Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 14, Témoignages du 5 juillet 2010 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 5 juillet 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 14 heures, pour examiner le projet de loi (sujet : partie 15).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous allons nous pencher sur la partie 15, qui se trouve à la page 568 de cette mesure législative qui fait 900 pages. La partie 15 est l'une des 24 parties que comporte le projet de loi. Nous en sommes à la 17e séance du comité consacrée à ce projet de loi d'exécution du budget de 2010.
Au cours des séances précédentes, le comité a entendu le ministre des Finances, des représentants du ministère et des intervenants pour lequel le projet de loi a un intérêt ou qui sont touchés par cette mesure.
La partie 15 concerne la Société canadienne des postes. Il s'agit d'une courte partie du projet de loi, qui n'occupe même pas une page. Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nous sommes ravis d'accueillir deux représentants de la Société canadienne des postes, à savoir Susan Margles, vice-présidente, Relations gouvernementales et politique; et Gerard Power, vice-président, Internationale. Nous recevons également deux représentantes du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, soit Lynn Bue, deuxième vice-présidente nationale; et Katherine Steinhoff, spécialiste en communications et en recherche.
Je vous remercie d'être ici.
Susan Margles, vice-présidente, Relations gouvernementales et politique, Société canadienne des postes : Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité.
En tant que vice-présidente, Relations gouvernementales et politique, à Postes Canada, il m'appartient, ainsi qu'à mon équipe, de veiller à ce que tous les parlementaires soient tenus informés des activités de Postes Canada et à entretenir avec eux une relation productive.
Est avec moi aujourd'hui Gerard Power, vice-président, Internationale. Gerard représente les intérêts de Postes Canada au sein de la communauté postale internationale et est responsable de l'élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie liée à nos activités internationales. Cela sous-entend des négociations bilatérales avec l'Union postale universelle et les pays qui en sont membres.
À titre d'administration postale du pays, Postes Canada a le mandat, conféré par la loi, d'assurer un service postal universel pour tous les Canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent, et d'y arriver tout en assurant son autonomie financière.
[Français]
Malgré les défis de taille auxquels nous sommes confrontés, la société a généré un revenu de 7,3 milliards de dollars en 2009 et est rentable depuis 15 ans. Au cours des dix dernières années, Postes Canada a payé au gouvernement du Canada des impôts sur les bénéfices s'élevant à près de 400 millions de dollars ainsi que des dividendes de l'ordre de 350 millions de dollars.
En septembre dernier, le gouvernement du Canada a présenté le Protocole du service postal canadien qui souligne les services que les Canadiens sont en droit d'attendre de la part de Postes Canada. Postes Canada, aujourd'hui, continue à respecter ses normes de services publiés et à offrir un service postal fiable et sécuritaire aux Canadiens.
[Traduction]
Habituellement, les administrations postales recouvrent les coûts de ces obligations de service grâce aux revenus générés par le privilège exclusif lié à la livraison des lettres et grâce aux revenus découlant de services concurrentiels comme les colis et le marketing direct.
Conformément à l'article 14 de la Loi sur la Société canadienne des postes, « la Société a, au Canada, le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires ».
La partie 15 du projet de loi C-9 modifie cet article de la Loi sur la Société canadienne des postes et permet aux autres de ramasser des lettres au Canada puis de les envoyer et de les livrer à l'extérieur du pays.
Les entreprises de repostage internationales sont généralement associées à des administrations postales étrangères. Elles prennent d'importants volumes d'envois commerciaux produits et levés au Canada et les expédient à l'extérieur du pays pour ensuite les déposer dans des systèmes postaux étrangers. Au cours des 20 dernières années, la présence de ces entreprises de repostage au Canada n'a cessé de croître. Par le passé, Postes Canada a défendu la position selon laquelle les entreprises de repostage internationales enfreignent le privilège exclusif octroyé à Postes Canada. Nous avons intenté une action en justice contre certaines entreprises de repostage internationales. Le tribunal nous a donné raison. Des injonctions ont été émises à l'encontre de deux entreprises de repostage internationales en vue de les empêcher de mener des activités au pays.
En 2007, le gouvernement du Canada, notre actionnaire, a présenté une loi qui permettait aux exportateurs de lettres, ou entreprises de repostage, de ramasser légalement des lettres au Canada pour les envoyer et les livrer à l'extérieur du pays. Après la présentation de cette loi par le gouvernement, les injonctions ont été suspendues en attendant que le Parlement fasse part de ses intentions. Les injonctions actuelles expireront au mois de décembre 2010.
En ce qui concerne la partie 15, Postes Canada estime qu'il revient au gouvernement du Canada, en tant qu'actionnaire, de déterminer quels domaines du marché postal doivent être réservés à Postes Canada ou peuvent être ouverts à la concurrence. La présidente-directrice générale de Postes Canada, Moya Greene, a déclaré dernièrement, devant le comité, que si le marché des lettres est ouvert à la concurrence, c'est avec force que Postes Canada fera concurrence pour ce secteur d'activité. Ce n'est pas parce qu'un marché est concurrentiel que Postes Canada se retrouve hors jeu.
Afin de maintenir sa compétitivité et de remplir son mandat en matière de services, Postes Canada a déjà pris des mesures pour moderniser son infrastructure, ses équipements et ses technologies.
[Français]
Dans le cadre de notre stratégie de transformation postale, nous investirons plus de 2 milliards de dollars dans l'achat d'équipement neuf et l'amélioration de systèmes et d'installations partout au pays. Au début du mois de juin de cette année, nous avons ouvert un nouvel établissement de traitement de courrier à la fine pointe de la technologie à Winnipeg, au Manitoba. Il s'agit de notre première nouvelle installation de traitement de courrier depuis 20 ans. Nous changeons nos méthodes de traitement et de livraison afin de pouvoir continuer à offrir nos services à l'avenir.
[Traduction]
Ces investissements, et bien d'autres, feront en sorte que Postes Canada continue de respecter ses engagements en matière de service, se mesure avec succès à la concurrence sur le marché et demeure financièrement auto-suffisante.
Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Lynn Bue, deuxième vice-présidente nationale, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Au nom du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, je veux vous remercier de nous offrir la possibilité de comparaître devant le comité pour parler de la partie 15 du projet de loi C-9. Le STTP représente, à l'échelle du pays, 54 000 travailleurs et travailleuses qui occupent un emploi en milieu urbain ou rural. La majorité de nos membres travaillent à Postes Canada. Le STTP souhaite ardemment que le comité accorde une très grande attention à cette modeste partie du projet de loi C-9 parce qu'il en va de la déréglementation partielle du service postal public.
Au Canada, les lettres standards ne sont pas réglementées sans raison. En effet, Postes Canada dispose du privilège exclusif sur la poste-lettres afin de pouvoir en tirer assez d'argent pour fournir un service postal abordable à l'ensemble de la population, peu importe l'endroit où les gens habitent dans ce grand pays qu'est le Canada. Ce privilège vise autant les lettres du régime intérieur que celles du régime international.
Nous sommes d'avis qu'il sera de plus en plus difficile pour Postes Canada de fournir un service postal universel si le gouvernement s'attaque au mécanisme même qui permet de financer ce service, c'est-à-dire le privilège exclusif.
Au fil des ans, le privilège exclusif de Postes Canada sur la poste-lettres a fait l'objet de très peu d'attention. Toutefois, les entreprises de repostage qui transportent actuellement les lettres du régime international, enfreignant ainsi la loi, ont récemment contesté ce privilège et ont entrepris une campagne qui vise à restreindre le droit de Postes Canada de traiter les lettres du régime international.
Postes Canada estime que les entreprises de repostage la privent de recettes annuelles se chiffrant entre 60 et 80 millions de dollars. Les préoccupations de Postes Canada à l'égard des entreprises de repostage se sont intensifiées à mesure que le marché du courrier international a pris de l'expansion et à mesure que les entreprises de repostage lui ont livré une concurrence déloyale sur le marché postal international en tirant profit du système de frais terminaux à deux niveaux adopté par l'Union postale universelle en 1999. Nous croyons comprendre que pour tenter de résoudre les différends qui l'opposent aux entreprises de repostage, Postes Canada a tout d'abord eu recours à des négociations. Elle a finalement intenté des poursuites en justice contre deux des plus grandes entreprises de repostage : Spring et Key Mail.
Une décision de la Cour d'appel de l'Ontario souligne l'importance du privilège exclusif pour le maintien d'un service dans les régions rurales et éloignées et note que des entreprises de repostage comme Spring Canada « ne sont pas tenues de s'acquitter des frais élevés qu'entraîne le fait de desservir les régions isolées du Canada ». Postes Canada a eu gain de cause dans le cadre de ces poursuites judiciaires et ce, jusqu'en Cour suprême du Canada.
À la suite de la victoire juridique de Postes Canada, la Canadian Association of International Mailers, la CIMA, a embauché un lobbyiste pour qu'il tente de convaincre les parlementaires de retirer le courrier international du privilège dont bénéficie Postes Canada sur la poste-lettres. Le gouvernement a tout d'abord défendu l'importance du privilège exclusif, mais il n'a pas fallu attendre très longtemps avant qu'il ne commence à revenir sur sa position, vraisemblablement en réaction aux pressions exercées par la CIMA. Malgré tout, dans une lettre qu'il a adressée au STTP, le gouvernement a bel et bien promis qu'« aucun changement au privilège exclusif de Postes Canada ne sera apporté sans d'abord effectuer une analyse politique approfondie [...] »
Jusqu'à présent, il n'y a eu aucun examen sérieux ni analyse politique approfondie de la question du repostage ni de ses conséquences.
Dans son récent rapport, le comité consultatif chargé de l'examen stratégique de la Société canadienne des postes ne s'est pas penché sur ces questions. Malheureusement, cela ne l'a pas empêché de se prononcer contre la déréglementation de la poste-lettres, à l'exception des lettres du régime international.
Il est illogique de proposer une loi avant même d'en avoir examiné les enjeux. Les volumes de courrier à Postes Canada ont commencé à diminuer pour la première fois en 2008, puis de nouveau en 2009. Il est évident que Postes Canada doit conserver les lettres du régime international comme source de revenus pour maintenir et améliorer le service postal public. De plus, la majorité de la population du pays s'oppose à la déréglementation de Postes Canada. Elle n'appuie aucunement la diminution ni la suppression du privilège exclusif dont bénéficie Postes Canada. De fait, un sondage réalisé en 2008 par la firme Ipsos-Reid a révélé que près de 70 p. 100 de la population s'oppose à la déréglementation du service postal.
Même le comité consultatif chargé de l'examen stratégique de la Société canadienne des postes a constaté qu'il n'y avait pratiquement aucun appui en faveur de la déréglementation. Dans son rapport, le comité consultatif indique ceci :
[...] il semble que le public n'est pour ainsi dire aucunement en faveur de la privatisation ou de la déréglementation de Postes Canada à l'heure actuelle, et offre un appui considérable sinon unanime au maintien d'un service universel de qualité et abordable pour tous les Canadiens et toutes les collectivités.
Évidemment, il y a un groupe qui appuie la déréglementation partielle de Postes Canada et celui-ci semble bénéficier d'une oreille attentive au sein du gouvernement. Les entreprises de repostage veulent que les lettres du régime international soient retirées du privilège exclusif de Postes Canada. Elles ont fait valoir que selon la version anglaise de la Loi sur la Société canadienne des postes, elles ont le droit de traiter ces lettres. Autrement dit, les entreprises de repostage ont soutenu que la version française de la Loi sur la Société canadienne des postes n'avait aucun poids et que la version anglaise devrait l'emporter. Les tribunaux ont rejeté cet argument.
Les entreprises de repostage ont aussi avancé que les poursuites en justice de Postes Canada contre elles auraient pour effet de faire disparaître des milliers d'emplois au Canada et qu'elles devraient avoir l'autorisation de poursuivre leurs activités afin de sauvegarder ces emplois. En examinant la situation, on se rend compte qu'il y a peut-être quelques centaines d'emplois menacés, et non pas des milliers.
Le STTP prend très au sérieux les possibles pertes d'emplois, mais il ne croit pas que le privilège exclusif devrait être sacrifié pour sauvegarder les emplois d'entreprises qui enfreignent la loi. Le STTP croit aussi qu'il existe peut-être d'autres manières d'aborder la question des emplois.
À cet égard, le STTP recommande vivement au comité de formuler deux recommandations. Premièrement, nous recommandons que la partie 15 du projet de loi C-9 soit retirée. Deuxièmement, nous recommandons que des mesures soient prises pour fermer les cinq ou six entreprises de repostage qui enfreignent la loi et qu'il y ait consultation entre Postes Canada et le STTP quant à la possibilité d'offrir un emploi aux travailleurs et travailleuses de ces entreprises.
Enfin, nous exhortons votre comité, ou un autre comité, à examiner les activités et les emplois des petites entreprises qui produisent ou traitent des envois de repostage envoyés aux États-Unis et destinés à des adresses dans ce pays et à consulter les entreprises, y compris les syndicats, dans le but de trouver des solutions aux problèmes que son examen aura permis de révéler. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci, madame Bue. Je suis désolé, mais je n'ai pas entendu votre deuxième recommandation. Avez-vous dit cinq ou six?
Mme Bue : Il y a cinq ou six entreprises de courrier international qui enfreignent la loi.
Le président : Vous estimez donc qu'il y a cinq ou six de ces entreprises, qu'on appelle des entreprises de repostage, au Canada; est-ce exact?
Mme Bue : Oui.
Le président : Madame Margles, avant qu'on passe aux observations et aux questions des sénateurs, j'aimerais revenir sur l'Union postale universelle dont vous avez fait mention. Quel rôle, s'il y a lieu, cette organisation joue-t-elle dans la question des entreprises de repostage?
Mme Margles : M. Power est mieux placé que moi pour répondre à cette question.
Gerard Power, vice-président, International, Société canadienne des postes : L'Union postale universelle est une institution spécialisée des Nations Unies. Tous les quatre ans, le traité qui établit l'organisation fait l'objet d'une nouvelle négociation. Il fixe des règles pour les échanges de courrier entre les pays et prévoit des tarifs de base pour les lettres en provenance de pays en développement vers des pays industrialisés et les lettres entre des pays industrialisés. Cette organisation aide également à établir des normes sur les dimensions des enveloppes pour permettre aux fabricants de matériel de triage d'effectuer leur travail grâce à une série commune de normes internationales.
Par ailleurs, l'Union postale universelle joue un rôle dans le développement du réseau postal à l'échelle internationale pour que les gens, peu importe s'ils vivent au Canada ou au Botswana, puissent communiquer avec des personnes ailleurs dans le monde.
Le président : L'initiative proposée dans la partie 15 donne-t-elle suite à l'une ou l'autre des recommandations de l'Union postale universelle?
M. Power : Non. D'habitude, l'Union postale universelle n'intervient pas dans les questions intérieures. Plusieurs pays membres de l'Union postale universelle ont ouvert leurs marchés du courrier international, alors que d'autres ne l'ont pas fait. Cela ne s'est pas fait de manière uniforme.
Le président : Merci. Je vais maintenant céder la parole aux sénateurs, en commençant par le sénateur Ringuette du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Power, dans le cadre de vos fonctions à Postes Canada, vous vous occupez des questions liées au STTP et vous veillez à ce que les Canadiens reçoivent un bon service à l'échelle internationale depuis plusieurs années. Qui sont les entreprises de repostage au Canada?
M. Power : Plusieurs entreprises œuvrent dans ce secteur. La plupart d'entre elles ont une affiliation avec des services postaux; par exemple, Spring a été établie par les services postaux de la Grande-Bretagne, de Singapour et des Pays-Bas. Une autre organisation qui est active sur ce marché est la Deutsche Post, le service postal allemand, qui est également propriétaire de DHL. Le service postal irlandais a cherché, lui aussi, à établir une entreprise de repostage au Canada. Toutefois, à la suite de discussions avec Postes Canada, il a changé d'avis. Le service postal belge participe à certaines de ces activités, de même que le service postal suisse. Certaines entreprises indépendantes interviendront également dans ce secteur en utilisant les services d'autres bureaux de poste étrangers.
Le sénateur Ringuette : Si on retire le privilège exclusif de Postes Canada, on accordera un privilège aux administrations postales étrangères qui viennent au Canada et empochent les recettes de Postes Canada pour ensuite les sortir du pays. Les gens semblent confondre les entreprises de repostage, qui sont des services postaux étrangers comme la Royal Mail de la Grande-Bretagne — et je crois que la Royal Mail a maintenant engagé l'ancienne présidente-directrice générale de Postes Canada, Mme Greene, qui a comparu devant le comité il y a deux mois. La question dont nous sommes saisis pour l'instant, c'est de savoir ce qui se trouve dans le projet de loi, c'est-à-dire la proposition de retirer le courrier destiné à l'étranger du privilège exclusif de Postes Canada pour l'attribuer à des entités postales étrangères.
M. Power : Le projet de loi permettra aux administrations postales étrangères de mener une concurrence sur ce marché, comme c'est le cas dans le secteur des colis postaux où nous n'avons pas de privilège exclusif. Il permettra également aux entreprises privées de ramasser le courrier. Lorsqu'une entreprise privée ramasse le courrier au Canada et souhaite le déposer directement, disons, dans le système postal allemand, elle se heurte à un problème parce que les tarifs qu'elle paie au bureau de poste allemand pour la livraison finale sont élevés. Voilà pourquoi bon nombre de ces organisations tenteront de trouver une administration postale qui pourra faciliter, grâce à son timbre, l'entrée du courrier, par exemple en Allemagne, comme courrier international, au lieu de le traiter comme courrier du régime intérieur en Allemagne.
Le sénateur Ringuette : Exactement; je ne crois pas que l'UPU distribue des numéros de cachet postal.
M. Power : Si vous faites allusion aux codes des centres de traitement du courrier international, ces numéros sont accordés à des exploitants postaux désignés. Toutefois, à l'heure actuelle, il y a un embargo ou un blocus sur l'octroi de ces codes à des entreprises ou à des particuliers qui ne sont pas des exploitants postaux désignés pour un pays donné; c'est exact.
Le sénateur Ringuette : Au Canada, Singapore Post travaille en partenariat avec la Royal Mail dans l'entreprise de repostage appelée Spring. Aux termes de l'UPU, toutefois, l'entreprise bénéficie-t-elle des tarifs d'un pays en développement?
M. Power : Singapore Post bénéficie actuellement des tarifs préférentiels mais elle sera intégrée dans le même système d'objectifs que celui de Postes Canada. Dans certains cas, les tarifs que nous payons pour la livraison finale sont jusqu'à trois fois plus élevés que ceux d'un pays en développement, mais ce n'est là qu'un des coûts que doit assumer un service postal ou une entreprise de repostage pour la distribution du courrier dans un autre pays.
Le sénateur Ringuette : La raison pour laquelle il y a un partenariat entre la Royal Mail et Singapore Post, c'est qu'elles utilisent les tarifs des pays en développement pour distribuer le courrier et, par le fait même, elles empochent des recettes au détriment de Postes Canada. Ainsi, Postes Canada pourrait toucher peut-être 35 cents pour une lettre internationale provenant, disons, de la France, mais si elle est distribuée par l'entremise de Singapore Post et de Spring, le Canada ne reçoit que 11 ou 12 cents. C'est ce qu'on appelle du maraudage.
M. Power : La France reçoit un paiement moins élevé si le courrier provient d'un pays en développement que s'il provient d'un pays industrialisé, auquel cas le paiement se fait selon les tarifs des pays industrialisés. Techniquement, si Singapore Post devait ramasser le courrier au Canada pour le distribuer en France, alors la France devrait être en mesure d'imposer à Singapore Post les mêmes frais que ce qu'elle obtient de Postes Canada.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne les frais, les coûts, et cetera, quand j'ai interrogé les fonctionnaires du ministère au sujet des renvois, ils n'en avaient aucune idée; ils pensaient à ces petites cartes postales qu'on renvoie si on veut s'abonner à une revue. Quelle est votre expérience avec les entreprises de repostage et les renvois au Canada?
M. Power : En cas de courrier non distribuable — parce que nous échangeons un très grand nombre de sacs de courrier à la fois entre les administrations postales nationales —, la note de consignation dirait : voici la quantité de courrier à renvoyer. Ce courrier est renvoyé sans frais terminaux parce que le pays d'origine a participé à l'équation économique.
En vertu du traité de l'Union postale universelle, le courrier de renvoi doit être réacheminé à l'administration postale qui l'a distribué. La façon la plus facile d'identifier l'administration, c'est de regarder le timbre ou l'affranchissement. Dans bien des cas, les employés des postes font les choses rapidement. Il se peut qu'ils ne comprennent pas la langue utilisée sur le timbre; alors, ils regardent le pays de l'adresse de retour, puis renvoient le courrier là-bas.
Si le privilège exclusif de Postes Canada ne comprend plus le courrier destiné à l'étranger, il nous incombera de s'assurer que nous recevons une indemnisation pour le service de renvoi. Nous traiterons ce courrier à part. Nous pourrons peut-être l'attribuer à l'administration postale qui l'a initialement reçu. Il y a également d'autres solutions de rechange.
Le sénateur Ringuette : Par exemple, si un courrier non distribuable est recueilli au Canada par une entreprise de repostage, disons Spring, et envoyé en France, avec une adresse de retour canadienne, le service postal français devrait le renvoyer à Spring qui devra alors se conformer à sa responsabilité d'entreprise de repostage. Toutefois, nous savons tous que, dans la pratique, on va le renvoyer à Postes Canada. Par conséquent, non seulement Postes Canada n'aura pas de recettes, mais elle devra également assumer le coût de ces renvois; est-ce exact?
M. Power : Postes Canada pourrait assumer le coût des renvois; c'est une option. Une autre option, c'est que Postes Canada renvoie les articles à la France — ce qui est plutôt coûteux — en disant : « Vous nous avez renvoyé quelque chose qui aurait dû aller ailleurs. »
Nous pouvons retourner les articles à l'expéditeur et lui demander de payer les frais de renvoi, ou nous pouvons examiner d'autres moyens pour régler la question parce que techniquement, ce courrier ne fait pas l'objet de la convention de l'Union postale universelle.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Power, une des questions importantes sur lesquelles j'aimerais m'attarder, ce sont les activités de repostage de type ABA qui surviennent à l'échelle nationale; certains membres du comité ont du mal à croire que ces activités enfreignent le privilège exclusif de Postes Canada sur le marché intérieur.
En ce qui concerne la question à l'étude, j'ai bien peur que ces premiers pas vers la déréglementation, conjugués à l'activité actuelle des exploitants postaux étrangers au Canada, iront plus loin que ce qui est prévu dans le projet de loi C-9, parce qu'on a déjà dépassé ce point. Postes Canada est-elle au courant des activités de repostage qui ont lieu à l'échelle nationale?
M. Power : Si vous parlez du courrier qu'un Canadien envoie à un autre Canadien, il arrive de temps à autre qu'un affranchissement supplémentaire pour l'étranger soit nécessaire, malgré le fait que le courrier porte une adresse de retour au Canada et une adresse de livraison au Canada. Les facteurs voient ce genre de courrier; ils l'identifient et ils peuvent le remettre à leur superviseur. Cette question pourrait prendre de l'ampleur dans l'avenir. Toutefois, il est de notre responsabilité, en tant que fonctionnaires de Postes Canada, de s'assurer que la loi est respectée lorsqu'un marché est couvert par le privilège exclusif.
Rien dans le projet de loi ne rendra cette activité légale. D'ailleurs, si on décidait d'ouvrir le marché du courrier dans son ensemble, comme c'est le cas en Europe, ce serait une question de politique gouvernementale, et Postes Canada aurait manifestement un point de vue à ce sujet. Toutefois, c'est au gouvernement de décider, et non à Postes Canada.
Le sénateur Gerstein : Madame Bue, voici ce qu'on peut lire dans une lettre envoyée en avril 2007 à la présidente du STTP :
[...] nous avons l'intention d'appuyer le maintien des activités des entreprises internationales de repostage au Canada [...] il est important de noter que les entreprises internationales de repostage sont exploitées au Canada depuis des dizaines d'années [...]
C'était il y a trois ans; c'est donc dire que ces entreprises sont là depuis près de 25 ans — un quart de siècle.
Le Parti libéral ne croit pas qu'il serait avantageux pour les Canadiens de nuire aux propriétaires de ces petites entreprises.
J'aimerais bien connaître votre opinion sur cette lettre.
Le sénateur Ringuette : J'invoque le Règlement. Vous avez dit que cette citation est tirée d'une lettre datée de 2007. J'ai ici une déclaration faite à la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-44 par le porte-parole du Parti libéral, à savoir Bonnie Crombie, députée de Mississauga—Streetsville. Voici ce qu'elle a dit à la Chambre des communes en ce qui concerne Postes Canada :
[...] j'ai été catégorique. Nous n'appuyons aucune forme de déréglementation ou de privatisation.
Si vous voulez une copie, je serai heureuse de vous la fournir.
Le sénateur LeBreton : J'invoque le Règlement sur un point connexe. J'ai écouté attentivement le sénateur Ringuette, qui possède manifestement une connaissance approfondie des exploitations de Postes Canada. Toutefois, peu importe ce que telle ou telle personne aurait pu avoir dit, je crois que le sénateur Ringuette est en conflit d'intérêts parce qu'elle a travaillé à Postes Canada en tant que gestionnaire de l'unité de développement du commerce international. À mon avis, le sénateur Ringuette est en train d'avancer une hypothèse par rapport au rôle qu'elle jouait au sein de Postes Canada, ce qui la place en situation de conflit quand vient le temps de poser des questions en comité.
Le sénateur Ringuette : Puis-je répondre à cette observation?
Le président : Nous sommes saisis de deux rappels au Règlement, le deuxième étant différent du premier. Occupons-nous d'abord du premier rappel au Règlement. Nous avons deux citations contradictoires ici.
Quelqu'un parmi vous se sent-il assez compétent pour choisir entre l'une ou l'autre des deux citations différentes? Répondez par « non », et cela finira là.
Mme Bue : Je peux répondre à la question.
Le président : Êtes-vous au courant de la citation de 2007 de Bonnie Crombie ou de celle du Parti libéral du Canada, dont a parlé le sénateur Gerstein?
Mme Bue : Nous savons que les libéraux ont été divisés.
Le sénateur Gerstein : Le point soulevé dans la lettre concerne la déréglementation. En l'occurrence, nous ne parlons pas du tout de déréglementation; nous parlons des entreprises de repostage. Cette lettre provient de l'honorable Stéphane Dion, chef du Parti libéral, qui citait une politique libérale.
Le président : Où cela nous mène-t-il?
Le sénateur Gerstein : J'ai cru comprendre que le porte-parole d'alors était Joe Volpe. Cela a également dû changer.
Le président : Je respecte votre point de vue quant à savoir qui est le porte-parole de Postes Canada à un moment ou à un autre.
Y a-t-il quelqu'un qui peut nous aider avec ces citations, ou pouvons-nous reprendre notre examen des faits qui se rapportent au projet de loi?
Mme Bue : D'après notre expérience, les libéraux ont été divisés sur cette question — c'est-à-dire le projet de loi —, parce que je ne crois pas qu'ils veuillent renverser le gouvernement à cause du projet de loi budgétaire. Toutefois, je pense qu'ils n'ont pas appuyé un projet de loi antérieur présenté à la Chambre, le projet de loi C-44. Ils n'ont pas appuyé la déréglementation à ce moment-là, et presque tout le monde a dit qu'il fallait une étude approfondie de la question.
Le sénateur Gerstein : C'était catégorique, d'après ce qu'on peut lire dans la lettre, et je serai heureux d'en remettre une copie au greffier.
Le président : Il serait utile que nous ayons ces deux citations.
Le sénateur Gerstein : J'aimerais revenir à la charge avec une question à Postes Canada.
Le président : Nous sommes saisis d'un deuxième rappel au Règlement, que vous n'avez pas besoin de répéter, parce qu'il a été invoqué à la suite du premier. Maintenant que nous avons réglé le premier, passons au deuxième.
Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas en conflit d'intérêts. Je le serais si j'occupais toujours le poste. Je ne suis pas en conflit d'intérêts, sauf pour le fait que je sais de quoi je parle ici. Voilà le seul conflit qu'on peut soulever au comité : je connais bien l'importance que revêt cette question pour Postes Canada, pour son avenir et pour sa capacité financière future en ce qui concerne la distribution du courrier dans les régions rurales et à tous les citoyens canadiens et ce, à un prix décent. Ma connaissance du dossier est mon seul conflit dans cette situation. Monsieur LeBreton, j'aimerais que vous retiriez cette insinuation immédiatement.
Le sénateur LeBreton : Il en est hors de question. Je siège ici depuis assez longtemps, comme d'autres sénateurs ici présents, pour me souvenir de la situation à la fin des années 1970 et au début des années 1980, lorsque Postes Canada est devenue une société d'État. À l'époque, les gens se réunissaient dans des salles de comité comme celle-ci pour déplorer le fait que c'était la fin de l'exclusivité de Postes Canada, même si un sondage effectué alors auprès des employés de Postes Canada avait révélé que les gens qui travaillaient là-bas n'admettaient même pas qu'ils étaient au service de Postes Canada. C'est en 1981 que Postes Canada est devenue une société d'État, sous votre gouvernement, et c'est ainsi qu'elle a poursuivi et étendu ses activités sous un gouvernement conservateur.
Je crois, sénateur Ringuette, que cette disposition est un simple article dans le projet de loi, et Postes Canada a déclaré fermement qu'elle ne plie pas bagage. Postes Canada reste dans le jeu. Elle soutiendra la concurrence dans ce secteur.
Vous avez interrogé Moya Greene sur son départ pour occuper un poste à la Royal Mail, comme s'il y avait quelque chose de mal là-dedans, et pourtant vous ne voyez rien de mal dans la situation qui vous concerne; une de vos fonctions précises à Postes Canada, à titre de gestionnaire de l'unité de développement du commerce international, c'était justement d'exclure les autres entreprises de ce marché.
Je ne vais pas retirer mon rappel au Règlement. Qu'il s'agisse d'un rappel recevable ou non, c'est quelque chose que je tiens à consigner dans le compte rendu.
Le président : Merci. Si vous admettez que votre rappel est non recevable, nous pouvons passer à la question qui nous occupe. C'est maintenant dans le compte rendu.
Le sénateur Murray : Je tiens à faire une observation. De nos jours, l'expression « conflit d'intérêts » comporte un sens juridique et éthique bien défini. Je prends l'argument invoqué par le sénateur LeBreton et confirmé par le sénateur Ringuette. Le sénateur Ringuette travaillait à Postes Canada et elle possède, comme le sénateur LeBreton l'a laissé entendre, une connaissance approfondie du dossier; elle pourrait se trouver en situation de conflit. Toutefois, un conflit d'intérêts est une accusation grave et, en cas de pression, vous aurez à le prouver.
Le sénateur LeBreton : Je vais donc retirer l'expression « conflit d'intérêts » et la remplacer par « en situation de conflit ».
Le président : Vous avez fait valoir votre argument. Poursuivons. Sénateur Gerstein, maintenant que nous avons réglé deux allégations de conflit d'intérêts, vous avez la parole.
Le sénateur Gerstein : Madame Margles, pour revenir à l'ancienne présidente, Mme Greene, voici ce qu'elle a dit au sujet des entreprises de repostage :
Il ne touche qu'une minuscule sous-section du courrier, et je suis convaincue que nous pouvons réussir à mener une concurrence vigoureuse pour la conserver. Des nombreux défis que doit relever Postes Canada, les entreprises de réexpédition sont bien loin d'occuper l'un des dix premiers rangs.
Pouvez-vous confirmer si c'est toujours le cas aujourd'hui, après son départ?
Mme Margles : Absolument : en fait, d'après nos estimations sur les recettes potentielles que nous risquons de perdre, si nous devions mener une concurrence quotidienne, le montant est assez petit dans le contexte de nos recettes globales qui se chiffrent, comme vous le savez, à plus de 7 milliards de dollars par année. C'est une petite fraction.
C'est sans compter les autres gros défis que nous devons relever tous les jours : la réduction des volumes de poste-lettres au pays, la concurrence quotidienne dans le secteur des colis contre des entreprises comme UPS et FedEx et les types de substitution dans notre secteur du marketing direct. Nous faisons face à des défis de taille. J'ai essayé de montrer, dans ma déclaration préliminaire, certains des moyens que nous utilisons pour relever ces défis liés à la transformation de nos activités postales. Le repostage pose un défi, c'est sûr, mais nous croyons pouvoir soutenir la concurrence.
Le sénateur Gerstein : Merci beaucoup. J'ai compris tout ce que vous venez de dire.
Le président : Confirmons un point. Vous avez dit que les recettes totales de Postes Canada se chiffrent à environ 7 milliards de dollars par année.
Mme Margles : Oui, monsieur.
Le président : Mme Bue a indiqué que le secteur du repostage représente environ 90 millions de dollars. Êtes-vous d'accord?
Mme Margles : Il est difficile de placer un chiffre sur la valeur totale du secteur du repostage parce qu'il s'agit de nos concurrents. Nous ne relèverions pas ces chiffres à nos concurrents, et nous ne nous attendons pas à ce que nos concurrents en fassent autant.
Toutefois, d'après la part du marché que nous occupons toujours et le type de renseignements du marché dont nous disposons grâce à nos spécialistes des ventes et du marketing partout au pays, nous croyons que les recettes que nous risquons de perdre seraient de l'ordre de 40 à 80 millions de dollars. Comparez ce chiffre à nos recettes de plus de 7 milliards de dollars; voilà pourquoi j'affirme que c'est une petite fraction.
Le sénateur Baker : Merci, monsieur le président. Je félicite les témoins. Je suppose que j'aurais invoqué les mêmes arguments que les témoins qui ont comparu et les mêmes contre-arguments que les témoins qui vont comparaître.
Le Sénat est un lieu de second examen objectif; compte tenu de la mémoire institutionnelle dont nous bénéficions, j'aimerais vous demander de passer en revue l'historique de la modification dont nous parlons. La représentante de Postes Canada — Mme Margles — a dit que dès le départ — et je suppose que ce serait dès 1981 —, Postes Canada s'est opposée à la violation de la loi par certaines entreprises. C'est ce que j'ai entendu Mme Margles dire. Le syndicat, pour sa part, a dit que la loi est divisée depuis 1981. Pourtant, mon souvenir est tout autre en ce qui concerne Postes Canada.
Que l'on me corrige si je me trompe, parce que ma mémoire me joue parfois des tours. Dans les années 1980 et 1990, Postes Canada a encouragé des entreprises de repostage qui distribuaient du courrier à l'extérieur du pays — et a même établi des coentreprises avec elles —, et c'est ainsi qu'une industrie a pris de l'essor au Canada au cours des 20 à 25 dernières années. Niez-vous ce fait?
Mme Margles : Je ne suis pas en mesure de le nier. Malheureusement, je n'étais pas au service de la société à l'époque. J'ai passé en revue l'histoire, et je pense qu'il est juste de dire que le rôle de la société consiste à défendre, en tout temps, la loi qui est en vigueur.
Le sénateur Baker : Permettez-moi de vous poser cette question : quand la loi a-t-elle changé?
Mme Margles : Elle n'a pas changé, du moins pas encore.
Le sénateur Baker : Attendez un instant. L'interprétation de la loi a changé. C'est la Cour d'appel de l'Ontario qui en a changé l'interprétation, et c'était en 2005. En 2004, la Cour supérieure de l'Ontario a rendu une décision, et vous en avez lu une citation au début. D'après la décision, vous croyez avoir des droits exclusifs au Canada. Ce sont là vos mots. Vous avez cité l'article 14 de la Loi sur la Société canadienne des postes, en anglais.
Mme Margles : Oui.
Le sénateur Baker : Toutefois, l'interprétation de la version française de cet article ne dit pas cela. À un moment donné en 2004, un avocat à Postes Canada a décidé de contester l'interprétation de la Loi sur la Société canadienne des postes. J'utilise le verbe « contester » parce que vous ne l'aviez pas contesté en cour avant 2004. N'oubliez pas que cette question remonte à 1981 quand ces entreprises étaient en train de s'établir au Canada. Elles avaient tous ces employés, et vous leur avez permis de continuer leurs activités sans aucune objection. Vous aviez établi des coentreprises avec elles, et tout le reste. Est-ce que j'ai mal compris? Est-ce bien ce qui s'est passé d'après ce que vous vous souvenez de l'histoire de la société?
Mme Margles : Comme je l'ai dit, je ne travaillais pas pour la société pendant tout ce temps-là. Aujourd'hui, je peux vous parler de la question dont nous sommes saisis, et c'est ce que j'ai décrit dans ma déclaration préliminaire. Nous sommes allés en cour, et il y a eu des injonctions. Toutefois, en tant qu'actionnaire, le gouvernement du Canada a le droit de déterminer la politique et l'étendue du privilège exclusif. Il est de notre devoir, en tant que dirigeants de la société, de faire de notre mieux pour continuer de remplir notre mandat dans le contexte de la politique en vigueur.
Le sénateur Baker : Oui, il y a eu des injonctions, mais vous rappelez-vous qu'elles ont été émises par un juge de la Cour supérieure de l'Ontario, un juge qui a accordé six mois au Parlement du Canada — qui a différé l'injonction? Dans le jugement, on déclarait que le tribunal attendrait six mois pour savoir quelles étaient les intentions du Parlement du Canada. Cela s'est produit au cours des six derniers mois de 2006. En janvier 2007, le gouvernement a annoncé sa décision.
Sur quoi vous fondez-vous pour déclarer qu'il était illégal pour ces entreprises de mener des activités alors que le juge de la Cour supérieure avait imposé une période d'attente de six mois, puis que l'injonction a été différée jusqu'à décembre 2010, comme vous l'avez affirmé vous-même au cours de votre déclaration? À quel moment était-il illégal de mener des activités liées au sujet à l'étude?
Mme Margles : Malheureusement, je ne suis pas avocate et je ne sens pas que je sois en mesure de répondre à votre observation; tout ce que je peux faire, c'est répéter ce que j'ai déjà dit, soit que nous sommes d'avis qu'il revient au gouvernement, en tant qu'actionnaire, de déterminer l'étendue de notre privilège exclusif; à l'heure actuelle, notre devoir à nous, c'est de trouver une façon de continuer à accomplir notre mandat en tenant compte des changements que le gouvernement juge appropriés.
Le sénateur Baker : Croyez-moi : je ne me range pas d'un côté ou de l'autre de la question. J'aime la structure actuelle de Postes Canada, et sa nature exclusive aussi. Or, je me rappelle très nettement la procédure jusqu'à maintenant, et elle me jette parfois dans la confusion. Vous avez réclamé des dommages-intérêts aux entreprises concernées. Non seulement avez-vous tenté de les arrêter, mais vous avez aussi réclamé des dommages-intérêts; une décision a été rendue, mais je présume qu'elle a été différée, elle aussi.
Monsieur Power, je vous prierais de répondre à ma question. Je suis désolé, je confonds les choses, mais à l'âge que j'ai, je réfléchis et je me demande : ai-je raison ou tort? Ma mémoire me fait-elle défaut?
À quel moment était-il illégal pour les entreprises concernées de mener les activités en question alors que des sursis ont été accordés relativement aux injonctions, que des périodes d'attente ont été imposées, que la période d'injonction se terminera en décembre et que le juge a déclaré qu'on attendrait la décision du Parlement?
M. Power : Vous avez raison de dire que des sursis ont été donnés, ce qui n'est pas inhabituel dans le cas des injonctions. À proprement parler, l'injonction est le recours que le tribunal accorde par souci d'équité. Or, cela ne signifie pas, d'un côté, que lorsqu'un sursis est accordé, l'activité devient légale. De l'autre côté, cela ne veut pas non plus forcément dire que lorsqu'on ne donne pas d'injonction, l'activité est légale. Nous avons affaire ici à deux parties différentes de la loi.
Dans le cas dont nous traitons actuellement, un sursis a été accordé et nous y avons consenti parce qu'on a dit précisément à Postes Canada que la volonté du gouvernement était de modifier la Loi sur la Société canadienne des postes de façon à légaliser les activités en question. Deux projets de loi à cet effet ont été présentés. Le premier est mort au Feuilleton en raison du déclenchement des élections, et le second, à cause de la prorogation. Maintenant, les modifications sont incluses dans le projet de loi sur le budget; nous avons donc la certitude que les changements seront apportés.
Le sénateur Baker : Vous avez la certitude, mais pas une modification de la loi, pas un changement dans son application, et vous avez fait des profits au cours des 10 dernières années sous ce régime. Or, à l'heure actuelle, en ce moment même, des entreprises mènent les activités que vous dites illégales. Pourquoi déclarez-vous qu'il y aura une grande perte de bénéfices? Il est question ici de tout ce qui pèse moins de 800 grammes, n'est-ce pas? Il est question des lettres.
M. Power : C'est maintenant 500 grammes. Oui, il s'agit des lettres.
Le sénateur Baker : Avant, c'était 800 grammes.
M. Power : C'est 500 grammes depuis 1981, depuis l'adoption de la Loi sur la Société canadienne des postes. Je comprends que vous avez une mémoire institutionnelle.
Postes Canada a eu connaissance de violations du privilège exclusif commises à l'intérieur du pays. Par exemple, il y a eu l'affaire Postpar, dont la Cour supérieure du Québec a été saisie en 1985; la décision rendue par ce tribunal en 1987 était accompagnée d'une injonction permanente.
De plus, certaines municipalités ont violé notre privilège exclusif. Nous avons mené de longues discussions approfondies avec elles au sujet de la transgression du privilège exclusif d'un point de vue strictement intérieur.
Comme Mme Margles l'a souligné, le chiffre d'affaires de Postes Canada est de 7 milliards de dollars, et la société doit trouver à quels endroits dépenser ses ressources limitées, non sur le plan de l'application de la loi, mais plutôt des mesures nécessaires pour faire en sorte que ses recettes soient suffisantes pour rentrer dans ses frais. À la suite de la convention de l'UPU de 1999, un arrangement à deux niveaux a été pris relativement aux frais terminaux, en vertu duquel les pays en développement payaient moins cher que les pays industrialisés. Un changement important a été opéré à ce moment-là, mais les modifications sont seulement entrées en vigueur en 2001.
Après 2001, la société des postes d'Irlande est venue cogner à notre porte pour nous annoncer qu'elle ouvrirait des succursales au Canada afin de recueillir du courrier à Montréal et à Toronto et de l'expédier ailleurs dans le monde. Nous lui avons dit que nous ne croyions pas qu'elle avait le pouvoir de mener ce genre d'activités. En fin de compte, la Cour supérieure du Québec s'est prononcée en notre faveur, et une injonction a été donnée à ce moment-là. Par la suite, nous avons obtenu des injonctions pour Key Mail et G3 ou Spring.
Le sénateur Baker : Je ne comprends toujours pas très bien, monsieur le président, mais ma mémoire me trompe peut-être. Or, je ne crois pas que ce soit le cas; n'êtes-vous pas d'accord, monsieur le président? Vous êtes avocat — un grand avocat.
Le président : Pardonnez-moi, j'essaie seulement de présider la séance.
Le sénateur Baker : De toute façon, je n'ai fait cela que pour les spectateurs. D'une manière ou d'une autre, on commet ces illégalités depuis des années, mais ce n'est pas le souvenir que j'ai de la situation.
Le sénateur Marshall : Madame Bue, pouvez-vous nous donner plus de détails sur les raisons pour lesquelles le STTP s'oppose à la mesure législative? Elle n'interdit pas à Postes Canada de participer. Lorsque Mme Greene, l'ancienne PDG, a témoigné, elle a dit que la société ferait concurrence aux entreprises privées pour ces affaires. Puisque la mesure législative n'enlève pas ce secteur d'activité à Postes Canada, pourquoi le STTP s'y oppose-t-il? Il me semble qu'en permettant à d'autres de participer, on ouvre le milieu et on donne un autre choix aux consommateurs. Pouvez-vous nous fournir une explication de ce point de vue?
Mme Bue : Nous croyons qu'au bout du compte, la mesure législative pourrait avoir des conséquences négatives pour les consommateurs. Les bureaux de poste connaissent actuellement des difficultés. Postes Canada a fait des profits; or, elle a également perdu du courrier pour la première fois depuis 2008-2009. Nous ignorons ce que l'avenir nous réserve. Les États-Unis et l'économie ont une incidence considérable sur le bureau de poste, car beaucoup de courrier provient de ce pays, et nous ne savons pas à quel moment la situation se redressera. Il est donc possible que nous éprouvions des difficultés pendant quelque temps.
Nous savons également que la déréglementation n'est peut-être que le début; toutefois, elle cause souvent des pertes d'emplois et de recettes. Puisque les villes sont rentables, elles continueront à recevoir du courrier. Ce sont dans les régions rurales et les petites villes, comme celles de Terre-Neuve et du Labrador ainsi que ma région de la Saskatchewan, qu'on dira : « Nous n'avons pas l'argent nécessaire. » Nous pensons que c'est là ce qui se prépare.
Je suis heureuse que Moya Greene ait déclaré qu'ils feraient concurrence, mais si j'étais ici à titre de présidente d'une société qui obtient des emplois par l'entremise du gouvernement, moi aussi je jouerais la superfemme et je déclarerais pouvoir faire n'importe quoi. Si c'était possible, pourquoi prendrait-on de 60 à 80 millions de dollars — on nous a dit que c'était le montant en cause — et commencerait-on à le donner à d'autres? Ce chiffre d'affaires pourrait augmenter compte tenu des activités mondiales. Pourquoi en donner une partie à d'autres? Le Canada est l'un des pays où il est le plus coûteux de distribuer le courrier. Nous n'avons pas la très grande densité de l'Allemagne, de l'Irlande ou de la Grande-Bretagne, ni même des États-Unis. Notre superficie est énorme. Le gouvernement veut que les gens puissent survivre dans ces collectivités; or, le bureau de poste en est l'élément vital. Bientôt, les bureaux de poste déclareront qu'ils ne peuvent pas y arriver. De leur côté, les grandes entreprises affirmeront qu'elles veulent distribuer le courrier et elles convoiteront les grandes villes. Qu'adviendra-t-il donc des petites collectivités?
Nous pensons que ce n'est que le début et nous nous inquiétons. Nous subirons de la pression de l'Europe, de postes et de gouvernements grands et forts, qui veulent le chiffre d'affaires de partout, mais qui ne se rendront pas dans les collectivités rurales.
Le sénateur Marshall : Vous dites que Postes Canada connaît des difficultés. Or, je ne crois pas que ce soit une raison valable de permettre à la société d'avoir la compétence exclusive de ce secteur d'activité. Ce n'est pas forcément seulement de grandes entreprises qui lui feront concurrence; nous avons aussi recueilli les témoignages de petites compagnies. Il me semble juste d'ouvrir le secteur et de permettre à tous d'y participer. La concurrence, c'est positif. Que la meilleure entreprise ou le meilleur concurrent gagne.
Au moment où elle a témoigné devant le comité, Mme Greene était la PDG de Postes Canada; ses paroles ont donc évidemment du poids. Or, elle a appuyé la mesure législative avec enthousiasme. À son sens, Postes Canada se jetterait dans la mêlée et concurrencerait. Il me semble juste d'ouvrir le secteur d'activité à ceux qui veulent y participer.
Mme Bue : En jetant un coup d'œil à l'examen stratégique, vous constaterez, d'abord, que presque tous ont dit de ne pas déréglementer. Les gens veulent le service universel. Dans la plupart des cas, même le gouvernement a déclaré qu'il fallait mener une analyse politique approfondie. Pourtant, le rapport publié en décembre 2008 ne contient pas d'analyse approfondie sur ce que ce changement signifierait.
Le sénateur Marshall : À mon sens, la mesure législative ne déréglemente pas le service postal. Vous allez loin avec cette affirmation.
Mme Bue : Je pense qu'elle représente une déréglementation partielle. Postes Canada détient le privilège exclusif de distribuer ce courrier, privilège qui lui a été accordé pour faire en sorte que le pays ait les moyens de soutenir un service postal universel. La société n'a pas de privilège exclusif en ce qui concerne nombre d'autres services, comme les colis et d'autres formes de courrier. À mon avis, il lui faut conserver cette activité de base afin qu'elle puisse offrir ce service.
Évidemment, si le gouvernement décide d'adopter la mesure législative, que notre syndicat considère comme étant fondamentalement antidémocratique — ce long projet de loi contient une petite phrase qui expose le bureau de poste à la déréglementation partielle —, bien sûr que nous espérons que Postes Canada aura les moyens de concurrencer. Or, ce qui nous inquiète, c'est le service, en particulier dans les régions éloignées. Je pense que la mesure représente le début de plus en plus de déréglementation. Je m'inquiète de ce que seront les prochaines étapes.
Le sénateur Callbeck : Merci à tous d'être ici aujourd'hui. Madame Bue, dans votre déclaration, vous dites à la deuxième page que : « Le gouvernement a tout d'abord défendu l'importance du privilège exclusif ». Vous ajoutez ensuite que le gouvernement a promis au STTP, dans une lettre qu'il lui a adressée : « [qu']aucun changement au privilège exclusif de Postes Canada ne sera apporté sans d'abord effectué une analyse politique approfondie ». De combien de temps est-il question? Vous dites que le gouvernement a d'abord défendu l'importance du privilège exclusif, puis qu'il a changé d'avis. À quel moment ce changement s'est-il produit? Êtes-vous en mesure de nous présenter une chronologie approximative des événements?
Mme Bue : Je vais vérifier auprès de Mme Steinhoff, car j'ai perdu mon rapport.
Dans une lettre qui nous est adressée, qui est datée du 25 juillet 2006 et qui provient du bureau de l'ancien ministre responsable de Postes Canada, Lawrence Cannon, on affirme qu'une analyse politique approfondie sera réalisée avant que tout changement soit apporté au privilège exclusif. Puis, on a commencé à présenter des projets de loi, les projets de loi C-44 et C-14, je crois, qui n'ont pas été adoptés.
Katherine Steinhoff, spécialiste en communications et en recherche, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Je crois que c'est en 2006 qu'on a promis d'effectuer une analyse politique approfondie, et on ne l'a toujours pas fait, comme Mme Bue vient de le souligner. Je mets quiconque au défi de lire le rapport sur l'Examen stratégique de la Société canadienne des postes et de me montrer quelle partie de ce document ressemble à une analyse politique approfondie. On ne l'a pas faite. Il ne devrait rien se produire avant que l'analyse soit réalisée.
Le sénateur Callbeck : On vous a promis dans une lettre datée de 2006 qu'il ne se produirait rien avant qu'on ait procédé à un examen approfondi.
Mme Steinhoff : On ne nous a pas promis qu'il ne se produirait rien, seulement qu'on réaliserait une analyse politique approfondie.
Le sénateur Callbeck : Vous dites qu'on ne considérerait pas la possibilité d'apporter des changements au privilège exclusif de Postes Canada sans réaliser d'abord une analyse politique approfondie.
Mme Steinhoff : Oui; nous pouvons vous remettre la lettre, si vous voulez.
Le président : Si vous la transmettez au greffier du comité, avec lequel vous avez déjà communiqué, il veillera à ce que tous les membres en reçoivent une copie. L'avez-vous reçue dans les deux langues officielles?
Mme Steinhoff : Nous l'avons fait traduire.
Le président : Parfait, cela nous permet d'économiser du temps.
Le sénateur Callbeck : Aucune étude n'a été menée et l'examen stratégique de Postes Canada dont vous parlez n'aborde pas du tout la question. Est-ce exact?
Mme Bue : Non; l'examen ne contient rien à ce sujet, mise à part la recommandation finale selon laquelle on ne devrait pas procéder à la déréglementation. Personne ne l'appuie et si vous pensez aux déclarations, il y en avait seulement une, je crois, qui la soutenait. Du même coup, à la fin, on présente une recommandation. Or, nous ignorons sur quoi elle est fondée, car l'examen ne contient rien qui explique pourquoi on recommanderait de ne rien déréglementer, à l'exception du courrier international.
Le sénateur Callbeck : On ne fournit pas d'explication?
Mme Bue : Non.
Le sénateur Callbeck : Le rapport indique-t-il le montant de courrier international qui est envoyé du Canada; quelle partie est expédiée par Postes Canada et quelle partie par le secteur privé; et quels sont les frais?
Mme Bue : Non, je ne crois pas.
Le sénateur Callbeck : À votre connaissance, aucune analyse n'a été réalisée?
Mme Bue : Non; si vous vous interrogez au sujet des emplois, la CIMA nous a dit qu'il y avait cinq ou six entreprises au Canada. C'est de là que provient la donnée. Entre elles, elles comptent environ 110 employés; nous estimons donc que le total est de 300. Ces renseignements ne se trouvaient pas dans l'examen; c'est la CIMA qui nous les a fournis.
Le sénateur Callbeck : Postes Canada a-t-elle mené des analyses dans ce domaine?
Mme Margles : Oui, nous avons effectué quelques analyses, mais comme je l'ai souligné, puisque le marché est concurrentiel, il est difficile d'obtenir des données exactes. L'estimation que nous avons faite est celle que j'ai mentionnée plus tôt, soit que des recettes de 40 à 80 millions de dollars, à peu près, pourraient être perdues si le changement est apporté, et, je le répète, cette donnée est fondée sur des recettes totales de plus de 7 milliards de dollars par année.
Le sénateur Callbeck : Parlez-vous des recettes ou du bénéfice net?
Mme Margles : Des recettes.
Le sénateur Callbeck : Sincèrement, pensez-vous que ces mesures menaceront l'intégrité de Postes Canada dans sa qualité de société d'État et nuiront à sa capacité de continuer à desservir les régions rurales? Je viens d'une telle région et c'est ce qui m'inquiète. Que se produira-t-il si Postes Canada perd des recettes?
Je crois comprendre que le gouvernement actuel a déjà fermé 42 bureaux de poste ruraux et 55 000 boîtes aux lettres rurales situées au bord de la route. Continuera-t-on à opérer de telles fermetures dans le milieu rural?
Mme Margles : Je peux affirmer sans équivoque que ce seul changement n'aura pas d'incidence sur notre prestation de services dans les régions rurales du Canada ou sur le nombre de bureaux de poste ruraux. Nous sommes engagés à desservir le milieu rural. Au cours des dernières années, nous avons investi des dizaines de millions de dollars dans l'amélioration de notre réseau rural et dans l'installation de technologie dans les bureaux de poste qui s'y trouvent.
En ce qui a trait à l'évaluation de la sécurité de la livraison en milieu rural, que vous avez mentionnée, nous faisons tout notre possible pour ne prendre en considération une mesure alternative ou un changement à la livraison que dans les cas où les boîtes aux lettres ne sont pas sécuritaires. Ainsi, le changement proposé n'aura aucune incidence sur notre engagement, qui est présenté dans le Protocole du service postal canadien, de continuer à considérer la prestation de services aux régions rurales comme partie intégrante de l'ensemble de notre service de livraison.
Le sénateur Callbeck : Comment allez-vous rassurer les Canadiens quant à cet engagement compte tenu de la fermeture de 55 000 boîtes postales rurales situées au bord de la route et de 42 bureaux de poste ruraux? Mme Bue a parlé du fait que le bureau de poste est l'élément vital des collectivités rurales, et je suis d'accord avec elle.
Maintenant, le gouvernement a présenté une mesure législative qui réduira les recettes de Postes Canada. Je m'inquiète que, pour équilibrer son budget, la société se tournera à nouveau vers les régions rurales.
Mme Margles : Sénateur, je peux seulement réitérer notre engagement absolu envers la prestation de services de livraison dans le milieu rural et les bureaux de poste ruraux du Canada. Comme vous le savez, un moratoire a été instauré sur la fermeture des bureaux de poste ruraux. Ce moratoire a été maintenu dans le protocole du service publié en septembre dernier.
En ce qui a trait à la réduction des recettes, nous affrontons beaucoup d'obstacles sur ce plan et nous avons déjà pris de nombreuses mesures pour les surmonter. Par exemple, l'an dernier, nous avons diminué notre personnel de gestion de plus de 12 p. 100. Toujours l'an dernier, nous devions gérer une réduction de 500 millions de dollars dans nos recettes et, malgré ce fait, nous avons réussi à diminuer nos frais de façon à demeurer rentables. De plus, nous avons lancé notre projet de transformation postale, dans le cadre duquel plus de 2 milliards de dollars seront investis à l'échelle du pays dans le but de réduire nos frais et d'accroître notre efficacité afin que nous continuions à honorer nos engagements relatifs à la prestation de services, et ce, tant dans les régions urbaines que rurales du Canada.
Le sénateur Callbeck : J'espère que vous avez raison.
Je vais vous poser une question à toutes les deux. Les changements qu'on propose d'apporter à Postes Canada ont été présentés à la Chambre des communes à deux reprises, dans deux projets de loi distincts : le C-14 et le C-44. Maintenant, les modifications sont réunies dans un projet de loi de 900 pages. Que pensez-vous de cette façon de faire? À mon avis, si le gouvernement accordait la même importance que moi au bureau de poste, il aurait présenté une mesure législative distincte et il n'aurait pas réuni les modifications en question au milieu de tant d'autres dispositions.
Mme Margles : Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce point. Cette façon de faire pourrait être due à ce que je vous ai déjà dit, soit que Postes Canada affronte actuellement de nombreux défis, et que nous croyons que celui-ci est petit et que nous pouvons le relever avec succès.
Mme Bue : Un millier de réductions — où cessera-t-on d'offrir le service? Les collectivités dont vous parlez, comme la mienne en Saskatchewan et la vôtre à l'Île-du-Prince-Édouard, ont travaillé fort pour éviter ce résultat et elles devront continuer à se battre. Si ces collectivités sont toujours desservies, c'est en raison de leur engagement envers le bureau de poste public.
À notre avis, il est évident que le gouvernement s'est impatienté du processus démocratique, et son impatience nous déplaît. Pourquoi n'a-t-on pas droit à un projet de loi distinct, avec un réel débat et une véritable étude, pour que tous puissent décider si la mesure législative sert les intérêts de la population et si le bureau de poste survivra à toutes ces réductions?
Postes Canada compte 13 000 travailleurs ruraux. Il est difficile de conserver de bons emplois dans les collectivités rurales. Ce n'est pas seulement le bureau de poste qui aide les collectivités à demeurer viables, ce sont aussi les emplois. Elles ne peuvent donc pas se permettre de les perdre. Si Postes Canada perd des recettes et doit faire des compressions, ce ne seront pas les villes qui payeront le prix, ce seront les petites collectivités.
Le sénateur Callbeck : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Runciman : Ce serait bien que pendant les négociations en cours, le STTP fasse des efforts pour veiller à ce que les bureaux de poste ruraux ne ferment pas leurs portes. Je vous encourage à les appuyer. J'ai représenté une région rurale pendant 29 ans. Je pense que le gouvernement actuel a montré qu'il s'inquiète au sujet des bureaux de poste ruraux et qu'il les soutient au moyen du moratoire.
Je suis reconnaissant au sénateur Baker de ses questions. Elles ont peut-être confirmé ce que vous pensiez, soit que les libéraux ne partagent pas tous le même avis. J'ai trouvé que ses questions avaient aidé notre cause.
Le sénateur Ringuette a cité les propos de Mme Crombie, mais je crois qu'elles portaient plutôt sur la déréglementation dans son ensemble. Je vais répéter une citation que j'ai déjà lue pour qu'elle figure dans le compte rendu. John McKay, un député de la région de Scarborough, a déclaré ceci au cours de la dernière session parlementaire :
Postes Canada tente d'obtenir des injonctions contre bon nombre de petites entreprises canadiennes qui mènent des activités de réexpédition internationale, dont certaines sont en affaires depuis une vingtaine d'années. Des milliers d'employés perdront leur emploi, des centaines d'entreprises fermeront leurs portes, et le Canada perdra un chiffre d'affaires de 150 millions de dollars.
Voilà son point de vue sur la question à l'étude.
Madame Bue, je crois que vous avez cité l'étude du comité consultatif indépendant. Mettez-vous en doute l'indépendance du groupe qui y a participé?
Mme Bue : Non, je trouve que c'est curieux. Sans donner de renseignements dans l'étude — je ne crois pas que vous puissiez en trouver —, pourquoi ferait-on une telle recommandation?
Le sénateur Runciman : L'étude recommande de ne pas diminuer le privilège exclusif de Postes Canada, de ne pas privatiser la société et de faire en sorte qu'elle continue à offrir le service postal universel. Trois des quatre recommandations vous plaisent; c'est la quatrième qui vous déplaît.
J'ai un résumé du rapport, selon lequel la recommandation a été formulée à la suite d'un examen compréhensif des renseignements et de consultations avec nombre de parties intéressées, dont certaines appuyaient le maintien du marché du courrier international, tandis que d'autres s'opposaient au fait qu'on continue à mener ces activités. Je n'ai pas pu consulter le rapport, mais le comité a conclu que le maintien de ce secteur d'activité n'aurait pas d'incidence sur la durabilité et la croissance futures de Postes Canada ni sur son privilège exclusif et sa capacité d'assurer le service postal universel. Je crois que vous êtes d'avis que le comité a fait du bon travail par rapport à trois des quatre sujets abordés dans le rapport.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il est question ici de milliers d'emplois. Ces affaires se déroulent depuis de nombreuses années, sans que, d'après ce que j'ai compris, Postes Canada et d'autres ne s'en rendent compte.
Le sénateur Ringuette a aussi mentionné le retour du courrier non distribuable. J'ai une lettre en main qui provient de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je déduis que la fédération a discuté de la question avec Postes Canada, car elle a également été soulevée par d'autres. La société a indiqué que ces affaires ne représentent qu'une fraction dérisoire de l'ensemble de son courrier international. Elle a affirmé que ces menus frais ne justifient pas vraiment le monopole d'un secteur d'activité qui compte un si grand nombre de travailleurs canadiens employés par des petites et moyennes entreprises.
Le président : Sénateur Runciman, si vous citez les témoignages de témoins absents, pouvez-vous les déposer, s'il vous plaît?
Le sénateur Runciman : Oui. Il s'agit d'une lettre du vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je serai ravi de vous la fournir.
Voulez-vous réagir à ce commentaire que j'ai reçu de la part de la FCEI?
Mme Margles : La mention de la petite fraction s'accorde très bien avec ce que j'ai déjà dit. Je ne veux pas vous ennuyer à force de me répéter, mais j'ai parlé de recettes équivalant à 40 à 80 millions de dollars sur 7,3 milliards de dollars. Il ne fait aucun doute que la mesure législative posera un défi, mais nous croyons avoir les moyens de le relever et nous lutterons pour conserver la plus grande partie de ce chiffre d'affaires possible tout en fournissant le meilleur produit possible à nos clients.
Le président : Vous avez affirmé à deux ou trois reprises que vous perdez un privilège exclusif, mais que vous lutterez pour maintenir la plus grande partie possible de ce chiffre d'affaires. Pouvez-vous concurrencer à l'extérieur du Canada et tenter de faire des affaires en Angleterre et aux autres endroits que vous avez mentionnés? Postes Canada peut-elle se jeter dans la mêlée pour obtenir ce chiffre d'affaires, et le fera-t-elle?
Mme Margles : Je crois que le cadre actuel permettra la concurrence. Si cela fait partie de notre plan d'entreprise, et compte tenu des engagements que nous avons pris et des promesses que nous avons faites par rapport au service, je ne suis pas certaine que c'est ce que nous choisirions de faire. Or, je crois que ce serait possible.
Le président : Cette stratégie ne fait pas partie du plan visant à compenser les recettes perdues. Planifiez-vous faire concurrence à vos rivaux sur un pied d'égalité?
Mme Margles : Nous examinerons toutes les options. Nous devons procéder ainsi parce que, je le répète, nous affrontons de nombreux défis et il ne fait aucun doute que le courrier est à la baisse et qu'il y a de la concurrence dans presque tous les secteurs; nous considérerons donc toutes les options possibles. Toutefois, monsieur le sénateur, nous agirons toujours en tenant compte des engagements que nous avons pris par rapport au service et du besoin de demeurer autosuffisants sur le plan financier.
Le président : Je comprends et je me demande quelles autres options vous envisagez. Voilà où j'essaie d'en venir. Vous perdez quelque chose, mais que recevez-vous en retour?
Mme Margles : Je ne crois pas que la question soit aussi simple — que nous perdons des affaires et que nous en gagnons d'autres. Comme je l'ai déjà dit, actuellement, nous nous concentrons beaucoup sur notre structure de coûts, car il est évident qu'avec un si vaste réseau, la transformation postale est essentielle; or, je peux vous dire que des employés du secteur du courrier transactionnel et de la division internationale, qui est dirigée par M. Power, examinent toutes les options.
J'hésite un peu, toutefois, car je sais que d'autres témoigneront plus tard, et il pourrait s'agir de nos futurs rivaux, mais je peux vous garantir que nous examinerons toutes les possibilités qui nous permettront de continuer à satisfaire notre mandat.
Le président : Merci. Nous n'en doutons aucunement.
Le sénateur Mitchell : Je m'inquiète au sujet des régions rurales de l'Alberta — je viens de cette province — et de l'ensemble du Canada. Le bureau de poste et le service postal comptent parmi les éléments essentiels des collectivités rurales. Si elle perd son école, sa station-service, sa banque, sa coopérative de crédit et son bureau de poste, la ville disparaît. Je ne suis pas du tout d'accord que si vous faites des profits ici dans un secteur d'activité du service postal, cela ne vous aide pas à subventionner les affaires des collectivités rurales de l'Alberta et d'ailleurs.
Madame Margles, vous avez affirmé vous-même que vous utilisiez les profits générés par certains secteurs du service pour en subventionner d'autres étant donné l'immensité du pays. La mesure législative nous fait-elle prendre un autre pas sur une pente glissante de plus en plus raide; va-t-on cesser, par exemple, d'offrir des services relatifs aux colis et au repostage? Tous les arguments que vous avancez pour défendre la privatisation du repostage pourraient aussi servir à appuyer celle de l'ensemble de la société.
Mes paroles vous font sourire, mais je connais l'idéologie du gouvernement actuel, et les Canadiens la connaissent aussi; ils en voient les résultats lorsque les bureaux de poste des régions rurales de l'Alberta ferment leurs portes. Le gouvernement prétend qu'il défend les bureaux de poste ruraux, mais c'est faux. À votre avis, la mesure législative représente-t-elle une pente glissante ou non? Pourquoi ne devrions-nous pas craindre que les prochaines étapes minent de plus en plus la capacité de la société de fournir le genre de service qui, à de nombreux égards, a maintenu l'unité du Canada et des collectivités rurales de partout au pays depuis des décennies?
Mme Margles : La question s'adresse-t-elle à moi?
Le sénateur Mitchell : Elle s'adresse à quiconque veut y répondre.
Mme Margles : Tout ce que je peux dire, c'est qu'il ne fait aucun doute que nous affrontons de nouveaux défis chaque jour. Or, je pense qu'il serait difficile — et excessif — d'affirmer que ce seul changement mènera à ce que vous suggérez. Je crois que nous sommes confrontés à de nombreux défis, et le secteur en question compte parmi eux. Cependant, nous avons de nombreux engagements, et celui que nous avons pris envers les régions rurales du Canada est important.
Nous — l'équipe de gestion de Postes Canada — nous efforçons continuellement d'équilibrer les nombreux défis. Les modifications que nous apportons par exemple dans le domaine de la transformation postale visent entièrement à compenser les défis posés par le changement en question, ou peut-être par ceux qui découleront de l'évolution future du marché. Or, monsieur le sénateur, notre engagement sur le plan du service, notre mandat, le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et notre protocole du service demeurent au cœur de la question. Tous les changements et toutes nos réactions visent à maintenir l'équilibre.
Mme Bue : Je m'inquiète de la vision du gouvernement quant au service postal et de ce qu'il compte faire afin de le protéger pour les Canadiens vivant en milieu rural. Même si Postes Canada se mesurait à ces entreprises de repostage, la société d'État ne procéderait pas de la même manière qu'elles, c'est-à-dire en se tournant vers les pays développés, quand un système a été mis en place et qu'une entente a été conclue par l'entremise des Nations Unies, de manière à ce que les pays en développement aient une meilleure affaire pour soutenir un bureau de poste. Les pays industrialisés ne pouvaient pas s'imaginer que le courrier provenant d'un autre pays industrialisé contournerait cette entente pour être envoyé par l'intermédiaire d'un pays en développement. Cette pratique compromet tout le système et ces entreprises de repostage se trouvent à être subventionnées. Je ne crois pas que Postes Canada sera en mesure de se mesurer à ces entreprises.
Ce projet de loi n'est peut-être qu'un premier empiétement, mais nous avons déjà vu le genre de lutte que les collectivités ont dû mener, et elles l'ont fait. Elles ont lutté âprement pour maintenir les activités de ces bureaux de poste.
Postes Canada veut peut-être appuyer les bureaux de poste en milieu rural, mais comment la société pourra-t-elle s'y prendre, si elle perd de l'argent? Devra-t-elle demander au gouvernement de lui octroyer des fonds pour maintenir les bureaux de poste ruraux en activité?
Le sénateur Mitchell : Les représentants du gouvernement ont mentionné qu'ils feront concurrence à ces entreprises. D'une part, ils affirment qu'ils vont mener une lutte féroce et, d'autre part, ils affirment que cela ne fait même pas partie de leurs 10 principales priorités. Est-ce que je crois que le gouvernement va intervenir? J'en doute. S'il planifiait leur faire concurrence, pourquoi le processus n'est-il pas déjà enclenché?
Mme Margles : Nous leur faisons concurrence actuellement, monsieur le sénateur.
Le sénateur Mitchell : Êtes-vous en train de gagner?
Mme Margles : En partie, oui.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que vous regagnerez tout de ce que vous allez perdre?
Mme Margles : Dans un marché concurrentiel, il est difficile de savoir combien nous allons perdre ou gagner. Si je jette un coup d'œil à notre marché de distribution des colis, qui a déjà été compétitif, oui, nous conservons certains contrats d'une année à l'autre et nous en perdons d'autres. Nous suppléons à la perte de contrats par l'obtention de nouveaux clients. Je m'attends à ce que cette partie du marché reste semblable. Nous serons dans une meilleure position que ces entreprises de repostage pour répondre aux besoins de certains clients. Par exemple, les entreprises de repostage n'ont pas de réseau en place afin de ramasser le courrier des consommateurs individuels. Nous parlons des entreprises de repostage qui se disputent la faveur des grands clients commerciaux, relativement au courrier. Certains de ces clients sont les nôtres sur le plan du marketing direct des colis. Nous serons en mesure de leur faire une offre qui nous permettra de les garder avec nous s'ils sont nos clients actuellement ou encore de les récupérer des entreprises internationales de repostage dans l'avenir. La concurrence n'est pas seulement une question de prix, mais aussi des services et des produits que nous offrons.
Le sénateur Mitchell : Aucun de vos concurrents n'aura à subventionner les régions du pays pour lesquelles la distribution et la desserte postale coûtent cher. Il faut toujours garder cette subvention à l'esprit. Autrement, si l'on oublie cela, nous nous engageons sur une pente glissante. Je ne crois pas que vous serez particulièrement concurrentiels si vous portez attention à des endroits tels que les régions rurales de l'Alberta et leurs boîtes aux lettres. Ce n'est pas logique.
J'ai une dernière question. Si vous êtes si enclin à faire de la concurrence, avez-vous un plan d'affaires? Une équipe est-elle en train d'élaborer un plan d'affaires pour livrer concurrence sur ce marché? Sur le montant de 40 à 80 millions de dollars — le service postal ne sait même pas combien cela représente, et je me demande donc à quel point on est près d'analyser cette concurrence —, à combien s'élève le profit? Quelle partie de ce montant constitue un profit dont vous vous éloignerez ou que vous perdrez en raison de ce projet de loi?
Mme Margles : Tout d'abord, laissez-moi vous dire que nous ne nous éloignons de rien. Nous allons vraiment nous battre. Nous livrons actuellement concurrence avec succès sur de nombreux marchés, ce qui inclut les marchés des colis et du marketing direct.
Ensuite, nous avons effectivement une équipe qui est en train d'élaborer un plan d'affaires. Évidemment, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans un marché compétitif, il n'est pas très sage de dévoiler le contenu de notre plan d'affaires, ou encore ce qu'est notre marge de profit, quand nous savons que nos compétiteurs écoutent. Je dirai seulement que si vous vous penchez sur nos réussites dans le passé, comme sur les marchés des colis et du marketing direct, nous savons ce que nous faisons. Nous aurons un plan et nous travaillerons en fonction de celui-ci. Je ne crois pas avoir affirmé que ce marché ne faisait pas partie de nos 10 grandes priorités. J'ai plutôt mentionné que nous avons beaucoup de défis.
Le sénateur Mitchell : Vous l'avez pourtant dit. Vous avez affirmé que cette entreprise ne figure pas parmi vos dix principales priorités.
Mme Margles : Si c'est ce que j'ai dit, il s'agissait alors d'un lapsus, car je voulais dire que nous avons beaucoup de défis et que celui-ci en fait partie.
Le président : Merci. Chers collègues, je vous rappelle que nous entendrons un autre groupe d'experts à propos de la Société canadienne des postes après celui-ci. Il nous reste environ 10 minutes pour le groupe d'experts actuel, et j'ai quatre sénateurs sur ma liste, qui s'allonge chaque fois que j'y jette un coup d'œil. Nous avons les sénateurs Finley, Dickson, Moore et LeBreton.
Le sénateur Finley : Merci beaucoup pour vos exposés.
Au fait, le sénateur Mitchell est passé maître dans le domaine des coopératives de crédit menacées de disparaître. Je tenais à vous en faire part.
Madame Bue, j'ai été surpris de vous entendre dire que vous ne saviez pas quels étaient les intrants ou d'où venaient certaines recommandations quant à l'examen stratégique. Selon le résumé, parmi les intrants reçus, 23 500 étaient des cartes postales et des documents envoyés par le public des quatre coins du pays. Il s'agit du résultat de la campagne du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, le plus grand syndicat au pays. Visiblement, vous avez essayé ici de déformer un problème particulier. Pouvez-vous me dire en quoi ces cartes postales étaient pertinentes?
Mme Bue : Je vais demander à Mme Steinhoff de vous expliquer la situation. Nous tentions d'attirer l'attention sur cette question. L'examen stratégique avait lieu au cours de l'été, et nous pensions que le public et les municipalités ne seraient pas au courant qu'un examen était en cours. Le délai était court, et ces renseignements visaient à sensibiliser ces petites communautés.
Le sénateur Finley : Visiblement, je présume que vous avez reçu des rétroactions quant à une description quelconque. C'est de là que cela vient.
Mme Bue : Oui.
Le sénateur Finley : Par quoi les rétroactions étaient-elles dictées?
Mme Bue : Nous n'avons pas reçu de rétroactions sur les entreprises de repostage internationales. Ce que nous disons, c'est que dans le cadre de cet examen, nous avons les raisons qui ont poussé le groupe consultatif à faire des recommandations sur d'autres sujets que sur les entreprises de repostage.
C'est bien cela, madame Steinhoff?
Mme Steinhoff : Ce n'est pas tant les rétroactions qui posent problème, mais plutôt le fait qu'il n'y a pas eu d'analyse des politiques. Nous savons qui a présenté des mémoires concernant l'examen stratégique, mais il y a eu peu d'analyse.
Le sénateur Finley : Dans le résumé, j'apprends que le groupe consultatif a également commandé un certain nombre d'études techniques dans des secteurs où il a jugé qu'il y avait un besoin d'analyse professionnelle indépendante ou experte détaillée. Ces domaines incluent la politique publique et l'obligation d'assurer un service universel. Ces études sont-elles en cours ou est-ce qu'elles ont été achevées? Mme Margles pourrait peut-être nous en dire plus.
Mme Margles : D'après ce que je comprends, toutes les études commandées ont été achevées avant que le rapport sur l'examen ne soit déposé. Ces études auraient donc été complétées par M. Campbell et son groupe d'experts.
Le sénateur Finley : Ces études auraient fait partie de cet examen?
Mme Margles : C'est ce que je comprends, oui.
Le sénateur Finley : Il y a eu un certain nombre de consultations, d'intrants et d'analyses?
Mme Margles : Tout à fait. On a créé un site web et l'on a publié des communiqués de presse afin de sensibiliser les gens. M. Campbell et son groupe d'experts ont visité les quatre coins du pays et ont rencontré plusieurs témoins. Au dos de l'examen, il y a une liste de tous les mémoires qu'ils ont reçus. Je dirais qu'il y a eu une vaste consultation en préparation du rapport de M. Campbell.
Le sénateur Finley : J'ai une dernière question. Je suis confus par rapport à l'étendue de la situation des employés.
Madame Bue, au début de votre exposé, vous avez mentionné que seule une centaine d'emplois sont en jeu et qu'ils pourraient bien être absorbés par le STTP ou par Postes Canada. Cependant, en 2008, une ancienne employée des postes qui est aussi déléguée syndicale, probablement du STTP, a parlé du projet de loi C-14.
Quant à la deuxième question du député, il a dit qu'approximativement 10 000 emplois canadiens dépendent de l'adoption du projet de loi C-14, et je crois que ce chiffre est exact. Je crois qu'il est approximativement question de ce nombre d'emplois.
Cette déclaration vient de Marlene Jennings. Pouvez-vous me dire quelle est la différence entre votre version, soit une centaine d'emplois, et son allusion aux 10 000 emplois qui pourraient être menacés?
Mme Bue : D'après l'information obtenue auprès de la CIMA, il y a environ 110 employés au sein de leurs deux principales entreprises, puis il y a les activités secondaires des imprimeurs ou du publipostage. Actuellement, nous n'avons pas ce travail et nous ne voyons donc pas de perte d'emplois immédiate. En ce moment, nous sommes plus inquiets quant aux revenus servant à appuyer les bureaux de poste. Nous estimons que ce projet de loi est le début de la déréglementation, et je suis incertaine quant aux 10 000 emplois.
Le sénateur Finley : Nous ne parlons pas des emplois au STTP ici, mais bien des emplois rattachés à l'industrie du repostage, et vous avez mentionné que cela ne touchait qu'une centaine d'emplois. Marlene Jennings, qui connaît probablement ce secteur, a déclaré qu'il y a 10 000 emplois. Nous savons déjà qu'il y a eu peu de répercussions sur le STTP, car votre propre présidente, Deborah Bourque, a affirmé, en 2007 :
Non, je ne peux pas dire que nous ayons moins de membres en raison de cette concurrence
Elle faisait allusion aux entreprises de repostage. Ce secteur n'a pas vraiment eu d'impact ici au sein du syndicat, n'est-ce pas?
Mme Steinhoff : Comme madame Bue l'a dit tout à l'heure, la CIMA a indiqué qu'il y a environ cinq ou six entreprises qui travaillent principalement dans le secteur du repostage. À l'époque, en 2007, on nous a dit qu'il y avait 70 employés chez Spring et 40 chez Key Mail, si je ne m'abuse. Étant donné que l'on parlait de cinq ou six entreprises, nous avons estimé que 300 à 400 employés travaillaient principalement dans le secteur du repostage.
En plus de ces emplois, il y a des entreprises associées qui travaillent dans le secteur de l'imprimerie et du publipostage qui, à notre connaissance, ne se consacrent pas principalement au repostage, mais elles y sont reliées.
Le sénateur Finley : Ces entreprises seront-elles touchées si le secteur du repostage disparaît?
Mme Steinhoff : Oui. À l'époque, le dollar canadien a pris de la valeur, et nous avons présumé qu'une bonne part de leurs problèmes pouvaient être aussi liés à la hausse du dollar. De nouveau, cette conséquence est l'une des raisons pour lesquelles nous croyons qu'il doit y avoir une analyse plus approfondie par rapport à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant.
Le sénateur Dickson : La distribution du courrier en milieu rural me préoccupe comme tout un chacun, car je bénéficie moi-même de ce service. À cet égard, les employés des postes font un excellent travail.
Je suis en train de consulter le procès-verbal de la séance du 11 mai 2010 du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. La présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes avait alors affirmé, dans son témoignage, que le nombre d'adhérents au STTP était resté stable. Vous comptez 54 000 membres et vous représentez maintenant des personnes situées en région rurale. Je présume donc que cela signifie que cela n'a pas toujours été le cas. C'est ce dont je me souviens, mais je n'ai pas l'historique dont dispose le sénateur Baker.
Bien que le trafic prévu ait diminué en volume partout dans le monde, votre composition n'a pas souffert, c'est bien cela?
Mme Bue : Oui.
Le sénateur Dickson : Pour équilibrer un peu la discussion relative à la livraison du courrier en milieu rural, d'après un exposé qui m'a été fait à ce sujet il y a peu de temps, ici même à Ottawa, je crois comprendre que certaines boîtes aux lettres avaient été mises hors service pour des raisons de sécurité à la suite de discussions entre le STTP et Postes Canada. Est-ce exact? Pouvez-vous me donner une idée du nombre de changements intervenus à la suite de ces discussions?
Mme Bue : La présence d'un certain nombre de ces boîtes aux lettres était controversée et n'était pas acceptée par le syndicat. Des routes rurales deviennent parfois des axes de grande circulation. Nous devons alors vérifier l'emplacement des boîtes aux lettres qui s'y trouvent. Les déplacer permet généralement de résoudre le problème. Il arrive parfois qu'une ou deux boîtes aux lettres constituent un danger et que des villages ou un secteur tout entier se retrouvent dépourvus de boîtes aux lettres. Il y a des différends à cet égard.
En cas de litige, lorsqu'un problème de sécurité est soulevé, le syndicat et Postes Canada, comme cela devrait être prévu par notre convention collective, examinent la situation avant qu'il soit décidé si la boîte aux lettres en question se trouve effectivement à un endroit sécuritaire ou non.
Le sénateur Dickson : Avez-vous une idée du nombre de boîtes aux lettres que l'on a déplacées à la suite de l'intervention de votre syndicat? En d'autres termes, combien de litiges votre syndicat a-t-il gagnés comparativement à Postes Canada?
Mme Bue : Je n'ai pas les chiffres sur moi. Je ne m'occupe pas directement de ce domaine, mais je peux vous transmettre l'information.
Le président : Vous pouvez transmettre tous vos renseignements au greffier qui en assurera la diffusion à tous les membres du comité.
Le sénateur LeBreton : J'ai une question qui s'adresse particulièrement à M. Power. Pour faire suite à la question du sénateur Ringuette, vous avez présenté plusieurs options quand nous avons abordé le problème des retours de courrier. Le sénateur Ringuette craignait notamment de voir ces retours finir dans les bureaux de Postes Canada aux fins de traitement. Que représentent ces retours de courrier en termes de volume et de coûts?
M. Power : Dans la mesure où il est difficile d'obtenir des données claires sur l'importance du secteur du repostage, je vais faire un parallèle avec les États-Unis, où environ deux millions d'articles de courrier porteurs d'une adresse erronée reviennent chaque année au pays.
Le sénateur LeBreton : À destination des États-Unis?
M. Power : Oui.
Le sénateur LeBreton : C'est proportionnel à la population.
M. Power : On pourrait dire que 200 000 articles de courrier porteurs d'une adresse erronée reviennent au Canada, soit 10 p. 100 du total, mais, franchement, nous n'en sommes pas certains. Nous le saurons avec le temps. Nous devons trouver un moyen de résoudre la situation. Le traité propose différents mécanismes, et nous déciderons lequel adopter. Des consultations en matière de politique pourront évidemment avoir lieu dans le cadre de ce processus.
Le sénateur LeBreton : Pour conclure sur la distribution postale en milieu rural, j'aimerais dire officiellement que c'est notre gouvernement qui a pris les dispositions nécessaires pour maintenir ce service en région rurale. Je suis ravi que le sénateur Dickson ait posé des questions à propos des boîtes aux lettres, car nous avons beaucoup entendu parler de ces problèmes de boîtes situées sur des chemins de campagne qui préoccupent les personnes vivant en milieu rural depuis que la distribution du courrier en zone rurale relève du SCFP.
Le président : Je vous remercie, sénateur LeBreton. Sénateur Moore, votre question a-t-elle trait à nos témoins?
Le sénateur Moore : Oh, oui.
Le président : Je vous laisse donc poser votre meilleure question.
Le sénateur Moore : Chers témoins, merci d'être des nôtres. Madame Bue, vous dites, à la page 2, que les entreprises internationales de repostage privent Postes Canada de recettes annuelles se chiffrant entre 60 et 80 millions de dollars. Madame Margles, vous avez dit que Postes Canada générait entre 40 et 80 millions de dollars de recettes. Je présume que le total correspond à la somme de ces montants, soit entre 100 et 160 millions de dollars?
Mme Margles : Puis-je vous fournir une explication? Je n'additionnerais pas ces deux montants pour en venir à une telle conclusion.
Je vais tenter d'être brève. Pour ce qui est de la somme comprise entre 40 et 80 millions de dollars, nous avons estimé le montant de l'activité qui est actuellement entre les mains des entreprises de repostage. Si nous avons voulu évaluer cette activité, c'est parce que nous pensons que si aucun changement n'était opéré, nous serions mieux placés pour récupérer ce segment d'activité que nous avons estimé à 40 millions de dollars, mais qui pourrait être plus élevé. C'est ce que nous avons estimé.
Nous avons également chiffré notre activité actuelle et ventilé ces données selon qu'il s'agit de nos clients particuliers ou de notre clientèle d'affaires parce que, comme je l'ai expliqué, nous ne pensons pas que les particuliers soient accessibles aux entreprises de repostage. Nous nous sommes intéressés à notre clientèle d'affaires et avons estimé à 40 millions de dollars la fraction de ce segment qui nous paraissait en danger. C'est pourquoi le montant de nos recettes que nous estimons susceptibles d'être affectées par ce changement est compris entre 40 millions de dollars et 40 millions plus 40 millions de dollars, soit 80 millions. Ce chiffre ne correspond pas à une évaluation de l'activité dans son ensemble.
Le sénateur Moore : Je comprends. Vous vous basez sur ce que vous avez maintenant et ce qui est susceptible d'être affecté si vous perdez tout, soit un montant compris entre 40 et 80 millions de dollars.
Mme Margles : Oui, monsieur.
Le sénateur Moore : Cette dame affirme que les expéditeurs internationaux vous privent de 60 à 80 millions de dollars supplémentaires. C'est ce qu'elle dit ici. Cette activité n'est pas celle de Postes Canada; elle appartient aux autres expéditeurs internationaux. Cela m'amène à un chiffre compris entre 100 et 160 millions de dollars. Qu'est-ce qui cloche dans ma conclusion?
Mme Bue : Si nous nous sommes basés sur un montant compris entre 60 et 80 millions de dollars, c'est parce que nous avons repris les chiffres avancés par Moya Greene dans son témoignage devant un comité permanent. Connaissez-vous la date, madame Steinhoff?
Mme Steinhoff : Je peux la trouver.
Mme Bue : Nous avons utilisé ses données.
Mme Margles : Je pense qu'il s'agit du montant que Postes Canada estime en danger et non pas d'une estimation du montant de l'activité du marché dans son ensemble.
Le sénateur Moore : Nous allons examiner ce document. Pour l'instant, le chiffre dont nous disposons est celui qui figure au compte rendu, lequel nous informe que nous ne détenons qu'un quart à la moitié de l'activité. Le sénateur Mitchell a souligné votre volonté d'augmenter ces recettes et de disposer de revenus pour vous occuper des régions rurales. J'ai quelques questions à ce sujet. Le président a touché à un point que je souhaitais évoquer.
Monsieur Power, la Société canadienne des postes peut-elle s'implanter à Singapour pour y établir un établissement ou une activité similaire?
M. Power : Je ne saurais vous dire si les lois de Singapour nous y autorisent. Toutefois, de nombreux pays industrialisés le permettent. En revanche, la plupart des pays en développement n'autorisent pas l'établissement de bureaux de poste étrangers sur leur territoire.
D'un point de vue pratique, il ne serait pas très logique d'appliquer des frais postaux canadiens à du courrier en provenance de Singapour et à destination d'autres pays du monde, dans la mesure où les tarifs canadiens sont trois fois plus élevés qu'à Singapour. La diversification dans ce pays sous les couleurs du Canada n'apporterait rien.
Le sénateur Moore : Vous avez mentionné Singapour, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse. Mis à part l'aspect financier de la question, en théorie, vous pourriez établir une entreprise de repostage si vous le vouliez.
M. Power : Oui.
Le sénateur Moore : Nous avons le droit d'établir une entreprise de repostage. Nous avons des occasions réciproques pour ce faire, sauf que notre pays est plus intéressant pour les pays étrangers sur le plan monétaire.
M. Power : C'est exact.
Le sénateur Moore : Le sénateur LeBreton a parlé notamment du compte rendu. Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement en 2006 — je crois que le sénateur Callbeck l'a consigné au compte rendu —, 55 000 boîtes aux lettres et 42 bureaux de poste ont été fermés en milieu rural. Madame Margles, vous êtes la vice-présidente des relations gouvernementales et des politiques de Postes Canada. Pouvez-vous nous parler de votre politique à ce sujet? Je vis en milieu rural et j'ai eu la joie d'être préposé au tri et à la distribution du courrier lorsque j'étais étudiant. Cette question ne me tiraille pas du tout. Quelle est votre mission à cet égard? Étiez-vous en poste lorsque ces fermetures ont eu lieu? Qu'avez-vous fait?
Mme Margles : En premier lieu, je travaille chez Postes Canada depuis septembre 2005. Ensuite, je ne pense pas que le chiffre de 55 000 soit juste. Je serai ravie de fournir le chiffre exact au comité.
Je peux vous dire qu'actuellement, nous examinons au cas par cas les boîtes aux lettres jugées peu sûres qui nous sont signalées par nos facteurs, nos clients ou les statistiques. De nos jours, nous ne mettons pas hors service des groupes entiers de boîtes aux lettres. Nous disposons d'un outil et allons inspecter chaque boîte. Si nous estimons qu'elles ne sont pas situées en lieu sûr, nous voyons d'abord s'il est possible de la déplacer. Si je ne m'abuse, dans plus de 85 p. 100 des cas, nous parvenons à conserver ou déplacer l'emplacement des boîtes aux lettres et, par conséquent, à maintenir ces boîtes en milieu rural. Je serai ravie de fournir les données exactes au comité.
Le sénateur Moore : Cette information sera utile.
Mme Margles : Absolument. Pour ce qui est des bureaux de poste situés en zone rurale, on avait instauré un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux avant mon entrée en fonction.
Le sénateur Moore : Vous avez parlé de septembre 2009.
Mme Margles : Il a été reconduit en septembre 2009 dans le cadre du Protocole du service postal canadien. Cependant, ce moratoire existe depuis de nombreuses années, bien avant que je ne rejoigne la société en 2005. La fermeture d'un bureau de poste rural n'est envisagée que lorsque surviennent des incidents tels que décès d'un maître de poste, incendie ou explosion.
Dans ces cas précis, nous avons ce que l'on appelle notre programme d'approche communautaire dans le cadre duquel nous nous rendons dans le village en question pour y rencontrer la population, établir les besoins et trouver une solution. Nous tentons de trouver une solution au bureau de poste qui doit fermer ou au maître de poste qui prend sa retraite ou qui a été victime d'un malheureux accident.
Une fois encore, je ne suis pas sûre des chiffres que vous citez sur le nombre de fermetures, mais ce moratoire est en place depuis de nombreuses années et il va rester en place, comme je vous l'ai dit. Les bureaux de poste ruraux ne sont fermés que lorsqu'on ne trouve aucune autre solution sur place et que personne n'est désireux de reprendre les rênes du bureau de poste.
Le président : Allez-vous nous fournir cette information?
Mme Margles : Bien sûr.
Le sénateur Runciman : Le sénateur Moore peut-il nous communiquer la source de ces renseignements? Pour que ce soit clair dans le compte rendu, il a été dit que 50 bureaux de poste ruraux ont été fermés entre 2001 et 2005 sous le précédent gouvernement, d'après des données fournies par le STTP.
Le président : Pourriez-vous transmettre les renseignements à tous les membres du comité? Vous vous êtes engagée à fournir certains renseignements; le plus tôt sera le mieux. Nous aimerions achever l'examen de ce projet de loi dans les meilleurs délais.
Madame Margles, monsieur Power, je tiens à vous remercier, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, d'avoir représenté la Société canadienne des postes. Merci au Syndicat des travailleurs et travailleurs des postes, représenté par Mme Bue et Mme Steinhoff, d'avoir été des nôtres et de nous avoir aidés à comprendre ce texte de loi sur le repostage.
Au cours de la seconde partie de la séance, nous allons nous concentrer sur la Partie 15 du projet de loi, qui porte sur Postes Canada. Nous sommes ravis d'accueillir ce second groupe d'experts, composé des personnes suivantes : Evan Zelikovitz, représentant de la Canadian International Mail Association; Robert Elliott, président de l'Association canadienne de l'imprimerie; et Barry Sikora, président de l'entreprise Classic Impression Inc. Par ailleurs, nous entendrons également par vidéoconférence Mark Weeks, directeur général de la société International Direct Response Services Inc. Il apparaît en direct par vidéoconférence de la belle province qu'est la Colombie-Britannique.
Nous allons commencer par vous, monsieur Weeks. Avez-vous une déclaration préliminaire?
Mark Weeks, directeur général, International Direct Response Services Inc. : Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité à présenter mon témoignage aujourd'hui. Malheureusement, je n'ai pas pu me rendre à Ottawa. Je vous suis donc reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de témoigner par vidéoconférence.
Pour ceux et celles qui ne savent peut-être pas exactement ce que nos entreprises font et qui ne comprennent pas parfaitement la manière dont nous fonctionnons, je serai ravi de répondre à vos questions, et je vais vous présenter des exemples précis du type de travail que nous accomplissons ici au Canada.
IDRS est une entreprise canadienne qui offre des services de publipostage, de traitement des commandes et de réalisation des documents de publicité directe, en plus de fournir un service postal.
Le président : Monsieur Weeks, si vous nous entendez, faites-nous un signe de la main; nous n'entendons pas ce que vous dites.
Nous allons passer aux autres témoins et lorsque nous aurons réglé nos difficultés techniques, vous pourrez présenter à la fin, monsieur Weeks. Malheureusement, nous avons seulement entendu les premiers mots de votre déclaration.
Je cède la parole à M. Zelikovitz, de la Canadian International Mail Association.
Evan Zelikovitz, représentant, Canadian International Mail Association : Je remercie le président et les membres du comité de nous accueillir ici aujourd'hui. J'espère que vous nous poserez toutes les mêmes questions que vous avez adressées au STTP et à Postes Canada, car c'est nous qui travaillons dans le secteur. Nous sommes donc bien mieux équipés que ces deux entités pour répondre aux questions sur le fonctionnement du secteur, ainsi que sur les problèmes relatifs aux revenus et sur leur destination. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Au nom de la CIMA, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître pour discuter de la question. Ce qui est en jeu ici, c'est l'effondrement et l'élimination imminents d'un secteur d'activité concurrentiel qui existe depuis plus de 20 ans et auquel participent des centaines de petites entreprises, et, oui, des milliers d'employés de partout au pays, effondrement et élimination qui se produiront si l'on n'apporte pas la modification d'une phrase à la Loi sur la Société canadienne des postes.
La CIMA est une coalition d'entreprises canadiennes qui participent au secteur des services de courrier international du Canada et qui œuvrent à la préparation, à la conception, à la traduction, au triage, à l'impression, ainsi qu'à la distribution de courrier pesant 500 grammes ou moins destiné à des pays étrangers.
Je tiens à préciser que les entreprises de ce secteur ne distribuent pas de courrier dont la destination finale est au Canada. Ce service relève du privilège exclusif de Postes Canada, et notre secteur respecte et appuie le privilège exclusif de la société en ce qui touche le courrier du régime intérieur.
Le secteur n'appuie pas le repostage de type ABA, et si des entreprises mènent des activités de ce genre au Canada, on devrait traiter de leur cas comme il se doit.
Après avoir accepté pendant plus de 20 ans que des compagnies privées offrent des services de courrier international, en 2004, Postes Canada a présenté une demande à la Cour supérieure de l'Ontario pour obtenir une interprétation étroite des dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes relatives au privilège exclusif, en déclarant que Postes Canada est la seule entité qui peut distribuer du courrier à l'intérieur du Canada et à l'étranger. En interprétant le libellé de la loi — j'emploie bien le terme « interpréter » —, le tribunal a donné raison à Postes Canada et s'est servi de son pouvoir discrétionnaire pour ignorer tous les faits et les enjeux relatifs à l'intérêt public et aux antécédents historiques de Postes Canada par rapport à ce marché. Le tribunal avait pour seul devoir d'interpréter le libellé de la loi.
La CIMA respecte le devoir des tribunaux, mais nous croyons que c'est au Parlement qu'il revient de décider quelle était l'intention de la loi. Sauf votre respect, nous avons peine à croire que les parlementaires visaient la destruction d'emplois canadiens — des emplois dont Postes Canada était consciente et qu'elle acceptait depuis plus de 20 ans. Les enjeux qui entrent en ligne de compte sont l'intérêt public, la concurrence, l'équité et le bon sens.
Il importe de noter que Postes Canada elle-même reconnaissait notre secteur d'activité et l'acceptait, comme certains l'ont mentionné au cours de la première partie de la séance. En effet, elle l'a nommée précisément dans une de ses publications dès 1988; je crois que les sénateurs ont reçu une copie du document en question.
Vous verrez à la deuxième page un passage surligné, passage dans lequel on déclare que le courrier destiné à l'étranger n'est pas protégé par le privilège exclusif, exposant ainsi ce secteur d'activité lucratif à un nouveau danger : la concurrence féroce pratiquée par les entreprises spécialisées dans le courrier international. Je tiens à répéter cette phrase : le courrier destiné à l'étranger n'est pas protégé par le privilège exclusif. Nous ne pouvons tout simplement pas ignorer cette déclaration. Une entreprise offrant des services de courrier international qui aurait lu cette phrase il y a plus de 20 ans aurait évidemment été portée à croire qu'il était acceptable de faire ce type d'affaires au Canada.
Plus récemment, la légitimité de notre secteur d'activité a aussi été confirmée dans le rapport du comité consultatif chargé de l'examen stratégique de la Société canadienne des postes, qui a été présenté au gouvernement et rendu public en avril 2009. Après avoir procédé à de nombreuses consultations publiques et à un examen approfondi de la question, le comité consultatif n'a recommandé ni une déréglementation générale du marché postal ni une réduction du niveau existant du privilège exclusif de Postes Canada; pourtant, il a tout de même conseillé que le marché privé canadien du courrier international demeure la seule exception. Le courrier destiné à l'étranger est le seul marché nommé précisément de cette manière. En effet, la dixième recommandation présentée dans le rapport du comité se lit comme suit : le comité consultatif recommande que le courrier du régime international de départ soit ouvert à la concurrence, comme c'est la pratique — et entre parenthèses — même si cet élément n'est pas régi par la loi, au Canada.
Qui retirera un avantage de la fermeture des entreprises de notre secteur? Ce ne sera ni le STTP ni le service postal rural, car nos activités n'ont eu absolument aucune conséquence négative sur les emplois représentés par le STTP. Pendant les dernières années, à deux reprises — dont une fois il y a seulement un mois et demi —, le STTP a déclaré publiquement, au cours de témoignages présentés devant le Parlement, plus précisément en réponse à des questions directes posées lors d'une séance du Comité des finances de la Chambre des communes, que les entreprises de notre secteur d'activité n'ont jamais causé de baisse dans les emplois. Postes Canada elle-même a déclaré devant la Chambre des communes et maintenant devant le Sénat qu'elle ne croit pas que l'existence de nos entreprises aura une incidence sur sa capacité de fournir un service postal universel. En fait, Postes Canada a affirmé clairement qu'elle est prête à concurrencer plus énergiquement dans le secteur du courrier international. J'ajouterais aussi que la discussion et les questions ne portent pas sur le fait que Postes Canada devra commencer à concurrencer; en réalité, elle participe au secteur depuis plus de 20 ans, coude à coude avec des rivaux beaucoup plus petits qu'elle. Je signalerais également que la société offre des tarifs très concurrentiels pour le régime international dans certains coins du pays, ce qui nous convient tout à fait. C'est ce qu'on appelle la concurrence, et nous l'encourageons. Elle sera avantageuse pour tous les Canadiens.
Depuis plus de 20 ans, les entreprises de notre secteur d'activité font des affaires au Canada, et aucune d'entre elles n'a entendu ou reçu de plainte du STTP avant que la question se mette à attirer l'attention sur la place publique en 2006. Maintenant, tout d'un coup, le syndicat s'avance pour affirmer, premièrement, que ce petit secteur d'activité concurrentiel détruira Postes Canada, une société multimilliardaire, ainsi que le service postal universel et celui offert dans les régions rurales, et deuxièmement, que les entreprises du secteur tentent soudainement de miner le privilège exclusif de la société. Il n'en est rien. Le comité consultatif indépendant chargé de l'examen stratégique est d'accord avec nous. En fait, nous luttons pour maintenir le statu quo. Par ailleurs, seules les petites entreprises qui participent au secteur dans tous les coins du pays continueront à subir des pertes d'emplois.
Nous ne demandons rien de nouveau. Nous ne cherchons pas non plus à obtenir un traitement préférentiel. Ce que nous voulons, c'est être en mesure de garder nos entreprises, de protéger le gagne-pain de nos employés et de conserver un avantage concurrentiel qui attire les investissements étrangers au Canada. Le marché canadien est suffisamment grand pour que les entreprises privées et Postes Canada y fassent toutes deux concurrence, comme c'est le cas dans la plupart des pays du monde et comme elles le font ici depuis plus de 20 ans.
À cette fin, nous encourageons respectueusement le comité à appuyer la partie 15 du projet de loi C-9, à permettre aux entreprises canadiennes de concurrencer sur les marchés internationaux et à faire de chacun un gagnant en conservant les emplois au Canada plutôt que de les envoyer à l'étranger, ce qui ne sera avantageux pour personne.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Bob Elliott, président, Association canadienne de l'imprimerie : Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui dans le cadre de votre étude du projet de loi C-9, Loi sur l'emploi et la croissance économique. Comme le président l'a dit, je m'appelle Bob Elliot et je suis président de l'Association canadienne de l'imprimerie. Nous représentons plus de 7 200 imprimeries qui emploient au-delà de 65 000 Canadiens. Ce ne sont pas toutes les imprimeries canadiennes qui participent au secteur du courrier international du Canada, mais bon nombre le font, et beaucoup d'entre elles ont été touchées considérablement par la situation dont nous traitons; en outre, leurs activités seront encore plus menacées si la modification mineure n'est pas adoptée
La nécessité de la modification comporte des implications importantes pour les imprimeries et les industries connexes canadiennes qui fabriquent une grande variété de produits, comme du matériel publicitaire, des enveloppes et plus encore pour des clients canadiens et internationaux, puis qui expédient ces produits en vrac aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.
Mes observations portent précisément sur la partie 15 du projet de loi C-9 et sur la modification d'une phrase à la Loi sur la Société canadienne des postes, modification qui permettra à un secteur concurrentiel de longue date formé principalement de petites et moyennes entreprises canadiennes de continuer à faire ce qu'il fait depuis plus de 20 ans, comme M. Zelikovitz l'a mentionné. Nous n'avons pas affaire à une nouvelle industrie qui tente d'entrer dans le marché canadien. Il n'est pas question non plus de réduire le privilège exclusif de Postes Canada quant au régime intérieur, ni de nuire à sa capacité de fournir un service postal universel. En réalité, cette courte modification d'une seule phrase a pour unique effet de maintenir le statu quo, qui s'est installé il y a plus de 20 ans; or, pendant toutes ces années, au cours desquelles les entreprises offrant des services postaux du régime international concurrençaient de façon ouverte et transparente au Canada, Postes Canada a continué à fournir avec succès un service postal universel dans tout le pays.
Puisque l'unique modification à la Loi sur la Société canadienne des postes ne confère de pouvoir additionnel ou nouveau à aucun membre du secteur du courrier international, ni d'ailleurs de tout autre secteur, Postes Canada, le STTP et toutes les autres parties intéressées continueront à fonctionner exactement comme ils le font depuis les 20 dernières années.
Le chiffre d'affaires des entreprises d'imprimerie et de repostage canadiennes a déjà chuté considérablement, compte tenu de l'incertitude qui règne dans le secteur depuis les dernières années. Si la modification n'est pas apportée, elles risquent de perdre encore plus de leurs revenus, car leurs clients iront faire affaire dans un autre pays, comme c'est déjà parfois le cas. La contribution économique au Canada sera donc perdue, et Postes Canada ne tirera pas profit de la situation. En fait, ni Postes Canada, ni nos petites entreprises, ni l'économie canadienne ne s'en sortiront vainqueurs.
La modification à la Loi sur la Société canadienne des postes est véritablement une affaire d'emplois et de croissance économique. En effet, grâce à l'adoption du projet de loi C-9, des milliers d'emplois canadiens seront conservés, et les profits réalisés au sein de l'économie canadienne au moyen des activités de ce secteur seront renforcés et se multiplieront.
En résumé, le secteur canadien de l'imprimerie appuie pleinement la partie 15 du projet de loi C-89. Merci, et je me ferai un plaisir, moi aussi, de répondre à vos questions le temps venu.
Barry Sikora, président, Classic Impression Inc. : Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir invité à témoigner. Je suis un peu nerveux. Je vous demande donc un peu de patience. Je n'ai l'occasion de porter mon complet que deux ou trois fois par année, dans le cadre de mariages et d'enterrements, et je ne vois rien de cela ici. C'est une première pour moi.
Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'accueillir ici aujourd'hui. Je commence à considérer Ottawa comme un second chez-moi, car c'est la deuxième fois en deux mois et demi que je voyage de Vancouver jusqu'ici pour témoigner devant un comité permanent du gouvernement. J'ai même écourté mon week-end de la fête du Canada pour venir de Vancouver hier, ce qui vous montre l'importance que j'attache à la question, de pair avec ma famille, mes employés, mon entreprise et le secteur dans son ensemble.
Mon entreprise, Classic Impression Inc., est une petite compagnie indépendante qui appartient à des Canadiens et qui est exploitée par des Canadiens; nous nous spécialisons dans l'impression et l'emballage, et nous faisons affaire en Colombie-Britannique. Avant que Postes Canada commence à causer des problèmes il y a environ cinq ans, mon entreprise comptait 31 employés. Maintenant, en raison de la situation actuelle, nous n'en employons pas plus que 17. De plus, nombre de clients nous ont quittés, et ils n'ont pas choisi de traiter avec Postes Canada pour leurs besoins relatifs à la distribution du courrier international. En fait, ils font maintenant affaire avec des pays à l'étranger et ils ont forcé des entreprises du secteur à licencier des employés de longue date. À ces pertes de revenus s'est donc ajoutée une réduction de l'activité économique, et ce, simplement parce que l'avenir était incertain.
L'une de nos activités principales est l'impression d'enveloppes et de lettres pour les entreprises de publipostage, qui préparent ensuite ces matériaux dans le but de les expédier à l'extérieur du Canada. Ma compagnie ne distribue pas elle-même de courrier du Canada à une destination étrangère; or, comme nombre d'autres de son genre, elle constitue une partie intégrante de ce secteur d'activité concurrentiel. À titre d'exemple, M. Mark Weeks, de International Direct Response Services Inc., un de mes bons clients, se joint à nous par vidéoconférence de Vancouver, en Colombie-Britannique. M. Weeks et moi faisons des affaires ensemble depuis longtemps. Mon entreprise imprime des enveloppes pour IDRS, qui prépare ensuite les matériaux pour ses clients dans le but de les livrer à l'extérieur du Canada.
Entendons-nous bien : nous n'entrons pas dans le secteur simplement parce qu'une nouvelle possibilité s'est présentée. Nous ne sommes pas non plus une opération véreuse qui cherche à faire des profits rapides ou à tirer avantage du système. Nous faisons des affaires depuis très longtemps, nous employons des Canadiens, nous payons des impôts, nous faisons concurrence à Postes Canada, et nous fonctionnons de manière équitable et transparente.
Le secteur canadien du courrier international est formé de centaines de petites et moyennes entreprises, dont des compagnies de publipostage, des boîtes aux lettres, des imprimeries, des spécialistes de la vente directe, des graphistes, des fabricants d'enveloppes, des compagnies de transport et des entreprises spécialisées dans le courrier international, qui emploient des milliers de Canadiens travailleurs et qui contribuent grandement à l'économie canadienne.
Je tiens à préciser que la modification ne touche pas seulement environ cinq ou six entreprises de repostage et quelques centaines d'employés. Le comité doit absolument comprendre qu'au cours des 25 dernières années et plus, pendant que ce secteur menait ses activités, Postes Canada a continué à offrir un service postal universel avec succès. Il n'y a pas eu de crise. Nos entreprises n'ont pas empêché l'exécution de ce mandat important. En outre, Postes Canada a réalisé des profits considérables pendant plus de 12 années consécutives, au début des années 1990 et pendant presque la durée des années 2000, et ce, en même temps que les entreprises de notre secteur faisaient des affaires au Canada.
Monsieur le président, il n'est pas possible que lorsque le Parlement a créé la Loi sur la Société canadienne des postes, son intention était de permettre à de petites entreprises comme la mienne de se lancer en affaires au Canada, d'employer des milliers de Canadiens et d'investir dans l'économie, et ce, à la pleine connaissance et avec l'acceptation de Postes Canada, pour que cette société s'adresse ensuite aux tribunaux et déclare : « Merci d'avoir monté le marché, mais nous sommes désolés, vous devez arrêter immédiatement de faire des affaires. » Postes Canada a agi de la sorte dans l'espoir de récolter ce chiffre d'affaires, ce qui ne s'est pas produit et qui n'arrivera pas. Voilà pourquoi le gouvernement a présenté le projet de loi C-14 en 2007, le projet de loi C-44 en juin 2009, et maintenant, la partie 15 du projet de loi C-9.
Monsieur le président, la modification est une affaire de bon sens et d'équité. Elle n'a rien à voir avec la réduction du privilège exclusif ou de la capacité de fournir un service postal universel ou dans les régions rurales du Canada. Si aucune de ces questions n'a été soulevée au cours des 20 dernières années, pendant que nous menions nos activités, pourquoi, tout d'un coup, cette phrase viendrait-elle perturber et démanteler l'ensemble de notre secteur du courrier et de notre autorité postale? Le fait est qu'il n'en sera rien.
Nous serions heureux de pouvoir continuer à concurrencer et à fonctionner aux côtés de la Société canadienne des postes, qui est bien plus grande que nous. Cette situation serait avantageuse à la fois pour toutes les parties concernées et pour l'économie canadienne. Monsieur le président, si cette petite modification n'est pas adoptée, ce chiffre d'affaires continuera à quitter notre pays, de pair avec bien d'autres emplois. Merci de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Weeks, nous entendez-vous maintenant?
M. Weeks : Je vous entends bien maintenant.
Le président : Vous pouvez recommencer votre déclaration.
M. Weeks : En avez-vous compris une partie?
Le président : Seulement une ou deux phrases, à peu près.
M. Weeks : Merci de m'accueillir aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant du temps que vous m'accordez. Je n'étais pas en mesure de me rendre à Ottawa pour me présenter devant le comité et je vous remercie donc de m'avoir permis de m'adresser à vous par vidéoconférence. Ma déclaration préliminaire sera brève. Pour ceux et celles qui ne savent peut-être pas exactement ce que nos entreprises font et qui ne comprennent pas parfaitement la manière dont nous fonctionnons, je serai ravi de répondre à vos questions, et je vais vous présenter des exemples précis du type de travail que nous accomplissons ici au Canada.
IDRS est une entreprise canadienne qui offre des services de publipostage, de traitement des commandes et de réalisation des documents de publicité directe, en plus de fournir un service postal. L'entreprise a été fondée en 1989. IDRS est membre non seulement de la Canadian International Mail Association, mais aussi de l'Association canadienne du marketing direct et de la Mailing & Fulfillment Service Association. Depuis plus de 20 ans, IDRS offre des services et des solutions de pointe dans les secteurs du marketing et du publipostage directs au Canada à des clients canadiens et étrangers.
La modification d'une phrase à la Loi sur la Société canadienne des postes incluse dans le projet de loi C-9 aura pour unique conséquence de préciser et de justifier les activités que notre secteur mène ouvertement au Canada depuis plus de 20 ans — rien de plus, rien de moins.
Depuis plus de cinq ans maintenant, la CIMA et ses membres participent à des discussions sur la question avec des parties intéressées issues du gouvernement et du secteur, et nous avons été étonnés de tout l'appui que nous avons reçu de la part de la grande majorité des parlementaires et de nombreux groupes d'entreprises nationaux et régionaux représentant diverses industries de tous les coins du pays, y compris la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; l'Association canadienne de l'imprimerie, qui est ici aujourd'hui; ainsi que de nombreuses Chambres de commerce.
En outre, j'ai assisté personnellement à des réunions avec le secrétariat des sociétés d'État de Transports Canada à Ottawa et j'ai également rencontré en personne le comité consultatif indépendant de l'examen stratégique de la Société canadienne des postes pendant qu'il menait ses consultations compréhensives, en 2008.
IDRS et d'autres entreprises qui participent à ce secteur d'activité ont tenté de faire preuve de transparence et de fournir le plus de renseignements possible afin que toutes les parties intéressées et tous les décideurs concernés comprennent la valeur que ce secteur d'activité apporte au Canada.
Monsieur le président, si nos clients perdent l'intermédiaire au moyen duquel ils postent leur courrier international, la plupart quitteront le pays et choisiront de faire affaire aux États-Unis, ou avec une entreprise de publipostage britannique ou bien une autre compagnie qui offre des services de courrier international. Ils ne choisiront pas de traiter avec Postes Canada. En nous forçant à fermer nos portes, potentiellement, Postes Canada perdra les revenus qu'elle reçoit de notre part lorsque nos clients désirent envoyer du courrier au Canada ou ailleurs dans le monde.
En outre, IDRS a recours aux services de Postes Canada pour ses clients lorsque les tarifs internationaux de la société sont plus avantageux que ceux offerts par les entreprises privées de repostage international du Canada. Nous n'avons rien contre l'idée de faire affaire avec Postes Canada si cela est rentable et sensé pour notre entreprise et nos clients. Fait intéressant, au cours des dernières années, les tarifs du régime international de Postes Canada sont devenus beaucoup plus concurrentiels pour nous; or, si la mesure législative n'est pas adoptée, la majorité de nos clients sortiront du Canada, ce qui ne sera avantageux pour aucun d'entre nous.
Monsieur le président, je serai ravi de répondre aux questions des membres du comité et je vous remercie à nouveau de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Weeks. La vidéoconférence a bien fonctionné au deuxième essai.
Certains d'entre vous ont mentionné que si la mesure législative n'est pas adoptée, le Canada perdra ce chiffre d'affaires. Y a-t-il un risque que Postes Canada présente d'autres demandes d'injonctions? Sur quoi fondez-vous cette observation?
M. Zelikovitz : Elle est fondée sur deux ou trois points. D'abord, nous nous basons sur ce qui se passe à l'heure actuelle. Par exemple, certains clients étrangers ou même des clients canadiens qui ont des filiales aux États-Unis envoient leur courrier international là-bas parce que ce pays permet cette pratique.
M. Sikora pourrait se prononcer sur ce point après, mais quelqu'un a demandé si des employés de Postes Canada faisaient exactement la même chose que ce que les entreprises de repostage font aux États-Unis. Ils tentent de faire en sorte que les entreprises américaines emploient les services de Postes Canada plutôt que ceux du service postal des États-Unis, ce qui est donc exactement la même chose.
Pour revenir à votre question, certaines entreprises ont quitté le territoire pour s'installer ailleurs, car ce n'est pas seulement la distribution du courrier international qui entre en ligne de compte; c'est aussi l'impression, la conception et le triage. C'est le secteur en entier qui est concerné. Elles ont quitté le pays; elles n'ont pas eu recours aux services de Postes Canada parce qu'elles n'arrivent pas à trouver les autres compagnies, comme celle de M. Weeks ou d'autres, qu'il leur faut pour satisfaire leurs autres besoins en matière de courrier international. Ce n'est pas seulement une question de distribution; il y a aussi la facilitation, la préparation et le triage. Certaines entreprises sont parties ou partiront en raison de la crainte et de l'incertitude qui régnaient dans le marché.
Je n'ai pas apporté la documentation, mais à titre d'exemple, connaissez-vous le complexe touristique Sandy Lane, situé à la Barbade? C'est un complexe chic établi de longue date. Sandy Lane a engagé une imprimerie canadienne et lui a confié l'impression et la préparation de ses matériaux de 500 grammes ou moins devant être distribués un peu partout dans le monde. Le complexe a engagé une imprimerie canadienne et puisqu'elle pouvait offrir tous les services requis, une entreprise canadienne de courrier international a aussi été embauchée pour s'occuper de la distribution du courrier.
Si la mesure législative n'est pas adoptée, Sandy Lane ne fera pas affaire avec l'imprimerie canadienne parce qu'il ne sera pas possible d'expédier le courrier étant donné que Postes Canada n'offrira peut-être pas les bons tarifs. L'entreprise se tournera vers la Grande-Bretagne, vers le Royaume-Uni, ou peut-être vers les États-Unis. Elle retirera cette activité économique du Canada.
Le président : Quelqu'un d'autre voudrait se prononcer sur la question?
M. Sikora : Cela se produit aussi avec mon entreprise.
Le président : Vous vous inquiétez que les affaires qui se font depuis 20 ans ne pourront plus être faites en raison des injonctions?
M. Sikora : Non, parce que lorsque Postes Canada a initié la poursuite en justice, nos clients ne pouvaient pas attendre. Ils avaient recours aux services d'une entreprise établie, puis tout d'un coup, ils ont dû trouver une autre façon de faire. Comme M. Zelikovitz l'a dit, le procédé est compliqué; il compte l'imprimerie, l'entreprise de publipostage et le transport. Ils ne pouvaient pas attendre en se disant que nous allions gagner. Ils ont déjà commencé à faire affaire avec d'autres.
En fait, ils sont revenus pour nous dire que nous étions concurrentiels sur le plan des services de publipostage, que M. Weeks fournit, et d'impression, que je fournis. Si le projet de loi est adopté, ce qu'ils pourront faire est incertain. Aujourd'hui, mes pertes d'emplois — pas toutes, mais un quart d'entre elles — sont attribuables au chiffre d'affaires qui a déjà quitté le pays. Nous espérons que ces clients reviendront si nous envoyons le message positif que nous pouvons faire des affaires. La plupart des bureaux de poste du monde font ce genre de transactions, et, comme M. Zelikovitz l'a souligné, Postes Canada en fait elle-même. Lorsqu'elle parle des 40, 60 ou 120 millions de dollars, il n'est pas question de quelque chose qu'elle perd; les choses se passent ainsi depuis 30 ans. Comment peut-elle perdre quelque chose qu'elle n'a jamais eu? Cela me surprend.
Le président : Si les choses se passent ainsi depuis 30 ans, est-ce la menace de litige qui nuit à votre entreprise?
M. Sikora : Tout à fait.
Le président : Voilà le point où je voulais en venir. Merci. Postes Canada affirme maintenant que la mesure législative lui convient.
M. Sikora : Ma famille m'a demandé pourquoi je me rendais à Ottawa et ce qui se passe ici. Je sais que M. Zelikovitz n'aime pas que je soulève ce point, mais, pour simplifier les choses, voici comment cela fonctionne. Si nous allons magasiner aux États-Unis parce que nous sommes près de la frontière à Vancouver et que nous apportons un paquet de lettres de Noël adressées à nos parents qui habitent aux États-Unis dans l'intention de les poster là-bas afin de profiter de leurs tarifs moins élevés, nous enfreignons la loi. C'est aussi simple que cela. Nous faisons quelque chose qui relève du privilège exclusif de Postes Canada, selon la société, ou dont elle veut maintenant avoir le privilège exclusif; nous n'avons donc pas le droit de traverser la frontière et d'envoyer notre lettre à partir d'un bureau de poste américain.
Le président : Nous avons accueilli des représentants de Postes Canada. Je ne sais pas si vous étiez présents lorsqu'ils ont témoigné, mais ils ont déclaré que la mesure législative leur convenait et qu'ils pouvaient s'en accommoder.
M. Sikora : Comme M. Weeks l'a souligné, la société a toujours été très concurrentielle.
M. Zelikovitz : Entendons-nous bien : il n'est pas question ici d'une entreprise spécialisée dans le courrier international qui se rend chez Mme Unetelle pour prendre son courrier et le distribuer aux membres de sa famille qui habitent aux États-Unis. Nous parlons des opérations commerciales. Les entreprises canadiennes de courrier international travaillaient pour nombre de gouvernements fédéraux. Les universités envoient des matériaux; les sociétés d'avocats du Canada aussi. C'est de ces entités dont il est question. Le marché ne changera pas.
Encore une fois, je veux être clair, car on ne sait jamais quel type de questions seront posées; plus de 95 p. 100 du courrier international est destiné aux États-Unis, un pays industrialisé. Je sais qu'on a parlé des pays en développement et des pays industrialisés, et la discussion portait précisément sur la façon de travailler de l'UPU, mais 95 p. 100 de ce courrier est acheminé d'un pays industrialisé à un autre.
Le sénateur Gerstein : Il y a près d'un mois, le 9 juin, j'ai eu le privilège de présenter en deuxième lecture le projet de loi C-9 au Sénat. Parmi les quelques observations que j'ai formulées, j'ai fait référence, entre autres, à Son Altesse Royale George III, à Gladstone, à Asquith, à Churchill et également à Barry Sikora. Les autres ne sont plus, mais vous, monsieur Sikora, êtes toujours en vie. Je suis heureux de vous rencontrer. La raison pour laquelle j'en suis si heureux, c'est que vous représentez le pivot du Canada. Vous êtes propriétaire d'une petite entreprise; vous êtes en affaires, si je me souviens bien — car je l'ai dit pendant mon exposé —, depuis une trentaine d'années. Maintenant, plusieurs témoins ont dit aujourd'hui que le ciel allait nous tomber sur la tête. Ils ont parlé de ce qui pourrait se passer. La différence, c'est que vous, vous pouvez parler de ce qui s'est passé.
Si je comprends bien, ce qui s'est passé, c'est qu'une entreprise que vous avez établie il y a plus de 30 ans et où 31 personnes travaillaient a maintenant perdu un peu plus de la moitié de ses employés. Vous avez vécu ce qui pourrait se passer. Je voudrais que vous racontiez votre expérience aux gens ici présents.
M. Sikora : Tout d'abord, lorsque les gens disent qu'ils se soucient de leurs employés, souvent, ce ne sont que des belles paroles. Nous avons une petite entreprise que nous considérons comme une famille. Nous connaissons tous les employés, leurs enfants, et ainsi de suite. Tout s'est passé soudainement, et M. Weeks peut vérifier l'information. Pratiquement du jour au lendemain, il y a plusieurs mois, notre entreprise a soudainement décliné et il nous a fallu regarder ces employés dans les yeux et leur dire que nous étions désolés, mais que même s'ils étaient à notre service depuis 15 ou 20 ans, nous n'avions pas de travail pour eux.
Nous ne pouvons pas substituer ce travail instantanément. Personne n'entre dans mon bureau en disant vouloir faire quelques centaines de milliers d'envois postaux. Nous ne sommes pas dans cette situation.
Le courrier international est devenu important et il a prospéré pendant toutes ces années. Nous avons contribué à son développement. Certains de mes collègues me disent que nous faisons peut-être un peu trop d'affaires dans ce secteur, mais il est difficile de refuser de bonnes affaires et d'avoir de la stabilité. Avant de lancer cette entreprise il y a 25 ans, j'avais travaillé dans une autre société œuvrant dans le même domaine 10 ans auparavant. Elle me semblait stable. C'est alors que subitement — sans crier gare —, Postes Canada a dit : « Attendez une minute, la loi a changé. » Il a fallu que je fasse mes recherches, et j'étais furieux. Comment est-il possible que cette loi change alors que je travaille dans ce domaine depuis 35 ans? Je n'ai pas vu de nouvelle loi sur les postes. Quelqu'un a trouvé un avocat habile — je ne parle pas de vous, monsieur le président, quoiqu'on m'a dit que vous êtes un avocat habile. Comment cela s'est-il produit? Tout d'un coup, le message était différent en français et en anglais. Postes Canada a sauté sur l'occasion. Un peu plus tôt aujourd'hui, on a mentionné le repostage ABA. C'est cette pratique qui a provoqué cet incident. Des lois ont été établies pour ce type de courrier. Nous faisons de la discrimination, et si nous découvrons que quelqu'un est dans ce domaine, nous ne ferons pas affaire avec cette personne. Des lois sont à notre disposition pour ce type de courrier, mais grâce à la différence entre le français et l'anglais, Postes Canada a trouvé une occasion d'enfoncer le dernier clou dans le cercueil. Il s'agit bien d'un cercueil, car la moitié de mes employés n'ont plus d'emploi.
Lorsqu'ils parlent de 200 ou de 300 employés dans cinq ou six entreprises, je ne connais pas d'imprimeurs importants — quand je dis importants, je ne parle pas du commerce Zippy Print situé au coin de la rue, mais d'une véritable imprimerie — pour qui imprimer pour des envois internationaux ne pose pas de problème. La plupart sont envoyés aux États-Unis, comme l'a dit M. Zelikovitz. Je ne connais personne.
Si vous alliez sur les quais de chargement des plus grands imprimeurs du pays — Quebecor et St. Joseph —, vous verriez quelle proportion de leur impression est envoyée aux États-Unis. Une grande partie est destinée au courrier.
Ne vous inquiétez pas des quelques centaines d'emplois à Postes Canada. Ils ne peuvent même pas déterminer encore combien d'emplois cela représente. Je vais vous dire combien cela représente. Dans mon entreprise, il s'agit de la moitié des emplois. Il y a d'autres entreprises, bon nombre comme la nôtre, qui perdent ces emplois. Nous payons les impôts et nous payons les pensions, les prestations, et cetera. Je commence à parler comme un politicien. Toutefois, on en est là. Je commence à m'enflammer à propos de la question, car je dois regarder ces employés dans les yeux, ce que je fais encore, et tenter de leur dire que les choses vont s'améliorer et que le projet de loi C-9 sera adopté. Ce n'était peut-être pas la façon de procéder idéale, mais Dieu merci, la majorité des députés du Parlement ont fait preuve de bon sens et ont dit que nous ne sommes pas en train de changer le monde; nous voulons seulement le statu quo. Tout le monde veut être concurrentiel de nos jours, ce qui constitue la nouvelle donne; nous devons être concurrentiels. Il n'y a plus rien de gratuit et Postes Canada s'en est bien tirée.
J'ai été surpris d'entendre Susan Margles dire un peu plus tôt que même s'ils ont fait des compressions et des ajustements, ils ont tout de même réalisé des profits. Eh bien, pour ma part, je n'ai pas fait de profit depuis deux ans.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Sikora, dans mes remarques du 9 juin, j'ai dit que vous aviez fait valoir vos arguments avec conviction. Je suis ravi que vous l'ayez fait encore aujourd'hui devant notre comité, et je veux vous dire à quel point nous sommes reconnaissants que vous comparaissiez devant nous et que vous nous fassiez part de votre expérience.
Le sénateur Callbeck : J'ai une question. Je crois que vous étiez présent lors du témoignage du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Les témoins ont dit que dans le cadre de l'examen stratégique, une recommandation a été faite, mais non pas une analyse approfondie. Savez-vous si on a effectué une analyse approfondie ou un examen de toute cette question?
M. Zelikovitz : Mes observations seront peu objectives, car je crois qu'il y a eu un débat de fond. Nous avons rencontré les fonctionnaires du Secrétariat des Sociétés d'État de Transports Canada, qui sont des gens objectifs. Ils nous ont invités à parler du marché. Nous leur avons fourni des renseignements commerciaux confidentiels sur la façon dont le marché fonctionne, ce qui leur a permis d'examiner la question de façon objective. La Canadian International Mail Association a remis un mémoire de 40 pages au comité consultatif de l'examen stratégique de la SCP. Un certain nombre d'autres entités, y compris le STTP, ont fait part de leur point de vue. Je crois comprendre que le président, Robert Campbell, est un spécialiste des autorités postales et des opérations liées au courrier.
Je ne peux pas répondre à votre question, car je ne faisais pas partie du comité, et je ne sais pas quel autre type d'analyse ils ont fait, mais il est clair qu'ils ont effectué d'autres recherches sur les répercussions qu'auraient certaines des autres choses qu'ils examinaient relativement au service postal universel et au privilège exclusif. Lorsqu'ils ont examiné ces questions, ils ont dit qu'ils peuvent permettre que cela se produise, car il n'y aura pas de répercussions sur le service postal universel. Je crois que les recherches ont été faites. Je ne peux pas parler plus précisément du travail d'élaboration des politiques qu'ils ont mené dans notre marché. Comme il s'agit d'un marché concurrentiel, il est difficile, même pour nous, de trouver des renseignements sur tous les concurrents.
Le sénateur Callbeck : Quelqu'un a-t-il d'autres observations?
M. Sikora : Comme on dit, il faut appeler un chat un chat. C'est le cas ici. Nous avons des entreprises qui existent depuis 30 ans. Comme on l'a dit précédemment, on ne fait rien de nouveau. Nous ne sommes pas en train de construire un nouvel avion à réaction. Il s'agit du même travail. Permettez-moi de faire mon travail. Permettez-moi de donner des emplois aux gens, d'imprimer pour le marché international, d'avoir du plaisir à le faire, et de payer des impôts pour que vous puissiez vous-mêmes être payés. C'est tout ce que nous demandons. On dit encore que le projet de loi nous met sur une pente dangereuse. Quelle pente dangereuse? Nous faisons des affaires depuis 30 ans, et malgré tout, Postes Canada est concurrentielle.
Le sénateur Marshall : Merci de comparaître aujourd'hui. Il est intéressant de voir le revers de la médaille.
Monsieur Zelikovitz, pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet de la Canadian International Mail Association? Cette association compte-t-elle tous les gens qui oeuvrent dans le secteur du repostage? Lorsque nous avons écouté les représentants de Postes Canada et du STTP, nous avons tenté de nous faire une idée de ce que ce secteur d'activité représente, du point de vue de la situation financière et du nombre d'employés. Pouvez-vous nous parler de cette association et nous donner des renseignements au sujet de l'adhésion des membres?
M. Zelikovitz : Je vais tenter de le faire du mieux que je le peux, et vous posez enfin la question à la bonne personne. Je ne veux pas vous manquer de respect; c'est que je déplore le fait que d'autres personnes ont répondu aux questions sur la CIMA.
Le sénateur Marshall : Elles faisaient des hypothèses.
M. Zelikovitz : Cette situation est à l'origine de la création de la CIMA. Les gens qui oeuvrent dans ce secteur ont décidé de former une coalition et de réunir des entreprises disposées à participer à la coalition pour exercer des pressions auprès du gouvernement et se rendre au Parlement, car le secteur a perdu devant les tribunaux. Les entreprises étaient d'avis que le Parlement n'aurait pas l'intention de laisser ce secteur disparaître après 25 ans.
Avec l'aide d'un certain nombre d'autres membres, je coordonne et représente la Canadian International Mail Association depuis sa création. Elle comptait 30 membres à un certain moment, et moins, à d'autres moments; certains ont abandonné. On parle de petites entreprises.
Je ne sais pas combien d'employés a Mark Weeks, mais il est membre de la CIMA, tout comme M. Sikora. L'Association canadienne de l'imprimerie a énormément soutenu la CIMA. Nous comptons parmi nos membres un certain nombre de plus petites entreprises de publipostage, ainsi que Spring Global Mail, Key Mail et DHL.
Il a été difficile de rejoindre un grand nombre d'entreprises de publipostage. Nous avons tendu la main à un certain nombre d'entre elles, et on en compte littéralement des centaines dans des villes frontières de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec et partout au pays. Elles nous ont dit qu'elles ne s'y mêleraient pas, que Postes Canada ne les ennuie pas, car elle attaque les gros joueurs, comme Spring et Key Mail. Elles ont dit qu'effectivement, elles font du repostage de l'autre côté de la frontière pour certains clients, mais qu'elles ne se mêleraient pas à cela et ne s'y intéresseraient pas.
La situation a été difficile, mais notre programme de défense a eu du succès, car il était empreint de bon sens et il était équitable. C'est vraiment ce dont il s'agit. Nous avons tenté d'établir les faits. Nous avons examiné le marché et nous avons affirmé qu'il est question de 60 à 80 millions de dollars. Cela ne correspond pas à un montant que Postes Canada a déjà eu. Il s'agit de 60 à 80 millions de dollars qui n'ont pas été volés par Postes Canada. Ces entreprises se sont battues équitablement et ouvertement contre Postes Canada.
Postes Canada a embauché des employés de Spring et de Key Mail. Des employés de Postes Canada ont travaillé chez Spring et Key Mail. Ils se connaissent tous. Entre 1994 et 1996, Postes Canada possédait 12 p. 100 de Spring. Le sénateur Baker y a fait allusion.
Je peux vous citer des faits. Cette initiative est bien réelle. Je vais vous donner les renseignements précis, mais entre 1992 et 1996, Postes Canada possédait 12 p. 100 du volet du courrier international de Spring, qui faisait également partie de l'entreprise TNT Mailfast. Je n'ai pas les détails, mais on sait très bien que Postes Canada en faisait partie, qu'elle savait ce qui se passait, qu'elle l'a accepté et l'a reconnu. On parle d'un secteur concurrentiel où l'on ne communique pas tous les renseignements commerciaux sensibles.
Personne n'a posé cette question à Postes Canada. Le fait est que ce secteur valait probablement entre 60 et 80 millions de dollars il y a quatre ans. Je ne crois pas que ce soit le cas maintenant. Il y a eu des pertes importantes. Spring ne compte plus 75 employés. Je crois qu'elle en compte maintenant 55.
Il y a cinq ou six principales entreprises de repostage international, mais un grand nombre de plus petites entreprises font exactement la même chose, et des entreprises d'imprimerie également. Lorsqu'on additionne tout cela, on parle de milliers d'emplois. Peut-être que M. Elliot peut parler du secteur de l'imprimerie.
Le sénateur Marshall : Vous dites que certaines entreprises sont désintéressées. Combien de membres votre association compte-t-elle? Vous avez dit qu'elle est nouvelle; elle a été créée au cours des cinq dernières années, n'est-ce pas?
M. Zelikovitz : Oui.
Le sénateur Marshall : Combien de membres comptez-vous? Connaissez-vous le nombre total d'employés si l'on inclut tous vos membres?
M. Zelikovitz : Nous avons tenté de l'évaluer, et j'avoue qu'il a été difficile de le faire, car parmi nos membres, il y a de grandes entreprises d'imprimerie qui comptent peut-être 5 000 employés. Nous n'inclurons pas 5 000 employés parmi ceux qui ont des activités dans le secteur du courrier international. Si 20 ou 30 p. 100 des activités de cette société sont dans le secteur du courrier international, cela représente 1 000 ou 1 500 employés.
Il a été difficile de faire une évaluation définitive. Nous avons estimé les chiffres à la baisse et nous avons dit que cela représentait entre 25 et 5 000 employés. Dans son témoignage à la Chambre des communes, Mme Jennings a dit qu'il s'agirait peut-être de 10 000 employés. Il se peut qu'elle ait obtenu ce renseignement en faisant ses propres recherches. Dans les faits, des milliers d'emplois sont en jeu, en particulier dans le secteur de l'imprimerie.
Le sénateur Marshall : Vous dites que même si le projet de loi n'est pas adopté, Postes Canada n'héritera pas de toutes ces activités commerciales. Si j'avais l'impression que tout reviendrait à Postes Canada, ce n'est pas le cas. Êtes-vous en train de dire que c'est le sud de la frontière qui en héritera?
M. Elliott : Ces activités se poursuivront ailleurs, oui. Ce qui est inquiétant pour notre secteur, c'est que la participation des imprimeurs aux activités liées aux envois postaux constitue généralement un nouveau créneau, si l'on veut. Des sociétés comme Willow Printing et Harmony Printing, à Toronto, qui ont acheté ou offert des services postaux pour avoir d'autres occasions d'affaires comme imprimeurs, se demandent maintenant dans quelle mesure elles seront capables de poursuivre leurs activités; et si ces occasions d'affaires disparaissent, qu'adviendra-t-il de leur part du marché dans d'autres domaines? Est-ce que cela se fera aux dépens de leurs activités principales d'imprimerie, et fermeront-elles complètement leurs portes parce qu'elles ont développé des activités liées aux envois postaux au point où cela représente peut-être 60 ou 70 p. 100 de leurs activités commerciales?
Ce qui est inquiétant, c'est l'incertitude qui règne quant à ce qui pourrait arriver à bon nombre de ces imprimeries dont M. Zelikovitz a parlé, en ce qui concerne les entreprises de services postaux. Je peux vous fournir des chiffres. Nous avons plus de 7 000 imprimeries au Canada. Selon mon estimation, environ 30 p. 100 de ces entreprises ont des activités dans le secteur du courrier, d'une façon ou d'une autre. Nous formons un petit secteur. En ce qui a trait aux petites et moyennes entreprises, une entreprise de taille moyenne compte de cinq à 15 employés.
Le sénateur Marshall : Nous ne savons pas à quel point le secteur est important, ou ce qui se passera si le projet de loi n'est pas adopté. Nous sommes en plein brouillard.
M. Elliott : Il est difficile d'établir les chiffres, et je crois que c'est ce que vous ont dit un certain nombre de personnes. En même temps, nous estimons tous que ces chiffres sont importants, et je crois que même Postes Canada le dit. Le gagne-pain de beaucoup de gens dépend de ce secteur d'activités.
Le sénateur Marshall : Si l'on ne mène pas ce type d'activités commerciales, ce ne sera pas nécessairement Postes Canada qui le fera, n'est-ce pas?
M. Zelikovitz : Ce sera effectivement le cas pour une partie des activités. Il ne fait aucun doute qu'une partie se trouve et se trouvera entre les mains de Postes Canada. Cela fait partie de l'incertitude. Il y aura peut-être de la concurrence dans ce secteur maintenant.
Tous les ministères du gouvernement qui ont eu recours aux services de Spring pour envoyer des chèques de pension partout dans le monde — j'imagine qu'ils ont décidé d'y avoir recours parce qu'ils offraient de bons taux, en grande partie, pour les pays industrialisés et un bon service — ont changé de fournisseur de service. Ils ont maintenant recours aux services de Postes Canada, et j'ai le sentiment que si le projet de loi est adopté, Spring soumissionnera et sera ouvert à la concurrence. Je crois que la concurrence, c'est bon pour le Canada.
Le président : Merci, sénateur Marshall. Monsieur Weeks, en tout temps, vous pouvez me faire signe si vous voulez intervenir.
M. Weeks : Puis-je intervenir brièvement?
Le président : S'il vous plaît, allez-y.
M. Weeks : Nous sommes dans la même situation que M. Sikora. Notre entreprise ressemble davantage à une famille qu'à une grande entreprise. Il s'agit d'une petite entreprise. À l'heure actuelle, nous avons 43 employés à temps plein et environ 20 employés à temps partiel, et nous avons recours à des employés sur appel à différents moments dans l'année ou même dans le mois. Au cours de la dernière année, nous avons mis à pied entre 12 et 15 employés, surtout parce que nos clients étrangers se relocalisent ailleurs dans le monde.
Pour vous donner un aperçu, les frais d'affranchissement d'un envoi postal direct représentent environ 80 p. 100 de ce qu'ils paient actuellement. Si un envoi destiné à un endroit dans le monde coûte 1 $, nous n'en voyons seulement que 20 p. 100 — 80 p. 100 s'en va à toute autre méthode d'affranchissement que nous utilisons. Nous ne voyons qu'une petite partie de l'argent. Si nos frais d'affranchissement ne sont pas concurrentiels à l'échelle mondiale, cela signifie que 80 p. 100 des coûts que nos clients paient ne sont pas concurrentiels et qu'ils n'utiliseront pas nos services.
Nous utilisons actuellement un certain nombre de méthodes différentes. Honnêtement, au cours des quatre dernières années, pendant que cette bataille avait lieu, Postes Canada est devenue plus concurrentielle qu'auparavant. Durant les deux dernières années, elle a diminué ses tarifs pour nous. Pour des expéditeurs de grands volumes de courrier comme nous, elle a négocié des tarifs pour le courrier international. Postes Canada ne négocie pas les tarifs nationaux, mais elle le fait pour les tarifs outre-mer. Je ne suis pas certain que tout le monde le sait. Elle est devenue concurrentielle grâce à ce qu'elle sait sur ce que nous payons ou sur la concurrence du marché. Elle est devenue plus concurrentielle au cours des dernières années.
Nos clients qui font des envois internationaux outre-mer ne sont pas des entreprises canadiennes. À peine 10 p. 100 environ de nos clients qui font des envois à l'étranger se trouvent au Canada. Nous avons des clients en Afrique du Sud, au Royaume-Uni, au Mexique et en Australie. Nos clients ont recours à nos services parce que nous sommes des spécialistes des langues étrangères et que nous sommes capables de nous occuper de la traduction, de consultations et du marketing dans ces pays étrangers. Au fil du temps, nous avons mis en place un cadre pour ces spécialités. Si nous ne pouvons pas être concurrentiels sur le plan des frais d'affranchissement, nous ne pouvons pas offrir ces services au Canada. Il nous faudra relocaliser notre production dans une autre partie du monde, où nous savons que nous pouvons être concurrentiels.
Notre situation est semblable à celle de M. Sikora; il nous a fallu faire des mises à pied. Nous avons eu ce nuage au-dessus de notre tête. Deux clients importants ont relocalisé leur production, l'un d'eux à Hong Kong et l'autre, au Royaume-Uni, car le service des postes a de meilleurs tarifs internationaux que le Canada pour les marchés dans lesquels nous offrons des services. Ces renseignements vous donnent un aperçu de notre entreprise et de notre façon de procéder.
Parmi les envois postaux que nous effectuons au Canada, 50 p. 100 viennent du Canada, mais la moitié de mon entreprise est fondée sur notre capacité de desservir des entreprises étrangères qui veulent faire des affaires outre-mer à partir du Canada. Je ne veux pas perdre cet avantage concurrentiel.
Si Postes Canada nous impose des tarifs, nous perdrons cet avantage concurrentiel dans une certaine mesure. Postes Canada est devenue plus concurrentielle dans certains marchés qu'elle l'était dans le passé. Si l'on tient compte du moment où cela est arrivé et de la façon dont c'est arrivé, c'est intéressant. Je serai heureux de répondre à toute autre question.
Le sénateur Baker : Je n'ai pas beaucoup de questions à poser, mais il se peut que ma mémoire soit meilleure que je le pensais. Après vous avoir écouté, je me suis aperçu qu'en fait, ma mémoire était fidèle.
Pour les auditeurs, concernant les événements extraordinaires de 2004, j'étais au Parlement et j'ai participé à la préparation du projet de loi en 1981, lorsqu'il a été adopté, et les mots dont nous parlons maintenant ont été inscrits dans le projet de loi. Dans la version anglaise, on parlait de la levée des lettres, de leur transmission et de leur distribution au Canada, tandis que dans la version française, on parlait de la levée des lettres, de leur transmission et de leur distribution aux destinataires. C'est l'erreur qui a été commise. C'est l'erreur que le Parlement a faite lorsqu'il a adopté le projet de loi.
Comme vous l'avez dit, Postes Canada a choisi la version anglaise. C'était clair. Vous avez créé vos entreprises dans les années 1980 et 1990, et voilà donc que les événements de 2004 se produisent.
J'imagine que nous ne pouvons blâmer personne, mis à part les tribunaux, la Cour d'appel et ensuite la Cour suprême du Canada, qui a refusé la demande d'appel. Cela a dû être un choc.
Ce que je veux dire, c'est que je comprends le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et la position qu'il a adoptée. Les travailleurs et travailleuses ont eu de nouvelles conditions de travail. Comme ils ont reçu une nouvelle prime, un cadeau des tribunaux, ils ont dit qu'ils se cramponneraient à ces conditions. Bien entendu, cela ne s'est pas passé de cette façon, car les tribunaux ont reporté cela. Ils ont donné six mois avant que leur décision entre en vigueur pour attendre le Parlement, et ils ont donné un sursis. Je pense qu'ils ont même donné un sursis pour les dommages-intérêts. Je crois que cela concernait Key Mail.
Quand on examine la question, on voit qu'il y a des principes de justice naturelle. Il y a la théorie des attentes légitimes. Le président connaît bien ces termes juridiques. Cette décision a dû vous frapper durement en 2004, lorsque tout à coup, la loi a changé, alors qu'avant cela, tout allait bien chez Postes Canada.
Pouvez-vous expliquer au comité comment vous vous êtes senti, quand tout à coup, les tribunaux ont rendu ces activités illégales, mais qu'ils ont reporté leur décision? Cela n'est jamais entré en vigueur, mais cela a dû vous frapper durement.
M. Zelikovitz : Nous n'aimons pas revenir en arrière, et nous respectons les tribunaux. L'avocat-conseil de Spring a tenté de présenter les faits en se basant sur les comportements et les activités du passé et sur ce qui s'est produit, et la cour a déclaré que son travail consistait à interpréter les mots utilisés dans la loi.
Comme je suis moi-même avocat de formation, je respecte le rôle des tribunaux et je comprends en quoi consistait leur rôle. C'est pourquoi nous disons depuis cinq ans que c'est une question de bon sens et d'équité.
Il est maintenant temps de se rendre au Parlement et de se demander quel était le réel objectif visé par ces mesures législatives. Quel était l'objectif de ces mesures? Le projet de loi n'est pas une pente dangereuse ou le début de quelque chose; tous ces différents termes. Le projet de loi ne consiste pas à laisser tomber le service postal universel parce qu'il se porte bien depuis 25 ans. Postes Canada l'a dit elle-même.
Il est difficile d'amener le STTP à expliquer pourquoi le service postal universel est menacé, mais il ne l'a pas été pendant 25 ans. Si le service postal universel et le service en milieu rural sont menacés, ce n'est pas à cause des entreprises de courrier international, car elles n'ont jamais constitué un problème auparavant.
La décision nous a pris de court. Nous ignorons ce qui l'a motivée et comment la Société canadienne des postes a fini par faire valoir cet argument convaincant et astucieux, qui nous a pris par surprise. Nous avons alors décidé de former une coalition d'entreprises pour nous battre et faire entendre nos voix au Parlement; c'est ce que nous avons fait.
Le sénateur Baker : Le dossier est actuellement en suspens, bien sûr.
M. Zelikovitz : Grâce à l'accord de la Société canadienne des postes.
Le sénateur Baker : Grâce à l'accord de la Société canadienne des postes. J'ignore si vous y avez consenti ou non, et si ce consentement aurait changé quoi que ce soit en attendant que le Parlement décide exactement ce qu'il voulait faire, sous l'ordre des tribunaux.
M. Zelikovitz : L'accord de la société était important. Je pense que l'industrie aurait pu invoquer un argument valable pour obtenir le sursis de toute façon, mais en réalité, nous avons dû aller voir le juge pour le convaincre qu'il était logique d'ordonner la suspension de cette injonction. En passant, même si c'est la Société canadienne des postes qui a demandé cette injonction contre nous, elle est d'accord à propos du sursis. Son consentement était important. À l'heure actuelle, l'injonction est suspendue jusqu'en décembre 2010, et nous espérons qu'elle sera éliminée avec l'adoption du projet de loi C-9, si tout va bien.
Le sénateur Baker : L'injonction expire en décembre 2010.
M. Zelikovitz : C'est exact.
Le sénateur Baker : Si le projet de loi n'est pas adopté, le jugement rendu par la Cour d'appel de l'Ontario en novembre 2005 sera appliqué.
M. Zelikovitz : C'est exact. On peut même aller jusqu'à dire qu'il ne reste peut-être que six mois à M. Sikora, et possiblement à M. Weeks ainsi qu'à d'autres intervenants de l'industrie, avant que Spring Mail doive se plier à l'injonction. Si M. Weeks fait affaire avec Spring Mail pour certains de ses envois internationaux, il ne pourra plus le faire après cette échéance. Il devra alors peut-être congédier d'autres employés, et l'industrie s'effondrera. Toutefois, nous avons bon espoir que les choses ne se passeront pas ainsi.
Le sénateur Baker : J'ai une dernière question sur un sujet qui m'a dérangé à la lecture des jugements. Je les ai tous lus, comme bon nombre des sénateurs. Voici ce qui me dérangeait : c'est une chose d'obtenir une injonction, mais c'en est une autre de réclamer des dommages-intérêts. C'est pourtant ce qu'a fait la Société canadienne des postes. J'ignore ce qu'il en est à cet égard. Je veux vous poser la question parce que je suis certain que les Canadiens veulent savoir. Le juge de la Cour supérieure a dit précisément qu'il faudrait tenir une audience spéciale sur les dommages-intérêts, et que la décision serait rendue plus tard. Que s'est-il passé?
M. Zelikovitz : Je ne connais pas les détails. Étant donné que je suis issu du milieu juridique, je peux vous dire en tout respect que ceux qui ont l'occasion de réclamer des dommages-intérêts le font. C'est ainsi que les choses se passent. Par contre, je n'ai aucun renseignement sur la réclamation de la société.
M. Sikora : La Société canadienne des postes n'a subi aucun dommage. Elle n'a rien perdu. Il en va autrement de mon entreprise et de celle de M. Weeks. Les petites imprimeries partout au pays ont essuyé des pertes tout comme nous, mais pas la Société canadienne des postes. Sénateur Baker, vous l'avez bien dit : quels dommages a-t-elle subis?
M. Zelikovitz : Permettez-moi d'ajouter un commentaire. Je ne crois pas qu'on ait posé la question à la Société canadienne des postes parce qu'on s'est embrouillé dans les chiffres. À combien s'élèvent ses recettes provenant du courrier international? Je ne connais pas la réponse puisqu'il s'agit d'un secteur concurrentiel, mais je suis certain que ce montant est plus élevé que les recettes de l'ensemble du marché privé du courrier international au Canada. Je ne connais pas la taille du marché en raison de sa nature concurrentielle, mais la Société canadienne des postes est présente sur ce marché depuis 25 ans. Elle fait des affaires et livre une concurrence active. Même s'il lui arrive de perdre ou de gagner des parts du marché, elle en détient une grande portion. J'ignore combien représente ce marché, et on ne lui a pas posé la question. Ce que je peux vous dire, c'est que, selon moi, la société possède probablement une part de marché supérieure à celle de l'ensemble des entreprises privées.
M. Sikora : Permettez-moi d'ajouter qu'on ne parle que du marché canadien. La Société canadienne des postes fait aussi de la prospection partout dans le monde. Prenez seulement tous ses représentants aux États-Unis, qui vendent des services d'expédition de colis et de courrier destinés au Canada. Il n'est même pas question de ces recettes-là.
Le sénateur Finley : D'autres ont déjà posé la plupart de mes questions. Voilà autant de raisons d'adopter le projet de loi dès que possible.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Zelikovitz, j'ai bien écouté les questions du sénateur Marshall à propos de votre association, la Canadian International Mail Association. Vous avez dit que c'est une coalition. Est-ce exact?
M. Zelikovitz : Oui.
Le sénateur Ringuette : Quelle est la nature de la coalition?
M. Zelikovitz : C'est une coalition d'entreprises qui œuvrent sur le marché du courrier international au Canada. Il ne s'agit pas simplement d'entreprises de distribution postale internationale. L'association compte des imprimeries, des entreprises de conception et d'autres entreprises spécialisées dans l'impression d'enveloppes, comme celle de M. Sikora.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous donner la liste des membres?
M. Zelikovitz : Bien sûr. Je peux aussi vous dire que, parfois, le nombre de membres a augmenté, et que d'autres fois, il a diminué, car beaucoup d'entreprises refusent d'afficher publiquement leur nom par crainte de représailles de la part de la Société canadienne des postes, et d'autres ont mené des activités dans le domaine du courrier international — légalement, bien entendu. Les activités de ces entreprises n'ont jamais été illégales, contrairement aux dires de certains témoins à la Chambre et au Sénat. D'ailleurs, rien de tout cela ne l'a jamais été, mais le nombre de membres a quand même varié. J'essaierai autant que possible d'obtenir le nombre précis de membres de la coalition.
Le sénateur Ringuette : J'aimerais que vous me donniez le nom des membres actuels; je n'ai pas besoin de connaître le nom de ceux qui étaient membres il y a deux ans, par exemple.
M. Zelikovitz : D'accord.
Le sénateur Ringuette : J'essaie de comprendre votre lien avec la coalition sur le courrier international.
M. Zelikovitz : Je m'attendais à ce que vous me posiez cette question, madame le sénateur Ringuette, et je vais y répondre avec plaisir. À la fin de 2004, j'ai été engagé par un groupe d'entreprises formant la Canadian International Mail Association après le début des procédures judiciaires. Je suis conseiller en relations gouvernementales et j'ai défendu cette industrie. J'ai rencontré des entreprises d'impression de papier à lettres et des maisons de publipostage partout au pays afin d'essayer de comprendre. J'ai rencontré le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes en compagnie de M. Elliott. Nous avons rencontré Mme Steinhoff, puis Deborah Bourque, alors qu'elle était présidente du syndicat, puisque nous voulions rejoindre le plus grand nombre possible de parties intéressées.
Soyons clairs; je n'ai rien à cacher : je suis un conseiller en relations gouvernementales qui est fier d'avoir travaillé avec la Canadian International Mail Association au cours des cinq dernières années, mais je désire mettre fin à cette relation d'affaires. Je le dis en toute honnêteté.
Le sénateur Ringuette : Travaillez-vous pour une entreprise de relations publiques?
M. Zelikovitz : Oui.
Le sénateur Ringuette : L'entreprise s'appelle APCO Worldwide.
M. Zelikovitz : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : J'aimerais comprendre votre point de vue. Au début de votre exposé, vous avez dit « nous » en parlant de l'industrie.
M. Zelikovitz : Je me considère maintenant comme un membre de cette famille.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne le projet de loi C-14, qui a été déposé en 2007, vous avez publié un communiqué de presse le 10 décembre 2007 dans lequel vous portiez des accusations. Vous commencez en disant que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes met les bouchées doubles pour s'opposer à l'adoption du projet de loi C-14, notamment en déformant les faits.
Le président : Pouvez-vous confirmer cette citation?
M. Zelikovitz : Tout à fait.
Le sénateur Ringuette : Puis le 18 juin, J. J. Hian-Cheong, le président de Spring Global Mail qui, à l'époque, était membre de la Canadian International Mail Association, a fait une déclaration. Connaissez-vous bien Spring Global Mail?
M. Zelikovitz : Bien sûr; l'entreprise est membre de la CIMA.
Le sénateur Ringuette : Avec qui est-elle associée?
M. Zelikovitz : Vous voulez connaître la propriété de l'entreprise? Spring compte environ 55 employés au Canada et paye des impôts au Canada, mais c'est effectivement une entreprise de propriété étrangère. Vous l'avez déjà dit lors d'audiences passées. Elle est prête à dire à qui veut l'entendre qu'elle appartient en partie à la Royal Mail et, je crois, à Singapore Post ainsi qu'à Deutsche Post. Malgré cela, elle génère une activité économique importante au Canada.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Elliott, vous avez mentionné que l'Association canadienne de l'imprimerie représente 7 200 entreprises qui oeuvrent dans ce secteur. Agissez-vous au nom de toute l'industrie?
M. Elliott : Nous estimons que oui. Ces imprimeries ne sont pas toutes membres de l'association, mais à nos yeux, nous représentons l'ensemble de l'industrie et pas seulement nos membres; nous parlons au nom de tous.
Le sénateur Ringuette : Parmi les 7 200 imprimeries, combien sont membres de votre association?
M. Elliott : Nous comptons à peu près 600 membres. Par contre, probablement 80 p. 100 du volume d'impression au Canada est produit par un de nos membres : il s'agit d'entreprises comme Quebecor, Transcontinental et St. Joseph.
Le sénateur Ringuette : Quebecor produit 80 p. 100 du volume d'impression des membres?
M. Elliott : Non. Pardonnez-moi si je me suis mal exprimé. En 2009, 80 p. 100 du volume d'impression au Canada, ce qui représente environ 9,2 milliards de dollars, provenait des membres de l'Association canadienne de l'imprimerie; Quebecor, qui s'appelle maintenant World Color Press et qui portera peut-être bientôt un autre nom, est membre de notre association, de même que bien d'autres imprimeries.
Le sénateur Ringuette : Donc 80 p. 100 du volume...
M. Elliott : ... oui, provient des membres de notre association.
Le sénateur Ringuette : J'ai visité votre site web pour comprendre votre association, vos objectifs et ainsi de suite. Une section porte sur les membres. Je sais que Quebecor exploite une entreprise qui s'appelle MediaPages, qui fait des impressions, mais je ne l'ai pas trouvée; je ne connais peut-être pas le nom sous lequel l'entreprise est affichée. Est-elle répertoriée sous un autre nom dans la liste des membres?
M. Elliott : Vous cherchez Quebecor?
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Elliott : Vous n'auriez pas pu trouver la liste complète de nos membres sur notre site web puisqu'elle n'y est pas affichée. Ce sont des renseignements confidentiels. Notre site possède une section réservée aux sites des membres, dans laquelle vous avez probablement navigué. Certains membres ont choisi d'afficher dans cette section le lien menant à leur site web. Vous pouvez bien imaginer le grand nombre de demandes que nous recevons du public et d'entreprises qui veulent par exemple connaître les imprimeries qui sont situées dans les provinces de l'Atlantique ou à Montréal. Dans cette section, vous ne trouverez que les liens menant aux sites des entreprises qui ont décidé de s'afficher.
Le sénateur Ringuette : De plus, dans la section Information sur l'industrie, on dit que la production de l'industrie se répartit de la façon suivante au Canada : la Colombie-Britannique, qui est votre province, monsieur Sikora, en assure 6,6 p. 100; l'Alberta, 9,3 p. 100; la Saskatchewan, 1,2 p. 100; et le Manitoba, 4,8 p. 100. Il n'y a aucune donnée sur les provinces de l'Atlantique. J'espère qu'on imprime là-bas. Ensuite, il est indiqué que 47,7 p. 100 de la production provient de l'Ontario, et 28,6 p. 100 du Québec. À elles seules, est-ce que ces deux provinces assurent bien 76 p. 100 des impressions au Canada? Ai-je bien compris?
M. Elliott : Oui.
Le sénateur Ringuette : Dans l'industrie de l'impression, combien d'entreprises sont en difficulté en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba?
M. Sikora : Je suis en difficulté.
Le sénateur Ringuette : J'espère que vous ne le serez pas pour longtemps.
M. Sikora : Je l'espère aussi. Adoptez le projet de loi.
Le sénateur Ringuette : Je suis désolée. Je ne suis pas nécessairement d'accord. Monsieur Elliott, j'aime en apprendre davantage sur les enjeux dont je dois m'occuper. Le 5 mars 2010, un communiqué de presse intéressant à propos du projet de loi C-9 sur le budget a été publié. Étant donné l'importance que l'association a accordée à la Société canadienne des postes et aux emplois qu'elle crée, j'ai été surprise de ne trouver aucune mention de la société dans tout le communiqué.
Le président : Pouvez-vous le confirmer, monsieur Elliott?
M. Elliott : Le sénateur Ringuette a le communiqué entre les mains. Je dirais que c'est probablement vrai.
Le président : Nous pouvons vous en remettre une copie, à moins que vous vous en souveniez.
Le sénateur Ringuette : J'en ai une copie.
Le président : Pourriez-vous la passer à M. Elliott, s'il vous plaît?
Le sénateur Ringuette : Bien sûr. Je vais continuer. Vous avez envoyé une lettre au ministre Flaherty qui portait sur d'autres questions liées au budget. Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont aussi envoyé une lettre, que vous avez signée et sur laquelle je suis d'accord. Elle se trouve sur votre site web, à l'intention de vos membres. Ce qui est important à vos yeux, c'est que le ministre veille à ce que le prochain projet de loi d'exécution du budget prévoie une prolongation de la période pour se prévaloir de l'amortissement sur l'équipement, puisqu'il s'agit d'un investissement majeur qui revêt une importance capitale en imprimerie.
Le sénateur Finley : J'invoque le Règlement. En tout respect, quel est le lien avec les entreprises de repostage?
Le sénateur Ringuette : C'est lié au projet de loi C-9, dont nous sommes saisis. Des problèmes avec le projet de loi C-9 ont été soulignés tant dans un communiqué de presse que dans une lettre que l'industrie a envoyée au ministre des Finances. Je peux distribuer des copies à tout le monde. Toutefois, on n'a jamais attiré l'attention du ministre sur le problème de la déréglementation de la Société canadienne des postes.
Le président : Nous serons ravis d'entendre des arguments à cet égard en temps opportun.
M. Elliott : Vous avez raison à propos du communiqué et de cette lettre-ci. Toutefois, il semble que, pour une raison ou une autre, vous n'ayez pas de copie de la lettre que j'ai envoyée au ministre Flaherty à ce propos.
Le président : Ne pourriez-vous pas nous l'envoyer?
M. Elliott : Je le ferai avec plaisir.
Le président : Sénateur Ringuette, votre temps est écoulé. Avez-vous quelque chose à dire pour terminer?
Le sénateur Ringuette : Si nous avons le temps, j'aimerais poser une autre question.
Le président : Nous n'avons pas le temps tout de suite. Nous accueillerons un autre groupe de témoins plus tard; vous aurez peut-être l'occasion de le faire à ce moment-là.
Le sénateur Runciman : Je vous remercie, chers témoins, de vous être déplacés jusqu'ici, puisque certains d'entre vous viennent de loin. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vos témoignages nous ont éclairés et nous ont aidés à démontrer que l'opposition à ce projet de loi est inadmissible. Vous nous avez grandement rendu service.
Les questions des envois retournés et des envois non distribuables ont principalement été soulevées par le sénateur Ringuette. On a dit que ces problèmes étaient peut-être une source de pertes considérables et un lourd fardeau pour la Société canadienne des postes. Je me demandais si vous pouviez nous en parler.
M. Zelikovitz : En toute honnêteté, je n'ai aucun renseignement particulier à cet égard. Je sais que c'est négligeable, au dire de la Société canadienne des postes. Ce genre de problèmes a toujours existé, et j'imagine qu'il existera toujours. Je suppose que des mécanismes seront mis en place pour s'en occuper, puisque, effectivement, il devrait peut-être y en avoir. Je peux seulement me fier aux commentaires de la Société canadienne des postes pour vous dire que les pertes sont négligeables.
Le sénateur Runciman : Je me demandais si vous pouviez répondre à un commentaire formulé aujourd'hui par une des représentantes du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes durant son exposé. Elle a dit que l'industrie existe depuis 30 ans, à tout le moins depuis plus d'un quart de siècle. Cela ne semblait poser problème à personne, jusqu'à ce qu'un avocat à l'œil de lynx décèle une faille dans la loi et s'y attaque. Mme Bue, deuxième vice-présidente nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, a dit que ce projet de loi n'était que le début de la déréglementation, une nouvelle menace, j'imagine, qui apparaît un quart de siècle plus tard. J'aimerais connaître vos commentaires à propos de cette nouvelle menace qui surgit après 25 ans d'activité.
M. Zelikovitz : Avant 2006, aux débuts de la CIMA, de quoi se plaignait le syndicat à notre égard? De quoi s'inquiétait-il alors que la Société canadienne des postes réalisait des profits année après année? Où étaient ses inquiétudes à propos de l'industrie du courrier international? Savait-il même qui nous étions, qui nous engagions et ce que nous faisions? Nous n'entendions jamais parler du syndicat. Je ne peux pas répondre. Tout ce que je peux dire, c'est que la modification ne va pas anéantir le service postal universel, car ce n'est pas arrivé au cours des 25 dernières années.
Le sénateur Runciman : Pour terminer, le sénateur Ringuette nous a aussi parlé du témoignage de l'ancienne présidente de la Société canadienne des postes. Nous savons qu'elle travaille maintenant en Grande-Bretagne pour la Royal Mail. On a insinué qu'un abominable complot expliquait son ferme appui pour le projet de loi et sa mutation en Grande-Bretagne. On fait sans cesse allusion à un programme caché, à un complot abominable et à de la corruption au Danemark. Voulez-vous dire quelque chose sur ce sujet, dont nous avons entendu parler à plusieurs reprises?
M. Zelikovitz : Pardonnez-moi, mais je n'ai aucun commentaire à ce sujet. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a déjà été dit.
Le sénateur Runciman : Vous ne croyez pas que la Royal Mail constitue une menace réelle, étant donné ses activités au Canada et la mutation de cette personne, qui occupe un nouveau poste là-bas?
M. Zelikovitz : À ma connaissance, notre industrie n'a rien à voir avec tout cela. C'est la première fois que j'entends une question pareille.
Le sénateur Runciman : C'est un mystère pour nous aussi.
Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je remercie chacun d'entre vous d'être venu : M. Weeks, dont la communication par vidéoconférence a malheureusement été interrompue; M. Elliott, de l'Association canadienne de l'imprimerie; M. Zelikovitz, de la Canadian International Mail Association; et M. Sikora, président de Classic Impression Inc. Merci de nous avoir remis une copie de vos exposés; il est toujours utile de les garder comme documents de référence. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de le faire.
Je suspends les travaux pour une heure. Nous reviendrons à 18 heures pour accueillir un autre groupe de témoins.
(La séance est levée.)