Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages du 5 mai  2010


OTTAWA, le mercredi 5 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit à 18 h 40 pour examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2011 (sujet : cadre de financement exceptionnel).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte. Je remercie tous les honorables sénateurs et nos invités ce soir de leur présence. Nous allons commencer sans délai car nous allons aborder un sujet intéressant dont l'étude exigera sans doute beaucoup de temps.

[Français]

Ce soir, nous allons continuer notre étude du Budget principal des dépenses pour l'année financière de 2010-2011, dont notre comité a été saisi.

[Traduction]

Le comité a déjà tenu huit séances au sujet du Budget des dépenses pour cette année financière et nous continuerons de l'examiner tout au long de cet exercice. Comme je l'ai mentionné aux honorables sénateurs précédemment, nous présenterons un rapport provisoire en attendant le rapport sur les crédits, qui arrivera en juin.

Ce soir, nous nous concentrerons sur le Cadre de financement exceptionnel. Il s'agit d'un plan conçu pour faciliter l'accès au crédit pour les consommateurs et les entreprises canadiennes en comblant temporairement le vide laissé par le retrait d'institutions financières étrangères.

Pour faire le point sur la mise en oeuvre de ce cadre, qui a été amorcée l'an dernier et qui, à certains égards, se poursuit sous la forme d'un programme de stimulation de deux ans, nous sommes heureux d'accueillir M. Jean-René Halde, président et chef de la direction de la Banque de développement du Canada, M. Stephen Poloz, premier vice-président, Groupe des produits de financement de Exportation et développement Canada, et Mme Karen Kinsley, présidente et première dirigeante de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ainsi que Marc Joyal, vice-président et directeur financier.

J'invite ceux d'entre vous qui ont une déclaration liminaire à faire au nom de leur organisation à prendre la parole.

[Français]

Jean-René Halde, président et chef de la direction, Banque de développement du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité. Je suis heureux d'être ici pour faire part de la contribution de BDC au cadre de financement exceptionnel.

Mais avant tout, un bref aperçu. La Banque de développement du Canada compte 1 800 employés qui soutiennent 28 000 entrepreneurs à partir de bureaux partout au Canada. Nous sommes un prêteur complémentaire, et par complémentaire, je veux dire que nous élaborons nos solutions de prêts de manière à compléter celles des institutions financières du secteur privé pour soutenir encore mieux les entreprises canadiennes.

Les entreprises que nous soutenons génèrent à peu près 174 milliards de dollars de vente, dont environ 21 milliards de dollars à l'exportation.

Dans le Budget de 2009, le gouvernement a demandé notre aide à l'égard de deux initiatives : le Programme de crédit aux entreprises et la Facilité canadienne de crédit garanti. Je décrirai d'abord le Programme de crédit aux entreprises et par la suite, la Facilité canadienne de crédit garanti.

[Traduction]

Commençons par le Programme de crédit aux entreprises, le PCE. Le PCE est en réalité un partenariat, et non un programme en tant que tel. Il s'agit d'un effort collectif des banques canadiennes, d'Exportation et développement Canada et de la Banque de développement du Canada en vue d'accomplir une chose : soutenir des entreprises solvables dont l'accès au financement aurait sinon été limité.

Le PCE visait à faire en sorte que ces organisations collaborent pour mettre à la disposition des entreprises canadiennes au moins 5 milliards de dollars de financement additionnel. Je suis heureux de vous annoncer que ce chiffre a été atteint et dépassé. À la fin de mars, la BDC avait rendu accessibles dans le cadre du PCE 2,75 milliards de dollars.

Pour nous, la participation au PCE prend la forme de références de clients. À la demande d'autres institutions financières, nous accordons des prêts qui dépassent habituellement leur appétit pour le risque. De plus, nous participons à des syndicats pour remplacer les prêteurs qui se sont retirés; nous partageons, à parts égales, un nombre accru de transactions commerciales avec des institutions financières; et nous achetons des participations dans des hypothèques commerciales. Le PCE se poursuivra durant l'année, sous la forme d'une collaboration continue entre les institutions financières, EDC et la BDC.

Le Partenariat pour le financement des véhicules et du matériel, PFVM, est un autre élément du PCE qui, lui, a été annoncé dans le budget fédéral de cette année. Le PFVM a pour objectif d'accroître les options de financement des petites et moyennes sociétés de financement et de crédit-bail pour donner aux concessionnaires et aux utilisateurs de véhicules et de matériel une accessibilité accrue au crédit, à des taux appropriés.

Le partenariat est doté d'une enveloppe initiale de 500 millions de dollars. Nous en assurerons le financement et la gestion, en travaillant entre autres en partenariat avec le Groupe Tau, qui fournira la structure et les services administratifs. Nous travaillons aussi sur d'autres modes de prestation avec des partenaires du secteur privé, dont certains seront annoncés sous peu.

La deuxième initiative pour laquelle notre aide a été sollicitée est la Facilité canadienne de crédit garanti, ou FCCG. On nous a demandé de la créer et la gérer. La FCCG a deux objectifs. Le premier est de stimuler l'activité économique du Canada en soutenant la vente et la location de véhicules et de matériel au moyen de l'achat de titres adossés à des créances mobilières à terme. Le deuxième est de revitaliser la participation et la confiance des investisseurs dans le marché canadien des titres adossés à des créances mobilières à terme et, de manière plus générale, dans le financement de véhicules et de matériel.

La FCCG a pris fin il y a un mois, le 31 mars. Au moyen de celle-ci, nous avons acheté pour 3,7 milliards de dollars de titres dans le cadre de cinq transactions. Cela a joué un rôle clé dans le redémarrage du marché de la titrisation au Canada, fournissant une orientation au marché et rendant plus de liquidités disponibles pour les émetteurs qui étaient incapables d'effectuer des émissions sur le marché public ou privé. Les engagements au titre de la FCCG ont offert des options de financement qui ont fixé des références de tarification pour les participants du marché. Ces références ont établi une norme de marché qui a éventuellement été adoptée, réduisant au bout du compte les prix du marché pour les émetteurs.

Nos investissements de 3,7 milliards de dollars ont directement facilité des émissions publiques totales de 4,3 milliards de dollars. Et nos références de tarification et notre volonté d'acheter ces titres ont indirectement facilité, aussi bien sur les marchés public que privé, des transactions non liées à la FCCG, lesquelles ont représenté un montant additionnel de 4,7 milliards de dollars de titres adossés à des créances mobilières émis sur le marché canadien.

Telle est donc la contribution de la BDC au Cadre de financement exceptionnel : le partenariat en vertu du PCE, et la nouvelle facilité de titrisation appelée FCCG. Rappelez-vous cependant que nous ne nous sommes pas limités à ces deux initiatives. Nous avons nettement intensifié nos activités habituelles. Nos prêts à terme ont atteint des niveaux records dans la dernière année, avec des autorisations de 4,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 47 p. 100 par rapport à l'exercice précédent.

Nous avons aussi continué d'offrir nos autres services de consultation et de capital de risque. Ils ne font pas partie du Cadre de financement exceptionnel mais, si vous le souhaitez, je vous en parlerai ultérieurement.

La chose essentielle à savoir est que, durant la récession, la BDC a prêté aux entreprises canadiennes plus d'argent que jamais auparavant en 65 ans d'histoire. Nous sommes la banque de développement des entreprises au Canada, et c'est donc exactement ce qu'il fallait que nous fassions. J'espère que mon bref exposé a été clair, et je répondrai volontiers à vos questions.

Karen Kinsley, présidente et première dirigeante, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Merci. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui pour discuter du rôle de la Société canadienne d'hypothèques et de logement dans la mise en oeuvre du Cadre de financement exceptionnel annoncé dans le Budget de 2009.

[Français]

Lorsque j'ai rencontré le comité, l'an passé, j'ai parlé de ce que la SCHL faisait pour le logement, au Canada. Si vous vous souvenez bien, j'ai parlé de notre soutien au logement abordable pour les Canadiens à faible revenu, et j'ai aussi mentionné nos programmes de recherche et notre aide aux Premières nations pour l'accès au logement dans les réserves. C'est notre expertise en financement de l'habitation qui nous a permis de soutenir le Cadre de financement exceptionnel.

[Traduction]

Comme vous le savez, le cadre avait pour objectif de maintenir la disponibilité soutenue du crédit au Canada tout au long de la crise financière mondiale qui a débuté à la fin de 2008 et au début de 2009. L'accès à du crédit de manière économique est essentiel pour que les entreprises continuent à prospérer et à créer des emplois et que les consommateurs continuent d'accéder à la propriété.

Même si le système financier du Canada a bien réagi à la récession mondiale, il n'était pas immunisé contre ce qui se passait à l'étranger. Plus particulièrement, la crise mondiale a causé des difficultés aux institutions de crédit canadiennes dans leur recherche de fonds sur les marchés internationaux à des coûts raisonnables.

Au moyen du Cadre de financement exceptionnel, le Budget 2009 incluait jusqu'à 2 milliards de dollars pour soutenir le crédit aux ménages et entreprises du Canada. Le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, l'une des principales mesures incluses dans le cadre, a été géré par la SCHL au nom du gouvernement du Canada. La SCHL a aussi géré l'expansion en 2008 du Programme des obligations hypothécaires du Canada en vue d'émettre des titres à 10 ans.

[Français]

Nous administrons aussi le Programme de prêts pour les infrastructures municipales. Cette initiative inclut jusqu'à 2 milliards de dollars, sur deux ans, pour des prêts à faible coût aux municipalités. Ces prêts sont destinés aux infrastructures de logement. Selon le cinquième rapport du gouvernement sur le Plan d'action économique du Canada, 93 prêts ont été approuvés.

[Traduction]

Le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, ou le PAPHA, était une mesure temporaire dans le cadre du programme des titres hypothécaires déjà existant de la SCHL. Puisque le PAPHA a été fondé sur l'une de nos forces fondamentales, soit la titrisation, nous avons pu le mettre en oeuvre très rapidement et au moment où le besoin était le plus grand. Aux termes du PAPHA, la SCHL a eu l'autorisation d'acheter, au nom du gouvernement du Canada, jusqu'à 125 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires assurés pour aider les institutions financières canadiennes à recueillir du financement à plus long terme afin de consentir du crédit aux consommateurs, aux acheteurs d'habitations et aux entreprises.

Cet assouplissement du financement pour les acheteurs de logements et les consommateurs canadiens n'a rien coûté aux contribuables. En fait, ces titres procurent au gouvernement un rendement supérieur au coût d'emprunt.

De plus, puisque les blocs de prêts hypothécaires assurés au Canada sont déjà couverts par le gouvernement, il n'y a pas de risque additionnel pour les contribuables.

Le comité sera peut-être intéressé d'apprendre que les activités du PAPHA font partie des activités générales de la SCHL et, comme je l'ai dit, s'appuient sur les pratiques et processus existants de la SCHL. Ces systèmes et pratiques ont toujours été évalués favorablement lors des examens spéciaux périodiques et des audits financiers annuels.

Lorsque le PAPHA est arrivé à terme le 31 mars 2010, des blocs de prêts hypothécaires assurés de 69,35 milliards de dollars avaient été achetés. La plus grande partie de ces achats a eu lieu pendant les premiers mois, au plus fort de la crise de liquidité. Pendant la deuxième moitié de 2009 et au début de 2010, à mesure que la crise de liquidité s'effaçait, nous avons constaté une baisse correspondante de la participation au programme. Cette baisse est en fait une bonne nouvelle parce que cela signifie que les conditions de financement au Canada se sont améliorées de manière notable depuis le lancement du Cadre de financement exceptionnel.

[Français]

Le lancement des obligations hypothécaires du Canada à dix ans a aussi été positif pour les marchés du crédit. Pour vous situer, le programme des OHC a été lancé en 2001, pour compléter le Programme des titres hypothécaires.

[Traduction]

Dans le cadre du programme des OHC, les obligations sont émises sur les marchés de capitaux par la Fiducie du Canada pour l'habitation et cautionnées par le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de la SCHL, ce qui assure une source de financement économique. La Fiducie du Canada pour l'habitation utilise le produit tiré des émissions d'OHC pour acheter des prêts hypothécaires regroupés en titres hypothécaires par les institutions financières.

Tous les programmes de financement d'habitation de la SCHL ne coûtent rien aux contribuables. Une évaluation du programme des OHC en 2008 a révélé qu'il avait contribué à réduire les coûts de financement des prêteurs hypothécaires et, par conséquent, des acheteurs de logements, ainsi qu'à favoriser la concurrence sur les marchés hypothécaires.

Depuis, le lancement des OHC à 10 ans a amélioré davantage la valeur du programme. Les OHC à 10 ans ont contribué à l'augmentation de la capacité de financement des institutions financières du Canada en élargissant le nombre éventuel d'investisseurs. Les OHC à 10 ans en circulation totalisent environ 9,8 milliards de dollars.

Grâce aux activités de titrisation de la SCHL, comme le PAPHA et le programme des OHC, les Canadiens ont pu obtenir du financement hypothécaire économique pendant la crise mondiale du crédit. La force et la stabilité du système canadien de financement de l'habitation ont permis au Canada d'éviter une partie des pires impacts de la récession mondiale. Une base économique solide et un financement disponible, pour les consommateurs et les entreprises, ont aussi été importants pour la reprise au Canada.

En terminant, je voudrais ajouter que la SCHL est ravie d'avoir pu participer au Cadre de financement exceptionnel. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

Stephen Poloz, premier vice-président, Groupe des produits de financement, Exportation et développements Canada : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter du rôle d'EDC dans le Cadre de financement exceptionnel et vous faire part de la façon dont nous avons aidé les entreprises canadiennes à braver la tempête économique depuis un an.

[Traduction]

Comme vous le savez, dans son Budget 2009, le Plan d'action économique du Canada, le gouvernement a pris des mesures pour atténuer l'incidence du resserrement du crédit. Le mandat d'Exportation et développement Canada consiste à aider les exportateurs canadiens à réussir sur les marchés mondiaux, mais dans le cadre de ce plan, le gouvernement a autorisé EDC à faire davantage pour les entreprises canadiennes au pays, en élargissant temporairement son mandat pour une durée de deux ans.

Nous avons été chargés de combler des écarts sur les marchés du crédit privé, en injectant du crédit dans le système financier du Canada dans le but d'aider les sociétés commerciales canadiennes qui sont viables, mais qui éprouvent des difficultés.

Je dirai d'abord qu'EDC est restée dans son espace lorsqu'elle a fourni ce soutien sur le marché intérieur. Ces pouvoirs élargis nous ont tout simplement donné plus de latitude pour passer d'un travail de facilitation des exportations à celui d'aide aux exportateurs. Nous croyons encore que la meilleure défense contre le genre de difficultés que nous avons constatées depuis un an et demi est une bonne offensive. Les entreprises doivent diversifier leur clientèle, leurs chaînes d'approvisionnement et leurs investissements. Voilà le mandat fondamental d'EDC.

Quand cette nouvelle souplesse des pouvoirs d'EDC sur le marché intérieur est entrée en vigueur le 12 mars 2009, nous avons dû agir rapidement afin d'accroître la capacité de crédit dans le système de façon à compléter les services offerts par le secteur financier, au lieu de rivaliser avec eux. Il nous fallait donc tirer le meilleur parti de notre solide réseau de relations avec les institutions financières du secteur privé au Canada. Ce réseau était en place à cause de la philosophie de « partenariat d'abord » d'EDC. Cela signifie que nous nous efforçons de partager le risque sans être le principal bailleur de fonds dans une transaction donnée. Nous laissons le secteur privé mener le bal, de manière à ajouter de la capacité sans fausser les marchés. Dans le cadre de ces pouvoirs temporaires sur le marché intérieur, EDC a injecté 2,5 milliards de dollars à l'appui de 208 entreprises canadiennes en 2009, dont 179 petites et moyennes entreprises.

Pour situer un peu ces chiffres dans leur contexte, en 2009, nous avons aussi constaté une énorme demande pour nos produits et services de base. Au titre du volume total d'activités, nous avons fourni un appui d'une valeur de 83 milliards de dollars auprès de presque 8 500 compagnies canadiennes. Cette activité a été menée selon les critères commerciaux, comme toujours, et EDC a réalisé un profit de 258 millions de dollars en 2009.

Tout en répondant à la forte demande pour nos produits et services de base, nous avons aussi fourni un appui sur le marché intérieur, par trois principaux moyens. Le premier est le financement intérieur, par lequel nous fournissons des garanties aux banques ou participons à des prêts collectifs, afin qu'il soit plus facile pour les institutions financières de prêter à des compagnies canadiennes. Le deuxième moyen est la réassurance du crédit; nous nous associons alors à des assureurs privés pour partager les risques, afin qu'ils puissent protéger les entreprises canadiennes contre divers risques, notamment le défaut de paiement. Le troisième moyen est l'assurance et le cautionnement de contrats, par lequel nous nous allions à des sociétés de cautionnement privées pour aider les entreprises canadiennes à garantir la bonne exécution de leurs contrats et à gérer efficacement leur fonds de roulement.

L'un des moyens par lequel nous avons appuyé le financement aux entreprises canadiennes a été le Programme de crédit aux entreprises, ou PCE. Le gouvernement a créé ce programme pour augmenter le financement offert aux sociétés canadiennes en repérant et en gérant les transactions de financement qui nécessitaient une capacité supplémentaire. Dans le cadre du PCE, EDC et BDC se sont engagées à fournir pour au moins 5 milliards de dollars de prêts supplémentaires et d'autres formes de crédit aux sociétés canadiennes qui présentent un modèle d'affaires viable, mais dont l'accès au financement aurait néanmoins été limité. Le financement devait être offert sur deux ans, mais EDC et BDC ont dépassé ce montant en neuf mois. Dans le cadre du PCE, EDC a comblé les accords de financement principalement en soutenant des prêts syndiqués et des arrangements sans chef de file, essentiellement des prêts collectifs. Dans la plupart des cas, EDC est intervenue dans le but d'accroître la capacité lorsque, pour diverses raisons, un ou plusieurs prêteurs s'étaient retirés du syndicat. EDC a aussi conclu des accords bilatéraux de partage des risques avec des institutions financières privées, ce qui a encouragé les banques à faire davantage de crédit aux entreprises canadiennes. Au 31 décembre, EDC avait ajouté une capacité de 1,7 milliard de dollars en financement sur le marché intérieur à l'intention des sociétés canadiennes.

Deuxièmement, EDC a collaboré avec les principales compagnies d'assurance canadiennes afin d'accroître sa capacité sur le marché intérieur de l'assurance-crédit. En mai 2009, EDC avait négocié des accords généraux de réassurance avec AIG Commercial Insurance Canada, Atradius, Coface, Euler Hermes Canada, Executive Risk Insurance Services et La Garantie, compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord.

Aux termes de ces arrangements, EDC partage le risque à parts égales avec le secteur privé dans le cadre de mécanismes de réassurance des créances des compagnies canadiennes sur le marché intérieur. Au 31 décembre, EDC avait fourni une capacité de réassurance de 32 millions de dollars à l'appui de ventes d'une valeur de près de 103 millions de dollars.

Troisièmement, EDC a conclu des partenariats avec d'importantes sociétés de cautionnement pour réassurer des cautionnements d'assurance. Le risque est partagé à parts égales par EDC et la société de cautionnement. En s'alliant à des institutions financières canadiennes pour offrir des cautionnements de contrat au nom des entreprises canadiennes, EDC a assumé la totalité du risque des banques. Celles-ci ont donc pu renoncer au nantissement normalement exigé, ce qui a libéré les fonds de roulement des compagnies canadiennes. À la fin de 2009, EDC avait soutenu des ventes d'une valeur de 688 millions de dollars pour les sociétés canadiennes.

La crise du crédit et la récession qui en a découlé sont terminées, mais il faudra du temps avant que l'économie s'installe dans une « nouvelle normalité ». La première caractéristique de cette nouvelle normalité sera une croissance économique mondiale plus faible. Je pense qu'une croissance économique plus lente se traduira par une lente sortie du trou creusé durant la récession et par des problèmes de crédit persistants, qui ont tendance à subsister pendant au moins deux ans après la fin d'une récession.

Les pouvoirs d'EDC sur le marché intérieur seront maintenus pendant toute l'année 2010. Quant à la demande de financement sur le marché canadien, nous prévoyons une légère baisse par rapport à l'année dernière, car la capacité commence à revenir sur les marchés. Nous devons cependant faire attention de ne pas nous retirer trop rapidement, pour éviter que le moteur s'étouffe. Maintenant que la demande commence à revenir, nous devons veiller à ce que le secteur privé soit désireux et capable d'assurer l'offre.

Les prêteurs du secteur privé continueront probablement de se montrer prudents cette année et des écarts demeureront par rapport à la demande de financement. Cette année, EDC prévoit donc faciliter sur le marché canadien des transactions d'une valeur de 1 milliard de dollars à l'égard du financement, de 2 milliards de dollars en matière de cautionnement et d'assurance et de jusqu'à 1 milliard de dollars en assurance-crédit.

[Français]

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur Poloz. Quand vous répondrez aux questions, il serait utile, surtout dans le cas d'Exportation et développement Canada, que vous expliquiez quelle proportion de vos activités représente le financement exceptionnel associé à votre mandat de deux ans pour le Canada intérieur, par rapport à vos activités traditionnelles dans le secteur des exportations. Si vous pouviez insérer ce renseignement dans vos réponses, cela nous serait utile.

Une autre série de questions qui pourraient vous être posées, et je vous invite à nous venir en aide à cet égard, portent sur les relations d'EDC avec Énergie atomique du Canada limitée. Les représentants de cette organisation ont témoigné devant nous hier et il a été fait mention d'EDC durant la discussion.

Les sénateurs se rappelleront que nous avons examiné ce Cadre de financement exceptionnel il y a un an, quand il a été lancé. Le cadre représentait la réaction du gouvernement à une période de difficultés économiques.

Nous aimerions savoir comment vous évaluez les divers projets qui ont été lancés. Ont-ils bien fonctionné? Quels projets devraient être poursuivis? Pour les projets qui ont pris fin le 31 mars de cette année, ont-ils rempli leurs fonctions? Nous voulons une sorte de rapport sur tous les différents programmes.

Le Cadre de financement exceptionnel portait sur plus de 200 milliards de dollars. C'est une somme énorme. À titre de parlementaires, nous avons accordé beaucoup de marge de manoeuvre au gouvernement pour ce qui est du financement de bon nombre de ces programmes et des rapports à leur sujet. Il est important que nous revenions maintenant sur la question afin de décider quels programmes devraient être reconduits.

Après avoir fait ces observations générales, je vais céder la parole au vice-président de notre comité.

Le sénateur Gerstein : Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer ce soir. Je vais poser mes questions à M. Halde. Vous avez dit dans votre exposé que la BDC est un prêteur complémentaire. Vous avez expliqué ce que vous entendez par là : la BDC élabore ses solutions de prêt de manière à compléter celles des banques du secteur privé, afin de mieux soutenir les entreprises canadiennes.

Quand un entrepreneur fait des démarches auprès d'une banque à charte au Canada, à mon avis, il peut choisir n'importe laquelle, cela importe peu. Les banques utilisent toutes les mêmes critères et il se peut que l'entrepreneur obtienne le prêt, ou bien qu'il ne l'obtienne pas, le banquier lui disant : Désolé, nous n'allons pas vous accorder de crédit pour cette demande. Les modalités peuvent être différentes, mais essentiellement, les banques vont du même pas.

Dans vos observations, vous avez dit également que les activités ordinaires de la BDC sont la consultation et le capital de risque. En quoi vos critères pour l'octroi de crédit aux entreprises diffèrent-ils de ceux des banques à charte? Autrement dit, êtes-vous en réalité une autre banque de l'annexe A?

M. Halde : Je peux vous assurer que nous ne sommes pas une autre banque de l'annexe A.

Le sénateur Gerstein : Ce qui veut dire que vous devez avoir des critères différents et je suis certain que le comité adorerait les connaître.

M. Halde : Très bien. Premièrement, vous devez comprendre que la banque accorde des prêts à terme, ce qui veut dire que chacun de nos clients fait déjà affaire avec une institution financière pour ses prêts d'exploitation, et souvent même pour les prêts à terme.

Nous essayons, dans toute la mesure du possible, de présenter à un client potentiel un programme de prêt qui tient compte de ses besoins. Comme vous l'avez dit avec raison, les banques ont tendance à créer des cases; et l'on peut dire en effet qu'un client cadre dans une case et reçoit le prêt, ou bien il ne cadre pas et ne le reçoit pas.

Nous sommes disposés à examiner des situations beaucoup plus risquées, mais nous faisons payer un prix pour ce risque. Une chose que nous faisons extrêmement bien, c'est d'évaluer adéquatement le risque d'un projet et d'en fixer le prix en conséquence.

Il en résulte que, même si nos taux de pertes sont beaucoup plus élevés que ceux des banques, nous réussissons quand même, en faisant payer un peu plus cher, à être rentables et à faire des profits. De manière générale, notre appétit du risque est plus élevé que celui des banques et nous travaillons en collaboration avec ces dernières.

Le programme PCE dont il a été question était un magnifique exercice et les institutions financières de notre pays ont fait preuve de collaboration. Je soupçonne que les institutions financières étaient heureuses de dire : tel entrepreneur est un client de longue date qui veut lancer un projet qui dépasse la limite que nous nous imposons; auriez-vous l'obligeance d'y jeter un coup d'oeil?

Nous nous faisions alors un plaisir de fournir le crédit supplémentaire, même si le risque était plus élevé. J'espère que cela répond à la question.

Le sénateur Gerstein : C'est utile. Au sujet du fait que la Banque de développement du Canada prend des risques plus élevés, je pense que le comité voudrait savoir quelle a été l'évolution de votre taux de délinquance au cours de l'année dernière en raison de ces prêts plus risqués.

M. Halde : Le taux de délinquance a augmenté; le taux de prêts douteux a augmenté — bref, tous les indicateurs que les banquiers prennent en compte durant une récession.

Le sénateur Gerstein : Était-ce conforme à vos prévisions ou bien cela vous a-t-il surpris?

M. Halde : C'était moins que ce que nous avions prévu. Les taux ont tous augmenté, mais pour l'année se terminant le 31 mars 2010, nous avions prévu des chiffres assez épouvantables. Nous avions fait ces prévisions à cause de la situation des entreprises à l'automne 2008 — des circonstances que nous nous rappelons tous, je crois. La situation était sombre et nous avons donc prédit de très lourdes pertes. Les pertes ont effectivement augmenté, comme c'est naturel dans une récession, mais ce fut loin d'atteindre ce que nous avions prévu, ce qui est une bonne nouvelle.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Je suis certainement un de ceux qui croyaient que vous aviez un rôle important à jouer dans tous ces programmes spéciaux de financement dont l'objectif est de diriger les liquidités vers le marché. Cela manquait depuis un an ou deux.

Félicitations ! Je pense que vous avez fait un bon travail. J'ai confiance dans le marché, mais je pense qu'il est aussi important de sortir du marché quand c'est propice.

En ce qui à trait à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, je pense que le programme est terminé, mais je remarque que dans le budget, on a prolongé vos deux programmes. Je remarque aussi que les chiffres de la Banque du Canada démontrent une reprise en ce qui a trait à l'endettement des entreprises, mais pas dans la titrisation où c'est encore très bas. On dirait que les banques ont de la misère à s'impliquer.

Quels sont vos efforts pour vous assurer de sortir du marché? Que faites-vous pour vous assurer que l'entreprise privée remplit son rôle comme elle le faisait avant? Quand prévoyez-vous sortir sans que le marché en soit affecté?

M. Halde : Je peux peut-être commencer à répondre. Je comprends deux questions : une sur la titrisation et l'autre sur notre rôle dans la prolongation des programmes.

Pour ce qui est de la titrisation, il n'y a aucun doute que c'est encore un marché fragile. Ce n'est pas reparti comme on l'espérait, quoique ce soit beaucoup mieux maintenant que ça ne l'était il y a six mois ou un an.

Quant à notre rôle, on est dépendant d'un entrepreneur qui a un projet et qui, comme le disait le sénateur Gerstein, va d'abord aller voir son institution financière. Nos institutions financières, présentement, sont revenues dans le marché, je peux vous l'assurer. Elles sont beaucoup plus présentes dans le marché, de sorte que nous avons planifié une baisse d'activités pour cette année, simplement parce qu'on croit que certains de nos entrepreneurs, qui ont de beaux projets, pourront très bien être servis par les banques, les caisses populaires, et ainsi de suite.

Malgré cela, il y aura toujours un certain nombre de projets qui seront peut-être un risque tel que certaines institutions financières vont s'en tenir loin. Je peux vous assurer qu'on prévoit présentement une réduction de nos activités parce que le marché bancaire est en train de revenir à un niveau plus normal.

M. Poloz : Merci pour votre question.

[Traduction]

Comme M. Halde l'a dit, il y a deux éléments. Premièrement, permettez-moi d'apporter des précisions au comité au cas où j'aurais semé la confusion au sujet de l'ampleur des efforts liés au cadre exceptionnel. Le Programme de financement exceptionnel a donné lieu à des transactions de l'ordre de 2,5 milliards de dollars ici au Canada, touchant 208 entreprises. Le programme a pris les trois formes dont j'ai parlé, mais les transactions prenaient majoritairement la forme de financement; au second rang venait le cautionnement. Lorsque quelqu'un remporte un contrat pour l'un des projets d'infrastructure, le projet doit être payé, financé, mais les entrepreneurs doivent tout de même présenter un cautionnement d'exécution pour garantir leurs prestations en vertu de ce contrat, et ce cautionnement leur permet d'obtenir du crédit auprès de leur banque. Dans le contexte de la crise du crédit, ce type de cautionnement n'était pas disponible. Notre programme de cautionnement s'est avéré l'un des éléments les plus importants du programme et, à l'époque, nous ne nous attendions pas à cela. Le cautionnement s'est avéré un élément important.

L'autre chiffre que j'ai mentionné était 83 milliards de dollars, ce qui représente notre chiffre d'affaires total pour l'année à EDC, la plupart des transactions s'inscrivant, évidemment, dans notre domaine d'affaires habituel : les prêts internationaux et l'assurance relative aux créances à l'étranger, ce qui est le gros de notre travail.

Pour répondre à la question spécifique, une chose me sécurise au sujet d'un retour éventuel à la normalité, ou à une nouvelle normalité, c'est que nous avons adopté en matière de prêt une approche axée sur le « partenariat d'abord ». Par exemple, un chef d'entreprise vient nous voir en nous disant : Mon syndicat financier arrive à échéance et telle ou telle banque m'a fait savoir qu'elle ne me soutiendrait pas; il me manque 80 millions pour assurer le fonctionnement de mon entreprise.

Nous allons envisager de nous joindre à ce syndicat pour combler cet écart, mais c'est le secteur privé qui établit les conditions de cet engagement. À notre avis, nous ne faussons pas le marché, nous ne créons pas de distorsion sur le marché de quelque façon que ce soit en comblant la différence. Nous nous bornons à apporter une capacité à la table. Cela signifie que dans deux ans, lorsqu'il faudra de nouveau renouveler la syndication, le marché privé sera peut-être alors en bonne posture et nous pourrons nous retirer. La relation banque-client a été maintenue pendant tout ce temps, et l'entreprise a pu continuer à bénéficier de l'expertise de la banque pendant toute cette période. Nous voyons un peu ce programme comme un accordéon. Il peut aller et venir selon les besoins du marché.

Le sénateur Massicotte : Ai-je bien entendu? Je crois comprendre qu'EDC estime que ce financement exceptionnel, qui devait être temporaire, devrait devenir permanent, ce qui ferait de vous un partenaire financier permanent du marché.

M. Poloz : La façon dont j'ai expliqué...

Le sénateur Massicotte : Oui ou non?

Le président : Nous aimons que nos témoins nous fournissent une réponse complète. Ne vous sentez pas obligé de répondre par oui ou par non.

M. Poloz : Merci beaucoup.

À mon avis, l'environnement financier qui a été le nôtre au cours des années 2005, 2006 et 2007 était en soi extraordinaire. Il est peu probable que l'on revoie jamais une telle situation. Voilà pourquoi j'ai parlé de « nouvelle normalité ». Je crois que la surliquidité dans le système financier international gommait toutes les imperfections habituelles du marché avec ce qui était, essentiellement, de l'argent gratuit. Je suis sûr que vous serez d'accord avec moi.

Lorsque les choses reviendront à la normale, les institutions financières, non seulement ici mais partout ailleurs, seront plus vigilantes. Nous aurons peut-être un environnement réglementaire différent. Nous nous attendons à ce que cet environnement demeure caractérisé par des imperfections, et nos institutions ont été conçues pour contribuer à les atténuer.

Nous nous attendons à une augmentation de la demande, mais faudra-t-il servir le marché intérieur? C'est un point d'interrogation. Nous verrons ce qui va se passer cette année. Le gouvernement prendra sa décision d'ici un an environ en se fondant sur les faits. À ce stade-ci, j'avoue que je ne sais pas ce qui va se passer. Toutefois, nous avons conçu le programme de façon à ce qu'il puisse aller et venir. Si l'an prochain, tout se passe bien, à ce moment-là il disparaîtra de lui- même. C'est l'approche du « partenariat d'abord » en action. Il n'est pas nécessaire d'intervenir pour que cela se fasse.

Cette souplesse se retrouve dans la définition d'un exportateur. Habituellement, pour que nous puissions fournir du financement intérieur à une entreprise exportatrice, celle-ci doit avoir des revenus d'exportation correspondant à 80 p. 100 de son chiffre d'affaires. Bon nombre des entreprises que nous avons aidées cette année demeurent des entreprises d'exportation, mais à hauteur de 40 ou 50 p. 100 de leurs revenus. Nous nous sommes servis principalement de cette définition pour pouvoir jouir d'une souplesse additionnelle.

Le sénateur Massicotte : La réponse est « peut-être ».

M. Poloz : La réponse est « peut-être ». Comme on m'a déjà posé la question, je peux vous dire que cela a très bien fonctionné, et je crois que les banques, si on leur pose la question, le confirmeront. Je pense que les banques, mais aussi les sociétés d'assurance avec lesquelles nous avons engagé des partenariats, devraient répondre à la question. A-t-il été utile de les aider à continuer de faire des affaires et à garder les entreprises à flot? Je peux vous donner des exemples d'entreprises qui, n'eut été de ce programme, n'existeraient plus aujourd'hui.

Le président : Nous discutons de l'activité de EDC au Canada pendant deux ans, en vertu de dispositions spéciales. Lorsque nous avons approuvé la Loi de mise en oeuvre du budget l'année dernière, nous avons approuvé la prolongation de ce programme, pour autant que le cabinet décide d'en prolonger l'application. Le Parlement ne sera pas consulté de nouveau au sujet de cette décision. Si le programme est prolongé, ce sera par l'intermédiaire d'une ordonnance du cabinet, d'un décret du conseil, et les sénateurs devraient être conscients de ce fait. La prolongation n'est pas une question que nous aurons l'occasion de réexaminer.

Madame Kinsley, avez-vous un commentaire sur votre rôle extraordinaire sur le marché? Estimez-vous que vous devriez y rester? Vous possédez des prêts hypothécaires assurés d'une valeur de 63 milliards de dollars et vous privez les compagnies du secteur privé d'actifs intéressants.

Mme Kinsley : En fait, nous n'avons pas ce programme. Il est arrivé à échéance ou il a connu une fin naturelle. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous considérons cette fin comme une bonne chose. En fait, c'était un signe que les liquidités réintégraient les secteurs normaux du marché et que, par conséquent, les capitaux additionnels que nous fournissions n'étaient pas nécessaires.

Comme je l'ai dit, nous avons constaté cet accroissement des capitaux vers la fin de 2009 et le début de 2010. Ce n'est pas un phénomène qui s'est produit en février ou en mars. Alors que nous étions sur le marché, nous avons constaté qu'il y avait de moins en moins de preneurs, mais encore là, nous avons jugé que cette situation représentait un indice positif.

Nous avons des programmes courants dans le domaine du financement résidentiel, mais pour ce qui est de cette mesure particulière, comme mes collègues l'ont mentionné, il était crucial de combler ce déficit de liquidité au moment où l'on en avait le plus besoin, et je pense que dans le secteur, on sera d'accord avec moi. Dans notre cas, on pourrait dire que nous sommes revenus à notre infrastructure normale.

Le président : Si ma mémoire est bonne, lorsque la SCHL a comparu devant nous la dernière fois, vous avez mentionné que vous n'aviez pas trouvé de preneur du secteur privé pour vos offres et que vous aviez dû retourner sur le marché avec une proposition assortie d'un taux inférieur de façon à pouvoir prêter davantage d'argent. Cela vous semble familier?

Mme Kinsley : Pas vraiment, monsieur le président. Lorsque les enchères ont commencé — nous en avons organisé 20 —, il y a eu dépassement de souscription dès le début.

À mesure que le temps passait, la demande a commencé à diminuer. Il n'y a jamais eu de moment au cours de l'existence du programme où l'intérêt a fait défaut.

Le président : Vous étiez autorisée à offrir 125 milliards de dollars et vous en avez offert 63.

Mme Kinsley : C'était 69,3 milliards; presque 70 milliards.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, la situation que vous évoquez et dont il a été question au comité concernait l'achat de contrats de location d'automobiles. Des représentants de la BDC comparaissaient devant nous. Ils ont déclaré qu'ils ne trouvaient pas preneur et que le marché fournissait un financement suffisant. Des membres du comité ont réagi en disant que la BDC devrait laisser le marché tranquille. Un mois après cela, deux communiqués publiés dans les journaux nous ont appris que l'opinion du comité n'avait pas été prise en compte et que la BDC s'était aventurée sur le marché et avait acheté des contrats de location de voitures d'une valeur de 12 milliards de dollars.

M. Halde : Nous avons vécu la même situation que mon collègue à ma droite. Lorsque le programme a été lancé, nous pensions être obligés d'acheter des titres adossés à des créances mobilières d'une valeur pouvant aller jusqu'à 12 milliards de dollars pour relancer le marché. Toutefois, le marché a récupéré relativement vite et, au bout du compte, nous avons investi 3,7 milliards de dollars pour l'achat de titres adossés à des créances mobilières. À mon avis, il est formidable que nous en ayons acheté pour 3,7 milliards et non pour 12. Cela est une indication du redressement du marché. À ce stade-ci, le programme s'établit à 150 points de base de plus que le taux du Canada et, à l'heure actuelle, ce taux est trop cher. C'est fantastique. Le marché a repris du poil de la bête et notre aide n'est pas nécessaire, ce qui est formidable.

Le président : Il s'agissait de la Facilité canadienne de crédit garanti. Il y a tellement de noms différents pour les programmes que je dois les écrire sur ma manche pour m'en souvenir.

M. Halde : C'est juste.

Le président : Ce programme a-t-il continué après le 31 mars?

M. Halde : Non; il est maintenant terminé.

Le sénateur Eaton : Je vais poser une question à M. Poloz. Parlant de la nouvelle normalité, les problèmes que connaît l'Europe, avec la chute de l'euro et la crise en Grèce qui se propagera peut-être en Espagne et au Portugal, auront-ils des conséquences pour l'un ou l'autre de vos programmes ou pour les entreprises avec lesquelles vous faites affaire?

M. Poloz : Oui, de bien des façons différentes, il est possible que nous en ressentions les effets. Ces symptômes ne sont pas étonnants, compte tenu de la récession planétaire que nous avons vécue, qui a été à la fois exceptionnelle et la pire que nous ayons jamais connue.

Pendant une récession, nous commençons à creuser un trou. Lorsque le trou est devenu profond et qu'on déclare la récession terminée, tout ce qu'on nous dit, c'est que le moment est venu d'arrêter de creuser. Mais le trou est toujours là.

Qu'il s'agisse d'un particulier, d'une entreprise ou d'un gouvernement, pendant qu'on est dans ce trou, on traverse une période prolongée où les revenus croissent plus lentement que prévu et plus lentement qu'on ne l'a promis au prêteur.

Les contraintes qui s'exercent sur le crédit augmentent pendant au moins un an, et souvent deux, après la fin de la récession. En 2001, qui n'a pas vraiment été une année de récession, les créances et les taux de défaillance de EDC n'ont pas atteint leur sommet avant le quatrième trimestre de 2003, soit deux années complètes après que nous ayons repris le chemin de la croissance. Ces contraintes de crédit continuent à croître. Dans un pays comme la Grèce, la situation est hors de contrôle. La Grèce est aux prises avec une situation insoutenable et elle a besoin d'énormément d'aide. Les symptômes ne sont pas tellement différents de ce que l'on voit dans n'importe quel autre pays. On peut alors parler d'une patate chaude. Dans une telle situation, on constatera sans doute que l'économie mondiale n'est pas aussi solide qu'elle l'a peut-être semblé depuis les trois à six derniers mois. Cette prise de conscience est en cours à l'heure actuelle. Oui, cela aura des répercussions sur les entreprises canadiennes présentes à l'étranger — chose certaine sur celles qui sont implantées en Europe —, mais cela ébranlera aussi les marchés du crédit. Il y aura des défaillances ou des restructurations qui auront un coût réel pour les institutions financières.

Le sénateur Eaton : Cela risque de vous coûter davantage d'argent.

M. Poloz : C'est possible. Nous sommes exposés à un risque dans la région. Les sociétés canadiennes qui vendent leurs produits là-bas se servent de l'assurance de EDC pour être sûres d'être payées. Si la récession s'accentue en Grèce, certains ne pourront plus honorer leurs échéances.

Le sénateur Eaton : La situation de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal influera-t-elle sur l'euro? Si l'euro s'effondre, cela aura-t-il des répercussions partout en Europe?

M. Poloz : La baisse de l'euro est un mécanisme réflexe, un amortisseur de choc pour la région. Elle n'a pas de conséquences directes pour nous. Ce qui nous préoccupe davantage, c'est la performance économique fondamentale.

Le sénateur Gerstein : Quelle monnaie utilisez-vous pour vos prêts? Le dollar canadien ou le dollar américain?

M. Poloz : Pour une transaction intérieure, nous utilisons le dollar canadien. La majorité de nos transactions se font en dollars américains. À l'occasion, nous traitons avec la monnaie locale, notamment au Brésil, au Mexique ou en Australie, mais ces transactions ne représentent pas une grande partie de notre chiffre d'affaires. Nous utilisons surtout le dollar américain.

Le sénateur Meighen : Pour continuer dans la même veine, quel est l'effet de la faiblesse de l'euro pour vous si vous avez consenti vos prêts en dollars américains?

M. Poloz : Il n'y a aucun effet. EDC établit tous ses rapports en dollars canadiens mais gère le gros de ses opérations en dollars américains, notamment pour les emprunts internationaux qu'elle contracte pour financer ses prêts.

Lorsque le dollar canadien chute, comme cette semaine, par exemple, pour un dollar américain donné, nos comptes sont en hausse. Si l'on compare cette année à l'année dernière, le dollar canadien est beaucoup plus fort. Pour un volume donné de transactions en dollars américains, nos revenus semblent inférieurs. Simple question de comptabilité, sénateur.

Le sénateur Meighen : Vous avez répondu assez longuement à cette question qui vous a été posée au départ par la présidence. Quelles sont vos prévisions à tous les quatre en ce qui a trait aux retombées de ce ralentissement économique pour ce qui est de vos mandats et de vos rôles? Quelles seront les conséquences à long terme ou est-ce que tout reviendra à la normale, comme M. Poloz l'a dit? Autrement dit, les instances de réglementation feront mieux leur travail; les instruments financiers seront moins bizarres qu'ils l'étaient et l'argent ne sera pas gratuit. En d'autres mots, nous reviendrons à une situation plus normale.

Le succès de certaines de ces initiatives ne se limitera peut-être pas au moment dans le temps et à la situation particulière qui leur a valu de voir le jour. Entrevoyez-vous que certaines demeureront en place?

Au fil des ans, on nous a dit que les emprunteurs étaient frustrés parce que les banques à charte refusaient de moduler leur prix selon le risque. Les gens ont dit qu'ils préféreraient obtenir un prêt à un taux d'intérêt plus élevé que de ne pas en obtenir du tout. Dans un cas, l'explication fournie par la banque était qu'elle risquait d'être accusée de prêt usuraire, bien que cela soit illégal. Néanmoins, les banques auraient pu se retrouver dans l'eau chaude au plan des relations publiques si l'on avait su qu'elles prêtaient à une entreprise risquée à 14 p. 100 lorsque le taux préférentiel était de 5, 6 ou 7 p. 100.

Monsieur Halde, vous avez dit dans votre exposé que vous consentiez des prêts qui vont au-delà de l'appétit pour le risque des institutions bancaires. Étant donné qu'il y a peu ou pas d'institutions financières de niveau secondaire ou tertiaire au Canada, comme il en existe dans d'autres pays, y a-t-il une lacune ici? Peut-on tirer un enseignement de cela? Y a-t-il une leçon de la crise qui pourrait s'avérer avantageuse pour le pays?

M. Halde : C'est une question intéressante. Si l'on prend une vue d'ensemble, il a été démontré que les marchés privés qui ont généralement l'heure juste, n'ont pas toujours raison dans 100 p. 100 des cas, comme certains de nos entrepreneurs l'ont constaté. Il a aussi été démontré que des organisations comme la nôtre, celle de M. Poloz et d'autres doivent être prêtes à intervenir. Nous étendons nos services en cas de besoin et nous les contractons lorsque le besoin est moindre, mais nous ne pouvons faire en sorte qu'ils tombent à zéro parce que nous ne serons pas là lorsque le besoin se fera sentir. Nous devons être constamment prêts. Il y a suffisamment d'imperfections dans le marché pour nous garder occupés pendant un certain temps.

Pour ce qui est de tarifer les risques, il faut comprendre que les banques ont des objectifs différents des nôtres. Leur raison d'être est de maximiser la valeur actionnariale, et elles prennent les mesures qui s'imposent pour y arriver. On nous demande d'avoir un taux de rendement des capitaux propres supérieur au coût à long terme de notre capitalisation, ce qui se traduit évidemment par un chiffre beaucoup plus petit. En raison de cette différence de mandat, même si nous tarifons le risque, les pertes que nous encourons à la suite de prêts plus risqués, la rentabilité est au rendez-vous. Toutefois, nous sommes loin d'afficher la rentabilité des banques à charte, qui tentent de maximiser leur rendement.

Il y a sans doute une proportion des prêts qui figurent dans nos livres qui n'intéresserait pas vraiment les banques, en dépit du fait que ces prêts sont adéquatement tarifés. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Meighen : Vous y êtes presque. Pour poursuivre, qu'arrive-t-il au pauvre entrepreneur dont la demande de financement est refusée par la banque? Ces entrepreneurs auront-ils recours au Programme de crédit aux entreprises (PCE) à l'avenir, ou à une forme de PCE, ou devront-ils se mettre entièrement entre vos mains?

M. Halde : Il existe au Canada des organisations provinciales qui jouent un rôle analogue au nôtre, selon les provinces, ce qui est une bonne chose. Dans une optique fédérale, je pense que nous avons fait du bon travail pour ce qui est de tenter de combler ces lacunes du marché. Toutefois, il n'y a pas tellement d'organisations au pays qui le font. C'est un fait.

Le sénateur Meighen : Vous semblez vouloir abandonner ce rôle maintenant.

M. Halde : Non, si c'est ce que vous avez compris, je ne me suis pas bien exprimé.

Le sénateur Meighen : C'est mon ouïe. Je suis désolé.

M. Halde : Le rôle de la Banque de développement du Canada est d'assumer davantage de risques. C'est notre rôle fondamental, et nous continuerons de l'assumer.

S'agissant du PCE, le gouvernement a essentiellement dit aux institutions financières, si vous n'êtes pas intéressées à courir ce risque, veuillez avoir l'obligeance de référer votre client à la BDC ou à EDC; ne dites pas simplement non, mais orientez vos clients vers la BDC et EDC.

J'espère que cette façon de faire se poursuivra.

Le sénateur Meighen : Le PCE était uniquement un système de référence? Je croyais que c'était un instrument de répartition du risque.

M. Halde : Oui et non. Dans certains cas, c'est strictement un système de référence. Un prêteur nous appelle pour nous dire qu'un client à long terme a un projet qu'il ne peut financer parce qu'il va au-delà de sa capacité d'absorption du risque et nous demande de bien vouloir le prendre sous notre aile.

Évidemment, nous le faisons parce que c'est notre raison d'être.

À cause des problèmes qu'a connus le marché, nous avons aussi traité avec des banques. M. Poloz a parlé de syndication. On ne nous a jamais appelés au sujet de prêts syndiqués. Cela n'était pas nécessaire, le marché disposait de liquidités considérables. Soudainement, de nombreux prêteurs ont quitté la scène et les téléphones ont commencé à sonner. Des gens nous disaient : « Je suis sur le point de conclure un marché de 300 millions de dollars et il me manque 50 millions. Pouvez-vous assumer une partie du financement?

Bien entendu, nous le faisions.

Encore une fois, la syndication était sous l'égide d'une institution financière du secteur privé. Dans ces cas, nous ajoutions seulement une capacité financière au système. Nous avons assumé les deux rôles. Le premier était notre rôle habituel, qui consiste à prêter aux entrepreneurs qui assument davantage de risques, la différence étant que cette fois, les institutions financières étaient encouragées à nous référer des clients — ce qu'elles ont fait avec beaucoup de bonne volonté — pour que nous puissions leur prêter davantage.

Pour nous, une année de prêt normale se chiffre à 2,9 ou 3 milliards de dollars environ. Nous avons prêté 4,4 milliards de dollars. Il faut comprendre que dans une récession, les entrepreneurs mettent de côté des plans et des projets. Normalement, pendant une récession, nos prêts seraient passés de 3 milliards à 1,5 milliard, peut-être. Au lieu de cela, ils ont augmenté à 4,4 milliards parce que nous avons accueilli tous les clients que nous ont acheminés les banques, et nous avons participé à des syndications, à des ententes relatives à des hypothèques commerciales et à d'autres marchés de même rang avec les institutions financières.

J'espère que cela vous éclaire.

Le sénateur Meighen : Oui. Si j'étais le ministre des Finances, m'inciteriez-vous à communiquer avec les banques et à leur dire de continuer de vous acheminer des clients parce que c'est une bonne chose pour les entreprises canadiennes?

M. Halde : J'imagine que c'est déjà fait. Je pense que les diverses institutions financières manifestent une plus grande volonté de poursuivre cette relation. Je serai franc : je pense qu'elles ont découvert un partenaire amical dont le rôle est de donner un coup de pouce.

Le sénateur Meighen : C'est ce que je voulais savoir. J'espère que vous avez raison parce que ce rôle semble tout indiqué.

Le sénateur Marshall : J'ai une question pour la BDC et pour la SCHL. Le représentant de la BDC a évoqué tout à l'heure l'augmentation du risque et a mentionné une hausse des taux de défaillance. Pouvez-vous nous donner un pourcentage ou un chiffre pour nous donner une idée de vos taux de défaillance et de recouvrement?

M. Halde : Je préfère vous revenir avec un chiffre sûr au lieu de vous fournir une approximation, car les taux changent rapidement. Puis-je faire parvenir ce renseignement?

Le sénateur Marshall : Bien sûr.

Quelle est votre source de financement? Le gouvernement fédéral vous fournit-il les fonds que vous prêtez ou est-ce la BDC qui emprunte l'argent?

M. Halde : Auparavant, nous avions l'habitude de réunir nos fonds par l'entremise de diverses transactions structurées. Depuis trois ans environ, nous empruntons directement d'Ottawa.

Le sénateur Marshall : Revenons au taux de délinquance. Qui absorbe les pertes?

M. Halde : C'est nous. Voici comment se présenterait un bilan simplifié de la banque : nous facturons de l'intérêt aux chefs d'entreprise — c'est notre revenu; nous devons assumer des frais d'exploitation, de paie, de personnel, de locaux, et cetera. À cela s'ajoutent nos pertes, et le solde, Dieu merci, est un chiffre positif, en dépit des pertes.

Le sénateur Marshall : L'argent vient d'Ottawa. Vous le prêtez en totalité, mais vous n'en récupérez pas la totalité à cause du taux de délinquance. L'argent revient-il à Ottawa? Pouvez-vous boucler la boucle?

M. Halde : Je vais descendre encore d'un autre niveau. Essentiellement, nous vendons des actions de la banque à Ottawa, qui injecte du capital. Nous avons le droit d'emprunter à différents taux. Dans le cas d'un prêt à terme, nous pouvons emprunter 10 $ pour chaque dollar de capitaux propres. Dans le cas du financement secondaire, c'est seulement 4 $ par dollar de capitaux propres, parce que le prêt est plus risqué. Les différents taux protègent l'actif comptable de la banque.

Avec cet actif comptable, qui est un mélange de capitaux propres et d'argent que nous empruntons, nous accordons des prêts. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ces prêts nous rapportent des revenus sous forme d'intérêts et nous permettent de payer nos dépenses. Même en tenant compte des défauts de paiement, nous sommes rentables. Nous sommes rentables depuis 1997. Chaque année, comme toute bonne société par actions, nous payons des dividendes à notre actionnaire. Notre ratio dividende-bénéfice est d'environ 15 p. 100; chaque année, nous nous faisons un plaisir d'envoyer à notre actionnaire un chèque au montant de 15 p. 100 de nos bénéfices.

Le sénateur Marshall : Cet actionnaire est le gouvernement du Canada?

M. Halde : Oui. À l'heure actuelle, nous dépassons 175 millions de dividendes au gouvernement du Canada. Nous ne coûtons pas un sou au gouvernement, contrairement aux programmes que vous connaissez et qui exigent des crédits parlementaires. Dans notre cas, nous recouvrons nos frais et même davantage.

Le sénateur Marshall : Je m'intéresse au taux de délinquance.

M. Halde : Je vais vous fournir cette statistique exacte.

Le sénateur Marshall : Comment la SCHL décide-t-elle à quels secteurs des fonds seront fournis? Je vais vous expliquer pourquoi je pose la question. À Terre-Neuve-et-Labrador, il existe un secteur appelé les foyers de soins personnels. Les établissements importants peuvent être financés par la SCHL, mais pas les plus petits. En conséquence, les petits établissements ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Il me semble que la SCHL devrait avoir quelque chose à leur offrir.

Quelle est la distinction? Pourquoi une partie du secteur est-elle admissible au financement de la SCHL, tandis qu'une autre partie ne l'est pas?

Mme Kinsley : Pour établir le contexte, nous avons seulement le mandat de fournir de l'assurance hypothécaire, et c'est vraiment de cela que vous parlez, pour les hypothèques résidentielles. Or les hypothèques résidentielles incluent les établissements de soins que vous avez évoqués. Ils sont admissibles.

Vous demandez pourquoi une catégorie est admissible alors qu'une autre ne l'est pas. Cette décision est fondée sur nos critères de sélection des risques. Autrement dit, nous examinons les projets et en évaluons le risque et, à l'instar des prêteurs, nous disons que le risque de tel projet nous semble acceptable et que le risque d'un autre projet nous apparaît trop élevé. Ce n'est pas une question de mandat; en fin de compte, la décision est fondée sur le risque.

Quand nous examinons les dossiers d'établissements grands et petits, surtout des établissements de soins, en plus de la structure, qui doit évidemment nous sembler acceptable, nous examinons les activités commerciales. L'établissement fournit des soins et des services. Cela ajoute un élément de risque dont nous devons tenir compte. Pour les petits établissements, ce risque augmente généralement parce que la masse critique est moindre. Par conséquent, si des places sont vacantes dans l'établissement, par exemple, le potentiel de perte est plus élevé.

Je simplifie, mais quand il s'agit de grands ou petits établissements, la décision est prise au cas par cas, en fonction du risque; ce n'est pas une question de mandat.

Le sénateur Marshall : Le Cadre de financement exceptionnel a-t-il une incidence sur l'élément de risque que vous évoquez? À entendre le représentant de la BDC, on dirait qu'en application de ce cadre de financement exceptionnel, la BDC assume davantage de risques et prête de l'argent. Est-ce également vrai pour la SCHL? Pourquoi la SCHL n'assume-t-elle pas plus de risques avec ce financement additionnel?

Mme Kinsley : Je vais faire la distinction entre deux choses que nous faisons dans le domaine du financement de l'habitation. Les mesures dont nous parlons, dans le dossier du financement exceptionnel, ne visent pas les prêts, mais plutôt l'injection de liquidités dans le marché. Nous ne sommes pas un prêteur dans le sens commercial du terme, en aucune circonstance. Nous fournissons de l'assurance hypothécaire sur des prêts que les banques accordent, pour protéger le prêteur, la banque, contre un éventuel défaut de paiement de l'emprunteur. C'est un secteur d'activité. Cela n'a rien à voir avec les mesures de financement exceptionnel.

Le deuxième volet d'activité, dans le marché hypothécaire, qui est séparé de l'assurance contre le défaut de paiement, c'est de veiller à ce qu'il y ait suffisamment de liquidités auxquelles les institutions financières ont accès dans le marché hypothécaire pour pouvoir accorder des prêts aux promoteurs solvables. C'est ce problème, la disponibilité d'argent pour accorder des prêts, qui nous a obligés à intervenir et à donner un coup de pouce.

Nos activités d'assurance se sont poursuivies normalement, en appliquant les critères habituels; le financement exceptionnel consistait à aider à augmenter l'offre d'argent disponible pour financer des projets valables dans le marché des hypothèques résidentielles.

Le sénateur Marshall : Les critères sont-ils uniformes d'une province à l'autre?

Mme Kinsley : Oui, et les demandes sont étudiées au cas par cas. La situation du marché, la qualité de l'emprunteur, la solidité du projet lui-même, tout cela est évalué individuellement.

Le sénateur Massicotte : J'ai une question supplémentaire.

Je pense avoir entendu la réponse, mais le rendement moyen de l'actionnaire sur les capitaux propres a été de 15 p. 100 au cours des cinq dernières années?

M. Halde : Non, notre rendement moyen des capitaux propres au cours des 10 dernières années se situe probablement autour de 4 p. 100, 5 p. 100 ou 6 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Quand je parle de capitaux propres, cela inclut tout l'argent fourni par l'actionnaire sous forme d'actions ou d'avances; quand vous dites 5 p. 100 ou 6 p. 100, cela inclut tous ces capitaux?

M. Halde : C'est le rendement de l'avoir propre, c'est-à-dire le capital; c'est exact.

Le sénateur Massicotte : Il n'a pas fourni de capital sur les prêts?

M. Halde : Non.

Je voudrais apporter une précision. Il y a l'achat des actions, qui crée l'avoir propre inscrit au bilan, et puis il y a le fait que nous pouvons emprunter. Auparavant, nous empruntions à même les marchés structurés. En général, nous empruntions en yens ou en euros, mais on nous a demandé de ne pas emprunter à l'étranger, mais plutôt d'emprunter à partir du bureau central ici à Ottawa, ce que nous avons évidemment accepté de faire. Nous avons actuellement des capitaux propres de près de 4 milliards de dollars. Le chiffre que je vous donne s'applique au rendement sur ces 4 milliards de dollars d'actions.

Le sénateur Massicotte : Vous payez un intérêt séparé sur l'argent qu'ils vous prêtent.

M. Halde : Je peux vous assurer que nous payons le taux du marché.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que le gros de l'avoir propre, le montant de la garantie, est important en comparaison des capitaux? Est-ce un multiple?

M. Halde : Pardon?

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit 5 p. 100 ou 6 p. 100 sur le capital investi, mais je suppose qu'il y a aussi des garanties imputées?

M. Halde : Non, nous n'avons pas de garanties imputées.

Le président : J'ai moi aussi une question supplémentaire, pour obtenir une précision. La Banque de développement du Canada et Exportation et développement Canada ont tous les deux vu leur capital autorisé augmenter de 1,5 milliard de dollars l'année dernière dans le cadre de ce programme; vous vendez ensuite ce capital autorisé sous forme d'actions au gouvernement du Canada pour amasser des revenus supplémentaires pour mener les autres activités que l'on vous a demandé de faire?

M. Halde : C'est exact.

Le président : Avez-vous de l'argent emprunté en plus du capital autorisé provenant de la vente de capitaux propres au gouvernement du Canada? Avez-vous des prêts externes? Vous avez dit qu'on vous a demandé d'emprunter au gouvernement du Canada. Je suppose qu'il s'agit d'un prêt qui s'ajoute à la vente de vos actions.

M. Halde : Oui; je vais citer de mémoire et je peux me tromper quelque peu.

Actuellement, nous avons des actifs d'environ 17 milliards de dollars. Essentiellement, 3,7 milliards de dollars sont consacrés au programme FCCG, c'est-à-dire les titres que nous avons achetés. Le reste, ce sont évidemment des prêts en cours à nos divers clients, aux alentours de 13 milliards de dollars. C'est un volet du bilan.

L'autre volet du bilan, c'est un avoir propre de 4 milliards de dollars, la différence étant les emprunts, qui s'élèvent donc à environ 13 milliards de dollars. De ce montant, il y a probablement 2 milliards de dollars à des prêteurs externes, sous forme d'obligations structurées qui vont s'évaporer avec le temps. La dernière vient à échéance en 2022. Le reste, ce sont des emprunts, donc 11 milliards de dollars empruntés directement au Trésor.

Le président : Les sénateurs voudraient savoir si ces emprunts à l'extérieur sont garantis par le gouvernement du Canada.

M. Halde : Oui, ils le sont.

Le sénateur Massicotte : Quel taux payez-vous sur les prêts?

M. Halde : C'est un taux bas. Je ne peux pas vous dire si c'est 15 points de base, 25 points de base ou 35 points de base ces jours-ci, mais c'est un taux qui est faible, étant donné la situation.

Nous sommes rentables depuis 1996 et je soupçonne donc que le gouvernement se sent à l'aise.

Le président : Monsieur Poloz, avez-vous une structure et un découvert semblables?

M. Poloz : Oui, mais il y a quelques différences : comme nos emprunts sont presque entièrement en dollars US ou d'autres devises étrangères, nous ne sommes pas passés par l'autorité centrale de crédit, comme l'a fait la BDC. En chiffres ronds, EDC a reçu depuis le début quelque 1,3 milliard de dollars de capital du gouvernement. Ce capital comprend l'argent supplémentaire accordé dans le budget de l'année dernière, c'est-à-dire 350 millions de dollars. Durant cette période, EDC a remis environ la moitié de ce montant en dividendes, mais possède quelque 10 milliards de dollars de capitaux grâce aux bénéfices non répartis accumulés depuis 65 ans.

L'actif actuel est d'environ 30 milliards de dollars, de sorte que nous avons emprunté approximativement 20 milliards de dollars sur le marché pour financer les prêts que nous avons accordés. Nous payons le taux du marché pour ces emprunts. Nous empruntons d'investisseurs ordinaires dans le monde entier. Nos coûts représentent le coût du crédit plus le coût du loyer et du personnel. Ensuite, nous ajoutons nos revenus, qui viennent des taux d'intérêt que nous faisons payer et qui sont les taux du marché. Nous avons fait un profit chaque année en fonctionnant de cette manière.

Notre dette est encore garantie par la Couronne. C'est une obligation cotée triple A qui est détenue par le marché et assortie d'une garantie explicite.

Le président : La loi qui crée vos deux entités fixe une limite au montant des emprunts; du moins je le suppose.

M. Poloz : Oui, chaque année, quand nous élaborons notre plan d'affaires pour le présenter au Conseil du Trésor, nous préparons aussi un plan accessoire pour notre pouvoir d'emprunt, lequel est approuvé par le ministère des Finances. Habituellement, nous tenons compte du plan; nous avons besoin d'un certain montant et l'on nous accorde un léger excédent. Si jamais la situation devenait extrêmement active, il nous faudrait demander un pouvoir d'emprunt supplémentaire.

M. Halde : Je voudrais ajouter une observation. Mon collègue a soulevé un point intéressant que j'aurais probablement dû aborder moi-même dans mes observations. Quand j'ai dit que nous avions 4 milliards de dollars d'avoir propre, ce ne sont pas 4 milliards de dollars de capitaux que le gouvernement a injectés. Le gouvernement a mis environ 2 milliards de dollars de capitaux; le reste, l'autre 2 milliards, ce sont des bénéfices non répartis. Au total, cela donne 4 milliards de dollars.

J'ai parlé d'avoir propre. Il comprend en fait deux volets : les actions que nous avons vendues à Ottawa, auxquelles s'ajoutent les bénéfices non répartis. Je tenais à le préciser.

Le sénateur Murray : Je voudrais revenir sur une ou deux questions que nous avons abordées tout à l'heure.

Monsieur Halde, de votre point de vue, à la Banque de développement du Canada, quelle était, ou quelle est la valeur ajoutée par EDC au marché intérieur? Est-ce de l'argent? De l'expertise? Est-ce une série de critères ou de programmes différents?

M. Halde : C'est une question intéressante. EDC possède une expertise industrielle extrêmement poussée et je pense que nous le reconnaissons tous. Nous partageons souvent nos connaissances et nous discutons de la manière d'envisager les choses.

Dans la situation dans laquelle notre pays se trouvait il y a un an et demi, il convenait que tous mettent l'épaule à la roue et que tous les organes du gouvernement apportent leur aide. Nous avons été un peu étonnés que mon ami à ma gauche se retrouve avec des pouvoirs sur le marché intérieur, mais c'était probablement la bonne décision, compte tenu de l'urgence de la situation.

La question qui se pose, et je pense que M. Poloz l'a mentionné, c'est de savoir si dans un an et demi, selon que le marché sera revenu à la normale, ces pouvoirs seront encore pertinents? On craint bien sûr qu'il y ait un peu de confusion sur le marché, un certain dédoublement des efforts. Nous devons faire un peu attention, mais les décideurs politiques devront prendre cette décision en tenant compte de la situation dans un an et demi.

Le sénateur Murray : Vous avez répondu à ma deuxième question, qui était de savoir si, de votre point de vue, il est souhaitable ou nécessaire de prolonger leurs activités sur le marché intérieur au-delà de deux ans.

M. Halde : Il faudra voir à quoi ressemble le marché à ce moment-là. Nous avons certaines craintes quant à la possibilité de dédoublement et de confusion; mais en l'occurrence, je pense que c'était la bonne solution parce que tellement d'entrepreneurs cherchaient du crédit. Plus nous étions nombreux à venir en aide, mieux c'était.

Le sénateur Murray : Est-ce que vous relevez du ministre de l'Industrie?

M. Halde : Oui.

Le sénateur Murray : EDC relève du ministre du Commerce international, sauf erreur.

M. Poloz : En effet.

Le sénateur Murray : Est-ce que l'un de vous, ou les deux, pourraient décrire une « entente de partage du risque » typique? Qui d'autre partage ce risque? Est-il vrai de dire que, quel que soit le rendement envisagé dans un tel exercice, ce rendement est proportionnel au risque que les divers participants ont assumé? Décrivez une entente typique de partage du risque.

M. Poloz : Je vais donner un exemple simple, celui d'une compagnie qui a perdu l'un de ses prêteurs. Ce pourrait être une banque scandinave, par exemple, qui a quitté le marché, ou bien ce pourrait être GMAC ou GE Capital, une institution de ce genre, mais la compagnie peut encore compter sur une banque canadienne, avec laquelle elle faisait affaire en plus de ce prêteur.

Nous rencontrons alors un représentant de la banque de cette compagnie. La banque peut imposer une limite à cette compagnie, disons par exemple une ligne de crédit de 50 millions de dollars. Nous serions disposés à reprendre la moitié de ce montant dans une telle situation.

Si la banque impose alors une limite de 20 millions de dollars au lieu de 25 millions, nous allons la convaincre que nous sommes dans une situation extraordinaire. C'était cela, le Programme de crédit aux entreprises : donnons-nous la main et travaillons tous ensemble. Nous sommes tous les deux d'accord pour dire que cette compagnie va s'en sortir et va traverser cette période difficile.

Une fois cela fait, c'est un accord de prêt pari passu, c'est-à-dire que nous avons exactement le même statut que la banque. Toutes les garanties sont partagées moitié-moitié et l'on fait payer les mêmes frais et taux d'intérêt. Tout est identique. Normalement, c'est le rôle principal que nous jouons.

Normalement, il y a plus d'une institution financière. Surtout dans le cas que j'ai décrit, nous cherchons à trouver d'autres intervenants qui sont disposés à participer. Ce surcroît de travail en vaut la peine parce que nous avons alors une plus forte capacité. Si nous pouvons convaincre d'autres institutions financières et partager le risque en trois ou quatre, nous pouvons alors offrir à cette compagnie un meilleur programme de crédit. Quand cette entente de deux ans vient à échéance, la compagnie peut s'adresser à beaucoup de banquiers qui sont intéressés à faire affaire avec elle.

Nous pensons que cette philosophie du partenariat nous a bien servis. Pour reprendre l'image que j'ai utilisée tout à l'heure, c'est un rôle dont l'ampleur varie comme un accordéon. La question de savoir si le pouvoir sur le marché intérieur devrait être permanent m'apparaît secondaire. La question est de savoir si la souplesse sert bien les institutions financières et les entreprises.

Nous pouvons avoir cette souplesse et nous en servir seulement à l'occasion. Ce n'est pas la même chose que d'avoir un programme spécial, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés l'année dernière. Quant à savoir si cela devrait être reconduit, c'est à mes yeux une question distincte de celle de savoir si cette souplesse nous a bien servis.

Je pense que nous avons travaillé extrêmement bien ensemble. Nous avons réussi à nous diviser le marché de manière commode. Dans plusieurs ententes, nous avons tous les deux participé à cette syndication.

Le sénateur Murray : Monsieur Poloz, le président a mentionné EACL. Ce n'est pas l'objet de la réunion de ce soir, mais je suis coupable d'avoir interrogé hier les représentants d'EACL sur leurs relations avec EDC au fil des années.

J'ai eu l'impression, peut-être à tort, que le gouvernement du Canada, d'une manière ou d'une autre, a offert des ententes de faveur ou des conditions favorables aux gouvernements étrangers ou à des entreprises de production d'électricité au fil des années pour les inciter à nous acheter des réacteurs ou la technologie nucléaire CANDU. En particulier, je me rappelle d'une annonce faite il y a quelques années quand le premier ministre Chrétien est allé en Chine.

Lorsque j'ai pris connaissance de cette annonce — et je ne l'ai jamais réexaminée —, ma réaction a été que nous donnions aux Chinois l'argent nécessaire pour nous acheter cette technologie. Quoi qu'il en soit, les choses en sont restées là.

Après la réunion, un représentant d'EACL s'est approché de moi et m'a dit que j'avais tort à ce sujet. Nous facturons de l'intérêt aux Chinois, à hauteur de plus de 7 p. 100, ce qui a été très rentable. J'ignore si vous êtes dans une position qui vous permet de commenter cette entente. Toutefois, si vous en ressentez le désir, faites-le. Je pense avoir remis les pendules à l'heure.

En général, s'agissant de vos rapports avec EACL, diriez-vous que ces transactions, dans votre optique, sont menées selon des paramètres strictement commerciaux?

M. Poloz : Je peux commenter. La raison d'être d'EACL est de vendre de l'équipement coûteux. Par conséquent, lorsque cette entité conclut un marché, nous savons que quelqu'un aura besoin de financement dans ce contexte. Nous nous retrouvons souvent ensemble pour mener à bien une mission, que ce soit en Inde ou en Turquie, et il est implicitement reconnu que EDC est disposée à apporter son aide au chapitre du financement. Quand on parle d'aide, on veut habituellement dire qu'il y a des partenaires. Bien entendu, l'achat d'un réacteur nucléaire est une grosse dépense, et la situation financière d'EDC ne lui permet pas de le financer en totalité, de sorte que nous sommes là à titre de partenaire pour voir comment nous pouvons faciliter les choses.

Une telle transaction ne repose pas tout à fait sur une base commerciale. Le secteur nucléaire est régi par une entente entre diverses agences de crédit à l'exportation, en vertu d'un arrangement consensuel de l'Organisation de coopération et de développement économiques, analogue à celui qui gouverne l'aérospatiale ou la construction navale. Ces secteurs ont d'importants déficits de financement. Toutefois, le taux de financement s'approche du taux du marché. Les parties intéressées peuvent emprunter sur une période de 18 ans pour acheter une centrale nucléaire, et le taux sera basé sur le rendement des obligations américaines sur une période de 10 ans, plus une prime. Dans le cas de la Chine, la note était suffisamment élevée que la Chine a prépayé son prêt étant donné que le taux du marché s'est trouvé à être inférieur à ce qu'on leur avait facturé à l'époque.

Le sénateur Murray : Le chiffre de 30 millions de dollars me reste en mémoire.

M. Poloz : En 1997, nous avons fourni à la Chine un financement de l'ordre de 1,5 milliard de dollars. Cela semble énorme, et le prêt a été aussi élevé parce qu'il était assorti d'une garantie du Compte du Canada. Par conséquent, il figurait littéralement sur le Compte du Canada, mais nous l'avons financé. Il a été tarifé selon la méthode que je viens d'expliquer.

Le sénateur Murray : Qui d'autre était partie prenante?

M. Poloz : Je ne pense pas que personne d'autre ait été partie prenante à cette entente. Si je ne m'abuse, la facture était d'environ 2 milliards de dollars et les Chinois ont simplement payé.

Le sénateur Murray : Le prêt s'élevait à 1,5 milliard de dollars.

M. Poloz : Oui; il a été remboursé en totalité. Il a été payé à l'avance parce que le taux du marché était tombé sous le taux convenu. Il n'y avait aucune clause de faveur, si vous voulez. Cela ne se fait pas.

Le sénateur Murray : À cause de l'arrangement consensuel de l'OCDE?

M. Poloz : C'est un accord entre pays. Lorsqu'on présente une soumission pour un projet, il est obligatoire d'aviser les autres membres, et tous peuvent voir les conditions que nous offrons. Cet accord garantit également l'égalité des chances. Si une société française présente une offre pour le même projet, elle peut prendre connaissance des conditions de financement offertes et déclarer être en mesure d'offrir l'équivalent. C'est la façon dont le processus fonctionne.

Le sénateur Murray : C'est une information utile. Merci.

M. Halde : Je voudrais répondre, moi aussi, sénateur Murray. Vous vouliez savoir si le risque est partagé entre notre institution et d'autres.

Le sénateur Murray : Votre organisation peut faire la même chose que la sienne?

M. Halde : Oui, nous avons conclu des ententes de syndication des marchés à parts égales, et ainsi de suite. Dans ces cas-là, nous nous alignons sur le taux fixé par le partenaire privé, évidemment. Comme nous nous alignons à cette partie, nous offrons le même taux.

Toutefois, la majeure partie de nos transactions ont découlé de références, comme je l'ai déjà mentionné. Ce sont des cas où la banque déclare avoir un problème et nous demande de nous en occuper. Des prêts de l'ordre de 2,7 milliards de dollars que nous avons consentis dans le cadre du PCE, 236 millions découlaient de syndications, mais des prêts de plus de 1,5 milliard de dollars visaient des transactions qui nous ont été référées et que nous avons assumées de façon autonome. En l'occurrence, il faut savoir que les prêts en question visent de petites sommes. M. Poloz a mentionné qu'Exportation et développement Canada avait enregistré 200 transactions. Dans notre cas, chez nous, ces prêts de 2,7 milliards de dollars visaient 9 860 transactions — tout près de 10 000 transactions —, et nous avons fait cavalier seul pour la plupart de ces petites transactions. Je tenais à préciser cela.

Le sénateur Neufeld : Pour faire suite à la question du sénateur Murray concernant l'achat d'un réacteur CANDU par la Chine, il y a environ neuf réacteurs CANDU disséminés un peu partout dans le monde. La Chine n'a pas été le seul acheteur. Avez-vous été partie prenante dans l'un ou l'autre de ces achats et, dans l'affirmative, sont-ils assujettis aux mêmes conditions? Les transactions ont-elles toutes été de nature commerciale, selon ce que vous avez expliqué au sénateur Murray?

M. Halde : Oui, les conditions étaient exactement les mêmes. La seule autre transaction à laquelle nous avons participé concerne la Roumanie, et elle a donné lieu à un engagement beaucoup plus petit. Je n'étais pas là à l'époque où le marché a été conclu, mais notre participation s'élève à 300 millions de dollars environ. Elle est régie par le même cadre.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le président : Aux fins du compte rendu, pour que tout soit clair, pourriez-vous expliquer aux honorables sénateurs ce qu'est le Compte du Canada, monsieur Poloz?

M. Poloz : Bien sûr. Lorsque EDC évoque les transactions que j'ai décrites ici ce soir, ces transactions figurent sur ce qu'on appelle un compte de société qui figure dans le bilan d'EDC, comme je l'ai déjà dit. Nous disposons d'une capitalisation de 10 milliards de dollars de sorte que nous pouvons assumer des prêts de 30 milliards de dollars, ainsi qu'un passif éventuel de 30 milliards de dollars également par le biais de nos programmes d'assurance. Soit dit en passant, l'an dernier, cette activité a mis cinq cents pour chaque dollar dans les poches des Canadiens, ce qui signifie que 5 p. 100 du produit intérieur brut du Canada a été généré par les transactions que nous avons facilitées. Nous sommes fiers de ce rendement.

Il existe un mécanisme distinct dont dispose le gouvernement, appelé le Compte du Canada.

Le sénateur Murray : Qui le contrôle?

M. Poloz : Le gouvernement du Canada.

Le sénateur Murray : Ce n'est pas vous. Qui est-ce?

M. Poloz : Le gouvernement.

Le sénateur Murray : Un ministre? Qui? Quel bureau?

M. Poloz : C'est le cabinet qui approuve toutes les transactions sur le Compte du Canada.

Si l'on considère la gamme des risques, on recourt au Compte du Canada lorsque le risque atteint un point où il est trop élevé pour qu'EDC puisse envisager de l'assumer, et pourtant, le gouvernement estime que la transaction revêt une importance stratégique pour le Canada. En pareil cas, il demandera à EDC d'administrer le prêt sous l'égide du Compte du Canada. C'est ce qui s'est passé avec le réacteur nucléaire chinois, par exemple.

EDC administre le prêt comme n'importe quel autre. Ainsi, l'an dernier, nous avons consenti un prêt au secteur de l'automobile, et je pense que la plupart des gens diraient que l'opération s'est soldée par un succès. Quoi qu'il en soit, si le risque est trop élevé pour qu'EDC puisse l'assumer compte tenu de son actif comptable normal, ce mécanisme est disponible. EDC est comme un accordéon. Il a traversé des périodes difficiles. L'an dernier, nous avons été plus actifs à cause du secteur automobile et de quelques autres. Lorsque la conjoncture est meilleure, cet instrument n'est pas utilisé, même si on y a recours depuis longtemps. Dans la situation particulière où la transaction est d'intérêt national ou d'une importance stratégique, la question est soumise au cabinet. C'est dire que l'on juge qu'il est important pour nous d'intervenir, mais que cela ne peut se faire en vertu des mécanismes habituels.

Le président : Merci.

Le sénateur Murray : C'est grâce au Compte du Canada que General Motors — j'essaie de trouver un terme poli pour « renflouer »...

Le président : Sauver.

Le sénateur Murray : ... a été financé. Vous n'avez pas participé à cette transaction, n'est-ce pas?

M. Poloz : Oui. Nous avons joué un rôle de conseiller clé tout au long du processus. Notre équipe spécialiste du transport terrestre a participé à toutes les négociations, conjointement avec des représentants de Finances Canada, d'Industrie Canada et du gouvernement de l'Ontario.

Le sénateur Murray : Le gouvernement a décidé de recourir au Compte du Canada, décision qui a été ratifiée par le Parlement, si je me souviens bien, et il a ensuite demandé à EDC d'agir comme coordonnateur?

M. Poloz : Le gouvernement s'est tourné vers nous à titre d'experts, si vous voulez, parce que nous concluons des transactions de ce genre tous les jours. C'est simplement que les sommes en cause étaient vraiment astronomiques. En fait, nous avons conclu beaucoup de transactions dans le secteur de l'automobile.

Le sénateur Murray : Dans les faits, le gouvernement a radié le prêt, n'est-ce pas?

M. Poloz : Non, sénateur.

Le sénateur Murray : Il est tenu de se défaire des actions à une certaine date.

Le président : Le ministre des Finances nous a dit qu'il avait radié le prêt.

M. Poloz : Peut-être le ministre voulait-il expliquer qu'un prêt consenti en vertu du Compte du Canada est presque toujours consenti dans un secteur à haut risque. Chose certaine, c'était vrai dans le cas du secteur automobile.

Prenons ce qui se fait à EDC. Advenant que l'on consente un prêt de 100 millions de dollars cette semaine, s'il s'agit d'un risque ordinaire — c'est-à-dire une compagnie raisonnablement bien cotée — je mets automatiquement de côté des réserves de 5 millions de dollars sur ce prêt. Les réserves peuvent atteindre 10 millions de dollars selon le risque. Dans une situation risquée, les réserves sur ce prêt peuvent atteindre 30 ou 40 millions de dollars.

Dans le cas d'une transaction inscrite au Compte du Canada, le ministre des Finances doit choisir un coefficient de réserve et ce coefficient doit être comptabilisé comme une dépense. L'agent est « dépensé » ou mis de côté et doit figurer comme tel dans la comptabilité. Je pense que c'est ce à quoi le ministre faisait sans doute allusion. Des 10 milliards de dollars environ qui ont été investis, environ 1 milliard et des poussières — j'oublie le chiffre exact — a été remboursé le mois dernier. Vous avez raison; le solde est constitué d'avoirs en actions, ce qui fera l'objet de dispositions à long terme. À ce stade-ci, rien n'a été radié.

Le sénateur Murray : Pour ce qui est des réserves, il y a comptabilité et comptabilité.

M. Poloz : C'est une réserve. Si je réserve 5 millions de dollars sur un prêt de 100 millions, c'est comme si j'avais brûlé ces 5 millions. Ils sont entreposés dans une voûte et sauvegardés au cas où quelque chose clocherait. Le montant de la réserve est calculé selon la probabilité que quelque chose tourne mal.

Le sénateur Murray : Qu'arrive-t-il aux actions?

M. Poloz : Je suis moins bien informé à ce sujet. Les actions sont conservées au nom du gouvernement à la Société d'assurance-dépôts du Canada, la SADC. On ne peut pas inscrire des actions au Compte du Canada. Le Compte du Canada détient le prêt; et il y est encore. Le prêt est adossé aux actions, qui sont détenues ailleurs.

Le sénateur Murray : Sommes-nous obligés de nous départir des actions par tranches aux dates qui ont été arrêtées? Sommes-nous tenus de le faire en vertu de l'accord, ou est-ce une déclaration d'intention?

M. Poloz : J'avoue que j'ignore la réponse à cette question.

Le sénateur Murray : Je suis désolé de vous interroger sur des questions que vous n'êtes pas venu ici pour discuter.

M. Poloz : C'est relativement facile à trouver, si vous voulez.

Le sénateur Murray : J'aimerais le savoir.

Le président : Tout ce que vous pouvez faire pour nous aider sera apprécié. C'est une question qui nous intéresse. Merci, monsieur Poloz.

Le sénateur Ringuette : J'ai été étonnée d'apprendre que lorsque vous consentez un prêt avec des partenaires, que ce soit avec la BDC ou EDC, ou avec des partenaires du secteur privé, même si le risque que vous encourez est plus élevé — et vous avez dit toujours prendre en compte la situation à plus haut risque —, votre taux débiteur est le même que celui de votre partenaire. Est-ce toujours ainsi?

M. Halde : Non, je pense que je ne me suis pas exprimé clairement.

Lorsque nous concluons une entente avec une autre institution à parts égales — autrement dit lorsque le risque et le taux débiteur sont identiques pour chacun —, rien ne nous distingue. Nous partageons le risque, nous touchons le même rendement.

Le sénateur Ringuette : Le montant du prêt est le même?

M. Halde : Habituellement, le prêt est partagé en parts égales, mais la proportion peut être de 40-60. Essentiellement, le risque est le même. Nous exigeons le même taux. La même chose vaut pour les prêts syndiqués, où il peut y avoir six partenaires, et nous pouvons être le septième. Nous appliquons le même taux que les six autres.

Lorsque la BDC consent un prêt à un entrepreneur, nous lui imposons un taux en fonction du risque de façon à pouvoir retirer un mince profit à la fin de l'année. Ce sont deux situations totalement différentes.

Le sénateur Ringuette : Comment votre taux débiteur est-il différent dans ces deux situations?

M. Halde : Je ne suis pas sûr de comprendre la question.

Le sénateur Ringuette : Quel est votre taux débiteur moyen dans un partenariat avec risque partagé et votre taux débiteur moyen à titre de fournisseur de prêt unique?

M. Halde : Il est difficile de répondre à cette question car le taux dépend des circonstances, je regrette de le dire. Si l'on nous demande de participer à un prêt triple A dans un cadre consortial, évidemment, les différentiels sont faibles et les taux sont bas. Dans notre propre cas, le taux moyen d'un portefeuille est le taux préférentiel plus 2,7 p. 100. Ce taux représente la moyenne. Cela signifie que nous avons certains prêts au taux préférentiel plus un et demi pour cent et d'autres au taux préférentiel plus quatre ou plus cinq. C'est une fourchette. Dans le cas de marchés importants conclus avec des sociétés triple A, nous leur offrirons le taux préférentiel ou même un peu moins, selon la situation.

Le sénateur Ringuette : Le taux préférentiel ou même un peu moins?

M. Halde : Certaines firmes bénéficient d'un taux légèrement en deçà du taux préférentiel, comme le confirmeront mes collègues.

Le sénateur Ringuette : C'est intéressant d'entendre cela, particulièrement lorsque des petites et moyennes entreprises canadiennes luttent pour survivre et sont tenues de payer à nos banques à charte le taux préférentiel plus, plus, plus, et assurément jamais moins.

Les petites et moyennes entreprises sont l'épine dorsale de notre pays. Je voudrais vraiment pousser mes recherches sur cette question, mais peut-être pas ce soir. Je vais passer à mon autre question, à moins que vous vouliez apporter des précisions.

M. Halde : Je veux signaler une grande différence.

La grande majorité des clients dans notre portefeuille ne méritent même pas la cote triple B. Environ 90 p. 100 des sociétés de notre portefeuille sont cotées à moins que triple B. Cela signifie que le portefeuille comporte un risque élevé. Ces petites et moyennes entreprises — et je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet de l'importance des PME dans notre pays —, paieront, en moyenne, le taux préférentiel plus 2,7.

Les prêts dont je parle ont été consentis à de grosses sociétés comme celles qu'a mentionnées tout à l'heure mon collègue; ce sont des entreprises importantes qui bénéficient d'une cote triple A et avec lesquelles la BDC n'avait jamais fait affaire auparavant car ce n'était pas notre rôle. Nous avons été appelés à intervenir dans leur cas en raison d'un manque de liquidités et du départ de certains prêteurs. En l'occurrence, on compare des pommes et des oranges. Vous parlez de grandes sociétés cotées triple A participant à une syndication par opposition à de petites PME dont l'évaluation du risque est de beaucoup moindre qualité.

Le sénateur Murray : Et votre clientèle habituelle.

M. Halde : Et notre clientèle habituelle, oui.

Le sénateur Ringuette : Toujours à propos de la question des taux, quel était le taux appliqué aux contrats de location d'automobiles que vous avez achetés?

M. Halde : Il s'agit toutes d'entreprises cotées triple A par deux agences de notation. Notre propre personnel a effectué de nombreuses modélisations et simulations pour confirmer qu'elles méritaient effectivement la cote triple A. En dépit des cotes décernées par deux agences de notation, nous avons jugé préférable de faire nos propres devoirs, et nous avons convenu qu'elles méritaient la cote triple A.

Le sénateur Ringuette : Madame Kinsley, quelle était la cote des hypothèques que vous avez achetées, à hauteur de 69 milliards de dollars?

Mme Kinsley : Au Canada, les taux hypothécaires ne sont pas établis en fonction de ce genre de système de notation. Les hypothèques sont souscrites ou tarifées selon le risque individuel.

Les hypothèques en question étaient toutes de grande qualité. L'un des critères était qu'elles ne devaient pas avoir fait l'objet de manquements au moment de l'achat. Pour vous donner une idée de leur rendement, si c'est ce qui vous intéresse, elles offraient exactement le même rendement que le portefeuille moyen sur le marché. Par exemple, l'Association des banquiers canadiens publie le taux des arriérés de paiement au titre des hypothèques résidentielles dans un certain nombre d'institutions financières. Le rendement de ce portefeuille se situera exactement à ce niveau.

Le sénateur Ringuette : Si l'on considère la durée moyenne du prêt hypothécaire et la durée moyenne d'une location automobile, c'est de quatre ou cinq ans. Par conséquent, ce n'est que dans cinq ans que nous pourrons évaluer la valeur de ces investissements d'une valeur de plus de 70 milliards de dollars.

Mme Kinsley : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Comme je l'ai dit, à l'instar de n'importe quelle institution prêteuse, nous pouvons surveiller le rendement du portefeuille, comme je l'ai expliqué, en nous fondant sur le pourcentage des paiements en souffrance. Autrement dit, les propriétaires de la maison ont-ils raté des paiements? Ont- ils été incapables de payer pendant trois mois et, dans l'affirmative, à quel niveau?

Nous considérons ce portefeuille de la même façon que le marché dans son ensemble afin d'évaluer si le portefeuille, dans le contexte du Programme d'achat des prêts hypothécaires assurés, a un rendement meilleur, pire ou équivalent au reste du marché. Or, son rendement se situe exactement dans la moyenne.

Nous surveillons ce rendement tous les mois. Il y a des paiements mensuels de principal et d'intérêt quand les propriétaires de maison effectuent leurs paiements au titre de l'hypothèque.

Le sénateur Ringuette : Nous connaîtrons uniquement la valeur nette, étant donné que le gouvernement du Canada et les contribuables canadiens ont dû emprunter de l'argent pour vous fournir les fonds nécessaires à l'achat de ces hypothèques auprès de nos institutions financières.

Mme Kinsley : Oui.

Le sénateur Ringuette : Je comprends le scénario de la défaillance. Vous avez constaté que le taux de défaillance applicable à l'achat d'hypothèques d'une valeur de 69 milliards de dollars est similaire à celui du secteur privé. Nous connaîtrons uniquement dans cinq ans le résultat net de ces actions étant donné les emprunts contractés sur le marché et les défaillances éventuelles sur cinq ans. Nous ne savons pas encore ce qui va arriver.

Chose intéressante, je lisais aujourd'hui un article au sujet de la fraude hypothécaire. Il semble qu'on ait identifié une institution canadienne avec certitude, mais il est fort possible qu'un certain nombre d'autres institutions financières soient victimes de ce genre d'escroquerie. Apparemment, des cabinets d'avocats, des courtiers en hypothèques et des employés de banque seraient impliqués.

Comme je le disais, nous pourrons faire un bilan uniquement dans cinq ans. Lorsque vous aurez recouvré tous les paiements sur ces hypothèques, lorsque les contribuables du Canada auront été remboursés pour ces achats d'hypothèques, alors seulement saurons-nous le résultat net et la valeur nette de cet exercice et sa valeur nette pour les Canadiens.

Mme Kinsley : Avec votre permission...

Le président : Je pense que le témoin voulait répondre d'abord. Ensuite, nous passerons à la question supplémentaire.

Mme Kinsley : Je dois clarifier mes propos. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne prêtons pas vraiment de l'argent aux propriétaires de maison. Nous concluons un accord avec les institutions financières afin d'acheter les hypothèques qui figurent déjà dans leurs livres. Nous fournissons des capitaux. C'est l'institution financière qui assume l'obligation de remboursement, et non le propriétaire.

Dans l'éventualité où l'une de nos institutions financières n'honorerait pas ses obligations, en tant qu'institution, effectivement, cela ferait problème, même si nous avons prévu des mesures d'atténuation si cela devait arriver. Nous ne sommes pas exposés au risque de non-paiement du propriétaire. Notre risque, si tant est qu'il y en ait un, concerne le défaut de paiement de l'institution financière elle-même.

C'est une relation différente. Vous nous parlez d'une défaillance de la part du propriétaire, c'est-à-dire d'un propriétaire qui ne rembourse pas son prêt.

Le sénateur Ringuette : Vous avez dit tout à l'heure que votre taux de non-paiement des prêts hypothécaires était similaire à celui des autres institutions financières.

Mme Kinsley : À vrai dire, c'était le rendement du portefeuille. Ce n'est pas notre risque. Cela illustre le rendement de ces prêts pour le compte des institutions financières.

Le sénateur Ringuette : D'accord.

Le sénateur Gerstein : Madame Kinsley, vous avez investi l'argent des contribuables dans un programme dont vous attendez un rendement financier pour eux. Vous ne vous attendez pas à une perte financière, mais à un profit. Y a-t-il quelques facteurs qui, à ce stade-ci, vous porteraient à croire que les contribuables canadiens essuieront une perte?

Mme Kinsley : Non.

Le sénateur Gerstein : Merci.

Le sénateur Massicotte : Le sénateur a été tellement vif qu'il a volé ma question.

Le sénateur Peterson : Il est aussi précisé que ces groupements sont assurés. Qui est l'assureur?

Mme Kinsley : Ce peut être un assureur privé ou nous, dans notre autre rôle.

Le sénateur Peterson : Ce serait possible, mais qui est-ce? Êtes-vous l'assureur principal?

Mme Kinsley : L'identité de l'assureur inscrit au dossier n'est pas divulguée, mais étant donné que nous détenons la plus grosse part du marché dans le secteur de l'assurance, si vous faites preuve d'un peu d'intuition, vous déduirez sans doute que nous serons représentés de manière équivalente dans les groupements, pour ce qui est du volet de l'assurance.

Le sénateur Peterson : S'ils sont assurés, c'est dire qu'il y a peu d'avoir propre.

Mme Kinsley : Pas nécessairement.

Le sénateur Peterson : C'est habituellement le cas.

Quoi qu'il en soit, si le propriétaire manque à ses engagements, c'est la banque qui absorbe le coût, ou plutôt, comme les banques ont des prêts assurés, elles n'ont rien à craindre, elles s'en tirent indemnes.

Mme Kinsley : Manifestement.

Le sénateur Peterson : Elles ne courent donc aucun risque?

Mme Kinsley : Il y a deux niveaux de défaillance. Le premier, lorsque le propriétaire manque à ses engagements envers la banque. L'assurance, qu'elle soit fournie par nous ou par un concurrent du secteur privé, va payer la banque. Le deuxième niveau concerne la garantie que nous a fournie l'institution financière au sujet des 69 milliards de dollars. Cela représente la garantie de l'institution à notre égard.

À mon avis, c'est là un point important. Étant donné que dans le cours normal de notre mandat, nous offrons des prêts et des assurances hypothécaires et étant donné que ces prêts ont été assurés et qu'ils figurent sans doute dans les états financiers de la banque, celle-ci n'est pas tenue de les vendre — en fait, elles ne vendent pas la majorité des hypothèques. Lorsqu'a surgi le problème de liquidités, la qualité des actifs n'était pas en cause. Tout tournait autour de la nécessité de trouver de l'argent pour continuer à consentir des prêts dans le secteur hypothécaire. Nous avons été en mesure d'acheter ces actifs car nous savions, au départ, quelle était la nature du risque. Comme vous l'avez dit, dans bien des cas, nous aurions pu les assurer individuellement. Deuxièmement, le gouvernement n'assumait aucun risque additionnel étant donné qu'il était déjà exposé au risque du côté de l'assurance.

Je peux fournir une réponse catégorique à la question de l'autre sénateur concernant le remboursement par les institutions dans le contexte du mécanisme de prestation de liquidités de l'ordre de 69 milliards de dollars, car ce crédit était couvert.

Le président : Sénateur Ringuette, vous avez le temps de poser une dernière question brève. Vous avez une page et demie de questions. Pouvez-vous en choisir une?

Le sénateur Ringuette : Je veux davantage d'information sur General Motors car nous avons entendu des témoignages contradictoires. GM affirme qu'elle est en train de rembourser son prêt, mais lorsque certains experts ont fouillé la question, ils ont constaté que ce n'est pas vraiment le cas.

En tant que contribuable, je veux savoir si GM rembourse son prêt au gouvernement du Canada et à quel rythme?

Le président : Monsieur Poloz, voulez-vous plonger dans la question des capitaux propres et des prêts pour nous éclairer?

M. Poloz : Oui. Premièrement, le prêt consenti à GM était partagé entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario. Deuxièmement, il a été scindé entre ce que l'on appelle un prêt en espèces, le reste entrant dans la catégorie des capitaux propres.

Si l'on considère cela du point de vue d'un investisseur, nous recevons une compensation additionnelle pour le risque encouru par le contribuable, si tout fonctionne. Lorsque GM a déclaré avoir remboursé son prêt, c'était la vérité. Il a remboursé la partie en espèces, qui représente environ un dixième du montant total. Le reste ce sont des actions. Comme je l'ai dit, je ne me rappelle pas exactement de la date à laquelle le rachat est censé avoir lieu, mais une chose est certaine, les compagnies ont repris du poil de la bête, de sorte qu'on peut logiquement s'attendre à un dénouement positif. La partie n'est pas gagnée, bien sûr, mais le secteur a bien récupéré, et les compagnies se sont restructurées. Pour ma part, je suis raisonnablement optimiste au sujet du résultat.

Le sénateur Ringuette : Vous avez parlé d'un remboursement d'un dixième du total; est-ce partagé également entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario?

M. Poloz : Oui; je crois savoir que c'était une entente pari passu; un tiers pour l'Ontario et deux tiers pour le gouvernement fédéral. Chaque dollar remboursé sera divisé entre les deux parties.

Le président : Pari passu est notre expression latine de la soirée.

M. Poloz : C'est une expression que l'on utilise souvent en matière de prêt.

Le sénateur Massicotte : Lorsque nous avons accueilli le président de la SCHL ici, il y a un an, nous avons eu une discussion publique au sujet des catégories de prêts consentis par cette institution. J'essaie de m'en souvenir fidèlement. Vous voulez faire des prêts à long terme. La Banque du Canada a déclaré publiquement qu'elle n'était pas d'accord pour que la SCHL assume ce risque car à son avis, le crédit était beaucoup trop accessible et que cela gonflerait le taux de défaillance des propriétaires. Comment cette histoire s'est-elle terminée? À la suite des récentes mesures annoncées par le ministre des Finances, la SCHL est revenue à une période d'amortissement plus courte, une période de 25 ans, si je ne m'abuse?

Mme Kinsley : Non. La seule fois où je me rappelle que la Banque du Canada exprimait une opinion, c'était il y a quelques années auparavant à propos d'un service appelé le produit de ligne de crédit, mais vous parlez de prêts assortis d'une période d'amortissement de plus de 25 ans. Jusqu'en 2008, certains prêts pouvaient aller jusqu'à 40 ans. En 2008, la période d'amortissement a été ramenée à 35 ans. Ce prêt est encore disponible sur le marché aujourd'hui.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous déjà consenti des prêts d'une durée de 40 ans?

Mme Kinsley : Nous l'avons fait pendant la période où ils étaient disponibles, mais le secteur privé et nous avons été assujettis à un plafond de 35 ans.

Le président : J'ai maintenant une question supplémentaire.

Le ministre impose-t-il un tel plafond par voie de réglementation ou en application de son pouvoir ministériel? Comment en arrive-t-on à un tel plafond? Cette décision n'est pas soumise au Parlement.

Mme Kinsley : S'agissant des assureurs du secteur privé qui ont l'aval du gouvernement du Canada, ils sont soutenus à 90 p. 100 par le gouvernement du Canada et cet arrangement de garantie est administré par le ministre des Finances. Le ministre établit les conditions en vertu desquelles ces assureurs du secteur privé peuvent offrir de l'assurance et dans ce cas, le ministre a décidé que la période d'amortissement maximale serait de 35 ans.

Le président : Ces conditions ne sont pas arrêtées par voie de réglementation, de sorte que nous n'en faisons pas l'examen ici; comme elles ne sont pas énoncées par voie législative non plus, dans un texte législatif, nous ne les examinons pas non plus sous cet angle. On vous a demandé de participer à un exercice visant à favoriser la disponibilité du crédit pour les entreprises. Nous n'avons pas adopté de mesure législative vous enjoignant de participer à cet exercice. Cette directive provenait-elle du ministre également? A-t-il dit : nous voulons que vous participiez à cette activité et que vous commenciez à fournir des fonds? Et au bout du compte, votre contribution a été de 2,5 milliards de dollars chacun?

M. Halde : Cela faisait partie du Budget 2009. Le PCE était essentiellement une requête présentée aux institutions financières, à EDC et à la BDC de collaborer pour fournir des facilités de crédit additionnelles. L'objectif que l'on nous avait demandé à tous d'atteindre était de fournir au moins 5 milliards de dollars de crédit supplémentaire, et je suis heureux de vous dire que nous l'avons fait bien avant l'échéance de la période de deux ans.

Le président : En vertu de la loi habilitante de vos institutions, vos différents ministres ont-ils le pouvoir de vous ordonner de vous lancer dans des activités dans lesquelles vous n'étiez pas engagés auparavant?

M. Halde : Non, ce n'est pas tout à fait vrai. Nous sommes régis par la Loi sur la Banque de développement. Par le biais du budget, on nous a demandé, dans les limites de notre loi habilitante, de fournir des prêts supplémentaires, de participer à des syndications et à d'autres activités auxquelles nous n'avions pas participé auparavant, mais qui demeuraient dans les paramètres de notre loi. Nous avons donné suite à la requête du budget, mais notre action s'est toujours inscrite dans les limites de notre loi. Le ministre n'a pas eu à faire quoi que ce soit de spécial pour que nous puissions participer au PCE.

Le président : En tant que parlementaires, nous n'avons pas eu à faire quoi que ce soit parce que vous étiez déjà habilités à agir. C'est simplement qu'un ministre vous a demandé d'exercer ce pouvoir.

M. Halde : C'est essentiellement juste.

M. Poloz : La situation d'EDC est complètement différente. La Loi sur l'expansion des exportations confère à EDC la mission de financer le commerce d'exportation du Canada. Une section entièrement nouvelle a été ajoutée à cette loi pour nous demander d'intervenir dans le commerce intérieur. C'est le terme qui a été utilisé. En outre, nos règlements, auxquels j'ai fait référence plus tôt, ont été suspendus pendant la période de deux ans. En vertu de la loi, notre ministre ne peut nous donner l'ordre de nous lancer dans ce domaine.

Le président : Si ma mémoire est bonne, cela figurait dans la Loi de mise en oeuvre du budget.

M. Poloz : À moins d'une prolongation, automatiquement la situation reviendra à ce qu'elle était.

Le président : Merci beaucoup d'être venus. Notre temps est écoulé. Nous pourrions continuer longuement à vous poser des questions. Nous remercions chacun d'entre vous d'être venu comparaître.

(La séance est levée.)


Haut de page