Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 12 - Témoignages du 23 juin 2010
OTTAWA, le mercredi 23 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 9 h 2, pour examiner cette mesure législative.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte. Je remercie tous les honorables sénateurs de leur présence.
Le vice-président m'a demandé que nous tenions une séance à huis clos. J'ai accepté, et si vous êtes aussi d'accord, nous pourrions tenir cette réunion au moment où nous changerons de groupe de témoins. Le premier groupe sera ici pendant une heure et demie, après quoi nous tiendrons une courte réunion à huis clos avant d'entendre le deuxième groupe.
Le sénateur Ringuette : Pour quelle raison devons-nous tenir cette séance à huis clos et retarder ainsi la comparution de nos témoins? N'est-ce pas quelque chose que nous pourrions régler à la fin de la séance d'aujourd'hui?
Le président : Êtes-vous d'accord pour que nous tenions cette séance à la fin, de façon à ne pas faire attendre nos témoins?
Le sénateur Gerstein : Je n'y vois aucun inconvénient. Cela me convient. Merci de l'avoir proposé.
Le président : Ainsi, nous tiendrons une réunion à huis clos au terme de la séance d'aujourd'hui. Je demanderais à tous les honorables sénateurs de ne pas l'oublier.
Le sénateur Murray : Pour qu'il n'y ait pas de malentendu concernant ce que nous nous apprêtons à faire, j'aimerais connaître la raison pour laquelle nous voulons tenir une séance à huis clos; est-ce pour discuter de personnes, d'employés du Sénat ou autres choses du genre, ou bien est-ce pour examiner les travaux futurs du comité?
Le sénateur Gerstein : C'est pour se pencher sur les travaux futurs du comité.
Le sénateur Murray : Merci.
[Français]
Le président : Ceci est la 12e réunion concernant le projet de loi C-9, Loi d'exécution du Budget de 2010.
[Traduction]
Au cours des 10 séances précédentes, ce comité a entendu le ministre des Finances ainsi que des fonctionnaires du ministère venus expliquer les dispositions de chacune des 24 parties de ce projet de loi. Nous avons également commencé à entendre des intervenants externes qui s'intéressent à cette mesure législative ou sont visés par elle.
Ce matin, nous allons continuer d'examiner les questions entourant Énergie atomique du Canada limitée, ou EACL, en regard de la partie 18 du projet de loi.
Notre premier groupe d'experts est composé de M. David Shier, président du Conseil canadien des travailleurs du nucléaire ou CCTN; de Michael Ivanco, vice-président de la Société des ingénieurs professionnels et associés; de Peter Routliff, représentant international de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, ou FIOE; et de Rodney Sheppard, président de la Society of Energy Professionals.
[Français]
Nous accueillons également Jacques Dubois, président du Conseil du district de l'Est du Canada, Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d'armature.
[Traduction]
Nous disposons de 90 minutes. Je vous demanderais donc de poser des questions succinctes.
Monsieur Shier, soyez le bienvenu. Veuillez commencer.
David Shier, président, Conseil canadien des travailleurs du nucléaire : Je vous ai apporté des copies de mon allocution. Je vous prie de m'excuser si elles ne sont qu'en anglais. Le Conseil canadien des travailleurs du nucléaire produit la plupart de ses documents dans les deux langues officielles, mais compte tenu du peu de temps dont je disposais, je n'ai pas voulu envoyer à mon traducteur à minuit hier soir un document à traduire pour ce matin. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité. Je m'appelle David Shier. Je suis président du Conseil canadien des travailleurs du nucléaire. Je suis également président de la Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines et des industries diverses, ou ICEM, une organisation basée à Genève; je suis aussi agent pour le secteur nucléaire auprès du Syndicat des Travailleurs et des Travailleuses du Secteur Énergétique.
Le CCTN est un conseil de syndicats qui représente des membres travaillant dans l'industrie nucléaire canadienne. La liste de nos membres figure à la page 3 de mon mémoire.
Le conseil a été formé en 1993 afin de donner une tribune et une orientation organisées pour exposer les opinions et les intérêts des travailleurs syndiqués de tous les secteurs d'une industrie diversifiée présente dans cinq provinces au Canada. Le CCTN s'efforce de relayer les opinions de ses membres dans le débat entourant l'énergie nucléaire. Le conseil entretient un dialogue avec d'autres organisations syndicales pour assurer le soutien de notre industrie, expliquer les problèmes liés au nucléaire et corriger les idées fausses au sujet de l'énergie nucléaire. Vous trouverez une copie de nos objectifs à la page 4.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour donner notre avis sur le projet de loi C-9, particulièrement en ce qui concerne EACL. La majorité des syndicats, à EACL, sont membres du CCTN. Étant donné que deux des autres témoins qui comparaîtront aujourd'hui sont membres du conseil, je vais me concentrer sur les perspectives nationale et internationale, et je laisserai à ces personnes le soin de traiter de questions plus spécifiques.
Le CCTN s'est intéressé à la question d'EACL dans son dernier bulletin; j'ai d'ailleurs joint une copie de l'article à mon mémoire pour information.
Nous y disons que les Canadiens vont s'inquiéter de la sécurité entourant la technologie nucléaire au Canada si EACL devient une société complètement privée. Pour ce qui est des avantages, le CCTN ne croit pas que la privatisation d'EACL favorisera la création d'emplois, permettra de maintenir les emplois actuels, de soutenir davantage l'économie ni de mieux vendre la technologie nucléaire canadienne dans le monde.
Les prévisions indiquent que la fabrication de nouveaux réacteurs au Canada et à l'étranger entraînerait la création de milliers d'emplois au pays, mais nous ajoutons que ce ne sera possible que si le gouvernement du Canada continue de détenir une importante participation dans les intérêts d'EACL.
Chercher à réduire le risque financier qui pèse sur les contribuables est un objectif louable; toutefois il ne faut pas que cela se fasse au détriment de l'économie canadienne, mais en s'assurant que la technologie CANDU continue d'être un modèle de réussite canadienne. D'autres pays comme la France, la Finlande et le Japon comprennent l'importance de leur technologie nucléaire dans leur économie; c'est la raison pour laquelle ils soutiennent leur industrie nucléaire.
Une partie de la classe politique américaine est en train d'essayer d'augmenter les garanties de prêts financés par les contribuables de dizaines de milliards de dollars pour les nouvelles centrales nucléaires. Cela permet de soutenir les technologies américaines tout en favorisant la production d'électricité en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Ces gouvernements tirent clairement des avantages économiques et environnementaux substantiels des nouveaux projets de production d'énergie nucléaire.
Sur la scène internationale, EACL est une entreprise respectée qui offre un bon produit. Le fait que l'avenir d'EACL demeure incertain a un effet négatif important sur les commandes futures de nos réacteurs nucléaires CANDU. Nous demandons donc instamment au gouvernement de corriger cette situation le plus rapidement possible, afin que nous puissions dire une fois de plus que le Canada est disposé à faire des affaires dans l'industrie nucléaire.
En guise de conclusion, je dirais que nous croyons que le gouvernement canadien doit conserver une participation importante dans EACL pour que l'industrie nucléaire canadienne survive.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité et nous serons ravis de répondre à toutes vos questions.
Peter Routliff, représentant international, Fraternité internationale des ouvriers en électricité : Moi aussi, je suis heureux d'être ici ce matin et je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous me donnez de présenter mon point de vue sur le projet de loi C-9 et la vente d'EACL.
J'ai également fourni une copie de mon mémoire. Je suis représentant international de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, ou FIOE.
Nous représentons environ 63 000 membres au Canada et à peu près 730 000 membres ailleurs dans le monde, qui travaillent essentiellement dans la construction d'installations électriques et les services publics d'électricité. Nous représentons également les électriciens et les techniciens en instrumentation de Chalk River, les employés de Point Lepreau et des milliers d'électriciens qui travaillent dans la construction de centrales nucléaires au Canada et qui s'affairent actuellement à la remise en état des installations de Point Lepreau et de la centrale de Bruce.
Pour commencer, je vais vous parler du projet de loi C-9. Je crois que le fait d'avoir compliqué le projet de loi budgétaire avec des questions comme celles entourant EACL, Postes Canada et l'environnement est tout simplement une mauvaise idée. Dissimuler des enjeux aussi importants dans un projet de loi budgétaire est, selon moi, irresponsable. Je crois notamment que la façon dont la vente éventuelle d'EACL est exposée, sans aucune transparence pour ce qui est de la transaction, entache notre processus législatif. Quoi qu'il en soit, je suis ici pour parler d'EACL et de sa technologie.
Je sais qu'il est inutile que je vous dise qu'EACL donne énormément de travail aux Canadiens; je n'ai pas non plus besoin de vous parler de la qualité exceptionnelle de la conception d'EACL, pas plus que des débouchés pour les technologies nucléaires dans les domaines de la santé et de l'agroalimentaire, d'autres technologies et, bien sûr, des occasions à saisir dans le domaine de la production électrique.
Il est nécessaire de construire de nouvelles centrales énergétiques dans le monde, et je n'ai pas besoin de vous dire qu'EACL est reconnue comme un chef de file mondial dans la conception nucléaire avec son réacteur CANDU. Les occasions de construction et de remise à neuf n'ont jamais été aussi prometteuses. Je suis également sûr que le gouvernement a été un peu échaudé par la situation que connaît actuellement EACL avec ses problèmes de production d'isotopes, et nous avons entendu dire que les travaux de rénovation à la centrale de Bruce et à Point Lepreau sont lourds de conséquence. Cette situation n'est pourtant pas inhabituelle dans ce secteur; EACL est dans une phase d'apprentissage. Elle est en train de prendre de l'expérience en rénovation. Elle a toutefois besoin d'investissements pour l'aider à régler les problèmes entourant le développement de ses compétences en la matière.
N'oublions pas qu'EACL entreprend des travaux de rénovation pour la première fois, et que ce n'est pas un jeu d'enfant. C'est un travail extrêmement compliqué. N'importe quelle entreprise devrait investir dans le développement de ces compétences et secteurs d'activités, mais il semble que le gouvernement actuel soit impatient. Il veut obtenir immédiatement un rendement sur le capital investi; mais l'industrie nucléaire ne fonctionne pas de cette manière. Ses retombées ne se mesurent pas en années, mais en décennies. Il faut compter une décennie à partir du moment où germe l'idée d'une construction jusqu'au moment où la centrale se connecte au réseau et devient opérationnelle. La centrale fonctionne ensuite pendant environ 25 à 30 ans avant d'être déclassée ou remise à neuf.
Les compétences qu'acquiert actuellement EACL lui seront utiles pour les décennies à venir, particulièrement quand on connaît l'état des installations américaines et que l'on sait que les compétences en rénovation d'EACL ainsi que les équipements et techniques connexes conçus pour ces rénovations pourront être utilisés et seront rentables pour EACL dans l'avenir.
Ne perdons pas non plus de vue le fait que même aujourd'hui, les compétences que développe EACL à Point Lepreau sont utilisées sur le site de Corée, où les rénovations se font dans les délais et selon le budget prévus. EACL est en train d'apprendre et de mettre ses compétences en pratique en obtenant déjà un rendement sur les investissements.
Franchement, je crois qu'il peut être difficile pour les gens de comprendre l'ampleur du travail que cela représente. On est en train de mettre au point des centaines de nouvelles pièces d'équipement et des techniques, ce qui contribue à bâtir notre expérience en innovation au Canada.
Néanmoins, ce genre de travail crée parfois des problèmes. À Point Lepreau, par exemple, il y a environ 2 000 travailleurs sur place au moment où je vous parle, et la coordination de ces travailleurs peut s'avérer difficile, particulièrement lorsqu'il y a des retards. Un léger retard peut avoir des répercussions importantes sur la productivité. C'est ce qui s'est produit aux installations de Point Lepreau et de Bruce. J'en veux pour exemple l'usinage des outils nécessaires pour réaliser le travail. C'était un nouveau défi. Des changements imprévus et des modifications pendant les travaux ont également entraîné des retards. En outre, dans certains cas, l'attention d'EACL s'était concentrée sur le développement d'équipements de robotique incroyablement complexes, ainsi que d'outils et de techniques, laissant la coordination des travailleurs à des personnes qui n'étaient parfois pas habituées à gérer des gens de métier dans des disciplines multiples.
Comme je l'ai dit précédemment, cela fait partie de l'apprentissage, mais nous, à la FIOE et dans les métiers de la construction, ainsi que nos employeurs, prenons des mesures pour trouver des façons d'améliorer nos méthodes de travail. Par exemple, la rénovation des installations de Bruce se fait pendant que la moitié de la centrale demeure en activité. Nous sommes tous arrivés à la conclusion que si les systèmes d'alimentation électrique étaient isolés du reste des travaux de rénovation, on pourrait faire des gains de temps considérables. De plus, on a envisagé de jumeler des gens de métier avec des concepteurs pour avoir une perspective pratique de la situation et minimiser les risques de retard.
À Point Lepreau, on a également discuté de la possibilité d'adopter des approches plus pratiques en matière de conception d'outils. Par exemple, concevoir un outil devant durer 30 ans pour faire un travail qui prendra six mois est généralement peu pratique — cela fait partie de la courbe d'apprentissage — et des employés d'Énergie NB, à Point Lepreau, ont opté pour la souplesse professionnelle et la polyvalence des compétences.
Il ne fait aucun doute qu'il y a eu des problèmes, mais ce sont là les difficultés auxquelles on doit s'attendre à faire face lorsqu'on exécute des travaux de cette envergure pour la première fois, et on a trouvé des solutions. Vendre EACL maintenant reviendrait à jeter le bébé avec l'eau du bain. Au besoin, il existe d'autres options que la vente d'EACL. Si le gouvernement doit résoudre les problèmes et qu'il ne veut pas attendre son retour, alors il pourrait trouver un partenaire canadien approprié, garder la technologie au Canada, ou peut-être vendre la propriété aux Canadiens par l'entremise d'une structure de partage des actions ou un contrat de location pour l'exploitation.
Il y a des options, mais je peux garantir qu'une fois la vente conclue, nous ne pourrons pas revenir en arrière, et si l'entreprise est vendue à une autre société nucléaire, nous savons qu'un concurrent ne verra pas l'utilité de garder un deuxième type de technologie. Cela ne se produira pas, à tout le moins pas au cours de la première année ni même peut-être dans la cinquième année, mais je peux vous garantir qu'EACL sera reléguée aux oubliettes, comme le Avro Arrow l'a été. Ce sera là encore une énorme erreur commise par des décideurs canadiens qui ne pensent qu'à court terme et qui prennent leurs décisions à partir de bilans financiers à court terme.
La FIOE, les ouvriers du bâtiment, les entrepreneurs et les propriétaires veulent que ce projet fonctionne, et nous nous employons à trouver de meilleures façons de faire des affaires. Hormis tout cela, vendre EACL à l'heure actuelle n'a aucun sens. De façon générale, une entreprise se départirait de ses actifs lorsque la valeur de ceux-ci est élevée.
La vente d'EACL à l'heure actuelle, alors que le bilan financier indique que la société en est à ce stade, réduira la valeur de l'entreprise. Les Canadiens n'obtiendront pas un juste prix pour leur actif. Du point de vue des affaires, il n'est pas logique de se départir d'EACL en ce moment, compte tenu de l'incidence que la vente aura sur les dizaines de milliers de Canadiens qui sont tributaires de l'industrie nucléaire pour gagner leur vie et subvenir aux besoins de leur famille.
Pour bien des raisons, y compris celles que j'ai invoquées aujourd'hui, j'espère sincèrement que la vente d'EACL ne se concrétisera pas, et je remercie le comité d'accorder au dossier toute l'attention qu'il mérite. Je serai évidemment ravi de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Routliff. Nous vous sommes reconnaissants des commentaires que vous avez formulés. Je cède maintenant la parole à M. Ivanco.
Michael Ivanco, vice-président, Société des ingénieurs professionnels et associés : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis le vice-président de la Société des ingénieurs professionnels et associés, la SIPA. Je travaille également comme scientifique pour Énergie atomique du Canada limitée, EACL.
La SIPA représente des ingénieurs, des scientifiques, des techniciens et des technologues qui travaillent pour la division du réacteur CANDU d'EACL. Nos membres travaillent en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et partout dans le monde. À l'heure actuelle, un grand nombre d'entre eux se trouvent en Corée du Sud. Ensemble, nous constituons la majeure partie de l'expertise en matière de conception dans le domaine nucléaire au Canada. En effet, la propriété intellectuelle associée à la conception CANDU appartient principalement à nos membres.
La partie 18 du projet de loi C-9 renferme des dispositions qui autorisent la vente d'EACL, mais ce sont essentiellement nos membres qui sont à vendre. Comme société, la division du réacteur CANDU d'EACL compte peu de brevets. Elle détient peu d'actifs matériels, tels que des immeubles ou des biens. La vente se veut principalement un transfert des connaissances, des compétences et de l'expérience des employés qui y travaillent, c'est-à-dire nos membres. C'est pourquoi nous portons un vif intérêt au projet de loi.
En réaction aux occasions d'affaires croissantes dans le monde entier, nos concurrents ont procédé à des restructurations. En Russie, par exemple, Atomenergoprom, une société d'État, a noué un partenariat de collaboration avec Gazprombank, la plus importante banque privée du pays, pour créer Atomstroyexport. Ce consortium a été le candidat retenu dans le cadre d'un appel d'offres pour construire de nouveaux réacteurs au Vietnam.
En Corée, la société d'État Korea Electric Power Corporation, KEPCO, a formé un partenariat avec Doosan Heavy Industries and Construction, Hyundai Heavy Industries et Samsung Heavy Industries. On leur a récemment adjugé un contrat de 20 millions de dollars pour construire quatre réacteurs dans les Émirats arabes unis.
La semaine dernière, on a appris que le gouvernement japonais formait un consortium pour opposer une concurrence sur le marché de l'exportation. Ce consortium sera dirigé par le gouvernement, qui participera aux capitaux. Le partenariat sera composé de trois entreprises d'approvisionnement en électricité et de trois sociétés privées, à savoir Hitachi, Toshiba-Westinghouse et Mitsubishi Heavy Industries.
Tous ces consortiums sont soit des projets appartenant au gouvernement soit des partenariats public-privé dirigés par le gouvernement où les parties partagent à la fois les risques et les bénéfices. Toutefois, les partenaires du secteur privé savent que les capitaux du gouvernement et les partenariats avec le gouvernement offrent une crédibilité à long terme auprès des acheteurs éventuels de réacteurs nucléaires. Un réacteur nucléaire constitue un investissement stratégique de 60 à 100 ans, et l'acheteur doit savoir que le vendeur appuiera le produit à long terme.
Ces restructurations placeront la Corée du Sud, le Japon et la Russie dans une bonne position pour faire concurrence à la société d'État AREVA, établie en France, qui est le plus important fournisseur au monde dans le domaine nucléaire.
En réaction au remaniement du secteur nucléaire mondial, le gouvernement du Canada a entrepris la restructuration d'EACL. En décembre 2009, la banque Rothschild, avec laquelle le gouvernement a passé un marché pour gérer la restructuration d'EACL, a rendu public un sommaire des investissements. Le document a relevé trois principaux objectifs stratégiques. Premièrement, le Canada a besoin d'options économiques sûres et fiables pour répondre à ses besoins énergétiques et environnementaux. Deuxièmement, les coûts que le gouvernement du Canada doit assumer pour financer l'industrie nucléaire doivent être contrôlés et le rendement de ses investissements doit être maximisé. Troisièmement, le résultat final et la structure d'EACL devraient permettre à l'industrie nucléaire canadienne de saisir les occasions à l'échelle nationale et mondiale.
Nous souscrivons à ces objectifs et nous reconnaissons la nécessité de procéder à une restructuration. Toutefois, la SIPA craint que le processus établi par le gouvernement soit axé sur une opération financière simple qui ne permettra pas d'atteindre les objectifs stratégiques énoncés ou d'assurer une utilisation optimale de l'argent des Canadiens, qui ont investi dans la mise au point de cette technologie.
En effet, la SIPA a su que le gouvernement avait l'intention de vendre la totalité d'EACL au secteur privé. Ainsi, EACL deviendrait une entreprise privée en concurrence avec quatre consortiums appartenant au gouvernement ou dirigés par le gouvernement, de même qu'avec Générale électrique, la deuxième société en importance au monde dont les revenus annuels dépassent le PIB de la plupart des pays. Devant une telle concurrence, une entreprise nucléaire privée canadienne n'a vraiment aucune chance de vendre un réacteur sur le marché international.
La SIPA croit que les trois objectifs stratégiques énoncés dans le sommaire des investissements préparé par la banque Rothschild sont bel et bien un contrat avec les Canadiens et que le gouvernement est tenu de les réaliser. Toutefois, à notre connaissance, personne de l'équipe chargée de la restructuration à la banque Rothschild ne peut offrir des conseils sur ces questions. Aucun des objectifs stratégiques n'est complètement lié à la valeur financière de la transaction, et pourtant, il semble y avoir un grand nombre de conseillers qui se concentrent entièrement sur cet aspect précis de la transaction.
Ce déséquilibre nous porte à croire que le processus n'est pas conçu pour réaliser les objectifs stratégiques. Le processus est gardé sous le sceau du secret et personne au Canada n'aura la chance de commenter le résultat avant qu'il soit trop tard.
Cela pourrait fort bien donner lieu à un résultat inapproprié : la perte éventuelle de l'industrie nucléaire canadienne, de ses emplois canadiens, voire une perte de la production d'énergie électrique en Ontario, si la masse critique de l'expertise dans le domaine nucléaire au sein d'EACL qui assure l'exploitation sûre des centrales nucléaires est dispersée.
Il s'agit d'un problème d'une telle envergure que l'économie canadienne s'effondrerait vraisemblablement si c'était le cas, ce qui susciterait de vives inquiétudes au sein de la population canadienne.
Le projet de loi C-9 donne carte blanche au Cabinet pour qu'il se défasse à sa guise de la plus grande société d'État en importance, et ce, sans que le Parlement exerce une surveillance. Imaginez que vous donnez à un agent d'immeuble la permission de vendre votre maison sans que vous acceptiez les modalités de la vente. Par l'adoption du projet de loi C-9, c'est ce que le gouvernement vous demande de faire en ce qui a trait à EACL.
La société EACL, qui a été créée par l'entremise d'une loi du Parlement en 1952, sera dissoute par le truchement d'une décision du Cabinet, et le Parlement n'aura pas voix au chapitre. À nos yeux, c'est un simulacre de démocratie.
La loi qui autorise la restructuration d'EACL devrait permettre au gouvernement de mettre en œuvre la restructuration de manière rapide et efficace, tout en assurant d'atteindre les objectifs stratégiques énoncés. Nous recommandons qu'une équipe pleinement qualifiée procède à l'examen des possibilités de restructuration et qu'elle compte des représentants de l'industrie, des employeurs et des exploitants actuels de réacteurs CANDU. Nous croyons qu'il serait approprié que l'équipe soit composée de représentants de toutes les parties en cause. Nous estimons qu'il faudrait accorder une valeur appropriée aux critères d'évaluation et que ceux-ci devraient être cotés par les membres compétents de l'équipe. Enfin, les résultats de l'évaluation devraient être rendus publics pour démontrer à la population canadienne que les objectifs stratégiques énoncés ont été remplis.
Sans ces freins et contrepoids, les Canadiens n'auront aucune preuve ou aucune certitude que la restructuration d'EACL sera bénéfique pour le pays. Le Canada a mis au point une technologie nucléaire unique et il est l'un des six pays au monde qui font partie du prestigieux cercle de constructeurs de réacteurs nucléaires — tous des membres du G8. Nos sept derniers projets de construction, menés au cours des 20 dernières années, ont été réalisés dans le respect des délais et du budget. Des 440 réacteurs qui existent dans le monde, 3 réacteurs CANDU figurent parmi les 5 meilleurs pour ce qui est de la durée de vie utile. Le Canada ne cède pas sa place pour ce qui est de sa technologie.
Nous vous exhortons à supprimer la partie 18 du projet de loi C-9 et à laisser au Parlement le soin de décider du sort d'EACL, la pierre angulaire de l'industrie nucléaire canadienne. Il devrait incomber au Parlement et non pas au Cabinet de décider de l'avenir d'EACL.
Rodney Sheppard, président, The Society of Energy Professionals : Bonjour, monsieur le président, et bonjour à vous, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter des questions que nous jugeons importantes relativement à la vente d'EACL.
En plus d'être le président de la Society of Energy Professionals, je siège également au conseil d'administration de l'Association nucléaire canadienne, bien que je ne témoigne pas aujourd'hui à ce titre.
La Society of Energy Professionals représente plus de 8 000 employés du secteur hydroélectrique de l'Ontario, ce qui comprend des ingénieurs, des scientifiques, des superviseurs et des spécialistes financiers. Nos membres travaillent pour Ontario Power Generation Inc, OPG, Hydro One Inc., Bruce Power, l'Independent Electricity System Operation, l'IESO, la Commission de l'énergie de l'Ontario, la CEO, l'Office de la sécurité des installations électriques, l'OSIE, et d'autres employeurs clés du secteur de l'électricité.
Plus de 53 p. 100 de nos membres œuvrent dans l'industrie nucléaire de l'Ontario. Tous ces membres participent à l'exploitation et à la gestion des réacteurs CANDU. Nous sommes fiers de l'expertise et des connaissances que nous apportons à l'industrie nucléaire ontarienne et nous croyons que la société peut jouer un rôle dans le débat entourant la restructuration et la vente d'EACL.
Nous sommes ici aujourd'hui pour faire part de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-9 et de ses parties qui permettent qu'EACL fasse l'objet d'une restructuration sans avoir fait d'examen détaillé ni tenu un vaste débat public.
Le projet de loi C-9 octroiera au ministre des Ressources naturelles le pouvoir absolu de vendre la technologie nucléaire canadienne. Nous craignons que cette vente limite la croissance de l'industrie nucléaire canadienne et entraîne l'exportation d'emplois hautement qualifiés et bien rémunérés, au moment où les gouvernements cherchent des solutions énergétiques propres et fiables et des emplois verts.
Permettez-moi de vous rappeler certains des faits qui mettent en évidence l'importance de l'industrie nucléaire au Canada. Il s'agit d'une industrie qui génère 6,6 milliards de dollars par année, qui emploient plus de 71 000 personnes dans des postes bien rémunérés et hautement qualifiés, y compris 17 000 emplois directs et 54 000 emplois dans des industries connexes.
L'industrie nucléaire verse plus de 1,5 milliard de dollars en impôt, et en Ontario seulement, nos 4 300 membres paieront environ 131 millions de dollars en impôt provincial et fédéral sur le revenu en 2010.
L'industrie nucléaire au Canada génère 15 p. 100 des besoins énergétiques du pays par l'entremise de la production électrique sans émissions, dont la demande continuera d'augmenter au fur et à mesure que la population du Canada croîtra; par ailleurs, l'industrie nucléaire produit 50 p. 100 de l'approvisionnement mondial en isotopes médicaux.
Chez nous, nous savons que les emplois dans l'industrie sont stimulants, caractérisés par une forte concentration de savoir et sont bien rémunérés — que ce sont de bons emplois. En ces temps où la situation économique est difficile, le gouvernement devrait chercher à protéger et à multiplier ce genre d'emplois. Nous savons que la demande mondiale en énergie nucléaire s'accroît, étant donné l'augmentation des besoins énergétiques et des préoccupations environnementales. Les pays qui sont prêts à répondre à cette demande profiteront d'une croissance économique et de la création d'emplois. Le Canada est sur le point de compter parmi ces pays, si les décisions qui seront prises ici aujourd'hui sont les bonnes.
La technologie et l'expertise d'EACL permettent au Canada d'occuper une position avantageuse sur le nouveau marché mondial de l'énergie. Chaque année, le Canada vend pour plus de 5 milliards de dollars de technologie nucléaire dans le monde entier, et il est perçu comme un chef de file dans le domaine. Trente-quatre réacteurs nucléaires CANDU sont en activité à l'échelle du globe. Étant donné la demande croissante dans les puissances économiques émergentes pour une énergie propre et fiable, la demande pour notre technologie ne fera qu'augmenter. Même le gouvernement de l'Ontario a fait savoir qu'il désirait acheter d'autres réacteurs nucléaires CANDU pour sa nouvelle centrale.
Nous sommes venus témoigner devant le comité pour faire entendre notre voix. Nos objectifs sont simples. Tout d'abord, nous voulons nous assurer que le Canada continue de faire sa marque dans l'industrie de l'énergie nucléaire; qu'il conserve sa réputation de chef de file en matière de conception et d'exploitation dans ce domaine. Pour ce faire, il faut que le Canada protège ses avoirs nucléaires et qu'il veille à ce que les emplois actuels hautement spécialisés et de grande qualité dans cette industrie soient maintenus et que d'autres soient créés. Ensuite, nous désirons nous assurer que le Canada ne finira pas par jouer un rôle secondaire dans l'industrie nucléaire, ce qui se produirait si une part importante de la recherche et de la conception était effectuée à l'étranger. En troisième lieu, nous voulons préserver l'apport canadien à l'industrie nucléaire et en augmenter l'importance, de même que nous assurer que la chaîne d'approvisionnement nationale en énergie nucléaire demeure intacte. Enfin, nous voulons alimenter le débat public entourant la vente d'EACL et de ses actifs.
Pour conclure, nous craignons que, si le projet de loi C-9 est adopté tel qu'il est, le gouvernement puisse décider unilatéralement de l'avenir de l'industrie nucléaire canadienne. Nous comprenons que la structure actuelle d'EACL n'est pas viable à long terme. Toutefois, nous craignons que la vente complète d'EACL à des intérêts étrangers mette en péril plus de 70 000 emplois canadiens bien rémunérés et de grande qualité dans le domaine nucléaire. Dans le projet de loi, la valeur réelle de la technologie CANDU n'est pas considérée comme un élément de l'actif, mais plutôt comme un élément du passif.
Le Canada est un chef de file en matière d'énergie nucléaire, et il peut continuer à l'être. Nous demandons au gouvernement de réfléchir à cela et de considérer la position des parties intéressées dans le domaine nucléaire lorsqu'il se penchera sur la restructuration d'EACL dans les mois à venir.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie une fois de plus de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je vous encourage, de même que le gouvernement, à nous inviter à prendre part aux discussions sur cette question importante lorsque nous passerons aux prochaines étapes dans le développement du secteur de l'énergie nucléaire au Canada.
[Français]
Jacques Dubois, président du Conseil de district de l'Est du Canada, Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d'armature : Monsieur le président et honorables sénateurs, je suis organisateur général pour l'Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d'armature. Nous sommes l'une des associations affiliées au Département canadien des métiers de la construction. Je suis accompagné de Christopher Smillie, directeur aux relations gouvernementales au Département canadien des métiers de la construction. Je veux d'abord vous remercier de l'opportunité qui nous est données de nous exprimer sur un sujet plus qu'important, car il s'agit de notre avenir en tant que métier de la construction.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions en français ou en anglais à la fin de mon exposé. Mes notes d'allocution seront disponibles. À mon avis, lire un texte rédigé à l'avance est moins vivant, alors je vais me contenter de mentionner quelques mots clés. Je vous fournirai le texte après mon exposé.
[Français]
Le département des métiers de la construction, c'est plus de 425 000 travailleuses et travailleurs de l'industrie de la construction au Canada, des gens qui, pour la plupart, sont mariés et ont une famille. C'est également 14 associations ou fraternités internationales, dont la plupart ont plus de 100 ans d'existence et d'expérience. C'est aussi un programme d'apprentissage complet, et rappelons-nous combien le Canada a misé sur l'apprentissage, le perfectionnement et le savoir de ses citoyens, et sur leur capacité à exercer des métiers et professions. C'est également plus de 750 centres de formation au Canada. Ces centres sont gérés conjointement par les membres affiliés du département canadien et les employeurs signataires. Il s'agit donc d'un effort commun de partenaires, c'est-à-dire des parties syndicale et patronale dans l'industrie de la construction.
Pour ma part, au Québec, je suis président du comité de gestion, du Centre de formation des métiers de l'acier. Je pourrai donc vous parler longuement sur le principe de la formation; c'est un des points que je voulais soulever.
Le département des métiers, c'est également dix conseils provinciaux; ce sont des regroupements d'associations.
L'industrie de la construction au Canada, c'est plus de 12 p. 100 du produit intérieur brut. Acheter canadien d'abord, c'est économiser de plusieurs façons, dont économiser sur les charges sociales. Un des débats traités dans les médias récemment, malheureusement, est la solvabilité des fonds de pensions, également celle de la caisse de l'assurance-emploi. Quand un travailleur canadien demeure chez lui parce qu'il est sans emploi, c'est parce que, quand on se procure des biens et services, on se les procure outre-mer. Cela fait partie du coût total. Le prix le plus bas n'est pas toujours le meilleur prix pour le Canada et sa population.
Nous sommes d'abord et avant tout des métiers de la construction. Là-dessus j'ouvre une petite parenthèse; hier, en venant ici, j'ai pris l'autoroute 40 qui traverse le pont du lac des Deux-Montagnes. J'ai pu constater que le niveau de l'eau est au moins de quatre pieds plus bas que la normale. Pourquoi? Parce qu'on a eu un hiver avec pratiquement pas de neige et que, malheureusement, on ne contrôle pas la pluie. Comme je le dis souvent, en anglais : it's called the ``whether'' : whether it rains or not. Ce n'est pas de notre ressort de contrôler cela.
Un autre exemple : au Québec, Hydro-Québec est le fleuron de la province, sa réputation n'est plus à faire. Le bassin de Manic-5, il y a à peine quelques années, était trop bas de plus de 80 pieds, le niveau de l'eau était sous le seuil de l'évacuateur de crue. L'hydroélectricité, c'est propre, mais encore faut-il qu'il y ait de l'eau en amont du barrage.
La filiale nucléaire est l'énergie du futur. Au Département canadien des métiers de la construction, nous nous assurons de mettre à la disposition de l'industrie, de nos partenaires et de nos employeurs, tous ceux qui sont propriétaires, des acquéreurs, toute notre expertise, notre connaissance, notre savoir-faire, afin de réaliser tous les projets à venir. Nous possédons tout de même l'expérience de l'ensemble des projets au Canada dans l'industrie du nucléaire depuis le tout début, depuis la construction de Slowpoke, notre premier réacteur, jusqu'au plus récent.
C'est donc disponible et, pour nous, sans égard à la source. Les chiffres viennent de vous être donnés, c'est 36 réacteurs CANDU, qui sont en fonction dans le monde. On comprend donc qu'il y a des échanges. Peut-être que le prochain réacteur nucléaire au Canada ne sera pas un CANDU. On va vivre avec, continuer à mettre l'épaule à la roue et à construire.
Le sujet aujourd'hui n'est pas seulement le réacteur CANDU. Au Canada il faut considérer certains facteurs. Je reviens brièvement sur certains chiffres qui vous ont été donnés : par réacteur construit, c'est plus de 5 000 emplois très bien rémunérés. C'est une expertise que possèdent déjà nos industries. Je me permets de vous souligner que, il y a à peine deux jeudis de cela, dans La Presse, section Affaires à Montréal, M. Jean Paschini, président du groupe ADF, posait fièrement en expliquant qu'ils avaient réussi à qualifier leur entreprise du côté américain — parce que c'est ce qui s'en vient au grand galop — pour la construction de réacteurs nucléaires. Ils ont réussi à qualifier leur entreprise; pour eux c'est à coup de centaines de millions de dollars par projet auxquels ils ont maintenant accès parce qu'ils possèdent déjà l'expertise, la main-d'œuvre compétente qui a été formée, qui est disponible le temps venu. Si vous avez regardé, la plupart des récents stades sportifs américains ou patinoires intérieurs sont le fruit d'ADF ou même d'autres entreprises canadiennes.
À la fin, l'utilisateur payeur est un citoyen canadien. Qu'il soit citoyen comme vous et moi ou citoyen corporatif, c'est d'abord et avant tout un Canadien. Il y a deux choses à analyser dans la vie : prévoir ou regretter. Je donne souvent comme exemple les relations de travail dans le monde de la construction; vous le savez peut-être, c'est parfois assez rock n'roll, et parfois on a des choses à expliquer. On dit toujours : tout le monde à le droit à son Mulligan — on n'est pas obligé de jouer au golf pour comprendre l'expression, tout le monde a droit à l'erreur. Mais le Mulligan, il y en a un par partie, il n'y en a pas par trou. Il faut se rappeler cela. Si on fait quelque chose d'erronée, le mot le dit, la première fois c'est une erreur. La deuxième fois qu'on fait la même chose, malheureusement, ce n'est plus une erreur, c'est une bêtise.
L'expertise est l'obligation de diligence. Elle existe à tous les niveaux, dans toutes les fonctions. Dans votre cas, rappelez-vous votre serment d'office; lorsque vous avez accepté, mesdames et messieurs, de devenir sénateurs pour le Canada, vous avez également accepté que, dans la limite de votre meilleur jugement, de vos compétences et de vos connaissances, vous prendriez les décisions qui seront toujours les meilleurs pour le Canada, pour ses citoyens et ses citoyennes.
J'ouvre une autre parenthèse, j'en profite pour offrir mes sympathies aux victimes de notre manque de gestion, Victimes avec un « V » majuscules; vous aurez compris que je parle du dossier des isotopes médicaux. Au même titre que le bras canadien dans l'espace, chaque fois que les Américains ont mené une mission dans l'espace, qu'est-ce qui manutentionnait le sas? Le bras canadien, qui arborait fièrement le drapeau canadien. C'était notre fierté, ce la sera pour toujours.
Les isotopes médicaux, c'est la même chose. Plus de 50 p. 100 étaient fournis par le Canada. C'est peut-être moins glorieux en apparence, mais c'est certainement ce qui a sauvé des dizaines de milliers de vies partout sur la planète. Malheureusement la mauvaise gestion — et je ne veux pas faire le procès de qui que ce soit, mais c'est une constatation — a mené à la dégradation d'un réacteur. Un beau matin on nous a annoncé qu'on ne pouvait plus s'en servir pour produire. La loi de l'offre et de la demande aidant, le prix des isotopes a doublé du jour au lendemain parce qu'il y en avait moins de disponibles. Ceux qui ont de l'argent ont encore accès aux examens médicaux; pour ceux qui n'en ont pas, dans des cas particuliers, pour la détection du cancer, une maladie extrême, malheureusement ce n'est plus disponible et ceci est l'un des items qui font l'objet du projet de loi actuel. Là encore, on possédait l'expertise. C'est comme pour nos troupes qui sont en mission de paix un peu partout dans le monde, c'était notre mission; nous fournissions, je ne dirais pas glorieusement, mais certainement avec beaucoup de fierté, ce service aux gens qui en avaient tant besoin.
C'est la même chose pour le réacteur CANDU. On a développé cette expertise, qui fut longue et laborieuse. Alors comment acquérir de l' « expertise » du jour au lendemain! C'est au fil des années que tout cela s'est fait, les recherches sur le nucléaire ayant débuté dans les années 1952.
Aujourd'hui, on en est rendu à prendre une décision. Je vais vous citer un exemple courant. Aux États-Unis, après plus de 30 ans, le président a autorisé la construction de centrales nucléaires de 1 000 mégawatts. Mais il y a un petit problème : la turbine de 1 000 mégawatts a été vendue et est maintenant rendue outremer. Le Buy American Act fait en sorte qu'on doive construire deux turbines de 500 mégawatts. En tant que travailleur de la construction, on ne s'en plaindra pas, car c'est deux fois plus long à faire étant donné qu'il y a deux turbines. Mais en tant qu'utilisateur- payeur, cela n'a pas été une bonne décision d'attendre si longtemps pour exporter cette technologie. C'est exactement ce qu'on a sur la table aujourd'hui.
Allons-nous garder la maîtrise de notre expertise et de notre technologie? Énergie Atomique Canada Limitée devrait procéder à l'élaboration d'une stratégie énergétique canadienne, parce que cela relève de chacune des provinces, d'autant plus qu'on a connu des ratées dans les systèmes récemment, et même des conflits entre les premiers ministres, parce qu'une province a de l'énergie et l'autre pas et qu'elle ne veut pas la partager.
Énergie Atomique Canada Limitée a les employés et détient l'expertise requise pour monter une stratégie pancanadienne.
Les amendements requis aux règles actuelles sont nombreux sur la table. Je parle, entre autres, de la pertinence du montant de 50 millions de dollars, une provision en cas d'accident, qui devrait être ajoutée au montant de 650 millions de dollars qui vous est également soumis.
Quels sont les vrais motifs pour la vente d'Énergie Atomique Canada Limitée? Je ne le sais pas. Je vous rappelle cependant que nous étions propriétaire de ce qui s'appelait Petro-Canada, qui a été vendue dès qu'elle est devenue rentable. Aujourd'hui, les pétrolières font plus d'argent que les banques. On aurait pu garder Pétro-Canada avec les mêmes stations de service et on serait en train de payer notre dette nationale. C'est cela la différence! Le Canada s'est commis à Copenhague, et la filière nucléaire est définitivement la meilleure source d'énergie à ce jour.
La partie 18 du budget devrait être soustraite de ce qui est actuellement tablé et reportée à l'automne afin de permettre d'aller plus en profondeur. Les experts — je suis loin de me prétendre tel — vous en ont parlé et ils vous l'ont répété. Je vous laisse donc sur ces mots de la fin : je vous soumets que si l'énergie que nous mettons tous au travail est le cœur de la nation, notre savoir-faire est son âme.
Nous vous demandons aujourd'hui de ne pas procéder à la vente d'une partie de notre âme.
Le président : Merci, monsieur Dubois.
[Traduction]
Le sénateur Peterson : Merci messieurs pour vos exposés de ce matin. J'aimerais savoir qui, d'après vous, serait le plus apte à déterminer la juste valeur marchande d'EACL et à assurer la situation la plus avantageuse possible pour ses propriétaires, soit les contribuables canadiens. À votre avis, le gouvernement devrait-il continuer de jouer un certain rôle, notamment en ayant recours à un partenariat public-privé?
M. Ivanco : Dans mon exposé, j'ai essayé de dire que tous nos compétiteurs sont des organismes qui appartiennent au gouvernement, ou bien qui sont dirigés par le gouvernement, dans lesquels celui-ci détient une proportion substantielle des actions, mis à part General Electric, qui a presque la taille d'un gouvernement. Je ne crois pas que nous pouvons vendre des réacteurs nucléaires. Nous avons investi environ 8,5 milliards de dollars dans la technologie CANDU sur une période de 50 ans pour mettre au point une capacité unique. C'est toute une réussite pour un petit pays comme le Canada d'être en mesure de concevoir et de construire un réacteur nucléaire n'importe où dans le monde.
Dans les décennies à venir, la valeur du marché de l'énergie nucléaire se chiffrera dans les billions de dollars. Nous n'arriverons pas à conquérir ce marché sans un fort soutien du gouvernement, tant financièrement qu'en ce qui a trait au marketing. Dans l'industrie, on vous dira que Nicolas Sarkozy est le meilleur vendeur qu'un gouvernement puisse avoir. Il prend l'initiative d'aller vendre des réacteurs nucléaires. Vladimir Poutine vend des réacteurs nucléaires pour les Russes. Nos dirigeants politiques aussi devraient faire preuve de ce genre d'engagement, et nous avons besoin d'argent pour soutenir les efforts consacrés au marketing. Avant de se procurer un réacteur nucléaire, un pays doit avoir la certitude que la société de laquelle il l'achète sera encore là dans 50 ans. Peu d'entreprises peuvent prétendre à une telle viabilité.
Le sénateur Peterson : Êtes-vous d'accord pour dire que l'industrie nucléaire doit être restructurée pour être efficace?
M. Ivanco : Oui. L'industrie est déjà en train de se restructurer, car elle est en pleine expansion. Elle est en voie d'atteindre le niveau de production qu'elle a connu au début des années 1970, à l'époque où des réacteurs nucléaires étaient construits chaque mois aux États-Unis. C'était une production de masse. L'industrie doit se restructurer puisqu'elle atteindra encore une fois ce niveau d'ici 5 à 10 ans.
Le sénateur Finley : Merci pour vos exposés. Je comprends que vous êtes ici pour représenter votre industrie, et particulièrement ceux qui y travaillent. Nous essayons de faire la même chose, mais nous tentons également de protéger les intérêts des contribuables canadiens.
Ce que M. Ivanco vient de dire est intéressant. Selon lui, la valeur du marché se chiffrera dans les billions de dollars dans les prochaines années. Hier, on nous a dit qu'elle s'élèverait plutôt à 400 milliards de dollars. De toute évidence, les chiffres qu'on nous lance ne semblent pas concorder. En outre, ce qui n'est pas logique, c'est que le gouvernement canadien a accordé jusqu'à maintenant une aide financière de quelque 20 milliards de dollars, en dollars d'aujourd'hui, à EACL. Ses dettes s'élèvent actuellement à plus de 4 milliards de dollars. Je suis parfois un peu agacé lorsqu'on fait l'analogie avec Avro Arrow. EACL n'a rien à voir avec Avro Arrow. C'est plutôt un projet auquel le gouvernement canadien a participé pendant 50 ans.
À l'heure actuelle, les contribuables canadiens ont perdu confiance en EACL et, sans doute du même coup, en l'industrie nucléaire dans son ensemble. Vous demandez à ces gens, qui ont déjà investi beaucoup d'argent et qui, pour l'instant, se sentent un peu abandonnés, d'en investir davantage. Par contre, personne ne peut nous dire de quel montant il s'agirait. On nous dit que l'industrie a notamment besoin d'une gestion plus intelligente, de projets mieux dirigés, de collaborateurs — vous n'êtes pas les seuls à nous le dire; c'est ce que nous entendons depuis maintenant plusieurs jours. Il lui faut aussi des capitaux et du temps. On nous parle de tous ces besoins; pourtant, personne ne peut me dire comment on pourrait y répondre. Qui voudra se charger d'une dette de 4 ou 4,5 milliards de dollars et gérer un investissement de 20 milliards de dollars alors que cette société en question, en fait, n'a pas vendu un seul réacteur nucléaire en 14 ans? Il faudrait une injection de fonds massive.
M. Routliff, je crois, a dit que, de toute évidence, les actifs d'EACL seraient vendus à prix d'aubaine. Je me demande bien si vos régimes de retraite seraient prêts à investir et à risquer l'argent, s'ils voient la transaction d'un si bon œil. Jusqu'à maintenant, aucun témoin n'a pu présenter une bonne analyse de rentabilisation. Est-ce que l'un des experts pourrait me dire quels sont les arguments sur le plan commercial et me donner quelques chiffres précis?
M. Dubois : Monsieur le sénateur Finley, je peux vous en donner quelques-uns. Jusqu'à tout récemment, j'étais trésorier du conseil des métiers de la construction du Québec. Vous avez parlé des régimes de retraite. En août 2007, une once d'or valait 280 $. Toutefois, le président de Manning Association prévoyait qu'en novembre elle atteindrait 480 $. Des investisseurs m'ont dit que ce n'était pas certain, alors nous n'en avons pas acheté. Personne ne connaît l'avenir. Je vais vous donner d'autres chiffres. Trente ans se sont écoulés depuis la construction du dernier réacteur nucléaire aux États-Unis.
En 2022, 56 p. 100 de la population chinoise aura 65 ans ou plus. Aujourd'hui, la Chine a plus de 150 milliards de dollars américains d'investis en Afrique, qui n'est pas si venteuse ni si bien pourvue en cours d'eau. Toute la production chinoise actuelle sera délocalisée en Afrique. Je ne pense pas que l'on fera venir des Africains en Chine, parce que le flux se fait actuellement dans le sens opposé. Partout où les Chinois arrivent, ils fondent un quartier chinois. Ils construisent des hôpitaux, des routes, des infrastructures, ils creusent des mines et des puits de pétrole et ils laissent les leurs sur place. Ils ne se mêlent pas de politique locale, mais ils parlent la langue et savent à qui s'adresser. Lorsque surviendra cette délocalisation, de quoi, pensez-vous, tireront-ils l'énergie? Ce sera le nucléaire. Mettons-nous donc de la partie.
M. Ivanco : Il n'est pas difficile de calculer la taille du marché. On estime qu'il se construira quelques centaines de réacteurs dans les décennies à venir. L'estimation la plus sûre que j'ai vue est du gouvernement de la Corée du Sud, qui s'est donné comme objectif la capture de 25 p. 100 du marché. Il estime pouvoir en retirer 400 milliards de dollars. C'est peut-être la source de ce chiffre.
En ce qui concerne l'analyse de rentabilisation, il faut comprendre que la création d'EACL répondait à beaucoup de motifs. C'est un laboratoire national et un dépôt de connaissances, mais c'est également une division d'ingénierie, l'entité qui est à vendre. Pendant deux décennies, jusqu'à l'an dernier, nous avons été rentables tous les ans. C'est ce que montre le rapport Rothschild, qui ventile les profits de la division de l'ingénierie d'EACL. On vend la partie profitable de la société.
Les projets de remise en état ne nous ont rien rapporté, mais nous nous améliorons, et celui qui nous occupe maintenant, en Corée du Sud, respecte à peu de choses près son budget et son calendrier. Les éventuels investisseurs sont à même de le constater et ils voient que c'est un domaine qui pourrait être lucratif.
Commercialement, la vente de la division d'ingénierie se justifie, mais dans la mesure où la division jouit d'un appui convenable de l'État, semblable à celui dont disposent tous nos concurrents. L'entreprise est effectivement rentable. C'est pourquoi il y a des soumissionnaires.
M. Routliff : Sénateur, merci de votre question. Vous avez soulevé des points intéressants. D'abord, sur la comparaison que j'ai faite avec l'avion Avro Arrow, je pensais être le seul à l'avoir faite et je me croyais génial, mais vous me détrompez. Je vous en remercie également. Ma comparaison porte sur l'emploi de la technologie. Elle est probablement d'un niveau supérieur à celui de cet avion, mais ce serait une farce que de l'abandonner.
Je n'envie pas au comité les responsabilités qu'il doit prendre et je constate votre sentiment de frustration. Vous voulez savoir quand tout arrêter, ce qui est une question sensée. C'est difficile à faire de très loin, quand on cherche un plan d'entreprise qui devrait être créé par la direction. La direction élabore ces plans, le conseil d'administration les confirme.
M. Ivanco vous a donné des chiffres de façon impromptue. Ces dernières années, on constate dans l'industrie une excitation de plus en plus palpable. Notre fraternité compte des membres aux États-Unis, où les centrales sont nombreuses. On a besoin d'énergie, mais le monde a désormais réagi au changement climatique. À une époque, on parlait du CO2, mais sans agir. Les choses ont désormais commencé à changer. On reconnaît que les scientifiques disaient vrai et on cherche des solutions de rechange. Nous assistons à une ruée vers les sources renouvelables d'énergie comme l'éolien et le solaire, mais elles n'assurent pas une capacité de production de base. Voilà le changement dont nous sommes les témoins.
En ce qui concerne les possibilités de remise en état des centrales, mon ordinateur m'a imprimé une liste de sept pages des centrales nucléaires des États-Unis. Beaucoup ont au moins 25 ans. Il faut prendre une décision à leur égard. Soit on les déclasse, soit on les remet en état, ce qui coûte moins cher. Les Américains ne peuvent pas se permettre de perdre cette énergie; leur économie en a besoin.
J'aimerais, si vous le permettez, vous communiquer des renseignements supplémentaires. Vous avez soulevé la question des caisses de retraite. Pendant trois ans et demi, j'ai présidé le comité de placement du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou OMERS. Je comprends donc la stratégie des gestionnaires des caisses de retraite. Je ne sais pas comment je pourrais les approcher avec autorité, bien que le Sénat le puisse, mais j'aimerais avoir la possibilité de vous communiquer des renseignements supplémentaires et de voir comment les choses se présentent.
Les métiers de la construction et les syndicats locaux gèrent leurs propres caisses de retraite. Ils font toute la formation, ils gèrent les fonds de pension ainsi que les fonds de prestations. Nous avons des rapports avec les employeurs. Quand les employeurs ont besoin de nos membres, ils choisissent le nombre dont ils ont besoin. Leur travail est terminé, nos membres reviennent au bureau d'embauchage syndical en choisir un autre. Il n'y a pas de frais généraux pour les entrepreneurs. Nos membres font normalement partie de nos plans. En s'enrichissant, ils nous enrichissent. Quand leurs entrepreneurs travaillent, nous travaillons. Nous avons d'excellents rapports avec eux, et les gestionnaires de nos caisses de retraite pourraient être intéressés dans ce type d'entreprise.
Le président : Tout document écrit que vous ferez parvenir au greffier sera distribué à tous nos membres. Ce serait très utile.
M. Routliff : Merci de votre invitation.
Le sénateur Callbeck : Merci pour vos exposés. Monsieur Shier, j'aimerais que vous fassiez des observations, vous et tous ceux qui le souhaitent, sur l'idée que vous avez lancée dans votre exposé. Vous voulez que le gouvernement du Canada devienne actionnaire majoritaire d'EACL et que cette société ne soit pas entièrement privatisée. Voulez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi, si cette société est privatisée, les Canadiens s'inquiéteront de leur sécurité? C'était votre première affirmation.
M. Shier : Nous croyons que si EACL est entièrement privatisée, elle sera achetée par une grande société. Comme l'ont dit d'autres témoins, nous assisterons à la disparition de notre technologie, peut-être pas immédiatement, mais probablement en quelques années, que la technologie de l'acquéreur remplacera. Nous la perdrons.
Les Canadiens ont confiance dans la sûreté de leur propre technologie. Le système CANDU a fonctionné sans accroc pendant de nombreuses années. L'arrivée d'une technique différente dans le débat sur le nucléaire entraînerait de la confusion. Les produits habituels sont plus rassurants que ceux qui arrivent de l'étranger.
M. Ivanco : J'ai soulevé la même problématique. Il faut se rendre compte que dans les industries fortement réglementées existe la notion de « responsable de la conception ». La plupart des gens connaissent la situation où des parcs entiers d'aéronefs sont cloués au sol lorsque l'on constate des défauts génériques de conception dans un appareil. EACL est responsable de la conception et elle appartient au gouvernement du Canada. Il y a 20 ans, Ontario Hydro pouvait concevoir des réacteurs comme nous. Cependant, son équipe de concepteurs a été dispersée et nous en avons embauchés beaucoup. Son démantèlement a rendu les morceaux aussi impossibles à recoller que ceux de Humpty Dumpty. Le problème, pour les exploitants, aurait été grave, n'eût été EACL et la masse critique de ses compétences. Nous sommes les responsables de la conception et si on nous vendait au secteur privé, on lui vendrait du même coup la responsabilité de la conception. Cela rendrait tous les exploitants de centrales CANDU extrêmement nerveux, y compris le gouvernement de l'Ontario, parce que le secteur privé est mu par des objectifs différents de ceux d'une société d'État.
Le sénateur Callbeck : C'est ce à quoi je voulais en venir. Vous avez enchaîné en disant que vous croyiez que, une fois privatisée, EACL ne créerait pas d'emplois ou ne maintiendrait pas le nombre d'emplois à son niveau actuel.
M. Shier : Encore une fois, une société étrangère affirmera qu'elle maintiendra les emplois, mais je prétends que les emplois seront plus nombreux dans son pays d'origine qu'au Canada. Nous avons une infrastructure pour notre conception, dont vous entendrez probablement parler plus tard, aujourd'hui, et notre chaîne logistique est au Canada. Si EACL garde la division, les emplois de la chaîne logistique resteront au Canada, tandis qu'un investisseur étranger s'assurerait de les multiplier dans son pays. Ce serait sa priorité, aux dépens des emplois d'ici, à long terme.
M. Sheppard : Il y a 10 ans, alors que j'étais à Ontario Hydro, ici, dans la province, on nous a promis que nous pouvions en privatiser des éléments. Ontario Hydro a choisi très prudemment ceux dont elle a autorisé la privatisation. Ces emplois étaient censés assurer la maintenance du parc de centrales ou de certaines fonctions. C'est ainsi que sont nées Ontario Power Generation (OPG) et d'autres sociétés. Quant aux emplois, ils ont diminué ou disparu. Par exemple, les emplois dans le domaine des technologies de l'information ont été délocalisés en Inde.
Le syndicat s'est débattu pour les récupérer. Il y a passablement bien réussi, mains nous craignons — et le groupe de témoins partage ces craintes — que dès qu'on abandonne quelque chose à l'étranger, toutes les décisions, dorénavant, n'obéissent qu'à un motif, le profit. La sûreté en pâtira. Le profit avant la sûreté. Actuellement, c'est le contraire, et c'est tant mieux. Cela a bien fonctionné pendant 50 ans. Nous redoutons donc le démantèlement. Nous en avons déjà eu un aperçu en Ontario.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'une société d'État serait mieux capable de vendre dans le reste du monde la technique nucléaire canadienne. Pourriez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi vous avez fait cette affirmation?
M. Shier : J'ai eu le bonheur de voyager à l'étranger et de visiter d'autres entreprises du nucléaire, donc de parler à des travailleurs à l'étranger. Voici un excellent exemple : la semaine dernière, notre syndicat a accueilli une délégation syndicale d'Égypte qui représente les travailleurs en électricité de ce pays. Elle voulait connaître notre système. Par exemple, elle était intéressée au nucléaire, à en savoir davantage sur la filière CANDU. Quand nous avons expliqué qu'EACL était une société d'État, garantie par le gouvernement, et cetera, ses membres se sont dits rassurés, en raison de la bonne réputation du Canada dans le monde.
Pour ces gens, il était avantageux d'acheter un produit d'une telle société. Je crois que cette opinion serait partagée par de nombreuses autres organisations avec qui je fais affaire. D'autres pays avec qui je suis en relation sont également intéressés au système CANDU, qu'ils estiment excellent et sûr. Pour eux, il serait plus facile de vendre des réacteurs d'une société bénéficiant de la garantie d'un gouvernement.
Le sénateur Marshall : Merci au groupe d'être venu témoigner ce matin. Ma question s'adresse à M. Routliff, mais je suis intéressée à entendre les opinions de tous ses membres.
Vous avez dit que ce n'était pas le temps de se dessaisir d'EACL, parce que l'avenir lui sourit et que nous devrions attendre le moment de pouvoir maximiser le retour sur notre investissement. Un certain nombre de témoins a fait allusion aux importantes subventions versées à EACL, à l'augmentation du déficit accumulé et aux importantes pertes qu'elle continue de subir, en dépit des subventions fédérales. D'autres ont déploré le fait que les travaux ne respectent ni les budgets ni les calendriers. Hier, des médecins ont particulièrement imputé à l'affaire des isotopes leur perte de confiance en EACL.
Pourriez-vous entrer dans les détails? À en croire votre exposé, EACL est au seuil d'une période heureuse, et il serait prématuré de la restructurer ou de la privatiser. Pourriez-vous nous en dire davantage et nous expliquer comment vous pensez que tous les problèmes identifiés jusqu'à maintenant seront résolus, avec un peu de chance, dans un proche avenir?
M. Routliff : Cela fait beaucoup de questions. Je ferai de mon mieux pour y répondre aussi rapidement que possible.
Parlons d'abord des isotopes. Il faut savoir que le réacteur NRU avait 50 ans lorsqu'il a fait défaut. C'était une petite fuite, mais, au bout du compte, je ne pense pas qu'on avait prévu de plan de rechange pour ce type de situation. Je ne sais pas ce que vous voulez en comprendre, mais ce réacteur avait largement fait plus que son temps. Quel taux de rendement sur le capital investi! Uniquement de ce point de vue, l'investissement était fantastique.
Néanmoins, c'est aussi un secteur d'activités. Je ne peux pas, à la place de la société ni du conseil d'administration d'EACL, exprimer leurs pensées ni expliquer leur décision, ni même parler à la place de la direction, à Chalk River. Nos travailleurs étaient là. Nous étions en relation avec d'autres corps de métier et nous savions. Nous travaillons à ce genre de choses. Tout le monde savait qu'il était presque temps de mettre fin aux opérations et que quelque chose finirait par arriver. Personne ne savait quand; c'est arrivé comme ça.
Je ne sais que dire, si ce n'est qu'on aurait pu penser à une position de repli.
Le sénateur Marshall : Même dans ce cas, quand on a essayé de s'équiper d'une unité d'appoint, les coûts et le calendrier n'étaient pas respectés. Le mois prochain, le réacteur est censé redémarrer. Nous retenons tous notre souffle, en nous demandant si cela se produira. On dit que le réacteur est vétuste, et cetera — et nous le savons tous — mais nous avons encore un gros problème. Ce n'est pas seulement ce projet, mais d'autres également. Ce n'est pas comme si un seul problème était à résoudre. Il faut en surmonter des tas avant de pouvoir entreprendre ce que nous voulons.
M. Routliff : Comme je l'ai dit, dans mes remarques, la remise en état n'est pas un jeu. Elle pose des problèmes techniques et des difficultés. Nous voyons survenir des choses imprévues. En voici un exemple.
À Point Lepreau — je ne sais pas si vous connaissez bien le réacteur CANDU — on scelle les tubes et on façonne les raccords, puis, quand on cherche à déterminer s'ils sont bien scellés, on détecte une fuite infime. D'où vient-elle? On pense qu'elle pourrait être due au solvant aqueux utilisé et qu'on aurait dû en utiliser un autre.
On ne peut pas prévoir de petites choses comme celle-là, mais on en prend note. Cela fait partie de l'analyse de rentabilisation des pratiques de remise en état, et on sait qu'on ne doit plus utiliser cette pratique. Ce sont de petites choses comme celle-là, les outils ou la robotique avec lesquels on fait de son mieux, à la première installation, mais, quand il faut les mettre en place, le résultat doit être parfait. Si l'alignement fait un peu défaut — et c'est sur place qu'on l'apprend — il faut arrêter, recommencer et mettre les outils en place. C'est ce qui se passe actuellement.
Mon message, c'est que nous acquérons de l'expérience. Je pense que des occasions ne manqueront pas de se présenter dans ce secteur. Je ne suis pas au courant du plan stratégique d'EACL ni de ses procédés, mais j'ai lu son rapport annuel. Il semble que ses services ont connu une croissance, car ils sont passés de 78 à 120 millions de dollars. Elle commence à agir sur le secteur d'activités. J'en déduis que cela doit faire partie de son plan de développement du plan de remise en état. C'est la seule réponse qui me vient à l'esprit.
Le sénateur Marshall : Pendant combien de temps attendons-nous? Entre-temps, le contribuable canadien finance le maintien en vie de cette société. D'après certains témoignages et d'après les états financiers, nous en sommes à nous demander si le Trésor public en a les moyens. Ce n'est pas comme si c'était un montant constant. Il semble que la société ait besoin de plus en plus d'argent. Je ne discerne pas de tendance vers des jours meilleurs.
M. Routliff : J'ai entendu le sénateur Finley proposer d'examiner l'analyse de rentabilisation. J'espère pouvoir y trouver des renseignements à ce sujet et les communiquer au comité.
M. Ivanco : Dans toute entreprise complexe, il y a une courbe d'apprentissage. Au début des années 1980, la construction des réacteurs a connu des dépassements de coûts. Cependant, la construction des sept derniers réacteurs a respecté le budget et le calendrier, et nous avons gagné beaucoup d'argent, bien qu'il ait été versé au Conseil du Trésor et non dans nos coffres, parce que nous sommes une société d'État.
Les premiers travaux d'exploitation des sables pétrolifères ont connu des dépassements de coûts de 200 ou de 300 p. 100. Cependant, ceux d'aujourd'hui rapportent. La centrale nucléaire de Darlington a coûté plus cher que prévu. Pourtant l'électricité qu'elle produit est parmi les moins chères en Ontario.
Les gros projets complexes sont toujours assortis d'une courbe d'apprentissage. L'apprentissage passé, ils commencent à rapporter. M. Routliff a mentionné que, à Point Lepreau, il y a dépassement des coûts, mais que, en Corée du Sud, les travaux, dont la portée est presque identique, respectent le calendrier et le budget. Nous apprenons de nos erreurs et de nos douleurs de croissance. Le projet que nous entreprendrons ensuite devrait être plus efficace et plus rentable encore. Je le devine proche, très proche.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Ivanco, dans votre exposé, vous avez dit que la propriété intellectuelle appartenait au concepteur. Pouvez-vous développer cette affirmation? Nous avions l'impression que, légalement, elle appartenait à EACL et qu'elle était à vendre.
M. Ivanco : Des dessins sont nécessaires à la conception d'un réacteur CANDU. Si, à partir de ces dessins, on essaie de construire un réacteur, il ne fonctionnera pas, parce qu'une grande partie des connaissances nécessaires se trouvent dans la matière grise. La propriété intellectuelle est importante pour la construction du réacteur et peut-être même davantage pour son fonctionnement sûr.
Par exemple, j'ai évoqué des parcs complets d'avions cloués au sol, dans une industrie fortement réglementée. Cela se produit également dans l'industrie du nucléaire. On peut fermer des réacteurs en raison d'un incident et interdire leur redémarrage tant que l'exploitant n'a pas corrigé le problème ou prouvé que leur fonctionnement ne présente aucun danger.
Je puis vous dire que nos membres s'affairent beaucoup au redémarrage du réacteur quand de telles choses surviennent. Chaque journée d'arrêt coûte des millions de dollars. Avec cette propriété intellectuelle, il est impossible de rédiger une recette pour que quelqu'un puisse régler ce genre de problèmes. Vous avez besoin des détenteurs du savoir pour les régler.
Le sénateur Ringuette : Exactement. Ma plus grande crainte est que le propriétaire de la technique CANDU et de l'expérience de la remise en état des centrales ne soit un étranger et que le parc canadien de 20 réacteurs CANDU, ainsi que tous les investissements que les contribuables ou les provinces lui ont consacrés ne soient perdus. Nous perdrons les emplois connexes. Nous devrons l'acheter de propriétaires étrangers si nous voulons garder l'énergie nucléaire au Canada.
Je suis native du Nouveau-Brunswick, une petite province possédant un petit bassin de contribuables. Nous venons de réinvestir 2 milliards de dollars dans la centrale de Point Lepreau. Nous comprenons qu'il y ait eu une courbe d'apprentissage pour sa remise en état, et cetera. D'autre part, nous avons fait cet investissement en pensant que nous pouvions compter sur ce réacteur CANDU pour fournir de l'électricité aux Néo-Brunswickois pendant les 25 à 30 prochaines années.
Si nous perdons la technologie CANDU, les connaissances connexes, et cetera, nous aurons alors investi en pure perte dans ces années. Au Nouveau-Brunswick, il n'est question que d'un seul réacteur. Il y en a un au Québec — Gentilly-2 — et 17 en Ontario. Si j'étais Ontarien, je m'insurgerais contre ce que le gouvernement essaie de glisser dans un projet de loi budgétaire.
M. Ivanco : Je ne suis pas sûr que c'était une question.
Le président : Libre à vous d'y réagir ou non.
M. Ivanco : Vous avez trouvé une analogie avec l'avion Avro Arrow, avec laquelle, si je comprends bien, certaines personnes ont des difficultés. Nous avons toujours dit, dès le départ, depuis que nous avons formulé des commentaires sur cette question, que nous ne nous inquiétions pas outre mesure pour les emplois de nos membres. Dans la bouche d'un syndicaliste, ce discours peut détonner, mais il faut savoir que nos membres sont très mobiles et que leurs compétences sont très demandées.
Parlez à n'importe lequel d'entre eux, hors de ma présence, et il vous dira qu'il ne s'inquiète nullement de manquer de travail, qu'il en obtiendra n'importe où. Ce n'est pas ce qui me préoccupe. Je suis fier de ce que nous avons ici. Nous avons développé quelque chose de particulier. J'aime mon emploi, il est intéressant. Je ne veux rien faire d'autre, mais je m'y résoudrais si c'est bien payé.
Seul le temps dira si nous avons affaire à un nouvel Avro Arrow. Si le pire survient, que nos membres se dispersent et que, dans 15 ans, nous devions commencer à remplacer les réacteurs CANDU par des réacteurs à eau sous pression de France, du Japon, peu importe, eh bien oui, ce sera un Avro Arrow. Nous serons dans une situation identique à celle où nous avons dû acheter des avions CF-18 de McDonnell Douglas, dans les années 1980.
M. Sheppard : Le groupe de témoins d'aujourd'hui vous l'a dit. Si EACL est vendue, un autre gouvernement est fort probablement mêlé à cette vente. Pourquoi ne serait-ce pas notre gouvernement? Laissez EACL tranquille; nouez des partenariats, restructurez et appliquez toutes les autres solutions nécessaires.
Visiblement, nous n'avons pas trouvé cette réponse aujourd'hui, ici. Nous prétendons que certains procédés sont utilisés. Nous avons tenu cette discussion, et elle devrait être reprise là où elle devrait l'être, c'est-à-dire au gouvernement.
Si EACL doit être vendue d'un coup, ce sera fort probablement à un gouvernement. Pourquoi, dans ce cas, la céder à un autre gouvernement? Pourquoi ne pas en conserver la maîtrise et travailler à l'améliorer?
Il y a deux ans, nous avions mis nos espoirs dans une renaissance. Nous étions tous tenus en haleine en espérant que les questions du sénateur Finley n'auraient plus besoin d'être posées. Nous serions passés à d'autre chose, en Ontario d'abord, puis n'importe où ailleurs après.
Il faudra qu'un gouvernement appuie de nombreuses choses. Nous espérons que c'est le gouvernement actuel, qu'Ottawa apportera les mêmes garanties que dans le passé et qu'il nous permettra de continuer. Si EACL a besoin d'un peu de réglages et d'une restructuration, d'accord, faisons cela. Cependant, commençons à travailler, parce que, en Ontario, chaque journée d'indécision voit surgir un problème de plus. Je suis en panne d'inspiration; j'ai des solutions simplistes à des problèmes complexes créés en Ontario. Il faut s'attaquer au problème, mais par la discussion. Passons à cette étape.
Le sénateur Neufeld : Hier et aujourd'hui, j'ai entendu des choses instructives et intéressantes. En général, je suppose que vous n'êtes pas contre une restructuration, qui est autorisée en vertu de la partie 18 du projet de loi. Il n'y est pas dit qu'EACL sera vendue à un gouvernement étranger; ce serait plutôt une opération par laquelle on invite les soumissionnaires, en ne leur cachant rien, à donner une idée des solutions à apporter, que ce soit par le partenariat ou par d'autres lignes de conduite.
Je comprends tout à fait la situation de l'emploi, la haute technologie et toutes ces questions. J'aimerais que tout cela nous reste. Je ne pense pas que le gouvernement ait une opinion différente; il veut vraiment que les emplois restent ici.
Contrairement à ce que le sénateur Ringuette a prétendu, les libéraux, dans l'autre Chambre, ont voté pour le projet de loi, tout comme le Bloc et le NPD. Il est passé par là avant d'aboutir ici. Les libéraux et les autres partis ont donc dû y consacrer un peu de réflexion. En conséquence, le projet de loi est peut-être bon. Seriez-vous d'accord pour dire que cela autorise une restructuration? Je pense que je vous ai tous entendus dire qu'une restructuration est absolument nécessaire pour donner un pouvoir concurrentiel à l'entreprise.
M. Ivanco : Je ne suis pas un homme politique, bien que, d'après mes souvenirs, tous, dans l'autre Chambre, aient voté contre le projet de loi, mais qu'ils n'aient pas été assez nombreux à se présenter pour le faire.
Le sénateur Neufeld : C'est ainsi que les choses fonctionnent.
M. Ivanco : Peu importe, je pense qu'une restructuration est nécessaire. Je suis d'accord pour dire que le projet de loi le permet. Cela dit, le projet de loi autorise n'importe quoi. Il autorise la vente de la société ou son démantèlement en 10 morceaux, si tel est le désir du Cabinet.
Le problème que nous y voyons, c'est qu'il permet au Cabinet de faire à son gré avec la société. C'est une loi qui, au fond, permet d'écraser une mouche avec un gant de boxe; on peut s'en servir comme bon nous semble. Nous pensons que c'est une mauvaise idée.
M. Routliff : Nous avons invité M. Ignatieff à notre conférence des métiers de la construction. On lui a demandé s'il voterait contre le projet de loi ou essaierait de l'amender. Il a répondu que les Canadiens ne voulaient pas d'élections maintenant. La question de confiance dont on assortit le projet de loi vise en quelque sorte à piéger l'adversaire.
Je ne décris pas une position; je demande simplement pourquoi, dans un projet de loi budgétaire, prévoir de telles mesures. C'est un projet de loi dont l'adoption doit faire l'objet d'un vote de confiance. C'est le moyen de pression que le gouvernement exerce sur le Parlement.
Le sénateur Neufeld : Est-ce que je peux obtenir une réponse, sans saveur politique? Tout ce que je veux, c'est de rappeler au sénateur Ringuette que des libéraux ont voté pour le projet de loi dans l'autre Chambre. J'y tenais, pour le compte rendu.
M. Routliff : Par rapport aux partenaires, c'est une chose à laquelle le sénateur Finley a fait allusion avec les régimes de retraite. J'ai mentionné dans mon exposé que si les partenaires canadiens étaient intéressés à investir dans EACL, cela correspondrait absolument à notre opinion.
Le sénateur Hervieux-Payette : En ma qualité de sénateur, je représente Bedford, au Québec. Le sénateur Rivest vient de là également. Nous sommes la localité la plus représentée au pays.
Monsieur Ivanco, vous avez fait allusion à une demande de propositions ou de quelque chose, préparée par le groupe Rothschild. Vous avez parlé de trois points. Ce document est-il disponible? On ne nous l'a pas communiqué.
Dans un premier temps, quand le gouvernement a voulu décider pour l'avenir, il a demandé à la Banque Nationale du Canada de juger ce que l'avenir nous réservait. Dans un deuxième temps, au milieu de l'année dernière, il y a eu, paraît-il, une demande de propositions — et j'ai demandé qu'on m'en communique le texte. Depuis, Rothschild a signé avec Ressources naturelles Canada quatre autres contrats, d'une valeur totale de 2 millions de dollars.
On nous cache quelque chose, à ce sujet, à nous comme à tous les autres. Nous ne connaissons pas la teneur du contrat, ni le mandat de Rothschild ni les recommandations qui en découleront. Étiez-vous au courant de cette information — qu'est-ce qui, au moins, pourrait nous être divulgué, sur la portée du mandat de Rothschild?
M. Ivanco : J'ai cité le résumé du sommaire d'investissement de Rothschild. Le document se trouve sur le site Web de Ressources naturelles Canada; il y était en décembre 2009. En ce qui concerne la version actuelle de la demande de propositions et les modalités en vertu desquelles Rothschild a été embauché, nous avons demandé sans cesse qu'on nous les communique et nous avons même fait une demande d'accès à l'information, mais la réponse a été retardée. Nous aussi, nous aimerions savoir.
D'après nous, la banque serait en conflit d'intérêts si, notamment, on lui a promis une commission pour la vente d'EACL. Nous voulions en avoir le cœur net. C'est pourquoi nous avons fait une demande d'accès à l'information, qui est cependant restée sans réponse jusqu'ici.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que j'ai bien entendu lorsque vous avez dit qu'elle a l'expérience de ce genre d'affaires? Quand on lui a demandé une analyse, des sociétés canadiennes qui auraient pu, au moins, établir le mandat de la restructuration et, en même temps, se charger du processus, parce que, de fait, c'est un processus en deux étapes. D'abord une sélection préalable, puis la sélection, qui a commencé au début de cette année et devrait se terminer en juin, avec le dépôt du rapport de la première étape.
La semaine dernière, le sous-ministre des Ressources naturelles nous a dit que, en décembre, nous aurions une réponse finale. Le processus est bien engagé. Je n'ai pas entendu dire qu'il y aurait un partenariat ou la participation d'un gouvernement dans le futur. Tout ce que nous avons entendu du ministère, c'était qu'un mandat avait été donné de se dessaisir de la partie commerciale de l'entreprise.
Nous savons que ce ne sera pas une société comme Loblaw Companies Limited qui sera partenaire dans l'achat de cet actif. Dans le monde, une poignée de sociétés a une connaissance de l'énergie nucléaire. C'est un secteur hautement spécialisé.
En conséquence, quelles sociétés feraient des offres acceptables pour la conduite d'une entreprise de production d'énergie nucléaire? En connaissez-vous d'autres que celles que vous avez mentionnées? À ma connaissance, pas plus de cinq ou six acheteurs potentiels sont capables d'exploiter différentes filières.
M. Ivanco : Ils sont probablement six. Je ne sais pas qui aurait pu se montrer intéressé par EACL. Je ne saurais dire.
L'organisation qui s'occupe du processus possède-t-elle des personnes compétentes pour évaluer l'atteinte des objectifs énoncés dans son sommaire d'investissement? C'est mon premier sujet de préoccupation. Je le lui ai demandé — j'ai même proposé le nom de tiers qui, je pense, étaient respectés de tous — mais elle ne les a pas engagés ou elle nous a dit qu'elle avait embauché quelqu'un que nous considérions comme un spécialiste du nucléaire. Elle peut compter sur des banques compétentes, mais je ne sais pas, en ce qui concerne les spécialistes du nucléaire.
Le sénateur Hervieux-Payette : Pourriez-vous au moins nous dire s'il existe une société canadienne, outre SNC-Lavalin, qui, pour ce projet, pourrait s'associer en partenariat avec le gouvernement?
M. Ivanco : Tout ce que je peux dire, c'est que les sociétés qui, au Canada, ont fait leur marque dans le nucléaire sont généralement connues; il y a SNC-Lavalin, Babcock et Wilcox, GE-Hitachi Nuclear Energy et Bruce Power. Je ne sais pas si l'une d'elles est intéressée à acquérir EACL, mais, en général, on connaît les ténors de ce secteur au Canada.
Le sénateur Runciman : Contrairement à ce qu'a dit l'un des témoins, EACL n'a pas été créée en vertu d'une loi adoptée par le Parlement. Elle a été créée par décret et constituée en société sous le régime de la Loi sur les corporations canadiennes, en vertu des pouvoirs conférés au ministre des Ressources naturelles par la Loi nationale de l'énergie. Si le Cabinet l'a créée, il peut certainement la restructurer.
Hier et aujourd'hui, nous avons entendu des promesses de jours meilleurs de la part de personnes qui n'étaient pas terriblement emballées par cette initiative. Je pense que nous pouvons tous nous accorder pour dire que l'avenir du nucléaire semble prometteur. La question est de savoir quelle place y est réservée à EACL.
Le revers de la médaille, en ce qui concerne les emplois canadiens, c'est que si on ne vend pas EACL, ils peuvent de fait être menacés. Il ne s'est pas vendu de réacteur CANDU depuis 13 ans et, à notre connaissance, il n'y a pas de vente en vue. Quelqu'un a associé la dernière vente à la Chine au premier ministre Chrétien, qui, pour la conclure, a dû piger 1,6 milliard de dollars dans le Compte du Canada.
Le sénateur Ringuette : Ces sommes ont été payées.
Le sénateur Runciman : C'était tout de même une façon de dorer la pilule. Cela fait partie du processus. C'est toujours la question de la confiance qui revient au cœur du débat. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui perd confiance; je crois que c'est toute la population canadienne.
Nous avons assisté à la débâcle de Chalk River. Nous avons appris hier que les Américains estiment avoir été trahis en matière d'approvisionnement en isotopes dans ce dossier. Nous savons que MDS Nordion a intenté une poursuite de 1,6 milliard de dollars contre EACL pour non-respect de son contrat. Si l'entreprise a gain de cause, c'est le contribuable canadien qui en fera les frais.
Vous connaissez sans doute Jan Carr de l'Ontario Power Authority. Voici ce qu'elle a déclaré :
Le développement international d'EACL est entravé par son statut de société d'État sans accès à des investissements visant des objectifs commerciaux et privée de flexibilité organisationnelle... Nous sortirions tous gagnants d'une privatisation bien menée qui viserait d'abord et avant tout à mettre les contribuables à l'abri des risques commerciaux encourus par EACL tout en permettant à l'entreprise de profiter des débouchés qui s'offrent sur les marchés mondiaux.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez. Je comprends votre point de vue, mais je pense que vous devriez aussi comprendre la frustration des contribuables canadiens auxquels on ne cesse de promettre des jours meilleurs qui ne viennent jamais.
M. Ivanco : J'aimerais formuler quelques observations à ce sujet. Comme je l'ai déjà mentionné, la portion d'EACL qui est à vendre est la division chargée des réacteurs CANDU, laquelle a toujours été rentable. Les pertes découlant notamment de la production d'isotopes au moyen du réacteur NRU demeureront, même après que la vente aura été effectuée, et ce sont les contribuables qui devront payer la note.
Pour ce qui est du réacteur NRU, je ne voudrais pas que vous pensiez que j'essaie de faire porter le fardeau à l'autre division de l'entreprise à Chalk River. Lorsque je me suis joint à EACL à la fin des années 1980, il n'était pas question de Chalk River. On construisait un réacteur NRU de remplacement appelé le MAPLE-X10 dont les coûts étaient épongés à même les recettes provenant de la très rentable commercialisation des radio-isotopes. Ce marché a ensuite été cédé à MDS Nordion qui en a tiré des milliards de dollars de bénéfices, alors que nous perdons de l'argent à produire des isotopes. Le projet de réacteur MAPLE-X10 a été abandonné. C'était un réacteur de recherche permettant la production d'isotopes à plusieurs fins. Nous avons ensuite construit en Corée un réacteur semblable qui fonctionne très bien. C'est de là que tire son origine la crise des isotopes. La plupart des dettes vont rester après la vente de la partie commerciale d'EACL. En général, nos activités ont été rentables. Nous avons perdu de l'argent à Point Lepreau, qui a été pour nous une expérience d'apprentissage difficile. Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que nous allons pouvoir demeurer rentable, car nous l'avons toujours été.
Nous sommes favorables à une restructuration. Mme Carr avait tout à fait raison dans ses critiques et autres commentaires. Nous avons besoin de la contribution du secteur privé pour faire bouger les choses. Nous avons toujours fait valoir qu'une petite entreprise à cent pour cent canadienne ne peut soutenir la concurrence de sociétés d'État bénéficiant du poids et des ressources financières de leurs gouvernements fédéraux respectifs. Il y a une dizaine d'années, Nortel était la plus grande entreprise au Canada. Si Nortel avait vendu des réacteurs nucléaires plutôt que des téléphones, les acheteurs seraient maintenant en sérieuse difficulté.
Le sénateur Murray : Je vais poursuivre dans le sens de l'échange entre M. Ivanco et le sénateur Neufeld. Il est vrai que le projet de loi C-9 donnera carte blanche au Cabinet quand au sort réservé à EACL. Selon le niveau de confiance qu'on peut avoir envers ce processus, cela a peut-être une bonne ou une mauvaise nouvelle. Ce n'est pas la façon dont nous avons procédé pour privatiser Air Canada, le CN, Eldorado Nuclear Limited ou Petro-Canada. Dans chacun de ces cas, nous avons imposé certaines modalités dans les lois afférentes.
Je vous demande donc ce que nous devrions faire avec ce projet de loi.
[Français]
M. Dubois nous conseille très fortement de tout simplement le rejeter.
[Traduction]
Y a-t-il des modalités de fonctionnement que vous jugeriez acceptables et qui pourraient être inscrites dans ce projet de loi au moyen d'amendements? Si vous préférez nous les communiquer par écrit, cela nous convient parfaitement.
M. Ivanco : Je vous dirais brièvement que l'on justifie par la nécessité d'agir rapidement l'intégration de ces mesures à ce projet de loi d'exécution du budget. Je crois que tous conviennent qu'une restructuration s'impose et qu'il faut agir sans tarder. Nous estimons que cela aurait dû faire l'objet d'un processus distinct car, même avec ce projet de loi, rien ne sera fait avant la fin de l'année civile, dans le meilleur des scénarios, ce qui n'est pas demain la veille.
Le sénateur Murray : Que devrions-nous faire, alors?
M. Ivanco : On ne ralentirait pas les choses en séparant ces mesures du projet de loi C-9, car le processus de restructuration ne sera sans doute pas mené à terme avant la fin de l'année, si tout se passe bien. Le processus législatif aurait ainsi la possibilité de se mettre au diapason par rapport au processus commercial.
Le sénateur Murray : Êtes-vous favorable à ce que les paramètres de fonctionnement soient inclus dans un nouveau projet de loi?
M. Ivanco : C'est ce que nous proposons, mais je ne saurais vous en parler maintenant. Nous pourrions le faire par écrit.
Le président : Toutes les informations écrites que vous pourrez communiquer à notre comité seront les bienvenues.
Le sénateur Dickson : Merci pour vos excellents exposés. Si je vous ai bien compris, la restructuration est nécessaire, mais si vous aviez eu plus de temps ou si on vous avait écouté davantage, vous auriez mis sur pied un consortium regroupant les représentants de votre profession et d'autres groupes pour vous attaquer aux lacunes. Ce n'est pas le temps pour nous de nous intéresser aux lacunes d'EACL ou de ses composantes. Dans le sens de ce que disais le sénateur Finley, j'aimerais savoir si vous auriez la volonté et le temps de rassembler un tel consortium et d'élaborer un plan d'affaires qui définirait clairement l'ampleur du soutien gouvernemental requis. Avez-vous des observations à formuler au sujet d'un plan d'affaires semblable et des engagements financiers qui en découleraient?
Le président : Dans la réponse écrite concernant ce plan d'affaires, pourriez-vous indiquer s'il y a de l'intérêt pour un rôle consultatif?
Le sénateur Dickson : La question des capitaux est également importante. Les syndicats ont des sommes considérables qui pourraient être en jeu.
Le président : Je crois que M. Routliff a indiqué qu'il allait répondre à ce sujet également.
M. Routliff : Oui, tout à fait.
Le sénateur Banks : Monsieur Ivanco, aussitôt qu'il y a plus que trois zéros, je perds un peu la notion des choses. Si je peux me permettre de résumer l'article 2139, il prévoit que le ministre peut vendre tous les titres d'EACL.
Vous avez parlé de la partie de l'entreprise qui était à vendre. C'est un sujet qui dépasse peut-être mes compétences, mais j'ai toujours cru qu'EACL englobait toutes ces activités : Chalk River, l'ingénierie, la vente des réacteurs CANDU, et cetera. Est-ce que je fais fausse route? L'article 2139 du projet de loi, qui rend la vente possible, ne vise-t-il pas tous les aspects dont vous nous parlez?
Par ailleurs, nous avons eu vent de différentes rumeurs voulant que les réacteurs MAPLE, qui ne sont pas en fonctionnement, puissent produire des isotopes sans opérer à pleine capacité. Les isotopes sont toujours très attrayants, mais l'aspect recherche d'EACL est tout aussi important.
M. Ivanco : Le projet de loi permet au gouvernement de faire ce qu'il veut avec l'ensemble de l'entreprise. On nous a répondu qu'on avait besoin de ce projet de loi habilitant pour pouvoir dans un an, après la vente de la division commerciale, un processus en cours, se départir d'EACL. On planifie peut-être d'en confier la gestion au secteur privé, mais le gouvernement demeurerait propriétaire des laboratoires de Chalk River où est situé le réacteur NRU.
Ce n'est toutefois pas ce qu'indique le projet de loi, mais nous devons croire le ministre sur parole. Je suis persuadé que c'est un homme d'honneur et je crois ce qu'il nous dit. À l'heure actuelle, c'est CANDU Inc, la division commerciale d'EACL, qui est à vendre. Nous devons nous en remettre à ce qu'on nous a dit.
Le sénateur Banks : Notre comité n'est pas là pour entériner des politiques ou des intentions. Ce sont des lois que nous adoptons. Ce projet de loi indique qu'EACL peut être vendue — point final.
Le président : Je suis désolé, mais nous n'avons plus de temps. Vous êtes tous invités à demeurer des nôtres pour assister aux témoignages du prochain groupe concernant le même sujet. Le fait que nous ayons manqué de temps et que de nombreux sénateurs auraient d'autres questions à vous poser témoigne bien de la qualité de vos exposés. Nous vous sommes reconnaissants pour votre comparution devant le comité.
Honorables sénateurs, nous poursuivons notre examen des questions touchant EACL qui font l'objet de la 18e des 24 parties du projet de loi C-9, un projet de loi de 900 pages portant exécution de certaines dispositions du budget et mettant en œuvre d'autres mesures.
Nous sommes ravis d'accueillir maintenant M. Neil Alexander, président de l'Association des industries CANDU. Nous sommes également heureux de recevoir à nouveau M. Jason Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique, Direction générale des affaires réglementaires, Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN).
Le sénateur Dawson : J'invoque le Règlement.
Le président : Un rappel au Règlement, sénateur Dawson.
Le sénateur Dawson : Je suis persuadé que le sénateur Neufeld ne voulait pas sciemment induire le comité en erreur ce matin, mais je dois préciser que les libéraux de l'autre Chambre n'ont pas appuyé le projet de loi; ils se sont simplement abstenus de voter contre. Il y a une grande différence. Je pense que nous pouvons tous comprendre à quel point cela est différent.
Le sénateur Neufeld : Il faudrait voir ce qui a été porté au compte rendu.
Le président : Il s'agit donc d'un éclaircissement; nous avons maintenant deux déclarations distinctes. C'est le compte rendu qui fera foi de tout.
Le sénateur Dawson : Tout cela a été consigné.
Le président : Il arrive que les honorables sénateurs exagèrent les faits pour faire valoir leur point de vue en posant leurs questions. Nous comprenons tous cela.
Nous écoutons maintenant vos observations préliminaires, M. Alexander.
Neil Alexander, président, Association des industries CANDU : Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. J'ai griffonné quelques observations préliminaires en écoutant les témoignages de ce matin, mais je ne suis pas sûr de pouvoir me relire. Je vais m'efforcer d'aborder les différentes questions soulevées précédemment.
Je suis président de l'Association des industries CANDU. Notre association regroupe quelque 165 entreprises basées au Canada qui s'intéressent suffisamment à l'industrie de l'énergie nucléaire pour envisager faire partie d'un tel regroupement.
Nos entreprises membres emploient directement quelque 30 000 personnes dans l'industrie nucléaire au sein du secteur privé, ce qui représente une proportion considérable des 70 000 travailleurs dont le gagne-pain est le résultat des investissements consentis par le Canada dans sa technologie nucléaire.
Nous sommes une organisation indépendante. Nous travaillons en étroite collaboration avec les différents intervenants, dont EACL, et les sociétés de production énergétiques, comme OPG et Bruce Power; nous ne représentons toutefois pas leurs points de vue, mais bien ceux des composantes de la chaîne d'approvisionnement.
Après avoir écouté les discussions de ce matin, il m'apparaît utile d'apporter certains éclaircissements. Différentes questions ont été soulevées, ce qui n'a pas manqué de créer une certaine confusion. Tout d'abord — et je crois que tous seront d'accord — nous traitons en principe de la restructuration d'EACL. En pratique, il s'agit toutefois de la restructuration de l'ensemble de l'industrie canadienne d'approvisionnement en énergie nucléaire. C'était ma première observation.
Deuxièmement, EACL est une organisation, une société d'État, présente dans différents secteurs d'activité. La technologie CANDU a été déployée avec succès à l'échelle planétaire en se révélant un moyen très efficace de produire de l'énergie nucléaire; des réacteurs ont ainsi pu être construits régulièrement en respectant les délais et les budgets.
Je crois qu'il convient également d'établir une distinction entre la production d'isotopes et l'approvisionnement en énergie nucléaire. Ce sont deux secteurs d'activité complètement différents. Si l'on comparait un réacteur nucléaire à un fourneau, on pourrait dire que ce dernier peut être utilisé aussi bien pour faire de la poterie que pour cuisiner un gâteau, mais qu'il ne permet pas de transformer un gâteau en poterie.
Nous devrions faire la distinction entre les investissements dans le secteur des isotopes, lequel relève du monde médical, et les investissements dans le secteur de l'énergie nucléaire. Ces deux types d'investissement sont effectivement différents même s'ils sont tous les deux consentis par l'entremise d'EACL.
Il y a une autre distinction que je souhaiterais apporter concernant un point qui a été soulevé et qui a pu susciter une certaine confusion ce matin. Il s'agit de la différence entre une entreprise présente au Canada et une entreprise canadienne à proprement parler. Dans la conjoncture actuelle, je vous dirais qu'il est surtout important de considérer les emplois créés au Canada par les entreprises qui s'y installent, alors que nous conservons la propriété intellectuelle. Dans l'état actuel des choses, l'identité du propriétaire est à peu près sans importance, car nous avons affaire dans la plupart des cas à de grandes multinationales. Voilà donc autant de distinctions que j'estime importantes.
J'aimerais également faire observer que si nous nous sommes de toute évidence intéressés au contexte entourant l'incendie qui fait rage et à certaines des difficultés pouvant découler de la chaleur émanant de cet incendie, nous avons semblé oublier que nous nous retrouvons en plein cœur de la déflagration. C'est un aspect crucial du débat.
Il est important de bien comprendre que l'incertitude planant actuellement sur EACL fait du tort à notre industrie et que des solutions doivent être trouvées rapidement. Sans cela, il n'y aura même plus de quoi discuter. Nous allons perdre notre industrie. Il est urgent d'agir. Le représentant de la SIPA ne l'a pas mentionné, mais je suis persuadé que c'est l'un des enjeux auxquels EACL est confrontée. Dans un marché au sein duquel les concurrents recrutent quotidiennement et énergiquement, les ingénieurs nucléaires canadiens vont aller faire à l'étranger le travail qu'ils apprécient le plus, c'est-à-dire construire des réacteurs nucléaires, si cela ne leur est plus possible au Canada. Nous n'avons plus de temps à perdre pour régler quelques-unes de ces questions. Nous devons trouver des solutions sans tarder.
La situation devient carrément intenable et nous devons le prendre en considération en examinant les autres options. Bon nombre de ces options offrent des avantages intéressants et c'est sur ces aspects que je voudrais maintenant porter mon attention.
Pour la restructuration d'EACL et, par le fait même, de toute l'industrie canadienne d'approvisionnement en énergie nucléaire, deux avenues s'offrent à nous. Nous pouvons dans un premier temps redonner au Canada son statut de superpuissance de l'industrie nucléaire. Nous sommes l'un des principaux fournisseurs d'uranium au monde. Nous sommes l'un des rares pays à avoir développé sa propre technologie de construction de réacteurs répondant aux exigences actuelles. En créant une superpuissance, on ne se limite pas aux seules possibilités générées à court terme par l'industrie. Il faut considérer d'une manière très large et dans une perspective stratégique à long terme tous les aspects de l'industrie nucléaire. Lorsque nous concluons une entente avec un autre pays pour la vente d'un réacteur nucléaire, nous établissons en fait avec ce pays une relation à long terme qui s'étendra sur les 10 années que nécessitera la construction du réacteur ainsi que sur les 60 années de sa durée utile.
Il y a beaucoup plus en jeu que l'entente conclue. Ces éléments doivent être pris en compte lorsqu'on envisage la possibilité de devenir une superpuissance.
En outre, nous conserverions par le fait même nos capacités de recherche et développement et d'innovation, non seulement dans l'industrie nucléaire, mais dans tous les secteurs connexes. Par exemple, même si j'ai distingué le secteur des isotopes pour ce qui est des investissements, il est bien évident que le fait de pouvoir compter sur une industrie nucléaire nous a permis d'attirer ici ces gens qui ont contribué au développement d'un secteur d'activité très lucratif. Il y a donc des retombées connexes.
Si nous poursuivons nos activités de recherche et développement et d'innovation, nous pouvons attirer chez nous les spécialistes parmi les plus talentueux au monde. C'est un autre avantage.
Le dernier avantage à devenir une superpuissance réside dans la création d'emplois de grande qualité pour les travailleurs d'usine qui produisent les composantes nucléaires. Si nous vendons des réacteurs CANDU partout sur la planète, nous allons vendre également les composantes qu'on y retrouve. Ce sont principalement les membres de mon association qui en assurent la production dans des usines situées ici même au Canada. C'est un énorme débouché pour nous, si nous parvenons à bien placer nos pions.
Lorsqu'il est question de milliards de dollars et de débouchés totaux de billions de dollars, il est parfois difficile de saisir l'ampleur de la chose. J'ai été très impressionné par la manière dont les Coréens ont su composer avec la situation au sein de leur industrie. On nous a annoncé ce matin la vente conclue par la Corée avec les Émirats arabes unis. C'est une transaction de 20 milliards de dollars. Il s'agit de toute évidence d'un montant très substantiel, mais il est difficile pour les gens de comprendre exactement dans quelle mesure. Pour que les Coréens saisissent bien à quel point ce marché est significatif, on a présenté la transaction dans une perspective plus concrète du point de vue de la base industrielle du pays. On a indiqué que ce seul contrat équivalait à l'exportation d'un million de voitures. Les gens commencent ainsi à avoir une bonne idée de la valeur de ce marché.
Il est possible que ce chiffre d'un million de voitures ne vous permette pas vraiment de vous faire une idée précise de la situation. Vous en avez peut-être un aperçu si vous vous êtes retrouvés sur l'autoroute 401 un vendredi en fin de journée, mais pour vous donner une base de comparaison relevant davantage de l'économie, cela représente, pour un seul contrat, les deux tiers de la production canadienne totale pour une année. Voilà qui témoigne bien des possibilités qu'offre la vente de réacteurs à l'étranger. Pour tirer parti de ces occasions d'affaires, nous devons continuer à développer notre technologie CANDU et à innover en la matière.
CANDU Inc., la division d'EACL actuellement visée par la restructuration, est un élément essentiel si nous voulons aspirer au statut de superpuissance et aux possibilités de création d'emplois qui s'ensuivent. Elle a aussi son importance pour assurer l'efficacité du parc actuel de réacteurs CANDU. On nous a parlé ce matin de son rôle comme autorité responsable de la conception et du soutien aux réacteurs existants qui sont exploités par OPG et Bruce Power ainsi que par d'autres pays en ayant fait l'acquisition.
Je voudrais parler de la nécessité de procéder rapidement à la restructuration. Il y a un bon moment que nous préconisons la restructuration d'EACL. Nous nous sommes réjouis lorsque la ministre Raitt a annoncé que le gouvernement allait de l'avant en ce sens et nous lui sommes très reconnaissants pour les efforts qu'elle a déployés en vue de comprendre les besoins de l'industrie, de prendre une décision et d'y donner suite. C'est une décision qui s'imposait et nous sommes heureux qu'elle ait été prise.
On est alors allé de l'avant avec un sommaire d'investissement produit par Rothschild où l'on cernait une série d'objectifs à atteindre. Nous considérons que ces objectifs ont également leur importance. Nous convenons que la technologie CANDU doit bénéficier d'une capitalisation appropriée pour obtenir du succès. De toute évidence, ce n'est pas le cas actuellement. Comme l'indique le sommaire d'investissement, nous croyons que l'équipe de direction d'EACL a besoin d'une capacité de gestion commerciale considérablement accrue et que l'équipe de vente doit pouvoir étendre dans une très large mesure sa présence à l'échelle internationale. C'est un aspect qui pose actuellement des difficultés.
Nous estimons que tous ces problèmes pourraient être réglés si l'on trouvait un partenaire commercial pour l'organisation, comme le précise le sommaire d'investissement.
Nous croyons en outre que pour pouvoir profiter de tous ces débouchés qui se présentent, il faut procéder sans tarder à la restructuration. Comme je l'ai indiqué précédemment, tout retard pourrait entraver les possibilités de commercialisation du CANDU. Les différents pays qui ont des décisions à prendre quant à l'avenir de leur programme nucléaire les prennent actuellement. Dans la nouvelle vague d'acquisitions nucléaires, on note une tendance importante vers la création et l'exploitation de parcs complets de réacteurs en raison des avantages découlant de la répétition des styles. Si nous manquons le départ du train, il est ensuite difficile de monter en marche. Le moment est venu d'agir.
Comme je le disais tout à l'heure, si nous n'agissons pas rapidement, nous courons le risque de perdre non seulement les scientifiques et les ingénieurs directement à l'emploi d'EACL, mais également tous ces techniciens qui travaillent le long de la chaîne d'approvisionnement, car si nous ne créons pas pour eux des espoirs et des possibilités, ils vont chercher du travail ailleurs. Nous devons régler cette question le plus rapidement possible. En conséquence, nous appuyons tout processus menant à une restructuration rapide d'EACL. C'est ce que permet le projet de loi C-9.
Nous aimerions également qu'on mette l'accent sur les objectifs, car ils sont tout aussi primordiaux que l'échéancier. S'il faut prendre rapidement des décisions, il est également nécessaire de veiller à l'atteinte des objectifs définis dans le rapport Rothschild. Dans le sommaire d'investissement, on établit trois objectifs en matière de politique qui sont d'importance égale. On y ajoute cinq critères d'évaluation et huit dénouements souhaités. Nous voulons nous assurer que le gouvernement consacre les efforts nécessaires pour que ces objectifs soient réalisés. Nous voyons dans ces objectifs un engagement envers la population canadienne que le gouvernement se doit de tenir.
Deux des objectifs en matière de politique, trois des critères d'évaluation et cinq des dénouements souhaités concernent les perspectives d'avenir pour l'industrie, notamment via l'élargissement de l'accès aux marchés et l'accroissement du nombre d'emplois de conception et d'ingénierie. Un objectif, un critère d'évaluation et deux dénouements souhaités touchent uniquement la sécurité et le rendement. Il s'agit de questions complexes et l'équipe chargée de la restructuration devra faire valoir les moyens qu'elle met en œuvre pour assurer l'atteinte de ces objectifs.
En résumé, les intervenants au sein de la chaîne d'approvisionnement souhaitent laisser le gouvernement libre de passer à l'action rapidement de manière à réaliser les objectifs établis, mais il ne s'agit pas d'une liberté totale. Il faut qu'il soit convenu de part et d'autre que le gouvernement s'emploiera à atteindre les objectifs en matière de politique qu'il s'est lui-même donnés.
En résumé, j'aimerais vous citer un extrait d'un exposé présenté devant un autre comité sénatorial, le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Il s'agit des commentaires de Duncan Hawthorne, président directeur général de Bruce Power, que bon nombre d'entre vous connaissez sans doute. Il pourrait d'ailleurs être intéressant et utile que vous preniez connaissance de son exposé devant le Comité de l'énergie. Vous savez sûrement que Duncan Hawthorne et moi sommes originaires de la même île, mais nos accents sont différents. Je ne vais essayer d'imiter son accent.
Voici ce qu'il a dit :
Je peux vous parler de la vente d'EACL. Je peux répondre de façon très précise à votre question concernant ce qui doit se passer, mais s'il y a une chose sur laquelle je tiens à insister, c'est sur la nécessité de ne pas abandonner le secteur des réacteurs CANDU. Il ne faut pas faire cela pour une simple raison de transfert de responsabilité, car cela constituerait une véritable trahison des personnes qui ont mis au point cette technologie...
... je veux m'assurer que les responsables de la conception demeurent en place, car l'expertise que possède EACL est cruciale pour nos activités en cours. Bien entendu, le gouvernement et les responsables de la restructuration veulent s'assurer que l'acquéreur — quel qu'il soit — continuera de maintenir la capacité de soutenir le parc existant. Il s'agit d'une exigence énoncée expressément.
Voilà des commentaires utiles et tout à fait probants. J'ai essayé d'être tout aussi clair aujourd'hui, mais je ne pouvais certes pas mieux faire.
Je dirais en terminant que la restructuration d'EACL doit se faire sans perdre de vue les besoins des différentes parties prenantes. C'est un processus qui compte de nombreux intervenants importants, dont la province de l'Ontario, qui a un parc considérable de réacteurs CANDU en exploitation sur son territoire et qui possède un bon nombre de ces réacteurs. C'est également l'acheteur le plus probable pour les prochains réacteurs à être produits, d'où son importance manifeste pour le processus de restructuration d'EACL. Nous aimerions que les discussions nécessaires aient lieu entre les instances fédérales et provinciales de telle sorte que les besoins d'intervenants majeurs comme la province de l'Ontario soient adéquatement pris en compte.
Je termine ici mes observations en vous remerciant de m'avoir permis de vous adresser la parole aujourd'hui.
Jason K. Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique, Direction générale des affaires règlementaires, Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de répondre aujourd'hui à votre invitation au nom de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour parler de la partie 18 du projet de loi C-9.
[Français]
J'ai eu l'occasion de prendre la parole devant vous vendredi dernier afin de discuter de la partie 19 du projet de loi C-9. Notre président, M. Michael Bender, ne peut malheureusement être ici ce matin.
J'ai présenté une vue d'ensemble de la CCSN vendredi dernier, mais j'aimerais profiter de cette occasion pour revenir sur certains points importants au bénéfice des membres du comité.
[Traduction]
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) est le chien de garde en la matière au Canada. Elle a été créée en mai 2000 avec l'entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité et la réglementation nucléaires qui lui confie le mandat de protéger la santé et la sécurité des personnes et de l'environnement et de veiller à ce que le Canada respecte ses engagements internationaux quant à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Grâce à cette loi, nous pouvons compter sur un cadre réglementaire solide, moderne et exhaustif qui permet la participation de la population et l'indépendance des décisions quand il s'agit de sécurité nucléaire.
En 2009, un examen approfondi par les pairs, mené sous les auspices de l'Agence internationale de l'énergie atomique des Nations Unies, a conclu que le Canada pouvait compter sur un cadre de réglementation nucléaire bien établi et que l'instance de réglementation en la matière s'acquittait efficacement de son mandat.
Pour ce qui est de la partie 18 du projet de loi C-9 et du sujet de la séance de ce matin, la CCSN ne participe pas à la restructuration d'EACL. Les mesures contenues dans la partie 18 ne touchent d'aucune façon le cadre réglementaire pour l'énergie nucléaire au Canada, y compris le rôle de la CCSN pour la réglementation des aspects santé, sécurité et environnement des activités d'EACL et de l'ensemble de l'industrie nucléaire au pays.
En vertu de la Loi sur la sécurité et la réglementation nucléaires, un permis de la CCSN est requis pour exploiter une centrale nucléaire ou posséder du matériel nucléaire et cette exigence n'est modifiée d'aucune façon par le projet de loi C-9 — et notamment par la partie 18 qui traite de la restructuration d'EACL. Si l'une ou l'autre des installations ou activités autorisées par la CCSN est touchée par un changement de propriétaire à EACL, il est possible que la commission doive approuver de nouveaux permis, mais c'est le seul rôle que nous entrevoyons pour l'instant.
Je tiens à assurer au comité, et aux Canadiens par votre entremise que, peu importe si EACL est restructurée ou non, la CCSN continuera à assurer une surveillance efficace de toutes les activités nucléaires au Canada. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions des membres du comité.
Le président : Merci, messieurs.
Le sénateur Finley : J'ai bien apprécié votre exposé, monsieur Alexander, et surtout vos références aux fours, gâteaux et autres déflagrations. Cela m'a aidé à mieux comprendre certaines choses.
Je ne crois pas qu'aucune des dispositions contenues dans la partie 18 du projet de loi C-9 vienne essentiellement en contradiction avec les différents mandats que vous nous avez décrits. Il semble y avoir une idée préconçue voulant que le ministre ait déjà pris les décisions à ce sujet et que, dès que le projet de loi sera adopté, EACL va être vendue à Radio Shack ou un truc du genre.
Il y a une chose qui m'intrigue. En présumant que le ministre fera ce qu'il a à faire et que l'on atteindra les huit objectifs en matière de politique que vous avez mentionnés, supposons que je sois un investisseur et qu'on me présente une offre semblable : « Écoutez, nous sommes l'un des cinq producteurs au monde dans un marché de plusieurs billions de dollars — c'est le chiffre que nous avons entendu ce matin; on m'a dit que je faisais erreur en citant les 400 milliards de dollars qu'on nous avait indiqués hier — et nous avons des ventes atteignant les billions de dollars. Nous avons déjà un produit à offrir. Nous possédons la technologie et l'expertise. Nous pouvons compter sur 70 000 employés très spécialisés et sur une chaîne complète d'approvisionnement. » Pourquoi n'y aurait-il pas des tonnes d'organisations financières qui se bousculeraient au portillon pour investir d'importantes quantités d'argent, de capitaux, dans ce secteur? Ne croyez- vous pas que c'est ce qui arriverait?
M. Alexander : C'est une bonne question, mais je ne sais pas trop comment y répondre, car je ne connais pas les différents intervenants dans le processus. Il va de soi que nous avons fait valoir à l'échelle internationale que le processus est en cours. J'ose espérer que des organisations d'importance s'intéresseront à cette technologie.
Nous aurions sans doute pu être plus efficaces dans la promotion de cette technologie pour mousser à l'avance cette possibilité d'investissement partout dans le monde.
Le sénateur Finley : Comme l'avaient fait avant vous d'autres témoins ce matin et lors de séances précédentes, vous avez relevé trois ou quatre lacunes à EACL. Je pèse mes mots en parlant de « lacunes » de manière générale. Premièrement, il y a eu une déficience au niveau de la gestion et sans doute un besoin ou une préférence pour le recours à un partenaire comprenant bien tous les aspects de la gestion technique et commerciale de l'entreprise. Il y a également une lacune au chapitre des capitaux ou de la base financière. J'ai regroupé ici deux préoccupations. Il y a aussi un problème de confiance, surtout de la part des investisseurs canadiens qui sont actuellement les contribuables.
On nous a dit qu'on préférait ne pas établir de partenariat avec nos compétiteurs étrangers. Il y a peut-être seulement une, deux ou trois entreprises canadiennes qui maîtrisent bien la technologie et les aspects liés à sa commercialisation.
En laissant de côté les autres lacunes pour s'intéresser uniquement à la question des capitaux, vous avez indiqué ne pas connaître la teneur du processus, mais vous reconnaissez qu'il y a des ventes se chiffrant à des billions de dollars, un produit, 70 000 employés spécialisés et une chaîne complète d'approvisionnement. Même si je ne savais pas de quel produit on parle — cela pourrait être un simple gadget ou un truc semblable — je ne vois absolument pas pour quelle raison un seul investisseur à l'échelle planétaire pourrait résister à de tels chiffres.
Le sénateur Ringuette : Pourquoi les Canadiens ne pourraient-ils pas être aussi intéressés?
Le sénateur Finley : Là est toute la question. Pourquoi devrait-on ainsi obliger le contribuable canadien à payer, plutôt que de laisser libre cours aux investisseurs?
Le sénateur Ringuette : Les contribuables sont actionnaires.
Le président : Je vous prierais de bien vouloir interroger nos témoins, sans quoi nous allons devoir les laisser partir.
M. Alexander : J'en reviens au fait qu'il s'agit d'une technologie valable et que nous aurions sans doute pu en faire davantage pour que les gens en prennent conscience. J'ose espérer que des investisseurs sérieux se montreront intéressés. Le bassin ne serait sans doute pas aussi large que ce que vous avez indiqué, car c'est un secteur plutôt complexe. Il ne s'agirait sans doute pas de sociétés d'investissement agissant isolément, mais elles pourraient faire partie d'une équipe. Il faudrait probablement penser à des entreprises possédant une certaine expertise de projets de cette envergure et d'activités de cet ordre, ce qui réduit considérablement le nombre de candidats possibles.
Je souhaiterais que des entreprises importantes s'intéressent au projet et que l'on s'emploie en priorité à développer une industrie prospère et à la conserver au Canada, ce qui va de soi pour des entreprises canadiennes. La décision ne serait pas vraiment difficile non plus pour des multinationales, car elles ne se préoccupent généralement pas des endroits où leurs activités ont lieu. Si nous y parvenons, notre restructuration sera couronnée de succès; les contribuables canadiens seront récompensés assez généreusement pour l'investissement qu'ils ont consenti dans l'industrie via les impôts, sans compter les emplois qui ont été créés, et nous nous retrouverons avec un secteur industriel prospère.
Le sénateur Neufeld : Merci à vous deux pour vos exposés.
Monsieur Cameron, je me réjouis que vous ayez précisé que, peu importe ce qui arrive, aucune des règles applicables ne sera modifiée. Je pense que cela devrait rassurer les Canadiens.
Monsieur Alexander, vous nous avez dit que les usines sont situées au Canada. Je ne prétends pas le contraire, mais j'aimerais bien que les emplois soient maintenus au pays. Cependant, je constate que la dernière vente remonte à 13 ans déjà.
Pourriez-vous nous indiquer ce qu'il est advenu de ces usines depuis toutes ces années? Peut-être qu'il leur faut 13 ans pour terminer ces produits, je ne sais pas.
M. Alexander : C'est une excellente question. Cela me permet de parler d'un autre des points forts sur lesquels le Canada peut miser si nous persistons dans cette industrie. Nous sommes l'un des rares pays à avoir réussi à construire efficacement des réacteurs semblables, les uns après les autres, jusqu'à la dernière vente à laquelle vous avez fait allusion. Ce dernier réacteur a été vendu à la Chine dans le cadre d'un projet où le Canada s'est révélé particulièrement efficace. Le réacteur a été construit à un coût moindre que prévu. La première unité a été produite avec 42 jours d'avance sur le calendrier établi, et nous avons pu livrer la seconde unité 112 jours à l'avance. Pour situer les choses dans leur contexte, chaque unité produit de l'électricité pour une valeur de 1 million de dollars par jour, ce qui nous a permis de nous retrouver avec un client très satisfait et la possibilité de faire fond sur ces bonnes relations si nous avions souhaité le faire.
Nous avons fabriqué des composantes pour ce projet. Après avoir terminé, nous avons presque immédiatement commencé à en fabriquer pour le programme de remise à neuf, qui venait d'être mis en œuvre. Le Canada a une des chaînes d'approvisionnement les mieux rodées et les plus fiables du monde. Nous devrions en être fiers et tabler là-dessus.
Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de votre réponse.
EACL demande des centaines de millions de dollars au gouvernement, parce que le programme de remise à neuf ne fonctionne pas bien.
Il faut regarder l'ensemble des activités. Des étrangers n'achèteront pas nécessairement les actifs simplement parce que le gouvernement les met sur le marché. Quelqu'un a parlé de Eldorado Nucléaire Limitée. Le sénateur Murray se souviendra que cette organisation a été mise en vente et il comprendra tout à fait ce que j'entends par là.
Voici ce qui est stipulé au paragraphe 4(1) de la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée :
Eldorado ou une filiale de celle-ci peut, aux conditions qu'approuve le gouverneur en conseil, conclure toute opération portant vente, cession et transfert de ses éléments d'actif, de ses activités commerciales et de ses entreprises, y compris des actions d'une filiale de Eldorado, à la nouvelle société ou à une filiale à cent pour cent de celle-ci pour la contrepartie qu'approuve le gouverneur en conseil [...]
(d) vendre ou, d'une façon générale, aliéner des actions d'une filiale de Eldorado ou des éléments d'actif de Eldorado ou d'une filiale de celle-ci [...]
(f) restructurer le capital de Eldorado ou d'une filiale de celle-ci [...]
On a repris le libellé dans le projet de loi. Je pense qu'il y a peu d'acheteurs potentiels qui vont examiner sérieusement cette offre. Comme je l'ai dit, il ne faut rien cacher en disant que « nous en parlerons peut-être plus tard ».
La situation se répète. Cela ne signifie toutefois pas que l'organisation sera vendue à un autre gouvernement. Mais les acheteurs potentiels doivent être en mesure d'explorer toutes les solutions. Il n'y a rien de mal dans le projet de loi, mais c'est du déjà vu.
M. Alexander : Vous avez très bien cerné le problème, c'est pourquoi nous nous concentrons sans réserve sur les objectifs, et non sur les moyens de les atteindre. Si nous commençons à définir des critères précis, nous pourrions perdre la meilleure occasion. Dans une certaine mesure, il ne faut pas imposer de contraintes pour tirer profit au maximum de la chance qui nous est offerte. Évidemment, il faut aussi accorder une grande confiance aux responsables pour que le marché fonctionne.
Le sénateur Marshall : Monsieur Alexander, je n'ai pas d'exemplaire de votre exposé. Cependant, avez-vous dit que de lourdes responsabilités avaient été prises en compte lorsqu'il a été décidé de restructurer l'organisme?
M. Alexander : Je ne pense pas en avoir parlé. J'ai essayé de me concentrer uniquement sur l'avenir et l'occasion qui se présente.
Le sénateur Marshall : Sans égard à ce que vous avez dit dans votre exposé, je me suis rappelé que l'organisme a de lourdes responsabilités en raison des dispositions de déclassement et de gestion des déchets. Ces responsabilités seraient-elles transférées à l'entité qui achète l'actif restructuré? Savez-vous comment cela marche?
M. Alexander : Je ne le sais pas. Cela dit, il en serait probablement question durant les négociations. Les responsabilités en matière de déclassement et de gestion des déchets ne découlent pas toutes du développement de l'énergie nucléaire. Il serait difficile de déterminer qui est responsable de quoi.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Alexander, je vous remercie d'être ici. J'ai lu à de nombreuses reprises le discours que vous avez prononcé il y a quelques semaines devant le Economic Club of Canada, à Toronto. Je suis d'accord avec vous pour dire que promouvoir la technologie CANDU ces dernières années aurait été un outil de mise en marché et de vente supplémentaire. Toutefois, si vous avez écouté les témoignages donnés devant le comité hier, vous aurez remarqué que cela n'a pas été fait depuis trois ans. On s'en est constamment pris à EACL pour son financement, sa gestion, et cetera.
J'ai grandement apprécié votre discours.
Voici ce que vous avez dit :
Nous devons comprendre que, si nous ne restructurons pas EACL de manière appropriée, le résultat pourrait être catastrophique. Dans les équipes intersectorielles à EACL, bien des gens règlent présentement des problèmes pour que le matériel soit utilisé de façon sécuritaire et continue. Si ces équipes étaient dissoutes en raison de la restructuration, et le Canada n'est pas en mesure de s'occuper des équipements actuels, nous courrions le risque de traverser une crise et de devoir arrêter les réacteurs. Cela serait bien sûr désastreux pour notre industrie. Songez aux conséquences que subirait l'Ontario si 50 p. 100 de son électricité de base n'était soudainement plus offerte.
M. Alexander : Ce n'est qu'une petite partie d'un très long discours. Je vais donner plus de détails. Même si c'est une hypothèse très improbable, j'estimais qu'il était approprié d'en parler pour que les gens comprennent l'importance du problème. Je voulais dire aux gens qui participent à la restructuration qu'il faut connaître toutes les conséquences de leurs actions, mais pas uniquement les conséquences positives. Je désirais insister pour qu'elles soient prises en compte dans les décisions afin d'éviter les effets négatifs.
Vous me donnez une autre merveilleuse occasion de répéter qu'il serait vraiment utile pour le pays qu'il y ait des négociations constructives entre le gouvernement fédéral et la province de l'Ontario, pour que ses intérêts soient pris en compte.
Le sénateur Ringuette : Pas seulement l'Ontario; il y a des réacteurs CANDU dans trois autres provinces, à qui on doit garantir dans une certaine mesure que le service ne sera pas interrompu.
M. Alexander : Tout à fait.
Le sénateur Ringuette : Donc, le seul moyen de garantir la continuité de service, c'est de favoriser la mise en valeur de l'industrie au Canada. J'ai de la difficulté à envisager la possibilité réaliste que l'organisation passe aux mains d'étrangers et que nous perdions tout.
M. Alexander : Je vais essayer d'éviter les jugements catégoriques qui pourraient vous causer des problèmes. J'en reparlerai plus tard. L'origine des propriétaires ne dérange vraiment pas, si l'industrie est établie ici. C'est ce qu'il faudrait viser. Un des moyens de garantir que l'industrie demeure au pays, c'est qu'elle appartienne à des Canadiens, mais l'enjeu essentiel est qu'elle reste ici.
La meilleure façon de garantir que nous recevons tout le soutien nécessaire, c'est en effet que le secteur soit florissant, qu'il poursuive la recherche-développement, innove et attire les gens les plus compétents au Canada. Cette méthode s'inscrit dans un modèle nous permettant de vraiment redevenir une superpuissance et de terminer le processus de manière constructive, en regardant vers l'avenir.
Le sénateur Ringuette : À ce propos, je suis d'accord pour dire qu'une des lacunes de la partie du projet de loi C-9 portant sur EACL, c'est la condition exigeant que l'industrie, la technologie et les connaissances demeurent au Canada afin que nous devenions, comme vous l'avez dit, une superpuissance. Il est inquiétant que cela ne figure pas dans la mesure législative.
M. Alexander : Je suis d'accord; c'est le genre de choses dont il faut nous assurer pour que ce soit partie intégrante du processus qui sera appliqué. Je m'inquiète néanmoins du moment opportun pour parler de conditions. Quand on impose des conditions, on court le risque de perdre l'intérêt des meilleurs partenaires qu'on puisse avoir actuellement. Il faut faire attention.
Le sénateur Ringuette : Qui seraient ces partenaires?
M. Alexander : C'est un partenaire qui réalise les objectifs que cite Rothschild dans son sommaire d'investissement, c'est-à-dire qu'il est tourné vers l'avenir, cherche à développer la technologie et maintient les débouchés ici, au Canada.
Le sénateur Ringuette : La présente mesure législative n'est pas axée sur les objectifs stratégiques de Rothschild, que nous ne pouvons donc pas imposer au gouvernement. Vous devez le comprendre. Comme l'a dit tout à l'heure le sénateur Banks, ce n'est pas un document stratégique ou secondaire que nous examinons. Nous nous penchons sur un projet de loi qui modifie des lois.
M. Alexander : Je comprends.
Le sénateur Ringuette : Quelque chose m'intrigue à propos de la chaîne d'approvisionnement du réacteur CANDU et à propos de vos membres. Je m'étonne de voir parmi vos membres le nom d'AREVA, un compétiteur dans l'industrie technologique CANDU. Pouvez-vous expliquer cela?
M. Alexander : AREVA n'est pas membre de notre association en ce moment. Le groupe l'était auparavant, parce qu'il était au plus haut point intéressé à offrir ses services aux centrales CANDU du Canada. AREVA est un grand groupe qui vend des réacteurs, qui œuvre aussi dans le secteur de l'extraction de l'uranium, où il occupe une place importante ici, au Canada. Il a adhéré à notre association parce qu'il faisait affaire avec les centrales CANDU du Canada. C'était tout à fait justifié.
Nous avons récemment adopté une position pro-CANDU bien que, par définition, nous ne soyons pas vraiment pro- CANDU. Nous voulons assurer la vigueur de la chaîne d'approvisionnement canadienne, et elle est plus forte quand des réacteurs CANDU sont en construction. C'est ce qui nous a menés à adopter cette position.
Au moment où AREVA faisait directement concurrence à CANDU en Ontario, le groupe a décidé qu'il ne convenait plus qu'il fasse partie de notre association et a résilié son adhésion. Toute organisation qui souhaite que l'industrie nucléaire canadienne soit vigoureuse est la bienvenue parmi nous.
Le sénateur Hervieux-Payette : AREVA figure encore dans votre site Web.
M. Alexander : Cela m'étonne. Je vérifierai.
Le sénateur Hervieux-Payette : C'est ainsi que nous l'avons su.
Le sénateur Ringuette : On y lit qu'un membre de ce groupe fait partie de votre conseil d'administration.
M. Alexander : Nous ne sommes plus que 164 compagnies. C'est ce que j'ai appris ce matin.
Le sénateur Ringuette : Il est intéressant d'entendre qu'AREVA s'est retiré de votre association parce qu'il était en concurrence avec CANDU, que favorisent la plupart de vos membres. Peut-être est-ce un signe que, si ce groupe devenait un investisseur partiel ou à part entière dans EACL, la technologie CANDU disparaîtrait probablement de l'industrie canadienne.
M. Alexander : Vous faites là une hypothèse. Je reviens aux objectifs, parce que nous ne savons rien des motifs d'aucun des soumissionnaires. Nous ne pouvons donc pas faire de commentaires.
Le sénateur Ringuette : Personne ne semble savoir. C'est un autre problème.
M. Alexander : J'ai appris, comme beaucoup d'entre vous, avec qui l'entente sera conclue, mais ce sont différentes compagnies, une pour chaque occasion.
Le sénateur Runciman : Monsieur Alexander, je pense que certains des propos que vous avez tenus sur la nécessité d'une restructuration ont été parmi les plus énergiques que nous ayons entendus. Vous avez notamment dit que nous ne pouvons nous permettre d'attendre.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu l'échéancier auquel vous songez, pour cette restructuration que vous jugez nécessaire.
M. Alexander : Tout le monde aimerait bien que je fixe une date et que je dise quelles seront les conséquences si nous n'avons pas fait ceci d'ici tel jour. Ce n'est malheureusement pas si simple. Voici comment je vois les choses : nous sommes arrivés à la croisée des chemins il y a quelque temps, et nous avons pris la mauvaise direction. Chaque jour qui passe sans qu'une décision soit prise, nous avançons sur la mauvaise voie, et il devient plus difficile de faire marche arrière pour revenir vers la bonne voie.
Il n'y a pas d'échéance, mais je m'attends à ce que nos ressources commencent à diminuer, au sein tant d'EACL que de la chaîne d'approvisionnement, à moins que nous n'agissions vite.
Le sénateur Runciman : Des témoins antérieurs nous ont parlé de marchés potentiels, et nous ont dit que maintenant que certaines négociations sont en cours et qu'il existe des possibilités, nous sommes limités sur le plan de l'accès. La restructuration en tant que telle prendra un certain temps. Il y a ce qui se passe en Ontario, qui a deux réacteurs, et je pense que cette décision est un progrès à cause de l'indécision dans laquelle baigne la situation. C'est l'un des facteurs, en tout cas.
J'aurais aimé que vous nous donniez une idée approximative. Le sénateur Murray, surtout, a réclamé le retrait de cette partie de cette mesure législative pour en faire un projet de loi distinct qui serait présenté au Parlement à l'automne. Il avait pourtant soutenu un processus similaire, avec Eldorado.
Je vais vous donner un exemple de ce qui se passe actuellement, avec le gouvernement minoritaire. La Chambre a étudié pendant deux ans, je crois, l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. À cause de cela et de ce que vous dites sur l'avenir de l'industrie au Canada et les conséquences pour l'économie, j'estime tout à fait approprié de traiter ainsi de ce projet de loi. Si le sénateur Murray voulait bien réfléchir à ses positions antérieures, il serait peut-être d'accord.
M. Alexander : Je ne peux fixer le jour ou la date où les décisions devront être prises. Il ne m'appartient pas non plus de parler du processus parlementaire. Il serait cependant utile que vous sachiez que nous voulons un partenaire pour EACL. À peu près tous les témoignages que vous avez entendus vous ont dit que c'est une bonne idée. L'Association des industries CANDU veut un partenaire qui fasse avancer la technologie. Nous cherchons le meilleur partenaire possible pour assurer le succès de l'industrie.
S'il y a une chose dont se soucient les compagnies industrielles, ce sont les décisions des gouvernements. S'ils hésitent, elles s'en inquiètent. Autant que le moment choisi, un changement radical de décision maintenant pourrait très bien décourager ce qui pourrait se révéler le meilleur partenaire. Je ne sais pas qui sont les partenaires, et je ne connais pas le processus parlementaire. Par contre, je peux dire que les compagnies industrielles s'inquiètent du risque, et si les gouvernements commencent à s'en mêler et à changer d'idée de sorte que la situation devient plus incertaine, cela complique alors les choses pour elles.
Le sénateur Hervieux-Payette : Nous parlons de restructuration. Pensez-vous qu'il serait important ou absolument essentiel d'avoir un partenaire canadien pour la restructuration, ou pensez-vous que n'importe laquelle des compagnies étrangères qui évolue dans le domaine des réacteurs nucléaires pourrait acheter EACL et préserver les intérêts des Canadiens?
M. Alexander : Je répète que nous sommes très axés sur les objectifs, qui visent l'épanouissement de l'industrie. Dans ma vision, nous vendons des réacteurs CANDU dans le monde entier et les opérations s'effectuent principalement au Canada; on renforce l'équipe actuelle d'EACL en augmentant ses ressources.
Dans mon esprit et dans celui de la plupart des membres de mon association, peu importe qui est propriétaire de l'organisation tant qu'elle reste ici, au Canada. Il y a d'autres exemples dans le milieu nucléaire, comme Westinghouse Electric Company LCC, un compétiteur d'EACL. La compagnie a changé de mains plus d'une fois ces dernières années. Elle a été vendue à des intérêts britanniques et appartient maintenant à des Japonais. Les opérations de Westinghouse se déroulent toujours à Pittsburgh, et la compagnie se considère américaine. Même si les intérêts majoritaires sont japonais, il y a aussi des intérêts russes et américains.
Ce qui compte, ce n'est pas où se trouve le propriétaire, mais où se fait le travail. Nous aimerions que l'industrie s'épanouisse ici, au Canada, à la faveur du développement continu de la technologie et de l'innovation.
Le sénateur Hervieux-Payette : Soyons clairs. Westinghouse fait maintenant partie d'un consortium japonais et les intérêts majoritaires appartiennent au gouvernement du Japon. C'est ce que je voulais savoir. Quand on a une compagnie privée dans le secteur de l'équipement et de la technologie, il faut un élément fédérateur au sein de ce secteur qui compte 70 000 employés.
Avez-vous l'impression que notre industrie serait protégée si la société appartenait entièrement à des intérêts privés étrangers dont la technologie est concurrentielle?
M. Alexander : Revenons aux objectifs. Nous devons trouver un partenaire à EACL. Il devra adhérer aux objectifs qui sont de continuer d'assurer le succès de la marque CANDU et être prêt à utiliser l'équipe d'EACL et les fournisseurs CANDU actuels. Nous pourrions conjecturer sur les points de vue des diverses organisations. Je ne sais cependant rien de leurs plans. Tout ce que je peux faire, c'est garder le point de mire sur l'objectif.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ce n'est pas de la conjecture. Je pense que le sénateur Dickson a parlé déjà de consulter l'industrie sur ce que serait le modèle auquel aboutirait une restructuration, de protéger en même temps les intérêts des Canadiens et de consulter les intervenants sur le modèle définitif pour que ça ne soit pas vague comme ce l'est dans le projet de loi.
Il y a une étape essentielle, et je pense que nous pourrions être rassurés de notre côté si les intervenants étaient consultés. Cette consultation aurait déjà dû être menée beaucoup plus tôt. Cela aurait pu se faire il y a plus d'un an. Quoi qu'il en soit, nous voulons recevoir l'assurance que, si nous décidons d'accorder de nouveaux crédits et de renforcer la gestion, nous aurons un modèle d'entreprise fructueux.
Nous parlons de renaissance. Je ne pense pas qu'aucun de nous n'y croie, et ce n'est pas parce qu'il s'est écoulé 13 ans depuis la dernière vente; c'est plutôt que nous ne pouvons oublier Tchernobyl et Three Mile Island. Je pense que le grand trou noir, dans l'industrie, vient de là. Aussi, les États-Unis ont interdit pendant de nombreuses années toute construction dans ce domaine. Maintenant que les affaires reprennent, nous exploiterions tous les talents et le savoir, et nous aurions une nouvelle entité. Il lui faudrait toutefois l'appui du gouvernement canadien.
M. Alexander : Je pense que vos objectifs et les miens se recoupent. Vous parlez de la voie à prendre pour les atteindre. Je dis seulement que je ne veux pas commenter la voie à prendre pour les atteindre parce que je n'en sais pas assez sur les possibilités qui pourraient exister.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que vous participeriez au processus de consultation?
M. Alexander : Je pense que l'industrie aimerait beaucoup être consultée.
Le sénateur Murray : Cette affaire d'Eldorado, c'est autre chose. C'est le sénateur Gerstein qui en a parlé la première fois la semaine dernière. Je n'ai rien dit à ce moment-là parce que je voulais me rafraîchir la mémoire, ce que j'ai fait. Je pense maintenant que le sénateur Gerstein a induit en erreur les pauvres sénateurs Neufeld et Runciman, dont on peut comprendre la disposition à lui emboîter le pas.
En 1988, quand nous avons légiféré sur l'aliénation de Eldorado, nous avions imposé des stipulations obligatoires dans les statuts. C'était à l'article 5, et le sénateur Neufeld avait cessé sa lecture à l'article 4. L'article 5 est intitulé « Stipulations obligatoires des statuts » et est suivi de plusieurs paragraphes.
Je ne me donnerai pas la peine d'en parler, sauf pour dire qu'au nombre des restrictions qu'imposait la loi, on fixait le pourcentage des actions que peut détenir un résident, un non-résident, et cetera — on les a même obligés à avoir le siège social en Saskatchewan. Bien des conditions ont été imposées, comme pour d'autres privatisations.
Si les sénateurs Neufeld et Runciman veulent tous deux y réfléchir et suggérer des modifications au projet de loi qui vont dans le sens de ces lignes directrices, je veux qu'ils sachent que j'accueillerais favorablement de telles modifications.
Monsieur Alexander, dois-je comprendre que vous n'êtes pas préoccupé, contrairement à certains témoins, par le fait que certains acquéreurs potentiels pourraient vouloir obtenir le contrôle de façon à disposer de la technologie?
M. Alexander : Non, si c'était le cas, je serais préoccupé. Ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas automatiquement présumer qu'il s'agit là de l'objectif de quelqu'un. Je ne sais pas ce que pourraient être les intentions des différents organismes. Dans certains articles que j'ai lus dans les journaux, on avance des hypothèses qui pourraient être justes ou non.
En particulier, le réacteur CANDU 6 — le réacteur que nous avons présenté dans le monde entier — dispose d'un certain nombre d'avantages très importants dans ce marché à créneaux qu'on ne retrouve dans aucun produit des autres concepteurs de réacteurs. Par exemple, ils utilisent de l'uranium naturel comme combustible. Ils peuvent être reconfigurés pour pouvoir utiliser le combustible irradié en provenance d'autres modèles de réacteur; ainsi, une fois que le combustible atteint la fin de sa vie utile dans l'autre réacteur, on peut le réutiliser dans les réacteurs CANDU. Il y a aussi la possibilité qu'ils utilisent un autre combustible beaucoup plus abondant : le thorium.
Il peut fort bien y avoir là des occasions, pour d'autres fabricants de réacteurs, d'offrir cette technologie. Je ne dis pas qu'il y a de telles occasions; je dis simplement que je ne le sais pas. Nous devons nous préoccuper des objectifs de ces organismes plutôt que de faire des hypothèses sur leurs plans.
Le sénateur Murray : Exactement. Nous sommes des législateurs. Je crois qu'aucun d'entre nous ne participera aux négociations ou au processus. Dès que le projet de loi, s'il est adopté, reçoit la sanction royale, notre rôle sera terminé. Nous n'allons pas vous revoir ici. Donc, si vous avez des plaintes, vous savez à qui vous adresser : au gouvernement.
Y a-t-il un acquéreur potentiel qui, s'il devait prendre le contrôle d'EACL, vous ferait hésiter en ce qui concerne son accès à la technologie?
M. Alexander : Non, je ne vais pas me prononcer; ce doit être une question d'objectifs, et je ne connais pas les objectifs de ces organismes.
Le sénateur Murray : Par conséquent, le fait qu'AREVA prenne le contrôle ne vous préoccuperait pas, est-ce exact?
M. Alexander : Encore une fois, cela dépend des objectifs. S'ils ont un plan d'entreprise qui prévoit la poursuite du développement de la technologie CANDU — ce qu'ils pourraient très bien faire — alors, AREVA est une très bonne entreprise.
Le sénateur Murray : En ce moment, je suis moins préoccupé par le ministre que je ne le suis par le sénateur Finley, dont le pessimisme permanent — son négativisme — au sujet du passé, du présent et de l'avenir d'EACL est tel que cela me porte à croire que si nous faisions les choses à sa manière, nous mettrions un terme à ceci rapidement. Je crois qu'il ne serait pas exagéré de conclure, d'après tout ce qu'il a dit, qu'il n'hésiterait pas à opter pour une des solutions, soit de dissoudre toute l'affaire, s'il considérait que c'est ainsi qu'il faut procéder.
Le sénateur Finley : M'accusez-vous de quelque chose?
Le sénateur Murray : Je ne veux pas vous attribuer quoi que ce soit; vous avez un point de vue très négatif de l'ensemble, soit la confiance que les Canadiens ont envers cette affaire, la situation financière et la gestion. Vous ne seriez pas un très bon vendeur pour cette entreprise, sénateur.
Le sénateur Finley : En fait, j'ai travaillé avec EACL dans le passé.
Le président : Nous pourrions peut-être diriger nos questions aux témoins.
M. Alexander : Nous pourrions quitter la pièce.
Le sénateur Murray : Non, je veux être très clair à ce sujet. D'autres sénateurs en ont parlé. Vous avez clairement indiqué qu'il s'agit d'une affaire très urgente et que vous voulez que cela aille de l'avant. En ce qui concerne l'avenir d'EACL, j'ai cru comprendre que vous nous conseillez de faire confiance au gouvernement et d'adopter ce projet de loi tel quel.
M. Alexander : Je me suis employé à ne pas vous donner de conseils, mais à essayer de vous fournir des renseignements. Nous devons aller de l'avant rapidement.
Le sénateur Murray : Adoptez le projet de loi.
M. Alexander : Nous devons nous concentrer sur les occasions et non pas sur certains des problèmes passés. Je ne nierai pas qu'il y a des problèmes. Cependant, nous devons tenir compte du fait que le peuple canadien a investi dans une technologie dans un domaine qui évolue très rapidement à l'échelle mondiale; nous devrions essayer de nous positionner pour faire en sorte que cette technologie soit un énorme succès qui profitera à tous ceux qui ont investi dans cette technologie. Il s'agit d'une technologie qui présente des avantages très particuliers, et si nous nous positionnons correctement, d'importantes occasions s'offriront à nous.
Ce que j'essaie de dire, c'est oui, nous devons le faire, mais assurons-nous de ne pas perdre de vue les occasions que cela peut créer.
Le sénateur Murray : Qui? Le gouvernement? Pas le Sénat; nous n'avons pas voix au chapitre.
M. Alexander : Oui.
Le sénateur Murray : Adoptez le projet de loi.
M. Alexander : Les personnes qui participent au processus de restructuration devraient s'employer à s'assurer qu'ils atteignent les objectifs et que nous avons une entreprise florissante et durable qui devrait nous élever au statut de superpuissance dans le domaine de la technologie nucléaire.
Le sénateur Murray : Nous devrions adopter le projet de loi. Merci.
Le sénateur Peterson : Monsieur Cameron, si EACL est vendue et que la question de la responsabilité des déchets radioactifs persiste, êtes-vous d'avis que cela devrait rester sous la responsabilité du gouvernement?
M. Cameron : C'est une question théorique. En ce qui concerne les déchets hérités qui existent actuellement à Chalk River — les laboratoires en particulier — ou sur les autres sites d'EACL au Canada, il était évident que, peu importe si ces activités demeurent sous la responsabilité du gouvernement ou si elles deviennent la propriété d'une entreprise privée et sont exploitées par elle, ou une combinaison des deux, nos exigences en matière de santé, de sûreté, de sécurité et de protection de l'environnement seraient respectées par n'importe quel organisme.
Le sénateur Peterson : Cela pourrait — s'ils devaient hériter de cette responsabilité — avoir une incidence très importante sur n'importe quel acheteur potentiel, en raison de l'incertitude.
M. Cameron : J'ai manqué la dernière partie de votre question, sénateur.
Le sénateur Peterson : Si l'acheteur de l'entreprise — quel qu'il soit — hérite de la responsabilité des déchets, cela aura une incidence très importante sur la valeur de l'entreprise. Il y a là des déchets hérités.
Si je me souviens bien, dans le cas d'Eldorado, le gouvernement fédéral a conservé toutes les responsabilités en matière de déchets. Je me demande si ce serait la même chose dans le cas présent.
M. Cameron : Comme l'a mentionné mon collègue, je ne connais pas très bien ou je ne suis pas dans le secret des dieux en ce qui concerne les discussions en cours avec les acheteurs potentiels ni l'ampleur de la transaction qui pourrait avoir lieu. Je m'en remets à ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire : il existe des sites hérités au Canada, et nous pouvons assurer les Canadiens que, peu importe ce qu'il advient de la transaction, leur santé et leur sécurité seront protégées.
Le sénateur Peterson : Monsieur Alexander, vous avez parlé de réfection des centrales nucléaires. Pourriez-vous nous donner un aperçu de la grandeur de ce marché et des perspectives d'avenir des entreprises qui œuvrent dans ce domaine?
M. Alexander : Sans hésiter, je dirais les réacteurs CANDU. Un programme de réfection continue est établi. L'Argentine entrevoit la réfection. Ontario Power Generation a annoncé la réfection de quatre réacteurs à Darlington. Le processus de planification de la réfection de la centrale de Gentilly, au Québec, est très avancé. La réfection des centrales coréennes est en cours. La Roumanie et la Chine auront terminé sous peu. Il s'agit là des réfections prévues.
Il y a d'autres avantages à œuvrer au sein de l'industrie nucléaire. Grâce au travail effectué par SNC-Lavalin et Babcock & Wilcox dans le cadre du remplacement des générateurs de vapeur de Bruce Power, nos industries ont pu effectuer, avec succès, le même travail aux États-Unis. Nos activités dans le domaine de la réfection des centrales nous procurent aussi un avantage industriel qui nous permet d'offrir des services de réfection aux 430 autres réacteurs que l'on trouve partout dans le monde. Il s'agit d'un marché beaucoup plus grand, mais moins stable, et que je n'ai pas suivi de près.
Le président : Monsieur Cameron, si ces domaines de combustibles irradiés historiques changent de propriétaire à la suite d'une opération, est-ce que cela déclencherait une audience de la Commission canadienne de sûreté nucléaire?
M. Cameron : Les installations de déchets historiques dont nous parlons reçoivent une autorisation en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui est un processus géré par la CCSN. Actuellement, ces autorisations proviennent d'Énergie atomique du Canada limitée. Si une opération entraîne une modification qui changerait l'exploitant ou le contrôleur de ces endroits particuliers, on enclencherait un processus en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
La Commission canadienne de sûreté nucléaire connaît bien les instances d'opérations commerciales dans le cadre desquelles il y a des changements de propriétaire. Récemment, nous avons vu des entités se regrouper au sein du secteur nucléaire. Ces processus ont été bien gérés en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Le président : Merci d'avoir clarifié la question du sénateur Peterson.
Le sénateur Dickson : Monsieur Alexander, j'aimerais avoir une précision. Vous avez fait allusion à un site Web où l'on peut trouver les critères et les conclusions du rapport Rothschild sur la restructuration d'EACL, le sommaire d'investissement. De quel site Web s'agit-il?
M. Alexander : On peut accéder au rapport Rothschild sur le site Web de Ressources naturelles Canada. J'ai toujours de la difficulté à expliquer aux gens comment trouver le document, mais il suffit d'utiliser l'outil de recherche du site et de taper « Rothschild » pour le trouver.
Le sénateur Dickson : Monsieur Cameron, ma prochaine question porte sur les réacteurs MAPLE 1 et MAPLE 2. Je crois comprendre qu'un examen de l'étude technique par un tiers n'a pas été autorisé. Ai-je raison de dire que ces réacteurs peuvent être exploités dans une capacité d'environ 80 p.100. Avez-vous un rôle à jouer à cet égard?
M. Cameron : De toute évidence, nous devons veiller à la bonne marche de toutes les installations des établissements nucléaires.
Le sénateur Dickson : Est-ce sécuritaire?
M. Cameron : En ce qui concerne les réacteurs MAPLE en question, d'autres entités ont décidé de ne pas poursuivre les activités de cette installation ou de ce projet. Comme pour toute installation, si une société décide de continuer un projet qui sollicite une action en vertu de notre loi, elle peut présenter cette affaire devant la CCSN.
Le président : Je ne suis pas certain d'avoir compris ce que vous venez juste de dire.
M. Cameron : La décision d'interrompre le projet MAPLE a été prise par le gouvernement et EACL. Un processus continu a été enclenché en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, par l'entremise de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et au moyen de nos processus d'audience publique. Cependant, l'audience avec la CCSN a cessé quand il a été décidé d'interrompre le projet.
Le sénateur Dickson : Par conséquent, aucune décision n'a été rendue.
M. Cameron : Aucune décision finale n'a été prise.
Le sénateur Dickson : A-t-on rendu une décision provisoire? Y avait-il des conclusions provisoires? Quelle était l'orientation?
M. Cameron : Cela dépasse légèrement mes connaissances particulières en ce qui concerne les décisions prises par la CCSN. Une série de tests ont été présentés officiellement au cours des audiences publiques de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Cependant, les détails me dépassent légèrement, madame le sénateur.
Le sénateur Ringuette : Est-ce que c'est le gouvernement actuel qui a pris les décisions de mettre les réacteurs MAPLE hors service et d'interrompre la production sécuritaire d'isotopes? N'en est-il pas ainsi, monsieur Cameron? Quand la décision a-t-elle été rendue?
M. Cameron : J'aimerais peut-être vous fournir la date exacte de la décision plus tard, madame le sénateur. La CCSN n'a joué aucun rôle à cet égard.
Le sénateur Ringuette : Mes questions vont porter sur l'évacuation des déchets. J'ai lu qu'EACL a élaboré et fait breveter une technologie particulière pour l'évacuation des déchets d'une installation nucléaire et la sécurité.
Monsieur Alexander ou monsieur Cameron, êtes-vous au courant de cette technologie?
M. Alexander : EACL est très actif à la fin du cycle du combustible, y compris par rapport à la manière de traiter le combustible irradié. Cependant, je ne suis pas certain de quelle partie vous voulez parler. Bien sûr, la société est relativement bien reconnue pour une technologie qu'elle offre aux installations des sites de réacteurs, qui garde le combustible en sécurité après son utilisation. C'est l'une de ses technologies.
Le sénateur Ringuette : Cette technologie fait partie de l'exploitation composite d'EACL. Avec la disposition d'EACL, les Canadiens risquent de perdre tous les avantages découlant de cette technologie. Le projet de loi C-9 n'offre aucune sécurité contre une telle perte.
Monsieur Cameron, en ce qui concerne la technologie d'évacuation des déchets d'EACL, pourriez-vous nous parler des lignes directrices en matière de sécurité de la CCSN?
M. Cameron : Actuellement, partout au Canada, les installations de gestion des déchets sont exploitées de manière sécuritaire par l'ensemble de nos titulaires de licence, y compris Énergie atomique du Canada limitée à son emplacement de Chalk River.
Pour nous assurer de la sécurité de ces sites particuliers, des entreprises comme EACL passent par notre processus d'audience publique et doivent satisfaire aux exigences de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de nos règlements correspondants pour obtenir une licence de la commission, qui est un organisme d'audience quasi judiciaire. Les installations exploitées par EACL détiennent actuellement des licences en règle.
Le sénateur Ringuette : Y a-t-il d'autres établissements au Canada qui ne bénéficient pas de la disposition des déchets d'EACL à propos desquels vous pouvez nous parler?
M. Cameron : Il y a de nombreux sites de déchets partout au Canada qui ne sont pas directement liés aux activités d'EACL. Certains d'entre eux sont sur nos lieux d'exploitation des réacteurs CANDU, et d'autres sont associés à des sites miniers d'uranium, particulièrement en Saskatchewan. D'autres sites de déchets n'appartiennent pas à EACL.
Le sénateur Ringuette : Est-ce vous qui êtes chargés de les approuver, sur le plan de la sûreté?
M. Cameron : Oui.
Le président : Je ne vois aucun autre nom sur ma liste, et le temps est écoulé. Ainsi, monsieur Alexander, monsieur Cameron, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à vous remercier infiniment d'avoir été des nôtres, d'avoir répondu à nos questions et de nous avoir aidés à comprendre les entreprises du secteur et votre position sur la partie 18 du projet de loi C-9, en ce qui concerne EACL.
Nous allons vous laisser du temps pour ramasser vos affaires, après quoi nous allons poursuivre la séance.
Le premier élément à l'ordre du jour est une motion visant à ce que le comité se réunisse à huis clos. Elle est présentée par le sénateur Gerstein, vice-président du comité. Je vous demande si tout le monde est d'accord.
Le sénateur Murray : Je vous en ai parlé il y a quelques minutes, quand je m'en suis rendu compte plus tôt dans la séance. Nous avons parfois droit à de l'interprétation simultanée lors des séances à huis clos. À d'autres occasions, il n'y en a pas. Je présume que nous allons la garder.
Ensuite, on conserve parfois un compte rendu textuel, et parfois non. Je crois que nous devrions soumettre la question au comité.
Le président : Oui. Sénateur Murray, je vous remercie d'avoir soulevé ce point. Étant donné que vous m'en avez fait part au préalable, j'en ai parlé à notre greffier, et si vous voulez adopter une telle motion, voici la formulation qu'il propose :
Que les délibérations à huis clos soient transcrites; que le compte rendu soit conservé auprès du greffier du comité pour consultation par les membres du comité; qu'aucun exemplaire du compte rendu ne soit fait; et que, 30 jours après le dépôt du rapport final du comité sur l'étude du projet de loi C-9 ou à la prorogation ou à la dissolution de la troisième session de la quarantième législature, selon la première éventualité, le greffier du comité détruise le compte rendu.
Le sénateur Murray : Le sénateur Gerstein indique qu'il est ici question des travaux futurs. Je n'ai pas d'objection à garder le compte rendu et à fournir des exemplaires aux sénateurs s'ils veulent les consulter, de même qu'y faire allusion publiquement.
Le président : Il s'agit peut-être de grands moyens pour régler la situation.
Le sénateur Murray : Je préférerais avoir un compte rendu, à moins qu'il y ait des questions de confidentialité ou quelque chose de semblable.
Le président : Chers collègues, convenez-vous de conserver le compte rendu, sans aucune restriction, et de poursuivre la séance avec l'interprétation simultanée?
Des voix : Oui.
Le président : La seule autre question concerne la présence du personnel. J'ignore ce dont vous voulez parler. Est-ce que nous nous opposons à ce que le personnel soit présent?
Le sénateur Finley : Je n'y vois pas d'objection.
Le président : Personne ne s'oppose à ce que le personnel soit présent. Ai-je fait le tour de toutes les questions préliminaires?
Nous allons donc déclarer le huis clos. La séance ne sera plus télédiffusée. Nous poursuivons nos travaux à huis clos en tenant compte des conditions que nous venons de déterminer.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)