Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 13 - Témoignages du 29 juin 2010 - Séance du matin
OTTAWA, le mardi 29 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales à qui a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour examiner le projet de loi (sujet : parties 16 et 17).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte cette 14e réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous devons examiner le projet de loi C-9, Loi portant exécution du budget de mars 2010.
Le comité a déjà tenu 13 réunions où divers représentants ministériels lui ont expliqué les dispositions de chacune des 24 parties de ce projet de loi. Nous avons aussi entendu les témoignages d'intervenants externes qui s'intéressent à ce projet de loi ou sur qui il a une incidence.
Ce matin, des témoins nous parleront des parties 16 et 17 du projet de loi portant sur la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada et les lois concernant les coopératives de crédit fédérales. Un deuxième groupe viendra en discuter aussi cet après-midi.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos deux témoins de ce matin. M. David Phillips qui est président et premier dirigeant de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Il a convenu de nous expliquer la structure des coopératives de crédit et le rôle de la Centrale des caisses de crédit du Canada par rapport à ces coopératives. M. Joseph Dierker, quant à lui, est un collaborateur chez McDougall Gauley, un cabinet de droit de la Saskatchewan.
Monsieur Dierker et monsieur Phillips, nous sommes heureux de vous accueillir.
David Phillips, président et premier dirigeant, Centrale des caisses de crédit du Canada : Monsieur le président, je veux bien lancer le bal. J'ai préparé quelques observations, que j'aimerais vous lire. Vous m'avez aussi invité à expliquer un peu le rôle de mon organisation et, si vous le voulez bien, je le ferai à la fin de mes observations. Nous pourrons en parler plus longuement au moment des questions.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de m'offrir cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui au sujet de la partie 17 du projet de loi C-9, Loi sur l'emploi et la croissance économique. Cette partie propose des modifications à la Loi sur les banques dans le but de permettre l'établissement de coopératives de crédit fédérales.
Convaincue qu'une charte fédérale utile, attrayante, accessible et distincte permettrait de réaliser plusieurs objectifs, notre organisation a demandé en 2009 au gouvernement fédéral d'offrir une telle option aux coopératives de crédit.
[Français]
Tout d'abord, une charte fédérale permettrait aux coopératives de crédit qui souhaitent le faire d'aller au-delà des frontières provinciales pour mettre en place des stratégies commerciales, qui ne sont pas assujetties aux restrictions de la règlementation provinciale. L'expansion au-delà des frontières provinciales devient plus pressante, la croissance et la consolidation du système de coopératives de crédit s'approchant du point où l'absence d'une option de charte fédérale pourrait causer des désavantages sur le plan concurrentiel à certaines coopératives de crédit ainsi qu'à l'ensemble du secteur des coopératives de crédit.
[Traduction]
La Centrale des caisses de crédit du Canada a exprimé sa préférence pour l'établissement des coopératives de crédit fédérales sous le régime des lois fédérales en vigueur qui régissent les institutions financières coopératives. La centrale n'a toutefois pas écarté d'autres solutions législatives si celles-ci pouvaient prévoir une option de charte fédérale pour les coopératives de crédit répondant à ces conditions.
Le gouvernement canadien a décidé d'assujettir l'établissement de coopératives de crédit fédérales à la Loi sur les banques. La Centrale des caisses de crédit du Canada appuie la promulgation de la partie 17 du projet de loi C-9, y voyant une bonne étape initiale vers la création d'une charte fédérale utile, attrayante, accessible et distincte pour les coopératives de crédit.
L'intégration de la charte des coopératives de crédit fédérales à la Loi sur les banques, bien qu'elle comporte de nombreux avantages, pose néanmoins certains problèmes de compatibilité entre le cadre proposé pour les coopératives de crédit et un certain nombre de dispositions de la Loi sur les banques qui sont surtout conçues pour les banques commerciales. La législation des coopératives de crédit fédérales, même si elle est bienvenue, est longue et complexe.
La centrale est donc encore à analyser les modifications proposées. Elle voudra probablement examiner certains aspects de son analyse avec le ministère des Finances, notamment les enjeux liés au fait d'accorder aux membres d'une coopérative de crédit fédérale l'accès à la liste de tous ses membres et la position de la coopérative de crédit fédérale dans le système de compensation et de règlement des paiements.
La centrale souhaite toutefois exprimer son appui à la ratification du projet de loi C-9, qui donnera aux coopératives de crédit existantes et aux personnes qui souhaitent en établir de nouvelles la possibilité d'assujettir celles-ci à une charte fédérale. Nous estimons que le cadre législatif proposé est un pas vers cet objectif.
Quelques mots maintenant sur la Centrale des caisses de crédit du Canada, pour la situer dans le réseau des coopératives de crédit. Ce réseau comporte trois paliers. Je précise qu'il s'agit ici des coopératives de crédit hors du Québec. Le premier palier est celui des coopératives de crédit en tant que telles, des institutions financières constituées en vertu d'une loi provinciale et dont les membres traitent entre eux dans tout le pays.
Il y a actuellement au Canada 410 coopératives de crédit desservies par sept centrales provinciales, lesquelles sont en réalité des fournisseurs de services financiers de gros aux coopératives de crédit. Au troisième palier, nous retrouvons la Centrale des caisses de crédit du Canada, la centrale des centrales. Nous sommes le point de liaison avec le gouvernement fédéral et la Banque du Canada, nous fournissons des services aux centrales provinciales et, de fait, nous tenons le rôle d'association professionnelle nationale des coopératives de crédit du Canada.
C'est une structure en trois paliers, et notre organisation est la centrale des centrales. Les coopératives de crédit sont indirectement des membres de la Centrale des caisses de crédit du Canada, par l'intermédiaire de leur centrale provinciale.
Le président : Vous avez bien dit qu'il y avait sept centrales provinciales?
M. Phillips : Il y en sept, effectivement.
Le président : Il doit bien y avoir une combinaison de provinces quelque part. Vous avez exclu le Québec, n'est-ce pas?
M. Phillips : Le Québec n'en fait pas partie. Un regroupement est en cours dans le réseau des coopératives de crédit, au niveau des centrales provinciales. Il suit le mouvement de fusion des coopératives de crédit elles-mêmes, amorcé il y a environ deux ans quand deux des plus grandes centrales, celles de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, ont fusionné pour former Central 1 Credit Union. Vous avez peut-être déjà vu ce nom; c'est la centrale des coopératives de crédit de la Colombie-Britannique et de l'Ontario.
Dans les provinces de l'Atlantique, les trois centrales provinciales et une partie des coopératives de Terre-Neuve se préparent à se fusionner, peut-être bien d'ici la fin de l'année. Les provinces des Prairies sont en pourparlers en vue de regrouper leurs centrales en une centrale régionale.
Nous avons actuellement sept centrales provinciales. Elles pourraient très bientôt n'être plus que trois.
Le président : Y voyez-vous une menace pour votre position?
M. Phillips : Pas du tout. Nous voyons dans le regroupement et la croissance une évolution naturelle du réseau. Cette fusion est parfaitement justifiée et elle ne peut que consolider le réseau à long terme.
Le président : Vous n'y voyez donc pas une vaste fusion, mais seulement des regroupements qui vont dans le sens d'une plus vaste centrale?
M. Phillips : Je pense que bien des gens, dans le réseau, y voient le point culminant logique de cette évolution.
Le président : Ce serait vous.
M. Phillips : Ou nous tous. Pour l'instant, il ne s'agit que de regroupements à l'échelle régionale.
Le président : Est-ce que le Québec et le Nord du Nouveau-Brunswick entretiennent des rapports?
M. Phillips : Nous nous appelons cousins. C'est le Mouvement Desjardins, et nous avons de bons rapports avec lui. Sa structure est différente. Je crois avoir compris que ses représentants doivent témoigner devant le comité plus tard aujourd'hui.
Le président : C'est juste, mais nous n'entendrons pas de représentant du Nouveau-Brunswick, une province officiellement bilingue. Les coopératives de crédit du Nord du Nouveau-Brunswick forment une association distincte de celle des coopératives de crédit d'expression anglaise.
M. Phillips : Je n'en connais pas les détails, mais à ce que je comprends, elles entretiennent des rapports avec le Mouvement Desjardins.
Le président : Peut-être pourra-t-il nous aider, mais il ne fait pas partie de votre réseau.
M. Phillips : Non. L'autre fédération, au Nouveau-Brunswick, fait partie de notre réseau, et c'est l'une des centrales provinciales qui est en train de se fusionner avec les autres pour former la centrale de l'Atlantique.
Le président : Je vous ai interrompu pour obtenir une précision. Aviez-vous terminé vos observations?
M. Phillips : Oui, j'avais terminé.
Joseph Dierker, collaborateur, McDougall Gauley LLP : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie. Comme le disait le président, je suis avocat à Saskatoon. Je pratique le droit depuis de nombreuses années et je m'intéresse particulièrement, entre autres, aux lois régissant les coopératives et caisses de crédit.
J'évolue dans le domaine depuis assez longtemps déjà. Dans les années 1960 et 1970, j'ai travaillé aux modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu alors qu'y étaient intégrées les dispositions fiscales relatives aux coopératives de crédit. J'ai aussi collaboré avec l'organisation de M. Phillips et d'autres à titre de conseiller lors de la promulgation de mesures législatives liées à la réglementation des organisations centrales dont a parlé M. Phillips. Mon expertise portait surtout sur le capital, la liquidité et les pouvoirs, l'intégration des coopératives à l'Association canadienne des paiements et leur adaptation à cet élément financier.
Le ministère des Finances du Canada a retenu mes services à contrat et c'est à ce titre que je lui fournis un soutien relativement à la partie 17. Ma principale fonction consiste à intégrer la gouvernance coopérative et la nature coopérative des coopératives de crédit dans la structure bancaire afin qu'elles puissent mener leurs activités comme telles, mais dans le cadre juridique d'une banque.
J'ai donc travaillé en étroite collaboration avec Veronica Wessels, dont votre comité a entendu le témoignage, et avec d'autres fonctionnaires du ministère des Finances en vue de présenter ces modifications au comité. Je vous les expliquerai volontiers si vous avez des questions.
En théorie, nous voulions avoir une loi qui permettrait aux coopératives de crédit admissibles de s'intégrer au réseau. Quand je dis « admissibles », j'entends celles qui répondraient aux critères établis aux termes de la Loi sur les banques relativement au capital, à la liquidité et à la gouvernance en général. Cette loi permettrait aux coopératives d'être prorogées comme banques dotées d'un régime de gouvernance de coopérative de crédit. Elle comporterait aussi suffisamment de garanties pour prévenir les recours abusifs à ces dispositions.
Vous remarquerez, par exemple, que la majorité des membres des coopératives de crédit fédérales doivent être des personnes, et que les services doivent être offerts principalement à leurs membres. En rédigeant les dispositions de prorogation, particulièrement en ce qui concerne la démutualisation, nous avons minutieusement formulé les garanties pour prévenir les recours abusifs.
Je suppose que le comité voudrait peut-être savoir qui utilisera cette loi. Pourquoi en êtes-vous saisi? Comme M. Phillips vous l'a dit, un vaste regroupement des coopératives de crédit est amorcé dans le réseau auquel il est associé. Le nombre de coopératives de crédit a diminué de moitié par rapport à la décennie précédente.
Le mouvement de fusion s'intensifie. Parallèlement au regroupement des centrales, on constate un vaste regroupement des coopératives de crédit qui forment des institutions financières de plus en plus importantes. Ces institutions veulent une assise financière plus solide pour s'épanouir et divers moyens de pouvoir diversifier leurs portefeuilles.
Certaines coopératives de crédit deviennent des institutions financières d'envergure et cherchent à élargir leur champ d'action, particulièrement à l'étranger. La loi qui régit actuellement les coopératives de crédit au Canada ne leur permet pas vraiment de s'imposer à l'échelle internationale.
Autre chose qui pourrait favoriser ce recours, c'est l'inquiétude des gouvernements provinciaux quant à leur capacité respective de gérer ces institutions financières sans faire double emploi au Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, pour les plus grandes institutions financières. Ce pourrait être l'un des principaux catalyseurs.
Je termine ici. Je répondrai volontiers aux questions que les membres du comité voudront me poser.
Le président : Plusieurs sénateurs s'y préparent, monsieur Dierker. Nous vous remercions.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui a motivé la création de ce projet de loi? Des représentants du ministère des Finances nous ont dit qu'il en avait été question en 2002-2003, mais il y a aussi eu le rapport McKay, en 1998. Est-ce que cela remonte aussi loin? Y avez-vous participé et savez-vous ce qui est à l'origine de ce projet de loi?
M. Dierker : La question de l'accroissement des capacités fédérales va beaucoup plus loin que cela. Tout a commencé essentiellement lorsque les centrales ont pu fournir des services à leurs coopératives de crédit. L'autre initiative à l'origine de ce mouvement, ce sont les modifications qui ont été apportées à la Loi canadienne sur les paiements à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Pour faire accepter l'idée que les institutions financières s'intègrent au système de paiements, on a voulu créer un organisme commun de réglementation et établir la valeur financière grâce à l'adoption de rapports financiers communs. C'est ce qui a mené à une disposition sur l'enregistrement pour les centrales provinciales; et l'Ontario, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont profité de ces dispositions fédérales.
C'est ainsi qu'a commencé le mouvement des autorités fédérales vers le système de coopératives de crédit. Pendant plusieurs années, on s'est interrogé sur la meilleure façon d'y arriver, question qui a fait l'objet de nombreuses discussions. C'est particulièrement le cas dans certaines des provinces où la loi n'était pas considérée aussi souple qu'elle aurait dû l'être pour permettre aux centrales de mener les activités nécessaires pour servir leurs membres. Est-ce que cela répond à votre question?
Le président : Oui. Je vais laisser les sénateurs poser des questions et faire des observations. N'importe qui pourra intervenir si une question ne s'adresse pas à quelqu'un de précis. Je vais commencer par le sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Bonjour, messieurs. Monsieur Phillips, aux pages 3 et 4 de votre déclaration préliminaire, vous dites que la Centrale des caisses de crédit du Canada analyse encore les modifications proposées dans le projet de loi C-9. Pour notre part, nous commençons à les analyser. Puisque le projet de loi a été déposé au début du mois de mars, vous les avez analysées pendant près de trois mois. J'ai été surprise de voir des modifications à la Loi sur les banques dans la partie 17 du projet de loi budgétaire. Nous n'avons pas suffisamment de temps pour analyser à fond les modifications et comprendre toutes leurs répercussions.
Avez-vous des modifications à proposer pour offrir une plus grande certitude à la Centrale des caisses de crédit du Canada?
M. Phillips : D'après l'analyse que nous avons effectuée jusqu'à présent, nous appuyons les modifications proposées. Cette partie du projet de loi comble un grand vide parce qu'elle permet l'établissement de coopératives de crédit fédérales. S'il est vrai que nous nous attendions à un projet de loi qui prévoit la création de coopératives de crédit fédérales, nous ne nous attendions pas à ce qu'il fasse 125 pages; il y a donc des points de détail à examiner. Il nous faut mieux comprendre l'interaction entre le projet de loi et la Loi canadienne sur les paiements. Toutefois, ça se comprend, et je m'attends à ce qu'à un moment donné, nous recommandions peut-être certains ajustements selon ce qui s'impose. Il est important pour nous que la charte soit accessible aux coopératives de crédit et qu'elle leur soit utile. Nous disposons de la Loi sur les associations coopératives de crédit, une mesure législative soi-disant pour les coopératives de crédit, mais elle n'a pas porté fruit. Le projet de loi aurait plus de chance de succès. Nous pourrions proposer des modifications à un moment donné, mais pour l'instant, il n'y a rien d'urgent qui nous laisserait croire que cette partie ne devrait pas être adoptée.
Le sénateur Ringuette : Il n'y a rien de tellement urgent pour que cette partie soit intégrée dans une loi budgétaire et non pas dans un projet de loi distinct.
M. Phillips : C'est le cas pour la partie 17, oui. Nous comprenons le contexte. Je ne veux pas parler du projet de loi en général, mais comme il s'agit d'une mesure financière, il n'était pas illogique, selon nous, de la voir dans le budget. M. Dierker a fait allusion au rythme de la consolidation dans le système de coopératives de crédit, ce qui insinue la nécessité de mesures législatives sur les coopératives de crédit fédérales.
Lorsque nous parlons de consolidation du système de coopératives de crédit, il est important de comprendre que nous parlons de la consolidation dans un système dont les actifs et le nombre de membres augmentent. La consolidation crée des unités plus efficaces et plus fortes au sein du système. Cette consolidation crée les conditions idéales pour que le système de coopératives de crédit ait du succès. Il y a beaucoup de coopératives de crédit multimilliardaires un peu partout au Canada. Trois d'entre elles ont un actif de 10 milliards de dollars. Pendant que ces institutions continuent à croître, parce qu'elles sont constituées en vertu d'une charte provinciale, leurs stratégies de croissance deviennent limitées, à moins qu'elles aient la possibilité de traverser les frontières provinciales. La consolidation se poursuit à un rythme de 35 à 40 coopératives de crédit par année. Si je devais comparaître devant le comité dans un an, il ne serait pas surprenant que vous m'entendiez dire que, dans cette foulée, 370 coopératives de crédit sont entrées dans le système. Parce que ces coopératives de crédit commencent à se heurter aux frontières provinciales, d'un point de vue stratégique, elles ont besoin d'une option fédérale pour envisager d'autres stratégies de croissance qui leur permettront de fusionner et de se consolider au-delà des frontières provinciales. C'est ce qui explique le besoin d'adopter les modifications proposées à cette étape-ci.
Le sénateur Ringuette : Lorsque des fonctionnaires des ministères ont comparu devant le comité il y a quelques semaines, j'ai demandé si le projet de loi concernait une unité ou une centrale. Ils m'ont dit précisément qu'il concernait une unité. Je tiens compte du contexte global, et vous prônez la fusion des coopératives de crédit. Qu'advient-il de l'organisation communautaire, qui est à la base même des coopératives de crédit et des coopératives où chaque membre ou déposant a un vote? Qu'arrive-t-il quand on fusionne 40 coopératives de crédit sur un territoire donné? Vous avez parlé de la fusion interprovinciale, et M. Dierker a parlé de la possibilité de mener des activités à l'échelle internationale. Quelles en seraient les répercussions sur les coopératives de crédit et les coopératives en tant qu'organisations communautaires?
M. Phillips : Cette question se présente maintenant en raison de la consolidation qui est en cours. Les coopératives de crédit d'aujourd'hui ont plusieurs milliers de membres et doivent être innovatrices dans la façon dont elles servent leur collectivité et assurent leurs pratiques de gouvernance. C'est sûr qu'il existe bien des approches différentes dans le système de coopératives de crédit. Par exemple, elles pourraient mettre sur pied des conseils communautaires régionaux, se doter de structures de votes délégués ou utiliser des systèmes de vote électronique.
Alterna, qui est établie à Ottawa, est la coopérative de crédit que je connais le mieux. Lorsqu'elle tient son assemblée générale annuelle, il y a une communication télévisuelle entre Toronto et Ottawa. Tout le monde est invité à assister et à participer pleinement à la réunion. On utilise des méthodes électroniques pour créer cet esprit communautaire. Il est possible de conserver cet esprit communautaire, qui est inscrit dans l'ADN des coopératives de crédit.
Rien n'indique ou ne prouve que la consolidation des coopératives de crédit a réduit cet esprit communautaire. Elles continuent de faire partie de leur collectivité et fournissent des services comme elles l'ont toujours fait. Lorsqu'elles ont 40 000 ou 100 000 membres, elles ne peuvent pas tenir leur assemblée générale annuelle de la même façon; voilà pourquoi elles prennent des arrangements, comme l'utilisation du vote électronique.
Ce qui fait en partie la force du système de coopératives de crédit, c'est le fait que les 410 institutions financières indépendantes abordent les questions de façon bien différente. Il n'y a pas de normes établies sur la façon dont elles répondent aux besoins de leurs membres.
Le sénateur Ringuette : Comprenez-vous qu'en vertu des modifications proposées, 410 institutions financières pourraient demander l'autorisation des gouvernements provinciaux de devenir une entité de crédit fédérale?
M. Phillips : Nous ne croyons pas que cela se produise de cette façon. Selon nous, seule une poignée de coopératives de crédit voudraient devenir des entités fédérales, tout simplement parce que cela ne fait pas partie de leur stratégie. Ce serait seulement les plus grandes, et même celles-ci examineraient la question d'un point de vue stratégique à long terme. La difficulté à laquelle elles font face présentement, c'est que comme cette option stratégique n'existe pas, elles ne peuvent pas la prendre en considération dans leur planification.
À mon avis, dans un an ou deux, nous ne verrons pas beaucoup de différences dans le système de coopératives de crédit à la suite du projet de loi, s'il est adopté, mais, dans 10 ans, nous pourrions en constater les effets. Il est important d'offrir cette option aux coopératives de crédit pour leur permettre de prendre en considération des stratégies qui les amèneraient de l'autre côté des frontières.
Cet aspect revêt également une importance dans le contexte de la régionalisation des centrales, car cela permettrait à une coopérative de crédit d'avoir les capacités d'une centrale régionale. En général, les coopératives de crédit ont pu se mesurer à leurs centrales provinciales, car elles sont constituées en vertu d'une loi provinciale, comme la centrale provinciale. Avec l'avènement des centrales régionales, certaines coopératives de crédit voudront devenir des entités régionales, et la seule façon pour elles d'y arriver, c'est d'avoir la capacité de traverser les frontières, ce que la charte fédérale permet de faire.
Le sénateur Ringuette : Une coopérative de crédit à charte fédérale dans une province pourrait faire concurrence à des coopératives de crédit communautaires locales dans une province donnée, ou même dans une autre province — c'est ce qu'on appelle du maraudage.
M. Phillips : On assisterait plutôt à une consolidation ou à une fusion de deux coopératives de crédit de deux collectivités différentes dans le but de fournir de meilleurs services.
M. Dierker : Monsieur le président, dans sa version actuelle, le projet de loi donne un maximum de souplesse aux coopératives de crédit fédérales pour concevoir la façon dont les membres communiqueront les uns avec les autres de même qu'avec la coopérative de crédit, aux fins des réunions et des élections. Le projet de loi leur permettra de nommer des directeurs, d'obtenir des renseignements sur des membres et d'essayer différents types de représentation, comme le vote électronique ou le vote par correspondance.
La plupart des gens connaissent un peu la Saskatchewan. Sa superficie est trois fois supérieure à celle de la France, et les gens sont éparpillés un peu partout. Les coopératives de crédit ont passablement réussi à établir des structures de représentation sur un territoire extrêmement vaste. Certaines l'ont fait par voie électronique, comme M. Phillips l'a dit.
Les coopératives de crédit fédérales de la Colombie-Britannique s'en sont bien tirées en restant en contact avec les membres sur le très grand territoire qu'elles représentent.
Je pense que les coopératives de crédit seront capables de gérer cela. Ce sera difficile à faire, par exemple, pour une coopérative de crédit de la Colombie-Britannique qui a des membres en Nouvelle-Écosse, ce que le projet de loi fédéral permettrait, mais il s'agit d'une chose qu'elles auraient à élaborer.
Le sénateur Ringuette : Je tiens à préciser que je suis une fière membre des Caisses populaires acadiennes. Je suis presque née dans l'une d'elles.
Le président : Elle vient de déclarer qu'elle est possiblement en conflit d'intérêts. Nous en prenons bonne note.
Le sénateur Ringuette : Je crois fermement au mouvement coopératif.
M. Dierker : Il s'avère que je connais très bien les Caisses populaires acadiennes.
Le président : Monsieur Dierker, voudriez-vous intervenir sur deux points que M. Phillips a soulevés? Il a dit qu'une coopérative de crédit constituée en vertu d'une loi provinciale devrait devenir une entité fédérale pour mener des activités à l'extérieur de la province. Il a également mentionné que le projet de loi fournit une option stratégique qui n'est pas offerte présentement à une coopérative de crédit constituée en vertu d'une loi provinciale. Au cours de la dernière session, on nous a dit qu'en fait, une coopérative de crédit constituée en vertu d'une loi provinciale avait créé une banque afin de fonctionner comme une banque.
M. Dierker : Je vais répondre aux questions séparément. En vertu des dispositions sur les coopératives de crédit fédérales, il est très difficile pour une coopérative de crédit constituée en vertu des lois de l'Alberta, par exemple, de mener des activités en Ontario. Il y a les questions d'enregistrement, et surtout, il y a la question constitutionnelle de mener des activités à la manière des banques.
Cependant, ce qui importe le plus, c'est la protection des membres, car les dispositions sur la protection des dépôts pour les coopératives de crédit sont constituées en vertu d'une loi provinciale. Reprenons l'exemple de l'Alberta; comme le gouvernement albertain garantit effectivement les dépôts au moyen de son plan de protection des dépôts, on n'est pas très impatient de garantir des dépôts pour des membres de coopératives de crédit en Ontario.
Depuis bon nombre d'années, des coopératives de crédit étudient des façons d'utiliser la loi provinciale pour étendre leurs activités dans d'autres provinces, mais elles n'ont jamais réglé la question de la protection des dépôts. C'est l'un des murs auxquels elles se heurtent. Je crois que trois banques appartiennent à des coopératives de crédit, et les coopératives de crédit le font pour pouvoir mener leurs activités.
Beaucoup de coopératives de crédit ont également recours aux services de Concentra Financial, une association fédérale aux termes de la Loi sur les associations coopératives de crédit, et elles l'utilisent comme agent pour mener des activités dans d'autres provinces. Toutefois, pour y arriver, il faut recourir à un agent, tout comme c'est le cas des banques.
Ces ressources existeraient toujours en vertu du projet de loi, mais les coopératives de crédit pourraient y recourir directement.
Le président : Quelle est l'autre loi fédérale que vous avez mentionnée?
M. Dierker : La Loi sur les associations coopératives de crédit; c'est la loi en vertu de laquelle la Centrale des caisses de crédit du Canada fonctionne. Elle régit également les centrales provinciales qui sont enregistrées sous cette loi.
Le président : Merci de ces précisions.
Le sénateur Runciman : Je ne suis pas membre d'une coopérative de crédit, mais j'en suis un admirateur. Un article paru en mars dans le Globe and Mail résume mon point de vue sur les coopératives de crédit, à savoir que celles-ci sont reconnues pour leur innovation et pour leur soutien aux personnes et aux collectivités, chose que les banques ont négligée. Monsieur Phillips, vous avez aussi parlé d'esprit communautaire.
Pendant 29 ans, j'ai représenté ce qui est essentiellement une circonscription rurale de l'Ontario, et j'ai vu les grandes banques abandonner les petites villes et les villages des régions rurales de l'Ontario, et dans deux ou trois cas, les coopératives de crédit ont comblé le vide. Nous avons récemment entendu parler d'un exemple de cela à Iron Bridge, dans le Nord de l'Ontario. En 2009, les habitants de cette localité ont appris qu'ils perdaient leur seule institution financière, et une coopérative de crédit s'est installée pour combler le vide.
Étant donné l'engagement que nous avons pris envers les régions rurales de l'Ontario et du Canada, quels seront les effets de ce projet de loi, selon vous? Va-t-il renforcer le rôle que vous avez traditionnellement joué dans ce domaine?
M. Phillips : Oui, le projet de loi pourrait certainement renforcer le rôle des coopératives de crédit dans les régions éloignées. Il pourrait s'agir des coopératives de crédit qui ne seraient pas aussi intéressées par l'option fédérale. Elles ont tendance à être plus petites et à s'implanter localement. Vous pourriez être tout près de la frontière provinciale dans le Nord de l'Ontario, et de l'autre côté de la frontière, au Manitoba, il y a une autre petite coopérative de crédit avec laquelle vous aimeriez fusionner pour devenir plus forts. Actuellement, il n'est pas possible de le faire. Le projet de loi rend cette option transfrontalière possible et réalisable.
Nous parlons du fait que cette mesure législative intéresse principalement les plus grandes coopératives de crédit, mais elle peut être aussi utilisée par les petites coopératives de crédit. En effet, cela pourrait être une bonne option pour les coopératives de crédit situées près des frontières provinciales, qui pourraient trouver là un moyen de se regrouper et de devenir plus fortes.
Le sénateur Runciman : À quoi ressembleront les institutions bancaires de la rue principale dans 20 ans, selon vous? Vous avez parlé des transactions bancaires électroniques et de l'accès aux guichets automatiques, qui sont disponibles presque partout. Nous parlons de banques automatisées quelque temps dans l'avenir. Est-ce dans cette voie que nous nous dirigeons? Nous ne serons pas en mesure de nous asseoir avec quelqu'un pour discuter de notre situation financière en personne?
M. Phillips : Je ne pense pas que les coopératives de crédit se dirigent dans cette voie. J'aurais dû mentionner, au cours de la discussion que j'ai eue avec le sénateur Ringuette au sujet de la consolidation, qu'en dépit de la consolidation du système bancaire, un certain nombre de succursales du réseau des coopératives de crédit n'ont presque pas changé au cours de la période de consolidation. On parle ici d'environ 1 700 succursales à la grandeur du pays. Sachez que 380 d'entre elles sont situées dans des collectivités où il n'y a pas d'autres institutions financières. À bien y penser, c'est logique, parce qu'on ne se retrouvera pas dans une situation où quelqu'un de l'extérieur dit qu'il faut fermer la succursale parce qu'elle n'est pas rentable. Les coopératives de crédit sont une extension de la collectivité, et elles ont été créées par ses résidents. Elles ne décideront pas elles-mêmes de mettre fin à leurs activités et, dans bien des cas, elles ont une permanence dans la collectivité que les banques ne peuvent pas égaler.
Le sénateur Runciman : Dans le même article du Globe and Mail, Nancy Hughes Anthony, la présidente de l'Association des banquiers canadiens, a dit que ses membres accueillaient favorablement la nouvelle concurrence, mais — il y a toujours un « mais » — ils ne veulent pas que les coopératives de crédit se retrouvent avec des avantages que les banques n'ont pas. Ils évoquent bien d'autres choses, dont M. Dierker a parlé, comme les normes en matière de réglementation, les exigences en matière de capital et la politique fiscale. Une des choses dont ils ont parlé — et je n'ai entendu personne d'autre en parler —, c'est le droit de vendre de l'assurance. Nous savons que récemment, le ministre des Finances a réitéré l'intention du gouvernement de ne pas permettre aux grandes banques d'entrer dans ce marché. Que se passe-t-il dans le cas du projet de loi, et quelle est l'incidence sur ce domaine?
M. Phillips : Le projet de loi porte sur les coopératives de crédit et, pour l'essentiel, il les soumet aux dispositions relatives à la réglementation de la Loi sur les banques. Comme nous le savons tous, la loi contient des restrictions importantes en matière de prestation de services d'assurance.
Certaines coopératives de crédit au Canada, à l'échelle provinciale, ont des pouvoirs plus étendus en matière de prestation de services d'assurance. À maints égards, la décision de s'engager à l'échelle fédérale est une décision d'affaires. Les coopératives de crédit devront comparer les avantages et les inconvénients. Pour certaines coopératives de crédit qui font le saut sur le marché fédéral, un des désavantages pourrait être qu'elles auraient moins de pouvoirs en matière d'assurance que ce qu'elles ont en vertu de la réglementation provinciale. Elles voudront échanger cela contre certains avantages. Du point de vue de la prestation de services d'assurance, se soumettre à cette mesure législative ne représente pas un avantage pour les coopératives de crédit.
Cependant, une question importante est celle d'une coopérative de crédit qui dispose actuellement de pouvoirs plus étendus en matière de prestation de services d'assurance et qui devient assujettie à une charte fédérale. Dans un tel cas, il faudrait porter attention à la transition. Il ne suffit pas d'actionner un interrupteur pour que, soudainement, l'entreprise ait quitté le domaine. Il devrait y avoir des mesures transitoires adéquates. La réglementation pour les coopératives de crédit fédérales prévue dans le projet de loi est essentiellement la même que pour les banques.
M. Dierker : C'est exact. Monsieur le président, me permettez-vous de revenir sur une question qui a été posée plus tôt par le sénateur Runciman?
Un des avantages de ce projet de loi, c'est que les coopératives de crédit qui font appel à cette loi pourront fournir des services améliorés aux petites entreprises et aux industries de base telles que l'agriculture. Actuellement, elles peuvent offrir des services financiers aux petites entreprises dans les provinces, mais elles ne peuvent pas faire de même pour les activités de leurs membres au Minnesota ou ailleurs, par exemple, ni même dans une autre province. Ce sera un avantage important du projet de loi qui devrait aider les petites entreprises.
Le sénateur Runciman : Merci de ces renseignements.
Le président : Je souligne que l'Association des banquiers canadiens a été invitée à comparaître, et nous aurions pu entendre son point de vue ici, en séance publique, mais ses dirigeants n'étaient pas en mesure de se présenter pendant la période où nous tenons nos audiences. Nous devrons nous fier à leurs articles tels que le sénateur Runciman les a lus.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais connaître certains détails techniques. Il y a entre autres la question de l'assurance-dépôts qui m'intéresse. Je sais que la Société d'assurance-dépôts du Canada, la SADC, établit une limite quant au montant d'argent qu'elle assure, mais, dans le passé — du moins en Alberta —, des coopératives de crédit assuraient les dépôts à hauteur de 100 p. 100. Si les dépôts commencent à passer de la compétence provinciale à la réglementation fédérale, l'assurance-dépôts suivra-t-elle le mouvement, ou sera-t-elle réduite? Ce serait un affront encore plus grand envers les banques, qui se disent incapables d'égaler cela de quelque façon que ce soit. Que se passe-t-il alors? Les banques augmentent-elles jusqu'à 100 p. 100, ou les coopératives de crédit descendent-elles jusqu'à 100 000 $ par compte bancaire?
M. Phillips : En vertu du régime fédéral, vous seriez assujettis à la limite prévue dans la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada. Si vous passiez d'une constitution en personne morale en Alberta à une constitution en personne morale à l'échelle fédérale, vous passeriez d'une assurance-dépôts illimitée fournie par le gouvernement de l'Alberta à une limite de 100 000 $ par compte bancaire. J'ai parlé plus tôt de la décision d'affaires qui doit être prise. Vous avez le grand livre; d'un côté, on retrouve les avantages, et de l'autre, les désavantages. Voilà une des choses dont nous devons tenir compte : quel est l'effet de notre transition vers la loi fédérale sur nos dépôts? La réponse dépendra de la composition des dépôts.
Cela dépend également de l'endroit où vous êtes au pays. En Alberta comme dans d'autres provinces, il n'y a pas de limite. En Ontario, on parle essentiellement d'une limite de 100 000 $, sauf dans le cas des effets de commerce, pour lesquels il n'y a pas de limite.
Le sénateur Mitchell : Il n'y a pas de limite pour les effets de commerce.
M. Phillips : C'est très récent. Dans ce cas, l'équation est peut-être différente de ce qu'elle serait en Alberta. Manifestement, vous êtes assujetti à la SADC, et vous devriez exercer vos activités dans le cadre de la réglementation de la SADC.
M. Dierker : Monsieur le président, mon ami a tout à fait raison, comme vous deviez vous y attendre. Sénateur, vous avez raison de dire qu'en Alberta et en Saskatchewan, il y a une garantie de 100 p. 100 et, comme M. Phillips l'a dit, dans certaines provinces, le pourcentage est beaucoup moins élevé. Le projet de loi et les modifications à la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada prévoient une période de transition. Dans le cas d'une coopérative de crédit de l'Alberta qui entre dans le régime fédéral, l'assurance de l'Alberta — l'assurance de 100 p. 100 — serait maintenue pendant 180 jours pour les dépôts réguliers. Si vous avez un dépôt à terme, l'assurance de 100 p. 100 serait maintenue pour la durée du dépôt. Le projet de loi comprend une disposition relative à la transition.
Le sénateur Mitchell : Si quelqu'un comme le sénateur Ringuette, qui a grandi dans les coopératives de crédit, décidait qu'il veut conserver l'assurance-dépôts provinciale de 100 p. 100, devrait-il quitter la coopérative de crédit qui passe à l'échelle fédérale ou à la réglementation fédérale pour devenir membre d'une coopérative de crédit qui ne procède pas au changement?
M. Dierker : Si vous vouliez conserver votre assurance de 100 p. 100, oui, ce serait exact.
Le sénateur Mitchell : Les personnes dont le régime enregistré d'épargne-retraite est actuellement couvert à 100 p. 100 en Ontario auront le même problème; elles prendraient de plus grands risques en matière de prestations de retraite. Cela ferait l'affaire des banques parce qu'elles ne veulent pas être en concurrence avec des entreprises qui offrent une assurance-dépôts de 100 p. 100 alors qu'elles peuvent obtenir une limite de 100 000 $.
La dernière fois que j'ai vérifié, la SADC n'était pas entièrement financée. Elle avait beaucoup plus de dettes qu'elle avait de fonds d'assurance-dépôts pour les couvrir. Quel est l'état des dépôts qui serviront à couvrir la dette, à l'échelle provinciale, des coopératives de crédit qui pourraient passer au fédéral? Y aura-t-il des restrictions pour que cela ne se produise pas, advenant le cas où les fonds ne seraient pas suffisants, c'est-à-dire que le fédéral ne recevrait pas assez d'argent pour couvrir la dette de façon raisonnable? Autrement, le gouvernement fédéral pourrait avoir à assumer une plus grande dette pour couvrir des coopératives de crédit qui pourraient faire faillite. Notre expérience nous démontre que de nombreuses institutions financières ont fait faillite à l'échelle fédérale, sauf celles qui ont été renflouées.
M. Dierker : Vous avez posé plusieurs questions. L'organisme d'assurance-dépôts le plus solide du monde des coopératives de crédit, si je peux l'appeler ainsi, c'est le fonds de la Saskatchewan. Celui de l'Alberta est assez bien financé, avec l'appui d'une garantie du gouvernement provincial. La Saskatchewan a une assurance complémentaire avec la SADC, tant pour l'assurance que pour le financement. En ce qui concerne leur solvabilité, les autres organismes de dépôt présentent les résultats qui varient d'une province à l'autre, mais ils sont essentiellement en excellente santé financière.
Quand les institutions entrent dans le régime fédéral et qu'elles deviennent assurées par la SADC, elles doivent suivre le même processus que doit suivre toute nouvelle institution financière. La SADC recevra des primes sur les dépôts de ces institutions, tout comme elle en reçoit de n'importe quelle autre institution financière.
Le sénateur Mitchell : La SADC recevrait-elle les primes passées qui ont été accumulées au fil des ans alors que les institutions étaient gérées en vertu de la réglementation provinciale? La SADC recevrait-elle ces primes?
M. Dierker : Tous les fonds qui se trouvent dans un organisme de dépôt provincial y resteront.
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement fédéral doit assumer la responsabilité des dépôts existants et va commencer à recevoir des primes d'assurance dès maintenant?
M. Dierker : Le gouvernement fédéral commence à recevoir des primes d'assurance au moment où une institution devient une institution fédérale.
Le sénateur Mitchell : Si une entreprise qui détient 10 milliards de dollars d'actifs passe au fédéral, le gouvernement accepterait la responsabilité de l'assurance-dépôts pour 10 milliards de dollars sans recevoir les primes qui y sont associées? Tout à coup, 10 milliards de dollars seraient perdus et la province n'aurait pas à en assumer la responsabilité si cette entreprise faisait faillite demain?
M. Dierker : Il y a deux choses. Premièrement, pour qu'une coopérative de crédit poursuive ses activités en tant que banque, elle doit satisfaire à toutes les exigences du Bureau du surintendant des institutions financières. Deuxièmement, pour satisfaire à ces exigences, elle doit, dès le premier jour, disposer du capital et des liquidités que l'on exige d'une banque en bonne santé financière. La question de la solvabilité et de la faillite d'une coopérative de crédit fédérale dès son entrée dans le réseau ne se pose pas.
Le sénateur Mitchell : Je vais apporter une nuance. Oui, l'institution doit être solvable, mais la SADC dispose maintenant des fonds nécessaires pour couvrir les banques fédérales. Si elles font faillite, la SADC utilise les primes versées par les membres pour créer un fonds d'assurance. Les provinces l'ont fait, mais ce que vous dites, c'est que cette institution provinciale, la coopérative de crédit, peut arriver à l'échelle fédérale avec 10 milliards de dollars d'actifs. Cela peut sembler bien — son capital peut être excellent, notamment —, mais l'argent accumulé dans les primes d'assurance dans la province de l'Alberta pour couvrir cette somme ne sera pas transféré à la SADC en même temps que le capital pour servir de fonds d'assurance.
M. Dierker : La SADC acceptera ces dépôts tout comme ceux de n'importe quelle autre institution financière.
Le sénateur Mitchell : À compter de maintenant, mais non pas de façon rétroactive. Est-ce une toute nouvelle responsabilité?
M. Dierker : C'est une toute nouvelle relation. Je le répète : c'est le même processus qui est utilisé pour toute autre institution financière qui arrive dans ce marché.
Le sénateur Mitchell : Mais il ne s'agit pas d'une nouvelle banque. La coopérative de crédit existe depuis 40 ou 50 ans, avec toutes les dettes et les primes d'assurance qui se sont accumulées, et la province va conserver les primes d'assurance. C'est fantastique, la province est heureuse. Cependant, le fédéral hérite maintenant des dettes. C'est inconcevable. Comment avez-vous fait?
Une voix : Vous militez pour que l'Alberta donne ces fonds...
Le sénateur Mitchell : Je me fais le porte-parole de la Saskatchewan et de l'Ontario.
Le président : À l'ordre, s'il vous plaît.
Le sénateur Mitchell : En fait, je suis en train de défendre l'intérêt fédéral. Comment faites-vous?
Le président : Avez-vous des observations à faire, monsieur Dierker?
M. Dierker : On a signalé que la Société d'assurances-dépôt du Canada, la SADC, accepte ces dépôts comme s'il s'agissait de dépôts provenant d'une institution financière qui satisfait les exigences du Bureau du surintendant des institutions financières et de la SADC et qu'elle va continuer de les assurer.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis originaire de la province où la présence de l'institution est probablement la plus importante au Canada. Des représentants de l'institution viendront nous rencontrer cet après-midi et on pourra leur poser des questions.
Vous avez dit que, à l'échelle nationale, il existe une entité juridique et une entité économique, et que c'est aussi le cas sur le plan régional à certains endroits et par la suite au niveau local. Quel est le rôle du membre individuel dans les différents niveaux? Quels sont les modes de financement des niveaux régional et national?
[Traduction]
M. Dierker : À ce palier, les membres de la coopérative de crédit vont fonctionner comme une institution financière. Les coopératives de crédit obtiennent leurs liquidités de la centrale provinciale, qui est le deuxième palier. Quant à la centrale nationale, qui est l'entité de David Phillips, elle fournit les dernières liquidités servant à la compensation et au règlement dans les opérations quotidiennes, la compensation quotidienne, les compensations bancaires, les compensations électroniques, Interac, et cetera.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que les individus peuvent voter à tous les niveaux ou seulement au premier? Si sur trois ou quatre millions de membres, un million de membres décident d'appartenir à une institution nationale, auront-ils droit de vote sur le plan régional? J'aimerais savoir qui dirige ces entités.
[Traduction]
M. Dierker : Le vote et la gouvernance concernant les coopératives de crédit se feront au sein des membres du palier des coopératives de crédit.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que ce sera fait localement?
M. Dierker : Ce sera fait au palier des coopératives de crédit. Il peut s'agir d'une coopérative de crédit locale ou d'une coopérative dont les activités couvrent deux provinces. Les votes dans le cadre de réunions et pour l'élection des administrateurs se tiendront à ce niveau.
Les organisations du deuxième et du troisième palier, comme au Québec, sont des entités complètement distinctes qui fournissent des services aux organisations d'un palier inférieur. En ce qui concerne la prestation de services spécialisés, on peut envisager le régime des coopératives de crédit comme une pyramide, où les entreprises locales se trouvent en bas, les centrales provinciales au centre et la Centrale des caisses de crédit du Canada en haut.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que je me trompe en pensant que l'individu, qui est membre au niveau local, n'aura jamais droit de vote aux niveaux régional et national?
[Traduction]
M. Phillips : Les particuliers votent pour élire les membres du conseil d'administration de leur coopérative de crédit, et les coopératives de crédit sont membres de la centrale provinciale. Ces coopératives membres de la centrale provinciale élisent les membres du conseil des gouverneurs. Nous sommes la centrale des centrales, et les membres de notre conseil d'administration sont élus par les centrales provinciales. Les membres individuels assument leur rôle d'électeurs par rapport à leur coopérative de crédit. Ils n'ont pas nécessairement une influence directe quant aux votes liés à la centrale provinciale et à la centrale nationale.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez survolé rapidement la question du rôle international des caisses. Au niveau local, à part l'exemple d'une province à la frontière des États-Unis, comment peut-on voir le rôle de cette entité fédérale en Europe, en Asie ou ailleurs?
[Traduction]
M. Dierker : C'est l'un des avantages du texte de loi fédéral, car il leur donnera la capacité de mener leurs activités en dehors des frontières du Québec. De fait, elle pourra étendre ses activités au Maine, en Ontario, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse.
Gardez toutefois à l'esprit ceci. Il est fondamental que le projet de loi sur les coopératives de crédit fédérales maintienne la crédibilité de la structure des coopératives de crédit. C'est pourquoi, pour éviter les abus, il importe d'une part que la majorité des membres soient des particuliers. D'autre part, il est encore plus important que les services soient d'abord et avant tout offerts aux membres. Les services constituent un test bien plus grand. Il est quelque peu réconfortant de savoir qu'en appuyant le projet de loi visant à créer des coopératives de crédit fédérales, on ne met pas essentiellement sur pied des institutions financières qui peuvent choisir leurs affaires, en quelque sorte, sauf si elles offrent également aux particuliers la possibilité de devenir membre, la gouvernance et le droit de vote au palier local.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Pour augmenter la capacité de votre succursale locale qui se joindrait à d'autres, vous devez remplir les obligations de capital de base. Le capital de base pour la nouvelle entité fédérale sera-t-il le même que celui des banques? J'ai lu que, contrairement à la Loi sur les banques, un individu pouvait investir jusqu'à 100 p. 100 du capital, mais qu'il n'aurait que 20 p. 100 du droit de vote.
Par rapport aux autres membres, cela n'impose-t-il pas un poids énorme sur une seule personne, ce qui pourrait probablement motiver toutes les décisions ultérieures de la part de cette nouvelle entité?
[Traduction]
M. Dierker : Premièrement, sur le plan des capitaux et des liquidités, les rôles de la nouvelle entité sont identiques à ceux d'une banque. Les membres continuent de procéder, en tout temps, selon le principe voulant que chaque membre ait un droit de vote. Dans la mesure où l'on investit ce capital dans les parts privilégiées de ces entités, on peut le faire afin d'aider à soutenir ce capital, et les membres de la coopérative de crédit peuvent accorder des droits de vote pour nommer les administrateurs. Jusqu'à 20 p. 100 des administrateurs peuvent représenter ce capital.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : A-t-on fait un parallèle avec la Loi sur les banques, qui permet qu'une entité corporative soit limitée à 20 p. 100 alors qu'avant c'était 10 p. 100? Ce 20 p. 100 reflète-t-il le même modèle que la Loi sur les banques? Quelle était la philosophie derrière le 20 p. 100?
[Traduction]
M. Dierker : Ce même modèle est effectivement prévu dans la Loi sur les associations coopératives de crédit actuelle, et cela a été adopté dans cette loi.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais partager une petite chose avec mes collègues.
[Traduction]
J'aimerais connaître votre opinion sur ce qui suit. Quand on met en commun beaucoup de fonds et qu'on devient plus fort, on doit bien sûr effectuer un dépôt et acheter divers instruments financiers. Ainsi, on obtient un gain sur ces montants investis. Je présume que le danger que représente l'investissement dans des prêts à risque trop élaborés est moindre pour une petite coopérative de crédit locale. De plus, dès que l'on devient une plus grande entité, il faut davantage de savoir-faire, mais on peut également tomber dans le même piège que les grandes institutions.
De quel genre d'assurance un membre local dispose-t-il? Nous avons connu ce scénario au Québec. Je dois avertir mon collègue d'en face que les caisses populaires ont perdu des milliards de dollars en prêts à risque l'an dernier, et il s'agissait d'une grande catastrophe pour les membres. Je veux simplement dire que « plus grand » ne signifie pas nécessairement « meilleur ». Je trouve même qu'il y a de la beauté dans ce qui est petit. C'était d'ailleurs le concept initial des coopératives de crédit.
Je veux connaître votre opinion. Nous ne voulons pas d'un projet de loi qui promet le paradis avant même de mourir. J'aimerais entendre vos observations à ce sujet.
M. Dierker : Monsieur le président, je suis extrêmement ravi d'avoir troqué ma partie de golf contre mon témoignage à Ottawa. Merci, sénateur. Je suis déjà venu ici à maintes reprises, mais c'est la première fois que j'entends décrire cette ville comme étant un paradis.
Le sénateur Hervieux-Payette : C'est parce que vous ne venez pas assez souvent à Ottawa.
M. Dierker : Bien entendu, le fait de permettre aux coopératives de crédit ou aux caisses populaires de devenir des entités fédérales ne garantit pas plus une réussite que s'il s'agissait de n'importe quelle autre institution financière régie par ce projet de loi. C'est une question de gestion, de respect des règlements et de l'exercice de la prudence. Ce ne sont pas seulement les caisses populaires qui ont perdu de l'argent sur certains de ces investissements; les coopératives de crédit également. Nous espérons que la gestion se fait un peu plus intelligemment et prudemment à ces égards.
Je peux vous affirmer, madame le sénateur, qu'il est prévu que les coopératives de crédit régies par ce projet de loi seraient des coopératives plus importantes. Ce projet de loi entraîne des coûts marginaux considérables. Comme l'a dit M. Phillips, ce sont là les vérifications et les contre-vérifications qu'il faut effectuer. Manifestement, les services aux membres et la reddition de comptes entraînent des coûts considérables. Pour certaines provinces, il y a une norme de fonds propres marginale. D'autres provinces suivent le modèle fédéral, et ce serait donc identique. Comme vous le savez, au Québec, on a tendance à mettre davantage de fonds en commun que les sociétés assujetties aux règles fédérales. Si une caisse populaire était assujettie à ce projet de loi, il faudrait s'attendre à des coûts d'investissement accrus.
Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais informer mes collègues de ceci. Les membres du Comité des banques ont mené une étude sur les cartes de crédit et de débit qui, pour la plupart, appartiennent partiellement aux banques. Au Québec, Desjardins a développé son propre système de cartes de crédit et de débit, qui ne fait pas l'objet d'un contrôle par le département américain de la Sécurité intérieure, car c'est fait au Canada et non des deux côtés de la frontière. Il faut savoir que Visa et MasterCard — il y en a seulement deux — ont deux centres d'exploitation aux États-Unis. Ils ne sont bien sûr pas au Canada.
Quel système les coopératives de crédit utilisent-elles?
M. Dierker : Elles utilisent les deux. En ce qui concerne les cartes de débit, les coopératives de crédit sont propriétaires d'un modèle canadien qui est géré par l'organisation de M. Phillips, la Centrale des caisses de crédit du Canada. C'est par cet intermédiaire qu'elles émettent des cartes de débit. L'accès à Interac est complètement interne. Pour ce qui est des cartes de crédit, elles ont maintenant des ententes avec les banques.
Le sénateur Marshall : Monsieur Dierker, monsieur Phillips, je tiens à vous remercier d'avoir présenté ces exposés forts intéressants. J'aimerais entendre votre point de vue à propos du régime de réglementation, car les coopératives de crédit provinciales sont actuellement assujetties aux règlements provinciaux, et l'on propose maintenant d'y ajouter un régime fédéral. Prévoyez-vous un seul régime de réglementation? Quelle est votre opinion à ce sujet?
Je sais que M. Phillips a également parlé de la transition. Prévoyez-vous que le régime provincial de réglementation sera similaire au régime fédéral? J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
M. Phillips : Je ne crois pas qu'il y ait un seul régime de réglementation. Pour la raison que j'ai énoncée tout à l'heure, ce serait seulement dans l'intérêt de quelques coopératives de crédit, mais la grande majorité des 410 coopératives de crédit existantes se contenteraient d'en rester là. Les régimes de réglementation des quatre coins du pays diffèrent quelque peu les uns des autres, et elles ont toutes évolué en fonction des circonstances de chaque province.
Quoi qu'il en soit, elles sont aussi influencées par les règlements fédéraux et les règlements du Bureau du surintendant des institutions financières. Les organismes de réglementation se rencontrent régulièrement et sont au courant de ce que font les autres. Il y a donc une bonne communication au sein du système de réglementation. Je suis d'avis que la réglementation provinciale a manifestement un rôle à jouer auprès des coopératives de crédit constituées en vertu d'une loi provinciale.
Les coopératives de crédit constituées en vertu d'une loi fédérale vont adhérer et devront adhérer au régime du Bureau du surintendant des institutions financières. Je doute que les régimes du BSIF et des provinces travaillent de pair. J'estime que les besoins sont différents et que nous avons affaire à des coopératives de crédit de différentes tailles et échelles. Les provinces auront donc beaucoup de marge de manœuvre pour continuer de s'acquitter de leur fonction de réglementation.
Le sénateur Marshall : Selon vous, le régime de réglementation fédéral est-il plus strict que celui de la province? Avez-vous des observations à faire à ce sujet? Ces deux régimes vous sont-ils assez familiers? Compte tenu de ce que l'on prévoit à l'échelle fédérale et de ce qui est actuellement en place dans les provinces, diriez-vous que l'intensité des deux régimes est constante, ou est-ce que le régime fédéral de réglementation est plus strict? Je me préoccupe de ce qu'il adviendra quand les gens vont faire la transition de la compétence provinciale à la compétence fédérale.
M. Phillips : J'aimerais éviter de faire des comparaisons. Il est juste de dire que le régime fédéral est strict et solide, et je crois que nous l'avons constaté au cours des dernières années. De nombreuses coopératives de crédit s'y seraient probablement préparées si elles envisageaient d'être assujetties à ce régime.
M. Dierker : J'abonde dans le même sens que M. Phillips. Le régime fédéral a des considérations de prudence beaucoup plus étendues que dans de nombreux régimes provinciaux. Beaucoup de régimes provinciaux de réglementation financière comptent davantage d'aspects d'autoréglementation. Cela donne de relativement bons résultats dans les provinces, mais le régime est beaucoup plus complet du côté fédéral.
Le sénateur Marshall : Croyez-vous que les provinces aimeraient avoir un seul régime de réglementation?
M. Dierker : Dans le cadre de la transition entre les régimes de réglementation?
Le sénateur Marshall : Oui.
M. Dierker : Cela dépend un peu des provinces. Comme l'a dit M. Phillips, je ne vois pas de raisons significatives pour déréglementer les coopératives de crédit. Elles sont constituées en vertu d'une loi provinciale. Ce sont donc les provinces qui sont responsables, en fin de compte. Actuellement, certaines provinces font de la sous-traitance quant à certains services. Il pourrait y avoir davantage de sous-traitance, mais tant qu'il y a des coopératives de crédit ou des caisses populaires constituées en vertu d'une loi provinciale, ce sont les gouvernements provinciaux qui sont responsables, au final. Il y aura donc un certain régime de réglementation à l'échelle provinciale.
M. Phillips : Je doute que des organismes de réglementation provinciaux vont accrocher un panneau indiquant qu'ils ferment leurs portes. Je crois qu'ils sont conscients qu'ils ont un rôle à jouer à long terme en ce qui concerne la réglementation des coopératives de crédit constituées en vertu d'une loi provinciale.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie pour vos exposés. J'aimerais poursuivre la discussion au sujet de la réglementation, est-ce qu'il y a une grande différence entre les règlements des diverses provinces? Est-ce que certains sont beaucoup plus rigoureux que les autres?
M. Dierker : Oui. Certains sont beaucoup plus rigoureux, en particulier concernant l'établissement du capital, le respect des règles de la Banque des règlements internationaux, la BRI, et la période pendant laquelle les coopératives de crédit doivent respecter ces règles.
Il y a des différences au niveau de la méthode de calcul de votre capital et vos liquidités et de la capacité de considérer vos investissements et vos organisations centrales comme étant des capitaux actifs et des liquidités actives. La double comptabilisation partielle est possible dans certaines provinces, mais pas dans d'autres, elle varie donc énormément. Cependant, je ne veux pas dire qu'elle varie considérablement au sens de la réglementation prudentielle ultime qui est un problème pour toutes les provinces.
M. Phillips : Je suis un peu en désaccord avec mon ami.
M. Dierker : Vous ne pouvez pas l'être.
Le sénateur Ringuette : Les portes du paradis se referment.
Le président : Monsieur Phillips, vous êtes supposé dire qu'il a foncièrement raison.
M. Phillips : Il a foncièrement raison, mais je veux éviter toute comparaison de robustesse. Il est juste de dire que chaque province a un système de réglementation conçue à cet effet et nous avons constaté l'efficacité de la réglementation dans tout le système des coopératives de crédit. C'est un système qui s'en est très bien tiré durant une période difficile, ce qui prouve en partie l'efficacité de la réglementation.
La réglementation comporte des différences. Certaines adhèrent plus étroitement au cadre de Bâle, d'autres ont des ratios de levier financier. Limiter les pouvoirs commerciaux est un autre moyen de restriction et de réglementation. Certaines provinces ont limité les pouvoirs commerciaux afin d'assurer la sécurité et le bon fonctionnement des coopératives de crédit. Cette situation varie d'une province à l'autre.
En fin de compte, il est juste de dire que le régime du BSIF est strict et rigoureux et les coopératives de crédit qui y adhèreront devront probablement apporter des changements à leur méthode de travail.
M. Dierker : Avec tout le respect que je lui dois, monsieur le président, je crois bien que c'est ce que j'ai dit.
Le président : Le compte rendu en témoignera.
Le sénateur Callbeck : Vous avez déclaré que certaines provinces font de la double comptabilisation. Que voulez-vous dire par là?
M. Dierker : Il s'agit de la formule utilisée pour calculer le montant de vos dépenses en capital dans votre coopérative de crédit qui investit ensuite une partie de ces dépenses dans sa propre centrale et ce montant peut être considéré comme une partie de son capital. Le calcul est très technique, mais il réduit légèrement le montant de capital qu'exigeraient les règles de la BRI. Ce montant demeure bien plus important que celui de bon nombre d'institutions financière dont il a été question dans la presse la semaine dernière.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il eu, au cours des deux dernières années, beaucoup de changements dans ces règlements à cause des problèmes financiers que nous avons eus?
M. Dierker : Je ne saurais dire si la réglementation a connu d'importants changements. Ce qui est sûr, c'est qu'une plus grande prudence a été exigée au niveau de la gestion. Les centrales ont exigé plus de prudence et, ce qui est encore plus important, les agences d'assurance-dépôt de la province ont demandé beaucoup plus de prudence dans la gestion et l'investissement des fonds des membres.
Le sénateur Callbeck : La priorité est accordée à la prudence, pas à des changements de la réglementation.
M. Dierker : Pour appuyer les propos de M. Phillips, la réglementation a fait ses preuves. Bien que les règlements continuent à être actualisés, ils constituent un bon modèle.
Le sénateur Callbeck : Je suis originaire de l'Île-du-Prince-Édouard et, manifestement, comme vous le savez, c'est...
M. Dierker : C'est plus proche du paradis que ne l'est Ottawa.
Le sénateur Callbeck : Tout à fait. Je peux vous le garantir. Les coopératives de crédits sont certainement puissantes dans ma province; on dit qu'elles s'activent dans des domaines que les banques n'approchent pas. Elles fournissent un excellent service. Elles participent à la vie de la communauté et elles soutiennent tout qui ce passe dans la province. Les coopératives de crédit ont été formidables et positives pour l'Île-du-Prince-Édouard.
Je veux être sûr de bien comprendre le système de niveaux. Je suppose qu'il est pareil dans toutes les provinces. Vous avez parlé du Québec. Toutes les coopératives de crédit sont membres de la centrale, n'est-ce pas?
M. Phillips : Oui, c'est exact.
Le sénateur Callbeck : Cette centrale doit être membre de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Est-ce exact?
M. Phillips : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Je croyais que certaines coopératives de crédit n'en faisaient pas partie.
M. Phillips : C'est le cas dans une province, l'Ontario. Il n'y a aucune obligation à ce que les coopératives de crédit fassent partie d'une centrale. Un petit nombre de coopératives de crédit — j'insiste sur le fait que ce soit un petit nombre — ne font pas partie de Central 1 Credit Union. Il y a en a une de moins maintenant, car l'une des coopératives affiliées a rejoint récemment Central 1. Cependant, dans chaque province du Canada, chaque coopérative de crédit est membre d'une centrale provinciale qui est, à son tour, membre de la Centrale des coopératives de crédit du Canada.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous dit que les provinces de Nouvelle-Écosse, du Québec et de la Colombie-Britannique. ont été avantagées parce que leurs réglementations sont similaires? Ou aurais-je mal entendu?
M. Phillips : Je ne pense pas avoir dit cela.
M. Dierker : J'espère ne pas l'avoir dit. Ce ne peut pas être vrai car elles ont leur propre réglementation provinciale.
Le sénateur Callbeck : Il n'y a pas deux provinces qui ont la même réglementation?
M. Dierker : Toutes les provinces ont des points similaires au niveau de leurs réglementations. Aucune réglementation provinciale n'est très différente de celle du BSIF. Comme M. Philippe l'a indiqué, me semble-t-il, les provinces se fient au BSIF et à son rigoureux régime pour ce qui est de la structure financière. Cela va, bien sûr, de soi et c'est suite à l'insistance des agences d'assurance-dépôt dans ces provinces.
Le sénateur Callbeck : Dans votre mémoire, et le sénateur Ringuette en a parlé, vous dites que vous êtes encore en train d'analyser les amendements proposés. Il y a 125 pages, et je comprends pourquoi vous êtes encore en train de les analyser. Puis, vous avez cité deux exemples de questions que vous examinez et dont vous pourriez discuter avec le ministre des Finances. Y en a-t-il d'autres?
M. Phillips : La démutualisation en serait une autre, les règles appropriées à cet égard; et le projet de loi en fait mention. Cette question devrait faire l'objet d'un débat à l'échelon national. En fait, ce serait naturellement un sujet de discussion, parce que je pense que des règlements doivent être élaborés à ce sujet. Nous nous prononcerons certainement au moment de l'annonce des mesures visant à règlementer ce processus. Pour une coopérative de crédit, cette question est potentiellement intéressante.
Le président : Est-ce ce qui se passera quand la coopérative de crédit fédérale voudra devenir une banque et cesser d'être une coopérative de crédit?
M. Phillips : C'est une option permise par la démutualisation et le projet de loi contient des dispositions à cet égard. C'est quelque chose que nous voulons suivre de très près pour voir comment ça marchera.
Le président : La question visait à savoir si c'est obligatoire, et il me semble que vous répondez que ça ne l'est pas; c'est seulement une option.
M. Phillips : La démutualisation serait un processus lourd qui nécessiterait un appui important de la part membres.
Le président : La plupart d'entre nous faisons le parallèle avec les compagnies d'assurances à forme mutuelle.
M. Phillips : C'est vrai. Voilà qui servirait d'exemple pour une question.
Le sénateur Callbeck : Est-ce là les trois questions?
M. Phillips : Il y aussi des questions techniques. Il serait intéressant de voir si une coopérative de crédit demande d'utiliser cette disposition, seulement pour voir son degré d'efficacité, car ce qui nous intéresse, entre autres, c'est que ce projet de loi soit utile. Nous voulons qu'il soit un obstacle difficilement surmontable — accompagné de discipline — mais pas un obstacle insurmontable pour les coopératives de crédit. Nous sommes curieux de voir si des problèmes surgiraient pendant qu'une coopérative de crédit tente de se conformer à la loi, des problèmes qui pourraient nous conduire à comprendre que le projet de loi est trop strict et qu'il devrait être revu.
Le sénateur Callbeck : J'ai une question au sujet des actions privilégiées. J'ignorais que les coopératives de crédit en avaient. Puis-je posséder des actions privilégiées sans être membre?
M. Dierker : La réponse est oui, vous pouvez posséder des actions privilégiées sans être membre. Je peux vous dire que c'est autorisé par des lois d'autres provinces. En y réfléchissant un instant, on peut comprendre qu'une institution financière qui prend de l'expansion a besoin de capital. Les membres qui veulent des services devront peut-être obtenir ce capital auprès d'une tierce partie, un courtier ou autre.
Le sénateur Callbeck : Les détenteurs d'actions privilégiées peuvent élire 20 p. 100 des administrateurs?
M. Dierker : Ce sont les membres qui décident d'octroyer des droits pour élire des administrateurs, mais ils ne peuvent pas en élire plus de 20 p. 100; 20 p. 100 représente plus une limite qu'un droit.
Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup.
Le président : J'ai cherché la démutualisation. Je ne trouve pas ce mot à la page 635 du projet de loi dans la rubrique « Transformation en banque ayant des actions ordinaires ». Je suppose que c'est cela.
M. Dierker : Oui.
Le président : C'est l'article 216.08 proposé qui se trouve à la page 635, pour ceux que ça intéresse. Merci d'avoir porté ce point à notre attention.
Le sénateur Murray : J'ai seulement deux petits points que je pense pouvoir présenter en une seule question.
Il me semble avoir entendu M. Philips dire que la loi fédérale en vigueur, la Loi sur les associations coopératives de crédit, ne fonctionne pas très bien. Je me demande comment ont peut concilier ce jugement avec la préférence qu'il a énoncée dans sa déclaration préliminaire soit que la Centrale des caisses de crédit du Canada préférerait que les coopératives de crédit fédérales soient établies au titre de la loi en vigueur plutôt que de la Loi sur les banques.
Puisqu'il a offert des conseils au ministre des Finances du gouvernement fédéral au sujet de cette loi, M. Dierker pourrait donc, en même temps, peut-être nous éclairer sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a préféré une option à une autre.
Finalement, monsieur Dierker, il est évident que j'ai besoin d'être éclairé sur ce point. Il me semble vous avoir entendu dire que les coopératives de crédit qui relèvent de la compétence de la province de la Saskatchewan ont conclu avec la SADC une sorte d'entente de secours concernant l'assurance-dépôt. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Phillips : Peut-être que c'était un manque d'imagination de notre part. Lorsque nous examinions la charte fédérale, il nous est apparu que la Loi sur les associations coopératives de crédit qui régit les institutions financières fondées sur la coopération serait l'instrument logique à utiliser pour établir la charte fédérale pour les coopératives de crédit, or, cette loi ne fonctionne pas bien. Elle existe depuis une cinquantaine d'années. Cette loi ne régit seulement que deux institutions, la nôtre et Concentra Financial. Il n'y a jamais eu de constitution en société au titre de cette loi pour diverses raisons qui rendent difficile une telle constitution. Nous espérions que les amendements seraient incorporés à cette loi pour la rendre plus facile et éliminer certains obstacles. Cependant, elle contient un régime de coopération conçu pour les associations de détail. Nous espérions qu'une charte fédérale serait composée de quelques articles ajoutés à la Loi sur les associations coopératives de crédit afin d'éliminer certaines barrières, et le tour serait joué.
Le sénateur Murray : Pour épurer la loi existante.
M. Phillips : Nous ne nous attendions pas à ce que l'on propose 125 pages d'amendements à la Loi sur les banques. La loi sur les banques offre manifestement plus d'avantages que la Loi sur les associations coopératives de crédit.
M. Deirker : La loi sur les associations coopératives de crédit existe depuis de nombreuses années. Sa structure a été conçue pour réglementer les associations coopératives de crédit canadiennes, l'organisation de M. Phillips, et les centrales provinciales. Elle n'autorise pas les particuliers à être membre de ces entités. C'est une structure législative de deuxième et troisième niveaux.
Transformer cette loi en une structure de détail qui permet aux particuliers de participer à leur coopérative de crédit locale a été une tâche très ardue. Il aurait été théoriquement possible de suivre cette voie. Cependant, ce qui est plus important, c'est que cette loi est unique au Canada et dans la mesure où les coopératives de crédit veulent utiliser des services nationaux ou même internationaux, il ne faut pas oublier que le concept de mesures législatives concernant les banques est quand même bien plus connu. Un régime de réglementation est prévu pour respecter les consommateurs. Ce régime pourrait être étoffé pour protéger les membres et c'est un régime qui est respecté à l'échelon national. Les règles sont fournies par le gouvernement fédéral. Des règles existent pour toutes les régions du Canada, alors que les règles de la Loi sur les associations coopératives de crédit, si cette loi avait été modifiée, auraient pu encore être examinées à l'échelon provincial car l'enregistrement au niveau provincial est exigé par la loi, comme c'est le cas pour toute société fédérale, et que les gouvernements provinciaux peuvent offrir les conditions dont elles disposent pour exploiter l'installation, même si c'est une installation fédérale.
Pour qu'il y ait uniformité, il fallait évidemment examiner le modèle de la loi fédérale sur les banques; c'est donc un peu l'idée.
Comment le modèle de la Saskatchewan fonctionne-t-il? Je ne me rappelle plus à quel moment les modifications ont été apportées — probablement au cours des années 1990 —, mais la Loi sur les associations coopératives de crédit prévoyait une facilité de prêteur en dernier ressort pour le système des coopératives de crédit de la part du gouvernement fédéral; dans le cas de la Saskatchewan, la facilité est gérée par la SADC. On n'y a jamais eu recours. La facilité existe, mais on n'en a jamais fait usage.
Le sénateur Murray : Faut-il s'inscrire pour y avoir droit?
M. Dierker : Il faut présenter une demande. La facilité doit être tout à fait garantie, comme celles de la Banque du Canada. En réalité, aujourd'hui, elle a été complètement dépassée par les facilités de la Banque du Canada liées au système de compensation. De nos jours, il s'agit presque d'un anachronisme.
Le sénateur Dickson : Messieurs, votre déclaration était excellente; c'est l'une des meilleures que j'ai entendues, tous sujets confondus, depuis le peu de temps que je siège au comité. Elle était exhaustive. Je viens de la Nouvelle-Écosse, tout comme le sénateur Moore et le sénateur Murray, bien qu'il l'admette rarement devant le comité. En fait, je peux même dire que nous nous connaissons depuis longtemps; nous venons tous deux du Cap-Breton, c'est-à-dire du centre du mouvement des coopératives, notamment des coopératives de crédit. Je ne suis pas en situation de conflit d'intérêts, mais j'appuie chaudement la cause.
Si j'ai bien compris, les coopératives de crédit des quatre provinces du Canada atlantique s'uniront pour former un groupe atlantique. Qui prend la décision de devenir une entité fédérale? Le groupe atlantique ou les groupes provinciaux qui en font partie?
M. Phillips : C'est la coopérative de crédit même qui prendrait la décision de devenir fédérale, ou, plus précisément, ce sont ses membres. Selon les modifications proposées, la centrale régionale n'aurait pas l'option de devenir une entité fédérale. En réalité, elle serait partiellement fédérale de toute façon, car elle formerait ce qu'on appelle une centrale désignée en vertu de la Loi sur les associations coopératives de crédit. La centrale régionale est réglementée par le BSIF.
Ce sont les coopératives de crédit qui forment la centrale qui pourraient prendre la décision de devenir une entité fédérale; dans ce cas, il faudrait ensuite qu'elles obtiennent l'approbation du conseil, et les membres voteraient sur la question.
Le sénateur Dickson : Prenons un exemple. Qui prend la décision pour la New Ross Credit Union, qui est située à Chester, en Nouvelle-Écosse? Est-ce la coopérative même ou bien le regroupement de la Nouvelle-Écosse?
M. Phillips : Ce serait la New Ross Credit Union. Par exemple, le conseil pourrait décider que la coopérative de crédit devrait devenir fédérale parce qu'il veut faire affaire aux États-Unis ou quelque chose du genre. Il faudrait que le conseil approuve l'idée, puis qu'il en présente les avantages et les désavantages aux membres avant de leur demander s'ils seraient en faveur de la proposition. Il faudrait un vote des membres pour aller de l'avant, mais la décision serait prise à l'échelle locale.
Le sénateur Dickson : Les petits sont parfois les plus forts. À l'échelle locale, quelle sera l'incidence sur les stratégies? Conservons l'exemple de la New Ross Credit Union. À votre avis, quelles modifications la coopérative de crédit apportera-t-elle à ses stratégies en raison du fait qu'une coopérative de crédit fédérale pourra maintenant lui faire concurrence dans la province de la Nouvelle-Écosse? Le grand frère de l'Ontario débarque pour rivaliser avec les gens du coin. Est-ce que ce sera avantageux ou désavantageux?
M. Phillips : Je me rappelle qu'il y avait eu une discussion sur la concurrence au sein du système des coopératives de crédit lors de l'une de nos conférences. L'un des intervenants a déclaré que la marée montante soulève tous les bateaux, et toute l'assistance a applaudi. À mon avis, on ne craint pas la concurrence au sein du système. De façon générale, on perçoit plutôt cela comme une question de collaboration, fait qu'illustrent bien les fusions opérées pour renforcer les coopératives de crédit. En fait, les coopératives de crédit travaillent parfois très près les unes des autres, ce qui n'a pourtant pas affaibli le système et l'a probablement même rendu plus fort.
Le sénateur Dickson : Pensez-vous que ce serait avantageux?
M. Phillips : Oui, je pense que c'est avantageux. En fait, c'est ce que nous porte à croire tout ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Par exemple, c'est peut-être en Colombie-Britannique qu'il y a le plus de concurrence entre les coopératives de crédit, et c'est aussi un des endroits au pays où le système des coopératives de crédit est le plus fort.
Le sénateur Moore : Avant aujourd'hui, j'ignorais que, premièrement, les coopératives de crédit peuvent émettre des actions privilégiées, et deuxièmement, qu'il ne faut pas être membre pour en posséder. Quel processus suit-on? Fait-on un appel public à l'épargne? L'acheteur des actions doit-il habiter la province? Peut-il résider à l'étranger? Les actions sont-elles cotées en Bourse? Comment procède-t-on?
M. Dierker : Sénateur, je ne sais pas si toutes les provinces permettent l'attribution d'actions privilégiées à l'heure actuelle. J'ignore si c'est le cas de la vôtre. Cependant, la disposition existe dans nombre de provinces. De façon générale, dans la pratique, ce sont des membres désireux d'investir des fonds additionnels dans la coopérative de crédit ou la caisse populaire qui détiennent des actions privilégiées.
Comment procèderait-on à l'émission d'actions privilégiées? Je sais que certaines coopératives de crédit en Saskatchewan ont distribué des prospectus. Or, pour prélever une somme importante de capitaux, il serait plus logique d'effectuer un placement privé; je présume que c'est ainsi qu'on procéderait.
Sont-elles cotées en Bourse? À l'heure actuelle, il n'y en a pas d'inscrites. Toutefois, les mesures législatives provinciales qui autorisent l'attribution d'actions privilégiées permettent leur inscription.
Le sénateur Moore : Qui peut les acquérir? N'importe qui, ou est-ce que l'acheteur ou le détenteur doit habiter la province?
M. Dierker : Cela dépend de la nature du placement. S'il est privé, c'est l'institution financière qui les achètera. S'il est public, il faudra aussi savoir si l'appel est lancé à l'échelle provinciale ou nationale.
Le sénateur Moore : Les règles de base seraient sûrement établies en vertu des règlements de chaque province. Y stipule-t-on qui peut acheter des actions privilégiées?
M. Dierker : Les règles de base seraient établies en fonction de la loi provinciale, mais ce sont les coopératives de crédit qui choisiraient la façon de procéder au placement.
Le sénateur Moore : Chacune d'entre elles — pas la centrale, mais bien la coopérative de crédit qui cherche à obtenir des capitaux additionnels?
M. Dierker : C'est exact.
Le sénateur Moore : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Callbeck, car je n'ai pas très bien compris. Peut-être que vous pouvez m'expliquer le concept de la double comptabilisation des capitaux. J'ai lu beaucoup d'articles récemment sur des choses qui se produisent dans le secteur financier en Amérique du Nord et partout dans le monde, y compris cela. Quelles mesures une coopérative de crédit peut-elle prendre sur le plan de la façon dont elle calcule et comptabilise ses capitaux?
M. Dierker : Permettez-moi de commencer par une explication générale, puis M. Phillips pourra entrer dans le détail. J'ai consulté son étude sur le capital, mais je ne l'ai pas apportée.
Si l'on utilise cet exemple, de façon générale, les coopératives de crédit doivent avoir un capital de 8 p. 100, tout comme les banques. Dans certaines provinces, pour atteindre 8 p. 100, il est possible d'inclure une partie des sommes investies dans la centrale. Par exemple, s'il faut un million de dollars de capital, on peut inclure 100 000 $; la proportion est peu élevée.
Le sénateur Moore : Le capital provient de l'argent versé par les membres, n'est-ce pas?
M. Dierker : Oui.
Le sénateur Moore : J'ai le million de dollars de tous les membres, et je verse 100 000 $ dans la centrale provinciale, ce qui veut dire que j'ai maintenant 1,1 million de dollars; c'est bien cela?
M. Dierker : Non. Si le montant total de capital requis est d'un million de dollars, les 100 000 $ que vous avez investis dans votre centrale seront inclus dans le calcul du million de dollars, puisqu'on présume que la centralisation du capital fournit une source de fonds qui soutiennent le système des coopératives de crédit. L'hypothèse est valable étant donné que le système est fondé sur la coopération.
M. Phillips : Je voudrais présenter une remarque sur la question des actions privilégiées; je demanderais peut-être à M. Dierker de confirmer ce que j'avance. Je ne crois pas qu'on émette un grand nombre d'actions privilégiées; cela ne se fait pas souvent. À ma connaissance, actuellement, il n'y en pas d'inscrites à la Bourse.
Selon mon expérience, le plus souvent, les coopératives de crédit émettent des parts de placement, qui sont achetées par leurs membres; cela constitue une façon de réunir des capitaux. Or, j'ignore s'il s'agit là d'une règle générale qui s'applique dans tout le pays.
Le sénateur Moore : Le bureau central conserve-t-il des données sur ce genre de choses? Si oui, quel pourcentage des détenteurs d'actions privilégiées sont des membres et quel pourcentage ne le sont pas?
M. Phillips : Non, et c'est pourquoi je ne suis pas en mesure de vous fournir une réponse précise. Je présume qu'une des raisons qui expliquent ce fait, c'est que cela ne se passe pas souvent. Il y a peut-être du potentiel sur ce plan. Si les besoins en capital augmentent beaucoup, je suppose que certaines coopératives de crédit pourraient examiner cette possibilité. Toutefois, en général, les sources de capitaux sont les bénéfices non répartis et l'attribution de parts de placement aux membres; dans les circonstances actuelles et dans la plupart des cas, ces sources semblent suffisantes pour satisfaire aux exigences.
M. Dierker : C'est exact, monsieur le président. Par « actions privilégiées », j'entends aussi le concept des parts de placement. En gros, nous échangeons des mots. Il n'y a pas de graves problèmes. On en examine quelques-uns étant donné que le capital est précieux.
Le sénateur Moore : Quand a-t-on commencé à émettre des actions privilégiées? En fait, d'abord, depuis quand les coopératives de crédit existent-elles?
M. Phillips : La plus ancienne coopérative de crédit au Canada est Alterna; elle a été fondée par Alphonse Desjardins vers 1908, sous le nom de CS CO-OP.
Le sénateur Moore : Depuis quand est-il possible d'émettre des actions privilégiées? Depuis les années 1950 ou 1960?
M. Dierker : Bien plus tard; je crois que cela a commencé au cours des années 1990.
Le président : Je trouve intéressant que vous ayez choisi Alterna comme exemple. C'est aussi celui qu'on nous a donné d'une coopérative de crédit qui comprend maintenant une banque. La plus ancienne est également associée à une banque; peut-être que cela deviendra une tendance dans le milieu des coopératives de crédit.
M. Phillips : Je pense qu'il est juste de dire que les coopératives de crédit qui ont mis sur pied une banque ont découvert qu'il n'est pas facile de fonctionner ainsi. Le modèle est inefficace. Je crois qu'Alterna est satisfaite des résultats, mais il y a d'autres exemples de banques qui ont été vendues. La coopérative de crédit fédéral constitue un modèle plus efficace dans sa manière d'utiliser le capital.
Le président : Nous le présumons; il n'existe pas encore de coopératives de crédit fédérales. Ce que vous venez de dire est une supposition.
M. Phillips : C'est le résultat auquel nous nous attendons.
Le sénateur Ringuette : Les coopératives de crédit et les caisses populaires concluent des ententes avec les banques pour faire la compensation.
M. Dierker : Non.
Le sénateur Ringuette : Vous vous occupez vous-mêmes de la compensation et du règlement des paiements?
M. Phillips : Oui. Dans le cadre de la structure canadienne des paiements, nous sommes ce qu'on appelle un « adhérent-correspondant de groupe », ce qui signifie qu'une entente relative à la compensation lie toutes les centrales. Les centrales compensent les chèques pour leurs membres par l'entremise de l'adhérent-correspondant de groupe. Ainsi, nous sommes l'adhérent-correspondant de groupe pour le groupe qui s'occupe de la compensation. Nous sommes liés à la Banque du Canada; nous traitons donc de la compensation et du règlement avec la Banque du Canada à titre de centrale.
Le sénateur Ringuette : Or, chacune des coopératives de crédit ne fait pas elle-même la compensation, n'est-ce pas?
M. Phillips : Oui. Elles font partie du groupe; elles procèdent donc à la compensation et au règlement par l'entremise de leur centrale provinciale, qui passe ensuite par la centrale canadienne. Finalement, nous faisons la même chose auprès de la Banque du Canada.
Le sénateur Ringuette : Qu'est-ce qui vous préoccupe concernant le projet de loi à cet égard?
M. Phillips : Ce qui nous préoccupe, c'est l'état d'une coopérative de crédit fédérale membre d'un groupe, à savoir si elle continuerait de faire partie d'un groupe. Nous devons examiner cet aspect dans le cadre du projet de loi.
Le sénateur Ringuette : À l'heure actuelle, vous faites partie de ce groupe. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Phillips : Nous nous demandons si, dans le cas où une importante coopérative de crédit devenait la propriété du fédéral, elle continuerait de faire partie du groupe ou si elle se retirerait de celui-ci. Vous devrez peut-être examiner ce point plus attentivement.
Le sénateur Ringuette : Je présume qu'elle ne pourrait pas faire partie du groupe. Il faudrait qu'elle agisse à titre d'entité à charte fédérale, comme une banque.
M. Dierker : Vous faites erreur, monsieur le président. À l'heure actuelle, les règles de l'Association canadienne des paiements sont suffisamment générales ou généreuses, si je peux me permettre d'utiliser ce mot. Elles autoriseraient une coopérative de crédit fédérale de procéder à la compensation par l'entremise de la Centrale des caisses de crédit du Canada.
Il existe deux membres adhérents dans le système des caisses populaires de crédit. La Caisse centrale en est un pour le système Desjardins, et la Centrale des caisses de crédit du Canada l'est pour le système des coopératives de crédit. Les instruments de paiement des coopératives de crédit sont regroupés dans une disposition précise figurant dans la loi et les règles de l'Association canadienne des paiements qui permettent aux coopératives de crédit d'obtenir la compensation par l'entremise de leur centrale, sans passer par une banque. Il existe des règles précises à cet égard.
Il y a déjà un exemple d'association fédérale qui s'apparente à une coopérative de crédit fédérale aux fins des règles de l'Association canadienne des paiements. Elle procède à la compensation par l'entremise de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Par conséquent, nous savons que le système existe et qu'il peut fonctionner.
Toutes les coopératives de crédit peuvent s'organiser pour obtenir la compensation par l'entremise d'une banque. La plupart ne le font pas parce que ce ne sont pas les bonnes raisons qui manquent de l'obtenir par l'intermédiaire de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Ces raisons sont principalement l'économie et les services. Rien ne les empêche de le faire à l'heure actuelle, toutefois.
On peut supposer que la Centrale des caisses de crédit du Canada et la Caisse centrale continueront d'offrir ce modèle de service, qui resterait attrayant, et qu'elles continueront de le faire.
Le sénateur Ringuette : Cela reste tout de même une présomption.
M. Dierker : On présume que demain matin, la coopérative de crédit X de l'Ontario continuera ses activités parce qu'elle pourrait annuler son adhésion et se joindre à une banque.
M. Phillips : Je vais vous donner un indice concernant ce que M. Dierker et moi-même discuterons au terme de la présente séance. Il y a des questions d'interprétation entourant ce point. C'est assez technique, mais cela nous ramène à votre argument selon lequel nous devons consacrer du temps à l'étude du libellé.
Le sénateur Ringuette : Ce pourrait être un problème technique coûteux devant être résolu pour une entité.
M. Phillips : C'est très facile à régler. Ce n'est pas comme si nous avions une foule de coopératives de crédit qui veulent faire la transition sur-le-champ. Mais là encore, c'est simplement l'une de ces choses sur lesquelles il faut se pencher un peu.
Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, j'ai une dernière question qui porte sur un point que M. Phillips a soulevé dans son document. En ce qui concerne les préoccupations, vous avez dit que « ces questions comprennent notamment l'octroi aux membres d'une coopérative de crédit fédérale l'accès à la liste des membres de la coopérative en question ». Cela m'a peut-être échappé, mais je n'ai pas vu de dispositions relatives à la confidentialité des listes des membres, ce que l'on verrait normalement dans une loi qui prévoit qu'une liste des membres doit être fournie.
M. Dierker : Monsieur le président, en ce qui concerne les actionnaires, la loi ressemble beaucoup à d'autres lois visant les coopératives de crédit ainsi qu'à la Loi sur les banques. Elle vous permet d'avoir une liste des membres uniquement pour la tenue de réunions. Personne n'a le droit d'obtenir des renseignements relatifs aux activités ni de savoir si un membre fait affaire avec une coopérative de crédit.
On peut accéder aux listes des membres de deux façons : on peut se rendre à la coopérative de crédit pour en obtenir une copie ou on peut en faire la demande. Dans les deux cas, il faut un affidavit qui en restreint l'utilisation. Ces listes sont assorties de règles de confidentialité absolue.
Le sénateur Ringuette : Par « on », qui désignez-vous? Qui demanderait un affidavit?
M. Dierker : Ce serait un autre membre. Oubliez le projet de loi fédéral. En ce moment, si une coopérative de crédit est saisie d'une résolution, sauf en Colombie-Britannique — et je ne sais pas s'il y a d'autres exceptions...
M. Phillips : C'est exact.
M. Dierker : Permettez-moi de parler de la Saskatchewan. Si une coopérative de crédit était saisie d'une résolution en ce moment et que cette résolution visait à ce qu'elle continue le processus pour devenir une coopérative fédérale, n'importe quel membre pourrait obtenir une liste des membres pour savoir qui détient le droit de vote car il pourrait vouloir communiquer avec les membres en question.
Il faut se rappeler que la relation avec les caisses de crédit et les coopératives est essentiellement un gros partenariat. Elle vous donne le droit de savoir quels partenaires se prononceront sur la question.
Je tiens à signaler que les législateurs manitobains ont examiné la question au cours des derniers mois et qu'ils ont gardé cette disposition en place. À bien des égards, ils renforcent le droit d'obtenir les listes des membres. Ils ont ajouté des amendes en cas de mauvaise utilisation, mais la loi en prévoit déjà.
C'est l'objectif; il s'agit de s'assurer que les gens savent qui influencera la prise de décision.
Le sénateur Ringuette : C'est une liste très importante, étant donné qu'elle se rapporte à ceux qui influenceront la décision.
M. Dierker : Je pense que c'est un commentaire juste car on essaie d'influencer la décision en intervenant à la base, auprès de ceux qui ont le droit de vote. Si on a une coopérative de crédit qui compte de nombreux membres, on veut s'assurer que l'information est disponible.
Le sénateur Ringuette : Un actionnaire privilégié non membre peut-il obtenir une liste des membres de cette coopérative de crédit?
M. Dierker : Seulement si la demande se rattache à une résolution qui touche l'actionnaire privilégié.
Le sénateur Ringuette : Qui le déterminera?
M. Dierker : En dernier recours, ce sera un tribunal, en cas de différend. Si on a un actionnaire privilégié qui, disons, détient des parts privilégiées dont le taux d'intérêt nominal est de 6 p. 100, les membres contrôlent la réglementation. Par conséquent, si les membres proposent d'adopter une résolution visant à réduire le taux de dividende, ils auront une incidence sur les droits des actionnaires privilégiés.
Si les actionnaires privilégiés étaient en fait touchés de cette manière, ils auraient le droit d'obtenir ces renseignements, ou dans le cas d'une démutualisation où l'institution quitte la structure de coopératives de crédit pour devenir une banque, où on la change de manière fondamentale, ils pourraient se prévaloir de ce droit.
Le sénateur Ringuette : Oui, mais ce que je voulais savoir, c'est qui déterminera si la résolution proposée justifie l'accès à une liste.
M. Dierker : Dans la plupart des cas, c'est très clair.
Le sénateur Ringuette : Qui décidera?
M. Dierker : Normalement, ce serait le conseil d'administration. On pourrait s'attendre à ce que le conseil d'administration prenne la décision initiale — pour établir si la demande est appropriée ou non. En cas de différend, celui qui fait la demande de renseignements peut faire appel aux tribunaux.
Le sénateur Ringuette : Le projet de loi prévoit-il des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels pour ces membres?
M. Dierker : Oui. Il en est question dans les définitions qui en limitent l'utilisation.
M. Phillips : J'aimerais signaler que bien que je reconnaisse qu'il existe une loi parallèle dans les provinces, nous ne sommes pas tellement enchantés de la loi provinciale en place.
Nous examinons entre autres s'il devrait y avoir davantage de mesures de protection à cet égard. Il y en a à l'heure actuelle. Elles sont claires. Il devrait peut-être y en avoir plus. Il n'en demeure pas moins que la liste des membres, que l'on compare dans le projet de loi à une liste des actionnaires, n'est pas une liste des actionnaires en fait; il s'agit d'une liste des clients, car les membres constituent la clientèle de l'institution.
La Banque Royale ne serait pas enchantée de mettre la liste de ses clients à la disposition de quelqu'un qui entre tout bonnement dans son institution, même si des mesures de contrôle sont en place. Est-ce suffisant? Par conséquent, en l'occurrence, je ne pense pas qu'il soit très approprié de faire une analogie entre une liste des membres et une liste des actionnaires.
Je dois avouer, et M. Dierker l'a souligné, que nous sommes aux prises avec cette difficulté à l'échelle provinciale. Nous voulons encore y réfléchir et peut-être revenir avec quelques suggestions d'ajustements qui pourraient restreindre l'accès à la liste.
Le sénateur Ringuette : Vous pouvez envisager la possibilité de mener des activités de financement politiques. Quelqu'un qui voit le potentiel d'investissement dans une coopérative de crédit à charte fédérale pourrait acheter une part, obtenir l'accès à la liste des membres, puis exercer des pressions sur le groupe. C'est certes une inquiétude.
M. Dierker : Cette analyse est inexacte. On doit se rappeler que la raison ultime est l'équité pour les membres. C'est la raison d'être de la liste. Les membres veulent être bien renseignés pour être en mesure de prendre d'importantes décisions qui ont une incidence sur leurs rapports avec la coopérative de crédit. Voilà pourquoi la liste existe.
M. Phillips avance qu'il s'agit d'une liste des clients, mais je peux être membre d'une coopérative et ne pas faire affaire avec elle, bien qu'on n'ait pas indiqué si j'y fais des transactions, des emprunts, ou peu importe. Ces renseignements sont limités avec soin aux votes tenus dans les réunions. La mauvaise utilisation de ces données est assortie de lourdes sanctions.
Le sénateur Ringuette : Et c'est au niveau provincial.
Le sénateur Hervieux-Payette : Le sénateur Ringuette qui m'a précédée a parlé un peu de la liste des membres. Nous parlons quasiment d'une philosophie de gouvernance. Au début, nous avions des sociétés où les actionnaires avaient voix au chapitre. Maintenant, en tant que seul actionnaire, je n'ai plus mon mot à dire pour la simple raison que les propriétaires de régimes de pension et de fonds de couverture, qui détiennent des milliards d'actions, ont la plus grande voix au chapitre. En tant que seul actionnaire, ce que j'ai à dire sur la gouvernance d'une société ne vaut rien. Les membres sont censés déterminer l'orientation que leur coopérative de crédit doit suivre, mais quand on va encore plus loin, la caisse de crédit ou la coopérative devient une banque où les gens font d'importants investissements.
Pour revenir à mon commentaire précédent, le taux de 20 p. 100 représente un nombre considérable de parts ou de votes pour un membre du conseil. De toute évidence, cette personne peut influencer l'orientation de la société dans une mesure beaucoup plus importante que quelqu'un qui n'a qu'un seul vote.
La Centrale des caisses de crédit du Canada fonctionne-t-elle sur paiement à l'acte? Les gens paient-ils pour devenir membres de votre organisation? Un prix fixe est-il établi pour les services? Quelle est la source de votre budget de fonctionnement annuel? Provient-il des membres, des régions, de chaque service d'une coopérative de crédit ou de chaque transaction que vous effectuez?
M. Phillips : Nous avons un portefeuille d'investissement qui est, relativement parlant, très petit. Il génère un certain niveau de revenus chaque année. La plupart de notre financement provient d'une évaluation sur les centrales, qui établissent le budget. Un mode de financement a été établi et accepté par les centrales, qui sont facturées en fonction de celui-ci. Cette formule fonctionne assez bien. Le budget doit être approuvé par ceux qui le financent. Il s'agit d'un modèle d'évaluation qui s'accompagne d'un certain niveau de revenus tirés du portefeuille d'investissement.
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous savez que certains pays songent à imposer des frais pour chaque transaction. Même si ce n'est que 0,003 ou 0,001 $, le Canada a refusé. C'est la raison pour laquelle je veux savoir si vous êtes financés par le nombre de transactions effectuées ou par une somme forfaitaire liée au service que vous offrez, dans votre cas, au niveau régional? Si vous vous occupés de la compensation pour les chèques, comment les deuxième et troisième niveaux sont-ils financés?
M. Phillips : J'ai dit que le troisième niveau est en grande partie une évaluation des centrales, en fonction d'une formule qui prévoit certains revenus de placement. Il s'agit d'un système direct très simple. Les niveaux régional et provincial sont dotés d'un système différent parce qu'ils existent pour offrir des services financiers de gros à leurs coopératives de crédit. Par conséquent, la gamme de services offerts variera d'une province à l'autre. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard pourrait offrir des services de ressources humaines de post-marché. Les coopératives de crédit sont habituellement de plus petite taille à l'Île-du-Prince-Édouard, si bien que le rôle de la centrale est très différent de celui des centrales dans d'autres régions qui sont peut-être de plus grande taille. Dans bien des cas, elles investissent les fonds sur les dépôts et elles pourraient fournir des services de consultation. Elles offrent certainement des services de paiement et de compensation et certains services de titrisation des produits financiers. Il s'agit en grande partie de services selon une formule de paiement à l'acte par l'usager. Dans certaines provinces, il existe un type d'évaluation que l'on pourrait qualifier de services d'association commerciale.
Il se pourrait que vous trouviez des modèles de financement légèrement différents dans chacune des provinces, mais il s'agirait d'une combinaison de revenus de placement, de rémunération à l'acte et d'une forme d'évaluation. Dans tous les cas, parce qu'elles sont composées de coopératives de crédit, les centrales doivent obtenir l'assentiment et l'approbation des coopératives de crédit pour la mise en œuvre de ces modèles de financement.
Le sénateur Hervieux-Payette : Si je suis à l'échelle locale, je dispose d'un vote, peu importe le solde de mon compte à la coopérative de crédit. Ai-je raison?
M. Phillips : Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette : Les ristournes sont-elles liées au solde de mon compte?
M. Phillips : La plupart du temps, mais pas nécessairement. Vous pouvez avoir des ristournes qui pourraient être liées à des relations non commerciales avec les coopératives de crédit. Cela serait une approche souvent utilisée.
Le sénateur Hervieux-Payette : Les personnes qui regardent ces délibérations sont en train d'obtenir de bons renseignements qui leur permettront de décider s'ils veulent faire affaire avec une nouvelle institution ou avec les institutions locales qui continuent de fournir des services. Lorsque je parle avec des personnes de l'extérieur de la province, on soulève la question de savoir comment empêcher d'autres coopératives de crédit de voler des membres. Voilà pourquoi il s'agit là d'une préoccupation, peu importe par quel moyen on tente de protéger la liste des membres. J'adhère à votre idée selon laquelle ces derniers doivent être bien protégés parce qu'ils sont à la fois membres et clients. Pour une coopérative de crédit, il serait bien de tout connaître au sujet des clients d'une autre coopérative. C'est donc une préoccupation pour bon nombre des coopératives de crédit avec lesquelles je me suis entretenue jusqu'à maintenant, et qui s'imaginent que les autres institutions s'intéressent au piratage pour satisfaire leurs propres besoins.
Le sénateur Callbeck : Ma question porte sur une modification d'autres lois fédérales; j'ai une liste. Le projet de loi parle de coopératives de crédit fédérales qui satisfont à la définition de « coopérative de crédit » incluse dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Pourquoi y aurait-il des coopératives de crédit qui ne satisferaient pas à la définition?
M. Dierker : La Loi de l'impôt sur le revenu comptait trois définitions différentes de « coopérative de crédit ». L'une d'entre elles concerne les coopératives de crédit locales et repose principalement sur les sources de revenus. En l'occurrence, les membres de ces coopératives de crédit seraient surtout des particuliers, et leurs sources de revenus seraient établies en fonction des services qu'ils offrent à leurs membres. Leurs revenus proviendraient d'une catégorie de placements préétablie.
Il y a une autre définition, qui vise les coopératives de crédit centrales, puis une autre qui concerne la Fédération des caisses populaires. Il y a donc trois définitions différentes dans la loi.
Le sénateur Callbeck : En vertu du projet de loi C-9, les coopératives de crédit pourront agir sur la scène fédérale.
M. Dierker : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Cela s'appliquerait à ce qui va se passer dans l'avenir.
M. Dierker : Les coopératives de crédit qui seraient admissibles à présenter une demande de prorogation en vertu de la loi fédérale sont des coopératives de crédit qui sont déjà établies dans leur province d'origine, qu'elles satisfassent ou non à la définition de coopératives de crédit de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je crois qu'actuellement, toutes les coopératives de crédit satisfont aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu, à quelques exceptions près.
Le sénateur Callbeck : Celles qui seront admissibles seront-elles soumises aux mêmes règles en matière d'impôt sur le revenu que les coopératives de crédit provinciales? Les coopératives de crédit provinciales ne paient pas d'impôt sur le revenu, n'est-ce pas?
M. Dierker : Elles en paient certainement. Elles paient des impôts sur le revenu qui sont calculés en fonction des mêmes critères que ceux pour les autres institutions financières, à l'exception du fait qu'elles profitent d'une déduction pour les petites entreprises jusqu'à ce qu'elles aient une réserve pour impôt — soit leur capital — équivalant à 5 p. 100 de leurs actions et de leurs dépôts.
Les coopératives de crédit paient de l'impôt sur le revenu depuis 1971. Cette mesure a été proposée, si vous vous souvenez bien, par la Commission Carter.
M. Phillips : À ce sujet, il existe une différence importante entre les coopératives de crédit du Canada et celles des États-Unis. Les coopératives de crédit américaines ne paient pas d'impôt sur le revenu. Ce que nous lisons au sujet des coopératives de crédit concerne parfois celles des États-Unis. Par conséquent, les gens ne savent pas nécessairement que les coopératives de crédit au Canada paient de l'impôt sur le revenu. Comme l'a fait remarquer M. Dierker, cela fait près de 40 ans qu'ils le font.
Le président : Le projet de loi C-9 permet-il à une coopérative de crédit provinciale qui a choisi d'exercer son droit de continuation sur la scène fédérale de retourner sur la scène provinciale? Lui permet-il de changer d'idée?
M. Dierker : Pas directement. C'est possible, mais il faudrait franchir un bon nombre d'étapes pour y arriver. Ce n'est pas quelque chose d'inhabituel dans les lois fédérales sur les finances. L'idée d'une continuation régressive, comme je l'appelle, n'existe pas, en réalité. Une société de fiducie qui est devenue une banque a, en réalité, perdu sa capacité de revenir en arrière sans avoir à faire un tas de choses.
Le sénateur Moore : Dois-je comprendre qu'elle ne peut pas faire marche arrière?
Le président : Pas sans devoir franchir de nombreuses étapes. Cela ne serait pas un changement facile.
Nous avons observé un phénomène préoccupant aux États-Unis, qui consiste à choisir le territoire de compétence qui offre les meilleures conditions du point de vue de la réglementation. Ces sociétés peuvent traverser la frontière puis considérer que la Société d'assurance-dépôts du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières sont trop sévères, et elles pourraient préférer retourner sur le marché provincial. Je me demande si le projet de loi prévoit des dispositions pour faciliter cela, et vous me dites que non.
M. Dierker : Non, il n'y en a pas. Cependant, le projet de loi contient des dispositions soigneusement rédigées en ce qui a trait à l'arrivée sur le marché. La coopérative de crédit doit fournir à ses membres une panoplie de renseignements de façon à ce qu'ils soient, dès le début, pleinement informés sur les opérations, les assurances et le plan d'affaires de la coopérative de crédit.
Le président : À la page 582, nous pouvons constater que les lois provinciales doivent contenir une disposition qui permet la prorogation à l'échelle fédérale. Avez-vous un article type, ou retrouve-t-on déjà une telle disposition dans de nombreuses lois provinciales?
M. Dierker : Qu'on me corrige si je me trompe, mais je suis assez certain que la plupart des lois provinciales permettent aux coopératives de crédit de présenter une demande de prorogation dans d'autres territoires de compétence. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il s'agit de l'échelle fédérale, mais c'est une disposition qui prévoit la prorogation en général. En ce moment, j'ignore complètement quelles sont les dispositions à ce sujet pour ce qui est du Québec. Je ne les connais pas.
Le président : Quelqu'un du Québec viendra nous aider avec cela cet après-midi.
Nous avons établi que ceci est une réunion au sujet des parties 16 et 17. La partie 16 porte sur la capacité de la Société d'assurance-dépôts du Canada de créer une institution-relais si une des institutions membres qu'elle régit et qu'elle surveille se retrouve en difficulté financière. Pensez-vous que ces dispositions législatives s'appliqueraient aux coopératives de crédit fédérales dès qu'elles se trouveraient dans cette situation?
M. Dierker : Oui. Les dispositions qui concernent la conversion d'une coopérative de crédit fédérale en banque à charte permettent aux ministres ou à la SADC d'utiliser ces dispositions de la même façon que dans le cas d'une coopérative de crédit fédérale. Ces dispositions habilitantes sont là pour assurer la solvabilité sous-jacente du système financier canadien, tout comme elles le font dans le cas des banques à charte.
Le président : Même si le projet de loi ne s'applique pas aux institutions qui passent du statut de coopérative de crédit fédérale à celui de banque à charte, les coopératives de crédit locales seraient toujours régies par la SADC lorsqu'elles deviendraient des coopératives de crédit fédérales; est-ce exact?
M. Dierker : Elles seront régies par la SADC en ce sens qu'elles devront se conformer aux normes de la SADC. En fait, la réglementation est établie par le Bureau du surintendant des institutions financières.
Le président : Si une coopérative de crédit fédérale se retrouve en difficulté financière, qu'elle ne peut pas se conformer à la réglementation et que le Bureau du surintendant des institutions financières le confirme, la SADC peut alors prendre ces dépôts et faire la même chose, en vertu de la partie 16, que ce qu'elle pourrait faire dans le cas d'une banque à charte ou de toute autre institution financière qu'elle régit.
M. Dierker : C'est exact, et cela s'appliquerait de la même façon.
Le président : Merci.
Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, monsieur Dierker et monsieur Philips, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie de nous avoir aidés à examiner les parties 16 et 17. Elles sont quelque peu techniques, mais elles revêtent une importance pour nos collectivités et les personnes que nous servons. Merci beaucoup de nous avoir aidés à les comprendre.
(La séance est levée.)