Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 11 - Témoignages du 21 juin 2010 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 21 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 13 h 2, pour étudier le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures (sujet : partie 9 et partie 24).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte.
Honorables sénateurs, ceci est la huitième réunion concernant le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010.
[Traduction]
La semaine dernière, pendant sept séances, notre comité a entendu le ministre des Finances et des fonctionnaires de son ministère lui expliquer les dispositions de 20 parties sur 24 du projet de loi C-9. Les deux séances d'aujourd'hui vont permettre à des fonctionnaires du ministère de nous éclairer au sujet des quatre parties restantes. Nous devions nous y consacrer lors des séances de la semaine dernière, mais nous avons manqué de temps et nous avons dû reporter ce travail à cette semaine.
Je voudrais remercier les fonctionnaires du ministère pour leur patience et leur compréhension, en particulier ceux qui n'en sont pas à leur première présence parmi nous. Nous nous intéresserons aujourd'hui aux parties 9 et 24, qui ont trait aux pensions et à l'assurance-emploi. Nous commençons par la partie 9, concernant la Loi sur les normes de prestation de pension.
Nous accueillons donc les fonctionnaires suivants du ministère des Finances : M. Tim Cleland, économiste principal de la Section des paiements, à la Direction de la politique du secteur financier; Mme Diane Lafleur, directrice générale; M. Jean-Claude Primeau, directeur, Actuariat, politiques et approbation, à la Division des régimes de retraite privés.
Madame Lafleur, voudriez-vous commencer?
Diane Lafleur, directrice générale, ministère des Finances Canada : Je suis heureuse de pouvoir témoigner encore une fois devant votre comité aujourd'hui. Nous allons vous expliquer la partie 9 du projet de loi, qui prévoit des modifications de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Permettez-moi de vous résumer la genèse de ces modifications et de vous présenter quelques dispositions clés du projet de loi.
Mais, premièrement, je voudrais vous préciser que la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension s'applique uniquement dans les domaines de compétence fédérale, c'est-à-dire les banques, le transport interprovincial et les télécommunications. Il s'agit d'environ 7 p. 100 des régimes de pension privés au Canada, alors c'est une proportion relativement petite.
Voici donc l'historique de la démarche, qui a commencé en janvier 2009. Dans l'optique des préparatifs budgétaires, le gouvernement avait annoncé qu'il procéderait à des consultations publiques en vue de modifier éventuellement la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, qui n'avait pas été revue depuis quelques années. Au moment de cette annonce, on venait d'entendre beaucoup parler publiquement des difficultés de financement des régimes à prestations déterminées. On souhaitait donc examiner certains éléments clés du cadre réglementaire.
En janvier 2009 fut distribué un document de consultation posant certaines questions relatives au cadre réglementaire. Puis, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, M. Ted Menzies, procéda aux consultations. Il fit le tour du Canada pour y tenir des séances de consultation privées et publiques auprès des acteurs concernés par les questions soulevées dans le document de consultation.
Nous avons reçu plus de 200 mémoires en réponse au document de consultation, dont la vaste majorité fut publiée dans le site web du ministère des Finances. Je crois qu'on peut encore les consulter actuellement.
Après avoir examiné les mémoires et les points de vue formulés lors des séances de consultation, le gouvernement a annoncé, en octobre 2009, qu'il avait l'intention d'apporter quelques modifications à la loi et à la réglementation. Il a résumé l'orientation qu'il comptait suivre à cet égard au moyen d'un communiqué publié, lui aussi, dans le site web du ministère des Finances.
Ce que vous avez sous les yeux est l'essentiel des mesures qui sont issues des consultations et qui ont été annoncées en octobre dernier. Si vous trouvez qu'il manque des éléments, c'est que certaines mesures peuvent être strictement réglementaires et n'ont pas besoin d'être incluses directement dans la loi. Des mesures seront donc appliquées parallèlement à l'adoption du projet de loi, tandis que d'autres mesures ne pourront l'être avant que ne le permettent les nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi. Dans d'autres cas, les mesures viendront prochainement.
Je voudrais vous présenter quelques éléments clés du projet de loi.
Le président : Êtes-vous à la page 502?
Mme Lafleur : C'est à cet endroit que commence la partie 9, mais je voudrais attirer votre attention sur l'article 1794, qui se trouve à la page 508 et qui accorde au surintendant des institutions financières le pouvoir de remplacer l'actuaire d'un régime de pension s'il estime que c'est dans l'intérêt des participants et des retraités.
Le président : Que signifie cet article?
Mme Lafleur : On donne ainsi au surintendant un moyen supplémentaire de s'acquitter de son mandat, c'est-à-dire de voir à ce que les régimes soient adéquatement financés et puissent respecter leurs obligations envers leurs participants.
Le président : Même si les actuaires des entreprises de compétence fédérale sont soumis à des normes professionnelles dans le cadre de leur travail, le ministre pourrait décider qu'il y a lieu de se débarrasser d'un actuaire et de le remplacer par quelqu'un d'autre. Est-ce bien exact?
Mme Lafleur : Le surintendant pourrait, dans certaines circonstances, remplacer un actuaire s'il estimait que c'est dans l'intérêt des participants du régime. Cette disposition est de même nature que la disposition sur les banques qui permet au surintendant de remplacer des directeurs lorsqu'il estime que c'est dans l'intérêt des gens.
Le président : Nous approfondirons cette question plus tard. Je voulais simplement m'assurer que le comité sache bien ce dont vous parlez. M. Primeau étant présent, il nous éclairera à ce sujet.
Mme Lafleur : J'aimerais aussi attirer votre attention sur l'article 1795, à la page 509, qui indique que les employeurs pourront utiliser des lettres de crédit pour satisfaire aux exigences de capitalisation du déficit de solvabilité des régimes de pension n'ayant pas fait l'objet d'une cessation totale. Une lettre de crédit est une promesse de payer qui est faite par contrat et délivrée par une institution financière. Dans le cas d'un défaut de paiement, la lettre de crédit serait invoquée et la somme qui y serait garantie serait versée directement dans la caisse de retraite. C'est l'employeur qui serait responsable par la suite de rembourser le prêt éventuel à l'institution financière.
Essentiellement, cette disposition vise à enchâsser dans la loi les dispositions réglementaires que nous avons mises en œuvre pour capitaliser les déficits de solvabilité et qui constituent présentement une mesure temporaire pour aider les régimes à s'acquitter de leurs obligations pendant les périodes difficiles. Nous avons eu recours deux fois à cette mesure, à titre temporaire. Par cette disposition, nous ferions de l'utilisation des lettres de crédit une mesure permanente en matière de financement.
À la page 514, l'article 1804 vise à permettre à un régime de pension de verser des prestations variables, semblables à celles d'un fonds de revenu viager, au titre d'une disposition à cotisations déterminées. Actuellement, lorsqu'un participant d'un régime de pension à cotisations déterminées prend sa retraite, il doit ou bien transférer le solde de son compte dans une institution financière, ou bien utiliser le solde pour acheter une prestation viagère. Il y aurait ainsi une option additionnelle, donc une souplesse accrue.
Le président : Pourriez-vous nous donner un peu de temps pour nous rendre d'un article à l'autre avant de commencer vos explications?
Mme Lafleur : Je passe à l'article 1805, page 516, qui vise à renforcer la protection dont jouissent les participants et qui prévoit l'acquisition immédiate du droit aux prestations.
Je saute à la page 524, où le paragraphe 1816(3) élimine la possibilité qu'un administrateur déclare la cessation partielle d'un régime. Il y a eu des poursuites judiciaires concernant de telles cessations, alors cette disposition précise l'esprit de la loi.
À la page 526, le paragraphe 1816(5) constitue une importante mesure visant à protéger les prestations des participants. Ce paragraphe exige que l'on remédie pleinement à tout déficit de solvabilité d'un régime de pension. Actuellement, un répondant peut mettre fin à un régime et échapper à son obligation de le capitaliser suffisamment pour que les prestations puissent être versées. Grâce à ce paragraphe, cette échappatoire serait désormais impossible.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur l'article 1817, à la page 528. Cet article crée un nouveau cadre, que l'on appelle le mécanisme d'accommodement pour les régimes de pension en difficulté. Il s'agit d'une nouvelle disposition dans la législation sur les régimes de pension. Le mécanisme, qui est conçu pour être utilisé uniquement dans des circonstances très spéciales, permettra aux répondants, aux participants et aux retraités de négocier des changements aux exigences de capitalisation d'un régime s'il se produit une situation où le respect du règlement met en péril la capacité du régime de payer les prestations. Tout accord conclu en se servant du mécanisme devrait recevoir l'approbation finale du ministre des Finances. Vous vous rappelez peut-être que, lorsque le ministre a comparu devant le comité, la semaine dernière, il a mentionné quelques cas ayant nécessité un traitement spécial, notamment Air Canada. Les obligations de capitalisation mettaient en danger la viabilité de l'entreprise. Le mécanisme pourra être employé dans des cas semblables, lorsqu'une entreprise peinera à demeurer viable à cause des obligations de capitalisation prévues au règlement. Si toutes les parties concernées sont d'accord, ces obligations pourront être renégociées de manière à réduire la pression financière. Il faudra que les retraités, les participants et la direction de l'entreprise acceptent la restructuration du régime. Et comme je l'ai dit, le ministre aurait à approuver l'accord conclu en fin de compte. Cette disposition a nettement pour objectif de maintenir la viabilité du répondant, puisqu'il nous semble que c'est la meilleure garantie dont puissent disposer les participants du régime, quant au paiement des prestations futures.
Comme je l'ai mentionné, certaines mesures devront être mises en œuvre au moyen d'un règlement d'application, ce qui sera fait au cours des prochains mois. Quelques dispositions réglementaires ont cependant déjà été publiées dans la Gazette du Canada au début de mai, afin de tenir des consultations publiques. Sur ce, je termine mon allocution et je suis prête à répondre à vos questions.
Le président : Y a-t-il des modifications de la loi qui définissent un pouvoir réglementaire?
Mme Lafleur : Il y en a quelques-unes.
Le président : Nous aimerions savoir sur quoi porteront les dispositions réglementaires.
Mme Lafleur : Elles préciseront notamment le fonctionnement du mécanisme d'accommodement pour les régimes de retraite en difficulté, mécanisme dont le cadre général est contenu dans le projet de loi.
Le président : Je présume que les articles qui suivent l'article 1817 prévoient l'adoption de dispositions réglementaires et en précisent les fonctions.
Mme Lafleur : Oui.
Tim Cleland, économiste principal, Paiements, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : L'article 1820, à la page 534, définit le pouvoir réglementaire relativement à quelques-unes de ces dispositions.
Le président : Est-ce l'article dont vous parliez, madame Lafleur? Il y en a vraisemblablement d'autres qui définissent des pouvoirs réglementaires semblables.
Mme Lafleur : Oui, c'est bien cet article. Nous pourrions vous dresser la liste des articles pour vous faciliter la tâche.
Le président : Ce serait utile.
J'aimerais vous féliciter pour les consultations qui ont été tenues relativement à cette question. Avez-vous craint, à un moment ou un autre, que ces mesures ne fassent l'objet d'aucune consultation, du fait qu'elles ont été incluses dans un projet de loi d'exécution du budget?
Mme Lafleur : Comme je l'ai dit, la consultation a été annoncée pour la première fois dans le budget de 2009. Le document de consultation a été publié par la suite. Les décisions de principe ont été annoncées en octobre. Donc, tout s'est déroulé publiquement et dans la transparence. On n'a pas eu à s'interroger sur l'orientation, puisque le gouvernement l'a annoncée en octobre.
Le président : A-t-il été question, un moment donné, d'inclure ces dispositions dans un projet de loi qui ne serait pas un projet de loi d'exécution du budget?
Mme Lafleur : Je n'ai pas accès à cette information. Je ne sais pas si on a discuté de cette possibilité à l'échelon politique.
Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné Air Canada. Pourriez-vous nous donner des exemples d'autres cas qui motivent ces changements?
Mme Lafleur : C'est arrivé deux fois dans le cas d'Air Canada. Il a fallu le faire dans le cadre de la restructuration de 2003, je crois, lorsque cette entreprise a dû se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Des dispositions réglementaires spéciales ont alors été adoptées pour faciliter la restructuration d'Air Canada. En 2009, des dispositions réglementaires spéciales ont été adoptées pour La Presse Canadienne.
Le sénateur Eggleton : La Presse Canadienne s'était-elle mise, elle aussi, sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies?
Mme Lafleur : Non, pas à l'époque.
Le sénateur Eggleton : Ces dispositions sont-elles destinées aux entreprises ayant des problèmes de solvabilité en général ou aux entreprises dont les problèmes de solvabilité sont limités à leur régime de pension? Pourraient-elles s'appliquer aux deux cas?
Mme Lafleur : Les dispositions pourraient s'appliquer aux deux cas. Au cours des dernières années, nous avons constaté que les fluctuations débridées des cours sur les marchés pouvaient avoir un effet néfaste sur les régimes de pension, notamment sur leur calendrier de capitalisation. Certaines mesures contenues dans le projet de loi visent à atténuer les fluctuations des obligations de paiement des répondants. Cependant, nous savons qu'il peut encore se produire un choc majeur obligeant un répondant à débourser davantage pour remplir ses obligations, ce qui le mettra à court de liquidités et le placera dans une situation difficile.
Le mécanisme d'accommodement pour les régimes de retraite en difficulté est conçu pour les situations extrêmes, donc plutôt rares. Pour invoquer cette disposition, le répondant devra annoncer publiquement ses difficultés financières, ce que la plupart des entreprises répugnent probablement à faire. Il sera interdit d'avoir recours au mécanisme plus souvent qu'un certain nombre de fois, car il ne serait pas souhaitable que des entreprises s'en servent pour renégocier leur régime de pension année après année.
Le sénateur Eggleton : Si Nortel était une entreprise de compétence fédérale, quel serait l'effet de cette disposition sur elle?
Mme Lafleur : Je ne saurais vous le dire vraiment, puisque je n'ai pas une vue de l'intérieur de la situation de Nortel. Cependant, si cette disposition avait existé à l'époque et si les obligations de capitalisation du régime de pension avaient constitué le facteur causant les difficultés de cette entreprise, il aurait été envisageable qu'elle puisse renégocier ces obligations avec les participants et les retraités. Toutefois, mon interprétation est purement hypothétique, car je ne connais pas les détails du dossier de Nortel.
Le sénateur Eggleton : L'une des dispositions leur aurait permis d'utiliser une lettre de crédit. Mais quelles sont les chances réelles d'une entreprise de pouvoir obtenir une lettre de crédit lorsqu'elle traverse des difficultés financières?
Mme Lafleur : C'est le marché qui décide. Ça dépend du coût de la lettre de crédit. Évidemment, plus l'entreprise se porte bien, plus le coût de la lettre de crédit est bas. Cette disposition du projet de loi vise notamment à résoudre le problème du gel de capital. Supposons qu'une entreprise doit verser beaucoup d'argent dans un régime de pension parce qu'il est sous-capitalisé, en raison d'une conjoncture défavorable. Puis, l'économie se remet à tourner rondement et le cours des marchés augmente de même que les taux d'intérêt, ce qui fait que le régime se trouve assez rapidement surcapitalisé. Mais les sommes excédentaires ne peuvent pas en être retirées. Une fois que l'argent est dans la caisse de retraite, il y reste. La lettre de crédit permet à l'entreprise de disposer d'une certaine latitude et d'éviter de geler son capital dans un régime de pension.
Le sénateur Eggleton : Dans le cas de Nortel s'est ajouté au problème du régime de pension celui du régime d'assurance-invalidité de longue durée. Le projet de loi ne contient aucune disposition relative au sous-financement d'un tel régime.
Mme Lafleur : Les dispositions du projet de loi concernent uniquement les régimes de pension.
Le sénateur Eggleton : La question est-elle à l'étude pour les entreprises de compétence fédérale?
Mme Lafleur : Pour autant que je sache, le gouvernement a indiqué, dans le discours du Trône, qu'il était en train d'examiner des solutions en vue de définir les priorités relativement aux prestations d'invalidité de longue durée, lorsqu'un répondant éprouve des difficultés financières. Cependant, la question des régimes d'assurance-invalidité de longue durée est absente du présent projet de loi.
Le sénateur Marshall : Madame Lafleur, vous avez indiqué qu'il y avait eu des consultations publiques. Qu'est-ce qui a motivé la tenue de ces consultations et la présentation des modifications législatives que nous étudions présentement?
Mme Lafleur : En raison des circonstances jugées exceptionnelles sur les marchés, en 2006, le gouvernement a édicté des dispositions réglementaires temporaires pour atténuer les déficits de solvabilité qui étaient survenus. Les répondants des régimes de pension avaient vu leurs obligations de capitalisation augmenter assez rapidement à cause du maintien des taux d'intérêt à un faible niveau pendant une longue période, de l'évolution des normes actuarielles et des difficultés rencontrées sur les marchés. Cependant, en 2008, des circonstances exceptionnelles se sont de nouveau produites sur les marchés financiers, et des répondants se sont mis encore une fois à avoir de la difficulté à remplir leurs obligations de capitalisation. En novembre 2008, lors de la mise à jour économique de l'automne, le gouvernement a donc annoncé des mesures temporaires pour atténuer le problème. Puis, on s'est dit que, s'il avait fallu appliquer des mesures temporaires deux fois en trois ans, il était temps d'examiner le cadre législatif et réglementaire au complet pour veiller à ce qu'il soit à jour et bien adapté aux besoins des répondants et des participants.
Donc, le gouvernement était d'avis qu'une fois les mesures temporaires appliquées, il fallait examiner l'ensemble du cadre et se poser des questions fondamentales.
Le sénateur Marshall : Les mesures contenues dans le projet de loi qui nous est soumis sont axées davantage sur la protection des participants. Elles visent à leur garantir le paiement des prestations, n'est-ce pas?
Mme Lafleur : Les mesures visent plusieurs objectifs, et la protection des prestations destinées aux participants figure parmi les principaux objectifs.
Le sénateur Marshall : Pourrait-on dire que c'est le premier objectif?
Mme Lafleur : C'est certainement l'un des deux ou trois principaux objectifs. Parmi eux se trouve aussi l'idée de rendre les obligations plus facilement prévisibles pour les répondants. Je vous ai parlé des règles de capitalisation grâce auxquelles les fluctuations du marché seront moins ressenties. En fin de compte, si le répondant est capable de remplir ses obligations et de planifier financièrement à long terme, de manière à éviter autant que possible les surprises, ce sera dans l'intérêt des participants du régime. La meilleure garantie pour eux est la prospérité du répondant.
Le sénateur Marshall : Les dispositions seront-elles en vigueur le jour où le projet de loi C-9 recevra la sanction royale? Prévoit-on plutôt une autre date de mise en vigueur?
Mme Lafleur : Certaines mesures ne pourront être appliquées avant d'être précisées dans un règlement. Donc, il faudra attendre le règlement pour qu'elles soient en vigueur.
Le sénateur Marshall : Pourriez-vous me dire où l'on en est dans la préparation des dispositions réglementaires? Ont- elles déjà été rédigées?
M. Cleland : Nous sommes en train de préparer les dispositions réglementaires à l'heure actuelle, mais nous ne pouvons pas les publier avant l'adoption du projet de loi C-9. Une fois que ce sera fait, nous les publierons afin de recueillir les points de vue des intéressés, qui disposeront d'une période de 30 jours pour nous indiquer si elles sont bien conçues. Une fois cette période écoulée, elles pourront entrer en vigueur.
Le sénateur Marshall : Si je comprends bien, une fois que le projet de loi aura été adopté et que les dispositions réglementaires auront été publiées pour recueillir des commentaires pendant une période de 30 jours, ces dispositions pourront entrer en vigueur, ce qui veut dire probablement environ deux mois après l'adoption du projet de loi, n'est-ce pas?
Mme Lafleur : Tout dépend des commentaires reçus pendant la période de consultation. S'il y a peu de commentaires ou s'ils sont uniquement de nature technique, la mise en vigueur pourrait avoir lieu dans un délai assez court. Toutefois, s'il y a abondance de commentaires, qui impliquent une remise en question, le délai pourrait être plus long.
Le sénateur Marshall : Vous ne prévoyez pas un délai important, n'est-ce pas?
Mme Lafleur : Je n'ai pas de boule de cristal, et je ne suis pas habile pour faire ce genre de prévision. Cependant, compte tenu de l'ampleur des consultations déjà effectuées et, puisque les mesures ont été portées à la connaissance du public il y a déjà un certain temps, il nous est permis d'espérer que le délai restera assez court.
Le sénateur Marshall : Pourriez-vous me donner un exemple illustrant à quelles conditions on pourrait remplacer un actuaire?
Jean-Claude Primeau, directeur, Actuariat, politiques et approbation, Division des régimes de retraite privés, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Ce pouvoir est un instrument nouveau, qui pourrait être utilisé dans des circonstances particulières. Il est difficile de prévoir exactement quelles pourraient être ces circonstances. Nous disposons de divers autres instruments pouvant être utilisés avant d'en arriver là. Le remplacement d'un actuaire serait une décision sérieuse, qui ne serait pas prise à la légère par le surintendant des institutions financières. Dans le cadre de son rôle de supervision des régimes de pension, le Bureau du surintendant des institutions financières doit examiner les rapports actuariels en détail et échanger avec les actuaires des régimes pour soulever au besoin les problèmes constatés dans les rapports. Si les problèmes ne sont pas résolus à la satisfaction du bureau, il peut exiger un rapport de l'administrateur du régime, en précisant les modifications à inclure.
Le pouvoir de remplacer un actuaire serait exercé seulement lorsque tous les autres moyens auraient échoué et que le bureau aurait déterminé qu'il y a un risque que des prestations ne puissent pas être versées comme prévu. C'est un pouvoir semblable à celui qui vise les assureurs et qui peut être exercé lorsqu'on constate des problèmes dans leurs rapports actuariels. Donc, il y a un précédent.
Le sénateur Marshall : À quelle fréquence les rapports actuariels doivent-ils être produits? Est-ce une fois tous les trois ans? Quelle est l'exigence à cet égard?
M. Primeau : Un rapport doit être produit au moins une fois tous les trois ans. Selon les règles actuelles, lorsqu'un régime de pension est sous-capitalisé, il doit faire chaque année l'objet d'un rapport indiquant son degré de solvabilité. Cela fait partie du cadre réglementaire actuel. Cependant, le gouvernement a indiqué, lors des annonces faites en octobre dernier, que pratiquement tous les rapports devraient être produits chaque année dorénavant. Le surintendant pourrait faire quelques exceptions limitées à cette règle, mais, en général, c'est elle qu'on appliquera.
Le sénateur Marshall : Une dernière question. Les modifications législatives dont vous nous avez parlé m'apparaissent judicieuses. Toutefois, il y en a une dont vous n'avez pas parlé. Il s'agit de l'augmentation du seuil à partir duquel les cotisations sont suspendues, lorsqu'il y a surcapitalisation. Pourriez-vous nous indiquer pourquoi l'excédent constituant le seuil a été porté de 10 à 25 p. 100?
M. Cleland : S'il n'a pas été question de cette modification aujourd'hui, c'est qu'elle concerne la Loi de l'impôt sur le revenu. Actuellement, lorsque la capitalisation d'un régime dépasse de 10 p. 100 ce qui est nécessaire pour répondre aux exigences, le répondant doit cesser de verser ses cotisations. C'est ce qu'on appelle un congé de cotisations. La Loi de l'impôt sur le revenu force le répondant à suspendre ses cotisations lorsque l'excédent atteint 10 p. 100. En faisant passer le seuil à 25 p. 100, on donne au répondant la possibilité d'accumuler un coussin plus confortable dans la caisse du régime.
Le sénateur Marshall : Cette disposition doit résulter du désir d'éviter des problèmes financiers comme ceux qu'ont rencontrés les régimes de pension lorsque la crise économique est survenue, n'est-ce pas?
M. Cleland : La possibilité de surcapitaliser davantage un régime permet au répondant de se constituer un coussin plus confortable, de manière à pouvoir absorber une diminution de la valeur comptable des placements et des investissements ou une baisse des taux d'intérêt.
Le sénateur Marshall : Il n'y a pas de congé de cotisations tant que l'excédent ne dépasse pas 25 p. 100, n'est-ce pas?
M. Cleland : Le répondant n'est pas obligé de suspendre ses cotisations, mais il a quand même le droit de le faire dès que l'excédent de capitalisation dépasse 5 p. 100. Cette mesure a été annoncée en octobre 2009.
Le président : Si la capitalisation du régime dépasse de 5 p. 100 la somme nécessaire pour garantir le paiement des prestations, l'employeur peut-il cesser de verser ses cotisations avec l'autorisation du surintendant?
M. Cleland : Oui.
M. Primeau : Il ne lui est pas nécessaire d'obtenir l'autorisation du surintendant. Les dispositions réglementaires ont déjà été publiées à ce sujet.
Le président : Mais si la capitalisation dépasse de 25 p. 100 la somme nécessaire pour garantir le paiement des prestations, l'employeur est obligé de suspendre ses cotisations. Il ne peut pas dépasser cette limite.
M. Cleland : Oui.
Le président : Les cotisations d'une entreprise pour capitaliser un régime de pension lui donnent-elles droit à une déduction fiscale?
M. Cleland : Oui.
Le président : Une entreprise peut-elle se servir d'une lettre de crédit pour surcapitaliser un régime de pension, puis suspendre ses cotisations? Doit-elle plutôt comptabiliser à part l'argent ainsi garanti, dans le cadre d'un programme quelconque?
M. Primeau : Les dispositions réglementaires sur la valeur des lettres de crédit dans le calcul de la capitalisation des régimes ne sont pas encore prêtes. Cependant, compte tenu de l'esprit des dispositions contenues dans le projet de loi, la valeur d'une lettre de crédit est identique à celle d'une contribution en argent comptant.
Le président : Est-ce parce que le répondant paie pour obtenir une lettre de crédit?
M. Primeau : Oui, et la garantie offerte par une institution financière, au moyen d'une lettre de crédit, sera l'équivalent d'une contribution en argent, puisque la lettre pourra être monnayée aux conditions qui seront définies dans les dispositions réglementaires.
[Français]
Le sénateur Poulin : Madame Lafleur, votre présentation était vraiment excellente et très claire. Vous avez mentionné qu'au Canada seulement 7 p. 100 des régimes de pension sont sous juridiction fédérale. Vous avez aussi mentionné que vous aviez fait beaucoup de consultations avant d'apporter les amendements à la législation existante. Avez-vous consulté les provinces?
Mme Lafleur : Nous avons effectivement discuté de nos propositions et du contenu de notre document de consultation avec les provinces. Nous avons des groupes de travail fédéral-provincial dans lesquels nous avons la possibilité de discuter de ces questions. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que plusieurs provinces ont les mêmes défis que nous et, elles aussi, ont eu leur propre consultation. Certaines provinces comme le Québec et l'Ontario ont mis en place des réformes législatives et réglementaires qui vont, dans plusieurs cas, dans la même direction que les mesures fédérales.
Le sénateur Poulin : Les pensions sont devenues une préoccupation extrêmement importante, non seulement sur le plan de la solvabilité des régimes de pension, mais aussi en ce qui concerne les transferts des droits à une pension.
En 2010, le nombre d'emplois est beaucoup plus élevé qu'il y a 25 ans. Les changements faits en ce qui a trait aux transferts des droits à une pension augmentent-ils la capacité de transfert de pension d'un régime à l'autre lorsqu'une personne change d'emploi?
M. Primeau : Dans la loi existante, il y a déjà des droits pour un participant de transférer ses droits à pension en cas de terminaison d'emploi. Ce droit existe déjà. Un participant pourrait transférer son droit à une pension dans un régime enregistré d'épargne retraite personnel, sur base immobilisée ou dans le régime de retraite de son nouvel employeur ou bien acheter une rente auprès d'une compagnie d'assurance avec les droits à une pension. Il n'y a pas déjà de changement à ce niveau.
Une option a été ajoutée, et Mme Lafleur y a fait allusion plus tôt, il s'agit des régimes qu'on appelle à cotisation déterminée. Maintenant certains régimes pourraient offrir l'option, au moment de la retraite, de continuer à gérer les fonds de cette personne. Les gens ne seraient pas forcés nécessairement de transférer leur argent dans un REER personnel, ils pourraient continuer à le laisser dans le régime, dans la caisse de retraite, et ce, sur base de fonds de revenu viager. Donc ce serait semblable à un fonds de revenu viager personnel, mais offert à l'intérieur de la caisse de retraite.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : D'après ce que j'ai pu voir, certaines modifications législatives contenues dans le projet de loi étaient attendues par le secteur des régimes de pension, mais d'autres modifications ne l'étaient pas du tout. Vous dites que vous avez tenu des consultations, mais le projet de loi contient-il des dispositions sur lesquelles vous n'avez pas consulté les gens?
Mme Lafleur : Franchement, je suis étonnée de vous entendre dire cela. J'imagine que vous parlez de la surprise causée en octobre par l'annonce du renouvellement du cadre réglementaire des régimes de pension, puisque cette question n'était pas incluse dans notre document de consultation. Nous avons développé ce projet à mesure que les consultations avaient lieu et que nous écoutions les points de vue des acteurs du domaine. Notre nouvelle intervention dans le dossier d'Air Canada et notre réglementation spéciale concernant La Presse Canadienne, l'année dernière, nous ont également incités à réfléchir à cette question. Nous avions besoin de nous doter d'une plus grande souplesse. Nous avons annoncé notre intention en octobre dernier, ce qui fait qu'au moment où nous avons présenté les modifications législatives nécessaires, dans le projet de loi d'exécution du budget, les gens étaient déjà prévenus depuis quelques mois. Il n'y avait plus lieu d'être surpris à ce moment-là.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il des éléments, dans ces dispositions, qui n'avaient pas été annoncés en octobre 2009?
Mme Lafleur : Le projet de loi ne contient aucune mesure n'ayant pas été annoncée en 2009.
Le sénateur Callbeck : Y aura-t-il plus tard d'autres changements qui n'ont pas encore été annoncés?
Mme Lafleur : Des mesures doivent prendre la forme de modifications réglementaires qui n'ont pas encore été préparées et qui seront publiées à l'été ou au début de l'automne. Ce sont des mesures qui nécessitent des dispositions réglementaires ou doivent être autorisées par l'adoption du projet de loi. Quelques dispositions techniques n'ont pas été incluses dans le projet de loi parce que nous avons manqué de temps. M. Cleland pourrait vous en parler.
M. Cleland : Deux dispositions importantes n'ont pas été incluses dans le projet de loi. Il s'agit de la disposition autorisant la communication électronique entre les participants et le répondant d'un régime ainsi que de la disposition sur la supervision des régimes de pension relevant de plusieurs autorités publiques, c'est-à-dire lorsque des habitants d'au moins deux provinces différentes comptent parmi les participants d'un régime.
Le sénateur Callbeck : Sera-t-il nécessaire d'inclure ces deux dispositions dans un projet de loi?
M. Cleland : Oui.
Le sénateur Callbeck : Manque-t-il encore d'autres dispositions?
M. Cleland : Il y a encore des éléments techniques mineurs. M. Primeau pourrait vous répondre.
M. Primeau : Je crois qu'il reste des modifications à apporter dans la loi pour faire disparaître des différences entre la version anglaise et la version française. Rien de majeur.
Mme Lafleur : Tous les éléments importants y sont, mais nous voudrions vous revenir au sujet des dispositions de la loi prévoyant l'adoption de dispositions réglementaires. Nous pourrions vous en dresser une liste exhaustive.
Le président : Cette information nous serait utile. Veuillez la remettre au greffier pour qu'il la distribue à tous les membres de notre comité. Nous vous saurions gré de nous la fournir dans les deux langues officielles.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais discuter du mécanisme d'accommodement pour les régimes de pension en difficulté qui est proposé dans le projet de loi. Selon cette disposition, les entreprises qui manquent de liquidités, mais qui ne sont pas déjà en faillite ou en train de cesser leurs activités, pourraient simplement annoncer qu'elles ne pensent pas être capables de faire les paiements nécessaires. Puis, des négociations auraient lieu entre l'entreprise, les représentants des employés et les représentants des retraités. Est-ce bien exact?
Mme Lafleur : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Pendant ces négociations, serait-il possible que des sommes normalement destinées au régime de pension soient versées sous forme de primes aux dirigeants de l'entreprise?
M. Cleland : Au cours de la période des négociations, l'entreprise n'est pas tenue de faire des paiements spéciaux au régime de pension. Toute obligation à cet égard est reportée à la fin de cette période. Il est impossible de prévoir ce que ferait une entreprise donnée à ce moment. Cependant, permettez-moi de vous faire remarquer que l'argent qui n'est pas versé au régime de pension pendant les négociations doit être conservé dans une fiducie réputée, ce qui a pour effet de séparer cet argent de l'actif de l'employeur. Dans une procédure de faillite, le régime passerait au premier rang pour obtenir cet argent.
Le sénateur Callbeck : Qu'êtes-vous en train de nous dire exactement? Si des négociations avaient lieu par exemple pendant six mois entre l'entreprise et les représentants des employés et des retraités, le surintendant ne pourrait pas intervenir pendant ce temps, n'est-ce pas?
M. Cleland : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : L'entreprise resterait aux commandes de ses activités, comme d'habitude, n'est-ce pas?
M. Cleland : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Serait-il possible que l'entreprise décide pendant ce temps de verser des primes généreuses à ses dirigeants?
Mme Lafleur : Comme l'a dit M. Cleland, l'obligation de payer les sommes dues au régime ne disparaîtrait pas. L'argent serait conservé dans une fiducie réputée. Si l'entreprise se plaçait sciemment dans une situation qui l'empêcherait de s'acquitter de ses obligations à la fin des négociations, cela reviendrait à négocier de mauvaise foi et serait désavantageux pour les participants du régime, c'est-à-dire les personnes qui, en fin de compte, auraient à donner leur assentiment à l'accord négocié. Il n'est pas difficile d'imaginer que des participants et des retraités d'un régime de pension seront réticents à accepter un accord s'ils constatent que l'entreprise a fait une pareille utilisation de l'argent.
Le sénateur Callbeck : Que se passera-t-il lorsqu'aucun accord ne pourra être conclu?
Mme Lafleur : Cela dépendra largement de la situation de l'entreprise. Il faudra voir si elle doit se placer sous la protection de la loi sur les faillites. Quoi qu'il en soit, comme l'a indiqué M. Cleland, si c'est le cas et si l'entreprise doit cesser ses activités, les dispositions prévoyant la conservation de l'argent dans une fiducie réputée auront pour effet de protéger les sommes dues au régime de pension. Un régime de pension constitue un actif distinct des actifs de l'entreprise. Il en est séparé légalement, alors les autres créanciers de l'entreprise ne peuvent pas réclamer cet argent en cas de faillite.
Le sénateur Callbeck : Je ne suis toujours pas satisfaite de ces explications.
Je voudrais savoir ce que veut dire exactement, à la page 510, le paragraphe 9.14(4), que l'on prévoit ajouter à la loi. Doit-on comprendre qu'en cas de faillite du répondant, il est garanti que le régime recevra un montant égal à la valeur de la lettre de crédit?
M. Primeau : Si une somme est due en raison d'une lettre de crédit, cette disposition aura pour effet de garantir que la somme ne puisse pas être utilisée pour autre chose que capitaliser le régime de pension. Elle ne pourra pas servir à rembourser un créancier de l'entreprise en faillite.
Le sénateur Callbeck : Cette disposition s'applique une fois que l'entreprise est en faillite, n'est-ce pas?
M. Primeau : Oui.
Le sénateur Callbeck : C'est la période de négociation qui m'inquiète.
J'aimerais vous poser une question sur un autre paragraphe, qui se trouve à la page 509. Il s'agit du paragraphe 9.11(3) :
La lettre de crédit ne peut tenir lieu de versement au fonds de pension d'une somme que l'employeur a déduite de la rémunération des participants.
Donc, le paragraphe dit que la lettre de crédit ne peut tenir lieu de versement au fonds de pension d'une somme que l'employeur a déduite de la rémunération des participants. Qui veillera à ce que cette disposition soit respectée?
M. Primeau : Les sommes déduites de la rémunération des participants sont en fait les cotisations des employés au régime de pension. La loi prévoit que les cotisations des employés au régime de pension doivent y être versées dans un délai de 30 jours. Selon l'esprit du projet de loi, les lettres de crédit ne doivent pas servir à remplacer le versement des cotisations des employés. Elles ont pour but de donner à l'employeur une souplesse accrue concernant les sommes qu'il doit lui-même verser au régime de pension, et non concernant les sommes versées par les employés.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il quelqu'un qui est responsable d'exercer une surveillance à ce sujet?
M. Primeau : Le surintendant a le mandat de surveiller la gestion des régimes de pension. Pour ce qui est du versement des cotisations au régime, le dépositaire a également une responsabilité. Si une somme devant être versée à un régime n'est pas reçue dans le délai prévu, soit 30 jours, je crois, le dépositaire doit en informer le surintendant. Ce dernier peut alors intervenir et prendre les mesures nécessaires pour que l'argent soit versé au régime de pension.
Le président : Qui est le dépositaire?
M. Primeau : C'est habituellement une société d'assurance ou de fiducie qui conserve l'argent destiné à un régime de pension. Cet argent est toujours gardé dans un compte distinct des comptes employés par l'entreprise pour ses activités.
Le président : S'agit-il de l'administrateur dont parle la loi?
M. Primeau : Ce n'est pas l'administrateur. L'administrateur est habituellement l'employeur.
Le président : Mme Lafleur a parlé d'un répondant. Il semble y avoir un flottement dans l'usage des termes. Les mots administrateur et répondant sont-ils synonymes?
M. Primeau : Dans certains cas, il peut s'agir d'organes distincts. Il peut y avoir un comité, par exemple. Certains régimes de pension ont deux répondants, soit l'employeur et le syndicat, qui forment un comité ou un conseil d'administration considéré comme l'administrateur au sens de la loi. Dans les faits, l'administrateur a l'obligation de s'assurer que toutes les dispositions de la loi sont appliquées. C'est l'organe qui a la responsabilité ultime de voir à ce que les règles et les lois soient respectées.
Le dépositaire n'est pas l'administrateur, mais une société d'assurances ou une société de fiducie à laquelle on confie l'argent du régime et qui veille à ce que cet argent ne puisse pas être utilisé par le répondant pour ses activités. Le dépositaire a également le devoir de veiller à ce que les cotisations soient versées au régime comme prévu.
Le président : C'est peut-être le bureau du surintendant qui effectue des inspections, mais pourriez-vous me dire qui veille à ce qu'une entreprise mette assez d'argent en fiducie pour que le régime puisse payer les prestations quoi qu'il advienne? S'il se produit quelque chose, il est trop tard pour essayer de trouver l'argent qui manque.
M. Primeau : Effectivement. L'obligation de réaliser une évaluation actuarielle chaque année sera maintenue. Une telle évaluation établit la valeur de l'actif et du passif du régime et détermine quelles cotisations doivent être versées par le répondant pour que le régime puisse s'acquitter de ses obligations.
Dans le cas d'une faillite, le régime de pension cesse habituellement d'exister. Un rapport doit être préparé pour déterminer la valeur exacte de l'actif et du passif du régime au moment de la faillite. Le projet de loi prévoit que s'il y a sous-capitalisation, l'employeur est obligé de verser la somme manquante. Actuellement, cette obligation n'existe pas.
Le président : On parle du cas où un employeur fait faillite.
M. Primeau : Oui. Même en cas de faillite de l'employeur, il y aura un recours pour récupérer le fonds de pension. Tout ce qui est placé en fiducie réputée a une priorité absolue sur les autres réclamations. L'employeur se verrait dans l'obligation de payer tous les montants additionnels, par exemple un déficit qui n'était pas encore dû. Le succès du recours dépendra des actifs de l'employeur au moment de sa faillite, mais ceci est une autre disposition du projet de loi.
Le président : Merci.
Le sénateur Callbeck : J'ai une question au sujet du paragraphe 1788.(2) qui concerne le paragraphe (3) de la loi, à la page 505. La version française renvoie au paragraphe 9.2(10) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, alors que la version anglaise n'en parle pas. Savez-vous pourquoi?
M. Primeau : Je crois que c'est parce que le style de rédaction est différent d'une langue à l'autre. Il arrive parfois qu'on fasse référence à une disposition en particulier en français, mais qu'il ne soit pas nécessaire de le faire en anglais. C'est une question de structure de phrase. Les dispositions veulent toutefois dire la même chose dans les deux langues.
Le sénateur Callbeck : Le sens est donc le même en français et en anglais.
M. Primeau : Oui.
Le sénateur Ringuette : Madame Lafleur, vous avez dit avoir reçu 200 mémoires au cours de la période de consultation. De ce nombre, combien étaient en lien direct avec la mesure législative proposée?
Mme Lafleur : La grande majorité des mémoires étaient dignes d'intérêt. Je n'ai aucun chiffre à vous donner, mais je peux vous dire qu'ils répondaient aux questions du document de consultation. Il est possible que, dans certains cas, le mémoire portait sur les pensions, mais ne répondait pas directement aux questions.
Le sénateur Ringuette : Je veux m'assurer que, lorsque vous avez dit avoir reçu 200 mémoires à la suite d'une consultation, il s'agissait bien d'une consultation menée auprès d'organismes fédéraux, qui représentent 7 p. 100 des régimes de retraite privés.
Mme Lafleur : Bien sûr. Le document de consultation portait exclusivement sur la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et s'adressait aux organismes fédéraux. Il ne comprenait pas le Régime de pensions du Canada ou d'autres régimes de retraite. Nous avons demandé l'avis des gens sur la loi. La grande majorité des réponses étaient à propos, bien que certaines étaient un peu hors sujet. La situation était la même lors de la consultation publique pancanadienne que M. Menzies a menée. Le public était invité à discuter de ces questions. La grande majorité des réponses portaient sur le sujet, mais certaines s'en sont écartées. Elles traitaient principalement des modifications à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.
Le sénateur Ringuette : Dans quelle mesure a-t-on consulté le Bureau du surintendant des institutions financières qui est responsable de la surveillance?
Mme Lafleur : Nous travaillons main dans la main avec le Bureau du surintendant des institutions financières. À vrai dire, ses représentants en ont probablement assez de nous voir. Il ne sert réellement à rien de concevoir un cadre réglementaire qui ne peut être administré efficacement. L'organisme responsable de l'application du règlement doit prendre part à l'ensemble du processus. Des représentants du bureau ont participé à la consultation publique afin d'entendre les Canadiens et les intervenants parler de leurs préoccupations et des sujets qui sont prioritaires à leurs yeux. Le bureau a pris part à toutes les étapes du processus. Au départ, il nous a aussi aidés à créer le document de consultation.
Le sénateur Ringuette : Est-ce qu'il faudra désormais remettre chaque année un rapport au Bureau du surintendant des institutions financières?
M. Primeau : Oui. À l'heure actuelle, de nombreux régimes de retraite doivent être évalués chaque année, puisque, en vertu de notre règlement, tous les régimes de retraite sous-financés doivent se soumettre à une évaluation annuelle. Dans l'avenir, tous les régimes de retraite devront le faire. Ceux qui ne sont pas évalués actuellement présentent un surplus. Par contre, tous ceux qui enregistrent un déficit doivent faire l'objet d'une évaluation annuelle.
Le sénateur Ringuette : Combien de régimes de retraite sont déficitaires?
M. Primeau : Selon nos estimations les plus récentes, près de 75 p. 100 des régimes de retraite ont terminé l'année 2009 en déficit. Nous devons souligner que, en vertu du règlement, il est permis d'enregistrer un déficit en tout temps. Les mesures législatives indiquent qu'il faut toutefois que des paiements minimums soient faits pour combler le déficit dans un délai raisonnable.
Le sénateur Ringuette : Quel est le montant total du déficit de ces régimes de retraite fédéraux qui composent les 75 p. 100? Connaissez-vous la somme?
M. Primeau : Le déficit total?
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Primeau : Je n'ai pas l'information sous la main, mais nous pourrions essayer de la trouver.
Le sénateur Ringuette : Connaissez-vous le montant approximatif que cela pourrait représenter?
M. Primeau : C'est seulement une estimation, parce que nous ne recevons pas encore des rapports actuariels annuels pour tous les régimes de retraite. En plus, ils ne nous parviennent pas tous au même moment. Le BSIF effectue des estimations deux fois par année pour suivre la situation. Au besoin, nous pouvons ainsi intervenir et demander qu'une évaluation actuarielle soit effectuée plus tôt que prévu. Je n'ai donc que des estimations entre les mains.
Le sénateur Ringuette : Selon la plus récente estimation, quel est le montant du déficit?
M. Primeau : Notre dernière estimation remonte à la fin de 2009. En moyenne, nous avons constaté que la valeur de l'actif des régimes de retraite suffirait à couvrir 90 p. 100 de leur passif advenant leur cessation. N'oubliez pas que ces calculs partent du principe que tous les régimes de retraite prendraient fin, alors qu'ils se poursuivent généralement. Tant que les régimes de retraite sont maintenus et que des paiements sont effectués pour réduire le déficit, la situation ne menace pas directement les participants.
Le sénateur Ringuette : J'ai l'impression que cette mesure législative donne l'occasion aux 75 p. 100 d'employeurs dont le régime présente un déficit d'ouvrir la porte à la renégociation des modalités de leur régime de retraite.
Mme Lafleur : La porte n'est pas très grande ouverte. Afin de se prévaloir du mécanisme d'accommodement pour les régimes de pension en difficulté, une entreprise doit publiquement se déclarer en difficulté financière et être prête à en assumer les conséquences. Franchement, avouer ses difficultés financières au marché est lourd de conséquences. C'est une déclaration coûteuse.
La disposition n'est pas conçue pour être une option alléchante aux yeux d'un répondant.
Ce mécanisme a été créé de façon à ce qu'un employeur décide d'y avoir recours seulement s'il craint de devoir franchir le seuil critique pour satisfaire ses obligations en matière de pensions. Autrement, il ne choisirait pas cette option. L'employeur doit obtenir le consentement des retraités ainsi que des participants, qui auront droit aux services d'un avocat nommé par la cour. C'est un processus très sérieux. Au bout du compte, le ministre des Finances doit approuver les ententes négociées. Des garanties sont intégrées au processus.
Le sénateur Ringuette : Je crois qu'on dit ici « moins du tiers ».
Mme Lafleur : L'article commence à la page 528.
Le sénateur Ringuette : À la page 532, le paragraphe 29.3(2) proposé, à l'article 1817 sur le mécanisme d'accommodement pour les régimes de pension en difficulté dit ceci :
La demande d'approbation du calendrier de capitalisation ne peut être présentée que si moins du tiers des participants et moins du tiers des bénéficiaires s'opposent [...]
Mme Lafleur : C'est exact. C'est ce qu'on appelle le processus de consentement. On y a déjà eu recours à quelques reprises, notamment lors des deux cas spéciaux touchant les entreprises dont j'ai parlé, mais aussi dans le cas des mesures d'allégement temporaires en 2006 et en 2008. Les répondants pouvaient alors allonger le calendrier des paiements, à condition d'obtenir le consentement des employés et des retraités. Ce genre de dispositions portant sur le consentement, si on peut les nommer ainsi, ont été très utiles et ont fait leurs preuves; nous savons qu'elles fonctionnent. Nous sommes persuadés que ce mécanisme d'accommodement des entreprises en difficulté sera assez efficace, notamment parce qu'il prévoit la nomination d'un avocat par la cour.
Le sénateur Ringuette : La disposition dit « si moins du tiers ». Il faut donc obtenir le consentement de 30 p. 100 des participants et de 30 p. 100 des retraités.
Mme Lafleur : N'importe lequel des deux groupes peut l'emporter sur l'autre. Si tous les participants sont d'accord, mais que 33 p. 100 des retraités s'opposent, le répondant ne peut pas aller de l'avant.
Le sénateur Ringuette : Oui, puisqu'il est écrit « et ».
Mme Lafleur : C'est bien vrai. Les deux groupes doivent être en accord, ou bien ne pas être en désaccord.
Le sénateur Ringuette : J'aime l'idée qu'on fasse appel aux participants actuels et aux retraités.
Quel est le pourcentage nécessaire pour obtenir le consentement? Est-ce 66 p. 100? 64 p. 100?
Mme Lafleur : Il faut obtenir deux tiers d'appui.
Le sénateur Ringuette : Ce serait donc 66,6 p. 100?
Mme Lafleur : Oui.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dit plus tôt que les provinces examinaient la possibilité d'adopter une mesure législative semblable.
Mme Lafleur : Oui. Certaines provinces ont même adopté des mesures similaires à celles proposées dans le projet de loi. Par exemple, l'Alberta a été la première province à adopter des dispositions sur les lettres de crédit. Depuis, d'autres provinces lui ont emboîté le pas. Bon nombre des mesures d'allégement temporaires ont été reprises par les provinces. Dans d'autres domaines, c'est nous qui avons un retard à combler. Les dispositions qui interdisent la cessation des régimes de retraite sous-capitalisés permettent en fait de combler une lacune qui existait depuis longtemps dans la loi fédérale, mais pas dans les lois provinciales. En ce sens, cette mesure nous permet de nous rattraper.
Le sénateur Ringuette : Ce ne sont pas les provinces qui sont responsables de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, mais bien le gouvernement fédéral. Que ferez-vous en ce qui concerne cette loi et les régimes de retraite sous-capitalisés?
Mme Lafleur : C'est le ministère de l'Industrie qui est responsable de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité; j'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre.
Le sénateur Ringuette : Je suis certaine que le questionnaire pour lequel vous avez reçu 200 réponses portait notamment sur la question de la faillite.
Mme Lafleur : On y parlait davantage des moyens de s'assurer que, d'entrée de jeu, la capitalisation des régimes de retraite soit suffisante. Il s'agissait assez manifestement de la Loi sur les normes de prestation de pension. Je n'irais pas jusqu'à dire que personne n'a parlé des dispositions sur la faillite, mais la consultation mettait plutôt l'accent sur cette loi.
Le sénateur Ringuette : Mes dernières questions portent sur la page 511. Pourquoi les sociétés d'État sont-elles comprises dans le projet de loi C-9 si le gouvernement fédéral en est la partie prenante? Tous les régimes de retraite des sociétés d'État devraient être entièrement capitalisés.
Mme Lafleur : Un certain nombre de sociétés d'État offrent un régime de retraite à prestations déterminées, et la capitalisation de ce type de régime de retraite dépend des fluctuations des taux d'intérêt et du rendement du marché boursier. De temps à autre, ces régimes aussi présentent un déficit. Dans ce cas, leurs répondants sont assujettis aux mêmes règles que les autres répondants; ils disposent notamment d'une période définie pour combler leur déficit en suivant un calendrier de paiements.
Puisque les répondants des régimes privés ont droit aux lettres de crédit, nous nous sommes demandé si les sociétés d'État devraient aussi pouvoir capitaliser une partie de leur déficit de cette manière. Toutefois, nous avons jugé que les sociétés d'État profiteraient d'un taux d'emprunt préférentiel, puisque le gouvernement canadien se porte garant, ce qui diminue habituellement le coût des fonds. Pour uniformiser les règles du jeu, les sociétés d'État devront payer un peu plus pour obtenir une lettre de crédit. Ainsi, elles ne seront pas avantagées par rapport aux entreprises privées qui doivent obtenir des lettres de crédit et pour qui le gouvernement ne se porte pas garant. Ces dispositions visent à donner une chance équitable à tous. Elles reprennent essentiellement les deux derniers règlements sur l'allégement de la capitalisation du déficit de solvabilité qui avaient été pris dans les deux cas dont nous avons parlé.
Le sénateur Ringuette : Il y a autre chose. J'aimerais lire à mes collègues un passage très important. Le paragraphe se trouvant sous Sociétés d'État, à la page 511, se lit comme suit :
Les sommes que toute société d'État est tenue de verser au fonds de pension en application du paragraphe 9(1.1) [...] peuvent être réduites [...]
Les paiements peuvent donc être réduits. On dit aussi :
[...] à l'exception de celles qu'elle a déduites de la rémunération des participants [...]
En adoptant cet article, on permet donc aux sociétés d'État de réduire leur contribution.
M. Primeau : L'article porte aussi sur les conditions réglementaires. Des conditions seront ajoutées au règlement qui sera pris pour appuyer cet article. Bien entendu, le règlement n'a pas encore été publié, puisque le projet de loi doit d'abord être adopté. Toutefois, le Règlement sur l'allégement de la capitalisation du déficit de solvabilité de 2006 et celui de 2009 constituent un précédent. En vertu de ces règlements, les sociétés d'État devaient obtenir le consentement de leur ministre, c'est-à-dire du ministre responsable de la société d'État, de même que celui du ministre des Finances. Elles devaient accepter de payer un montant équivalent au coût d'une lettre de crédit pour obtenir l'accord de ce dernier.
Je crois que les sociétés d'État ne peuvent généralement pas obtenir de lettres de crédit en raison de leur charte. Certaines y ont droit, mais pas toutes. Ce qui est proposé ici est donc équivalent au mécanisme de la lettre de crédit, mais certaines conditions seront établies. Il ne s'agira pas de n'importe quel montant; les sociétés d'État devront respecter des conditions réglementaires.
Le sénateur Ringuette : Vous dites qu'une société d'État constituée en vertu d'une loi fédérale peut réduire la somme qu'elle est tenue de verser au fonds de pension de ses employés d'après le contrat sans que personne ait son mot à dire, à l'exception du ministre responsable de cette société d'État, qui n'a qu'à donner son accord. Ai-je bien compris?
M. Primeau : C'est comme si le gouvernement accordait une lettre de crédit à la société d'État plutôt qu'une institution financière.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas ce qui est écrit.
M. Primeau : Non, mais l'article fait référence à des conditions réglementaires. En ce qui concerne les lettres de crédit, un règlement doit aussi être établi. Les conditions ne figurent pas toutes dans le texte législatif. Bon nombre d'entre elles figurent dans le règlement, notamment la cote de solvabilité nécessaire afin qu'une institution financière puisse accorder une lettre de crédit. Dans le cas des sociétés d'État, la situation est semblable; seulement, c'est le gouvernement qui se porte garant plutôt qu'une institution financière. La disposition a toutefois été créée dans le même esprit.
Mme Lafleur : La société d'État doit payer des frais comme si elle obtenait une lettre de crédit auprès d'une institution financière.
Le sénateur Ringuette : Combien de sociétés d'État ont un régime de retraite déficitaire?
Mme Lafleur : Je n'ai pas ce chiffre sous la main.
M. Primeau : Nous ne pourrions pas vous donner de renseignements sur des institutions en particulier. Toutefois, les sociétés d'État sont peu nombreuses à avoir un régime de retraite. Bon nombre d'entre elles sont assujetties à la Loi sur la pension de la fonction publique, qui, comme son nom l'indique, vise l'ensemble de la fonction publique. Certaines sociétés ont cependant leur propre régime de retraite, qui est soumis aux mêmes règles et règlements que les autres régimes de retraite.
Le sénateur Ringuette : Combien de sociétés d'État ont un régime de retraite déficitaire?
M. Primeau : Puisqu'il est question d'un très petit nombre de régimes, nous ne pourrions pas vous fournir de renseignements aussi détaillés. Le BSIF reçoit cette information sous le sceau de la confidentialité. La loi permet toutefois aux participants d'avoir accès aux rapports actuariels concernant leur régime. En règle générale, nous ne pouvons pas fournir de renseignements sur des institutions en particulier, car notre mandat en tant qu'organisme de réglementation ne nous permet pas de le faire. Nous pouvons seulement nous servir de ces renseignements pour dresser un portrait global des régimes que nous réglementons.
Le sénateur Ringuette : J'aimerais lire un passage. Est-ce qu'il s'agit d'une erreur? Je suis toujours à la page 511. On dit « en application du paragraphe 9(1.1) ». S'agit-il du paragraphe concernant la désignation d'un actuaire?
M. Primeau : Non, le paragraphe 9(1.1) est la disposition qui stipule que tous les régimes de pension doivent respecter des exigences minimales en matière de capitalisation. Ce paragraphe se trouve au haut de la page 508.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas en vertu de cette disposition?
M. Primeau : Non. Celle-ci dit que tous les régimes de pension doivent respecter les normes minimales réglementaires de capitalisation, qui précisent la méthode obligatoire de calcul des contributions de l'employeur.
Le sénateur Ringuette : Je persiste à croire que les dispositions accordent à 75 p. 100 des employeurs déficitaires la possibilité de renégocier les modalités des régimes de pension qu'ils capitalisent avec leurs employés. Vous avez mentionné Air Canada. Je vois également le nom de la Société canadienne des postes, sous votre rubrique des sociétés d'État. Son ancienne première dirigeante a comparu devant nous, il y a un mois et demi et elle nous a avoué que la caisse de retraite de cette société était déficitaire. Elle n'a pas dit qu'elle mettait à pied beaucoup de monde pour essayer d'y remédier.
Je persiste à croire que ces modifications donneront la possibilité de modifier des régimes de prestations qui avaient fait l'objet d'ententes, au moment où toutes les sociétés d'État dont nous parlons ou le secteur privé subissent une forte usure des effectifs. Mon seul espoir est que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) poursuivra la surveillance actuarielle annuelle de ces régimes pour s'assurer qu'on continue d'y verser des contributions. D'après moi, c'est la seule manière de pouvoir sauver toutes ces caisses de retraite.
Mme Lafleur : Il est important de noter que lorsqu'un régime devient déficitaire, des règles s'appliquent pour remédier à la situation. Pendant les consultations, un sujet a fait l'objet de discussions animées : devrait-on accorder plus de temps aux promoteurs de régime pour résorber un déficit? Actuellement, on leur accorde cinq ans. Beaucoup favorisaient une prolongation du délai à 10 ou 15 ans. De fait, le gouvernement a maintenu la règle des cinq ans.
Le sénateur Ringuette : Ce devrait être trois ans.
Mme Lafleur : Il importe de maintenir un juste équilibre entre la capitalisation la plus rapide du régime et la gestion de la trésorerie du promoteur qui lui permettra de rester viable et de pouvoir maintenir la croissance et le pouvoir concurrentiels de son entreprise. C'est une question d'équilibre, mais, globalement, le gouvernement a décidé de maintenir la règle des cinq ans.
Le sénateur Ringuette : Les retraites sont une rémunération différée. La rémunération comprend le traitement et les avantages sociaux. Les avantages sociaux comprennent le régime de pension. C'est déjà un revenu différé, régi par le contrat d'emploi.
On ne peut pas différer davantage le revenu des employés. Cette loi rend possible la modification des règles du jeu et elle accorde beaucoup plus de pouvoir à l'employeur. Le salut ne peut venir que du BSIF. J'espère que, l'année prochaine, le comité le convoquera pour connaître les résultats de son travail de supervision. Est-ce que 75 p. 100 des régimes de pension seront encore déficitaires ou bien ce taux aura-t-il été abaissé à 50 p. 100? Il est à espérer que, dans deux ans, vous pourrez nous annoncer qu'aucune caisse de retraite n'est insuffisamment capitalisée. Aucun moyen ne semble ici vous permettre d'ordonner à une entreprise de résorber un déficit. Avez-vous ce pouvoir grâce au BSIF?
M. Primeau : Comme on l'a dit, la loi et les règlements sous son régime prévoient des conditions minimales de capitalisation. C'est, comme l'a dit Mme Lafleur, une question d'équilibre. On dispose d'un certain nombre d'années pour résorber le déficit. La surveillance vise à s'assurer que les versements à cette fin sont faits. Nous n'avons pas le pouvoir d'ordonner à une entreprise de verser davantage que ce qu'exige la loi.
Le sénateur Ringuette : Exactement. Vous pouvez seulement faire de la surveillance et produire des statistiques, mais vous ne possédez pas le pouvoir réglementaire de donner des ordres aux sociétés déficitaires, qui pourraient mettre leur argent ailleurs sans remplir leurs obligations contractuelles à l'égard du régime de pension.
M. Primeau : Nous avons le pouvoir de leur adresser une directive de conformité. Si, par exemple, elles enfreignent la loi, elles ne s'y conforment pas ou elles ne capitalisent pas les régimes conformément à leurs devoirs fiduciaires ou si elles ne font pas des placements prudents, nous pouvons intervenir. Nous pouvons également exiger plus tôt la rédaction d'un rapport d'évaluation. Nous disposons d'un certain nombre de moyens réglementaires, mais pas de celui que vous mentionnez.
Le sénateur Murray : Je m'intéressais à l'uniformité des régimes réglementaires entre les provinces et à leur comparabilité avec le régime fédéral. Vous en avez parlé de façon assez exhaustive, mais peut-être voulez-vous ajouter quelque chose à vos propos.
Avez-vous lu l'article paru dans L'actualité, il y a quelques mois? J'y ai fait allusion, l'autre jour, devant le ministre. C'est un palmarès de 181 régimes. Je reconnais que la plupart d'entre eux sont du ressort des provinces. M. Flaherty a dit que moins de 10 p. 100 des régimes privés sont de notre compétence.
[Français]
Or, collectivement, les régimes de retraite d'employeur au Canada souffrent d'une sous-capitalisation de 50 milliards de dollars.
[Traduction]
Est-ce aussi grave que le prétend l'auteur, qui est profane : la sous-capitalisation de ces régimes s'élève à 50 milliards de dollars?
Mme Lafleur : Comme je l'ai dit, je n'ai pas lu cet article.
Le sénateur Murray : Plus loin, ce passage a attiré mon attention :
[Français]
On y dresse toute une liste des sociétés canadiennes. On évalue les régimes de retraite en fonction de leur assise solide ou non, comme les banques à charte, soit à surveiller ou en danger. Pour prendre la dernière catégorie, il y a des sociétés telles que Bombardier, CCL Industries, Cogeco Cable, Emera, dont Novia Scotia Power est une filiale, comme étant en danger.
[Traduction]
Les critères d'évaluation sont manifestement la sous-capitalisation et le risque.
[Français]
Notre évaluation repose donc sur deux données seulement, le déficit de capitalisation exprimé sous forme de pourcentage et le risque que la société fasse faillite.
[Traduction]
La situation me semble très grave, parce qu'il est question de 50 milliards de dollars en tout et que l'auteur de l'article évalue les régimes d'importantes sociétés, ayant une bonne réputation. Ce magazine aussi a bonne réputation.
Mme Lafleur : Je ne peux pas parler de la méthode ni de l'étude même. La plupart des sociétés que vous avez mentionnées ne sont pas assujetties à des règlements fédéraux. L'important, essentiellement, c'est d'avoir de bonnes règles en place et de s'assurer que l'on verse des cotisations d'équilibre. Effectivement, un déficit n'a rien de souhaitable, mais c'est une situation prévue dans les règles, car la conjoncture peut changer, les taux d'intérêt peuvent varier et les normes actuarielles peuvent évoluer, ce qui, parfois, provoque des déficits. En fin de compte, quand il y a déficit, les promoteurs versent-ils des cotisations d'équilibre pour corriger la situation? C'est cela l'important. C'est là où l'intervention du BSIF est cruciale, avec le suivi, le contrôle des cotisations d'équilibre, afin de remettre le régime à flot.
Le sénateur Murray : Je ne sais pas comment vous poser la question diplomatiquement et, peut-être, ne pourrez-vous pas me répondre diplomatiquement, mais pensez-vous que les régimes provinciaux, en général, sont suffisamment résistants pour survivre à ce genre de problèmes?
Mme Lafleur : Je ne suis vraiment pas en position de vous répondre avec crédibilité, parce que je ne peux pas parler du travail des organismes provinciaux de réglementation. Je ne suis pas experte des lois provinciales.
Le sénateur Murray : Je m'interrogeais simplement sur le niveau des discussions ou des consultations. Ce sont de gros chiffres et des sociétés importantes. De son ressort ou non, le problème aurait de quoi préoccuper le gouvernement fédéral. L'inquiétude qu'a exprimée devant nous M. Menzies — il a beaucoup travaillé sur cette question pour le gouvernement — concernait tout naturellement les très nombreux Canadiens qui ne souscrivent à aucun régime, ceux qui travaillent pour de petits employeurs ainsi que les façons de les regrouper dans des régimes de retraite interentreprises. Je n'ai pas pu lui demander à quel niveau les consultations se déroulaient sur le type de problème de sous-capitalisation qui semble exister dans tant de ces sociétés, si l'on en croit cet article, et je pense que l'on peut le croire.
Mme Lafleur : C'est à chacune des provinces d'y répondre, parce qu'elle ne possède de renseignements que sur ce qui est de son ressort. En Ontario, par exemple, l'importante Commission Arthurs a effectué ce genre d'études, et on a annoncé des mesures, tandis que le gouvernement de la province a promis des réformes.
Le sénateur Murray : J'ai de la lecture que vous pourrez apporter chez-vous.
Mme Lafleur : Merci.
Le président : Communiquez-vous à Mme Lafleur l'article que vous avez cité?
Le sénateur Murray : Oui.
Le sénateur Marshall : Je veux dissiper certaines des appréhensions du sénateur Ringuette. D'après moi, toutes ces modifications sont dans l'intérêt des participants aux régimes et des futurs retraités. Mme Lafleur a énuméré un certain nombre des avantages qu'elles présentent. À la cessation du régime, sa capitalisation doit être complète. Les modifications permettront au surintendant des institutions financières de remplacer l'actuaire, s'il estime que c'est dans l'intérêt des participants ou des retraités. Les modifications suppriment le risque de voir l'administrateur déclarer une cessation partielle du régime. Elles voient à l'intérêt immédiat des participants et elles exigent aussi que l'administrateur leur communique, ainsi qu'aux retraités, des renseignements supplémentaires après la cessation d'un régime de pension.
Trouve-t-on dans le projet de loi des éléments préjudiciables aux cotisants ou aux retraités? D'après moi, toutes les modifications favorisent les intérêts des participants aux régimes et des futurs retraités. N'est-ce pas?
Mme Lafleur : Bien sûr, l'objectif est de protéger les prestations aux participants. Nous les avons catégorisées de plusieurs manières. Outre une plus grande sécurité pour les participants, nous avons également voulu faciliter la planification à long terme des obligations des promoteurs en matière de capitalisation. Nous avons également modifié certaines règles en matière de capitalisation, pour atténuer certaines fluctuations brusques du marché survenues ces dernières années. Ce faisant, nous visions également à obtenir un régime de pension mieux portant.
Le sénateur Marshall : À le renforcer.
Mme Lafleur : Oui.
Le sénateur Callbeck : Je voudrais vérifier deux ou trois choses. L'article 1794 autorise le surintendant à désigner un actuaire, s'il l'estime dans l'intérêt des participants au régime. Ai-je raison de croire qu'il ne peut pas agir de la sorte pendant des négociations sur le régime de retraite?
Mme Lafleur : Cela ne fait pas partie du mécanisme d'accommodement pour les régimes de pension.
M. Primeau : Il n'y a pas de rapport entre les deux.
Le sénateur Callbeck : Si des discussions ont lieu sur une proposition de mécanisme d'accommodement entre la société, les employeurs et les représentants des retraités, pourquoi n'y a-t-il pas de rapport?
M. Primeau : Même pendant les négociations sur le régime, le surintendant conserve ses pouvoirs.
Le sénateur Callbeck : C'était le sens de ma question.
Mme Lafleur : Il n'y a pas nécessairement de lien avec le mécanisme d'accommodement. Cela pourrait se faire indépendamment d'une négociation.
M. Primeau : C'est ce que je voulais dire.
Le sénateur Callbeck : Je sais; cependant, je croyais, lorsque j'ai commencé à poser mes questions, que le surintendant ne pouvait pas désigner d'actuaire pendant la période de négociation. Ai-je tort?
Mme Lafleur : Le surintendant conserve ce pouvoir.
M. Primeau : Oui, il le conserve.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de provinces utilisant la lettre de crédit. Quel est le bilan de cette expérience?
Mme Lafleur : Je sais que la chose est prévue dans les lois d'un certain nombre de provinces.
M. Cleland : L'Alberta l'a adoptée depuis quelques années, de même que le Québec. La Colombie-Britannique vient de l'adopter. À ma connaissance, elle n'a pas eu d'inconvénients notables — aucun de ceux qu'on craignait.
Le sénateur Callbeck : Mon autre question porte sur la proposition de mécanisme d'accommodement pour les régimes en difficulté. Ce mécanisme précis est-il utilisé dans d'autres pays?
M. Cleland : À ma connaissance, il n'est utilisé dans aucun autre État ou pays.
Le président : Pouvons-nous supposer que, mis à part ce nouveau mécanisme d'accommodement et les dispositions relatives aux lettres de crédit, l'ensemble des autres modifications visent à éviter que 75 p. 100 des régimes continuent d'être déficitaires? Tentez-vous de protéger les bénéficiaires éventuels, les employés qui s'attendent à toucher une pension ou qui cherchent à en toucher une? Toutes ces modifications visent-elles à améliorer leur situation?
Mme Lafleur : La lettre de crédit peut également servir à améliorer leur situation. C'est une autre façon, pour le promoteur, de contribuer au régime et d'aider à mieux le capitaliser. Cela également vise à assurer les prestations des participants.
Le président : N'y avait-il pas des dispositions concernant l'argent destiné à de futures retraites? L'argent placé en fiducie n'était-il pas là avant?
Mme Lafleur : Le contrat de fiducie existait avant et il continue d'exister. L'argent placé dans le régime de pensions est distinct des actifs de la société. En cas de faillite, il est à l'abri des autres créanciers.
Le président : Quelle est donc la raison d'être du paragraphe proposé dans le haut de la page 507, où il est question de « deemed to be in trust », si ce mécanisme existait déjà?
M. Cleland : Les dispositions selon lesquelles des montants sont réputés être détenus en fiducie concernent des montants dus, mais qui n'ont pas encore été versés. La loi prévoit une série de versements à effectuer; si l'employeur ne les verse pas, les montants sont considérés comme dus, mais non versés.
Dès ce moment, au sens de la loi, ils se distinguent des actifs, même s'ils n'ont pas été versés dans un fonds fiduciaire séparé. C'est ainsi que l'on peut obtenir une priorité plus haute pour ces montants, en tant que créancier, en cas de faillite.
Le président : C'est utile. Je comprends votre approche. Ce n'est pas incompatible avec l'acquisition immédiate de certains droits, en cas d'insolvabilité, parce qu'il existe deux montants distincts.
M. Cleland : Oui.
Le président : Y a-t-il d'autres questions dans la même veine?
Au nom de tous les membres du comité, je remercie les représentants du ministère des Finances et du Bureau du surintendant des institutions financières d'être venus témoigner. Nous sommes bien conscients de la valeur du travail que vous faites pour nous, en surveillant de près ce domaine et en protégeant les employés.
Passons maintenant, chers collègues, à la partie 24, page 715.
Nous accueillons maintenant, MM. Louis Beauséjour et Mark Hodgson, qui nous aideront à nous y retrouver dans les modifications apportées à la Loi sur l'assurance-emploi et l'ouverture du Compte des opérations de l'assurance- emploi. Je demande aux deux témoins de donner un aperçu de la question au comité, puis de nous indiquer les dispositions particulières et les projets d'articles qui concrétisent l'intention du gouvernement.
[Français]
Louis Beauséjour, directeur général, Politique de l'assurance-emploi, Direction générale des compétences et de l'emploi, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Monsieur le président, conformément au budget de 2008, la partie 24 renforce essentiellement la transparence et l'efficacité du financement du Régime de l'assurance- emploi. En fait, on peut dire que la loi fait principalement trois choses : premièrement, elle modifie la Loi sur l'assurance-emploi afin d'établir un nouveau compte des opérations de l'assurance-emploi; de fermer le Compte d'assurance-emploi existant; et de le supprimer des comptes du Canada.
L'important dans cette modification est de s'assurer que le nouveau compte qui sera établi, en vertu de cette partie, prendra en compte tous les crédits et toutes les dépenses liées à l'assurance-emploi à partir du 1er janvier 2009, date à laquelle l'Office de financement de l'assurance-emploi sera chargé d'assurer l'équilibre entre les revenus et les dépenses liés à l'assurance-emploi. Ce sont les sections 2185 et 2186 qui se chargent de cela.
Le deuxième élément est de clarifier également la façon dont les taux de cotisation seront déterminés; en éliminant le Compte d'assurance-emploi, on modifie en partie comment ce sera fait. Encore une fois, on clarifie la responsabilité de l'office en déterminant les taux. L'office aura l'obligation d'établir les taux de cotisation de manière à maintenir l'équilibre entre les revenus et les dépenses à partir du 1er janvier et que la réserve soit maintenue au même niveau. C'est la section 2204 qui assume cette partie.
Dans la troisième partie, on clarifie comment les transactions se feront entre le Compte des opérations de l'assurance-emploi et la réserve de l'Office du financement de l'assurance-emploi, pris en charge par la section 2205.
Après, il y a un certain nombre d'autres sections qui sont des sections corrélatives et qui apportent des petits amendements techniques.
Le président : C'est tout?
M. Beauséjour : C'est tout.
[Traduction]
Le sénateur Finlay : Je comprends que cette partie du projet de loi vise, outre un nouveau calcul des contributions, à fermer un compte qui était théorique. Je dis « théorique », parce que le gouvernement précédent a dépouillé le Compte de l'assurance-emploi de près de 60 milliards de dollars d'excédent théorique. Le professeur de Queen's Thomas Courchene a dit que les libéraux avaient prélevé de 5 à 6 milliards par année dans l'excédent de cette caisse. Cumulativement, ils ont versé au Trésor la somme faramineuse de 60 milliards.
Je comprends que l'objet du projet de loi soit de fermer ce compte théorique et d'en créer un qui soit mesurable et transparent. C'est bien cela?
Mark Hodgson, analyste principal de la politique, Marchés du travail, emploi et apprentissage, Politique sociale, ministère des Finances du Canada : Les deux objectifs du projet de loi sont de fermer l'actuel Compte d'assurance- emploi et de créer un compte des opérations de l'assurance-emploi, qui prendra effet le 1er janvier 2009, date à partir de laquelle l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada est chargé de la fixation des taux de cotisation.
Le Compte des opérations de l'assurance-emploi sera également un compte théorique. On y fera le suivi des rentrées et des sorties de fonds. Le solde initial sera nul, en raison du nouveau mécanisme de fixation des taux, qui exige que les cotisations égalent les déboursés du programme au fil du temps. La différence, c'est que l'on ajoute l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada (l'OFAEC), qui est doté d'un fonds de réserve. À l'avenir, les éventuels excédents seront transférés en espèces du Trésor à l'office, qui les placera jusqu'au moment où on les restituera aux cotisants, soit sous la forme de cotisations, soit pour abaisser les cotisations, afin d'assurer l'équilibre du solde au bout d'un certain temps.
Le sénateur Finlay : Comment sera constitué cet office indépendant? Qui siégera à son conseil d'administration?
M. Hodgson : Il s'agit d'une société d'État indépendante. Son conseil d'administration a été nommé. Le directeur qui a été embauché s'acquitte actuellement des fonctions de premier dirigeant. Il commence à mettre en place la structure opérationnelle de l'office. Comme il est mentionné dans le plan budgétaire de 2010, l'office sera chargé de fixer cet automne le taux de cotisation pour 2011.
Le sénateur Finlay : L'office, son pouvoir de surveillance et le nouveau compte des opérations empêcheront-ils le gouvernement actuel ou ses successeurs de piller les excédents théoriques ou réels du compte, au profit du Trésor? Si j'ai bien compris vos propos, les choses fonctionneront tout à l'opposé : on prélèvera les excédents dans le Trésor et on les versera dans le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
M. Hodgson : Ce compte continuera de faire le suivi des rentrées et des sorties de fonds. En cas d'excédent, on transférera le montant en espèces du Trésor à l'office, qui le placera. Oui, à l'avenir, les excédents seront ainsi employés par l'office uniquement pour le programme d'assurance-emploi.
Le sénateur Finlay : Qu'arrivera-t-il en cas de surplus négatif, si une telle chose peut exister?
M. Hodgson : C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. L'office est tenu de maintenir le point d'équilibre à compter du 1er janvier 2009. La Loi sur l'assurance-emploi exige le versement de prestations. Ces versements sont effectués par le Trésor, et les recettes des cotisations sont déposées dans le Trésor. Actuellement, le compte des opérations enregistrerait, à la fin de l'exercice 2010-2011, un déficit d'environ 11,5 milliards de dollars.
Le sénateur Finlay : Il aurait été utile de disposer des 60 milliards, n'eût été le fait, premièrement, qu'on les a prélevés dans la caisse.
Le président : Je n'entends pas votre question, sénateur Finlay.
Le sénateur Finlay : Il y avait 11 milliards de déficit cette année. Les 60 milliards détournés au profit du Trésor nous auraient été bien utiles pour nous sortir du problème récent des déficits de l'assurance-emploi.
M. Hodgson : La loi a toujours exigé le dépôt des cotisations dans le Trésor et le versement des prestations à partir du Trésor. Le Compte de l'assurance-emploi était théorique. Je pense que la vérificatrice générale l'a qualifié de compte de suivi. Il a servi à la fixation des taux de cotisation et il permet d'obtenir un compte rendu historique des cotisations et des dépenses au titre du programme au cours d'un exercice donné ainsi que le total cumulatif au fil du temps. Il n'a jamais représenté de l'argent comptant qui aurait pu servir à quelque chose; cet argent se trouvait déjà dans le Trésor.
Le sénateur Finlay : Il n'a pas été mis à la disposition de la Caisse de l'assurance-emploi, cependant, parce qu'il n'y en avait pas.
M. Hodgson : Le compte d'assurance-emploi a permis le suivi des rentrées de cotisations et des sorties de fonds, rien d'autre. Il permet leur comptabilisation. Au fil des années, il a accumulé un excédent. Avant de commencer à accumuler un excédent, à la fin des années 1990, il avait creusé un déficit cumulatif au cours de la récession de cette même décennie.
Le sénateur Murray : Je suis le sénateur Finlay et j'ai les chiffres, tirés du budget annuel, des recettes du fonds d'assurance-emploi et des dépenses sous forme de prestations, comme par exemple les sorties de fonds. Le professeur Courchene a probablement raison. De 1994 à 2011, 56 milliards d'excédent se sont accumulés dans la caisse. Un actuaire continue-t-il de s'occuper de la caisse?
M. Hodgson : Oui.
Le sénateur Murray : L'actuaire informera-t-il l'office et, comme on peut le supposer, le public, du niveau de cotisations nécessaire pour répondre aux demandes prévues?
M. Hodgson : L'office embauchera son propre actuaire, qui sera chargé de faire rapport au conseil d'administration. C'est l'office qui déterminera le taux de cotisation et qui publiera un rapport dans lequel il expliquera pourquoi il a choisi tel taux de cotisation et il exposera tous les facteurs qu'il a examinés.
Le sénateur Murray : Précisera-t-il également, comme par le passé, le montant nécessaire de l'excédent à maintenir pour se prémunir contre une baisse de l'économie?
M. Hodgson : Ce n'est pas une exigence de sa fonction.
Le sénateur Murray : Il l'a fait par le passé.
M. Hodgson : À une certaine époque, dans les années 1990, l'actuaire de la Caisse de l'assurance-emploi, à Ressources humaines et Développement des compétences, estimait la taille de la réserve.
Le sénateur Murray : Elle était de 15 à 20 milliards de dollars à une époque où l'excédent atteignait 40 ou 50 millions de dollars ou même plus, si je me souviens bien.
M. Hodgson : Je me souviens qu'elle était de 10 à 15 milliards. Il a estimé que c'était suffisant pour assurer la stabilité du taux de cotisation qui permettait, à long terme, de ne pas être en déficit et de se sortir d'une récession, ce qui suppose que la capitalisation, ces 10 à 15 milliards, serait mise de côté en argent comptant et permettrait, si c'est possible, la fixation d'un tel taux, auquel on ne toucherait plus.
Le sénateur Murray : Cela me semble la bonne façon de faire. Cela dit, il n'y a aucune justification à l'augmentation des cotisations, ce que le gouvernement est en train de faire, compte tenu de l'histoire que vient de nous conter le sénateur Finlay, que je ne répéterai pas.
[Français]
Le sénateur Poulin : Dans la gouvernance financière d'un pays, il est évident qu'on examine tous les revenus et toutes les dépenses. C'est comme faire la gouvernance saine et équilibrée de la plus grosse entreprise du pays. Quel est l'avantage de la création d'un nouveau compte pour la gouvernance financière du pays?
M. Beauséjour : C'est une question de plus grande clarté. Une décision a été prise, en 2008, selon laquelle dorénavant un nouvel office de financement de l'assurance-emploi déterminera quels seront les taux de cotisation à l'avenir et ce, en tenant compte de tous les revenus et dépenses à partir du 1er janvier 2009, en créant un nouveau compte. On crée un instrument grâce auquel il sera possible de suivre tous les revenus et toutes les dépenses à partir de cette date.
Le sénateur Poulin : Est-ce que cette clarté n'existait pas dans les années antérieures?
M. Beauséjour : La journée où le gouvernement a pris la décision de repartir à neuf à compter d'une date donnée, il aurait été difficile de bien suivre toutes les transactions en ne créant pas un nouveau compte parce que le compte d'assurance-emploi tel qu'il existe continue à tenir compte de toutes les transactions qui ont eu lieu avant le 1er janvier 2009.
Le sénateur Poulin : Le sénateur Finley a fait référence à une étude du professeur Courchesne que je n'ai pas lue. Est- ce que je comprends que vous n'avez pas lu l'étude non plus? Est-ce que c'est une étude ou un article ?
[Traduction]
Le sénateur Finlay : Si mes souvenirs sont exacts, c'était un article dans Options politiques. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais j'en suis assez certain.
Le président : Cela ne rappelle rien au témoin, vous ne l'avez pas sous les yeux et c'est contesté. C'est donc peu probant.
[Français]
Le sénateur Poulin : Lorsqu'on parle de gouvernance financière, c'est toujours plus facile à cause de ce que j'appelle la sagesse du recul. Tout ce que je me souviens des années 1990, concernant la gouvernance financière, c'est qu'on a réussi non seulement à diminuer la dette, mais aussi à rétablir un équilibre financier entre nos revenus et nos dépenses.
Je me souviens très bien que le premier ministre Jean Chrétien avait pris des décisions très difficiles, qui ont mené à des réductions de programmes. Mais aujourd'hui, si la réputation du Canada est aussi bonne sur le plan de cet équilibre financier c'est probablement suite aux décisions difficiles qui ont été prises dans les années 1990. Voilà qui met fin à mon commentaire politique.
[Traduction]
Le président : Vous ne souhaitez pas faire d'observations à ce sujet? Moi non plus. Nous sommes ici pour nous informer, écouter des témoignages et comprendre les projets de loi, mais, périodiquement, nous débordons sur des questions de politique.
Le sénateur Murray : Le professeur Courchene ferait un très bon témoin, non seulement sur cette question, mais sur beaucoup d'autres, sur lesquelles il est extrêmement compétent, si vous souhaitez retenir son nom.
Le président : J'en prendrai note.
Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné que le conseil d'administration avait déjà été nommé. Combien de personnes en font partie et sont-elles représentatives des régions?
M. Hodgson : Le conseil d'administration a été nommé. Je pourrais vous donner les noms de ses membres.
Le sénateur Callbeck : Je m'interroge au sujet de la représentation régionale. Savez-vous s'il en a été tenu compte?
M. Hodgson : Je ne saurais dire si cela faisait partie des préoccupations du ministre.
Le sénateur Callbeck : Pourriez-vous vous informer et communiquer la réponse au greffier, s'il vous plaît? J'aimerais savoir.
Le sénateur Murray : Combien de personnes en font partie?
M. Hodgson : Il compte sept membres.
Le président : Connaissez-vous la province d'où vient chacun d'eux? Ce renseignement nous serait très utile.
M. Hodgson : Leur notice biographique ne fait pas mention de la province qu'ils habitent : M. David A. Brown est un ancien président et premier dirigeant de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario; Elaine Noel-Bentley a été directrice principale de Rémunération globale, à Petro-Canada; Janet Pau est analyste financière agréée qui a 11 ans d'expérience à la société Canfor; Pankaj Puri a été cadre supérieur à la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC), à la banque TD et chez Coopers et Lybrand. Il est actuellement président d'Independent Internal Audit Services Inc.; il y a Tim O'Neill, que tout le monde connaît. Jacques LeBlanc possède 41 années d'expérience comme comptable accrédité et il a été 13 ans fellow de l'Ordre des comptables agréés du Québec, tandis que Gilles Bernier est professeur de finances et d'assurance à la faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval. Telle est la composition du conseil d'administration.
Le sénateur Callbeck : Il n'y a personne de la région de l'Atlantique?
Le sénateur Murray : M. O'Neill est Cap-Bretonnais. Son père a dirigé, il y a des années, le Syndicat des métallurgistes unis. Lui-même a été économiste, au service de la Banque de Montréal, et il a réalisé pour votre gouvernement une étude, il y a quelque temps, sur la prévision budgétaire.
Le sénateur Callbeck : On lit que l'office doit gérer le compte et fixer les cotisations de manière à parvenir à l'équilibre financier au bout d'un certain temps. De combien de temps s'agit-il?
M. Hodgson : C'est indéterminé. On impose une limite à la variabilité annuelle des taux de cotisation, pour faire profiter les employeurs et les employés d'une certaine stabilité.
Le sénateur Callbeck : Quelle est cette limite?
M. Hodgson : La limite est de 15 cents par année et par tranche de 100 $ de revenus assurables. Actuellement, le taux de cotisation est de 1,73 $.
Le sénateur Callbeck : À l'ouverture de ce compte, quel en sera le solde?
M. Hodgson : Il y aura effectivement ouverture d'un compte fiduciaire. La loi en vigueur autorise le ministre des Finances à transférer 2 milliards de dollars dans ce compte, pour servir de base à la réserve.
Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il du déficit dont vous parlez? Je pense que, pour l'exercice 2010-2011, vous avez parlé de 10 ou 11 milliards de dollars?
M. Hodgson : Il y a un problème à cause de l'année budgétaire et de l'année civile. L'office et les programmes d'assurance-emploi fonctionnent d'après l'année civile. L'office est chargé de fixer les taux de cotisation pour combler les déficits à partir du 1er janvier 2009. Le déficit actuellement prévu pour 2009 et 2010 globalement est de 11,2 milliards de dollars.
Le sénateur Callbeck : Ce montant sera-t-il transféré dans le compte?
M. Hodgson : L'office devra fixer les taux de cotisation de manière à résorber le déficit. Le déficit ne sera pas transféré dans son compte bancaire, mais il sera enregistré dans le nouveau Compte des opérations de l'assurance- emploi.
Le sénateur Callbeck : Le solde de départ est de 2 milliards, et on transférera ce déficit de 11 milliards.
M. Hodgson : La réserve de 2 milliards y sera imputée. Ce n'est pas un prêt; c'est une contribution, un transfert à l'office.
Le sénateur Callbeck : Autrement dit, l'office commence avec un trou de 8 ou 9 milliards?
M. Hodgson : Oui.
Le sénateur Callbeck : L'office fixera les taux de cotisation pour 2011-2012, n'est-ce pas?
M. Hodgson : Il les fixera annuellement. Cet automne, il le fixera pour 2011.
Le sénateur Callbeck : Il ne peut pas excéder les 15 cents dont on a parlé?
M. Hodgson : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : En vertu de l'article 2187 du projet de loi C-9, l'article 76 de la loi est abrogé. Cet article se lisait comme suit :
Le ministre des Finances peut autoriser, selon les modalités et aux taux qu'il peut fixer, le versement d'intérêts sur le solde créditeur du Compte d'assurance-emploi. Ces intérêts sont portés au crédit du Compte d'assurance-emploi et au débit du Trésor.
A-t-on versé des intérêts sur ce solde?
M. Hodgson : Des intérêts ont été crédités au solde, annuellement, et ils constituent environ 25 p. 100 des excédents cumulatifs actuels représentés par les crédits d'intérêt et les intérêts sur les intérêts.
Le sénateur Callbeck : L'article en question est abrogé. Qu'arrive-t-il au nouveau compte?
M. Hodgson : Le nouveau compte ne sera pas crédité d'intérêts, parce que, en cas d'excédents, l'argent sera transféré à l'office, pour être placé sur les marchés financiers.
Le sénateur Callbeck : Vous l'avez dit. On a dit que le gouvernement majorerait les cotisations d'assurance-emploi de 35 p. 100 au cours des quatre prochaines années. Cette décision relève entièrement de l'office, n'est-ce pas?
M. Hodgson : En effet. On croit communément, mais à tort, que le gouvernement fixera les taux de cotisation et que, par le passé, il les a fixés. Avant, la décision relevait de la Commission de l'assurance-emploi, sous le régime de la loi en vigueur. Dorénavant, si la Loi sur la faillite et l'insolvabilité de 2010 est adoptée, ce sera la responsabilité de l'office.
Le sénateur Campbell : Voilà l'une des rares occasions où le sénateur Finlay et moi sommes d'accord, et je sais que cette coïncidence nous terrifie tous les deux. La nature théorique du compte d'assurance-emploi et la fiction qui permettait d'emprunter de l'argent qui n'existait pas vraiment, mais qu'on n'avait jamais à rembourser, m'ont toujours mis mal à l'aise.
Cependant, je serais négligent si je ne signalais pas que l'excédent, théorique ou réel, qu'a dépensé le gouvernement libéral découlait du fait que les gouvernements libéraux et conservateurs antérieurs avaient laissé le Canada dans une position financière digne d'un pays du tiers monde. Des choix difficiles s'imposaient. Si l'argent en question était théorique, d'où venaient donc les 60 millions de dollars et où ont-ils abouti, ou bien n'étaient-ils que de l'air?
Quel sera l'effet sur ce compte d'assurance-emploi, qui part avec un trou d'on ne sait combien, si le gouvernement demeure en situation déficitaire? Comment le capitaliser, si le gouvernement reste endetté? Je ne prétends pas que c'est ce qui arrivera; je dis seulement que c'est notre situation actuelle. Qu'arrivera-t-il à ce compte d'assurance-emploi? Son déficit continuera-t-il de se creuser toujours davantage?
M. Hodgson : Voici ce qui devrait arriver. Les prestations doivent être payées par le Trésor, peu importe leur montant. L'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi est un droit accordé par la loi. Peu importe les coûts du programme. Les recettes des cotisations dépendent de l'état de l'économie et du taux de cotisation. On prévoit que, pendant au moins encore une année, elles seront inférieures aux dépenses du programme, de sorte que le déficit augmentera.
Le sénateur Murray : Qu'arrivera-t-il ensuite?
M. Hodgson : Les taux de cotisation feront en sorte que les rentrées de fonds excéderont les sorties, et le déficit se résorbera.
Le sénateur Murray : C'est une projection budgétaire pour 2014-2015, et les chiffres sont là.
Le sénateur Campbell : Sauf votre respect, ce ne sont que des projections. Si les taux de cotisation à l'assurance- emploi augmentent effectivement de 35 p. 100, qu'arrivera-t-il? Est-ce que cela résorbera le déficit? Atteindrez-vous alors l'équilibre?
M. Hodgson : D'après les projections actuelles, c'est à la fin de 2014 que le nouveau compte des opérations de l'assurance-emploi aura un solde nul, et que l'on aura résorbé les déficits.
Le sénateur Campbell : Combien faudra-t-il d'augmentation pour commencer? Quel sera le taux d'augmentation pour parvenir à cet objectif?
M. Hodgson : D'après les prévisions actuelles, le taux de cotisation devra atteindre 2,33 $.
Le sénateur Campbell : À partir de combien?
M. Hodgson : Il est maintenant de 1,73 $. Qu'on se rappelle cependant que ce taux est également le plus bas depuis 1982 et que le gouvernement l'a maintenu en 2010 pour laisser souffler un peu les cotisants pendant la récession.
Le sénateur Campbell : On parle donc en gros d'une majoration de 30 p. 100?
M. Hodgson : En gros, oui.
Le sénateur Campbell : Supposons que la récession perdure et que le gouvernement n'est pas capable d'équilibrer le budget. Le déficit qui continue de se creuser dans le Compte d'assurance-emploi est, de fait, le déficit du gouvernement, n'est-ce pas? Il en est responsable?
M. Hodgson : Les opérations nettes du Compte des opérations de l'assurance-emploi pendant cette année sont consolidées avec les finances de l'État et se retrouvent directement dans le résultat net. Dans la mesure où le Compte d'assurance-emploi ou le Compte des opérations de l'assurance-emploi est déficitaire en une année donnée, ce déficit s'ajoute au résultat net de l'État. Quand l'État est en déficit, le déficit se creuse.
Le sénateur Campbell : L'assurance-emploi doit-il rembourser au gouvernement la dette que celui-ci éponge?
M. Hodgson : C'est le principe de ce mécanisme de capitalisation — au bout d'un certain temps, les cotisations et les coûts du programme doivent s'équilibrer.
Le sénateur Campbell : Supposons, par exemple, qu'il faut quatre ans pour parvenir à l'équilibre, que, à partir d'un trou de 20 milliards, on parvient à l'équilibre en 2014. Tous les excédents, jusqu'à concurrence de 20 milliards, sont remis au gouvernement; est-ce exact?
M. Hodgson : Quand le solde du Compte des opérations de l'assurance-emploi atteint zéro, c'est après des années de déficits et d'excédents qui se neutralisent.
Le sénateur Campbell : Non, il n'y aura eu aucune année d'excédents qui comble le déficit d'ici 2014.
M. Hodgson : Oui, il y en aura. C'est ce qu'on prévoit actuellement.
Le sénateur Campbell : Vous avez dit que le solde serait nul en 2014.
M. Hodgson : Après avoir plongé à moins 13 milliards.
Le sénateur Campbell : Le déficit sera donc entièrement résorbé.
M. Hodgson : Oui, c'est ce qui est prévu.
Le sénateur Campbell : Combien prévoyez-vous rembourser?
M. Hodgson : D'après les prévisions actuelles, le déficit maximal à la fin de 2011 sera de 13,2 milliards de dollars.
Le sénateur Campbell : Et à la fin de 2012?
M. Hodgson : Le déficit cumulatif sera de 11,8 milliards; il sera de 7,3 milliards en 2013; en 2014, il sera nul.
Le sénateur Campbell : C'est bien. Je n'ai jamais retiré de prestations de cette caisse et j'y ai contribué pendant 44 ans. Je pense que je vais rester dans les parages encore quatre ans pour vous relancer afin de faire le point.
Le président : Cette projection de la diminution des déficits et de la dette accumulée se fonde-t-elle sur une majoration de 15 cents, ou bien que cette limite de 15 cents n'est-elle valable que pour deux ans?
M. Hodgson : C'est 15 cents par année pendant quatre ans.
Le président : L'office que nous avons créé ne sera pas très occupé. Il n'aura pas d'excédent à investir et il ne fixera pas les taux de cotisation, parce que ces taux sont déjà fixés pour les trois prochaines années.
M. Hodgson : C'est la projection actuelle. L'Office sera chargé de fixer les taux de cotisation d'après les prévisions de son actuaire en chef, compte tenu des projections économiques actualisées, fournies par le ministre des Finances, et des projections des coûts des prestations du programme, fournies par le ministre de RHDC.
Le président : N'y avait-il pas une majoration, prévue par la loi, de 15 cents par année, pendant au moins deux ans?
M. Hodgson : Non. Aucune majoration n'a été établie par la loi.
Le président : A-t-on annoncé qu'il n'y aurait pas de majoration supérieure à 15 cents au cours des deux prochaines années ou a-t-on donné instruction pour que cela n'arrive pas?
M. Hodgson : Un article de la loi limite à 15 cents les variations annuelles, à la hausse ou à la baisse, du taux de cotisation.
Le président : C'est ce que je voulais dire. Vous avez dit que l'office fixera les taux de cotisation, mais que, en vertu de la loi, la majoration ne peut pas dépasser 15 cents. Ce ne sera pas davantage.
M. Hodgson : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Le programme d'assurance-emploi est-il assujetti à l'examen des programmes?
M. Hodgson : Les prestations légales ne le sont pas. À ma connaissance, aucune prestation légale de programme n'est assujettie à un examen stratégique.
M. Beauséjour : Toutefois, le fonctionnement du programme l'est, c'est-à-dire les méthodes de fonctionnement et, au fond, l'administration efficace des versements d'argent.
Le sénateur Ringuette : Si je ne m'abuse, les frais d'administration du programme, selon les estimations de cette année, se chiffrent à environ 230 millions de dollars. Connaissez-vous leur montant actuel?
M. Beauséjour : Non. Je ne possède pas ce renseignement.
Le sénateur Ringuette : Je pense qu'il est, en gros, de 230 ou de 260 millions de dollars.
M. Hodgson : Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je me souviens qu'il s'élève en gros à environ deux milliards cette année.
Le sénateur Ringuette : De frais d'administration?
M. Hodgson : Oui. Dans les notes budgétaires, où on expose les dépenses, on trouve une note selon laquelle les prestations de l'assurance-emploi représentent 90 p. 100 des dépenses totales du programme d'assurance-emploi. Le reliquat concerne principalement les frais d'administration. Pour 2009-2010 et 2010-2011, on prévoit que les prestations d'assurance-emploi s'élèveront en gros à 22,5 milliards de dollars; 10 p. 100 de ce montant représenteraient 2,2 milliards.
Le sénateur Ringuette : Le nouveau compte prévoit-il l'inclusion des 2 milliards dans l'administration du programme?
M. Hodgson : Oui. On a toujours imputé au Compte d'assurance-emploi les dépenses d'administration. La loi précise ce que l'on peut imputer sur ce compte; cela se limite essentiellement aux prestations et aux frais d'administration de ces prestations.
Le sénateur Ringuette : Le déficit accumulé comprend-il les frais d'administration de 2 à 2,5 milliards de dollars?
M. Hodgson : C'est exact, les frais d'administration sont compris.
Le sénateur Ringuette : Est-ce le seul programme fédéral dont les frais d'administration sont imposés aux utilisateurs?
M. Hodgson : Les frais d'administration du Régime de pensions du Canada sont également imputés sur le compte du régime. À ma connaissance, c'est le seul autre exemple semblable à l'assurance-emploi, où il existe un compte spécial pour le programme dont on débite tous les frais d'administration et les frais de fonctionnement.
Le sénateur Ringuette : Je sais que vous ne pouvez pas formuler d'observations sur les questions de politique; cependant, le gouvernement prend parfois des décisions stratégiques qui influent sur le Programme d'assurance- emploi, soit qu'elles augmentent, soit qu'elles diminuent les prestations. Dans le projet de loi, trouve-t-on des mesures qui, pour les quatre prochaines années, interdisent toutes sortes d'augmentation ou de diminution des prestations?
M. Hodgson : Non. Le projet de loi concerne strictement le financement du programme. Il n'a rien à voir avec la structure des prestations.
Le sénateur Ringuette : Est-il vrai qu'actuellement aucune politique ne permet d'affirmer que le gouvernement actuel réduira ou maintiendra le niveau de cotisation pour neutraliser le déficit en réduisant les prestations versées aux employés?
[Français]
M. Beauséjour : La décision d'augmenter ou de réduire les bénéfices est indépendante de ce projet de loi et de la décision de l'actuaire ou de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada, qui va déterminer les taux de toute décision que le gouvernement pourrait prendre dans l'avenir sur les bénéfices de l'assurance-emploi. Rien ici n'est relié aux bénéfices.
Le sénateur Ringuette : Il y a un maximum de 15 cents par année d'augmentation et on sait que pour les prochaines années, les programmes seront en situation déficitaire de milliards de dollars et pour « balancer les livres », le gouvernement pourrait réduire les bénéfices payables; ce qui est une politique qui n'a rien à voir avec les résultats de l'actuaire comme vous le mentionniez.
Rien dans ce projet de loi n'empêche le gouvernement de changer les politiques, les règlements de bénéfices, que ce soit de façon positive ou négative pour les contribuables.
[Traduction]
M. Hodgson : Tous les changements que vous avez mentionnés exigeraient une modification de la Loi sur l'assurance-emploi, qui devrait être adoptée par le Parlement. Le gouvernement ne peut pas modifier les paramètres du programme d'assurance-emploi, par exemple la durée des prestations et leurs montants, sans modifier la Loi sur l'assurance-emploi.
Le sénateur Ringuette : J'ai une autre série de questions. Parfois, l'employeur contribue en trop à l'assurance-emploi. Cette contribution en trop est établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces contributions se retrouvent-elles dans le Trésor ou dans le compte proposé des opérations de l'assurance-emploi?
M. Hodgson : Tout excédent, que se soit sous la forme de contributions en trop de la part des employés ou des employeurs ou de recettes de cotisations ordinaires, est réputé être une recette de cotisation. Il retourne au Trésor, et on l'enregistre dans le Compte des opérations de l'assurance-emploi. Dans la mesure où ces contributions dites excédentaires font partie de ces recettes de cotisations et qu'il y a excédent au bout de l'année, cet excédent, y compris toutes les contributions excédentaires, sera transféré à l'office pour être placé jusqu'au moment où il pourra retourner aux cotisants.
Le sénateur Ringuette : La Loi sur l'impôt sur le revenu renferme des dispositions concernant l'assurance-emploi. Par exemple, le contribuable dont le revenu annuel est de 60 000 $ et qui reçoit des prestations d'assurance-emploi doit en rembourser une partie. Ce remboursement est-il fait au Trésor ou retourne-t-il dans le Compte des opérations de l'assurance-emploi proposé dans le projet de loi C-9?
M. Beauséjour : Faites-vous allusion aux dispositions de la Loi sur l'impôt sur le revenu concernant le remboursement? Si j'ai bien compris, le remboursement des prestations d'assurance-emploi retourne au Compte d'assurance-emploi et au Compte des opérations de l'assurance-emploi.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous vérifier cela?
M. Beauséjour : Volontiers.
Le sénateur Ringuette : La dernière fois que je me suis informée à ce sujet, l'Agence du revenu du Canada ne s'est pas montrée très empressée. Pourriez-vous trouver pour nous le montant total des prestations versées en trop et le montant qui a été remboursé?
M. Hodgson : C'est enregistré dans le Compte d'assurance-emploi. Les remboursements de prestations reçus des demandeurs ayant un revenu élevé sont enregistrés dans les rentrées nettes de fonds du compte d'assurance-emploi pour l'année où ils ont lieu.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous donner un montant approximatif?
M. Hodgson : J'ai ici un exemplaire des Comptes publics pour 2009, qui montre que le montant était de 149,6 millions de dollars, dans le contexte d'un programme qui, cette année là, totalisait 18 milliards de dollars.
Le sénateur Ringuette : Au début de l'année, une personne pourrait toucher de l'assurance-emploi et, en mai-juin, décrocher un contrat juteux de 150 000 $ par année. Elle devrait rembourser toutes les prestations qu'elle aurait touchées.
M. Hodgson : Cela se peut.
Le sénateur Murray : Ai-je bonne mémoire si je me rappelle que la Caisse de l'assurance-emploi a déjà servi non seulement à verser des prestations aux chômeurs, mais également à financer des mesures « positives », par exemple des programmes de formation, et cetera?
M. Hodgson : Oui. Des mesures actives d'aide à l'emploi font partie du programme d'assurance-emploi. Ce sont notamment la formation, l'aide au travail indépendant et l'aide à la recherche d'emploi. Elles en font partie depuis des décennies.
Le sénateur Murray : Y a-t-il d'autres mesures? Je pensais qu'on en avait ajouté d'autres.
[Français]
M. Beauséjour : Maintenant, tous ces programmes sont offerts par les gouvernements provinciaux.
Le sénateur Murray : C'est financé par qui?
M. Beauséjour : On a des Labour Market Development Agreements avec les provinces. C'est financé par l'assurance-emploi, mais les fonds sont transférés aux provinces, et les provinces sont en charge maintenant de développer ces mesures actives
Le sénateur Murray : Mais, le financement vient du fédéral.
M. Beauséjour : Tout à fait, pour les travailleurs qui sont sur l'assurance-emploi
Le sénateur Murray : Quelle est la proportion des fonds?
[Traduction]
M. Hodgson : Pour les mesures prévues dans la partie II de la Loi sur l'assurance-emploi, on transfère chaque année aux provinces et aux territoires environ 1,95 milliard de dollars.
Le sénateur Murray : Ces mesures sont des mesures actives d'aide à l'emploi.
M. Hodgson : Oui. Elles comprennent les mesures de soutien des prestations.
Le sénateur Murray : Ce montant est-il le total qui concerne ces mesures?
M. Hodgson : Oui. C'est 1,95 milliard de dollars pour toutes ces mesures.
Le président : Je me souviens que, dans le projet de loi d'exécution du budget de l'année dernière, il se trouvait un certain nombre de programmes spéciaux de courte durée, tels que les cinq semaines supplémentaires pour les chômeurs, qui n'ont duré qu'une année et demie. N'y avait-il pas une disposition pour laquelle le gouvernement a estimé un coût supplémentaire et pour laquelle il fallait déterminer un montant et le verser dans un compte?
M. Hodgson : C'est exact.
Le président : Cela s'ajoute aux 2 milliards de dollars dont nous avons parlé.
M. Hodgson : Vous avez raison. Je suis désolé; cela m'avait échappé. Au moment de l'adoption du budget de 2009, on a estimé le coût des mesures prévues dans le Plan d'action économique pour l'assurance-emploi à 2,9 milliards de dollars. La Loi de mise en œuvre du budget de 2009 donnait au ministre des Finances le pouvoir de créditer à la Loi sur l'assurance-chômage le coût estimé actualisé de ces mesures au 1er août, je crois. Le coût des mesures supplémentaires de courte durée prévues par le Plan d'action économique ne sera pas recouvré grâce aux futures cotisations.
Le président : Votre calcul du montant du déficit accumulé...
M. Hodgson : ... ne comprend pas ce coût.
Le sénateur Finley : Plus tôt, au cours de la séance, j'ai cité un rapport, mais personne ne semblait en avoir entendu parler, si ce n'est mon bon ami le sénateur Murray. J'aimerais le déposer pour l'édification du comité. En prime, je joins un rapport économique de la Banque TD, qui arrive aux mêmes conclusions.
Le président : Le rapport du professeur Courchesne. A-t-il rédigé les deux?
Le sénateur Finley : Non. Le deuxième est des Services économiques TD.
Le président : Deux têtes avec la même opinion ou deux articles produits par la même tête.
Le sénateur Finley : Deux articles différents.
Le président : Nous avons hâte de les recevoir.
Essentiellement, vous expliquez que le gouvernement souhaite remettre la comptabilité à zéro, à la faveur d'un nouveau compte, le Compte des opérations de l'assurance-emploi. C'est toujours un compte théorique, comme le Compte d'assurance-emploi existant, qu'il remplace, et qui permet le suivi des dépenses.
Depuis combien de temps le Compte d'assurance-emploi existe-t-il?
M. Hodgson : Je n'en suis pas certain. Je pourrais m'informer. Je me souviens que cette méthode de comptabilité pour le Programme d'assurance-emploi de l'époque a débuté en 1972, au moment où le programme était notablement élargi, enrichi et radicalement réorganisé. Si j'ai bien compris, ce compte remonte à 1972. Je pourrais vous le confirmer.
Le président : Vous le pourriez? Je suppose que quelqu'un qui ferait l'analyse des excédents ou des déficits de ce compte remonterait à ses débuts.
M. Hodgson : Oui, parce que, dès le début, c'était un compte cumulatif.
Le président : Chers sénateurs, je voudrais remercier MM. Louis Beauséjour et Mark Hodgson de nous avoir aidés à comprendre la partie 24.
Nous allons suspendre les travaux, puis nous reviendrons à 18 heures pour nous occuper de la partie 15, sur la Loi sur la Société canadienne des postes, et la partie 20, sur l'évaluation environnementale.
(La séance est levée.)