception du réacteur. C'est encore le cas. Je pense que vous savez déjà que notre soumission a été jugée la meilleure et la seule conforme aux exigences, ce qui nous incite à être fiers de notre performance dans ce dossier.

Le sénateur Runciman : Si les besoins en énergie de l'Ontario commencent à croître dans les années à venir, étant donné vos prévisions dans toute une gamme de domaines qui ne se sont pas avérées très précises, vous pourriez perdre le marché en n'étant pas prêt à satisfaire les exigences de réacteurs de troisième génération.

M. MacDiarmid : Nous nous posons la question. Nous avons réussi à respecter intégralement le calendrier de développement de l'ACR-1000. Nous l'avons adapté au calendrier du marché ontarien du nucléaire, en pensant aux échéances que nous devrions respecter pour être prêts à livrer un réacteur en état de marche en 2018 ou en 2019. Nous avons lancé, avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire, un examen de la conception préalable à l'attribution d'une licence, et nous sommes parvenus dans les délais à obtenir les lettres concernant les phases I et II qui font partie de leur processus d'examen.

Nous sommes sincèrement d'avis que le développement de l'ACR-1000 respecte d'assez près le calendrier fixé. Notre objectif est d'en avoir terminé avec le programme d'ingénierie de base vers cette époque l'année prochaine, et nous sommes convaincus que nous pouvons y parvenir. Nous sommes satisfaits de l'état d'avancement de ce projet. Il ne fait cependant aucun doute que l'ensemble des paramètres à prendre en compte dans ce type de projet, et les difficultés auxquelles nos concurrents se heurtent pour la première fois, amènent tout le monde à s'interroger sur ces projets de construction d'un nouveau genre, et en particulier sur les calendriers et les coûts.

Le sénateur Runciman : Si l'Ontario choisissait d'adopter une autre orientation, quelles en seraient les répercussions pour EACL?

M. MacDiarmid : Nous nous ressaisirions, relèverions nos manches et nous remettrions au travail. En même temps, si notre propre province ne voulait pas faire affaire avec nous, cela nuirait très certainement à notre réputation sur la scène internationale.

Le sénateur Runciman : En ce qui concerne Point Lepreau, vous avez parlé de calendrier et d'évaluation de coûts, et cetera. Je lisais ce matin des coupures de presse et je suis convaincu que vous pouvez nous faire le point. Le coût de la révision complète était évalué au départ à 1,4 milliard de dollars. L'un des articles que j'ai lus affirme que vous avez maintenant dépassé ce montant de 475 millions de dollars. Cela ne tient pas compte des pertes de revenus, et je ne sais pas avec certitude ce qu'en pense le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Il est apparemment assez inquiet des coûts additionnels qu'il doit assumer au quotidien. Pouvez-vous nous faire le point de la situation et nous dire comment vous entrevoyez l'avenir avec ce projet?

M. MacDiarmid : Je vais me faire un plaisir de le faire. Ce projet s'est déroulé de telle façon qu'il est apparu très clairement que nous avions sous-évalué les difficultés techniques et surévalué nos capacités à respecter les délais et les coûts négociés au départ et apparaissant dans le contrat.

Ce contrat a été négocié relativement rapidement. Avec le recul que nous avons maintenant, nous pouvons tout critiquer, mais je sais qu'il a été négocié de bonne foi et avec les meilleures intentions du monde. Nous nous sommes lancés dans ce projet, que nous devions réaliser pour un prix déterminé à l'avance dans le contrat qui comportait des dispositions sur les dommages et intérêts, en assumant l'essentiel des risques économiques associés à sa réalisation. Il est devenu manifeste, lorsque le projet est allé de l'avant, que nous faisions face à des obstacles qu'il ne serait pas possible de résoudre aussi rapidement que nous l'avions escompté. Nous sommes tenus d'assumer les coûts directs et les retards.

Les coûts auxquels le gouvernement du Nouveau-Brunswick fait allusion sont ceux de l'énergie que la province doit acheter en remplacement. Aucune disposition du contrat ne nous oblige à assumer ces coûts. La position d'EACL est que nous allons honorer le contrat et c'est réellement ce que nous allons faire.

Le sénateur Runciman : Je suis un partisan de l'énergie nucléaire, mais si vous examinez la façon dont les choses se sont déroulées par le passé, vous pouvez comprendre que les gens fassent preuve de scepticisme au sujet des retards au démarrage et des dépassements de coûts, qui semblent être des problèmes endémiques dans l'industrie. C'est peut-être là un commentaire injuste, mais il faut reconnaître qu'étant donné la vision qu'en a le grand public, c'est un mode de production d'énergie beaucoup plus difficile à vendre.

Dans le cas de Point Lepreau, je crois savoir que vous avez embauché un certain nombre d'employés à temps partiel. Quel type d'autorisation sécuritaire ces employés doivent-ils avoir? Sont-elles comparables à celles des employés à temps plein et, si ce n'est pas le cas, pourquoi?

M. MacDiarmid : À ce que je sais, toute personne qui se voit remettre un insigne d'EACL doit obtenir une autorisation sécuritaire, et cela s'applique à tout le monde.

Le sénateur Runciman : Pouvez-vous nous dire brièvement quel est le niveau des vérifications qui sont faites?

M. MacDiarmid : Elles doivent être conformes aux politiques du gouvernement du Canada s'appliquant à une société d'État comme la nôtre. Quant à vous dire avec certitude et précision quel est le niveau de détail de ces vérifications, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse directe. Je peux certainement me procurer l'information détaillée et vous la communiquer plus tard, si vous le souhaitez. Nous respectons les politiques adoptées par le gouvernement du Canada pour toutes les sociétés d'État.

Le sénateur Runciman : Il y a quelque temps, un article faisait état de gens qui venaient de franchir la frontière et prenaient des photos de l'extérieur de Point Lepreau. Je ne me souviens pas des détails.

M. MacDiarmid : Je ne suis pas au courant de cet incident. Nous veillons à la sécurité de ces installations comme tout le monde devrait le faire. Nous collaborons étroitement avec Énergie NB et Bruce Power sur les questions de sécurité et sur toutes les autres.

Le sénateur Runciman : Y a-t-il des périmètres limitant l'approche des centrales nucléaires?

M. MacDiarmid : Oui. Toute installation nucléaire au Canada est aujourd'hui protégée par un vaste périmètre, totalement clôturé et équipé de systèmes de sécurité pour en contrôler l'accès. Il est passablement difficile pour quelqu'un d'accéder aux installations sans autorisation.

Le président : J'ai une question complémentaire sur Point Lepreau. En êtes-vous maintenant au point de pouvoir prédire avec un certain niveau de certitude quand vous aurez terminé les travaux qui vous incombent?

M. MacDiarmid : Nous n'avons pas annoncé publiquement la date à laquelle nous espérons avoir terminé les travaux de la phase qui nous incombe. Nous n'avons pas révisé récemment cette date. La dernière fois que nous l'avons fait était en septembre dernier, quand j'ai rencontré le premier ministre Graham et le ministre Keir. À cette époque, nous visions la mi-octobre 2010. Cette date nous paraît maintenant irréaliste. Ce sera plus tard, mais nous n'avons pas publié de date pour la simple raison que nous travaillons maintenant à la résolution de problèmes techniques pour la phase en cours des travaux, soit l'insertion des tubes de cuve. Les gens qui travaillent à Pointe Lepreau savent fort bien que, tant que nous n'aurons pas une idée précise de la date de fin de cette phase actuelle, toute prévision à plus longue échéance serait de nature purement spéculative.

Je me suis bien évidemment engagé auprès de notre client, Énergie NB, à leur communiquer cette date dès que nous serons convaincus de pouvoir nous y tenir.

Le président : Pensez-vous qu'il va s'agir de mois ou d'années?

M. MacDiarmid : Je préférerais ne donner aucune indication. Disons des mois et non pas des années. Aussitôt qu'on se laisse aller à ce jeu, on se trouve pris au piège et il n'y a aucun intérêt pour qui que ce soit à faire de telles spéculations.

[Français]

Le sénateur Poulin : J'aimerais tout d'abord vous remercier, monsieur MacDiarmid et monsieur Pilkington, pour vos présentations. Il est extrêmement intéressant d'entendre parler de votre plan d'entreprise et de vos objectifs dans les années qui vont suivre.

Comme vous le savez, lorsqu'on va d'Ottawa à Sudbury, on prend la route 17 et on passe par Chalk River.

Je passe par Chalk River depuis plusieurs années. Lorsque vous parlez des emplois à Chalk River, c'est extrêmement important. Cette communauté et tout le pays dépendent du succès de votre entreprise.

Dans votre plan d'entreprise, vous avez parlé des emplois. Quels ont été les impacts des derniers défis sur l'expertise canadienne dans le domaine de l'énergie nucléaire? Internationalement, le Canada a toujours été reconnu pour son expertise nucléaire.

Parlez-nous de l'impact sur les emplois qui requièrent une formation et une expérience dans le domaine.

[Traduction]

M. MacDiarmid : Nous accordons la plus haute importante au capital humain des laboratoires de Chalk River. Trois mille employés, dont la plupart sont des scientifiques et des ingénieurs ayant des formations très poussées, y travaillent au quotidien. Ils oeuvrent au service de tous les aspects de l'industrie nucléaire au Canada, y compris la production d'isotopes, la recherche et le développement au service du parc actuel de réacteurs CANDU. Ils contribuent à la recherche et au développement tourné vers l'avenir pour améliorer la technologie des réacteurs de type CANDU et ils participent à la gestion des déchets, aux activités de déclassement et aux missions qui sont importantes pour la gestion de l'ensemble du cycle du carburant et du nucléaire. Cela englobe des projets comme l'Initiative de la région de Port Hope, qui est importante pour les citoyens de cette collectivité. Cette équipe de gens est très importante pour l'avenir du nucléaire au Canada.

Les défis auxquels nous avons dû faire face, y compris concernant le RNU, la décision de mettre fin au projet de développement du réacteur MAPLE et les problèmes de calendrier et de coûts des projets de prolongation de la durée de vie, ont tous amené à se poser des questions sur notre organisation, nos capacités et notre avenir. Si nous sommes déçus d'être perçus de cette façon à l'extérieur, cela nous insuffle par contre de l'énergie parce que nous sommes déterminés à prouver aux sceptiques qu'ils ont tort. Nous disposons d'une technologie et d'un personnel de niveau mondial et le secteur du nucléaire a une importance vitale pour le Canada. Nous examinons cette question par le même bout de la lorgnette.

[Français]

Le sénateur Poulin : Des reportages au cours des dernières années, des derniers mois, nous ont démontré que les défis que votre organisation a connus ont causé la perte de scientifiques importants. On indique dans ces reportages que les scientifiques sont maintenant obligés de travailler de leur maison, à forfait, pour votre entreprise. Les reportages reflètent-ils la réalité?

[Traduction]

M. MacDiarmid : Nous avons maintenant des personnes qui, pour diverses raisons, travaillent à forfait dans des conditions qui varient de l'un à l'autre. Nous gérons nos affaires de façon efficiente. Toutefois, nous avons conservé dans ce complexe un noyau de nos compétences nucléaires et scientifiques.

M. Pilkington : Au cours des dernières années, il y a eu une augmentation d'activités dans les laboratoires de Chalk River et, dans l'ensemble, nous avons dû embaucher. Un certain nombre de programmes sont dotés de leur propre financement, dont le Programme des responsabilités nucléaires historiques, le Projet Nouveau départ pour renouveler les infrastructures et les capacités sur le site de Chalk River et le Programme de fiabilité de l'approvisionnement en isotopes pour améliorer la fiabilité de toutes les installations dans la chaîne d'approvisionnement en isotopes. En vérité, nous embauchons depuis plusieurs années et allons chercher davantage de compétences plutôt que d'en perdre.

[Français]

Le sénateur Poulin : Vous avez parlé de l'importance des revenus. Dans notre recherche, on mentionne un nombre important de contrats internationaux, d'ententes avec l'Argentine, la Corée, la Roumanie, la Chine, l'Inde et le Pakistan. J'imagine qu'il y en a d'autres.

Quels sont vos besoins exactement en termes d'investissement de la part gouvernement pour assurer les contrats importants avec divers pays? Comment entrevoyez-vous l'avenir en tant qu'agent de préparation d'énergie nucléaire?

[Traduction]

M. MacDiarmid : Notre modèle d'affaires n'est pas différent de celui de toute entreprise de haute technologie, en ce sens que nous investissons des montants importants pour élaborer des produits de pointe de niveau mondial et générer ainsi des recettes dégageant avec le temps une marge grâce à la vente et à l'entretien de ces produits. Dans toute grande entreprise de technologie, vous avez une combinaison d'activités de recherche et de développement, puis de ventes et d'installations, et ensuite de soutien ou de service.

Cela fait un certain temps que nous n'avons pas enregistré un niveau normal de recettes généré par de nouveaux projets de construction. Les recettes de tels projets génèrent le plus souvent une marge bénéficiaire qui aide à financer la recherche et le développement.

Les projets de prolongation de la durée de vie des réacteurs devaient combler le manque de recettes, imputable à l'absence de nouvelles constructions, en nous permettant d'encaisser des revenus additionnels et d'enregistrer des profits. Il s'est avéré que nous avons bien eu les recettes, mais pas les profits.

Aujourd'hui, nous avons besoin de l'aide de l'actionnaire pour poursuivre le développement des nouveaux réacteurs à construire. Cela dit, l'avenir d'EACL dépend de notre capacité à faire concurrence avec succès sur le marché intérieur et sur le marché mondial, et à vendre des réacteurs. Nous devons travailler pour que l'ACR-1000 et le réacteur CANDU 6 évolué, qui est la version de troisième génération du CANDU 6, soient prêts à être commercialisés. C'est ce que nous faisons actuellement. Ces deux réacteurs devraient nous permettre d'encaisser des recettes à l'avenir. La solution que nous préférerions serait de vendre des ACR jumeaux à l'Ontario.

Étant donné ses caractéristiques de rendement et sa taille, le réacteur CANDU 6 évolué est mieux adapté à des marchés comme ceux de l'Argentine et de la Roumanie, sur lesquels nous sommes déjà présents, et de la Jordanie, de l'Ukraine et d'un certain nombre d'autres pays dans lesquels nous menons déjà activement des activités conjointes de développement.

Nous sommes convaincus d'être une entreprise à deux technologies, et nous avons besoin d'une aide temporaire pour le développement de nos produits afin de parvenir à générer des recettes commerciales suffisantes pour financer notre propre développement, et nous sommes en cela tout à fait comparables à n'importe quelle autre entreprise de technologie.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de vous être joints à nous aujourd'hui. Vos commentaires préliminaires nous ont bien éclairés.

Combien avons-nous de réacteurs au Canada et combien y a-t-il de réacteurs CANDU dans le monde?

M. MacDiarmid : Comme d'habitude dans le nucléaire, il n'y a pas de réponse simple. Vingt-deux réacteurs nucléaires de style CANDU ont été construits au Canada. Parmi ceux-ci, deux ont été arrêtés de façon permanente à Pickering, ce qui fait qu'il en reste 20. Il y en a huit à la centrale de Bruce, six à celle de Pickering, quatre à celle de Darlington, et un à Gentilly-2 au Québec ainsi qu'un à Point Lepreau. Nous en avons construit neuf à l'étranger, soit quatre en Corée, deux en Roumanie, un en Argentine et deux en Chine.

Le parc de réacteurs d'Inde, qui remonte à 35 ans, repose sur la conception CANDU, mais nous n'avons rien construit dans ce pays depuis les tout premiers réacteurs. Il y en a plus de 20, mais ils ont tous été construits par la Nuclear Power Corporation of India Limited.

Le sénateur Neufeld : Je crois savoir que le Canada produit actuellement environ 75 p. 100 de son électricité à même des sources propres. Avec les changements climatiques, votre type de production d'électricité soulève de plus en plus d'intérêt. Quel succès pensez-vous pouvoir obtenir dans le reste du Canada, et plus précisément dans les provinces qui doivent se pencher sérieusement sur leurs émissions de gaz à effet de serre, soit l'Alberta et la Saskatchewan dans l'Ouest du pays? Les perspectives y sont-elles bonnes?

M. MacDiarmid : Oui.

Le sénateur Neufeld : Où en êtes-vous rendu? Je suis assez attentivement ce qu'on dit en Colombie-Britannique de la production nucléaire en Alberta, et on ne parle guère de réussite jusqu'à maintenant.

M. MacDiarmid : Je n'ai pas encore frappé à beaucoup de portes en Colombie-Britannique, mais on y retrouve une bonne base d'appuis au nucléaire, et des possibilités réelles en Alberta et en Saskatchewan.

Ce sont bien évidemment les sables bitumineux qui offrent le plus de possibilités et, quant à savoir si le nucléaire pourrait jouer un rôle pour aider cette ressource à tenir ses promesses, la réponse ne relève pas de nous. Le secteur des sables bitumineux choisira lui-même la principale technique d'extraction qu'il utilisera.

Nous pensons que s'il continue à utiliser massivement la technique du drainage assisté au moyen de vapeur, le nucléaire n'est pas la solution qui lui convient. Pour être plus précis, les installations nucléaires que nous exploitons ne sont pas la solution idéale étant donné leur taille. Toutefois, si ce secteur devait décider d'adopter des techniques d'exploitation faisant une utilisation plus intensive de l'électricité, cela pourrait faire une vraie différence quant au rôle que le nucléaire pourrait alors jouer. Je suis catégorique à ce sujet, mais c'est le secteur des sables bitumineux qui prendra la décision et non pas nous.

Le sénateur Neufeld : Il ne s'agit pas uniquement du secteur des sables bitumineux. Beaucoup de choses se passent dans les provinces qui font surtout appel au charbon pour produire leur électricité. En Colombie-Britannique, au moins jusqu'à ce que la province révise son plan énergétique, que j'ai présenté, le nucléaire n'y figure pas. Je n'imagine donc pas que vous puissiez aller frapper à des portes dans cette province.

Ce sont les garanties données par la population canadienne, par l'intermédiaire d'EACL, qui me préoccupent pour les réacteurs qui se trouvent au Canada. Je peux les accepter à la rigueur, mais en dehors du pays, pouvez-vous me dire si les contribuables canadiens sont responsables de ces neuf réacteurs partout dans le monde pendant toute leur durée de vie et jusqu'à leur déclassement? Jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai vu a été des dépenses. Sommes-nous responsables de ces réacteurs et, si quelque chose va de travers, les contribuables canadiens sont-ils responsables?

En second lieu, j'aimerais savoir ce qu'a fait EACL dans le domaine du déclassement. Nous savons que c'est un problème énorme aux États-Unis. C'est au moins ce que j'ai entendu dire dans ce pays. Je ne suis pas un spécialiste, mais je sais qu'on en a beaucoup parlé.

Pouvez-vous, s'il vous plaît, répondre à ces deux questions?

M. MacDiarmid : Tous les projets que nous avons réalisés à l'étranger ont été rentables. Ce sont des choses que nous avons maintenant oubliées avec le temps et que la situation actuelle occulte, mais quand vous examinez les projets que nous avons réalisés en Chine, en Corée, en Roumanie et en Argentine, nous avons gagné de l'argent et je suis convaincu que nous pouvons le faire à nouveau.

Nous assumons les obligations usuelles du vendeur dans notre secteur, et celles-ci sont limitées dans le temps et ne s'appliquent plus maintenant. Nous n'avons aucune responsabilité résiduelle dans le cas d'accidents nucléaires ou d'autres questions ayant à voir avec le fonctionnement de ces réacteurs. Ils relèvent de la responsabilité des entreprises publiques qui les exploitent dans ces pays. Je peux vous donner des assurances fermes à ce sujet.

Le sénateur Neufeld : La seconde partie de la question portait sur les déclassements.

M. MacDiarmid : Le déclassement constitue davantage une occasion d'affaires qu'une responsabilité. Nous n'avons pas la responsabilité du déclassement de ces réacteurs dans les autres pays. Nous pourrions fournir des services dans ce domaine, mais nous n'avons pas d'obligations financières ou de responsabilités juridiques que nous devions assumer actuellement pour le parc de réacteurs étrangers.

Le sénateur Neufeld : Dans le cas des 20 réacteurs en exploitation au Canada, et des autres unités prévues, les contribuables canadiens continueront-ils à être responsables d'une bonne partie des coûts de fonctionnement et d'entretien et des autres aspects imprévus qui surviendront à l'avenir et des déclassements au Canada?

M. MacDiarmid : Aujourd'hui, les contribuables canadiens ne sont pas responsables. Les contribuables canadiens sont tenus de tenir les engagements contractuels que nous avons pris dans le cadre des travaux de remise en état, mais l'exploitation et les autres activités associées au parc de réacteurs relèvent de la responsabilité des entreprises publiques qui les possèdent et qui les exploitent.

En ce qui concerne les obligations que nous avons encore, elles découlent des ententes contractuelles que nous avons conclues avec ces clients et ne s'appliquent pas au parc actuel.

Le sénateur Neufeld : J'ai peut-être mal compris, mais j'ai lu récemment que le gouvernement fédéral avait assumé une partie des coûts de Point Lepreau car vous êtes une société d'État. Avez-vous réalisé un profit sur cette opération qui compenserait ces coûts totaux? Où puis-je trouver l'information montrant ce qui a été fait dans le domaine des ventes et les recettes enregistrées qui ont réellement compensé les coûts encourus maintenant et qui pourraient l'être à l'avenir.

M. MacDiarmid : Il était prévu à la signature du contrat que ce serait une entreprise rentable. Cela n'a manifestement pas été le cas.

Nous tenons nos obligations contractuelles. Notre première obligation, à mon avis, est d'opérer en toute sécurité, la seconde est de livrer à nos clients un produit final de haute qualité qui leur fournira de l'énergie pendant 25 à 30 ans en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Québec.

Il est bien évident que la seconde considération concerne le calendrier et les coûts. Dans ce domaine, étant donné la nature des contrats que nous avons signés et les obligations que nous assumons, nous encourons des coûts qui dépassent nos revenus et ces projets se traduiront donc par des pertes. J'aimerais croire qu'il s'agit là d'un cas unique sur la courbe d'apprentissage à suivre pour réaliser ces projets de prolongation de la durée de vie.

Nous avons conclu des contrats avec Bruce, Point Lepreau, Énergie NB, Korea Hydro & Nuclear Power et avec Hydro-Québec au sujet du projet de Gentilly-2.

J'ai très clairement pour objectif, et c'est sans aucun doute l'orientation de mon organisation, que nous fassions de notre mieux sur tous ces projets, mais aussi que les projets réalisés au début qui se sont avérés coûteux soient remplacés et suivis par des projets qui seront des réussites commerciales.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie et j'en ai bien conscience. Je vais me souvenir de ce que vous venez de dire, que les projets à venir seront réalisés sur une base commerciale. Cela signifie qu'ils ne constitueront plus un coût pour les contribuables canadiens.

M. MacDiarmid : Je peux vous assurer que nous n'avons absolument aucun intérêt à continuer à avoir le type de résultats que nous avons eu par le passé.

Le sénateur Peterson : Quelle est la durée de vie évaluée d'un réacteur remis en état à Chalk River?

M. Pilkington : Les réparations auxquelles nous procédons sur le NRU sont destinées à permettre à la cuve de durer pendant toute sa vie utile prévue. Ce réacteur pourrait fonctionner jusqu'au-delà de 2016. La date à laquelle il sera réellement mis hors service dépendra des résultats des inspections périodiques destinées à déterminer le taux de vieillissement du réacteur et de la cuve. Nous dirions actuellement qu'il devrait certainement pouvoir rester en production au-delà de 2016 et peut-être jusqu'à 2021.

Le sénateur Peterson : Risquez-vous de perdre des parts de marché parce que vous n'êtes pas certain de pouvoir assurer la livraison après 2016, ou la demande est-elle si importante que cela n'est pas un problème.

M. MacDiarmid : Je vais répondre à cette question, mais nous passons ici dans le domaine des décisions de politique qui relèvent du gouvernement du Canada et non pas d'EACL. Nous devons remettre le réacteur en service aussi rapidement que possible; nous devons l'exploiter de façon fiable pour produire des isotopes. Une fois qu'il sera remis en service, nous devrons nous assurer que le réacteur obtient à nouveau une licence d'exploitation en octobre 2011, parce que notre licence actuelle prend fin à cette époque, et nous devrons poursuivre la production d'isotopes jusqu'en 2016.

Nous espérons avoir une capacité de production suffisante pour répondre à la demande du marché parce que, au cours de la dernière année, le marché s'est ajusté de façon importante. Le milieu médical et la chaîne d'approvisionnement ont tous trouvé des solutions efficientes qui ont permis non pas de réduire l'ampleur de la crise, mais de la rendre moins grave que cela aurait pu être le cas. Nous devons attendre pour voir quel sera le niveau de la demande de nos isotopes pendant cette période. Nous nous attendons à ce que le NRU continue à fournir une part importante de la production mondiale d'isotopes quand il sera en service.

Le sénateur Peterson : Si le projet de loi C-9 est adopté et que le gouvernement décide de vendre, y a-t-il une partie de l'entreprise qui appartiendra au gouvernement du Canada ou toute l'entreprise est-t-elle mise aux enchères?

M. MacDiarmid : C'est là une décision que le gouvernement devra prendre en négociant avec les investisseurs éventuels. Aucun membre de la direction d'EACL ne sera dans le secret.

Le sénateur Peterson : Lorsque vous vendez des réacteurs à travers le monde, envisagez-vous de vendre l'ensemble conception-construction ou vous contentez-vous simplement de vendre le réacteur?

M. MacDiarmid : Nous adaptons notre volume de travail à la portée du projet. Les éléments de l'ensemble d'un projet que nous prenons en charge varient d'un cas à l'autre. Nos compétences de base sont la conception de la cuve et du réacteur nucléaire lui-même, soit le système nucléaire d'alimentation en vapeur ou l'îlot nucléaire, comme nous l'appelons. Outre la conception, nous prenons également en charge l'acquisition et la fourniture des éléments essentiels, parce que cela constitue un élément important de la capacité de ces réacteurs à fonctionner selon les spécifications prévues lors de leur conception. En règle générale, nous travaillons avec des partenaires à la construction et au reste du plan, soit le volet plus classique de la turbogénératrice d'une centrale nucléaire. C'est ainsi que, en Ontario, nous avons fait une offre de service en partenariat avec SNC-Lavalin sur le reste du plan. La portée de nos travaux variera donc d'un projet à l'autre. La plupart du temps, nous préférons être le gestionnaire de projet parce que nous estimons que le fournisseur et le vendeur, à qui il incombe de gérer le coeur de la technologie, doivent aussi gérer le projet. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas. Notre niveau d'implication varie d'un site à l'autre.

Le sénateur Marshall : Pourriez-vous nous parler des protocoles en cas d'incidents nucléaires et de l'implication d'Énergie atomique du Canada limitée lorsque ceux-ci se produisent. Nous suivons tous la façon dont les choses se déroulent aux États-Unis avec la marée noire et ses répercussions sur l'environnement. Dans le cas d'un incident nucléaire, fait-on la distinction entre des incidents mineurs et majeurs? Quel est le protocole qui est suivi et quel est votre niveau d'implication?

M. MacDiarmid : Je vais laisser M. Pilkington vous répondre. Il était responsable du site de Point Lepreau avant EACL. C'est lui qui est le mieux en mesure de vous répondre.

M. Pilkington : Chaque centrale nucléaire est tenue, par les dispositions de la licence que lui accorde la Commission canadienne de sûreté nucléaire, d'avoir des plans d'urgence en vigueur. Ces plans précisent la façon dont il faudra réagir sur le site en cas d'urgence, et il peut y avoir de nombreux types différents d'urgence. Ces plans définissent également l'information qu'il faudra communiquer et les autres organismes qui doivent être impliqués pour gérer l'urgence et réduire au minimum les dommages.

En ce qui concerne le rôle d'EACL, elle connaît bien la conception et le fonctionnement de chacune des centrales et leur assure des services. Il est peu probable qu'EACL soit impliquée au cours de la première réaction à un incident. Chaque propriétaire de centrale nucléaire doit avoir les moyens de gérer tout ce qui peut se produire. Toutefois, dans le volet ultérieur de l'atténuation des conséquences et de la remise en état, il est fort probable qu'EACL sera invitée à intervenir à plus long terme, car nous connaissons la conception des centrales et nous sommes en mesure d'y faire des réparations.

M. MacDiarmid : Dans le cas du site de Chalk River, c'est nous qui assumons les responsabilités.

M. Pilkington : Dans le cas du RNU de Chalk River, nous sommes le propriétaire et l'exploitant de la centrale et nous assumons ces responsabilités. Nous avons mis en place ces plans d'urgence. Ils sont continuellement en vigueur et ils sont efficaces. Nous sommes en permanence prêts à faire face à une urgence.

Le sénateur Marshall : Quel organisme assure la surveillance, ou est-elle laissée aux bons soins de chaque centrale? Chaque centrale exerce-t-elle la surveillance elle-même ou y a-t-il un organisme de surveillance ou un organisme parapluie quelconque?

M. Pilkington : Non. Selon la nature de l'incident, les responsables de la centrale communiquent avec l'organisme chargé de la réglementation, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui s'adresse alors à l'organisation des mesures d'urgence responsable à cet endroit.

Lorsqu'il faut intervenir en dehors des centrales, ce sont les organismes de mesures d'urgence de l'Ontario qui prennent la direction des opérations.

Le sénateur Marshall : Pour revenir à Point Lepreau, vous avez dit précédemment ne pas vouloir donner de nouvelle évaluation de la date à laquelle les travaux seront terminés. Quelle est la dernière évaluation disponible des coûts? Est-ce 1,4 milliard de dollars?

M. MacDiarmid : Nous n'allons pas publier de mise à jour du volet financier. Je faisais référence au calendrier. L'indication la plus récente que nous ayons donnée sur le calendrier était que nous aurions terminé l'essentiel du travail qui nous incombe au 15 octobre 2010.

Le volet financier relève de la responsabilité du gouvernement du Nouveau-Brunswick qui a publié une évaluation à jour de ses coûts totaux. Le montant de nos coûts y est intégré, mais il s'agit de coûts fixes. Le contrat que nous avons conclu avec le gouvernement de cette province ne nous autorise pas à facturer des montants additionnels. Cela revient à dire qu'il ne nous verse pas davantage d'argent.

Le sénateur Marshall : Si le Nouveau-Brunswick n'assume pas les coûts additionnels, qui le fait? Est-ce vous?

M. MacDiarmid : À l'heure actuelle, EACL assume les coûts prévus par son contrat.

Le sénateur Marshall : Cela veut-il dire que c'est le gouvernement fédéral qui paie la facture? Le chiffre apparaissant dans le budget de 2010-2011 était d'environ 100 millions de dollars. Je crois que vous avez fait état d'un chiffre de 300 millions de dollars en sus de ces 100 millions de dollars. À quoi faut-il s'attendre d'autre à l'avenir pour Point Lepreau?

M. MacDiarmid : Nous suivons de très près ce qu'il nous en coûte pour exécuter ce contrat. Nous avons des discussions régulières avec notre conseil d'administration et avec le comité d'examen des risques du projet de ce conseil et, par son intermédiaire, avec le gouvernement du Canada. Nous continuons à réviser nos prévisions sur une base trimestrielle. Ces chiffres seront communiqués aux dates prévues par le cycle budgétaire du gouvernement.

Le sénateur Marshall : Pouvons-nous nous attendre à une autre facture en plus des 100 et des 300 millions de dollars?

M. MacDiarmid : Les 100 millions de dollars constituent le financement de base d'EACL, et sont destinés dans une large mesure au laboratoire nucléaire. Le montant de 300 millions de dollars était le financement accordé par le gouvernement dans le budget. Je ne suis pas en mesure de faire des spéculations sur ce qui pourrait se produire d'autre. Le gouvernement nous accordera un financement, dont nous devrons nous contenter.

Le sénateur Marshall : La question soulevée par mon collègue sur vos compétences m'intéresse. Certains ont l'impression que vous perdez vos compétences dans ce domaine à cause des dépassements de coûts et des retards dans les projets de remise en état et du fait de tous les problèmes que vous avez connus au cours des dernières années. Qu'en pensez-vous? Estimez-vous qu'il y a un problème de compétences au sein de votre organisation? Êtes-vous d'avis que, en faisant la comparaison avec d'autres organisations, vous perdez du terrain? Vous nous avez dit que vos recettes sont inférieures à vos prévisions, et il semble donc que plusieurs facteurs attirent l'attention sur une perte probable de compétence.

M. MacDiarmid : C'est un marché concurrentiel au niveau mondial, et nous y sommes perçus comme détenteurs de beaucoup de talent. Il ne fait aucun doute que nous sommes en permanence confrontés à la possibilité que certains de nos spécialistes soient attirés ailleurs. C'est même vrai sur le marché intérieur. Le marché du travail est libre.

Je ne conclurai toutefois pas à une perte de capacités et donc à une incapacité à réaliser les projets. En réalité, la complexité technique des projets est si grande que, en les réalisant, nous faisons l'acquisition d'une base de connaissances et d'un capital humain au lieu de le perdre, parce que nous apprenons comment faire ces travaux. Nous avons enregistré une réduction linéaire du temps nécessaire à l'exécution des projets en passant de celui de la centrale de Bruce au projet de Point Lepreau et au projet Wolsong. Nous avons mis à chaque fois moins de temps pour exécuter le projet, et les diverses séquences de réparation, et nous espérons que cette tendance se poursuivra. Nous espérons que, lorsque nous procéderons à l'arrêt du réacteur de Point Lepreau au nom d'Hydro-Québec ou de celui d'Embalse au nom de l'entreprise de services publics d'Argentine, nous aurons alors une main-d'oeuvre qui aura des qualifications et une expérience uniques. Je comprends toutefois le scepticisme dont font preuve certains parce que nous nous trouvons à un moment où il apparaît que nous avons eu du mal à tenir nos engagements ou que nous sommes confrontés à des défis. Cela est dû aux attentes qui ont été créées et aux contrats signés par le passé, et nous n'avons d'autre choix que d'accepter la responsabilité du point où nous en sommes.

Je me permets toutefois de vous inciter vivement à ne pas cataloguer EACL comme une société n'ayant pas les compétences fondamentales en la matière. En vérité, nous sommes des leaders dans le monde dans notre domaine, nous nous attaquons tout simplement à des tâches extrêmement difficiles.

Le sénateur Marshall : Avez-vous récemment perdu beaucoup de membres de votre personnel ou beaucoup de compétences? Comment se passe votre recrutement? Avez-vous de la difficulté à recruter?

M. MacDiarmid : Je tiens à faire preuve de prudence en vous répondant. Nous avons 5 000 employés qui se présentent au travail tous les jours. Ils travaillent fort, ont du talent et sont spécialisés. Nous observons un phénomène naturel d'érosion des effectifs, comme dans toute organisation, mais il est de l'ordre de 3, 4 ou 5 p. 100, ce qui se traduit par un taux de roulement normal du personnel. Nous avons également un phénomène propre à l'industrie nucléaire, qui est une répartition bimodale de nos employés par âge. Nous avons une cohorte importante de personnes expérimentées qui ont participé à la croissance du secteur nucléaire au Canada dans les années 1970 et 1980, avant les accidents de Tchernobyl et de Three Mile Island, après lesquelles l'industrie nucléaire a connu une période de malaise pendant 15 à 20 ans. Nous avons un groupe de gens chevronnés dont nous devons transférer les connaissances à un groupe d'ingénieurs relativement plus jeunes. Nous sommes parvenus à les attirer chez nous. Nous disposons d'un réseau d'universités et de collègues communautaires qui assure l'enseignement en ingénierie nucléaire, et c'est un avantage énorme. Pour obtenir ces talents, nous faisons concurrence à Ontario Power Generation et à Bruce Power, mais nous obtenons notre juste part.

Je n'ai pas le sentiment que nous soyons confrontés aujourd'hui à une forme quelconque d'exode des talents ou à quoi que ce soit qui y ressemble. Nous devons simplement être concurrentiels. Nous devons communiquer aux gens que nous voulons voir venir chez nous une vision de croissance pour l'avenir. Pour rester chez nous, ils doivent avoir le sentiment d'y avoir un avenir. J'estime, bien évidemment, que notre avenir est prometteur. Il faut simplement que nous nous organisions de façon à y parvenir, et le plus tôt sera le mieux. Si nous connaissons une période prolongée d'incertitude sur l'avenir d'EACL, nous aurons alors sans aucun doute davantage de difficulté à conserver nos employés et à en attirer de nouveaux.

Le sénateur Marshall : Pouvez-vous nous faire le point sur la cession, en autant que vous puissiez en parler en public?

M. MacDiarmid : C'est une contrainte pour les carrières. Non, je plaisante. Il est bien évident que c'est une question qui ne relève pas de la direction, mais de l'actionnaire. Celui-ci fait appel à nous pour profiter de nos compétences et de nos connaissances et nous invite à rencontrer des investisseurs éventuels pour leur permettre d'obtenir une meilleure compréhension de nos activités.

Il a déjà été déclaré en public qu'on a invité les parties intéressées à se manifester, qu'elles l'ont fait et qu'il y en avait plusieurs. Leur nombre a maintenant été réduit. Je crois savoir que l'objectif est de transformer ces manifestations d'intérêt informelles en offres plus contraignantes et d'entamer les négociations. Dans tout processus comme celui-là, il est difficile de s'en tenir à un échéancier rigide. Je crains malheureusement de ne pouvoir vous en dire plus. Ce n'est pas mon rôle. C'est un processus complexe et sophistiqué qui nécessite beaucoup de temps et d'attention.

Le sénateur Murray : J'ai plusieurs questions à vous poser dont j'aurais pu trouver les réponses si j'avais fait mes recherches et je vous demande donc de me pardonner. Je veux approfondir le sujet abordé par le sénateur Neufeld sur les garanties que le gouvernement et les contribuables ont données à d'éventuels clients étrangers.

Si je me souviens bien, au cours des années, les gouvernements ont offert des mesures incitatives à plusieurs clients étrangers qui s'intéressaient au réacteur CANDU. L'un de mes problèmes est que je n'arrive pas à me souvenir si cela a été fait à même le compte du Canada ou en passant par Exportation et développement Canada, ou en recourant à une autre agence comparable.

M. MacDiarmid : Exportation et développement Canada est un partenaire financier important pour nous. Au cours des années, EDC nous a aidés à conclure un certain nombre de transactions. Il ne fait aucun doute que le crédit à l'exportation est un élément important des affaires internationales, mais il est toujours lié aux retombées au Canada et à la participation de fournisseurs canadiens à ces contrats.

Encore une fois, cela nous ramène avant mon arrivée à EACL.

Le sénateur Murray : Depuis combien de temps êtes-vous à EACL?

M. MacDiarmid : Cela fait deux ans et quatre mois, sénateur.

Le sénateur Murray : Comme président?

M. MacDiarmid : Oui.

Le sénateur Murray : Et vos collègues?

M. MacDiarmid : M. Harris s'est joint à nous l'automne dernier et M. Pilkington l'a fait il y a un peu plus de quatre ans.

Le conseil d'administration m'a clairement donné le mandat de veiller à ce que nous ayons la meilleure équipe de direction possible à EACL, et j'ai apporté un certain nombre de changements. M. Harris est l'un de nos quatre nouveaux cadres de direction qui se sont joints à nous l'an dernier.

Le sénateur Murray : Comme le sénateur Neufeld et d'autres parmi nous s'intéressent au sujet des garanties et des mesures incitatives, et cetera, nous devrions peut-être demander à des responsables d'Exportation et développement Canada de venir. Je me souviens que, il y a quelques années, une entente avait été conclue, au niveau ministériel je crois, avec les Chinois. Dans ma compréhension simpliste des choses, je crois qu'on leur donnait de l'argent pour acheter notre technologie. Vous n'avez pas à faire de commentaire sur ceci.

M. MacDiarmid : Je m'en garderai bien.

Le sénateur Murray : Vous avez répondu à ma question en répondant au sénateur Marshall. Je comprends, comme l'a signalé le sénateur Ringuette, que le ministre peut faire passablement ce qu'il veut des opérations commerciales d'EACL, si je lis bien ceci, sans même en référer au Parlement, jusqu'à aller à dissoudre complètement la société.

L'appel de propositions a été lancé en décembre 2009. Cela fait cinq mois maintenant. Vous nous avez dit qu'il y a eu plusieurs réponses. J'en déduis que vous et vos collègues participez à l'analyse de ces propositions?

M. MacDiarmid : Non, nous ne le faisons pas. Nous ne sommes impliqués en rien dans l'analyse des soumissions ni dans les négociations. On nous a demandé de présenter des plans d'affaires, ce qui est normal dans toute transaction commerciale, afin de répondre à la question « Qu'est-ce que j'achète? ». Nous avons décrit, au mieux de nos connaissances, la façon dont l'avenir pourrait se présenter, et nous avons également répondu à des questions sur notre exploitation et nos activités actuelles. Nous nous sommes contentés de répondre.

Le sénateur Murray : L'analyse doit donc être faite par le ministre et ses conseillers, et les organismes centraux, comme le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, le Conseil privé, et cetera?

M. MacDiarmid : C'est probable avec un apport important de conseillers financiers qu'ils ont embauchés.

Le sénateur Murray : Nous devrions peut-être inviter un de ces jours le ministre des Ressources naturelles parce qu'il ne me paraît pas juste d'interroger ces gens.

Le président : Nous allons entendre des représentants d'Exportation et développement Canada demain soir.

Le sénateur Murray : Bien. Je serai là.

Vous avez parlé de plans d'affaires. Comment décririez-vous la situation de votre société actuellement, sachant ce que vous savez du désir du gouvernement de se départir de votre organisation? Êtes-vous en mode d'attente? Les affaires se poursuivent-elles normalement? Que diriez-vous à ce sujet?

M. MacDiarmid : En un sens, nous sommes prêts à faire des affaires. Nous voulons aller de l'avant et continuer à développer nos activités et à saisir les possibilités de générer des revenus qui se présentent à nous. Nous n'avons pas de contrôle sur ce que font nos clients ni sur la façon dont ils nous considèrent. Je crois qu'il est manifeste que l'incertitude concernant le propriétaire à venir d'EACL joue un rôle, et nous nous efforçons de conclure des transactions et nous voulons y arriver. En même temps, nous savons bien évidemment que plus rapidement nous saurons ce qu'il adviendra et mieux cela vaudra pour nous et pour notre capacité à aller de l'avant.

Le sénateur Murray : Avez-vous le pouvoir d'emprunter?

M. MacDiarmid : Non, nous ne l'avons pas.

Le sénateur Murray : Lorsque vous enregistrez un déficit, c'est le Parlement qui bouche le trou?

M. MacDiarmid : Oui, sénateur.

Le sénateur Murray : Les activités commerciales d'EACL, qui sont actuellement en vente ou qui pourraient être fusionnées avec d'autres, ou quoi qu'on en fasse d'autre, constituent donc une entreprise qui n'a pas de dettes. C'est bien cela?

M. MacDiarmid : Je dois faire attention à ne pas aller au-delà de mes responsabilités, mais je crois qu'on peut effectivement dire que le gouvernement du Canada a investi, comme on l'a rappelé précédemment, des montants importants pour amener EACL dans cette situation. J'imagine que le gouvernement du Canada aimerait rentabiliser dans une certaine mesure cet investissement, si cela s'avère possible. Il ne serait que normal de s'attendre à ce qu'un investisseur partage à l'avenir une partie des risques, assume une partie des coûts et partage les profits à venir. Tout cela fera l'objet de négociations pour parvenir à une entente commerciale, parce qu'il n'y aura pas d'investissement de capitaux privés si les investisseurs ne s'attendent pas à ce qu'ils soient rentables.

Nous finirons bien par parvenir à un résultat. Je suis d'avis qu'EACL a une valeur importante aujourd'hui. Je ne suis pas en mesure de la chiffrer, mais, en étant réaliste, en examinant les états financiers d'aujourd'hui, vous devez avoir confiance en notre avenir. Le principal élément qui nous confère une valeur et garantit notre croissance à venir est notre capacité à vendre de nouveaux réacteurs, que ce soit l'ACR-1000 ou le réacteur CANDU 6 évolué. Nous entrevoyons un certain nombre de ventes possibles de ces réacteurs dans le monde.

En ce qui concerne les activités de prolongation de durée de vie, qui sont en réalité des remises en état de réacteurs, lorsque nous aurons terminé le projet Embalse en Argentine, c'est en Ontario que nous aurons des remises en état à faire. Les tubes de force des réacteurs ontariens approchent de l'expiration de leur cycle de vie de 25 à 30 ans. Ils doivent être remis en état au bout d'une période d'environ 25 ans. La prochaine série de 10 réacteurs à remettre en état se trouve donc en Ontario.

Nous sommes d'avis qu'EACL a un rôle important à jouer dans ces projets. En même temps, ces réacteurs sont exploités par de grandes entreprises sophistiquées de services publics qui ont leurs propres moyens, et il est donc possible qu'elles comptent moins sur nous. Cela dépendra d'elles, mais nous avons là des possibilités d'affaires.

Nous générons environ 150 millions de dollars d'affaires rentables en assurant le service du parc actuel et nous espérons bien que ce chiffre augmentera à l'avenir. C'est là un volet intéressant pour un acheteur éventuel. Une partie de cette valeur doit être convertie en entente pour nous permettre de faire le pont entre le point où nous en sommes et une activité commerciale qui serait rentable, indépendante et autosuffisante à l'avenir.

Le sénateur Murray : Vous décrivez les choses de façon attrayante pour un acheteur éventuel. Vous n'êtes bien sûr pas surpris par les plans du gouvernement ou par son souhait sincère de céder EACL.

M. MacDiarmid : La dernière série d'études a débuté juste avant mon arrivée. Le projet a été annoncé en novembre 2007 et en mai 2009, le ministre de l'époque a annoncé qu'il avait été décidé d'aller de l'avant. Oui, c'est effectivement une question à l'étude depuis un certain temps.

Le sénateur Murray : Si j'ai bien compris, le ministre ne vous a pas précisé dans quel délai le gouvernement espère régler cette cession ni ne vous a dit comment se présenterait l'avenir.

M. MacDiarmid : Je peux fort bien imaginer qu'il est difficile de définir un calendrier auquel vous allez vous tenir dans ce type de situation. Nous prenons des mesures à l'interne pour nous préparer à mettre en oeuvre les modifications qui seront nécessaires pour faire une transaction, et nous prenons ces mesures aujourd'hui. EACL est en train d'adopter une structure organisationnelle et de responsabilisation légèrement différente et d'implanter à l'interne des changements à nos modalités de fonctionnement. Nous prenons certaines mesures pour nous assurer que les infrastructures sont en place pour permettre au laboratoire de Chalk River de fonctionner comme une unité autonome après une partition. C'est là de la mécanique interne.

Le sénateur Murray : Il faudrait que je me rafraîchisse la mémoire, mais je crois que lorsque Air Canada et le CN ont été privatisés, cela a nécessité l'adoption de deux lois par le Parlement et nous avons défini les conditions, et cetera. Je ne sais pas, et j'imagine qu'il en est de même pour vous, si, en plus des pouvoirs qui sont accordés ici au gouverneur en conseil, et qui semblent passablement larges, le Parlement prendre d'autres mesures.

M. MacDiarmid : Je l'ignore tout simplement.

Le président : Sénateur Murray, avant que nous finissions d'examiner le projet de loi C-9, nous entendrons le ministre pour savoir quelle est sa position dans ce domaine, et nous pourrons éclaircir ce point à ce moment-là.

Monsieur MacDiarmid, vous avez indiqué qu'une étude qui a débuté en 2007 avait servi de base à l'annonce faite par le ministre en 2009. Cette étude a-t-elle été rendue publique et vous est-il possible de nous en remettre une copie?

M. MacDiarmid : Je crois, sénateur, que cette étude a été effectivement rendue publique. Je crois que la première étude a été réalisée par la Financière Banque Nationale, et qu'elle a été diffusée. Je vais me faire un plaisir de le vérifier.

Le président : Pouvons-nous la trouver sur un site web? Vous pourriez simplement nous donner son adresse.

M. MacDiarmid : Nous vous ferons un plaisir de vous l'indiquer. Je crois, me souvenir qu'au moins un résumé de cette étude a été rendu public.

Si nous disposons d'assez de temps et que cela vous intéresse, nous avons apporté quelques échantillons des soudures que nous faisons dans la cuve du réacteur. Si quelqu'un veut les voir... nous pourrions y consacrer un certain temps.

Le président : J'espère que ces soudeurs sont vos employés.

M. MacDiarmid : Des employés et certains entrepreneurs.

Le président : Une fois le projet terminé, ils ne vont pas partir travailler pour quelqu'un d'autre.

Vous nous avez dit aider le ministre à montrer un dossier pour des acheteurs éventuels en préparant un plan d'affaires. Dans ce plan d'affaires, incluez-vous les deux réacteurs MAPLE?

M. MacDiarmid : Non. Les réacteurs MAPLE ne sont en aucun cas touchés par ces discussions, parce qu'ils relèvent du laboratoire de Chalk River et non pas de nos activités commerciales.

Le président : Mais la production d'isotopes médicaux n'est-elle pas une activité commerciale en soi, distincte des activités de recherche qui se font à Chalk River?

M. MacDiarmid : Je vous répondrai catégoriquement non, à mon avis, parce que la production d'isotopes ne génère pas de revenus vraiment compensatoires pour EACL. Nous avons englouti beaucoup plus d'argent dans cette production que nous n'en retirerons jamais du marché. Cela nous ramène aux procédures judiciaires en cours avec notre distributeur.

Dans ce domaine, nous souhaitons rendre cette production aussi rentable que possible. Une autre considération pratique est que cette production d'isotopes fait tellement partie intégrante de la centrale de Chalk River qu'il serait difficile, en pratique, de trouver une solution logique pour en faire une entité distincte. Les activités d'EACL sont réparties sur trois campus, celui de Sheridan Park à Mississauga, celui de Chalk River et celui de Whiteshell au Manitoba. La totalité de la production d'isotopes et les accords de distribution, et toutes les questions qui y sont liées, continueront à relever du gouvernement du Canada.

Le président : Si j'ai bien compris, les deux réacteurs MAPLE de Chalk River devaient produire des isotopes médicaux.

M. MacDiarmid : Oui.

Le président : Avez-vous calculé les coûts et les délais additionnels qu'il faudrait pour que ces deux réacteurs MAPLE puissent produire des isotopes médicaux?

M. MacDiarmid : Nous avons analysé cette question de façon détaillée quand nous avons dû décider de ce que nous allions faire. C'était au début de mon mandat à EACL. Ce fut probablement la première décision importante que nous avons prise après mon arrivée et nous l'avons étudiée en profondeur.

Nous avons estimé à l'époque, et c'est manifestement ce qui a justifié notre décision, que la mise en production des réacteurs MAPLE serait coûteuse, longue et présenterait des risques importants. Cela nous a aussi amenés à réaliser que nous nous retrouverions avec un réacteur utilisant de l'uranium hautement et non pas faiblement enrichi. Nous avons estimé, et les événements des derniers mois nous ont montré que nous avions raison, qu'il n'aurait pas été très sage d'investir encore davantage d'argent dans un réacteur à uranium hautement enrichi. C'est une technologie qui s'accompagne de risques élevés.

La décision que nous avons prise reposait sur notre évaluation des risques, des coûts et des incertitudes techniques. Elle a fait l'objet d'une étude approfondie avec un groupe de spécialistes mandatés par le ministre. Je crois que les conclusions de ce groupe de spécialistes auraient appuyé la décision que nous avons prise. Nous n'avons pas étudié ces conclusions parce que, pour être honnête, cela ne nous a pas paru nécessaire. Rien dans nos plans pour l'avenir ne prévoit de remettre en service les réacteurs MAPLE. Nous ne pensons pas que ce serait une bonne façon d'investir l'argent des contribuables.

Le président : Vous venez de parler d'uranium hautement enrichi, mais l'ACR-1000 n'utilise-t-il pas de l'uranium enrichi?

M. MacDiarmid : Pas hautement enrichi. Il utilise de l'uranium légèrement enrichi. Il y a une différence énorme entre l'uranium hautement enrichi, de la qualité et de la pureté utilisées pour la production d'isotopes, et que nous gérons avec beaucoup de soins parce qu'il est hautement enrichi, et le niveau d'enrichissement utilisé dans les centrales nucléaires. Dans l'ACR-1000, nous parlons d'un enrichissement d'environ 2 p. 100 par rapport à l'uranium naturel, dont le taux d'enrichissement oscille entre 0,7 et 0,9 p. 100. Les réacteurs à eau légère utilisent de l'uranium enrichi à environ 4 p. 100, entre 3,5 et 4,5 p. 100. L'uranium hautement enrichi l'est à plus de 80 p. 100, si je ne me trompe pas. C'est un produit complètement différent.

Le président : De quel ordre est le pourcentage d'enrichissement de l'uranium utilisé par vos concurrents?

M. MacDiarmid : Les réacteurs à eau légère utilisent de l'uranium légèrement plus enrichi. Celui-ci l'est entre 3,5 et 4,5 p. 100. La majorité des centrales nucléaires à eau légère commercialisées par AREVA, Westinghouse et GE utilisent un uranium dont le taux d'enrichissement se situe entre 3,5 et 4,5 p. 100.

En vérité, c'est là une possibilité d'affaires intéressante pour nous. Je vais nous faire modestement un peu de publicité. L'un des avantages de la conception CANDU est que ce carburant enrichi, quand il est utilisé, en d'autres termes quand il est passé dans le réacteur et n'est plus utilisable dans un réacteur à eau légère, a un contenu fissile d'environ 0,9 p. 100, ce qui correspond au contenu fissile de l'uranium naturel que nous utilisons comme carburant. Nous travaillons actuellement avec les Chinois à des projets de démonstration pour utiliser l'uranium récupéré comme carburant pour alimenter le réacteur CANDU.

J'étais en Chine au mois de mars pour lancer un test visant à utiliser de l'uranium récupéré comme carburant pour un réacteur. Soudain, les Chinois se sont alors aperçus qu'ils pourraient produire de l'énergie sans aucune consommation nette d'uranium en utilisant ce qui constituait pour eux des déchets coûteux qu'ils peuvent maintenant transformer en carburant.

Pardonne-moi, mais une fois encore, nous devons nous louer des bons aspects du réacteur CANDU, et c'est l'un d'entre eux, la marge de manoeuvre que nous avons pour utiliser ce type de carburant. Cela séduit des pays comme la Chine et l'Inde qui sont victimes d'une pénurie d'uranium.

Le président : S'agit-il du réacteur CANDU 6?

M. MacDiarmid : Oui. Ce serait aussi possible avec l'ACR-1000, mais la plateforme que nous utilisons est le CANDU 6.

Le président : Avec le thorium qui est produit naturellement?

M. MacDiarmid : Oui. Les possibilités offertes par le thorium sont peut-être à un peu plus long terme, mais les réserves de ce métal sont trois ou quatre fois plus importantes que celles d'uranium dans le monde. Un groupe de spécialistes s'est vu confier le mandat, par le gouvernement chinois, d'étudier cette question indépendamment de nous et est parvenu à la conclusion que les réacteurs CANDU étaient la façon la plus efficiente d'exploiter les ressources en thorium de la Chine. Ce groupe a recommandé à la Chine de construire un nouveau réacteur CANDU 6 conçu pour être alimenté en thorium. Nous sommes enthousiasmés par cette possibilité.

Le président : Je pense que les honorables sénateurs et les personnes qui observent nos débats seront intéressés par ces possibilités, parce que la Chine a annoncé la construction de plus de 100 réacteurs nucléaires au cours des années à venir. C'est un marché énorme.

M. MacDiarmid : Nous n'obtiendrons pas les contrats pour tous ces réacteurs, mais pour quelques-uns.

Le sénateur Ringuette : Je vous remercie. Je dois dire que je suis impressionnée par les possibilités d'avenir d'EACL, que vous avez mises en évidence avec énergie et enthousiasme.

Je tiens à revenir à la vente d'EACL. Ai-je bien compris que la responsabilité des négociations incombe actuellement au ministre des Ressources naturelles et à la Rothschild Investment Banking?

M. MacDiarmid : C'est exact. Oui. Des dirigeants de Ressources naturelles Canada et d'autres responsables sont impliqués.

Le sénateur Ringuette : Plus une banque d'investissement privée.

M. MacDiarmid : Ils ont retenu les services de conseillers financiers. Je crois qu'ils ont annoncé publiquement qu'ils ont retenu les services de Rothschild comme conseillers.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais maintenant en venir avec vous au projet de loi C-9 qui compte près de 900 pages. À la page 700, contrairement à ce que vous nous avez dit, il semble que Chalk River pourrait faire partie de l'entente d'après le texte de ce projet de loi. Je vous cite une partie de l'article 2141(1) :

a) disposer, notamment par vente, de tout ou partie de ses actifs;

b) disposer, notamment par vente, de tout ou partie de ses obligations;

d) restructurer son capital;

j) disposer, notamment par vente, de tout ou partie des titres d'une personne morale ou de toute autre entité qui sont détenus par elle, pour son compte ou en fiducie pour elle;

k) faire faire sa fusion ou celle de l'une ou l'autre de ses filiales à cent pour cent;

Contrairement à ce que vous semblez croire, les dispositions prévues par ce projet de loi permettront au gouverneur en conseil de vendre n'importe quelle partie ou la totalité d'EACL, et cela pourrait englober Chalk River et la technologie MAPLE.

En ce qui me concerne, en tenant compte de tous les investissements antérieurs des Canadiens dans EACL, j'ai l'impression que vous allez au-delà de la recherche et passez à un mode de profit. Le moment ne convient pas pour que le Canada vende, en tout ou en partie, en particulier sans que les parlementaires aient leur mot à dire sur cette question au sujet du montant ou des autres conditions. Il s'agit là d'emplois de 30 000 Canadiens hautement qualifiés dans cette industrie.

J'aimerais vous suggérer de vous reporter à la page 704 du projet de loi C-9 et vous y constaterez qu'aucune partie d'EACL n'est soustraite à la discrétion du gouverneur en conseil pour vendre.

M. MacDiarmid : Mes commentaires précédents ne portaient pas sur le projet de loi et je ne ferai pas de commentaire sur ce texte. Je vous ai dit ce que nous avons compris des intentions du gouvernement.

Le sénateur Ringuette : Je le sais.

M. MacDiarmid : Je comprends votre point. Je vais laisser la réponse aux autres.

Le sénateur Murray : Monsieur le président, il pourrait y avoir intérêt pour nous à obtenir une copie de la demande de propositions. J'imagine que ce document existe.

M. MacDiarmid : Je crois savoir que la diffusion de ce document a été régie par des dispositions passablement rigides en ce qui concerne le caractère confidentiel de la transaction elle-même.

Le sénateur Murray : Cela se peut, mais si le ministre et le gouvernement sont aussi bons qu'ils veulent bien nous le dire pour décider quoi inclure et exclure de cette transaction, nous pourrions très certainement obtenir cette information sans compromettre les intérêts commerciaux de quiconque.

M. MacDiarmid : Cela ne relève pas de mes compétences.

Le président : Y a-t-il quelque chose que vous estimiez pouvoir nous dire en réfléchissant à ce dont nous avons discuté. Cela nous serait utile. Vous pouvez le communiquer au greffier qui nous le transmettra. Sinon, nous veillerons à entendre le ministre pendant notre étude du projet de loi C-9. Je vous remercie.

Le sénateur Murray : En faisant l'hypothèse qu'il passe l'étape de la seconde lecture au Sénat, et qu'il ait été adopté d'abord par la Chambre des communes.

Le président : Si c'est effectivement le cas et à ce moment-là.

Le sénateur Ringuette : Nous avons 20 réacteurs CANDU au Canada. Celui de Point Lepreau vous sert de laboratoire de recherche pour les possibilités de remise en état des autres 19 réacteurs CANDU installés au Canada. Il est du domaine public que les coûts de remise en état ont été évalués à 1,4 milliard de dollars, sans le volet de recherche qui a entraîné des coûts additionnels que vous devrez supporter et que les habitants du Nouveau-Brunswick n'auront pas à assumer en totalité, j'espère, étant donné les délais survenus et le carburant additionnel de remplacement qu'ils ont dû acheter.

En gardant à l'esprit ce montant de 1,4 milliard de dollars, étant donné les coûts de construction aujourd'hui, et cetera, et probablement les nouvelles mesures de sécurité et les diverses directives imposées au niveau international pour les centrales nucléaires, donc en tenant compte de tout cela, une fois remis en état, le réacteur CANDU de Point Lepreau aura une durée de vie utile de 25 ans. Quel serait aujourd'hui le coût de construction d'une nouvelle centrale au Nouveau-Brunswick ou n'importe où au Canada?

M. MacDiarmid : C'est un chiffre que je suis très réticent à donner en public parce qu'il sera publié dans les journaux demain matin, et je n'y tiens pas du tout. Je ne crois pas qu'il serait sage, d'un point de vue commercial, pour EACL ni pour le gouvernement du Canada, notre actionnaire, de mentionner des chiffres qui pourraient être sortis du contexte.

Je vous dirais que les coûts de remise en état d'un réacteur ne représentent qu'une fraction des coûts de construction d'un nouveau réacteur. La construction coûterait plusieurs fois le prix que vous avez indiqué. Avec votre permission, et sans donner de chiffre précis, je dirais qu'il est manifeste à la suite de nos analyses économiques et de notre connaissance du marché que la décision de prolonger la vie d'un réacteur de 25 à 30 ans est en vérité très simple à prendre étant donné les économies importantes qu'elle permet de réaliser.

Le sénateur Ringuette : Un grand spécialiste en la matière m'a indiqué en aparté qu'il faudrait probablement s'attendre à un coût de 4,5 à 5 milliards de dollars pour une nouvelle construction. C'est mon approximation. Il est probable que le coût de remise en état d'un réacteur CANDU représenterait entre 25 et 30 p. 100 des coûts de construction d'un nouveau. Nous avons 19 réacteurs CANDU au Canada. Si EACL est vendue à un concurrent, il se peut que celui-ci ne veuille pas que ces réacteurs fassent concurrence à sa propre technologie sur le marché, et nous perdrions alors non seulement 30 000 emplois canadiens, mais nous nous retrouverions également avec 19 réacteurs CANDU dont les coûts de remise en état et d'entretien pour les 25 ans à venir seraient exorbitants pour tous les Canadiens.

M. MacDiarmid : Je ne suis vraiment pas en mesure de commenter cette affirmation.

Le président : Non? J'en suis bien conscient.

Le sénateur Runciman : Vous avez parlé plus tôt du réacteur CANDU 6 évolué, qui est un réacteur de troisième génération à ce que vous nous avez dit. Je ne vois rien à son sujet dans mes notes. En ce qui concerne le travail de conception dans le cadre de votre soumission pour construire deux ACR, je ne suis pas sûr qu'il soit possible de faire la comparaison. Où en est rendu le travail de conception du CANDU 6, et pourquoi l'Ontario ne devrait-elle pas en tenir compte si elle veut faire l'acquisition de réacteurs de troisième génération?

M. MacDiarmid : En vérité, l'Ontario pourrait être intéressé par le réacteur CANDU 6 évolué. Comme vous le savez peut-être, la province a mis fin au processus officiel qu'elle avait lancé, et cela ouvre la possibilité à de nouvelles discussions et donne la possibilité d'étudier d'autres solutions, puisque nous n'étions invités au départ qu'à faire une proposition concernant l'ACR-1000.

Avec le réacteur CANDU 6 évolué, nous ne modifions pas la conception fondamentale du réacteur ni ses caractéristiques physiques. Nous nous occupons de la structure de confinement, mettons à niveau les systèmes électroniques et de commande, ainsi que de sécurité, mais il s'agit pour l'essentiel d'un réacteur de troisième génération, ou d'une version du CANDU 6 de base.

Le sénateur Runciman : C'est un réacteur à eau lourde.

M. MacDiarmid : C'est un réacteur qui ne fonctionne qu'à l'eau lourde. Il est alimenté en uranium naturel. Il produit 740 mégawatts. Nous pensons que ce sera un excellent réacteur parce que le CANDU 6 a donné d'excellents résultats partout dans le monde.

La conception de l'ACR-1000 est totalement nouvelle. C'est une évolution de la technologie CANDU mais avec des innovations importantes qui nous ont permis de passer la puissance de sortie de 750 mégawatts à presque 1 200. Dans ce réacteur, on a remplacé l'eau lourde par une combinaison d'eau lourde et d'eau légère et on utilise un uranium légèrement enrichi. C'est donc un réacteur différent et il devrait être plus rentable pendant sa durée de vie utile.

Le sénateur Runciman : Si l'Ontario parvient un jour à prendre une décision, vous serez peut-être en mesure de lui proposer d'acquérir deux réacteurs.

M. MacDiarmid : Si la province souhaite que nous procédions à une comparaison de nos deux réacteurs, nous le ferons avec plaisir.

Le sénateur Runciman : Toujours dans le cas de l'Ontario, depuis combien de temps dure cette valse-hésitation? Depuis combien de temps participez-vous à des discussions avec la province de l'Ontario?

M. MacDiarmid : La province a lancé le processus en mars 2008. Le délai pour la présentation des soumissions a été reporté plusieurs fois, ce qui fait que nous avons présenté la nôtre il y a presque un an, en mars 2009. C'est vers la fin juin de l'an dernier que les responsables ontariens ont annoncé leur décision de suspendre le processus.

Le sénateur Runciman : Quel est le montant des coûts que vous avez dû assumer de ce fait?

M. MacDiarmid : Ils n'avaient rien d'anormal étant donné que, dans le domaine du nucléaire, les négociations durent couramment plusieurs années et qu'il faut y affecter du personnel, mais ces coûts ont certainement été de l'ordre de millions de dollars.

Le sénateur Runciman : Que tous les contribuables canadiens devront assumer.

[Français]

Le sénateur Poulin : Ma question touche justement le dossier de l'Ontario; alors je remercie le sénateur Runciman d'avoir abordé le sujet.

Au cours de vos négociations avec le gouvernement de l'Ontario, quel a été le soutien que vous avez reçu du gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. MacDiarmid : Nous avons bénéficié d'un soutien substantiel des responsables fédéraux pour monter notre dossier de proposition. Ils respectent la structure de gouvernance qui a été mise en place au sein d'EACL. Nous avons un conseil d'administration et un comité d'examen des risques de projet. Le gouvernement s'attend certainement à ce qu'EACL prenne ses propres décisions commerciales. À ce sujet, il était manifeste, étant donné le montant de la soumission et l'importance du projet, que notre équipe de direction et notre structure de gouvernance ne seraient pas laissées à elles- mêmes. Nous avons donc demandé l'approbation de l'actionnaire avant de présenter notre soumission, et nous l'avons effectivement obtenue. Concrètement, notre soumission tenait dans 48 boîtes de carton. Il a fallu abattre quelques arbres pour elle, mais nous avions l'appui de l'actionnaire quand nous l'avons présentée.

[Français]

Le sénateur Poulin : Y a-t-il toujours des pourparlers entre vous et le gouvernement de l'Ontario ou si toute la décision est suspendue?

[Traduction]

M. MacDiarmid : La décision de l'Ontario de mettre fin au processus nous a permis de disposer d'une plus grande marge de manoeuvre. Le processus original nous imposait des contraintes. Je n'étais pas autorisé à parler directement aux responsables ontariens ou à ceux d'Ontario Power Generation, car j'étais en même temps le futur exploitant. Ces contraintes ont été éliminées, ce qui a ouvert la porte à la tenue de nouvelles discussions. Nous avons, en vérité, eu de bons échanges sur les questions techniques. Nous continuons à discuter de divers aspects du volet commercial de ce processus, et nous espérons bientôt pouvoir soumettre une nouvelle offre.

Les responsables ontariens ont toujours les préoccupations dont ils ont fait part en public. La province estime que notre prix est trop élevé et elle veut avoir une idée de la façon dont EACL sera réorganisée à l'avenir avant de se trouver liée à nous.

[Français]

Le sénateur Poulin : Nous verrons, à ce moment-là, si le vieux dicton qui dit que « tout est négociable » et s'il s'applique au succès de la négociation. Il semblerait bien que le délai favorise justement la relation entre EACL et l'Ontario. Je vous souhaite bonne chance.

M. MacDiarmid : Merci beaucoup. Nous travaillons avec l'appui du gouvernement du Canada et on parle des citoyens du Canada.

[Traduction]

Le président : Monsieur MacDiarmid, pour que cela figure clairement au compte rendu, je crois que vous avez dit qu'au moins dans le cas de l'Ontario, et probablement pour d'autres ventes éventuelles, l'indécision dans laquelle vous vous trouvez actuellement sur la structure à venir d'EACL peut avoir des répercussions sur votre capacité à obtenir des contrats à travers le monde. Est-ce exact?

M. MacDiarmid : Une fois encore, je ne veux pas donner à penser que nous ne sommes pas en mesure de faire des affaires. Nous pouvons faire des affaires. Toutefois, cela joue certainement un rôle et je suis partisan de la prise d'une décision aussi rapide que possible pour nous permettre de résoudre ce problème et de savoir clairement qui seront à l'avenir les propriétaires d'EACL et quelle sera sa structure de gouvernance. Cela jettera pour nous les bases de notre réussite à l'avenir.

Le sénateur Neufeld : J'ai une question brève à vous poser sur l'Argentine. Vous en avez parlé plusieurs fois. J'imagine que vous parlez de la remise en état d'une centrale en Argentine. S'agit-il d'un contrat qu'EACL a avec une entreprise ou avec le pays, et est-ce un contrat rentable?

M. MacDiarmid : Il y a des possibilités, en Argentine, de remise en état et de nouvelles constructions et nous voulons les deux. Nous n'avons pas de contrat actuellement, mais ce processus est en cours. Il fait l'objet de négociations depuis un certain temps. Je peux vous assurer que nous tenons à ce qu'il s'agisse là d'un projet rentable.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie.

Le président : Dans le cadre de la seconde série de questions, j'en ai une à vous poser au sujet du crédit 5 du Conseil du Trésor. Le comité connaît bien ce crédit 5 du Conseil du Trésor appelé « Éventualités du gouvernement » qui autorise ce dernier, de façon extraordinaire à consentir des avances dans les cas d'urgence avant que le Parlement ne puisse les étudier et les approuver. Nous craignons un peu que cela se produise trop souvent et nous avons contribué à définir les règles de son application.

J'ai constaté, en remontant aux deux années précédentes, mais cela ne concerne pas celle-ci, que vous avez obtenu des avances de 100 et de 150 millions de dollars à même le crédit 5 du Conseil du Trésor, parce que vous vous étiez retrouvés dans des situations extraordinaires et imprévisibles et que vous ne pouviez pas attendre le Budget supplémentaire des dépenses. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agissait? M. Harris peut peut-être répondre à cette question.

Kent Harris, premier vice-président et directeur général des finances, Énergie atomique du Canada limitée : Je vais me faire un plaisir de vous répondre. Malheureusement, au cours des deux dernières années et depuis que j'ai pris mes fonctions, au cours des six derniers mois, EACL a dû avoir recours au crédit 5. Pour l'essentiel, cela tient à un certain nombre de facteurs dont M. MacDiarmid a déjà parlé, en particulier les dépenses imprévues dans le cadre de nos projets de prolongation de la durée de vie utile des réacteurs. Si ces projets s'étaient déroulés comme prévu, avaient généré des revenus et avaient été rentables, nous n'aurions pas dû avoir recours au crédit 5.

Quand il s'agit d'accéder à des fonds, nous ne nous trouvons pas dans la situation d'une entreprise traditionnelle, qui peut utiliser une ligne de crédit. Le processus d'approbation que nous devons suivre est plus long. Avec les dépenses imprévues auxquelles nous avons été confrontées, le crédit 5 a malheureusement été la règle au lieu de l'exception. Nous cherchons actuellement avec Ressources naturelles Canada des solutions pour éviter d'être obligés d'y faire appel à l'avenir.

Nous avons besoin d'une certaine marge de manoeuvre que nous essayons de conserver afin de pouvoir continuer à mener nos affaires, qu'il s'agisse de payer nos employés ou nos fournisseurs conformément aux dispositions des contrats. Nous surveillons nos disponibilités sur une base hebdomadaire. C'est un problème qu'on nous a déjà signalé et que nous étudions.

Le président : Est-ce votre seule source de revenus si vous en avez besoin? Le sénateur Murray vous a demandé tout à l'heure si vous êtes autorisés à emprunter, et vous avez répondu que non. Pouvez-vous convaincre un ministère du gouvernement d'emprunter pour vous, ou n'avez-vous d'autre choix que de recourir au crédit 5?

M. Pilkington : Je ne crois pas que nous ayons d'autres possibilités que de continuer comme par le passé à recourir au crédit 5.

Le président : Les sénateurs ont-ils d'autres questions sur ce sujet? Je vous remercie. Ce fut très utile.

Honorables sénateurs, nous venons d'avoir une séance très enrichissante qui nous permet de mieux comprendre le rôle d'Énergie atomique du Canada limitée. Je tiens à remercier MM. Pilkington, MacDiarmid et Harris d'être venus nous rencontrer et de nous avoir expliqué sans détour, dans la mesure du possible, quelle était la situation d'EACL auparavant, ce qu'elle est maintenant et ce qu'elle sera, mais nous ignorons avec qui. Nous aurons la possibilité d'approfondir davantage cette question lorsque nous entendrons le ministre.

M. MacDiarmid : Ce fut une rencontre très intéressante.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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