Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 9 - Témoignages du 15 juin 2010 - séance de l'après-midi
OTTAWA, le mardi 15 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 15 h 4 afin d'étudier le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures (sujet : parties 12, 13, 14, 16 et 17).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, hier, nous avons eu notre première réunion concernant le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget.
[Traduction]
Au cours de deux réunions, des fonctionnaires des ministères ont passé en revue les dispositions de sept parties du projet de loi. Comme vous le savez, ce projet de loi contient 24 parties, 2 208 dispositions, et près de 900 pages. Au cours des prochains jours, des fonctionnaires des ministères comparaîtront devant nous pour nous expliquer chacune des parties du projet de loi.
Cet après-midi, nous nous penchons sur les parties 12, 13, 14, 16 et 17. Ces parties concernent la loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada, les coopératives de crédit fédérales, et les produits de la criminalité.
Nous allons d'abord nous pencher sur la partie 12, qui traite de la loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement. Cette partie débute à la page 541 du projet de loi.
Nous avons le plaisir d'accueillir Leah Anderson, directrice de la Division du secteur financier du ministère des Finances Canada, de même que deux de ses collègues de la Direction de la politique du secteur financier, Kevin Thomas, économiste principal, Paiements, et Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint.
Nous allons procéder comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Nous allons demander à Mme Anderson de nous expliquer le contenu du projet de loi. Nous sommes particulièrement intéressés à connaître la visée de chacune de ses dispositions.
Leah Anderson, directrice, Division du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonjour. Nous sommes heureux d'être présents aujourd'hui afin de répondre à vos questions sur la loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement. Je vais d'abord faire un bref survol de la loi proposée, et la replacer dans son contexte historique afin de montrer pourquoi elle était nécessaire.
L'année dernière, des commerçants ont commencé à faire état de certaines préoccupations concernant les cartes de crédit et de débit. Leurs préoccupations concernaient essentiellement la complexité et le défaut de transparence des contrats de cartes de crédit, ainsi que la structure des frais qui s'appliquent aux paiements effectués avec ces cartes.
Le 19 novembre 2009, le gouvernement a publié la version préliminaire d'un code de conduite à l'intention des entreprises de cartes de crédit et de débit du Canada, pour donner suite à certaines préoccupations qui avaient été exprimées. Ce code de conduite avait été élaboré en consultation avec divers intervenants du marché, y compris des commerçants, des réseaux de cartes de crédit et de débit, des émetteurs de cartes de paiement et des acquéreurs. L'objectif de ce code de conduite est fort simple. Il s'agit de promouvoir des pratiques commerciales honnêtes, et de garantir que les commerçants et les consommateurs comprennent clairement les avantages et les inconvénients liés à l'utilisation des cartes de crédit et de débit.
Nous avons le plaisir de vous annoncer que le 17 mai 2010, le code de conduite a été adopté par tous les réseaux de cartes de crédit et de débit, y compris les principaux émetteurs et acquéreurs. La plupart des éléments du code entreront en vigueur le 16 août 2010, et les autres éléments entreront en vigueur le 17 mai 2011.
La loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement, dont nous discutons aujourd'hui, est un complément au code de conduite, qui autorise le gouvernement à édicter, au besoin, des règlements concernant les pratiques commerciales des réseaux de cartes de crédit et de débit, y compris Visa, MasterCard, American Express et Interac.
Le ministre a affirmé qu'il édicterait des règlements, à la suite de l'instauration du code de conduite, si les divers intervenants du marché n'en observaient pas les dispositions, mais ils s'y sont soumis. Aux termes de la loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement, le ministre peut, en vertu de l'article 6, qui confère les pouvoirs réglementaires pertinents, recommander au gouverneur en conseil des règlements sur les pratiques commerciales des réseaux de cartes de paiement, des émetteurs de cartes ainsi que des services de traitement de paiements ou acquéreurs. Les règlements proposés peuvent notamment concerner les taux qui doivent être communiqués, les modalités et les destinataires des avis sur les taux, les modalités d'émission de cartes de paiement privilège et les consommateurs à qui de telles cartes peuvent être accordées, et les conditions que les exploitants de réseaux doivent inclure dans tout accord conclu avec un acquéreur.
L'article 5 de la loi proposée apporte des modifications connexes à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Plus précisément, cet article élargit le mandat de l'agence, en la chargeant de s'assurer que les exploitants de réseaux de cartes de paiement observent les dispositions de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement ainsi que ses règlements connexes, ce qui comprend tous les codes de conduite d'application volontaire qui pourraient avoir été adoptés. Ces pouvoirs sont similaires à ceux dont dispose déjà l'Agence de la consommation en matière financière du Canada relativement à l'application des lois et des règlements liés à la consommation.
Les commerçants ont accueilli de manière favorable la Loi sur les réseaux de cartes de paiement de même que le code de conduite. Nous répondrons maintenant avec plaisir à vos questions concernant la loi proposée.
Le président : Dans le projet de loi qui est devant vous, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est mentionnée à la page 543. C'est à cet article que vous avez fait référence. Cependant, les modifications connexes figurent à l'article 8 de la loi proposée, à la page 545. Vous avez dit qu'il y a également des modifications connexes à l'article 5.
Mme Anderson : L'article 5 confère à l'agence le pouvoir de mettre la loi à exécution. Il y a également des modifications corrélatives à l'article 1835 du projet de loi.
Le président : Selon la structure adoptée, si les sociétés de cartes de crédit se soumettent au code, le ministre n'aura pas à édicter de règlements ni à en mettre à exécution. Est-ce exact?
Mme Anderson : Oui, c'est exact.
Le président : L'adoption du code permet-elle à un particulier d'intenter une poursuite contre une société de cartes de crédit qui y aurait dérogé? Y a-t-il un droit privé d'action?
Mme Anderson : Le code définit certaines attentes et certains droits pour les consommateurs et les commerçants, ainsi que certaines obligations que doivent respecter les exploitants de réseaux. C'est un code de conduite d'application volontaire. Cependant, compte tenu des pouvoirs que nous lui avons accordés, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada surveillera l'observation du code par les exploitants de réseaux et les autres intervenants du marché. Les commerçants et les consommateurs ont le droit de déposer une plainte devant l'ACFC ou de se plaindre auprès des intervenants du marché en cas de problème.
Le président : Ils peuvent déposer une plainte devant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.
Mme Anderson : C'est exact.
Le président : Quelles sanctions l'Agence de consommation en matière financière du Canada peut-elle prendre contre une entreprise qui aurait décidé volontairement de se soumettre au code?
Mme Anderson : Un code d'application volontaire ne prévoit pas de sanctions. Il s'agit plutôt de surveillance. Le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada établira un rapport annuel à l'intention du ministre des Finances. Il pourra communiquer avec le ministre plus souvent, suivant les besoins.
On s'attend à ce que les intervenants du marché se soumettent entièrement aux dispositions du code. Si nous estimons qu'ils prennent trop de liberté, la loi entrera en jeu. Le ministre a le pouvoir d'adopter un règlement et, s'il y a un règlement, le commissaire aura à sa disposition des outils de mise en application officiels, y compris la possibilité d'infliger des sanctions administratives pécuniaires. L'Agence de la consommation en matière financière a le pouvoir d'exiger que les institutions lui communiquent des renseignements. C'est une approche graduelle.
Le président : Il n'y aura donc pas de règlement, à moins que la surveillance exercée ne révèle qu'un règlement est nécessaire et que le ministre décide d'en édicter un.
Mme Anderson : C'est exact.
Le président : Je crois que je comprends, maintenant.
La disposition sur l'entrée en vigueur figure à la page 551. Quand vous nous avez parlé de l'entrée en vigueur, vous avez mentionné trois dates : le 17 mai 2006, août 2010, et 2011. Le code a été adopté en mai dernier, et les deux autres dates sont les dates d'entrée en vigueur.
Mme Anderson : Ces dates concernent le code de conduite. La majorité des dispositions entreront en vigueur cet été. Nous avons donné aux intervenants 90 jours pour rendre leurs activités conformes à la majorité des éléments du code. Pour d'autres éléments, qui concernent la communication d'informations, nous leur avons laissé neuf mois, car des changements importants devront être apportés aux systèmes pour s'y conformer. Dans le cas des éléments qui nécessiteront de réémettre des cartes de paiement, nous avons accordé un délai d'un an. Il y a un ou deux éléments du code qui pourraient obliger les institutions à réémettre des cartes.
Le président : À la page 551, il est indiqué que les articles 6 et 7 de la loi proposée entreront en vigueur à une date fixée par décret. Cette date n'a aucune importance. Ça pourrait être une date éloignée, car l'article 6 concerne l'adoption de règlements, et qu'aucun règlement ne sera édicté à moins que la surveillance exercée n'incite le ministre à instaurer une réglementation.
Mme Anderson : C'est exact.
Le président : Il n'y a donc aucune urgence en ce qui concerne l'entrée en vigueur, n'est-ce pas?
Mme Anderson : C'est exact.
Le sénateur Murray : J'aimerais poser une question concernant d'autres parties du projet de loi.
Des intervenants de l'extérieur du gouvernement viendront nous parler des différentes parties du projet de loi. Est-ce que des intervenants ont demandé à comparaître relativement aux parties 12 et 13, et ont-ils été nombreux à faire cette demande?
Le président : Cette information est entre les mains du greffier. Je vous la communiquerai dès que je le pourrai.
Le sénateur Murray : Il sera intéressant de voir si ces parties du projet de loi ont suscité de l'intérêt chez ceux qu'elles concernent directement ou indirectement.
Le président : Nous avons reçu plusieurs demandes de comparution mais, comme vous le savez, le projet de loi comporte 24 parties différentes. Nous allons vérifier si des témoins ont demandé à comparaître relativement à ces parties et nous vous le ferons savoir.
Le sénateur Murray : Je n'ai pas lu la totalité des délibérations du comité de la Chambre des communes. Je ne sais pas s'il y a eu beaucoup de témoins qui ont parlé spécifiquement de ces parties, ou s'il y en a eu tout court.
Le président : Devons-nous conclure que vous estimez que des intervenants devraient venir témoigner à ce sujet?
Le sénateur Murray : Pas forcément. S'ils sont intéressés, ils se manifesteront sûrement. Je ne crois pas que ce soit nécessairement à nous d'aller les chercher.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dit que tous les intervenants de l'industrie ont adopté volontairement le code de conduite. Pourriez-vous nous fournir une liste des intervenants qui y ont adhéré?
Mme Anderson : Nous n'avons pas cette information avec nous aujourd'hui, mais il existe une liste que nous pourrons transmettre au comité.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Je crois comprendre que la majorité des articles proposés ne s'appliquent actuellement qu'au code de conduite, étant donné qu'il n'y a pas de règlement. Comment une personne devrait-elle procéder pour déposer une plainte devant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, sous le régime des articles du projet de loi?
Mme Anderson : Le pouvoir de réglementation conféré par l'article 6 de la loi proposée habilite le gouvernement à édicter des règlements concernant l'application du code de conduite. Les dispositions du projet de loi ne mettent pas en vigueur le code de conduite, sous réserve de l'adoption éventuelle d'un règlement, dont les dispositions reproduiraient essentiellement les éléments du code.
Si quelqu'un avait une plainte à formuler au sujet du code de conduite, ou contre un intervenant qui y aurait contrevenu, cette personne devrait communiquer avec le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Le commissaire exerce déjà une surveillance à l'égard d'un certain nombre de codes de conduite relatifs à la consommation. L'agence a mis en place des systèmes pour recevoir les plaintes des consommateurs et d'autres plaintes concernant le respect de ces codes de conduite.
En ce qui concerne les lois pour la protection des consommateurs, en cas de plainte, on encourage le consommateur ou le commerçant à tenter de régler le litige avec l'institution en cause, qu'il s'agisse d'une banque ou d'un réseau. Cependant, l'agence est là pour recevoir les plaintes, de sorte que le commissaire peut faire savoir au ministre dans quelle mesure le code est observé.
Le sénateur Ringuette : Quel pouvoir la disposition qui est devant nous confère-t-elle à l'agence, afin qu'elle puisse prendre des mesures à la suite d'une plainte?
Mme Anderson : À quelle disposition faites-vous référence?
Le sénateur Ringuette : Quel pouvoir conférons-nous à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, pour qu'elle puisse prendre des mesures si une plainte est déposée?
Mme Anderson : Il y a une disposition qui prévoit qu'elle peut faire rapport au ministre...
Le sénateur Ringuette : Qu'elle « peut » faire rapport au ministre?
Kevin Thomas, économiste principal, Paiements, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Aux termes de la loi actuelle et de la loi proposée sur les réseaux de cartes de paiement, l'agence est tenue de faire rapport au ministre au moins une fois par année.
Le sénateur Ringuette : Ce rapport doit-il faire état des plaintes qu'elle a reçues, des plaintes qui ont fait l'objet d'une enquête ou des plaintes à l'égard desquelles elle a pris des mesures d'application?
M. Thomas : L'agence est tenue de procéder à un examen au moins une fois par année pour s'assurer que tous les intervenants se conforment au code de conduite. À la suite de cet examen, elle est tenue de présenter un rapport au ministre.
Mme Anderson : L'article en question est l'article 1848 au bas de la page 550.
Le sénateur Ringuette : Ce rapport sera-t-il déposé aux deux Chambres du Parlement?
Mme Anderson : Oui.
Le sénateur Ringuette : L'article 1843 propose une pénalité maximale en cas de violation commise par un exploitant de réseau de cartes de paiement. Pouvez-vous m'indiquer en quoi consiste une telle violation et quelle serait la pénalité?
Mme Anderson : La pénalité n'est infligée que lorsqu'un règlement est en vigueur. Aucune pénalité ne peut être infligée lorsqu'il n'y a qu'un code de conduite volontaire.
Le sénateur Ringuette : Combien de ces articles sont assujettis au règlement du ministre, par ailleurs absent du présent projet de loi?
Mme Anderson : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question.
Le sénateur Ringuette : Combien d'articles du projet de loi ne s'appliqueront que si le ministre établit un règlement, ce qu'il n'a toujours pas fait?
Mme Anderson : Je crois que la majorité des dispositions ne s'appliquent que s'il y a un règlement en vigueur. Ce projet de loi fait essentiellement en sorte de conférer à la commissaire le pouvoir relatif au code de conduite. L'Agence de la consommation en matière financière du Canada n'avait pas auparavant pour mandat de surveiller un code volontaire s'appliquant à un réseau de cartes de paiement. La loi proposée confère ce pouvoir à la commissaire de même que celui de faire rapport au ministre des Finances.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas un pouvoir, c'est une responsabilité.
Mme Anderson : Vous avez raison.
Le sénateur Ringuette : Voilà à quoi se résume l'application du projet de loi à l'égard des réseaux de cartes de paiement. Il n'y a ni pénalités ni processus de plainte. En outre, le projet de loi ne prévoit pas de processus pour l'examen annuel que doit mener l'agence ni pour les rapports qu'elle doit produire à l'intention du ministre.
Mme Anderson : Il y a l'article de la page 550 dont j'ai parlé. La commissaire est tenue de présenter un rapport annuel au ministre, dans lequel elle expose ses constatations quant au respect des dispositions du code. L'ACFC travaille déjà auprès de toutes les entreprises qui ont adopté le code. L'ACFC a participé à de nombreuses rencontres préliminaires et s'est engagée à travailler auprès des entreprises pour s'assurer qu'elles adhèrent au code.
Le sénateur Ringuette : J'ai hâte de prendre connaissance, dès demain je l'espère, de la liste des industries particulières.
Le président : Mme Anderson s'est engagée à fournir cette liste au comité.
Mme Anderson : La liste fait état des principaux acquéreurs et des grands émetteurs de cartes de paiement.
Le sénateur Ringuette : Il s'agit donc de toutes les banques émettrices de cartes et de tous les fournisseurs des technologies pertinentes, parce que ce sont eux qui signent l'entente avec les marchands en vertu du code de conduite volontaire. Il s'agit de Visa, de Mastercard et d'American Express. Voilà où s'arrête la liste des intervenants particuliers qui se sont conformés au code de conduite volontaire.
Mme Anderson : Le ministre a demandé que ces institutions adoptent officiellement le code au plus tard le 17 mai. Nous vous fournirons la liste des institutions qui ont officiellement adopté le code.
Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur le président. L'Agence de la consommation en matière financière du Canada supervisera le réseau de cartes de paiement, même en situation d'adhésion volontaire, et présentera un rapport au ministre une fois par année. Si la commissaire constate de véritables problèmes dans six mois, en fera-t-elle part au ministre avant la fin de l'année?
Mme Anderson : La commissaire, tout comme nos divers superviseurs, peut communiquer à tout moment avec le ministre pour lui exprimer son opinion quant au respect du code et des règlements. La commissaire a cette latitude.
Le sénateur Callbeck : J'ai lu quelque part qu'ils entendent facturer les activités de supervision. Comment ces frais seront-ils établis?
Mme Anderson : Ces frais seront déterminés par la commissaire de l'ACFC. Le code renferme une disposition en vertu de laquelle les institutions qui adoptent le code acceptent également de fournir les renseignements nécessaires à la commissaire et de se soumettre à des évaluations pour s'assurer que la surveillance exercée à leur égard est adéquate.
Le sénateur Callbeck : Actuellement, nous n'avons aucune idée du montant de ces frais ni de la façon dont ils seront évalués.
Mme Anderson : C'est la commissaire qui établit ces modalités.
Le sénateur Callbeck : Le gouvernement donnera-t-il des directives à la commissaire pour ce qui est d'établir les frais?
Mme Anderson : Nous n'avons pas discuté de cette question.
Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Le budget de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est en grande partie établi en fonction des évaluations que doit mener la commissaire à l'égard des institutions financières sous réglementation fédérale, en vertu du cadre de protection des consommateurs qu'elle est responsable d'administrer. Les institutions financières sous réglementation fédérale sont tenues de se soumettre à ces évaluations. Nous avons de l'expérience dans ce domaine et la commissaire a eu dans le passé à concevoir une méthode aux fins de l'évaluation des participants. Elle devra estimer combien coûteront les ressources requises pour la surveillance et établir des niveaux d'évaluation pour absorber ces coûts.
Le sénateur Callbeck : Le code volontaire ne prévoit aucune pénalité, mais un rapport sera présenté au ministre à la fin de l'année.
Mme Anderson : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Le ministre n'instituera pas immédiatement de règlement. Le fera-t-il si quelqu'un omet de se conformer au code?
Mme Anderson : Il ne s'agit pas d'une formule mathématique. Le ministre examinera l'information que lui aura fournie la commissaire et prendra une décision compte tenu des éléments de preuve à sa disposition.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que le marchand peut porter plainte auprès de l'agence de la consommation. Comment le marchand fait-il pour le savoir?
Mme Anderson : Je ne peux pas parler pour les marchands, mais différentes personnes ont participé au processus à nos côtés, principalement par l'entremise de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et du Conseil canadien du commerce de détail. Ces organisations ont travaillé activement auprès de leurs membres. Elles ont joué un rôle extrêmement utile, d'une part en nous fournissant de l'information et d'autre part, en diffusant de l'information à leurs membres. Quand ce n'est pas nous, ce sont ces associations importantes qui fournissent en grande partie l'information à ces personnes.
Le sénateur Callbeck : De nombreuses entreprises ne sont pas membres de cette association d'entreprises indépendantes. Comment les petites entreprises font-elles pour savoir qu'elles peuvent porter plainte s'il survient un problème?
Mme Anderson : Cette information est communiquée en vertu des exigences. Certains des grands émetteurs de cartes de crédit et de débit, qui adhèrent à des codes volontaires et à celui-ci en particulier, notamment l'Association des banquiers canadiens et de toutes les grandes banques émettrices de cartes, publieront l'information sur leurs sites Web respectifs. Nous exigeons autant que possible des participants de l'industrie qu'ils publient l'information sur leur site Web et qu'ils y ajoutent le code, s'il y a lieu. L'industrie, par le truchement des associations industrielles, est un des principaux diffuseurs d'information au public.
Le sénateur Callbeck : Vous vous en remettez à des associations indépendantes du gouvernement. Le gouvernement ne communiquera pas cette information?
Mme Anderson : L'information est publiée sur le site Web du gouvernement fédéral. Lorsque l'annonce du code a été faite, un communiqué de presse officiel a été émis et l'information a été communiquée. Nous nous servons des outils à notre disposition au ministère pour communiquer l'information aux parties intéressées.
M. Thomas : En vertu des modifications à la Loi sur l'ACFC, l'ACFC est responsable de promouvoir la sensibilisation du public à l'égard des obligations des réseaux de cartes. L'ACFC communiquera ces renseignements et dira que ce recours est offert aux marchands.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que les exploitants vont leur verser les montants que coûtent ces démarches de communication, comme ils font pour la publicité?
M. Thomas : Vous cherchez à savoir si ces sommes feraient partie des évaluations des exploitants?
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Thomas : Il faudrait poser cette question à l'ACFC. Je ne peux pas vous dire si cette dépense ferait partie des dépenses prévues au chapitre de la supervision de la conformité en vertu du code de conduite.
Le sénateur Callbeck : L'article 8 du projet de loi stipule ce qui suit :
Le ministre peut, par arrêté, soustraire tout exploitant de réseau de cartes de paiement à l'application de telle disposition de la présente loi ou des règlements.
Comment le public prendra-t-il connaissance de cette information? Sera-t-elle publiée dans la Gazette du Canada?
M. Thomas : Oui, elle serait publiée dans la Gazette du Canada.
Le sénateur Callbeck : Je poursuivrai à la prochaine série de questions.
Le sénateur Runciman : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de l'accueil favorable réservé au code et à cette composante du projet de loi C-9. Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de la réaction suscitée par cette initiative et, pour répondre au commentaire du sénateur Murray, nous dire si des préoccupations quelconques ont été exprimées lorsque cette partie du document budgétaire a été annoncée?
Je peux me tromper, mais je pense que la seule préoccupation venait peut-être du caractère non exécutoire. Pour ce qui est du code à proprement parler, je pense que presque tous les commentaires étaient élogieux. Peut-être pourrez- vous nous en dire davantage sur cette réaction.
Mme Anderson : Comme vous l'avez dit, les commentaires ont été élogieux. Lorsque nous avons présenté la version préliminaire et la version finale du code, les associations de gens d'affaires, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le Conseil canadien du commerce de détail et l'Agence de la consommation du Canada se sont tous dits satisfaits du code de conduite et l'ont pleinement appuyé. Les associations de gens d'affaires se sont tout particulièrement dites encouragées et favorables à l'approche volontaire, étant donné que le code vise largement en soi à rétablir l'équilibre entre les marchands et les réseaux de cartes de paiement. Elles le voyaient comme un important progrès.
Le sénateur Runciman : Pour ce qui est de retarder l'adoption du projet de loi C-9 et d'accorder au ministère ou au gouvernement la capacité d'imposer ces mesures, il est à espérer que la disposition exécutoire soit celle qui convainque les parties à se conformer. Tant que la loi n'est pas adoptée, ils n'ont pas cette capacité.
Mme Anderson : Jusqu'à ce que la loi soit adoptée, la commissaire n'a pas le pouvoir de surveiller la conformité ni d'établir de rapports à ce sujet.
Le sénateur Runciman : Je ne pense pas vous avoir entendu dire si vous aviez eu vent d'un mécontentement ou de divergences d'opinion quelconques à l'égard de la structure du code, pendant les audiences des comités de la Chambre des communes ou à toute autre tribune.
Mme Anderson : Je n'ai rien entendu de négatif de la part des gens qui bénéficient du code. Les intervenants, les acquéreurs, les réseaux et les émetteurs nous ont beaucoup parlé de certaines difficultés qui compliquent la mise en œuvre de certaines parties du code, plus particulièrement des éléments de divulgation, qui nécessitent d'importants changements à leur système. Le dialogue a été très fructueux et nous avons ensuite peaufiné certaines parties du code. J'estime qu'ils sont tous partenaires de ce code; ils pensent que le code aura un effet. Tous sont encouragés à y adhérer et ils veulent faire en sorte que les choses fonctionnent.
Le sénateur Runciman : La composante exécutoire est une mesure incitative supplémentaire pour protéger les petites entreprises et les détaillants.
Mme Anderson : Absolument.
Le président : Merci, monsieur le sénateur. Madame Anderson, pour préciser, pouvez-vous définir qui sont ces acquéreurs et ces émetteurs? Je vois ici une définition pour les exploitants de réseaux.
Mme Anderson : Les réseaux sont Interac, American Express, Visa et MasterCard. Les émetteurs sont les institutions financières qui émettent ces cartes aux consommateurs, comme les grandes banques, par exemple. Les acquéreurs sont les entités qui placent les terminaux sur les comptoirs des marchands. Je peux vous en nommer certains, dont Global Payments, Manaris Corporation et TD Merchant Services, par exemple. Il y a environ six ou sept principaux acquéreurs; nous vous en fournirons la liste.
Le président : Comment appelez-vous une personne qui détient la carte et qui s'en sert?
Mme Anderson : Un consommateur.
Le président : Merci.
[Français]
Le sénateur Poulin : Madame Anderson, je vous remercie de votre excellente présentation. Il a beaucoup été question de la relation entre l'Agence de consommation, le marchand et les gestionnaires que j'appelle les cartes de crédit elles- mêmes. Quel sera l'impact de la nouvelle loi sur les réseaux de cartes de crédit sur le consommateur ou le détenteur de carte?
Mme Anderson : Les éléments du code s'appliquent le plus souvent aux marchands. Il y a quelques aspects qui sont liés aux consommateurs. Des réseaux où des émetteurs ont parfois distribué ou émis des cartes de crédit, et même des cartes privilèges, à des consommateurs bien qu'ils n'aient pas beaucoup d'argent. La loi vise à protéger les consommateurs contre ces pratiques.
[Traduction]
Pour ce qui est des consommateurs, nous recevons certaines plaintes comme quoi les cartes premières sont trop largement distribuées et comme quoi il ne faudrait pas octroyer aux consommateurs de cartes premières dont les frais d'interchange sont plus élevés et qui, par conséquent, coûtent plus cher aux marchands. Trop de gens obtenaient de ces cartes.
Ce code précise mieux les pratiques de distribution; il indique que les cartes doivent être distribuées en fonction de seuils de revenu précis et à des groupes définis. Les marchands et les consommateurs tireront tous deux parti de ces exigences, car les consommateurs ne paieront pas de frais plus élevés que nécessaire et les marchands n'auront pas soudainement à acquitter des frais d'interchange plus élevés pour un éventail plus large de cartes.
[Français]
Le sénateur Poulin : Pourquoi est-ce volontaire plutôt qu'obligatoire?
[Traduction]
Mme Anderson : Le gouvernement se sert de codes volontaires pour ce qui est des mesures relatives à la consommation impliquant des cartes de crédit et de débit. Il y a une tout autre série de mesures qui protègent les consommateurs. C'est pourquoi ce code, comme je l'ai dit, vise davantage les commerçants. Ça fonctionne bien. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est une approche graduelle, et nous avons mis en place un mécanisme pour en surveiller l'adhésion.
La réglementation est plus coûteuse, car la supervision doit être plus intensive, et elle est aussi plus coûteuse pour les institutions. En conférant ce pouvoir de réglementation, le gouvernement signale qu'il est prêt à aller dans cette direction si cette approche ne fonctionne pas. C'est une première étape vers le fardeau de la réglementation.
[Français]
Le sénateur Poulin : J'essaie de me mettre dans la peau de l'industrie des cartes de crédit — une industrie fort importante dans notre pays — et je me demande quelle serait ma motivation à me soumettre à ce que j'appelle le code d'éthique. Si, selon le rapport du ministre, je suis prise en défaut, il y a quand même une pénalité possible de 50 000 $ ou de 200 000 $, en fonction de mon statut, c'est-à-dire une personne morale ou une institution financière.
[Traduction]
Mme Anderson : Bon nombre de ces entreprises sont tributaires des consommateurs pour gagner de l'argent. Elles doivent émettre des cartes, et donc leur réputation a de l'importance. Dans un contexte de réglementation, l'agence a la capacité de publier des renseignements sur des institutions en particulier. Il s'agit clairement d'une pénalité monétaire administrative. Elle revêt une certaine forme de dénonciation. Quiconque possède une entreprise et un nom voudrait conserver ce nom, alors cette forme d'encouragement existe pour que les entreprises adhèrent au code.
Le sénateur Murray : Existe-t-il un ou plusieurs codes volontaires?
Mme Anderson : Il existe plusieurs codes volontaires. Il y en a un en complément à ce projet de loi, celui qui vise à assurer un traitement équitable des commerçants. Un autre code se rapporte à l'espace réservé au paiement par carte de crédit ou de débit. La commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada surveille d'autres codes de conduite, en grande partie liés aux questions touchant la protection des consommateurs.
Le sénateur Murray : Les réseaux de cartes de paiement et les cartes de crédit sont-ils visés par les codes?
Mme Anderson : Oui.
Le sénateur Murray : Le gouvernement a-t-il participé à la rédaction de ce code ou de ces codes? Restons-en au code dont il est question dans ce projet de loi. Le gouvernement a-t-il participé à la rédaction de ce code?
Mme Anderson : Celui lié à ce projet de loi, oui; nous avons faire preuve d'un grand leadership à cet égard.
Le sénateur Murray : De quelle façon le code a-t-il été adopté? Quel processus a mené à son adoption?
Mme Anderson : Nous avons publié une première ébauche du code l'automne dernier.
Le sénateur Murray : Vous?
Mme Anderson : Le gouvernement fédéral.
Le sénateur Murray : Du code volontaire?
Mme Anderson : Oui, à la suite de nombreuses discussions avec tous les intervenants concernés.
Le sénateur Murray : Évidemment.
Mme Anderson : Nous avons eu de nombreuses réunions, puis nous avons publié une version définitive du code en mai dernier.
Pour ce qui est de l'adoption, le code a été publié en avril, et les institutions avaient un mois pour l'adopter officiellement. Elles ont soit écrit au ministre des Finances pour l'informer qu'elles adoptaient officiellement le code ou elles ont affiché le code sur leur site Web pour indiquer leur adhésion. Je le répète, nous fournirons cette liste au comité.
Le sénateur Murray : Y a-t-il beaucoup d'institutions qui ont refusé d'y adhérer?
Mme Anderson : Non.
Le sénateur Murray : Elles ont toutes souscrit au code?
Mme Anderson : Oui.
Le sénateur Murray : C'est ça, le processus d'adoption?
Mme Anderson : Oui.
Le sénateur Murray : C'est un document public, je suppose?
Mme Anderson : Le code l'est, oui.
Le sénateur Murray : Outre le code volontaire, il y a le pouvoir réglementaire du gouverneur en conseil, et je le lis ici, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, et les règlements sont obligatoires, comme nous le savons. Le code et les règlements englobent assez bien l'essentiel. Les règlements peuvent préciser le type de taux que doivent communiquer les exploitants et les modalités associées à cette communication. Le gouvernement peut prendre des règlements qui prévoient les modalités et les destinataires du préavis que doivent donner les exploitants relativement à tout nouveau taux ou à toute modification apportée à leurs taux, qui prévoient les conditions concernant l'émission de cartes de paiement que les exploitants doivent inclure dans tout accord qu'ils concluent avec un émetteur, qui prévoient les conditions que les exploitants doivent inclure dans tout accord qu'ils concluent avec un acquéreur, et cetera. Il existe sept pouvoirs réglementaires et ils sont de portée générale. Ces règlements ont-ils été rédigés?
Mme Anderson : Non.
Le sénateur Murray : Sont-ils en cours de rédaction?
Mme Anderson : Non; nous avons le code de conduite, et le ministre a clairement dit que si les parties n'avaient pas adopté le code de conduite, le code aurait été involontaire.
Le sénateur Murray : Ce code involontaire est quelque chose que vous laissez planer au-dessus de leur tête comme solution de rechange pour le gouvernement.
Mme Anderson : Ce sont vos mots, mais c'est un outil.
Le sénateur Murray : C'est une affirmation de l'autorité ultime du gouvernement, si le gouvernement veut l'exercer, n'est-ce pas?
Mme Anderson : C'est exact.
Le sénateur Murray : Prévoit-il des pénalités?
Mme Anderson : Pas le code de conduite en soi. Il pourra y avoir une pénalité monétaire lorsque les règlements seront en vigueur.
Le sénateur Murray : Qu'arrive-t-il alors si on enfreint le code volontaire?
Mme Anderson : La commissaire en fait rapport au ministre des Finances.
Le sénateur Murray : Et que fait-il?
Mme Anderson : Le ministre examine tous les faits et détermine s'il est à l'aise avec l'adhésion et s'il croit qu'il est prudent de prendre un règlement à ce chapitre.
Le sénateur Murray : Ce serait le cas s'il y avait une infraction courante ou répandue. Qu'arrive-t-il si un exploitant va dans la mauvaise direction?
Mme Anderson : La décision revient au ministre. Je ne peux pas vous dire comment le ministre examinera la question.
Le sénateur Murray : Je suppose que les autres peuvent isoler l'exploitant qui va dans la mauvaise direction.
Mme Anderson : Nous nous attendons à ce que les institutions, pour les raisons que j'ai exposées, adhéreront entièrement au code. Les institutions ont beaucoup investi dans leurs marques et veulent en maintenir la valeur.
Le sénateur Ringuette : J'ai trois petites questions. Vous avez indiqué que les institutions auront un an pour émettre de nouvelles cartes. Le code de conduite volontaire interdit les cartes mixtes. Nous connaissons au moins une institution financière canadienne qui a émis des cartes mixtes, c'est-à-dire des cartes qui servent à la fois au débit et au crédit. Est-ce que ça veut dire que l'institution financière a un an pour retirer ces cartes, sans quoi le ministre déterminera que l'institution ne s'est pas conformée au code?
Mme Anderson : En ce qui concerne ces dispositions, comme les cartes mixtes ou l'association de marques, les institutions ont un an pour émettre de nouvelles cartes pour remplacer celles qui ne sont pas conformes actuellement. Après un an, la commissaire effectuera un suivi pour s'assurer que tous les émetteurs et les réseaux sont conformes.
Le sénateur Ringuette : Une autre de mes grandes préoccupations concerne le pouvoir de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Lors d'une séance d'un autre comité sénatorial l'an dernier, on nous a dit que cette agence en particulier a également la responsabilité de sensibiliser les institutions financières, les émetteurs de cartes de crédit et les réseaux de cartes de crédit.
Le mandat et la responsabilité de la commissaire consistent entre autres à faire de la sensibilisation, et maintenant la commissaire doit travailler avec ces entités au chapitre de leur conformité. Ce mandat n'est-il pas un conflit d'intérêts?
Mme Anderson : Je crois que la commissaire a beaucoup d'expérience à ce chapitre.
Le sénateur Ringuette : Je ne parle pas de la personne. Je parle de l'entité et de sa responsabilité législative; la responsabilité actuelle qu'elle doit assumer en dépit de cette responsabilité additionnelle que vous lui imposez. L'entité est la personne que vous voulez, et elle n'est pas liée à la personne qui occupe le poste de commissaire. Y a-t-il une situation de conflit lorsque, d'un côté, une loi demande à l'entité de travailler avec ces institutions financières, les émetteurs de cartes de crédit et les exploitants de réseaux afin d'éduquer les consommateurs, comme le dit l'agence? La commissaire a clairement indiqué qu'elle travaille de façon routinière à une stratégie de marketing avec ces entités afin de concevoir le matériel didactique. D'un autre côté, la même entité devra surveiller la conformité de ces institutions financières et sociétés de cartes de crédit. N'est-ce pas là un conflit? Avez-vous examiné les textes de loi portant sur les conflits en ce qui a trait au mandat additionnel que vous confiez à cette agence?
Mme Anderson : Pour ce qui est des conflits, je peux vous dire que personnellement, je n'en vois pas.
Je peux vous parler un peu de l'éducation ou de la sensibilisation des consommateurs. Avec les années, je crois que ça fonctionne bien. Par exemple, au chapitre des cartes de crédit, l'ACFC, depuis sa création, affiche essentiellement des renseignements à l'intention des consommateurs sur toutes les différentes cartes de crédit, et les consommateurs peuvent voir laquelle est la plus avantageuse. Je considère que la sensibilisation complète bien le rôle de la commissaire à titre de superviseure.
Le sénateur Ringuette : Je vais vous poser ma question de nouveau.
Lorsque vous avez proposé cette loi et ce mandat additionnel à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, avez-vous cherché à savoir s'il y avait un conflit relativement aux différents participants avec lesquels la commissaire doit travailler?
Le président : Avez-vous demandé au ministère de la Justice si, à son avis, il y aurait un conflit?
Mme Anderson : Nous avons travaillé de près avec le ministère de la Justice pour rédiger le projet de loi. Cette question n'a pas soulevé d'inquiétudes.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous soumettre la question au ministère de la Justice? J'ai des réserves en raison des arguments que je vous ai donnés.
Vous pouvez également jeter un coup d'œil au témoignage de l'agence en mai dernier lors d'une séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à propos de ses activités très étroitement liées avec les gens que la commissaire doit maintenant superviser ou surveiller à des fins de conformité. Si vous pouviez faire des recherches auprès du ministère de la Justice et indiquer au greffier qu'il n'y a pas de situation de conflit, je me sentirais mieux que présentement à l'égard du mandat additionnel confié à l'agence.
Mme Anderson : Nous assurerons le suivi avec nos collègues.
Le sénateur Callbeck : Ce code de conduite volontaire traite-t-il de sujets qui seraient compris dans des règlements, si des règlements étaient en place? Toutes ces choses notées ici qui feront partie de règlements si le code volontaire ne fonctionne pas correspondront-elles à ce qu'il y a dans le code volontaire?
Mme Anderson : Je ne peux pas dire ce que renfermeront les règlements, car ils n'ont pas été rédigés, ni comment les choses évolueront au cours de la prochaine année, mais à ce stade-ci, si les institutions n'avaient pas adopté officiellement le code, les éléments du code correspondaient à ce que nous pensions inclure dans un programme de réglementation.
Le sénateur Callbeck : Pouvez-vous remettre un exemplaire du code au comité?
Mme Anderson : Oui.
Le président : C'est la fin de ma liste, ce qui est bien. Madame Anderson, je vous remercie de nous avoir aidés à comprendre ce nouveau texte de loi. Restez-vous avec nous? Je remarque que la partie 13 traite des modifications apportées à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.
Mme Anderson : Une autre de mes collègues se joindra au groupe.
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous réunirons de nouveau avec notre prochain témoin pour parler de la partie 13.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à Mme Pascale Dugré-Sasseville. Madame, vous avez la parole.
Pascale Dugré-Sasseville, chef, Questions touchant les consommateurs, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui pour parler des amendements à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et de certains amendements corrélatifs aux lois sur les institutions financières.
Je vais commencer par un bref aperçu et il me fera plaisir de répondre à vos questions par la suite.
[Traduction]
L'Agence de la consommation en matière financière du Canada est chargée de surveiller la conformité des institutions financières aux dispositions visant les consommateurs énoncées dans les lois fédérales sur les institutions financières. L'agence a également le mandat de sensibiliser les consommateurs aux questions relatives aux services financiers.
Dans le budget 2010, le gouvernement a annoncé son intention d'adopter une approche plus proactive et à long terme en matière de protection des consommateurs.
Tirant parti de la proximité de l'agence aux marchés, les modifications proposées à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et aux lois financières permettront à l'agence d'entreprendre des recherches sur les tendances financières des consommateurs et les nouveaux enjeux. L'agence sera alors en mesure de donner au gouvernement des renseignements complets et détaillés afin de contribuer au processus décisionnel en matière de politiques publiques.
Comme le secteur financier est dynamique et en constante évolution, le gouvernement doit être sensible aux nouveaux enjeux. En outre, les modifications permettront à l'agence de superviser la conformité aux entreprises et aux directives ministérielles.
[Français]
En suivant la demande du président du comité, j'aimerais attirer votre attention sur quelques articles principaux qui incarnent ces intentions politiques, particulièrement l'article 1856, qui est probablement l'article principal qui ajoute aux objets de l'agence le pouvoir d'aller chercher plus d'informations et particulièrement la partie 3(2)f) qui est sous cet article.
L'article 1857 parle, encore une fois, du pouvoir du commissaire de recueillir des renseignements reliés à l'ensemble des objets de l'agence. L'article 1858 décrit l'habileté de l'agence ou le pouvoir du ministre de donner une directive écrite au commissaire. Ensuite, comment cette directive écrite serait transmise à l'agence.
Les articles 1859, 1860, 1861 et 1862 sont des modifications corrélatives pour s'assurer que cela s'insère de façon normale dans la façon de procéder de l'agence. Et enfin, les articles 1863 à 1866 sont des modifications consécutives sur les institutions financières qui permettent au ministre de demander à l'Agence de la consommation financière de superviser des conditions et engagements imposés par le ministre tant que cela vise à assurer la protection des clients de ces institutions financières.
[Traduction]
Le président : Je suis aux modifications connexes à la page 554, articles 1858 et suivants du projet de loi, visant à modifier les lois sur les banques, les associations coopératives de crédit, les sociétés de fiducie et ainsi de suite. Le commissaire dont vous parlez, est-ce le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada?
Mme Dugré-Sasseville : C'est exact.
Le président : C'est défini quelque part dans la loi. C'est la même personne.
Mme Dugré-Sasseville : C'est exact. Le terme est déjà défini dans les lois financières.
Le président : Je présume que le renvoi nous amène quelque part. Quelque part dans ce projet de loi, on parle des caisses de crédit, et si elles se constituent en entités fédérales et qu'elles sont administrées aux termes de la loi fédérale, on imagine que le même commissaire sera chargé de leur supervision.
Mme Dugré-Sasseville : Absolument. Comme mes collègues l'ont indiqué, lorsque les caisses de crédit voudront être administrées aux termes de la législation fédérale, elles le feront en vertu de la Loi sur les banques, et ainsi, elles seront régies par le même cadre que les banques et les autres institutions financières administrées à l'échelle fédérale.
Le président : J'imagine que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est un objet de dépenses et qu'on lui accorde des fonds chaque année pour qu'elle puisse fonctionner.
Mme Dugré-Sasseville : L'agence se finance surtout grâce à ses évaluations des institutions financières, de la même manière que le Bureau du surintendant des institutions financières se finance en faisant des évaluations des entités qu'il est chargé de surveiller.
Le président : C'est ce que je voulais soulever. Vous avez utilisé le terme « principalement », ce qui veut dire qu'une partie de leur budget annuel de fonctionnement, pour les salaires, et cetera, provient de crédits. Ces crédits viennent-ils du ministère des Finances?
Mme Dugré-Sasseville : L'agence ne reçoit pas un sou du gouvernement pour ses opérations, sauf les sommes qu'elle reçoit pour les initiatives liées à l'éducation financière. Cet argent ne vient pas des affectations régulières.
Le président : L'agence s'autosuffit donc?
M. Rudin : Comme l'a mentionné ma collègue, la majeure partie du financement de l'ACFC vient des évaluations des institutions financières qu'elle effectue. Une partie est affectée directement à l'organisme à partir du Trésor canadien pour appuyer les activités d'éducation financière, et ce financement est obligatoire plutôt qu'un financement par le truchement de la Loi portant affectation de crédits.
Le président : C'est utile.
Le sénateur Ringuette : Je suppose que c'est pour se conformer à la demande qu'a faite le ministre l'été dernier relativement aux relevés de cartes de crédit et que l'information relative à ces relevés doit être présente. Est-ce exact?
[Français]
Mme Dugré-Sasseville : Oui et non. C'est déjà sous l'égide de l'agence de superviser les règlements pris l'année dernière. Les amendements que vous avez devant vous ne changent pas la situation présente. Cela fait déjà partie de l'égide de l'agence de le faire. C'est pour cela que je vous dis oui et non. Ça fait partie de leurs responsabilités, mais ce n'est pas changé par les amendements que vous avez devant vous.
Le sénateur Ringuette : On revient à la même situation, renforcée par le fait que le financement de l'agence, en grande partie, est fourni par les institutions financières qui doivent recevoir et superviser les plaintes des consommateurs contre les institutions financières. C'est nettement une situation de conflit d'intérêts si, en plus d'entretenir des relations telles que décrites dans la section précédente, cette agence opère grâce au financement de ces institutions. En français, il y a un dicton : ne mords pas la main qui te nourrit.
Le président : C'est acadien, ça!
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : On ne mord pas la main qui nous nourrit. Ces deux parties concernant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada confirment le conflit d'intérêts de cette agence par rapport aux institutions financières dans un premier temps, ainsi qu'aux cartes de crédit — le réseau de paiement — ensuite.
Je vais vous poser la même question que j'ai posée au témoin précédent en ce qui concerne ces articles. Avez-vous parlé au ministère de la Justice des situations de conflit d'intérêts concernant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada aux articles 1851 à 1861, ou avez-vous obtenu des conseils du ministère à cet égard?
[Français]
Mme Dugré-Sasseville : Merci pour cette question parce que je pense que cela mérite une clarification.
Le principe de l'utilisateur-payeur des agences réglementaires financières est un principe universellement établi à travers le monde. Soyons clairs sur ce que cela veut dire : c'est l'agence qui détermine combien chacune des institutions financières doit payer. Naturellement, elles ont un budget d'exploitation. Elles sont très transparentes sur leur budget d'exploitation et sur leurs priorités et elles ont une formule pour déterminer comment ce budget devra être divisé entre les organismes réglementés.
La formule est aussi transparente afin de comprendre sur quelle base les montants seront alloués. Cela ne veut pas dire que l'institution a le choix. L'institution reçoit sa part de cotisation et doit la payer. Tout non-paiement devient une contradiction à la loi et peut être passible d'une amende ou de toute autre formule de conformité.
Le Bureau du surintendant des institutions financières est financé exactement de la même façon. Si l'on parle des agences réglementaires aux États-Unis et en Europe, c'est le même principe. L'agence reçoit de l'argent du gouvernement, simplement pour la partie où elle performe réellement. Un élément de politique publique est d'essayer d'améliorer le niveau de « littératie financière » des Canadiens. C'est pour cela qu'elle reçoit l'argent des fonds publics. Pour le reste, je crois que c'est un principe établi, cela ne devrait pas être le citoyen ou le contribuable qui paie pour la supervision des institutions financières, mais bien les agences réglementées elles-mêmes.
Le sénateur Ringuette : Dans la méthodologie que vous avez indiquée, est-ce que le paiement se fait directement à l'agence ou à travers Revenu Canada?
Mme Dugré-Sasseville : À travers l'agence.
Le sénateur Ringuette : À travers l'agence.
Mme Dugré-Sasseville : Oui. En fait, les services financiers sont assurés par le Bureau du surintendant des institutions financières pour être justement plus efficaces et pour ne pas avoir de duplication de services. Donc, ces cotisations sont amenées à un seul endroit et ensuite imparties où elles doivent aller.
Le sénateur Ringuette : Il y a une différence fondamentale entre le BSIF et cette agence. Cette dernière est appelée à recevoir des plaintes selon la partie 13 des consommateurs et selon de la partie 12 des marchands.
Mme Dugré-Sasseville : Oui.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas la même chose. Le BSIF doit vérifier les réserves et la réglementation fédérale par rapport aux institutions financières. Il n'a pas la responsabilité de recevoir les plaintes des consommateurs ou des marchands comme on le voit dans les deux sections ici.
Pour la cause, je vais vous demander de faire les vérifications auprès du ministère de la Justice concernant la situation de conflit d'intérêts de l'agence en ce qui a trait à la partie 13. Et pourriez-vous fournir aux membres de ce comité, dans les plus brefs délais, l'analyse qui aura été faite par le ministère de la Justice?
Mme Dugré-Sasseville : Tout à fait, demande reçue.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Rapidement, permettez-moi de dire que ces dispositions ne devraient pas se trouver devant ce comité. Elles devraient se trouver devant le Comité sur les banques, qui a une plus grande expérience et une meilleure expertise relativement à la réglementation des institutions financières.
Je présume toutefois que les dispositions dont nous parlons ont été, d'une manière ou d'une autre, débattues avec les institutions qui seront touchées. En d'autres mots, avez-vous tenu des consultations à cet égard, ou bien quelqu'un l'a- t-il fait?
Mme Dugré-Sasseville : Le projet de loi est public et tout le monde peut le consulter.
Le sénateur Murray : Je parle du processus de rédaction. Avant que le projet de loi ne soit rendu public, il y a sûrement eu des consultations. Peut-être vais-je trop loin, même si je ne le crois pas, lorsque je suggère que vous avez discuté au sujet de ces dispositions — et je ne parle pas du texte du projet de loi — avec les personnes qui seront affectées au sein de ces institutions. Est-ce exact?
Mme Dugré-Sasseville : Ces dispositions faisaient partie du projet de loi budgétaire et on ne tient aucune consultation publique sur un tel projet de loi avant qu'il ne soit présenté à la Chambre des communes. Cependant, depuis que le projet de loi a été rendu public, nous n'avons entendu aucun commentaire des intervenants par rapport aux préoccupations qu'ils pourraient avoir avec le projet de loi actuel.
Le sénateur Murray : Où a-t-on rédigé le projet de loi?
Mme Dugré-Sasseville : Comme d'habitude, au ministère de la Justice.
Le sénateur Murray : Je sais où sont les rédacteurs, j'ai peut-être mal formulé ma question. Est-ce que ça se passait dans un des organismes du ministère des Finances? Je parle de la politique.
Mme Dugré-Sasseville : Oui, la politique vient du ministère des Finances.
Le sénateur Murray : Quelle partie du ministère?
Mme Dugré-Sasseville : La Direction de la politique du secteur financier.
M. Rudin : C'est nous.
Le sénateur Murray : Et vous n'avez pas mené de consultation?
M. Rudin : Comme l'a dit Mme Dugré-Sasseville, il ne se fait aucune consultation publique dans le cadre du projet de loi budgétaire. Nous discutons souvent avec divers intervenants, y compris les institutions financières, au sujet de divers cadres.
Le sénateur Murray : Je ne veux pas insinuer qu'il y ait quoi que ce soit de mal dans cette approche.
M. Rudin : Je ne fais que répondre à votre question. Nous n'avons pas présenté ces dispositions particulières aux intervenants avant qu'elles ne soient accessibles au Parlement et au public.
Le sénateur Murray : Monsieur le président, j'aimerais poser la même question ou exprimer le même commentaire, afin de savoir si des institutions financières ou autres ont eu l'intention de nous faire part de leur opinion au sujet de ces parties du projet de loi C-9. J'aimerais en être informé.
Le président : Comme vous pouvez le constater aux pages 554 et 555, plusieurs institutions financières seront touchées. Nous allons tenter d'en savoir plus sur la question. Peut-être est-ce parce qu'il existe un groupe qui représente les banques et qui peut parler en son nom.
[Français]
Le sénateur Poulin : Si je regarde la loi originale sur l'Agence de la consommation en matière financière et que je regarde aussi les amendements d'aujourd'hui, je me rends compte que les amendements que vous nous avez présentés touchent surtout le mandat de la commissaire.
Quels sont les principaux changements à son mandat en ce qui a trait à son travail et ses responsabilités selon la loi facilitante?
Mme Dugré-Sasseville : C'est une excellente question. Les amendements que vous avez devant vous ne changent pas de façon fondamentale les agissements et les responsabilités de la commissaire et de son agence. C'est une extension de ce qu'ils font déjà. Je pointerais peut-être trois changements spécifiques qui sont dans la loi habilitante.
Dans un premier temps, il y a cette extension de leur habileté à aller chercher de l'information de la part de tous les groupes d'intérêt avec lesquels ils interagissent. Précédemment, leur habileté à aller chercher de l'information était relativement limitée aux dispositions qu'ils devaient superviser, donc si c'était de l'information que la loi et les règlements ne couvraient pas présentement, la capacité d'aller chercher ces informations était très limitée. Dans cette nouvelle approche, beaucoup plus proactive, on n'attend pas d'avoir un règlement avant de poser une question, mais plutôt de poser une question à savoir s'il y a un problème. Alors l'agence et le commissaire pourront désormais élargir le champ des questions sur lequel ils pourront chercher de l'information et interagir avec les groupes d'intérêt.
Deuxièmement, mais ce n'est pas une nouveauté dans le cadre réglementaire en général, le ministre a des pouvoirs similaires envers d'autres agences. Donc cela ne fait que mettre l'Agence de la consommation en matière financière du Canada au même niveau que d'autres agences. Les pouvoirs et responsabilités en ce sens sont tout à fait similaires à ce qui existe ailleurs.
La troisième partie que je vous soulignerais est que le ministre doit approuver un nombre de transactions qui existent dans le secteur financier tel que stipulé dans la Loi sur les banques. Dans son processus d'approbation, le ministre a le pouvoir d'émettre des termes et conditions que l'institution financière doit respecter comme condition de son approbation.
C'est un instrument qui est utilisé de façon régulière dans le contrôle prudentiel mais justement, encore une fois, dans cette vision beaucoup plus large et beaucoup plus proactive. Le ministre pourrait donner les termes et conditions pour mieux protéger les consommateurs de ces institutions financières. Ce changement permettra à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada de superviser ces termes et conditions quand ils visent la protection des consommateurs. Alors le Bureau des institutions financières pourra continuer à voir aux termes et conditions qui visent des questions prudentielles et l'agence pourra superviser les termes et conditions qui visent la protection des consommateurs.
Le sénateur Poulin : Merci beaucoup de votre patience et pour votre réponse.
Mme Dugré-Sasseville : C'est notre rôle, merci.
[Traduction]
Le sénateur Marshall : Pourriez-vous nous donner quelques détails au sujet de la relation entre l'agence et le ministère des Finances? Est-ce que l'agence ou le commissaire doivent assumer des responsabilités ou jouer un rôle dans la rédaction du projet de loi?
Mme Dugré-Sasseville : Le ministère et l'agence doivent collaborer étroitement si on veut que le système fonctionne. Le ministère est responsable de l'adoption des lois et des règlements, mais la tâche serait incomplète si nous ne communiquions pas avec le législateur pour nous assurer que les lois et les règlements fonctionnent en pratique. Nous devons toujours nous assurer que le processus fonctionne de l'idée à la réalisation des politiques.
Lorsque nous avons rédigé ce projet de loi, nous nous sommes assurés qu'il serait juridiquement acceptable pour l'ACFC, et qu'il n'aurait pas de conséquences inattendues pour l'exécution du mandat de l'agence.
Le sénateur Callbeck : J'aurais une question au sujet de l'article 1853 du projet de loi, à la page 552. Vous proposez de modifier la loi en ajoutant l'article 5.1. Le paragraphe 5.1(1) se lit comme suit :
Le ministre peut donner des instructions écrites au commissaire, s'il est d'avis que celles-ci puissent renforcer la protection des consommateurs ou la confiance du public quant à cette protection ou améliorer la littératie financière de celui-ci.
Ensuite, au paragraphe 5.1(4) de l'article 1853, on peut lire ce qui suit :
La Loi sur les textes réglementaires ne s'applique pas aux instructions données en vertu du paragraphe (1).
Pourquoi avez-vous besoin du paragraphe 5.1(4)?
Mme Dugré-Sasseville : Comme j'ai dit plus tôt, ce pouvoir de donner des directives équivaut à ce qui existe déjà, il ne s'agit donc pas d'un changement dans la politique. En d'autres termes, le ministre a le pouvoir de réglementer. S'il désire émettre une directive, c'est probablement parce que le temps presse et que le ministre veut être capable de donner cette directive et veiller à son application.
Le processus prévu pour les lois et les règlements n'est pas rapide et l'instrument perd son but premier.
Le sénateur Callbeck : En d'autres termes, le ministre dispose de ce pouvoir et ce pouvoir ne sera pas examiné de la même manière que les règlements; il ne sera pas examiné par le Parlement?
Mme Dugré-Sasseville : Non, il ne le sera pas.
Le sénateur Callbeck : Le ministre émet des directives. Ces directives s'appliqueront-elles d'une manière générale à toutes les institutions financières, ou le ministre peut-il émettre une directive qui cible une institution en particulier?
Mme Dugré-Sassevile : Le ministre établit les règles pour tout le monde. Rien n'empêche de faire des règles particulières, mais si on jette un coup d'œil aux cadres législatif et réglementaire, on se rend compte que ces cadres établissent les circonstances dans lesquelles la directive s'applique et les organismes devront vérifier si la directive s'applique ou pas à leur situation. Il est probable que la directive s'applique de la même manière, qu'elle ne mentionne pas de situation particulière, mais qu'elles établissent ce qui pourrait se produire pour toutes les personnes engagées dans ce type d'activités plutôt qu'en ciblant des organismes particuliers.
Le sénateur Callbeck : Donnez-moi un exemple, s'il vous plaît.
Mme Dugré-Sasseville : Pour être honnête avec vous, les directives n'ont pas encore été utilisées, mais la crise financière nous a permis d'apprendre que nous devons être prêts à toute éventualité. C'est pour cette raison que le pouvoir de donner des directives a été ajouté à la Loi sur l'Agence de consommation en matière financière du Canada, pour nous assurer que le ministre est capable de voir ce qui se passe et de réagir en conséquence dans chacun de ses champs de responsabilité : protection du consommateur, prudence et assurance-dépôts. Le ministre dispose de pouvoirs similaires pour toutes ces institutions.
Ces pouvoirs ne ciblent peut-être pas des institutions financières en particulier; ils peuvent être destinés à l'agence, par exemple pour exiger qu'elle exécute certaines tâches, par exemple en recueillant des renseignements au sujet d'un dossier particulièrement urgent. Le ministre peut émettre des directives qui sont destinées à l'agence.
Le sénateur Callbeck : Me dites-vous que c'est une question de temps? Est-ce pour cette raison que cette disposition a été ajoutée?
Mme Dugré-Sasseville : Oui.
Le sénateur Banks : Chers collègues, pardonnez-moi si cette question a déjà été posée, je suis arrivé en retard.
À la page 552, dans l'article 1851 du projet de loi, on modifie le paragraphe 3(2) de la loi l'adjonction de l'alinéa f), qui se lit comme suit :
de surveiller et d'évaluer les tendances et questions qui se dessinent et qui peuvent influer sur les consommateurs de produits et services financiers.
J'imagine qu'au cours de cette surveillance et de cette évaluation, on fera la collecte de renseignements, certains étant la propriété exclusive d'une institution visée ou de ses clients, et même si la nature confidentielle de ces renseignements recueillis en vertu de l'article 5 sont protégés dans l'article 1854 du projet de loi, qui modifie l'article 17 de la loi, a-t-on prévu des dispositions pour protéger les renseignements personnels recueillis en vertu du paragraphe 3(2) de la loi modifiée? Je suis certain que la réponse est oui, mais je l'ignore.
Mme Dugré-Sasseville : Les circonstances changent, pas la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Banks : La loi le prévoit-elle ailleurs?
Mme Dugré-Sasseville : Oui. D'autres lois telles que la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques couvrent déjà ce terrain.
Le président : Je vous demande pardon... Telles que quoi?
Mme Dugré-Sasseville : Une autre loi s'applique également.
M. Rudin : La Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques.
Mme Dugré-Sasseville : Oui, cette loi s'applique également. Elle concerne la protection des renseignements personnels.
Le président : Chers collègues, nous avons des copies de toutes les lois concernées, mais je ne les amène pas toujours avec moi, sinon j'aurais besoin d'un chariot. Si vous avez besoin de consulter rapidement une loi, les lois se trouvent dans mon bureau. Je serais ravi de vous les rendre disponibles.
Le sénateur Murray : Mes questions viennent compléter celles du sénateur Callbeck il y a quelques minutes. Je les pose toutes les deux par curiosité.
En ce qui concerne l'article 1853 du projet de loi, qui ajoute le paragraphe 5.1(3) à la loi, quelles sont les considérations, juridiques ou autres, qui vous ont poussé à ajouter une disposition selon laquelle le commissaire est réputé agir dans l'intérêt supérieur de l'agence lorsqu'il se conforme aux instructions? C'est ma première question.
Deuxièmement, au paragraphe 5.1(5), on peut lire ce qui suit :
Le ministre fait publier, dans la Gazette du Canada, un avis portant que des instructions ont été données en vertu du paragraphe (1) dès que possible après leur mise en œuvre.
Pourquoi exige-t-on que le ministre fasse publier un avis dès que la directive est donnée? Pouvez-vous répondre à ces deux questions?
Mme Dugré-Sasseville : Relativement à votre première question, si je peux y revenir, il s'agit d'un éclaircissement. Comme la directive vient du ministre, on considère qu'elle a été donnée dans les meilleurs intérêts de l'agence. Il n'y a rien de particulier à ce propos.
[Français]
Le sénateur Murray : Il va sans dire.
Mme Dugré-Sasseville : Il va sans dire; exactement. Le lire, c'est le voir et le comprendre.
[Traduction]
Ainsi, on ne se demande pas si l'agence devrait prendre une autre direction. Maintenant, ce qu'on veut, c'est le meilleur intérêt de tous.
Le sénateur Murray : Dites-moi si je me trompe. Vous n'avez aucun intérêt à vous interroger sur la directive — vous l'acceptez et vous la mettez en œuvre.
Mme Dugré-Sasseville : Oui. En ce qui concerne votre question sur la publication, comme je l'ai déjà dit, c'est encore une question de temps et la Gazette du Canada n'est pas toujours publiée assez rapidement. L'objectif n'est pas d'empêcher la publication de la directive, ou vice versa. Lorsque le ministre donne des directives, c'est parce qu'il y a urgence. L'agence se concentrera sur la mise en œuvre de la directive et elle en fera la publication aussitôt qu'elle le pourra.
Le sénateur Murray : Le ministre se chargera-t-il de la publication?
Mme Dugré-Sasseville : Le ministre, oui.
Le président : Tous les éléments qui ont été soulevés au cours des dernières minutes se rapportent à l'article 1853 au bas de la page 552. Ce processus est nouveau et vous indiquez qu'il n'a jamais été utilisé — un ministre faisant appel aux directives plutôt qu'à la réglementation.
Mme Dugré-Sasseville : C'est exact.
Le président : Afin de protéger le public et les parlementaires, il doit y avoir une publication dans la Gazette du Canada. On peut la consulter pour s'informer sur ce qui est publié le ministre. Normalement, on aurait parlé d'un règlement qui aurait dû subir un examen minutieux.
Mme Dugré-Sasseville : Les directives ne se substituent pas aux règlements. Le ministre a promulgué de nombreux règlements et il continuera à le faire dans les situations appropriées. Comme je l'ai dit, la directive est un instrument différent destiné à des besoins différents. Le ministre établira un règlement si celui-ci constitue le meilleur instrument.
Le président : Qu'auriez-vous fait avant l'ajout de cet article, lorsqu'il était impossible de donner de telles directives?
Mme Dugré-Sasseville : C'est une bonne question. Bien entendu, je pense que nous avons été chanceux au Canada puisque nous n'avons jamais vécu une situation où un tel instrument aurait été nécessaire. Cependant, nous avons tiré des leçons de cette crise. Nous savons que nous avons besoin de tous les outils nécessaires pour intervenir lors des situations qui devraient survenir. C'est pourquoi nous avons ajouté le pouvoir de donner des directives à la loi.
Le président : Est-ce que ce pouvoir est unique à cette loi?
Mme Dugré-Sasseville : Non.
Le président : Récemment, il y a eu des modifications à d'autres lois que nous avons examinées afin d'ajouter ce nouveau pouvoir de donner des directives.
Mme Dugré-Sasseville : La dernière fois, ça devait être pour la Société d'assurance-dépôts du Canada.
Le président : Je ne me souviens plus tout à fait qui était le dernier, mais je me souviens d'avoir vu cette disposition et j'avais trouvé cette tendance intéressante.
Comme il semble ne pas y avoir d'autres questions, je vous remercie, madame Dugré-Sasseville, d'être venue ici et de nous avoir aidés pour cette partie. Vos explications étaient claires et respectaient nos balises.
Chers collègues, nous sommes ravis d'accueillir de nouveaux témoins du ministère des Finances Canada pour la partie 14. Nous accueillons Rachel Grasham, chef, Crimes financiers — Section nationale, Direction de la politique du secteur financier. Elle est accompagnée par Annik Bordeleau, chef de projet principale, Crimes financiers — Section nationale, Direction de la politique du secteur financier. Merci à vous deux pour votre présence. Laquelle d'entre vous passera la partie 14 en revue avec nous?
Rachel Grasham, chef, Crimes financiers — Section nationale, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Oui, je vais m'en occuper.
Le ministre des Finances est chargé de protéger l'intégrité du système financier du Canada, mais il est également responsable de l'application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Cette loi constitue l'outil qu'a adopté le Canada pour se protéger contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme. Dans ce contexte, c'est le principal instrument du gouvernement en vue de prévenir, de détecter et d'enrayer ces activités.
En ce qui concerne les nouvelles mesures proposées dans le présent projet de loi d'exécution du budget, on peut les justifier en disant que même si le système de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme est solide, il existe des lacunes, notamment le fait que le gouvernement n'a pas la capacité de prendre des mesures exécutoires, progressives et proportionnées ciblant les menaces relatives au recyclage des produits de la criminalité et au financement du terrorisme provenant de l'extérieur du Canada. Ce que nous voulons dire, c'est que certains États et certaines entités n'ont pas de contrôles efficaces contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme, ce qui facilite ces activités d'une manière bien involontaire.
Nos partenaires, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, ont mis en place des mesures leur permettant d'agir contre de telles cibles à haut risque. Par conséquent, on a déterminé que le Canada devait être en mesure de suivre les normes de ses partenaires en matière de recyclage des produits de la criminalité et du financement du terrorisme, sinon nous risquions de devenir une destination de choix ou un maillon faible du système financier international. Dans le pire des cas, nous attirerions des fonds illicites au Canada parce que nous ne disposons pas des outils nécessaires pour prendre de telles contre-mesures.
Quel est l'objectif de ces mesures proposées? Elles permettront au gouvernement d'agir d'une manière progressive et proportionnée et de prendre des contre-mesures financières contre des cibles à haut risque, des États étrangers et des entités étrangères qui ne disposent pas de contrôles efficaces pour lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme. Deux nouveaux pouvoirs seraient créés par l'entremise du ministre des Finances. Le premier consiste à donner des directives exigeant...
Le président : Pouvez-vous nous dire quel est l'article visé dans le projet de loi?
Mme Grasham : Je n'y vais pas article par article.
Le président : Vous nous présentez quand même un survol.
Mme Grasham : Oui.
Le président : Lorsque vous aurez terminé, peut-être pourriez-vous nous dire quels articles sont visés.
Mme Grasham : Je parle actuellement de l'article 1869, qui établit ces deux pouvoirs. Le premier est la capacité du ministre des Finances de donner des directives enjoignant des entités visées par la loi de prendre des mesures ciblées et préventives contre des cibles à haut risque. Le projet de loi établit divers champs d'application des contre-mesures tels que l'exercice du devoir de vigilance envers le consommateur, l'identification et la vérification de la clientèle, la surveillance des transactions, ainsi que les exigences en matière de rapport et de conformité.
Ensuite, on crée un pouvoir d'élaboration de règlements permettant au gouverneur en conseil, après une recommandation du ministre des Finances et en consultation avec le ministre des Affaires étrangères, d'élaborer des règlements visant à limiter ou à prohiber les entités visées d'effectuer des transactions financières avec des cibles à haut risque.
Deux cibles peuvent être utilisées pour activer ces limites, que ce soit dans le cadre d'une directive ou encore d'un règlement. La première est l'appel d'un organisme international dont fait partie le Canada, tel que le GAFI, le G7 ou le G20. Un tel appel serait fondé sur une preuve prima facie qui serait élaborée par l'organisme international selon des faits objectifs.
Le deuxième appel s'établirait sur des considérations intérieures, selon des besoins particuliers applicables au contexte canadien, et il permettrait au Canada d'agir de concert avec d'autres pays en l'absence d'un appel de la part d'un organisme international ou lorsque le contexte canadien l'exige clairement, par exemple si nous devons prendre des mesures pour protéger l'intégrité du système financier du Canada.
Les directives seront publiées dans la Gazette du Canada. Le ministre demandera également au directeur du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, de les rendre publiques, et il demandera probablement au surintendant des institutions financières du Canada de les communiquer également. Les règlements seront soumis à tout le processus réglementaire : consultation, publication préalable, publication finale, et cetera. Les directives et les règlements seront révisés au moins tous les trois ans pour que nous puissions assurer leur pertinence. Nous irons même plus loin que la norme en examinant la pertinence de ces mesures plus souvent par l'entremise du processus du GAFI, qui est l'organisme international qui s'occupe de ce type de dossiers.
Un processus de délivrance des permis sera associé au règlement afin qu'il soit appliqué de manière à permettre les transactions et les investissements légitimes. Il est également possible qu'un règlement établisse des exemptions particulières. Par exemple, on pourrait permettre des versements de moindre valeur. La conformité à cette nouvelle partie de la loi sera surveillée par le CANAFE. Voilà ce que j'avais à dire.
Le président : Peut-être que vous pourriez nous aider à trouver les articles. Vous nous avez parlé de toutes ces choses, j'essaie maintenant de les trouver dans la partie 14. Vous n'avez pas besoin de vous répéter, nous aurions juste besoin que vous nous aidiez à trouver les articles.
Mme Grasham : Les pouvoirs relatifs à l'élaboration de directives et de règlements se trouvent à l'article 1869.
Le président : Aux pages 558 et suivantes.
Mme Grasham : Sous le titre « Protection du système financier canadien ».
Le président : Arrêtons ici. Vous nous avez parlé de deux pouvoirs. Le premier, c'est le pouvoir de donner des directives. L'autre, c'est le pouvoir de promulguer des règlements. Est-ce exact?
Mme Grasham : Oui, c'est exact.
Le président : Vous étiez ici pour la partie précédente quand nous avons discuté avec M. Rudin, qui était ici. Est-ce que c'est le même nouveau pouvoir que celui dont nous parlions dans le cas de l'agence?
M. Rudin : Pas exactement. Dans le cas de l'agence, nous parlons d'un ministre qui demande à l'agence de prendre des mesures précises. Dans le cas présent, la directive est donnée à l'intention des entités qui ont des obligations en vertu des lois sur le recyclage des produits de la criminalité afin de prendre des contre-mesures. Si on prend le cas d'une banque qui exécute une transaction avec un État étranger ou une entité étrangère, on exigera, par l'entremise d'une directive, que des mesures additionnelles soient prises, par exemple en exerçant une vigilance accrue à l'égard de la clientèle.
Il existe des directives qui, même gérées par le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, sont destinées aux entreprises de services de transfert de fonds et les institutions visées par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Le président : C'est une solution de rechange aux règlements?
Mme Grasham : On souhaite que ce projet de loi établisse les paramètres généraux de ce qui constituerait une directive, notamment par l'article 1869 du projet de loi. Les règlements seront ensuite établis pour établir clairement des contre-mesures.
Nous promulguerons les règlements. Ensuite, le ministère donnera une directive qui fera avancer ce règlement. La Loi sur les instruments réglementaires ne s'appliquera pas, mais on devra publier les règlements et les directives dans la Gazette du Canada et le CANAFE les communiquera aux entités tenues de faire des déclarations.
Le président : Je vois qu'il y a un instrument réglementaire à la page 560, mais je pense qu'il est intéressant que cette directive l'emporte sur le règlement en cas d'incompatibilité, parce que j'aurais cru qu'en raison de l'examen parlementaire des règlements, ils auraient préséance sur une directive, ce qui n'est pas le cas.
Mme Grasham : Le règlement dont il est question dans ce cas est le deuxième instrument.
Annik Bordeleau, chef de projet principale, Crimes financiers — Section nationale, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Ça touche n'importe quel règlement.
Le président : Je suis à la page 560, article 11.46.
Mme Grasham : Le problème, c'est que la loi et le règlement établissent déjà des mesures qui devront être suivies par les entités tenues de faire des déclarations. Il y a déjà des exigences dans la loi concernant l'identification et la vérification des clients, la tenue de dossiers, les exigences en matière de rapports, et cetera.
La directive introduira des exigences additionnelles en plus de celles que je viens de mentionner dans le cas d'un État à haut risque. Des dispositions existent déjà dans la loi pour des obligations supérieures concernant des risques déterminés.
Le président : Vous avez parlé de ces organismes et du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux concernant les risques. Expliquez-nous comment le Canada fonctionne à cet égard et quels pouvoirs nous avons abandonnés à cet organisme international, si nous en avons abandonné.
Mme Grasham : Le Groupe d'action financière est l'organisme de normalisation international. Il compte parmi ses membres 35 pays qui ont pris l'engagement politique d'appliquer les normes qu'il établit. Il a créé une norme en tenant compte des 40 plus 9 recommandations qui établit les mesures contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, telles que la nécessité d'identifier les clients, de tenir les dossiers à jour et de signaler les opérations suspectes à une unité du renseignement financier. Au Canada, c'est le CANAFE qui s'en occupe. En ce qui a trait au volet du financement des activités terroristes, elle criminalise le financement terroriste, oblige la dénonciation, et ainsi de suite.
Ce sont les normes. Le Canada a pris l'engagement de les appliquer. Notre système est fondé en gros sur ces normes.
Le GAFI utilise également un système de pression des pairs et de contrôle par les pairs. Le Canada a également accepté, en vertu de son statut de membre, de se soumettre à une évaluation complète et détaillée réalisée par cet organisme. Nous avons subi trois évaluations du genre. Les normes sont également examinées régulièrement et mises à jour à mesure que les criminels et les financiers des activités terroristes trouvent de nouvelles manières de réaliser leurs activités. Ces normes doivent être mises à jour pour suivre le rythme.
Huit entités régionales ont été établies à l'image du Groupe d'action financière. Collectivement, en tenant compte du nombre de membres du GAFI et de ces autres entités régionales, 180 pays ont accepté d'adopter ces normes et de les appliquer d'une manière qui respecte celle énoncée par le GAFI.
Le président : Le ministre peut faire une recommandation seulement si le Groupe d'action financière le demande. Il est vrai que nous renonçons à l'autorité ministérielle.
Mme Grasham : Le ministre n'est pas obligé de le faire. Les deux éléments déclencheurs sont en gros inspirés de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Premièrement, le ministre peut choisir d'établir une directive après avoir reçu une demande d'un organe international. On s'attend à ce que la demande provienne normalement du Groupe d'action financière parce qu'il s'agit de sa principale activité. Le ministre n'est pas obligé d'établir une directive; ça demeure à la discrétion du Canada.
Deuxièmement, lorsqu'il n'y a pas de demande, elle s'appuiera sur des considérations nationales. Le Canada décide s'il agit de façon unilatérale ou de concert avec d'autres pays. Cette décision peut être prise par le ministre.
M. Rudin : Je tiens à appuyer ce point parce qu'il est important.
Le Canada n'a renoncé à aucun pouvoir dans ce domaine. Nous participons aux travaux du Groupe d'action financière, qui est un organe important, mais il ne prend pas de décisions qui ont force obligatoire pour le Canada. Le ministre a des pouvoirs en ce qui a trait au recyclage des produits de la criminalité, des pouvoirs que le Parlement accorde au ministre. Le pouvoir discrétionnaire est exercé par le ministre.
Dans ce cas, l'article stipule que le ministre peut user de ces pouvoirs seulement s'il a un motif raisonnable de le faire. Parmi ces motifs raisonnables, on compte, entre autres, une demande formulée par le Groupe d'action financière visant à prendre de telles mesures. Néanmoins, elle est facultative, pas obligatoire. Le ministre peut répondre à une telle demande, mais il n'est pas obligé de le faire.
De plus, le sous-alinéa (ii) proposé qui se trouve au bas de la page 561 stipule que le ministre peut prendre les mesures qui s'imposent à cet égard même si aucune entité internationale existante ou reconnue n'en a fait la demande si le ministre considère qu'il y a un risque suffisant.
Le président : Il y a un sous-alinéa (ii) à l'alinéa a). Est-ce ce que vous êtes en train de lire?
M. Rudin : Oui.
Le président : On y trouve la conjonction « et », ce qui signifie que les deux éléments doivent être inclus. C'est ainsi que je l'interprète si on se réfère au paragraphe 3 qui précède...
M. Rudin : Vous avez raison. Je fais référence au mauvais article. Il y a deux articles, l'alinéa (3)a) comporte deux critères et l'organisation internationale fait une demande lorsqu'il existe un tel risque. Puis, à la page 562, on trouve l'alinéa (3)b) où il est écrit : « ce qui, selon le ministre, ». C'est le « ou ». Vous avez raison monsieur le sénateur. Merci.
Le président : Je suis content que nous ayons éclairci ce point. Il me semblait étrange de lire au paragraphe (3) de la page 561 que le ministre ne peut faire une recommandation pour le décret visant à prendre un règlement seulement si l'organisme international s'est prononcé à cet égard, mais le « ou » nous aide à comprendre.
Le sénateur Murray : Ma curiosité est de nouveau piquée par deux dispositions des divisions 1871 et 1872. La division 1871, qui modifie le paragraphe 52(3), stipule que : « Le directeur communique au ministre, sur demande, les renseignements recueillis [...] que le ministre estime utiles [...] » Il est ajouté à la division 1872 après l'article 53, au paragraphe 53.1(2), que : « S'il est d'avis que les renseignements recueillis par le Centre [...] sont susceptibles d'aider le ministre [...] le directeur peut les communiquer au ministre. » Ça se poursuit à l'article 53.2 où il est écrit : « [...] le directeur ne peut dévoiler des renseignements qui permettraient d'identifier, même indirectement, une personne ou une entité, à l'exception d'une entité étrangère. »
J'ai des réserves quant à ce point.
Il existe une disposition à l'article 53.3 proposé qui veut que si on demande au directeur de divulguer au ministre des renseignements qui proviennent d'organismes fédéraux ou provinciaux chargés de l'application de la loi, d'autorités publiques fédérales, du gouvernement d'un État étranger et de différents organismes étrangers, il ne puisse les lui donner avant d'avoir obtenu le consentement de ces organismes ou entités.
Je trouve que c'est étrange au sein du gouvernement.
Le sénateur Runciman : Je crois qu'un message urgent vous attend, monsieur le sénateur.
Le sénateur Murray : Je dois aller présenter mon discours à la Chambre.
Finalement, à la division 1874 qui modifie l'alinéa 55(3)b) et l'alinéa 55(3)b.1), je crois qu'il est stipulé que ces renseignements peuvent être divulgués à l'Agence du revenu du Canada si le Centre « ... a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements se rapportent à une infraction... » en ce qui a trait à la tentative illicite d'obtenir un remboursement, ou qu'il peut divulguer ces renseignements à l'Agence des services frontaliers du Canada si le Centre « [...] a des motifs raisonnables [...] ».
Existe-t-il d'autres lois en vertu desquelles si des renseignements sont divulgués à un fonctionnaire ou à une agence dans le cadre de leurs fonctions, ceux-ci sont autorisés ou encouragés à les transmettre au ministère du Revenu ou à l'Agence des services frontaliers? Je n'avais pas réalisé que c'était en quelque sorte la pratique du gouvernement.
Veuillez m'excuser. Je devrai lire vos réponses à ces questions parce qu'on m'informe qu'il est temps d'aller présenter mon discours sur ma motion pour scinder ce projet de loi.
Vous pouvez également nous dire si, en ce qui a trait aux dispositions discutées ici, vous avez eu de nombreuses revendications depuis qu'elles ont été rendues publiques par ceux que vous appelez les intervenants, qu'il s'agisse de plaintes, d'un désir d'apporter des modifications ou autre chose. Je crois que ces renseignements seront pertinents pour notre réflexion.
Le président : Merci, sénateur Murray. Nous comprenons que vous devez quitter cette séance.
Mme Grasham, il y a eu deux ou trois questions et je crois que vous les avez prises en note. Si vous pouvez nous aider avec ces différents articles qu'il trouvait particuliers, ce serait utile.
Mme Grasham : Je les regrouperai et commencerai par la question concernant l'Agence du Revenu du Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada. Cette modification était nécessaire à cause d'une autre mesure budgétaire voulant que l'évasion fiscale devienne une infraction sous-jacente au recyclage des produits de la criminalité. Cette disposition a été ajoutée au moyen d'un amendement à un règlement du Code criminel. Il s'agit donc d'une partie différente du projet de loi sur le budget.
En vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le CANAFE peut divulguer des renseignements à l'ARC dans l'éventualité où il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes. À l'heure actuelle, la formulation de cette loi fait en sorte que ça dépend également de la pertinence de ces renseignements, déterminée par le CANAFE, quant à une infraction d'obtention ou une tentative d'obtention d'un remboursement, d'un escompte, et ainsi de suite.
Puisque l'évasion fiscale est désormais une infraction sous-jacente au recyclage des produits de la criminalité, nous avons abaissé le seuil afin que le CANAFE puisse divulguer des renseignements à l'ARC en fonction de cette nouvelle situation. Par le passé, il ne s'agissait pas d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité, donc le seuil était plus élevé. Maintenant, à l'instar des autres situations où il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a recyclage des produits de la criminalité ou financement des activités terroristes, et que la situation est considérée comme une infraction fiscale, il peut divulguer des renseignements à l'ARC.
Le président : Vous êtes à la division 1874, à la page 565.
Mme Grasham : À la page 557. Je suis désolée, la pagination de votre document est différente de la mienne. Il s'agit de la division 1874.
Le président : À la page 565.
Mme Grasham : Oui, désolée, je n'ai pas la même version que vous. Cette modification particulière est corrélative à cette autre mesure budgétaire. Ça explique le but de cette modification.
En ce qui a trait aux autres dispositions concernant la divulgation de renseignements, c'est compliqué, comme l'a expliqué le sénateur. À l'heure actuelle, en vertu de la loi, il existe de nombreuses restrictions quant à l'utilisation que le CANAFE peut faire des renseignements qu'il reçoit.
Il reçoit des renseignements détaillés sur les Canadiens, mais il ne peut divulguer les renseignements sur les Canadiens ou sur des entités canadiennes en particulier qu'aux personnes mentionnées dans la loi, et ce, dans des situations précises. En fait, le CANAFE doit déterminer s'il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a recyclage des produits de la criminalité ou financement des activités terroristes avant de pouvoir divulguer des renseignements à la GRC, au Service canadien du renseignement de sécurité ou à tout autre organisme chargé de l'application de la loi.
Nous voulons modifier la loi pour permettre au CANAFE de partager des renseignements concernant des organismes étrangers et seulement des organismes étrangers. Les autres restrictions découlant de la loi demeurent en vigueur, c'est-à-dire ceux voulant que le CANAFE ne divulgue pas de renseignements, aux fins de la nouvelle partie, concernant des Canadiens ou des organismes canadiens. Cette modification crée un petit écart qui permet au CANAFE de divulguer des renseignements concernant des organismes étrangers.
Pour l'autre partie, en ce qui a trait à la demande de renseignements du ministre, ce peut être que quelque chose est venu aux oreilles du ministre et qu'il considère que le Canada devrait se pencher sur une question en particulier. Le ministre se trouvera dans une position où il devra demander des renseignements au CANAFE. D'un autre côté, le CANAFE, dans le cadre de ses activités, peut découvrir quelque chose et considérer que ça pourrait intéresser le ministre. Le CANAFE peut fournir des renseignements spontanément au ministre, ce qui permet cette communication bidirectionnelle.
L'autre question concerne la nécessité d'obtenir le consentement préalable qui est imposée au CANAFE. Puisqu'il s'agit de renseignements de nature délicate et qu'ils sont transmis au CANAFE par le truchement de différents partenaires — homologues internationaux, différents organismes, la GRC et le SCRS — dans le cadre de ses enquêtes, cette exigence vise à s'assurer que les renseignements fournis ne compromettront pas une enquête en cours. Les renseignements nécessaires pour cette enquête sont d'un niveau très élevé, mais la disposition prévoit une mesure de sauvegarde pour s'assurer qu'aucune enquête ne sera compromise.
Le président : Le segment de phrase auquel vous faites référence : « Le directeur doit tenter d'obtenir... leur consentement », se trouve à la page 564 de la section 53.3 qui est proposée. Est-ce de ça que vous parlez?
Mme Grasham : Oui.
Le président : Auprès de qui le directeur du CANAFE doit-il obtenir un consentement ou une autorisation?
Mme Grasham : Auprès d'un organisme chargé de l'application de la loi. Ce peut être auprès de la GRC ou du SCRS. Ce peut être auprès de son homologue américain, par exemple le FinCEN ou une autre unité du renseignement financier.
Le CANAFE a conclu un certain nombre de protocoles d'entente (PE) avec ses homologues d'autres pays pour divulguer des renseignements. Ces PE stipulent que les renseignements ne seront pas divulgués avant d'avoir obtenu un consentement. Ils respectent les mesures de sauvegarde déjà en vigueur.
Le président : Je crois avoir vu ça dans la loi, où il y a une mesure de protection concernant la façon dont les renseignements partagés sont protégés par la partie qui les reçoit. Est-ce exact?
Mme Grasham : Oui.
Le sénateur Runciman : En quoi cette loi est-elle comparable à celle de deux pays qui ont connu des problèmes dans ce domaine — les États-Unis et la Grande-Bretagne, par exemple. En quoi cette loi est-elle comparable à celle de ces pays?
Mme Grasham : Elle concorde davantage avec ce qu'ils ont. Les États-Unis disposent d'un programme de sanctions assez complet, qui leur permet d'identifier les pays fautifs et de prendre des mesures contre eux, de prévenir les opérations financières ou de resserrer les exigences en matière de diligence raisonnable. Le Royaume-Uni fait la même chose.
Une norme internationale existe, ce qui amènera le Canada à se conformer aux normes internationales établies par le Groupe d'action financière. Nous travaillons à partir de ce modèle, mais nous avons discuté avec nos homologues des États-Unis et du Royaume-Uni pour l'élaboration de ces mesures.
Le sénateur Runciman : J'ai lu un article à cet effet dans lequel on affirmait que le secteur des casinos pouvait représenter un problème. Ce secteur a-t-il été utilisé pour le recyclage des produits de la criminalité et les activités terroristes, le financement des activités terroristes? Le secteur des casinos est-il préoccupant?
Mme Grasham : Il a été préoccupant. Par conséquent, les casinos sont désormais inclus dans la loi. Ce sont des entités comptables en vertu de la loi, ce qui repose sur des éléments de preuve.
Le sénateur Runciman : Ce secteur avait-il des obligations de rendre des comptes?
Mme Grasham : En vertu de cette loi, ils ont, depuis 2000, l'obligation de rendre des comptes. Ce secteur est une entité comptable en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes au Canada.
Le sénateur Runciman : Des sanctions seront imposées en vertu de cette loi si ces obligations ne sont pas respectées, est-ce exact? De quelle manière la loi aborde-t-elle la question du respect de ces obligations?
Mme Grasham : Ce projet de loi ne vise pas précisément les casinos. Selon la structure actuelle de la loi, un certain nombre d'entités comptables sont visées — institutions financières, casinos, comptables, marchands de métaux précieux et de pierres précieuses et d'autres. Ces entités ont des obligations de rendre des comptes. Elles doivent satisfaire à des exigences d'identification des clients et elles doivent tenir des dossiers. Elles doivent déclarer les opérations au comptant de plus de 10 000 $ au CANAFE.
Les transferts électroniques de fonds à l'échelle internationale de 10 000 $ ou plus vers le Canada ou provenant de celui- ci ainsi que les déclarations d'opérations suspectes sont déclarés au CANAFE. Le CANAFE doit avoir un programme de conformité et du personnel qualifié qui comprend les exigences et les obligations imposées par la loi. Le CANAFE peut procéder à l'évaluation de la conformité aux dispositions de la loi. Il peut aussi imposer des sanctions administratives pécuniaires s'il recense des cas de non-conformité. Des sanctions pénales peuvent aussi être infligées dans les situations extrêmes. Les casinos sont touchés par ce programme depuis 2000, lorsque la loi a été adoptée.
La nouvelle partie donne au ministre des Finances des pouvoirs supplémentaires pour protéger le système canadien contre des menaces provenant de l'extérieur du Canada. Lorsqu'un pays ou une entité étrangère ne contrôle pas efficacement le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, même à son insu, nous voulons disposer, à l'instar de nos partenaires, de moyens qui nous permettraient de prendre des mesures ciblées contre lui ou elle.
Le sénateur Runciman : Est-ce que cela s'applique aux organisations caritatives?
Mme Grasham : Les organisations caritatives ne sont pas des entités comptables en vertu de la loi, bien que la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité) contienne des dispositions à cet effet. Je ne peux pas en parler en détail parce que ça relève de l'Agence du revenu du Canada. Le régime de lutte contre le financement des activités terroristes du Canada comporte des dispositions relatives aux organisations caritatives.
Le sénateur Runciman : Omar Khadr exploitait une soi-disant organisation caritative qui détournait des fonds au profit de l'Afghanistan pour des œuvres qui sont loin d'être caritatives.
[Français]
Le sénateur Poulin : Madame Grasham, vous avez justement dit que, quand certains pays étrangers n'ont pas un système de réglementation aussi serré, aussi clair et aussi protecteur que celui du Canada, les amendements à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité font les changements nécessaires pour resserrer notre système.
Est-ce qu'il va y avoir une liste des entités étrangères ou des pays étrangers qui comportent un risque d'activité de recyclage des produits de la criminalité dont vous avez parlé? Est-ce qu'il va y avoir une liste établie?
[Traduction]
Mme Grasham : Je ne présenterai pas de liste pour le moment, mais le Groupe d'action financière s'efforce de cibler et d'examiner les pays qui sont réputés avoir des systèmes non efficaces. Il a fait des annonces publiques concernant certains de ces pays.
[Français]
Le sénateur Poulin : Est-ce que ces analyses sont disponibles aux institutions financières, aux comptables, à tous les professionnels qui offrent des services financiers au Canada?
[Traduction]
Mme Grasham : Oui, comme je l'ai déjà mentionné, lorsqu'on fait partie du GAFI ou de l'une de ces entités régionales, ça signifie qu'on doit se soumettre à une évaluation mutuelle complète et détaillée en regard des normes du GAFI. Tout rapport sur un membre du GAFI qui est soumis à une évaluation est rendu public. Je crois que la plupart des autres entités qui effectuent ces évaluations les rendent également publiques. Sa position quant au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes, ses efforts d'établissement d'une unité du renseignement financier qui reçoit les déclarations d'opérations suspectes et sa capacité de coopérer à l'échelle internationale au partage de renseignements avec les organismes d'application de la loi ou entre les organismes de réglementation, entre autres, sont de notoriété publique.
[Français]
Le sénateur Poulin : Merci. Monsieur le président, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes a été reçuau Sénat, en 2000. Comme y faisait référence Mme Grasham, c'est le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui avait eu la responsabilité d'étudier la loi. J'étais membre du comité à ce moment-là et on avait établi le seuil actuel de 10 000 dollars. C'est en l'an 2000, qu'il avait été établi.
Je suis d'accord avec ce que disait le sénateur Murray plus tôt. Le projet de loi C-9 comprend 24 parties; nous sommes en train d'étudier la partie 14 et j'aurais aimé que nos collègues du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce aient l'occasion de revoir certaines parties de la législation pour qu'ils puissent apporter leur expérience sur les autres projets de loi qui ont un impact sur le projet de loi C-9.
[Traduction]
Le sénateur Banks : Je reviendrai aux modifications proposées à l'article 11. Vous avez parlé plus tôt des contraintes imposées au ministre pour l'élaboration de directives liées aux recommandations. Les alinéas 11.42(4)a) et 11.42(4)b) proposés concernent les directives et établissent les mêmes contraintes pour le ministre. Ces contraintes s'appliquent-elles à l'intégralité de l'article 11.42?
Mme Grasham : Pouvez-vous répéter la question?
Le sénateur Banks : Je me questionne au sujet des contraintes imposées au ministre quant à l'élaboration d'une directive qui se trouve à la page 559 de mon exemplaire, au paragraphe 11.42(4). On y dit que le ministre peut donner une directive seulement si les alinéas a) et b), qui concernent les entités étrangères et non les entités nationales...
Mme Grasham : Elles s'appliquent seulement aux entités étrangères.
Le sénateur Banks : Est-ce que ces contraintes s'appliquent à l'article 11.42 en entier?
Mme Grasham : Oui, une directive pourra être donnée seulement si ces conditions sont remplies, et la même chose s'applique pour la réglementation.
Le sénateur Banks : D'accord.
Mme Grasham : C'est seulement dans le cas d'un pays étranger ou d'une entité étrangère.
Le sénateur Banks : Ma dernière question concerne l'article 11.47 proposé qui se trouve à la page 560. Une directive n'est pas un texte réglementaire, mais elle doit être publiée dans la Gazette du Canada. On ne dit pas quand cela doit se faire, ni « dès que l'occasion se présente », ni « dès que c'est faisable ». La directive peut être publiée une année après avoir été donnée. Ça complique les choses pour une personne visée par un aspect de cette directive; si elle ne la connaît pas, elle ne peut s'y confirmer. Est-ce prudent?
Mme Grasham : L'intention était que la directive soit publiée le plus rapidement possible. Elle entrerait en vigueur, et il faudrait faire preuve de transparence et d'ouverture à l'égard des entités comptables visées par celle-ci. L'idée était qu'elle soit publiée dans la Gazette du Canada puis que le ministre demande au directeur du CANAFE de la communiquer au même moment afin que tous soient au courant de leurs obligations.
Le sénateur Banks : Je ne vois pas les expressions « le plus rapidement possible », ni « dès que c'est faisable » dans cet article. Je soulève la question parce que lorsqu'un autre comité a examiné l'application de règlements qui ne sont pas réputés être des textes réglementaires, j'ai constaté que la publication de ceux-ci était essentielle aux personnes susceptibles de savoir qu'ils existent. Si une personne ou les responsables d'une entité ne sont pas en mesure de savoir qu'un règlement a été rendu public comme il se doit, il est difficile de leur reprocher de ne pas s'y conformer.
Croyez-vous qu'il est conseillé d'utiliser le mot « faisable » dans cet article, comme c'est le cas dans les autres articles portant sur les recommandations?
M. Rudin : Comme l'a dit mon collègue, dans ce cas le gouvernement a tout intérêt à rendre ces directives publiques à grande échelle. C'est pourquoi les modifications prévoient que le ministre demande au directeur du CANAFE de communiquer les directives aux entités comptables. C'est probablement la façon la plus efficace de faire passer rapidement le mot. Une personne qui exploite une entreprise de transfert de fonds ou de vente de titres négociables est susceptible de consulter la Gazette du Canada de temps à autre. Toutefois, après l'inspection du CANAFE, elle ouvrira les lettres et les courriels qui proviennent du CANAFE.
Dans les autres cas où il y a une directive, l'une des raisons justifiant l'exigence de publication est qu'il doit être possible de mettre un frein au pouvoir discrétionnaire du ministre qui peut donner la directive. Les règlements assujettis à la Loi sur les textes réglementaires comportent des exigences en matière de prétirage. Ça laisse peu de zones d'ombre.
Si la directive est utilisée dans des circonstances qui exigent qu'on puisse agir rapidement, nous voulons nous assurer qu'il y aura une publication après coup afin que le ministre, avant de donner une telle directive, sache qu'il est obligé de la diffuser publiquement.
Dans ce cas, bien qu'il n'y aurait aucune objection à ce qu'il y ait une exigence en matière de rapidité, il est dans l'intérêt du gouvernement de diffuser cette directive au public le plus rapidement possible.
Le sénateur Banks : La question est : à qui et de quelle façon? Une directive n'est pas toujours communiquée d'une personne à une autre. Elle pourrait avoir une application beaucoup plus étendue. Ce pourrait être une directive qui est communiquée par voie électronique, par la poste ou par un autre moyen à 10 entités, alors qu'elle s'appliquerait également à 10 autres entités. La rapidité de publication ne serait pas un désavantage.
M. Rudin : Je suis d'accord. Dans ce cas, la directive s'appliquerait uniquement aux entités qui ont des responsabilités comptables en vertu de la loi. Au moins, ces entités sont connues du CANAFE parce que c'est à lui qu'elles transmettent leurs rapports et qu'il évalue leur respect de la loi.
Le sénateur Callbeck : Si un ministre donne une directive avec laquelle une entité financière est en désaccord, est-il possible de la contester?
Mme Grasham : Pas précisément, bien que nous les consultions fréquemment, et qu'un des mécanismes nous permettant d'être sûrs d'entendre ce qu'ils ont à dire consiste à prendre des règlements résumant la directive, les contre- mesures précises et notre intention. Nous leur avons dit que nous les consulterions concernant la prise de règlements afin qu'ils aient le temps de prendre les mesures requises pour qu'il soit possible de faire appliquer une directive.
Nous ne tentons pas de prendre quiconque par surprise. Il y aura une consultation bidirectionnelle.
Le sénateur Callbeck : Ça concerne la réglementation.
Mme Grasham : Il y a deux groupes de règlements. Il y a les règlements que nous mettrons en vigueur qui n'ont pas encore été élaborés et qui concernent le pouvoir d'élaborer des directives afin de clarifier le fonctionnement des directives — nous aurons de vastes consultations avec le secteur privé à ce sujet. Il y a aussi le pouvoir du ministre d'élaborer des règlements pour prendre des mesures précises contre une cible à haut risque.
Le président : Je suis content que vous ayez décrit les deux groupes de règlements. J'en prends bonne note.
Le sénateur Banks : Est-ce que la disposition relative à l'entrée en vigueur est là pour la forme, parce qu'elle y est habituellement, ou parce que des choses doivent être mises en œuvre avant la mise en vigueur et, le cas échéant, quelles sont ces choses?
Mme Grasham : Techniquement, il n'y a rien qui doit être fait, sauf qu'il faudrait mettre ces règlements en vigueur, et nous voulions avoir plus de temps pour consulter davantage le secteur privé au sujet des directives.
Le président : Merci. C'était utile, sénateur Banks.
Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à vous remercier, mesdames Grasham et Bordeleau. Monsieur Rudin, vous avez contribué à plusieurs parties, et nous apprécions également vos conseils et votre orientation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est ainsi que se termine notre réunion d'aujourd'hui et la partie 14. Nous nous réunirons demain soir à l'heure habituelle de notre réunion pour une autre séance. Nous commencerons par les parties 18, 19 et 20, qui portent entre autres sur l'environnement, l'Office national de l'énergie, le Conseil national de recherches du Canada et Énergie atomique du Canada limitée. La réunion est maintenant terminée.
(La séance est levée.)