Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 7 - Témoignages du 1er juin 2010
OTTAWA, le mardi 1er juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les coûts et les avantages de la pièce canadienne d'un cent pour les contribuables canadiens et l'ensemble de l'économie canadienne.
Le sénateur Irving Gerstein (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, le 27 avril de cette année, le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent des finances nationales à étudier les coûts et les avantages de la pièce canadienne d'un cent pour les contribuables canadiens et l'ensemble de l'économie canadienne.
Ce matin, nous tenons notre deuxième réunion sur la question. Notre étude de la pièce d'un cent a déjà suscité un intérêt considérable dans les médias et la population. Le ministre des Finances, interrogé sur la question la semaine dernière, a dit : « Je pense qu'il est inévitable qu'un jour ou l'autre, la plus petite pièce, celle d'un cent, soit éliminée. »
Les questions clés que nous devons peut-être nous poser sont les suivantes : Est-ce le moment d'éliminer la pièce d'un cent? Si oui, quelles seront les conséquences et comment pouvons-nous les gérer? Le ministre a clairement indiqué qu'il examinerait avec attention nos recommandations à l'issue de notre étude.
La semaine dernière, nous avons entendu des représentants de la Monnaie royale canadienne, de la Banque du Canada et du ministère des Finances du Canada. On a souvent cité un rapport préparé en 2007 par le Groupe Desjardins, intitulé « Doit-on cesser d'utiliser la pièce d'un cent? ». Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui les auteurs de cette étude du Mouvement Desjardins : François Dupuis, vice-président et économiste en chef, et Jean- Pierre Aubry, économiste-conseil.
Comparaissent également ce matin John Palmer, professeur agrégé, Département de science économique de l'Université de Western Ontario, qui fait depuis longtemps campagne pour l'élimination de la pièce d'un cent, et M. Chande, coauteur d'un article paru en 2003 dans Analyse de Politiques, « Have a Penny? Need a Penny? Eliminating the One-Cent Coin from Circulation ». M. Chande est actuellement professeur d'économie au Glebe Collegiate Institute, à Ottawa.
Bienvenue, messieurs. Monsieur Palmer, à vous l'honneur.
John Palmer, professeur agrégé, Département de sciences économiques, Université de Western Ontario, à titre personnel : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître et je suis honoré de pouvoir m'adresser à vous.
J'ai commencé à réfléchir au rôle de la pièce d'un cent dans notre économie et à en parler dans mes écrits il y a plus de 20 ans. Je vais m'écarter des remarques que j'avais préparées pour préciser que, s'il y avait un bon moment pour éliminer la pièce d'un cent, c'était il y a 20 ans et pas maintenant.
En faisant la queue dans une longue file d'attente, à la caisse d'un supermarché, nous avons tous dû patienter tandis que les clients disaient, à tour de rôle, quelque chose du genre : « Attendez une minute, je crois que j'ai trois cents quelque part. » J'ai regardé tous les gens dans la file d'attente et je me suis demandé combien de temps était gaspillé à attendre, tandis que les clients et les caissiers comptaient des pièces d'un cent.
De là est né mon intérêt pour l'élimination de la pièce d'un cent — simplement de cette attente pour les clients. Quand j'ai commencé à réfléchir à la question, je n'ai pas tenu compte des autres coûts. Même en 1990, quand j'ai écrit mon premier article sur la question, il est devenu manifeste qu'une pièce d'un cent n'achèterait pas grand-chose, voire rien du tout. Dans les années 1950, quand j'étais enfant, on pouvait acheter deux bouteilles de racinette, un paquet de bonbons mous ou une carte de baseball avec une gomme à mâcher pour une pièce d'un cent. En 1990, vu l'inflation, ces articles coûtaient beaucoup plus cher. En d'autres termes, la pièce d'un cent avait cessé d'être utile il y a 20 ans.
J'écrivais en 1990 que, 60 ans plus tôt — autrement dit, il y a 80 ans, par rapport à maintenant —, nous avions les mêmes coupures de devise que maintenant. Par contre, il était possible à l'époque d'acheter quelque chose avec une pièce d'un cent. Depuis 1933, le niveau moyen des prix calculé en fonction de l'indice des prix à la consommation a augmenté par un facteur de 20. Ce que l'on achetait autrefois pour un cent s'achète aujourd'hui pour 20 cents en moyenne. Les bonbons et les sifflets qui se vendaient au cent se vendent maintenant en dollar ou en dixième de dollar, pas en centième de dollar.
À la parution de l'article, mon plus jeune fils, Adam Smith Palmer, qui avait 15 ans à l'époque, a d'abord pensé que je faisais bien des histoires pour des pièces d'un cent. Avant la fin de l'année, il avait complètement changé d'avis. Pourquoi? Parce qu'il avait un emploi à temps partiel dans un café local d'une chaîne de restauration rapide. Il s'est aperçu qu'il n'aimait pas attendre pendant que les clients disaient : « Attendez une minute, je crois que j'ai quatre cents. » Il devait aussi compter les pièces d'un cent en rendant la monnaie et faire des rouleaux de pièces pour son patron.
En juillet 1990, un des médias nationaux a décidé de donner suite à mon premier article. L'agence de transmission a reçu cette histoire le 2 août 1990, jour où l'Irak a envahi le Koweït. Ce jour-là et dans les semaines qui ont suivi, il était fréquent que les nouvelles de différentes stations concluent avec une observation du type : « Sur une note plus légère, un professeur de l'Université Western Ontario veut éliminer la pièce d'un cent. » J'ai donné plusieurs entrevues sur la question et je suis devenu le président officieux de la campagne pour l'élimination de la pièce d'un cent. J'ai été invité à des émissions d'actualité, dont « The Journal » de CBC, et j'ai fait plusieurs interventions pour des organismes caritatifs.
Avant de passer à la radio lors d'une entrevue pour CBC, il y a quelques années, j'ai effectué un calcul rapide de la valeur du temps perdu dans des opérations nécessitant l'utilisation de la pièce d'un cent. Les résultats ont été saisissants. J'ai essayé d'être modeste dans mes estimations, afin de ne pas gonfler mes constatations. L'utilisation de la pièce d'un cent coûte aux Canadiens entre 20 et 25 millions de dollars par an, en temps d'attente seulement.
Comme d'autres l'ont dit ou le diront, c'est un minimum, car je me suis efforcé de ne pas noircir le tableau. Ces estimations n'incluent pas le coût pour les commerçants ou les institutions financières qui doivent transiger avec la pièce d'un cent.
Au cours des 20 dernières années, de nombreux arguments ont été avancés pour défendre le maintien de la pièce d'un cent. Si le temps le permet, j'aimerais répondre à certains d'entre eux.
Tout d'abord, les commerçants ne vont-ils pas arrondir les prix et gruger le consommateur? À en juger par le nombre de caisses où l'on trouve une coupelle pour prendre une pièce de un sou ou en laisser une, à voir le nombre de pièces d'un cent qui disparaissent de la circulation chaque année, on peut se demander à quel point cette préoccupation est justifiée. N'empêche qu'il y aura forcément des cris et des grincements de dents si on élimine la pièce d'un cent. Les Canadiens craindront que les prix augmentent et que la mesure soit inflationniste.
Il n'est pas nécessaire que le gouvernement intervienne explicitement pour régler la question. Laissez-moi le répéter : Il n'est pas nécessaire que le gouvernement intervienne explicitement pour régler la question. De nombreux commerçants arrondiront à la baisse. Les clients à qui cela tient à cœur donneront leur préférence aux commerçants qui arrondissent à la baisse ou alors qui arrondissent à cinq quand c'est trois ou quatre cents et à zéro quand c'est un ou deux cents. En Nouvelle-Zélande et en Australie, certains commerçants ont utilisé la pratique d'arrondir au chiffre inférieur comme outil de marketing durant la période de transition. De plus, avec le courrier des lecteurs et l'attention des médias, il y aura une pression officieuse pour que la plupart des commerçants adoptent une façon d'arrondir acceptable. Je crois que, lors de votre dernière audience, vous l'avez appelée la « méthode d'arrondissement suédoise ».
Les décideurs et les autorités ont mieux à faire que d'arguer des conséquences possibles d'un arrondissement au zéro ou au cinq le plus proche dans les prix. N'oublions pas que l'on arrondirait seulement le montant total après taxe, et non pas le prix de chaque produit. De plus, il y a déjà dans tout achat un pourcentage de taxe arrondi lui aussi au cent le plus près. Autrement dit, on arrondit déjà. C'est une préoccupation qui n'a pas de raison d'être. L'élimination des pièces d'un cent et de deux cents en Australie ou en Nouvelle-Zélande n'a pas eu de répercussions, pas plus que l'élimination de la pièce de cinq cents en Nouvelle-Zélande n'en a eu.
Je me soucie peu des pièces d'un cent, quant à moi. Si les commerçants veulent arrondir au chiffre le plus élevé, fort bien. Je ne veux pas des pièces d'un cent, qu'ils les gardent! Mais tout le monde n'est pas de mon avis. J'imagine que dans la pratique, on verra les commerçants arrondir au zéro inférieur ou au cinq supérieur, selon ce qu'on a tous appris à faire en arithmétique de cinquième année.
Deuxièmement, que vont faire les jeunes qui veulent commencer une collection de pièces? C'est une objection que l'on m'a présentée lors d'un débat sur la possibilité de se débarrasser de la pièce d'un cent, diffusé sur la chaîne CBC. Eh bien, on peut commencer des collections avec des pièces de cinq cents ou de dix cents. Ces pièces valent moins maintenant que la pièce d'un cent à l'époque où j'ai commencé ma collection de pièces, dans les années 1950. On n'a pas besoin de pièces d'un cent pour commencer une collection de pièces.
Troisièmement, qu'adviendra-t-il des gens de la Monnaie qui perdront leur emploi? Jeudi, des témoins vous ont dit que 10 ou 15 personnes perdraient sans doute leur emploi si l'on cessait de frapper des pièces d'un cent.
Personne ne se réjouit à l'idée qu'il y ait des pertes d'emploi. N'empêche que nous vivons dans un monde dynamique en évolution, et c'est pourquoi nous avons un filet de sécurité sociale. C'est aussi pour cela que le gouvernement conçoit des programmes visant à encourager les gens à faire des économies pour les temps difficiles.
Au bout du compte, mieux vaut pour la société que ces gens soient libérés pour produire autre chose. C'est ainsi que fonctionne l'économie : réserver des ressources précieuses à des usages plus productifs, au lieu de produire quelque chose qui est coûteux pour l'économie.
Quatrième critique : La Monnaie ne va-t-elle pas devoir frapper d'autres pièces pour racheter toutes les pièces d'un cent qui traînent partout? Ne va-t-il pas falloir frapper d'autres pièces, de toute façon? La réponse est non. Une fois que la Monnaie cessera de frapper des pièces d'un cent, les gens les échangeront pour des montants ajoutés à leur compte chèques ou pour des billets. La Monnaie n'aura pas à frapper de pièces.
La façon la plus simple d'effectuer cette transition est juste d'annoncer, mettons à partir de janvier, qu'on ne frappera plus de pièces d'un cent. Dans cette perspective, les commerçants commenceront automatiquement à arrondir. Graduellement, les commerçants rapporteront les pièces d'un cent à la banque, où elles seront renvoyées à la Monnaie pour être fondues et recyclées, ce qui est un autre avantage de l'élimination de la pièce d'un cent. Il y a beaucoup de métal intéressant dans ces pièces, comme ont dit d'autres personnes en d'autres occasions, de métal plus utile ailleurs que dans des pièces d'un cent qui nous coûtent de l'argent.
Cinquième objection : Que feront les organismes de bienfaisance qui dépendent des pièces d'un cent comme source importante de dons? Eh bien, les organismes de bienfaisance ont, en fait, demandé mon aide. Si Palmer recommande l'élimination des pièces d'un cent, les organismes qui ont déjà des récipients pour recueillir ces pièces suggéreront que les gens s'en débarrassent là.
Cela dit, la réponse cavalière que j'ai entendue une fois, comme quoi, s'il n'y avait plus de pièces d'un cent, les gens feraient don de pièces de cinq cents et de dix cents, bien qu'elle soit sans doute vraie, ne suffit pas à dissiper les préoccupations. Comme l'a récemment dit mon fils aîné, David Ricardo Palmer, « Bien des gens vont déposer de bonne grâce six pièces d'un cent dans un récipient de collecte de fonds, mais n'envisageraient même pas d'y mettre une pièce de cinq cents. » Voilà qui démontre à quel point les pièces d'un cent sont inutiles aux yeux des gens. Quand il s'agit de donner à un organisme de bienfaisance, ils seraient heureux de se débarrasser de six pièces d'un cent, mais pas d'une pièce de cinq cents.
Ces organismes perdront à court terme, même si on peut facilement s'imaginer que pendant la période de transition, des gens feront preuve d'imagination et lanceront des campagnes leur permettant de réunir en pièces d'un cent plus de fonds que d'habitude. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande et en Australie, comme l'ont indiqué d'autres témoins. Les organismes caritatifs ont mené des campagnes pour recueillir les pièces d'un cent et ils y ont trouvé leur compte.
Toutefois, leur perte, en présumant qu'ils perdent au change, n'est pas une bonne raison d'imposer des coûts de transaction aussi élevés aux Canadiens. Les temps changent, les conditions économiques changent. Nous connaissons actuellement ce que Joseph Schumpeter a appelé « la destruction créatrice », et il est à notre avantage d'encourager et de promouvoir cet aspect créatif de cette expression.
Enfin, qu'en est-il de la confusion et du coût occasionnés par l'arrondissement des prix aux cinq cents les plus proches pour les clients qui paient comptant et au cent le plus proche pour ceux qui paient par carte de crédit ou de débit? J'ai lu les témoignages de personnes qui craignent d'avoir à reprogrammer leurs caisses enregistreuses. Il me semble qu'en Ontario, on doit reprogrammer les caisses enregistreuses chaque semaine en raison des nombreuses modifications apportées à la politique fiscale.
Bon, j'exagère peut-être un peu, mais il semble qu'ils doivent bel et bien reprogrammer leurs caisses chaque fois qu'il y a un changement dans le régime fiscal. On sabre dans la TPS, parfait; on doit reprogrammer la caisse. On passe à la TVH, parfait; on reprogramme la caisse. Il ne s'agit pas d'un gros problème. Il suffit tout simplement d'une petite carte qui programme la caisse pour que si le prix se termine par un six ou un sept, il est arrondi à cinq, et s'il se termine par un trois ou un quatre, il est aussi arrondi à cinq. Vous pouvez vous imaginer ce que cette carte à puce pourrait dire; les marchands peuvent faire cette démarche rapidement et facilement.
Vous aurez remarqué que je n'ai pas abordé l'argument du seigneuriage négatif, c'est-à-dire le fait qu'il faut dépenser beaucoup d'argent et utiliser tellement de ressources limitées pour distribuer cette pièce. Même s'il s'agit d'un argument convainquant, comme d'autres témoins l'ont dit ou vous le diront, mon approche se fonde uniquement sur le point de vue des coûts de transaction. Les coûts de transaction dont j'ai parlé s'ajoutent aux coûts du seigneuriage négatif que doit assumer la Monnaie royale et le gouvernement fédéral.
Le vice-président : Monsieur Palmer, j'ai été enchanté d'apprendre le nom de vos enfants, et d'écouter vos remarques très pertinentes. Je me dois de vous demander si votre nom n'inclurait pas par hasard John Maynard Keynes Palmer.
Notre prochain témoin est M. Chande.
Dinu Chande, professeur d'économie, Glebe Collegiate Institute, à titre personnel : Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité afin de vous présenter mon point de vue sur le retrait de la pièce d'un cent. Je suis professeur d'économie et de statistique au Glebe Collegiate Institute, et coauteur d'un rapport, avec M. Timothy Fisher, sur les répercussions économiques du retrait de la pièce d'un cent. Ce rapport a été publié dans la revue Analyse de Politiques en 2003.
Notre argument central pour le retrait de la pièce d'un cent se résume au coût. Puisque la Monnaie royale canadienne est une société d'État, c'est le contribuable qui assume le fardeau du coût de la production de la pièce d'un cent. Pour notre rapport de 2003, les responsables à la Monnaie royale nous ont fourni, bon gré mal gré, ce qu'ils appellent leur « coût de monnayage ». À partir de ce chiffre, en conjonction avec le rapport annuel, nous avons dû émettre des hypothèses sur leurs autres coûts associés à la pièce d'un cent, comme les coûts d'équipement, d'administration et de transport.
Depuis, les responsables au Mouvement Desjardins ont réussi à obtenir un meilleur accès aux chiffres de la Monnaie royale, aussi je leur laisserai le soin de vous présenter les économies qui pourraient être réalisées en retirant la pièce d'un cent de la circulation. Je peux vous dire que peu importe la méthode de calcul, la pièce d'un cent coûte beaucoup plus cher à produire que ce qu'elle vaut.
Nous savons que les pièces d'un cent sont très chères à produire comparativement à leur valeur nominale. Notre rapport est donc allé encore plus loin et a tenté de quantifier les économies de temps associées à la pièce d'un cent. Bref, si l'on calcule le temps supplémentaire qu'ajoute la pièce d'un cent aux transactions, pendant que les consommateurs ou les détaillants comptent les pièces d'un cent pour rendre la monnaie, et si l'on applique un salaire à ce temps perdu, on constate que la pièce d'un cent est à l'origine d'une perte de productivité de plusieurs millions de dollars par année.
Après avoir consulté mon coauteur, M. Fisher, en prévision de cette réunion, nous avons conclu qu'il y a un autre coût lié à la pièce d'un cent que nous n'avons pas abordé dans notre rapport, et c'est le coût environnemental. Toutes les pièces de monnaie canadienne sont fabriquées à la Monnaie de Winnipeg et elles sont ensuite transportées et distribuées partout au Canada. D'après son rapport annuel 2009, au cours des trois dernières années, la Monnaie a produit en moyenne 741,3 millions de pièces d'un cent par année. Chaque pièce pesant 2,35 grammes, cela équivaut à quelque 2 000 tonnes métriques.
Quel est le coût environnemental du transport de ces 2 000 tonnes de pièces d'un cent aux quatre coins de notre vaste pays chaque année? Quelle quantité de carbone émettons-nous inutilement?
On pense souvent à tort, et M. Palmer l'a mentionné, que la Monnaie devra produire davantage de pièces de cinq et de dix cents pour compenser le retrait de la pièce d'un cent, mais c'est faux. Le Groupe Desjardins a étudié les effets du retrait des pièces d'un cent et de deux cents en Nouvelle-Zélande et il a constaté qu'il n'y avait pas d'augmentation de la production de leurs pièces de 5, 10 et 20 cents. Cela veut dire qu'en retirant la pièce d'un cent canadienne, nous pourrons réduire notre empreinte de carbone au Canada.
Puisque le délai de production et les coûts environnementaux de la pièce d'un cent sont aussi lourds, les questions qu'il faut se poser sont les suivantes : Pourquoi conservons-nous la pièce d'un cent? Pourquoi ne l'avons-nous pas encore retirée? Je pense que c'est en raison de fausses idées que se fait le public sur les répercussions du retrait de la pièce d'un cent de la circulation.
À cet égard, en discutant de mon rapport avec des gens par le passé, j'ai constaté qu'on me pose souvent le même genre de questions qui trahissent le même genre de fausses idées sur le retrait de la pièce d'un cent. M. Palmer qui, à juste titre, se fait passer pour le père du mouvement du retrait de la pièce d'un cent, vous a expliqué que depuis qu'il préconise l'élimination de la pièce d'un cent, et il a commencé il y a de cela une vingtaine d'années, il se heurte au même genre de fausses idées.
Je pense que la plus grosse erreur concernant le retrait de la pièce d'un cent, c'est de croire que tous les prix seront arrondis à cinq cents près, mais ce n'est tout simplement pas vrai. Seules les transactions en liquide, c'est-à-dire une proportion décroissante de toutes les transactions au Canada, seront arrondies.
Supposons que vous allez payer un article dont le prix doit être arrondi à la hausse, car il coûte 12,98 $; vous pourriez alors choisir de payer avec votre carte de débit afin d'économiser les 2 cents. Eh bien, je ne connais pas beaucoup de gens qui choisiraient de le faire. Les autres prix qui composent notre économie, par exemple ceux des valeurs mobilières ou des taux d'intérêt sur les comptes d'épargne ou les prêts, demeureront arrondis au cent près.
Certains s'opposent à l'idée de l'arrondissement, même si celui-ci ne s'applique qu'aux transactions en espèces. Ils comprennent bien que parfois l'arrondissement se fera à la hausse et d'autres fois, à la baisse, mais ils maintiennent qu'on devrait payer le prix exact d'un produit sans arrondissement. À cela, je réponds que nous arrondissons déjà les prix, au cent le plus près, parce qu'une fois la taxe de vente appliquée au sous-total, le total est arrondi soit à la hausse soit à la baisse au cent près. Donc, on arrondit déjà les prix, et on se débrouille très bien sans une pièce d'un demi-cent ou d'un quart de cent, car tout comme la pièce d'un cent, ces pièces sont d'une valeur négligeable.
D'autres craignent que les prix vont augmenter, car le plus souvent, on arrondira à la caisse les prix à la hausse. Ces gens me disent : « Pensez-y. De nombreux prix se terminent par le chiffre neuf, par exemple 1,89 $ ou 12,49 $. Puisque la plupart des prix finissent par un neuf, la plupart des prix seront arrondis à la hausse. »
Toutefois, ce qu'ils oublient de dire, c'est que dans le cas d'opérations comportant des articles multiples, en particulier lors de l'application de taxes de vente au sous-total, le dernier chiffre du prix affiché sur la caisse enregistreuse devient presque complètement aléatoire.
Dans notre rapport, M. Fisher et moi en avons fait la démonstration au moyen d'une simulation. Nous avons saisi dans notre table de calcul les prix de tous les produits d'une chaîne de cafés-restaurants bien connue. En effet, bon nombre de ces produits avaient un prix se terminant par neuf. Nous avons réalisé une simulation d'opération comprenant 10 000 articles et on a appliqué les taxes de vente à des achats d'articles simples et multiples. Comme nous nous y attendions, l'arrondissement était symétrique; c'est-à-dire, quelquefois les prix étaient arrondis au chiffre supérieur tandis qu'à d'autres moments, ils étaient arrondis au chiffre inférieur, et à l'occasion, ils n'étaient pas arrondis du tout. En fin de compte, l'arrondissement moyen était de zéro.
On n'a pas besoin d'une simulation de café-restaurant pour confirmer ce fait. Il suffit de voir ce qui se fait en Australie. Tant en Australie qu'en Nouvelle-Zélande, où leurs pièces d'un cent et de deux cents ont été éliminées il y a 20 ans, on n'a remarqué aucun effet décelable sur l'inflation. En fait, lorsque nous faisions notre recherche, la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande a expliqué que bien des détaillants avaient profité de cette occasion pour annoncer qu'ils arrondiraient toujours les prix vers le bas dans le cadre de leur politique de marketing.
C'est un fait très intéressant que les consommateurs doivent bien comprendre, parce que selon une étude commandée par la Monnaie royale canadienne en 2007, parmi les 33 p. 100 des consommateurs qui étaient contre l'élimination de la pièce d'un cent, la principale raison qu'ils ont citée, c'était qu'ils craignaient que les prix soient arrondis au chiffre supérieur. Il s'agit de leur principale crainte. Toutefois, comme notre recherche et notre expérience à l'échelle internationale le démontrent, ces craintes sont non fondées.
Étant donné ces idées fausses courantes concernant le retrait de la pièce d'un cent de la circulation, je recommanderais d'avoir recours à une campagne d'information publique bien préparée pour éliminer certaines de ces préoccupations.
J'aimerais terminer en vous demandant de réfléchir différemment à toute la question de l'abolition de la pièce d'un cent. Supposons qu'à l'heure actuelle, on nous demandait de recréer l'ensemble de la structure de nos pièces de monnaie. Quelles valeurs choisiriez-vous pour les pièces de monnaie du Canada? Choisiriez-vous une pièce ayant le pouvoir d'achat d'un cent pour représenter la pièce ayant la plus petite valeur? Le sous-gouverneur de la Banque du Canada, Pierre Duguay, nous a rappelé qu'en raison de l'inflation, la pièce d'un cent vaut maintenant 20 fois moins qu'au moment où elle a été produite pour la première fois par la Monnaie royale canadienne en 1908. Peut-être que nous choisirions une pièce de cinq cents ou même de dix cents comme la pièce ayant la valeur la plus faible, mais certainement pas une pièce ayant la valeur d'un cent. Après tout, pourquoi dépenserions-nous des dizaines et peut-être même des centaines de millions de dollars par année pour produire et transporter d'un bout à l'autre du Canada une pièce de monnaie qui coûte plus à faire que ce qu'elle ne vaut?
Le vice-président : Merci, monsieur Chande.
Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires lors de notre réunion la semaine dernière, des représentants de la Monnaie royale canadienne, du ministère des Finances et de la Banque du Canada ont maintes fois évoqué l'étude réalisée par Desjardins. Et c'est avec grand plaisir que nous souhaitons la bienvenue à M. François Dupuis aujourd'hui.
[Français]
François Dupuis, vice-président et économiste en chef, Mouvement Desjardins : Je remercie le comité de son invitation pour discuter, en particulier, de la pièce d'un sou. Nous présenterons le résumé de nos deux études faites en 2006 et en 2007.
En premier lieu, je vous communiquerai quelles sont les motivations d'une coopérative financière telle que la nôtre pour faire des études à ce sujet. Le Mouvement Desjardins a un mandat d'éducation économique très large. Nous nous intéressons à beaucoup de questions qui touchent la société et naturellement, nos clients et nos membres. Nous nous sommes rendu compte des coûts importants pour notre institution à manipuler et conserver la pièce d'un sou en circulation.
Il faut dire aussi qu'il n'existe pas beaucoup de documentation accessible sur le sujet. Alors en 2005, nous avons commencé à voir ce qui avait été fait et ce que nous pourrions faire. Cela nous a amenés à deux études.
Nous nous sommes rendu compte que c'était un phénomène normal pour une société moderne d'optimiser ses pièces de monnaie et ses billets de banque. Comme mes confrères l'ont mentionné, le passage de l'inflation avec le temps fait en sorte que les pièces de monnaie ont de moins en moins de pouvoir d'achat. Il faut penser à en enlever et éventuellement à en rajouter.
En deuxième lieu, le problème du sou génère beaucoup de coûts pour la société et pas uniquement pour le gouvernement. Mon confrère vous décrira l'ensemble des coûts pour la société canadienne. Le coût pour le gouvernement est parmi les plus bas de l'ensemble des agents économiques au Canada. C'est très intéressant.
Nos principaux constats : la pièce n'a presque plus de pouvoir d'achat. La pièce d'un sou, à travers le dernier siècle, a perdu 95 p. 100 de sa valeur et le niveau de vie des gens a augmenté. Un travailleur moyen en 1908 gagnait 20 cents de l'heure et aujourd'hui c'est 20 $ de l'heure. On ne peut plus rien acheter avec ces cents. Cette pièce comporte des coûts importants pour l'ensemble de la société.
Nous sommes d'accord avec le phénomène d'arrondissement symétrique. Il n'y a aucune raison pour que l'arrondissement ne soit pas symétrique surtout pas à la hausse. Il est probable, comme l'ont démontré certaines expériences, que plusieurs marchands, dans un esprit promotionnel, choisiront de donner la préférence au prix à la baisse. Les marchands ne veulent pas perdre un client. D'ailleurs, ils le font de plus en plus souvent.
J'ai été témoin de plusieurs expériences où les petits commerces vont donner avantage aux consommateurs sur le commerçant. Il n'y aura donc aucun impact sur le taux d'inflation au bout de la ligne. Nous parlons uniquement de transactions en comptant. Les transactions électroniques ne seront nullement affectées.
Troisièmement, on a beaucoup d'expériences concluantes. C'est un dossier qui est très simple, conformément à la théorie économique. Les expériences ont montré que le déroulement se fera comme nous l'avions pensé. C'est beaucoup moins compliqué à mettre en œuvre qu'une taxe de vente sur les produits et services, par exemple, comme on l'a fait au Canada au début des années 1990 ou de mettre en place des accords de libre-échange. C'est très simple à mettre en place et il faudrait mieux informer le public lorsqu'on sera prêt à le faire.
À la page 2, vous avez l'expérience de la Nouvelle-Zélande, qui est très intéressante, parce qu'ils y sont allés par étape. Ils ont retiré la pièce d'un sou en 1989 et, deux ans plus tard, la pièce de deux sous. Les expériences ont été tellement concluantes qu'ils ont retiré en 2006 leur pièce de cinq sous et ils ont même introduit de nouvelles pièces. Ils se sont servis de dénomination de petites pièces pour refaire la structure des pièces de monnaie. C'est très intéressant comme expérience. Ils sont passés de six pièces assez grosses à trois pièces. Ils ont réduit le nombre, la grosseur et le poids des pièces.
C'est une bonne chose pour le consommateur qui se plaint que les pièces sont de plus en plus pesantes et importantes. Il y aura lieu, en plus d'enlever éventuellement le sou, de réfléchir à ce qu'on veut faire avec les autres pièces de monnaie. Nous sommes allés plus loin dans notre deuxième étude qui n'est peut-être pas le sujet de ce matin, mais on pourrait en discuter le cas échéant.
Je cède la parole à mon collègue qui poursuivra sur le plan des autres constats plus particulièrement de l'évaluation des coûts pour l'ensemble de la société canadienne.
[Traduction]
Jean-Pierre Aubry, économiste-conseil, Mouvement Desjardins : Bonjour. D'abord, j'aimerais parler de ce que M. Dupuis vient de mentionner. Le processus visant à optimiser les coupures et les pièces de monnaie est un processus normal. On l'oublie quelquefois et on a tendance à dramatiser la question.
J'étais à la Banque du Canada lorsqu'on a décidé de produire une pièce de un dollar plutôt qu'une coupure de un dollar. C'était incroyable tout ce qu'on a entendu à ce moment-là, que le dollar allait chuter si nous procédions ainsi, que la valeur de notre monnaie allait diminuer. Comme l'a mentionné M. Dupuis, l'expérience dans d'autres pays indique que c'est tout à fait faisable, qu'il faut s'y préparer et planifier, mais que cela fonctionne tout à fait.
La principale raison pour laquelle on veut retirer la pièce d'un cent n'est pas uniquement le seigneuriage négatif; comme il a été mentionné, c'est que les consommateurs n'utilisent pas les pièces d'un cent pour les opérations en espèces. C'est pour cette raison qu'ils accumulent ces pièces et qu'ils ne les utilisent pas. Lorsqu'une chose ne sert pas, on la retire de la circulation.
Au début de notre étude, nous avons choisi d'examiner tous les coûts, non seulement ceux du gouvernement, mais également ceux assumés par les institutions financières, les détaillants et les consommateurs. En fin de compte, tous ces coûts sont payés par le contribuable. Les détaillants refilent leurs coûts aux consommateurs. Les institutions financières refilent leurs coûts aux consommateurs. Le gouvernement refile ses coûts, comme on l'a mentionné, aux contribuables. Au bout du compte, ce sont les contribuables qui paient la note de 130 millions de dollars que nous avons évoquée dans notre étude.
Le programme de recyclage existe parce que les gens accumulent ces pièces; ils ne prennent pas le temps de les placer dans des rouleaux, de les déposer ou même tout simplement de les utiliser. Une statistique intéressante : Lorsque l'on compare la demande de pièces d'un cent par rapport à la demande de pièces de un dollar et de deux dollars, on voit essentiellement que la demande de pièces d'un cent, comme on l'a mentionné jeudi, est d'environ un milliard par année; la demande pour les pièces de un dollar et de deux dollars est d'environ 100 millions, c'est donc dix fois plus. Cela démontre à quel point la pièce d'un cent n'est pas utilisée et qu'elle est tout simplement accumulée.
L'argument voulant qu'il s'agisse d'une partie de notre patrimoine est valable, mais il ne faut pas exagérer. Selon moi, le fait de garder le cent a un effet négatif sur la perception des Canadiens relativement à la valeur de leur monnaie. Nous devrions respecter la monnaie. Les gens se débarrassent de leurs pièces d'un cent; ils percent des trous dans cette pièce de monnaie pour l'utiliser comme rondelle bon marché, entre autres. Pour moi, c'est un facteur important. Il faudrait plutôt leur donner des pièces de monnaie et des coupures qu'ils respectent.
Il importe également d'informer le public des chiffres. Il y a tellement d'aberrations qui circulent. Un journal occidental a mentionné que si nous éliminions le cent, par exemple, les opérations de change qui nécessitent des chiffres à quatre décimaux ne pourront plus être traitées. Bien sûr, il s'agit d'une fausseté. Cela indique à quel point se sont propagés les mauvais arguments basés sur la peur.
J'aimerais parler des coûts. On a évalué le coût total en 2005 à environ 130 millions de dollars. Nous avons examiné quatre agents : soit le coût pour le gouvernement, les institutions financières, les détaillants et les consommateurs. Pour le gouvernement, le coût total représente pas moins de 10 p. 100, environ 8 p. 100. À l'époque, il n'y avait pas de recyclage et nous supposions qu'il y avait environ 750 millions de pièces d'un cent produites par année.
Quant au coût pour les institutions financières, grâce à la base de données du Mouvement Desjardins, nous avons pu examiner les coûts d'entreposage, de manutention, du personnel et du transport notamment. Nous avons ensuite élargi ce chiffre pour l'ensemble du système financier au Canada. Il s'agit d'un chiffre assez appréciable, soit 20 millions de dollars.
Pour calculer le coût pour les détaillants, nous avons eu recours à l'information de Desjardins concernant les entrées et les sorties qui passent des institutions financières aux entreprises de détail chez Desjardins. Nous avons multiplié ces chiffres et en sommes arrivés à un coût de 20 millions de dollars. À cette somme, nous avons ajouté le temps que les gens passent à attendre au guichet, le temps que les employés prennent pour donner ou recevoir les pièces de monnaie et le temps de comptabilisation, entre autres. Le total est estimé à 60 millions de dollars.
Nous avons parlé du temps d'attente. Nous avons également essayé de déterminer le coût des intérêts perdus, parce qu'il s'agit d'un bien ne portant pas intérêt. En outre, il y a le coût lié au temps requis pour se rendre à la banque, pour placer les cents dans des rouleaux de monnaie et aller les déposer. Pour le consommateur, notre estimation du coût est d'environ 70 millions de dollars par année, mais comme nous ne voulions pas fausser la donne, nous avons été prudents et nous l'avons établie à 40 millions de dollars.
Il est intéressant de noter l'incidence du programme de recyclage sur les statistiques. Comme je l'ai mentionné, on prend comme point de départ 750 millions par année. Maintenant, la production se rapproche plus des 500 millions. Dans le but d'estimer l'incidence du recyclage, j'ai élaboré un petit scénario. Disons qu'on produit 500 millions de pièces au coût d'un cent et demi et 500 millions à moitié prix, grâce aux activités de recyclage, l'estimation de 11 millions de dollars reste inchangée. Par contre, les trois autres statistiques, à savoir les coûts assumés par les institutions financières, les détaillants et les consommateurs, augmenteront de 25 p. 100, grosso modo, et les coûts totaux atteindront 160 millions de dollars. Le recyclage ne change pas beaucoup la donne.
Il est important de noter qu'au cours des dernières années, la demande moyenne a augmenté parce qu'il y a de plus en plus de transactions; les gens accumulent donc les pièces et les recyclent, ce qui réduit quelque peu les coûts assumés par le gouvernement, mais si la demande générale au sein de l'économie toute entière croît, les coûts feront de même.
Permettez-moi de parler brièvement des mythes qu'on a mentionnés dans notre deuxième note. Il y a vraiment beaucoup de fausses informations qui circulent, par exemple l'idée que le retrait de la pièce d'un cent causera des pressions inflationnistes. Nous en avons déjà parlé. Nous avons pris contact avec la Banque de réserve de la Nouvelle- Zélande; ce sont de fausses informations.
Le retrait de la pièce d'un cent se traduirait par moins de précision; nous l'avons déjà mentionné. Le programme de recyclage canadien n'influe pas vraiment sur l'analyse coût-avantage.
J'ai soulevé l'idée selon laquelle l'abandon de la pièce d'un cent, c'est abandonner notre patrimoine. Pour ce qui est des caisses enregistreuses dans le secteur du détail, il n'y a pas de problème. Le retrait de pièces de monnaie a déjà été fait dans d'autres pays et je ne vois pas pourquoi nous n'arriverions pas à notre fin.
Le vice-président : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions.
[Français]
Le sénateur Poulin : Étant donné que je suis de Sudbury, je trouve approprié, monsieur le président, que vous me demandiez d'être la première à poser des questions.
À Sudbury, l'industrie du cuivre et du nickel est très importante. Ce n'est pas seulement à cause du gros nickel que les touristes viennent nous visiter, on a d'autres avantages bien cachés à Sudbury. On sait que si cela devenait trop public, trop de gens voudraient déménager à Sudbury.
[Traduction]
Ma première question s'adresse à M. Palmer. Vous vous intéressez au sujet dont nous sommes aujourd'hui saisis depuis bien des années, et je vous en remercie. Comme je le disais, je viens de la région métropolitaine de Sudbury. Y a- t-il des recherches qui ont été faites sur l'incidence qu'aurait le retrait de la pièce d'un cent sur le secteur minier au Canada, et plus particulièrement sur la production de cuivre?
M. Palmer : À ma connaissance, il n'y a pas eu d'étude portant précisément sur cette question. Je vous répondrais en abordant la question différemment : le cuivre et le nickel ont une diversité d'utilisation. À l'heure actuelle, le prix des matières premières est très élevé. Voilà pourquoi il y a une telle différence entre la valeur nominale et la valeur intrinsèque de la pièce d'un cent, ce qui veut dire qu'il y a une forte demande et que, par conséquent, le retrait de la pièce d'un cent ne se traduira pas par de grosses pertes d'emploi dans les zones productrices.
Le sénateur Poulin : Permettez-moi de poser la question différemment. Quel est le pourcentage de cuivre canadien qui est utilisé pour fabriquer les pièces de monnaie?
M. Palmer : Je n'en sais rien. Qu'en disent les autres? D'après ce que j'ai lu, il n'y a que très peu de cuivre qui est utilisé.
Le sénateur Poulin : Je poserai cette question à d'autres témoins.
Monsieur Chande, vous avez indiqué que seules les transactions en espèces seraient arrondies et que les craintes des consommateurs relativement à l'augmentation des prix sont infondées. Avez-vous fait des recherches sur cette question auprès du secteur du détail à proprement parler?
M. Chande : Je ne suis pas convaincu d'avoir compris votre question. Me demandez-vous si les détaillants ont l'intention d'arrondir leurs prix?
Dans le cadre de notre simulation, nous nous fondons sur l'hypothèse selon laquelle les détaillants vont arrondir leurs prix selon les règles traditionnelles. Les sommes de trois et quatre cents seront arrondies à cinq cents, celles de un et de deux cents, à zéro cent; les sommes de six et sept cents seront arrondies à cinq cents, et celles de huit et neuf, à dix cents. Étant donné la multiplicité des transactions et l'application de la taxe de vente, peu importe le prix initial d'un produit, le prix final devient aléatoire. Ainsi, on peut dire qu'une somme arrondie plusieurs fois au gré des transactions, au bout du compte, n'est pas vraiment modifiée.
Le Mouvement Desjardins a dit avoir étudié ce qui se passait ailleurs dans le monde pour déterminer si l'inflation avait suivi le retrait des pièces d'un cent et de deux cents en Nouvelle-Zélande et en Australie. Il en a conclu que cela n'a pas été le cas. Le sous-gouverneur a également déclaré que la Banque du Canada ne s'attend pas à ce qu'il y ait une inflation résultant de l'élimination de la pièce d'un cent.
[Français]
Le sénateur Poulin : Messieurs Dupuis et Aubry, je vous remercie de comparaître ici aujourd'hui. Comme disait le président du comité, la crédibilité du Mouvement Desjardins vous précède, non seulement comme institution financière, mais aussi comme centre de recherche. Il est évident que les conclusions de votre recherche et vos recommandations pèseront dans les décisions que le comité devra prendre sur les recommandations à faire au gouvernement.
Monsieur Dupuis, je vous pose la même question que j'ai posée à M. Chande. Dans votre recherche, je ne vois pas de références à la recherche auprès de l'industrie du commerce de détail.
M. Dupuis : En fait, on n'a pas fait d'expériences au Canada parce que des simulations réelles avaient été faites dans certains pays. Aux États-Unis, je sais que quelques expériences ont démontré les mêmes résultats. On n'a pas voulu les refaire parce qu'on a jugé que ce c'était assez près de la réalité et conforme.
Le sénateur Poulin : Vous avez parlé d'arrondissement symétrique des prix. Pourriez-vous expliquer cette notion?
M. Dupuis : Si le total d'une transaction avec taxes s'élève à 22,22 $, il sera arrondi à 22,20 $. On arrondit toujours au cinq sous le plus près, vers le haut ou vers le bas. Donc si le total est de 22,23 $, ce sera 22,25 $.
La théorie veut qu'en moyenne cela devienne symétrique et les expériences le démontrent. Il y a certains cas où l'arrondissement se fait un peu à la baisse parce que les marchands veulent donner avantage aux consommateurs. C'est un aspect marketing. Au mieux, c'est symétrique, et peut-être qu'en bout de ligne il peut y avoir arrondissement en faveur du consommateur.
Le sénateur Poulin : Monsieur Dupuis, vous avez affirmé que le changement serait facile à mettre en place. Pouvez- vous nous résumer la façon dont vous voyez l'implantation d'un tel changement?
M. Dupuis : Le changement est simple par rapport à ceux qu'on a faits dans le passé, dont entre autres l'introduction de la TPS ou les accords de libre-échange. Il faudrait élaborer un calendrier d'action étalé sur quelque six à neuf mois et dire qu'au début de telle année on retire le sou progressivement.
Il y a plusieurs façons de faire les choses. Il y a des pays qui l'ont fait de différentes façons. Certains ont créé une agence de contrôle des prix tandis que d'autres ont laissé libre cours aux marchands et aux consommateurs. Il y plusieurs recettes pour le faire, mais somme toute, c'est un problème qui deviendra relativement simple une fois que le gouvernement aura bien expliqué le bien-fondé du projet.
Le sénateur Poulin : M. Aubry semble vouloir ajouter quelque chose.
M. Aubry : Oui. Je voudrais mentionner que l'idée d'un programme de communication est très importante. Et ce que je voulais aussi mentionner suite à votre question, c'est que la Banque centrale de Nouvelle-Zélande a créé un site Internet dans lequel on voit tous les communiqués de presse ainsi que leur date en ce qui concerne le changement.
On peut voir toutes les étapes de la transition. C'est comme consulter un livre de recettes. C'est très bien fait et en plus de cela, il y a sur le site beaucoup de questions et réponses pour le public en général. J'invite les gens à consulter ce site.
Le sénateur Poulin : Quelle est l'adresse de ce site Internet?
M. Aubry : Je vais la donner au greffier. C'est un site hébergé par la Banque centrale de Nouvelle-Zélande et il est très bien conçu.
[Traduction]
J'aimerais ajouter un point au sujet de l'industrie minière et de la demande en métaux. Le coût total est de 130 millions de dollars. Ce coût va en s'accroissant, et le coût des métaux représente, tout au plus, cinq millions de ces 130 millions de dollars. C'est moins de 5 p. 100, ce qui nous ramène à ce que M. Palmer a dit. Voulons-nous vraiment imposer une taxe ou une subvention pour couvrir les 130 millions de dollars nécessaires pour maintenir une commande de trois millions de dollars en métaux?
Tous les autres coûts sont très importants. La dynamique serait différente si le coût du métal correspondait à 90 p. 100 du coût de fabrication, mais dans ce cas-ci, c'est l'inverse.
Le vice-président : Corrigez-moi si j'ai tort, mais le contenu métallique de la pièce d'un cent est d'environ 94 p. 100 d'acier, 1,5 p. 100 de nickel et 4,5 p. 100 de cuivre?
M. Aubry : Oui. La Monnaie royale canadienne est passée à un produit moins coûteux à produire au fil des ans. Le sou noir contient principalement de l'acier maintenant.
Le vice-président : Alors, ce que nous appelons d'ordinaire une pièce de cuivre ne contient pas vraiment de cuivre?
M. Aubry : Non, c'est du plaqué.
Le sénateur Runciman : Monsieur Palmer, j'ai consulté votre site web et j'ai remarqué que vous ne faisiez pas mention d'un certain point. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est pertinent. Vous avez parlé de préoccupations chez Tim Hortons et de quelques autres entreprises de plus petite taille au sujet de vols commis dans le cadre de transactions. Est-ce qu'ils vous ont fourni de la rétroaction et vous ont expliqué à quel point ils étaient préoccupés par cette question?
M. Palmer : Le sénateur fait référence à une ébauche précédente de mon exposé liminaire. J'y mentionnais qu'un employé dans un café — en passant, ce n'était pas Tim Hortons — avait déclaré que les prix sont établis pour ne jamais donner une somme ronde. C'était dû au fait que l'employeur pensait que si les prix correspondaient à des sommes rondes, les clients donneraient par exemple un dollar au caissier, et ce dernier mettrait la pièce dans sa poche plutôt que dans la caisse. Si le caissier est forcé de rendre la monnaie, il n'aura pas d'autre choix que d'ouvrir la caisse.
Ce sont certains employés d'un café qui m'ont raconté cela. N'ayant plus entendu parler de ce type de pratique ailleurs, j'ai décidé de retirer cet exemple de mon exposé liminaire.
Le sénateur Runciman : Durant vos 20 années d'expérience, y a-t-il eu des entreprises qui ont soulevé des préoccupations? Pour ce qui est du récipient à monnaie, je sais que chez Tim Hortons, il s'agit de dons allant à des œuvres de bienfaisance dont l'entreprise est commanditaire. Est-ce que des organisations ou des petites entreprises canadiennes ont soulevé des préoccupations à l'égard de cette orientation?
M. Palmer : La plus grande société avec laquelle j'ai travaillé, c'était La Société de l'arthrite, qui faisait également la collecte de pièces d'un cent. Je rappelle que cette société a utilisé la campagne de financement à son avantage en collectant — puisque Palmer nous enjoint de nous en débarrasser — les pièces d'un cent, et j'ai été heureux de collaborer avec cette organisation.
Le sénateur Runciman : S'il n'y a aucun côté négatif au retrait de ces pièces, je me demande pourquoi cela n'a pas été fait durant vos vingt ans d'expérience. Les médias ont porté une très grande attention à notre réunion de la semaine dernière. Or, je n'ai reçu aucun courriel à la suite de cette couverture médiatique, qu'elle soit négative ou positive, par conséquent je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi nous avons mis si longtemps à en arriver à ce point. Quel type de rétroaction vous a-t-on transmis durant ces années?
M. Palmer : Au fil des ans, on m'a surtout dit : « Je ne m'en soucie pas vraiment. » Toutefois, les prix ont continué d'augmenter depuis 1990, année où j'ai commencé à écrire sur le sujet, et les gens ont commencé à s'en soucier davantage. Nous voyons qu'il y a plus de récipients contenant des pièces d'un cent près des caisses enregistreuses qu'il n'y en avait au début des années 1990, ce qui signifie que les gens commencent à ne plus vouloir transporter ces pièces sur eux.
J'ai reçu un courriel l'autre jour d'une personne qui m'a dit — parce que j'ai dû refuser d'assister à un autre événement pour être ici aujourd'hui — de vous enjoindre de nous débarrasser de la pièce d'un cent. Cette personne affirmait que les pièces d'un cent ne sont que des projectiles qui traînent sur le tableau de bord. C'est une façon intéressante de voir les choses, parce que beaucoup de gens reçoivent de la monnaie lorsqu'ils paient au service à l'auto d'un établissement de restauration rapide, et cette monnaie est placée quelque part dans la voiture.
C'est probablement une meilleure façon d'expliquer le sentiment de la population à l'égard de la pièce d'un cent. Les gens voudraient s'en débarrasser, mais ils ne s'en soucient pas vraiment.
Certaines des personnes qui ont exprimé des préoccupations m'ont posé la question suivante : « Quelle pièce arborera la feuille d'érable au verso? » L'étude du Mouvement Desjardins répondait à cette question. Si le Canada devait remettre en circulation ne serait-ce que la pièce de 50 cents, nous pourrions y appliquer une feuille d'érable très facilement et ainsi satisfaire les personnes préoccupées au sujet de notre patrimoine et de l'attachement à la feuille d'érable.
Le sénateur Runciman : Cela pourrait être une solution. D'après le rapport de Desjardins, bien que vous ayez mis l'accent sur la pièce d'un cent, parce que tel est l'objet de notre étude, vous avez aussi parlé d'autres pièces, et même de la possibilité d'une pièce de 5 dollars. Si nous en arrivons au point où il y a autant de pièces en circulation, cette nouvelle chanson au sujet des gens qui ont leurs pantalons au sol pourrait bien devenir un thème.
Y a-t-il un avantage réel à ce que le Mouvement Desjardins et d'autres institutions financières réduisent le volume de transactions en liquide et se tournent vers les cartes de débit et de crédit? À long terme, au vu des initiatives que vous proposez, je présume que votre secteur en tirerait un avantage certain.
M. Aubry : Pour les institutions financières, la pièce représente un coût. Ce coût n'est pas colossal, mais les institutions préféreraient le rationnaliser. De toute façon, c'est compris dans les frais d'utilisation. Toutefois, ce qui est intéressant, c'est que tout en proposant l'élimination de la pièce d'un cent dans notre étude, nous proposons également l'ajout d'une autre devise en fin de compte. L'objectif, ce n'est pas qu'une seule institution financière veut faire davantage de profit. L'objectif, c'est plutôt d'accroître le bien-être global de la société.
J'aimerais soulever un point pour répondre à votre première question. J'ai présenté beaucoup d'exposés aux personnes âgées au sujet de notre système monétaire. Il y a quelque chose de magique qui se rattache à l'argent. Des préoccupations de toutes sortes sont soulevées. Il est important de donner aux citoyens des renseignements exacts parce qu'il suffit de bien peu pour que le processus déraille et que la crainte s'empare des gens, entre autres. Beaucoup de personnes craignent qu'en retirant la pièce d'un cent, on mette le doigt dans l'engrenage et que les détaillants en profiteront pour piger dans la poche des consommateurs. Les meilleurs outils à notre disposition, c'est une bonne communication et la transmission des chiffres exacts sur le marché.
Le sénateur Runciman : Monsieur Chande, vous avez parlé d'une nouvelle structure de coupures et de la possibilité d'en créer une. Est-ce que vous avez étudié l'euro? En Europe, on a effectivement créé la pièce d'un cent. Pourquoi l'Europe a-t-elle opté pour cette orientation?
M. Chandy : Je n'ai pas étudié cette question bien à fond. J'ai utilisé cet exemple pour montrer qu'il était possible de prendre le temps de réfléchir avant d'agir. Nous sommes aux prises avec un projet et il y a de la résistance au changement, alors il vaudrait mieux prendre du recul et réfléchir un instant. Si nous revenions à la case départ, quelle serait notre plus petite coupure? Si ce n'est pas la pièce d'un cent, alors pourquoi la garder en ce moment?
Je vais laisser mes collègues répondre à la question concernant l'euro, car je n'ai pas fait beaucoup de recherche là- dessus.
[Français]
M. Dupuis : J'ai étudié le cas de l'euro. C'est un cas particulier. Contrairement à d'autres pays qui ont essayé d'optimiser leur système de billets et de pièces de monnaie, l'euro a été la création de 12 pays avec 12 monnaies différentes, et la complexité des taux de change, lorsqu'ils ont créé l'euro, a fait en sorte qu'ils se sont retrouvés avec — de mémoire, vous l'avez dans la deuxième étude — 15 billets et pièces de monnaie, dont le fameux centime, l'équivalent du sou canadien. Certains pays comme la Belgique et la Finlande disent aux gens de ne pas utiliser le centime. On voit qu'il y avait déjà un malaise à utiliser cette pièce, mais c'est vraiment la complexité lors de la création, lorsqu'ils ont fait la conversion des taux de change, qui a amené beaucoup trop de pièces. On peut penser que, en fin de compte, lorsqu'ils auront réglé les problèmes actuels, ils vont peut-être réduire le nombre de pièces et de billets.
[Traduction]
M. Palmer : Aux Pays-Bas, bien qu'ils utilisent l'euro, ils ne frappent plus les pièces d'un cent ou de deux cents. Plusieurs pays scandinaves se sont également débarrassés de leurs plus petites pièces.
Le sénateur Marshall : Les témoignages relatifs à la pièce d'un cent ont été plutôt cohérents. Il semble que tout le monde est en faveur de la retirer. Comme l'a indiqué M. Palmer, on aurait dû le faire il y a 20 ans.
Est-ce que vous pensez qu'on devrait se débarrasser en même temps des pièces de cinq cents?
M. Aubry : Je pense qu'il faudrait laisser passer un peu de temps entre ces deux retraits. En Nouvelle-Zélande, on a attendu environ 15 ans entre ces deux étapes. J'ai trouvé fascinant de voir qu'en Nouvelle-Zélande, lorsqu'ils ont sondé les gens à propos du retrait des pièces de cinq sous, 68 p. 100 de la population était en faveur de le faire. Cela veut dire que la première étape s'était très bien passée.
La confiance est primordiale lorsqu'on parle d'argent. Je suggère que l'on se débarrasse d'abord de la pièce d'un cent et que l'on fasse ensuite, dans trois ou cinq ans, une autre étude à propos de la pièce de cinq cents. Je ne doute alors aucunement que, à ce moment-là, il sera temps de se débarrasser de la pièce de cinq cents.
Comme je l'ai mentionné dans notre deuxième étude, il est important d'avoir une vue d'ensemble des pièces et des billets ainsi qu'un plan à long terme, car nous souhaiterions également réduire la taille des pièces. Il faudrait une bonne planification, car toutes les machines distributrices devront être modifiées si nous changeons la taille des pièces.
Il s'agit en fait de planifier un programme public. Nous savons que nous allons pouvoir nous débarrasser de la pièce de cinq cents, mais il faudrait le faire dans environ trois ou cinq ans.
Le sénateur Marshall : Je suis d'accord pour dire que si l'on décide de se débarrasser de la pièce d'un cent, c'est un peu comme si on remaniait le système au lieu de l'améliorer.
J'aimerais savoir ce que pense M. Palmer du fait de se débarrasser de la pièce de cinq cents en même temps que celle d'un cent. Puisque vous avez milité en faveur de l'abolition de la pièce d'un cent pendant vingt ans, une fois que ce sera fait, allez-vous essayer de vous débarrasser de la pièce de cinq cents?
M. Palmer : En fait, dans mon premier article, que j'ai écrit il y a vingt ans, j'avais également recommandé que l'on se débarrasse de la pièce de cinq cents.
Le sénateur Poulin : Est-ce que cela augmenterait la valeur de la grande pièce à cinq cents à Sudbury?
M. Palmer : Probablement. Je l'ai fait en raison du pouvoir d'achat. J'ai tout simplement fait cette déduction à partir de mes propres expériences, en me disant que, en 1990, une pièce de dix cents permettrait d'acheter moins que ce qu'une pièce d'un cent permettait d'acheter auparavant. Il me semble raisonnable de commencer à envisager à faire les choses en fonction d'une décimale plutôt que deux. En même temps, si on se débarrasse de la pièce de cinq cents, alors il serait également logique de se débarrasser de la pièce de 25 cents. Pourquoi ne pas ramener la pièce de 50 cents? Je songe à comment c'était dans mon enfance. On avait une pièce de dix cents et une pièce de 50 cents plutôt qu'une pièce d'un cent et une pièce de cinq cents. On avait un dollar plutôt qu'une pièce de dix cents et une pièce de deux dollars plutôt qu'une pièce de 20 cents. Je suis en train d'appliquer la règle des dix et je songe à quoi ressemblait le taux d'inflation. Il me semble logique que l'on aille dans cette direction. Contrairement à Desjardins, je ne pense pas qu'il faudrait avoir une pièce de 20 cents. Je pense que l'on peut très bien s'en tirer avec des pièces de dix cents et des pièces de 50 cents, si l'on remet en circulation des pièces de 50 cents.
Le sénateur Marshall : Est-ce que vous croyez que, si le gouvernement enlevait la pièce d'un cent et celle de cinq cents en même temps, cela créerait trop de perturbation?
M. Palmer : Il ne fait aucun doute que cela créerait des perturbations. Et je pense que le projet se heurterait à beaucoup plus de résistance politique. M. Aubry a très bien expliqué qu'il serait sage d'y aller graduellement, tout comme on l'a fait avec l'introduction des pièces de un dollar et de deux dollars.
Le sénateur Marshall : Il faudrait donc d'abord se débarrasser de la pièce d'un cent et ensuite mettre en œuvre un plan à long terme?
M. Palmer : Oui. M. Aubry a mentionné, lorsque nous nous parlions avant la réunion, qu'une bonne façon d'évaluer la valeur d'une pièce, c'est de se demander si on s'arrêterait pour ramasser une pièce si l'on marchait dans la rue et que l'on discutait avec quelqu'un. C'était une excellente suggestion. Même si je marchais tout seul et que je ne parlais à personne, je n'arrêterais pas pour ramasser une pièce d'un cent, mais j'envisagerais peut-être de m'arrêter pour ramasser une pièce de cinq cents. Donc, je ne suis peut-être pas prêt, de ce point de vue là, à me débarrasser de la pièce de cinq cents.
M. Chande : J'ai fait un calcul rapide en ce qui concerne le fait de s'arrêter pour ramasser une pièce d'un cent. Ce calcul me permet de dire que s'il faut plus que deux secondes, alors c'est moins payant que le salaire moyen au Canada. S'il faut plus que deux secondes, alors cela ne vaut peut-être pas la peine de le faire.
Le sénateur Eggleton : Je ne suis pas convaincu d'approuver toutes les prévisions budgétaires qui ont été présentées. Quoi qu'il en soit, je suis en faveur du retrait de la pièce d'un cent. En fait, je n'aime pas beaucoup les pièces, mais c'est une toute autre question.
Les Canadiens semblent surveiller de près le cent aux stations d'essence. En fait, ils regardent des fractions d'un cent augmentées à la pompe d'essence. Si une station vend l'essence à 95,3 cents et que la station d'en face la vend à 95,7 cents, les clients iront acheter leur essence à la station qui vend le gaz à 95,3 cents.
Comment aborderiez-vous ce problème aux stations d'essence? Est-ce que vous arrondiriez le prix au cinq cents le plus proche par rapport au prix de base? Ou est-ce que vous arrondiriez, vers le haut ou vers le bas, après avoir fait le calcul du prix total? En d'autres termes, si vous respectez le dixième d'un cent et que le total est de 50,26 $, est-ce que vous arrondiriez vers le haut ou vers le bas? Que feriez-vous dans le cas d'une station d'essence, en tenant compte de la sensibilité qu'ont les Canadiens par rapport aux fractions de cent qu'ils peuvent payer pour leur pétrole?
M. Palmer : En Australie, lorsqu'ils se sont débarrassés des pièces d'un cent et de deux cents, les stations d'essence ont continué à fixer les prix comme auparavant et les cartes de crédit étaient facturées au cent le plus près, même si les pièces d'un cent et de deux cents n'existaient plus. Puisque la plupart des gens payaient avec des cartes de crédit, cela ne faisait aucune différence. Les gens qui payaient en espèces essayaient d'habitude de faire fonctionner la pompe jusqu'à qu'elle arrive à environ 22 cents afin que l'on arrondisse à 20 cents. Les gens essayaient de gagner deux cents lorsqu'ils payaient en espèces. En revanche, peu de gens le faisaient, car la plupart des gens paient désormais leur essence avec une carte de crédit.
Le sénateur Eggleton : Alors cela a plutôt bien fonctionné en Australie.
[Français]
M. Dupuis : Vous pouvez aussi adopter une loi qui ferait en sorte que les machines arrondiraient aux cinq cents près. Elles arrondissent à un cent près. Un jour, peut-être que les appareils dans les postes à essence pourront arrondir au cinq cents près, ce qui réglerait le problème.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : J'aimerais revenir au commentaire que j'ai fait tout à l'heure, lorsque je disais que les pièces m'embêtaient en général. Les Américains, qui ont l'économie la plus puissante du monde, utilisent le billet de un dollar. On m'a dit qu'il est probablement moins cher d'utiliser une pièce de un dollar ou de deux dollars que d'avoir son équivalent en billet. Je ne crois pas que la différence puisse être si considérable que cela. Le cas échéant, les Américains auraient sans doute déjà échangé leurs billets pour des pièces. Du point de vue culturel, et non pas monétaire, on peut voir qu'ils préfèrent utiliser un billet plutôt qu'une pièce. Est-ce que l'on ne devrait pas tenir compte de cet aspect lorsqu'on envisage de réduire les pièces de monnaie?
M. Aubry : Le régime politique des États-Unis est très différent. Par exemple, il s'y avère difficile de passer de la coupure de un dollar à la pièce de un dollar. On a pu constater au Canada, avec l'avènement de la pièce de un dollar, qu'on l'utilise davantage comme la pièce de deux dollars pour régler un titre de transport, pour acheter quelque chose dans un distributeur automatique, et cetera. Cela faisait l'affaire du consommateur.
Malgré toute la puissance économique des États-Unis, on a tort là-bas de maintenir la pièce d'un cent. Ce ne sont pas les pressions et les analyses de rentabilisation qui manquent là-bas, mais il est difficile de faire avancer le dossier pour des raisons politiques.
M. Palmer : Vous vous souvenez sans doute qu'il y a environ 25 ans, les États-Unis ont introduit la pièce de un dollar sur laquelle figure Susan B. Anthony. En même temps, on n'a pas retiré la coupure de un dollar, ce qui était probablement une erreur de stratégie. Les États-Unis ne font pas toujours tout parfaitement.
Le sénateur Eggleton : Toutefois, pour ma part, je préfère les coupures.
Je vais vous poser une question d'histoire. Y a-t-il déjà eu au Canada des pièces de moins d'un cent? A-t-on jamais eu une pièce de un demi-cent?
M. Dupuis : Jamais au Canada, mais aux États-Unis, oui, il y a environ 150 ans.
Le sénateur Neufeld : Je voudrais pousser un peu plus loin la série de questions du sénateur Eggleton. Monsieur Chande, vous nous avez dit quel poids la production de pièces d'un cent représentait chaque année. Est-ce que cent pièces d'un cent pèsent ce que pèse la pièce de un dollar?
M. Chande : Je dirais que cent pièces d'un cent pèsent beaucoup plus qu'une pièce de un dollar.
Le sénateur Neufeld : Savez-vous combien elles pèsent?
M. Chande : Je ne sais pas. Pourquoi posez-vous la question?
Le sénateur Neufeld : Tout simplement parce que le transport des pièces coûte fort cher. Je reviens à ce que disait le sénateur Eggleton. Quelle que soit la pièce dont il s'agit, il en coûte très cher de la transporter.
M. Chande : Si nous retirons la pièce d'un cent, cela ne signifie pas que nous allons augmenter la quantité de pièces de un dollar que nous produisons. Cela ne changera pas. N'oubliez pas que près de la moitié des pièces frappées par la Monnaie royale canadienne sont des pièces d'un cent. Comme on a pu le constater en Nouvelle-Zélande et en Australie, en retirant la pièce d'un cent, on n'a pas besoin de produire plus de pièces. Cela signifie tout simplement qu'on va avoir deux mille tonnes métriques de pièces en moins à transporter au pays.
Le sénateur Neufeld : Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Je dis tout simplement que le transport des pièces de un dollar et de deux dollars coûte cher, tout comme le transport des pièces d'un cent. Regardons ce qui se passe aux États-Unis — et je ne dis pas que tout là-bas est parfait —, mais la coupure de un dollar est encore en circulation — le billet vert —, et je pense que le transport en est la principale raison. De toute façon, le billet de un dollar est encore en circulation.
Je n'aime pas que mes poches soient percées constamment parce que j'y mets une pièce d'un dollar ou de deux dollars. Dans les aéroports, je dépose ces pièces dans ma serviette et, par la suite, je les mets dans une boîte à café à la maison avant de les rouler pour les porter à la banque. J'aimerais parler de cet aspect-là.
Monsieur Dupuis, vous avez dit que la pièce d'un cent avait perdu 95 p. 100 de sa valeur. Parlez-vous là de la valeur nominale ou avez-vous calculé le coût de la pièce d'un cent? Comment avez-vous obtenu ce chiffre de 95 p. 100?
M. Aubry : Essentiellement, la Banque du Canada tient compte de l'indice des prix à la consommation et de ses fluctuations. L'indice a grimpé de 20 et le pouvoir d'achat a diminué de 95 p. 100.
Le sénateur Neufeld : Monsieur Aubry, vous avez évoqué le programme de recyclage. Ce programme de recyclage devrait être maintenu, car nous aurons affaire à encore plus de pièces, n'est-ce pas?
M. Aubry : À cet égard, je pense que le programme de recyclage est bénéfique, car on évite ainsi la thésaurisation et le coût baisse. Pour moi, ce qui me dérange surtout, c'est le fait que la pièce d'un cent n'est pas utilisée, que les consommateurs ne l'utilisent pas.
Le sénateur Neufeld : J'ai posé la question aux représentants de la Monnaie royale canadienne en ce qui concerne le programme de recyclage. Serait-il plus opportun que cela se fasse dans les banques, puisque c'est là qu'on compte et qu'on échange les pièces d'habitude? On m'a répondu que ce programme visait toutes les pièces, et non pas seulement celles d'un cent. On les jette par poignées dans une machine.
Le Mouvement Desjardins propose une pièce de cinq dollars. Cela me fait frémir. Le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Australie, je pense, envisagent d'utiliser un autre type de papier pour les billets. Étant donné qu'il faut transporter des tonnes et des tonnes de pièces, quelle que soit leur valeur, ne serait-il pas judicieux de revenir à la coupure de un dollar, si effectivement ce nouveau papier se révèle meilleur? Qu'on se débarrasse de la coupure de deux dollars, soit. Toutefois, revenons à la coupure de un dollar et conservons celle de cinq dollars plutôt que de recourir à d'autres pièces. Je sais que les pièces durent plus longtemps que les billets, mais avec les avancées technologiques, nous pourrons compter sur un nouveau papier. Ne serait-il pas judicieux de repenser la chose? Nous parlons de nous débarrasser des pièces depuis 20 ou 30 ans. Nous ne semblons pas y parvenir. Pourquoi votre groupe ne propose-t-il pas de revenir au papier pour des raisons écologiques et d'économie? Il y a beaucoup de boîtes à café qui ne se rempliraient pas de pièces.
M. Aubry : Je vous répondrai deux choses. Le fait que nous puissions produire des petites coupures plus durables à un prix abordable nous permettra de garder ces billets en circulation plus longtemps. Dans nos analyses coûts- avantages, nous devrions en tenir compte.
Si nous abandonnons la pièce d'un cent et la pièce de cinq cents et si nous adoptons une pièce de cinq dollars, il y aura beaucoup moins de pièces en circulation. Si on réduit la taille de la pièce, ce sera moins lourd dans vos poches.
Je suis d'accord avec vous. Nous pouvons réduire ce poids encore davantage en reprenant les billets de un dollar et de deux dollars. Toutefois, on aura besoin de pièces encore pour les distributeurs automatiques, et cetera. Rappelez- vous que si l'on se fie à l'analyse coûts-avantages, on favorise énormément la pièce, car une pièce dure de 25 à 40 ans alors que les billets doivent être remplacés presque tous les ans. Le coût annuel était de 00,7 cents pour un billet comparativement à 25 cents pour une pièce sur 30 ans. Il y a donc là un énorme avantage. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la demande est bien plus forte pour les pièces que pour les billets à cause des distributeurs automatiques.
Le sénateur Neufeld : J'en conviens très bien, car c'est la raison pour laquelle on a adopté les pièces, mais on a parlé d'un type de papier différent qui durerait plus longtemps.
Je ne connais personne qui demande à avoir plus de pièces dans ses poches. Je ne connais personne qui m'ait dit souhaiter une pièce de cinq dollars dans ses poches en plus des pièces de un et de deux dollars et d'autres petites monnaies. Comprenez-moi bien : Je préférerais qu'on se débarrasse de la pièce d'un cent et de la pièce de cinq cents. Étant donné votre expérience, j'aimerais que vous revoyiez le sujet et que vous tiriez la conclusion qu'il serait préférable d'utiliser ce nouveau papier-monnaie. Si de fait les résultats sont prometteurs, on pourrait se débarrasser des pièces de un, de deux et de cinq dollars. L'idée d'une éventuelle pièce de cinq dollars m'effraie. Il me faudra boire beaucoup de café pour avoir assez de boîtes pour contenir ces pièces, car c'est là qu'elles aboutissent.
M. Aubry : Nous préconisons vivement de réévaluer la situation de loin en loin. Si, par exemple, la façon de régler nos transactions change, on devra en tenir compte. Si la production de billets coûte moins cher, il faudra en tenir compte dans l'analyse coût-avantage. En outre, il faudra prendre en considération les préférences des consommateurs.
La Monnaie royale canadienne a essayé de faire adopter la pièce de 50 cents et elle n'a pas réussi. Les gens n'en voulaient pas.
Le sénateur Callbeck : Je voudrais savoir quel sera le coût total pour l'économie canadienne si nous maintenons la pièce d'un cent en circulation. Dans l'étude préparée par Desjardins, on trouve un tableau et on nous a dit qu'il en coûtait 131 millions de dollars pour la production, les institutions financières, les détaillants et les consommateurs. Monsieur Palmer, vous nous avez dit qu'il en coûtait de 20 à 25 millions de dollars strictement pour les transactions, n'est-ce pas?
M. Palmer : Rappelez-vous également que j'ai délibérément sous-estimé ce chiffre parce que je ne voulais pas exagérer en présentant des arguments pour l'abandon de la pièce d'un cent. Ce chiffre correspond aux coûts de transaction, à l'attente des consommateurs. Il faut également se rappeler que je n'ai pas tenu compte du temps d'attente des gens qui sont dans la file derrière celui qui dit avoir les trois cents qu'il faut pour régler son achat. Le temps d'attente dont j'ai tenu compte, c'est celui de la personne qui règle avec des pièces d'un cent. Ainsi, s'il y a deux ou trois personnes derrière elle qui attendent, l'attente se multiplie. Ainsi, si on en tient compte, le coût pour les consommateurs cité dans l'étude de Desjardins grimpe.
Le sénateur Callbeck : Pensez-vous que le chiffre de 131 millions de dollars cité dans l'étude de Desjardins est raisonnable?
M. Palmer : Il est sans doute sous-estimé. L'étude de Desjardins cite un coût de 40 millions de dollars pour les consommateurs. J'ai revu ce chiffre à la baisse. Je dis de 20 à 25 millions de dollars. À mon avis, je l'ai grandement sous- estimé.
Le sénateur Callbeck : De toutes les études qui ont été faites, est-ce celle qui donne l'estimation la plus élevée?
M. Chande : C'est sans doute l'estimation la plus basse du coût total. Je pense que l'approche est la plus prudente étant donné la façon dont on a fait intervenir les coûts fixes pour la Monnaie royale canadienne. Il faut se rappeler qu'il y a le coût de la frappe, le coût du métal utilisé, mais il y a également d'autres coûts, y compris l'amortissement de l'équipement dont il faut tenir compte. Je pense qu'on a adopté une approche très prudente dans la méthode utilisée pour créer ces chiffres. Mes chiffres et ceux de M. Fisher sont trois fois plus élevés en raison de la méthode que nous avons retenue. Vous voyez l'écart. Vous avez là la fourchette, une estimation très prudente et une estimation qui ne l'est pas autant, mais qui est sans doute réaliste.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous une ventilation de vos chiffres?
M. Chande : Le coût total que j'ai calculé, et cela ne comprend pas le temps d'attente pour les consommateurs dans une file, s'élevait à 33 millions de dollars par année pour la pièce de un cent. J'ai pris comme année de base les niveaux de frappe de 2001. Vous avez donc 33 millions de dollars par opposition à 11 millions de dollars. La somme de 11 millions de dollars représente le coût relatif pour le gouvernement. D'après mes estimations, il en coûterait trois fois plus au gouvernement. Voilà donc la fourchette, car la Monnaie royale canadienne ne nous a pas fourni de chiffres exacts. Nous n'avons pas accès aux calculs de la Monnaie royale canadienne. On ne peut faire qu'une estimation d'après les renseignements disponibles, ce qui nous donne une fourchette en ce qui concerne les coûts. Que le coût de production soit de 11 millions de dollars ou qu'il se situe quelque part entre ce chiffre et 33 millions de dollars, le coût de production de la pièce d'un cent est plus élevé que sa valeur.
Le sénateur Callbeck : Vous pensez que c'est plus d'un cent et demi?
M. Chande : Oui. Je pense que le coût de production se situe entre deux et trois cents.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous pris connaissance des témoignages que nous avons entendus lors de la dernière réunion?
M. Chande : Je n'ai pas lu les témoignages, mais je sais qui a comparu.
Le sénateur Callbeck : Vous pensez qu'il en coûte entre deux et trois cents pour produire une pièce d'un cent?
M. Chande : Oui.
Le sénateur Callbeck : Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter sur le coût de la frappe de la pièce d'un cent?
M. Aubry : J'ai lu le témoignage dont vous parlez. Le chiffre que nous citons dans notre étude — un cent et demi par pièce — se rapproche du coût cité par Wayne Foster du ministère des Finances. Encore une fois, il s'agit d'une fraction du coût total.
On a évalué à 20 millions de dollars ce qu'il en coûte aux institutions financières pour les dépôts et les retraits, car neuf milliards de pièces sont échangées. Vingt-cinq mille tonnes de pièces d'un cent sont transportées chaque année. Le fardeau ne se situe pas uniquement dans les poches.
Le sénateur Callbeck : D'après le témoignage, 60 p. 100 du coût correspond au coût du métal, soit 85 ¢. Le coût de fabrication est d'environ 50 ¢, le reste allant à la distribution.
Dans votre étude, que rajoutez-vous pour en arriver à 2 et 3 $?
M. Chande : Nous tenons compte des coûts fixes. Le coût du matériau n'augmente pas, mais nous tenons compte des autres coûts fixes.
Nous avons tiré du rapport annuel du ministère des Finances la somme transférée à la Monnaie royale canadienne. Une partie de cette somme est imputée à la production de la pièce d'un cent. Là où il y a eu débat, c'est quand il s'est agi d'imputer les coûts fixes à la production de la pièce d'un cent. Nous avons calculé le pourcentage que représente la production de la pièce d'un cent par rapport au total. La production de la pièce d'un cent constitue la part du lion et nous lui avons attribué le même pourcentage pour ce qui est des frais généraux. Voilà comment nous avons obtenu notre chiffre.
Le sénateur Dickson : J'ai quelques questions à poser dans la foulée des questions posées par d'autres sénateurs. Je me place du point de vue du consommateur.
Je ne sais pas quelle est la position du milieu bancaire en ce qui concerne l'arrondissement, mais les détaillants disent qu'ils arrondissent. Quelles seront les économies réalisées par les institutions financières au Canada s'il n'y a plus de pièces d'un cent? Je lis dans votre rapport que ce sera plus de 20 millions de dollars.
M. Aubry : Ce sera au moins 20 millions de dollars. Nous espérons qu'en conséquence, les banques vont rabaisser les frais exigés.
Le sénateur Dickson : C'est à cela que je voulais en venir. Monsieur Dupuis, allez-vous baisser les frais que vous exigez?
[Français]
M. Dupuis : Si les coûts sont moins élevés, en théorie, toutes les institutions vont les baisser. C'est le jeu de la concurrence. C'est le même jeu pour l'arrondissement. Si les marchands pouvaient arrondir à la hausse, ils le feraient. Ils ne le font pas parce qu'il y a la concurrence. Si les institutions financières sauvent de l'argent, les prix devraient possiblement baisser, car c'est extrêmement compétitif. Pour l'ensemble des institutions canadiennes, 20 millions de dollars pour la totalité des frais d'exploitation, cela reste quand même un petit montant.
[Traduction]
Le sénateur Dickson : C'est une petite somme du point de vue des banques. Certains coûts, comme la comptabilité, vont sans doute diminuer également pour les détaillants. Le Mouvement Desjardins est un chef de file dans le secteur financier. Allez-vous être un chef de file et réduire les frais exigés ou allez-vous attendre de voir ce que les autres font, les augmenter, ou encore les maintenir même si d'autres les modifient?
M. Dupuis : Je dirais que nous serons un chef de file.
Le sénateur Dickson : Vous allez donc réduire les frais exigés, n'est-ce pas?
[Français]
M. Dupuis : À la marge, on va appliquer une baisse de coûts.
[Traduction]
M. Aubry : Chose importante, les détaillants auront besoin de moins de pièces, car la pièce d'un cent aura disparu. Il leur en coûte parfois de 15 à 30 cents le rouleau pour les pièces d'un cent. N'ayant plus à commander ces pièces, les détaillants réaliseront automatiquement des économies.
Le sénateur Dickson : Je comprends cela. Je serais tenté de vous poser une question concernant la possibilité de devenir une société où l'argent liquide n'existerait plus. Je m'en abstiendrai.
J'ai lu récemment dans un journal les résultats d'un sondage d'opinion publique. Environ 50 p. 100 ne veulent plus de la pièce d'un cent, 38 p. 100 veulent la conserver et 20 p. 100 sont indécis. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
[Français]
M. Dupuis : Au Québec, lorsqu'on a commencé à parler en 2005 et 2006, des bienfaits d'éliminer la pièce d'un sou, les résultats des sondages démontraient que les gens étaient en faveur du projet. À un certain moment, 80 p. 100 des gens étaient favorables. Plus on va expliquer les conséquences positives, surtout pour le consommateur, plus le pourcentage va augmenter. Comme M. Aubry le disait plus tôt, il y a beaucoup de fausses idées qui circulent en ce moment. Les consommateurs sont un peu confus quant aux conséquences que pourrait amener le retrait de la pièce d'un sou, surtout sur le plan de l'inflation et sur la possibilité que cela se fasse à leur détriment. Une fois qu'on aura dit qu'il n'y aura pas d'inflation — comme le représentant de la Banque du Canada l'a mentionné la semaine dernière —, je pense que les craintes vont diminuer. Vous allez alors voir le pourcentage de gens en faveur du retrait de la pièce d'un sou augmenter dans le reste du Canada, comme cela s'est produit au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Dickson : Étant donné l'opinion actuelle des politiciens et de l'industrie bancaire, quelle institution devrait mener la charge pour informer la population, si le gouvernement recommandait l'élimination de la pièce d'un cent? L'industrie financière a-t-elle un rôle à jouer, ou serait-ce, par exemple, l'Association des consommateurs du Canada qui s'en occuperait?
M. Aubry : En Nouvelle-Zélande, le gouvernement — la banque centrale et le ministère des Finances — a joué le rôle de chef de file avec un appui important des institutions financières et des entreprises du détail. Le gouvernement connaît les chiffres, et c'est donc à lui de faire connaître les coûts réels et l'analyse de rentabilité. La Banque du Canada est très crédible, entre autres, lorsqu'elle parle des effets de l'inflation. Le gouvernement devrait avoir un plan de communications. Je suis certain que les autres suivront.
Le sénateur Dickson : Je me souviens que des témoins précédents ont dit qu'une étude interne sur l'élimination de la pièce d'un cent a été faite par la Banque du Canada en 2005, mais elle n'a pas été rendue publique. Une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information a été déposée en 2007 et l'étude a alors été rendue publique. Avez-vous lu cette étude et auriez-vous des commentaires à faire à son sujet?
[Français]
M. Dupuis : On a reçu plusieurs études par le biais de la Loi d'accès à l'information, mais j'ignore de quelle étude vous voulez parler exactement. Je ne me souviens pas avoir reçu d'étude de la Banque du Canada sur ce dossier. On a eu des études du ministère des Finances et de la Monnaie royale canadienne, mais pas de la Banque du Canada.
M. Aubry : La Banque du Canada avait des mémos internes au sujet de l'inflation. L'automne dernier, des journalistes ont mentionné que le coût de la pièce de un sou était plus élevé que ce les gens avaient entendu dire jusqu'alors. Soudainement, le chiffre de 1,2 sou est apparu dans le public.Lors des délibérations du comité sénatorial de jeudi dernier, on a parlé d'un coût de 1,5 sou.
Le rôle de la Banque du Canada est de parler d'inflation et d'augmentation des prix. Le ministère des Finances, la Monnaie royale et la Banque du Canada consultent les autres pays. Ils discutent avec les autres ministères des Finances, les autres producteurs de pièces et les autres banques centrales.
J'ai trouvé que la Banque centrale de Nouvelle-Zélande était très ouverte à dire ce qui s'est passé et quels ont été les effets du changement. Mais en fin de compte, c'est le gouvernement qui détient les chiffres officiels, qui prend la décision et qui doit faire preuve de leadership.
M. Dupuis : Je dirais aussi que lorsqu'on cessera de produire la pièce de un sou, on libérera beaucoup de capacité de production pour produire des pièces à l'étranger, ce qui risque d'être plus rentable pour le gouvernement et pour la Monnaie royale canadienne.
Il faut le voir de cette façon. Ce ne sera pas une perte pour Winnipeg ou pour les employés. Au contraire, avec la technologie avancée de la Monnaie royale canadienne et avec le placage de pièces, c'est une bonne ouverture. Je crois que c'est le temps pour le Canada d'y aller parce qu'il peut compenser largement et faire de l'argent.
M. Aubry : Ce qui est intéressant, c'est que la Monnaie royale canadienne produit les pièces pour la Nouvelle- Zélande.
[Traduction]
M. Palmer : Comme le sénateur Dickson, je suis probablement plutôt un représentant des intérêts des consommateurs, et c'est pourquoi mes calculs étaient basés sur les coûts pour les consommateurs plutôt que tous les autres coûts qui y sont ajoutés.
Je crois que nous avons tous probablement un ami qui, si l'on parle de se débarrasser de la pièce d'un cent, dirait que les détaillants vont tout simplement nous voler. J'ai des amis qui ont des doctorats, mais pas en science économique, qui disent exactement cela. Je leur explique que les faits nous démontrent que les prix n'augmenteront pas.
Si je dis que nous avons besoin d'études ou de relations publiques de la part du gouvernement pour le démontrer, ils répondent qu'ils ne font pas confiance au gouvernement. Voilà pourquoi je suis un peu un activiste de ce domaine, pour transmettre ces renseignements de la part de quelqu'un qui ne fait valoir que les intérêts des consommateurs.
Le vice-président : Puisqu'il n'y a plus de questions, je veux dire que le comité est très reconnaissant que les témoins soient venus aujourd'hui. Vos observations ont toutes été utiles et instructives.
M. Palmer : Si vous me le permettez, je suis très reconnaissant de cette occasion, car plusieurs points dont je n'étais pas au courant ont été mentionnés. Premièrement, je ne savais pas qu'il coûtait moins cher de fabriquer une rondelle à partir d'une pièce d'un cent que de l'acheter à la quincaillerie. C'est fantastique.
Deuxièmement, jusqu'à ce que je lise la transcription de votre dernière séance, je n'avais aucune idée du coût des machines à compter la monnaie. Soyez assurés que je ne ferai plus jamais de rouleaux de pièces d'un cent.
Le vice-président : Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)