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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 14, Témoignages du 5 juillet 2010 - Séance du soir


OTTAWA, le lundi 5 juillet 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour l'étude du projet de loi (sujets : parties 15 et 18).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances est ouverte. Il s'agit de notre 18e réunion concernant le projet de loi C-9, Loi d'exécution du budget de 2010.

Au cours de nos séances précédentes, nous avons entendu différents représentants ministériels et intervenants externes que le projet de loi proposé intéresse ou touche directement. Ce soir, nos travaux vont porter sur la partie 15 et la partie 18 du projet de loi, où il est question d'EACL et de Postes Canada.

Avec notre premier groupe de témoins, nous allons reprendre l'étude de la partie 18. Nous avons en effet déjà discuté de cette partie qui traite de la situation à Énergie atomique du Canada limitée. Nous sommes très heureux d'accueillir ce soir M. Jan Carr, ancien chef exécutif d'Ontario Power Authority, et M. Bryne Purchase, directeur exécutif du Queen's University Institute for Energy and Environmental Policy.

[Français]

Ce soir, nous n'avons qu'une heure à consacrer à cette séance de comité.

[Traduction]

Bryne B. Purchase, directeur exécutif, Queen's University Institute for Energy and Environmental Policy : Merci. Je crois que tout le monde conviendra des considérations suivantes : le marché mondial de la technologie nucléaire connaîtra une forte croissance au cours des 20 prochaines années, d'autant plus que son empreinte carbone est faible; les marchés les plus prolifiques seront ceux de l'Asie, c'est-à-dire la Chine et l'Inde, de l'Amérique du Sud, de la Russie, de la Corée du Sud, de l'Afrique du Sud et du Moyen-Orient. Les marchés de l'Amérique du Nord et de l'Union européenne ne seront guère actifs en raison de l'effet combiné d'une croissance économique lente, des difficultés que vivent encore les institutions financières et des risques financiers élevés associés aux nouveaux projets nucléaires. En raison de son caractère un peu plus controversé, le nouveau réacteur conçu par EACL, le ACR-1000, ne sera pas vendu au Canada même si sa construction est menée à terme, car ni le gouvernement ontarien ni le gouvernement fédéral ne sont prêts à assumer les énormes risques financiers qui en découlent; il en va de même pour l'entreprise privée.

Un réacteur nucléaire, ce n'est pas un BlackBerry. Du point de vue de la commercialisation à l'échelle internationale, il se rapproche davantage de l'avion Avro Arrow. Ce sont les gouvernements qui, directement ou indirectement, sont les gros joueurs sur ce marché. Les entreprises les mieux en mesure de répondre à la croissance des marchés internationaux, tout en approvisionnant leurs marchés intérieurs respectifs, sont les américaines Westinghouse et General Electric Nuclear; la japonaise Mitsubishi Heavy Industries; la française AREVA; et la russe Rosatom. Chacune de ces entreprises a sa propre technologie de réacteur à eau légère. Elles disposent de ressources financières plus importantes, d'une plus grande intégration verticale et d'un poids politique supérieur à EACL.

En conséquence, j'appuie sans réserve la décision du gouvernement du Canada de vendre EACL, ou encore de la fusionner ou de l'amalgamer d'une autre manière avec une entité plus apte à soutenir la concurrence sur les marchés internationaux afin de mieux exploiter le plein potentiel nucléaire de notre pays.

J'ai une seule mise en garde à ce sujet. Le gouvernement devrait s'engager à ce qu'un examen indépendant soit mené, soit par la vérificatrice générale ou une autre instance libre d'attache, pour toute transaction pouvant être conclue de manière à déterminer le niveau de transfert de risques; la probabilité de dette à venir pour les contribuables canadiens, et l'efficacité stratégique de la transaction pour renforcer la capacité concurrentielle du Canada et améliorer l'exploitation de ses actifs sur le marché mondial de l'énergie nucléaire.

Jan Carr, ancien chef exécutif d'Ontario Power Authority, à titre personnel : Je vous remercie. Bonsoir à tous. Je suis ici à titre personnel. Comme je n'ai aucun intérêt personnel, économique ou professionnel dans l'aboutissement de ce dossier, je donne simplement suite à votre invitation en me faisant un plaisir de répondre à toutes vos questions. Je vais vous dire un peu qui je suis de telle sorte que vous puissiez savoir à quel genre de questions je suis en mesure de répondre. Je vais ensuite conclure en vous présentant mon point de vue sur la situation, comme M. Purchase vient de le faire.

Tout d'abord, comme vous l'avez indiqué, je suis depuis peu à la retraite après avoir été chef exécutif d'Ontario Power Authority, le haut fait d'une carrière de 38 ans entièrement consacrée à l'énergie électrique. Avant d'occuper ce poste, qui s'accompagnait soit dit en passant de responsabilités quant à la planification à long terme et l'approvisionnement en ressources du réseau électrique de la province de l'Ontario, j'ai été vice-président de la Commission de l'énergie de l'Ontario. Auparavant, j'ai travaillé comme consultant, tant en génie qu'en gestion, relativement à certains des aspects commerciaux et financiers de l'industrie électrique.

Je vous parle là de mes emplois à temps plein. J'ai aussi siégé à temps partiel au sein de plusieurs conseils d'administration, ce que je continue de faire dans certains cas. Si j'en fais mention ici, c'est parce que cela m'a permis de me familiariser avec quelques-unes des questions associées à des transactions comme les privatisations, les fusions et les acquisitions. J'ai fait partie du conseil de sociétés cotées en bourse, d'entreprises appartenant à des intérêts privés ainsi que d'organismes publics sans but lucratif, notamment via une étroite collaboration avec une entreprise investissant dans des projets de type partenariat public-privé.

Depuis que je suis à la retraite, je m'efforce notamment d'aider mes concitoyens à mieux comprendre notre situation énergétique dans son ensemble. Il est en effet triste de constater à quel point les gens sont peu informés à ce sujet, alors même que notre économie est basée sur l'énergie et que nous sommes un pays pouvant compter sur des ressources énergétiques. Entre autres activités, j'ai contribué à l'organisation d'une conférence sur l'énergie nucléaire qui a été tenue en octobre dernier à Ottawa par le Council for Clean and Reliable Electricity et l'Université de Waterloo.

J'ose espérer que vous avez tous reçu copie de ce rapport. Il s'agit d'un sommaire de cette conférence et j'aimerais prendre un moment pour vous faire lecture de la page des conclusions. Elles sont plutôt denses, mais cela peut vous donner une bonne idée.

La conférence a été organisée dans l'optique que le gouvernement du Canada allait devoir prendre une décision quant à l'avenir d'Énergie atomique du Canada limitée. Je suis très heureux de constater que certains progrès ont été réalisés à cet égard.

Nous avions l'impression que le processus était retardé en raison des craintes du gouvernement et du Parlement quant à la perception du public à l'égard de l'énergie nucléaire, notamment pour ce qui est des coûts, de la sécurité et de la gestion des déchets. Nous nous sommes intéressés aux trois grands obstacles qui semblent gêner l'industrie. Si vous le permettez, je vais prendre quelques instants pour vous lire les conclusions du sommaire de cette conférence.

Le nucléaire est un ingrédient essentiel pour répondre aux besoins mondiaux en énergie tout en réduisant par le fait même la production de gaz à effet de serre et en contribuant à atténuer la pauvreté. L'industrie nucléaire ne bénéficie pas de la confiance sans réserve de la population, notamment en raison de préoccupations associées à la sécurité et à la gestion des déchets, lesquelles ne sont aucunement fondées dans la pratique. La réputation de l'industrie nucléaire quant au non-respect des délais et des budgets n'est pas totalement injustifiée, mais est tout de même exagérée.

En raison de ses caractéristiques uniques, la technologie canadienne CANDU a certes un rôle à jouer, mais il est impossible d'exploiter son plein potentiel à l'intérieur de la structure commerciale actuelle de son propriétaire, EACL. La restructuration organisationnelle d'EACL annoncée par le gouvernement du Canada est un pas dans la bonne direction si l'on souhaite rentabiliser les investissements considérables consentis dans l'énergie nucléaire depuis plusieurs décennies.

La contribution du nucléaire à l'approvisionnement futur en énergie à l'échelle planétaire sera restreinte en raison d'un manque de capacité de la chaîne d'approvisionnement existante. Elle se heurtera également aux difficultés associées à sensibilisation des pays émergents à l'importance des vastes programmes de surveillance réglementaire et d'examen par les pairs qui sont essentiels au respect des normes de sécurité et des traités de non-prolifération.

Dans l'ensemble, les possibilités de prospérité économique pour le Canada valent largement le coût par rapport aux difficultés associées à la réalisation de ses objectifs, d'autant plus que nous contribuerions ainsi à réduire les tensions géopolitiques en facilitant l'approvisionnement en énergie durable.

Pour ce faire, le gouvernement du Canada devrait donner suite sans tarder à son intention annoncée de restructurer EACL. Par ailleurs, l'industrie nucléaire devrait trouver des solutions à son incapacité chronique de réaliser des projets en respectant les délais et les budgets de manière à porter son rendement commercial à un niveau de qualité aussi élevé que ses activités techniques et son dossier en matière de sécurité.

Voilà qui résumait très bien à mon avis une journée de discussions entre experts de l'industrie.

Enfin, j'aimerais conclure en vous exposant mon point de vue sur notre situation actuelle, surtout dans le contexte de la partie 18 du projet de loi C-9. J'estime appropriée la politique annoncée par le gouvernement qui souhaite réorganiser EACL et en assurer la commercialisation avec l'aide de capitaux privés. Je crois toutefois que le gouvernement devrait conserver certains intérêts dans l'entreprise, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, le secteur énergétique peut jouer un rôle très important dans une perspective géopolitique. Ainsi, l'énergie nucléaire et les propriétés uniques de la technologie CANDU permettent au Canada de se retrouver dans une position fort avantageuse à ce chapitre dans le contexte mondial. Nous aimons nous considérer comme un pays capable d'apaiser les tensions à l'échelle planétaire. L'énergie constitue l'un de ces points de tension et la technologie CANDU représente une piste de solution offrant d'extraordinaires possibilités qui ne sont pas accessibles par ailleurs. C'est pour cette raison que le gouvernement devrait envisager sérieusement la possibilité de conserver un intérêt commercial minoritaire lorsque l'entreprise aura été capitalisée par d'autres moyens.

Le processus proposé dans le projet de loi est tout à fait approprié. Le temps file. Il est vraiment regrettable que l'Ontario n'ait pas pris une décision davantage favorable à EACL et à CANDU. Les choses étant ce qu'elles sont, la valeur de l'entreprise est inférieure aujourd'hui à ce qu'elle était hier, et elle vaudra encore moins cher demain. C'est un actif en pleine décroissance et il importe d'agir rapidement. Je suis donc favorable au processus de prise de décisions préconisé dans le projet de loi C-9.

Le président : Merci, monsieur Carr. Je présume que vous faisiez référence à la division d'EACL s'occupant de production d'énergie électrique.

M. Carr : Tout à fait.

Le président : Et non pas à l'autre secteur d'EACL qui s'occupe de recherche et de production d'isotopes.

M. Carr : Oui. J'ai bien mon opinion au sujet de la question des isotopes à la lumière des conversations que j'ai pu avoir à gauche et à droite, mais ce n'est certes pas un avis d'expert du secteur des isotopes médicaux.

Le président : Vous avez indiqué très clairement que cette technologie offre de formidables possibilités et que vous souhaiteriez que le gouvernement conserve un certain intérêt dans l'entreprise, quelle que soit la forme qu'elle prendra après la restructuration.

M. Carr : Effectivement.

Le président : Vous êtes conscient que le projet de loi offre des possibilités de dissolution, liquidation ou fusion? Tout cela est prévu.

M. Carr : Oui.

Le sénateur Baker : Comme le président vient de le signaler, le projet de loi équivaut en fait à un chèque en blanc, car il laisse le gouvernement complètement libre de prendre la décision qui lui conviendra; il peut créer une nouvelle société, liquider les actifs, fusionner l'entreprise ou la dissoudre.

Je vous demande à tous les deux si vous avez une idée de ce que le gouvernement va faire. Quelles sont d'après vous les intentions du gouvernement?

M. Purchase : Je crois que le projet de loi reflète l'incertitude qui existe quant aux transactions possibles; personne ne peut prédire ce qui va se passer. Nous savons bien ce que nous souhaitons réussir quant à l'accès aux marchés étrangers et à la consolidation de l'entreprise par divers moyens, mais personne ne sait vraiment ce que l'avenir nous réserve.

Je conviens que l'on puisse trouver un peu choquant le libellé du projet de loi que l'on peut très facilement assimiler à un chèque en blanc, comme vous l'avez fait valoir.

Cela dit, je n'arrive pas — et peut-être que M. Carr sera d'un avis différent — à m'imaginer qu'on puisse le rendre plus contraignant tout en permettant un relevé détaillé de tous les débouchés possibles. Je ne crois pas qu'il y ait nécessairement un intérêt si grand, malgré le potentiel énorme de cette industrie et la qualité technique de bon nombre des actifs dont il est question ici.

Même si l'on peut s'offusquer à la lecture de ces dispositions, je comprends la situation dans laquelle est placé le gouvernement qui s'efforce d'abord et avant tout de trouver une solution. J'aurais plutôt tendance à demander des explications à la fin du processus, à faire intervenir une entité indépendante pour l'examen de la transaction et l'obtention d'un avis au sujet des mesures prises. A-t-on effectivement apporté toutes les améliorations souhaitées en permettant d'exploiter le plein potentiel des actifs nucléaires du Canada?

Je miserais sur une analyse en fin de processus, plutôt que d'imposer des contraintes préalables à toute transaction.

Le sénateur Baker : Monsieur Carr, quelles seraient selon vous les intentions du gouvernement? Vous nous avez expliqué ce que vous souhaiteriez voir, mais que pensez-vous que le gouvernement compte faire?

M. Carr : Je pars de l'hypothèse que le gouvernement entend donner suite au conseil reçu dans le rapport produit par Rothschild en décembre 2009 où l'on faisait état de deux ou trois objectifs à atteindre. Je suis plutôt d'accord avec ce qu'a dit M. Purchase. Je considère ce projet de loi comme une mesure habilitante et je sais qu'il s'agira d'une structure complexe. Il ne serait pas logique de vouloir se limiter quant à la forme que pourrait prendre cette structure à cette étape-ci du processus.

J'aborderais la chose d'un angle différent. J'ai entendu bien des gens faire valoir que le gouvernement n'avait pas besoin de la partie 18 ni de toute autre mesure législative semblable. Le gouvernement est propriétaire d'EACL; il devrait pouvoir la vendre. Je n'ai pas besoin de la permission de qui que ce soit pour vendre les choses qui m'appartiennent. M. Purchase pourrait peut-être nous en dire davantage à ce sujet, car il était sous-ministre lorsque le gouvernement de l'Ontario a voulu vendre Hydro One pour voir le processus s'enliser complètement devant un juge lorsque quelqu'un a demandé une injonction en faisant valoir que le gouvernement ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour procéder à cette transaction. Je considère presque la partie 18 comme une mesure d'ordre administratif qui vise à préciser que le gouvernement est bel et bien autorisé à faire ce qu'il veut avec cet actif qui lui appartient.

Le sénateur Baker : Monsieur Carr, vous avez recommandé de façon très explicite que le gouvernement conserve un intérêt minoritaire, pour reprendre votre expression.

M. Carr : C'est exact.

Le sénateur Baker : Pourquoi suggérez-vous simplement un intérêt minoritaire alors que vous savez très bien que l'un des concurrents dans ce marché, AREVA, appartient à l'État dans une proportion de 78 p. 100? Pourquoi voudriez-vous que le Canada se limite à une minorité des parts?

M. Carr : Pour le bien de la technologie, de l'économie canadienne et de l'entreprise, il faut d'abord et avant tout injecter ce que j'appelle du capital ayant des visées commerciales. Autrement dit, la production d'énergie nucléaire n'est pas un service social; c'est une entreprise. Ce sont donc les capitaux privés qui sont les mieux à même de s'en charger.

Je suggère donc un intérêt minoritaire pour ne pas apeurer les investisseurs commerciaux, qui détestent se retrouver en position minoritaire. Pour qu'une personne veuille investir, il faut lui offrir le contrôle commercial, une position majoritaire.

Si je propose que le gouvernement conserve certains intérêts, c'est pour des motifs non commerciaux. De nombreuses considérations géopolitiques sont associées à l'énergie nucléaire et, en toute franchise, le gouvernement du Canada pourrait en faire très bon usage au sein de la diplomatie internationale. Il ne s'agit pas de questions commerciales. Il s'agit de calmer certaines tensions à l'échelle planétaire. Il s'agit de fournir de l'énergie à des pays comme l'Inde qui en ont de plus en plus besoin. Si toute cette énergie était générée de façon conventionnelle, comme c'est le cas actuellement, avec le pétrole et le charbon, notamment, il s'ensuivrait des effets marqués sur la balance des paiements internationaux et sur les transferts de richesse entre les pays du monde, ce qui ne manquerait certes pas de causer des tensions encore plus grandes.

Je pourrais vous expliquer ce point de vue plus en détail si vous le souhaitez, mais j'estime que les particularités, le caractère unique et les caractéristiques techniques découlant de la flexibilité du cycle nucléaire CANDU en font un outil puissant pour le maintien de la paix et pour l'atténuation des tensions géopolitiques. Je crois que ce sont là des résultats auxquels n'importe quel gouvernement souhaiterait être associé, d'où l'importance de conserver un certain niveau de contrôle.

Il faut également tenir compte du fait que l'énergie nucléaire, en raison de ses liens avec les traités de non-prolifération entre autres, exige inévitablement certaines interactions directes entre les États toutes les fois qu'une transaction doit être conclue. Ainsi, le premier ministre de l'Inde a rencontré il n'y a pas très longtemps son homologue canadien pour discuter d'énergie nucléaire. On n'a pas parlé des réacteurs CANDU, mais il était néanmoins question de nucléaire.

Dans le cadre du nouveau régime de propriété, l'efficacité de la technologie CANDU bénéficiera assurément du soutien du gouvernement du Canada, d'où la nécessité de maintenir un intérêt minoritaire.

Le sénateur Baker : Avez-vous entendu parler du processus CANDU utilisé pour le nettoyage? C'est l'une des nouvelles technologies au sein de l'industrie. Si j'ai bien compris, elle a été développée à la faveur des contrats conjoints conclus par EACL avec AREVA au fil des ans dans différents endroits du monde, en reconnaissance du fait qu'une grande industrie ne se limite pas à la construction ou à l'acquisition de réacteurs, mais se charge également d'en assurer la rénovation et l'entretien. Je croyais que nous nous étions assurés d'une bonne part de ce marché pour l'avenir, car nous offrons actuellement ce service de nettoyage au moyen d'un robot dans le cadre de nombreux contrats conclus avec différents pays. Vous parlez toutefois d'un actif qui perd de la valeur.

M. Carr : L'actif en question, c'est EACL. La plupart des entreprises commerciales sont évaluées en fonction de leur carnet de commandes, autrement dit des revenus que l'on peut compter en tirer au cours des années à venir. En l'absence d'un carnet de commandes, l'acheteur potentiel va procéder à certaines estimations, mais cela demeure uniquement des estimations. Le carnet de commandes y sera toujours préférable.

EACL n'a pas un carnet de commandes bien rempli. À mon sens, son principal actif réside dans la propriété intellectuelle, laquelle est surtout le résultat du travail de son capital humain. Mais ces gens vont partir à leur retraite ou déménager. L'entreprise est incapable d'obtenir des commandes, en partie en raison d'un manque de confiance en l'avenir et en partie à cause de l'inaction du gouvernement quant aux garanties à offrir pour la suite des choses. Ces mêmes motifs expliquent l'exode des employés. En fin de compte, il ne reste plus rien.

Le temps presse. EACL est un actif en décroissance dans l'état actuel des choses, notamment en l'absence d'un carnet de commandes et du fait que sa principale ressource est donc la propriété intellectuelle.

Le sénateur Baker : Avez-vous noté le nombre de litiges entre EACL et AREVA devant les tribunaux récemment?

M. Carr : Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Runciman : Merci de votre présence ce soir. Vous avez tous deux mentionné l'absence d'une décision en Ontario. Je me demandais à quel moment vous croyez que l'Ontario devrait se brancher à la lumière de votre expertise et de votre connaissance approfondie des besoins de la province en matière d'énergie.

À quel moment estimez-vous que la province devra absolument prendre une décision à ce sujet? Qu'en pensez-vous?

M. Purchase : Si je puis m'exprimer ainsi, l'Ontario peut se compter chanceuse que la récession lui ait offert une certaine marge de manœuvre quant à la décision de construire ou non une nouvelle centrale nucléaire et de rénover celles qui existent déjà, car tout le monde est en attente de cette décision. Si l'on choisit de construire une nouvelle centrale, on ne va pas rénover certaines des installations les plus âgées comme celle de Pickering B, par exemple.

Aucun projet ne peut aller de l'avant, mais on parle ici de 50 p. 100 de l'approvisionnement en électricité de l'Ontario. D'un point de vue technologique, la rénovation n'est pas nécessairement chose facile. Nous en avons par exemple fait l'expérience lors de la rénovation de la centrale Pickering A. Deux des unités rénovées ne fonctionnent pas encore à pleine capacité.

On me dit également qu'il y a des problèmes à la centrale nucléaire Bruce. Toutes ces difficultés s'accumulent. Tôt ou tard, ces installations en viendront à flancher, ce qui nous fait courir un grand risque car nous avons énormément misé sur le nucléaire en Ontario. Nous disposons de peu de temps pour régler ces problèmes. Je crois que l'on peut maintenant conclure que le ACR-1000 ne sera tout simplement jamais construit, mais peut-être que l'on ira de l'avant avec CANDU 6 évolué. Si on décide de le construire, il faudra respecter certains délais car une partie des centrales existantes auront probablement cessé leurs activités. Il y a donc un facteur de synchronisation à considérer, ce qui fait qu'il sera tout aussi important de respecter les budgets et les échéanciers, car ceux-ci sont plus cruciaux que certaines gens peuvent le penser.

Le sénateur Runciman : Comment cette démarche peut-elle se situer par rapport à l'engagement de fermer les centrales au charbon et aux nouvelles exigences du gouvernement fédéral en la matière?

M. Purchase : Le charbon est la ressource qui a toujours servi de solution de repli pour l'Ontario lorsque les centrales nucléaires ne fonctionnent pas. C'est l'une des raisons pour lesquelles nos niveaux d'émission ont grimpé à la fin des années 1990 lorsque plusieurs centrales nucléaires ont dû cesser leurs activités, ce qui nous a obligés à avoir recours à une plus grande quantité de charbon. Il va de soi que nos émissions de CO2 entre autres ont fortement augmenté au cours de cette période, mais le charbon n'en a pas moins démontré son utilité comme solution de rechange. Je ne suis pas tout à fait convaincu, l'avenir nous le dira, que l'on cessera un jour d'utiliser le charbon. Il s'agit de questions fort complexes et nous ne pouvons absolument pas nous passer d'électricité. Nous ne nous facilitons pas les choses en créant beaucoup d'incertitude quant à l'avenir de l'approvisionnement en électricité en Ontario.

Le sénateur Runciman : Je me souviens de conversations au sujet de la décision de l'Ontario et de questions posées au Parlement ontarien quant à l'avenir de CANDU et d'EACL si l'Ontario ne choisit pas le réacteur canadien. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez. Est-ce que cela serait le clou dans le cercueil pour EACL? Comme vous le savez, l'Ontario a demandé à d'autres soumissionnaires de se manifester; je crois qu'il y en a eu deux ou trois qui ont répondu au départ à la demande de propositions. Dans quelle mesure est-il primordial que l'on opte effectivement pour le CANDU quand l'Ontario prendra enfin sa décision?

M. Purchase : Je suis persuadé que M. Carr voudra se prononcer également, mais j'estime que c'est absolument essentiel pour l'avenir du réacteur ACR. Si nous ne prenons pas le risque de construire ce réacteur au Canada — et je ne suis pas en train de dire que nous devrions le faire, car je ne connais pas tous les détails —, je doute fort qu'un autre pays le fasse. Il existe peut-être un créneau de marché pour le réacteur CANDU 6 évolué, car c'est une technologie qui offre certaines caractéristiques intéressantes, comme l'indiquait M. Carr. Je crois que nous pourrions être présents dans un certain créneau. J'aimerais que nous soyons plus actifs afin de démontrer que cela est possible.

Je n'entrevois aucun avenir pour l'entreprise sans le recours à la technologie de troisième génération.

Le sénateur Runciman : Et sans une décision de l'Ontario.

M. Carr : Je vais vous présenter un point de vue plus favorable. Je disais que l'Ontario aurait pu être d'un grand secours et il va de soi que c'est en passant une commande pour la construction d'un nouveau réacteur que la province aurait été le plus utile. Pour répondre à votre question au sujet de l'échéance, sénateur Runciman, c'était il y a deux ans. Le délai de construction est de 10 ans, et c'est dans huit ans que nous devrons remplacer 500 mégawatts d'énergie nucléaire.

L'Ontario a pris une décision pour ses propres raisons que je ne connais pas, car je n'étais plus dans le portrait à ce moment-là. Selon certaines rumeurs, c'est à cause du prix trop élevé. Je peux en tout cas vous assurer que le processus d'approvisionnement ne convenait pas du tout. Si quelqu'un avait essayé de concevoir un processus pour faire grimper le prix, il n'aurait pas pu mieux faire. Je ne suis pas étonné que le prix ait fait reculer tout le monde. En ce sens, je ne critique pas le gouvernement de l'Ontario pour son inaction.

Cela dit, et compte tenu du fait, comme le gouvernement l'a lui-même indiqué, que la seule entreprise à satisfaire, tout au moins partiellement, aux exigences de la demande de propositions était EACL. On peut affirmer que c'est l'équipe locale. On compte quelque 30 000 employés qui vivent en Ontario et paient des impôts à la province. Ne croyez-vous pas que l'on aurait pu présenter les choses de façon légèrement plus positive pour bonifier la valeur de l'entreprise alors même que l'on s'efforçait d'optimiser cette valeur aux fins de sa privatisation?

Mes critiques ne visent pas tant la décision prise par l'Ontario ou le moment choisi mais, en toute franchise, le fait qu'on ait opté pour faire timidement l'éloge d'EACL alors qu'on avait l'occasion d'améliorer les choses pour tout le monde.

Le sénateur Runciman : Monsieur Purchase, vous avez parlé de quatre acheteurs possibles pour EACL : AREVA, Westinghouse, General Electric, et un consortium d'entreprises canadiennes. J'ai entendu ce matin que les médias québécois faisaient état d'une déclaration d'AREVA indiquant un manque d'intérêt à ce chapitre parce qu'il s'agit d'un pari trop gros pour l'entreprise. Avez-vous un commentaire à ce sujet?

M. Purchase : J'ai déjà écrit quelque chose à ce propos, il y a environ 18 mois, peut-être deux ans. Je croyais à l'époque qu'AREVA serait intéressée à acquérir EACL. Je suppose que l'entreprise a dû changer d'avis en considérant ce qu'elle achèterait vraiment, dans l'état actuel des choses. Le marché canadien n'est pas très grand. Si vous faites l'acquisition de l'entreprise, combien de nouveaux réacteurs allez-vous construire pour le Canada? Le marché ontarien ne semble assurément pas très solide pour l'instant. Dans l'Ouest canadien, il n'y a pas beaucoup d'intérêt non plus, en Alberta ou en Saskatchewan. Le Nouveau-Brunswick pourrait être intéressé, mais je ne pense pas que ce soit pour bientôt, car la province devrait exporter une large proportion de l'énergie qu'elle produirait.

Le sénateur Runciman : AREVA tente de s'en mêler là-bas également.

M. Purchase : Il ne semble pas y avoir beaucoup de projets viables sur le marché canadien. Ce sera peut-être éventuellement le cas, peut-être à la faveur d'une vaste politique publique qui nous orientera en ce sens — une forme quelconque de prix pour le carbone ou une mesure semblable. Pour l'instant, le marché semble toutefois très peu actif. Il est donc moins urgent de procéder à une acquisition si le but visé est l'accès au marché canadien.

Je crois qu'il y a plus de chances que l'on en arrive à une entente avec un pays, comme l'Inde, de gouvernement à gouvernement, directement, et peut-être même avec la Chine. L'Inde semble être une avenue plus prometteuse parce que ce pays a amplement eu recours à la technologie de l'eau lourde et l'utilise encore. Il faut se rappeler que la plupart de ces pays offrant d'immenses marchés en forte croissance souhaitent disposer de leur propre technologie. Je pense que nous pouvons les aider à ce chapitre, mais ils voudront posséder leur propre entreprise.

Le sénateur Runciman : Dans quelle mesure toutefois une telle transaction serait-elle acceptable du point de vue politique?

M. Purchase : Nous semblons avoir effectué un virage dans quelques-uns de ces dossiers touchant la prolifération et les armes nucléaires.

Cependant, c'est la manière de fonctionner avec les actifs de ce type. Il ne s'agit pas de simples terminaux BlackBerry. Les clients sont complètement différents et ne font pas des achats impulsifs. Ils prennent le temps de réfléchir. Ils ont des plans pour la réalisation de certains objectifs et souhaitent que leurs grands projets d'infrastructure puissent aller de l'avant. Après tout, la construction d'une nouvelle centrale nucléaire n'est-elle pas un immense projet d'infrastructure? On souhaite miser sur ces projets afin d'en optimiser les retombées pour l'économie locale.

Le sénateur Mitchell : Vous avez déjà pas mal répondu à cette question, mais pourriez-vous nous résumer ce qui reste effectivement à EACL? Il y a un certain nombre de centrales, mais elles prennent de l'âge. Il y a la propriété intellectuelle, mais on peut tout au moins s'interroger sur la valeur du ACR-1000. L'ancienne technologie CANDU semble toujours fonctionner, mais elle n'est pas de la plus récente génération. Lorsqu'on enlève tout cela, que reste-t-il en fait à vendre et combien pourrons-nous en tirer de toute manière?

M. Carr : Je ne sais pas quel prix on pourrait obtenir. Quant à ce que nous vendrions, il faut tout d'abord préciser qu'EACL ne possède aucune centrale; elle possède uniquement la technologie. Et la technologie, c'est de la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle prend la forme de brevets et d'instruments semblables, mais il n'est pas nécessaire d'acheter une entreprise pour pouvoir utiliser ces brevets. Il suffit entre autres de conclure un contrat de licence. En fin de compte, vous vous retrouvez à acheter des gens. Vous achetez des cerveaux. Vous achetez les ressources humaines. Il me semble que c'est à cela que se résume la valeur d'EACL.

Le sénateur Mitchell : Et si on laisse partir ces travailleurs?

M. Carr : Si on les laisse partir, il ne reste plus rien et c'est exactement ce que je veux faire valoir. Lorsqu'une entreprise est en difficulté, que ses actionnaires ne prennent pas de décision quant à l'orientation à prendre, que l'on tarde à aller de l'avant assez rapidement avec une politique annoncée, il se crée un climat d'incertitude qui incite ses employés à aller travailler ailleurs et ses clients à ne plus passer de commandes.

Le temps presse. Si l'on n'agit pas rapidement, cet actif sera gaspillé. Je préfère ne pas parler de modèles particuliers comme le ACR-1000 ou le CANDU 6 qui ont de toute évidence leur importance, notamment au niveau de la valeur commerciale. Je m'intéresserais plutôt de façon plus générale à l'efficacité de la technologie. Je suis persuadé que si EACL devait cesser ses activités en emportant avec elle la marque CANDU, quelqu'un d'autre nous arriverait avec exactement la même technologie sous un nom différent. Pour quelle raison? Parce que c'est une technologie très efficace. M. Purchase a parlé d'un créneau, mais c'est un créneau très important.

Il faut d'abord préciser que l'on utilise de l'uranium naturel, plutôt que de l'uranium enrichi. C'est une considération extrêmement importante pour la Turquie ou un autre pays non aligné qui souhaiterait avoir accès à l'énergie nucléaire, ce qui est nécessaire pour une économie en pleine croissance. Certains de ces pays n'ont aucune autre source d'énergie et ne veulent pas importer d'hydrocarbures, car cela entraîne d'autres complications, notamment au chapitre des devises étrangères.

Les réacteurs utilisant de l'uranium naturel, comme le CANDU, peuvent également servir à la combustion du carburant utilisé par les réacteurs à l'uranium enrichi, les produits de tous nos concurrents. C'est un peu comme la boîte bleue de recyclage de l'industrie nucléaire. Il est possible que ces propriétés puissent intéresser AREVA. Pour quelle raison? Parce qu'il y a là-bas des installations utilisant du carburant enrichi. Je ne me souviens plus du ratio exact, mais je crois que c'est un réacteur CANDU pour trois réacteurs conventionnels, si l'on veut optimiser l'utilisation du carburant nucléaire. C'est une mesure qui s'inscrit bien dans la logique d'un portefeuille d'investissements.

Les aspects commercialisation et développement posent une problématique différente. Ce n'est pas chose facile. Je suis tout à fait d'accord avec l'analogie que fait M. Purchase avec le terminal BlackBerry; il a absolument raison. Voilà l'avenir. C'est ce que vous achetez.

En outre, je ne voudrais pas dénigrer les scientifiques, les ingénieurs et leur savoir-faire, mais il faut bien avouer que bon nombre de ces connaissances sont de nature générale, en ce sens qu'elles ne sont pas reliées uniquement à la technologie CANDU. Si vous pouvez faire l'acquisition d'une entreprise disposant de ces ressources, c'est aussi l'occasion pour l'industrie nucléaire canadienne de se développer en dehors du CANDU. On n'a pas à se limiter au CANDU. Nous disposons de compétences et de savoir-faire en technologie nucléaire que nous pouvons certes utiliser pour d'autres applications. Il faut toutefois pour ce faire des efforts de marketing, des investissements commerciaux, une vision et une orientation organisationnelle. Ce sont les possibilités que j'entrevois et les raisons pour lesquelles un investisseur pourrait être intéressé.

Le sénateur Mitchell : En écoutant votre description, je constate avec stupeur que si AREVA ou une autre société étrangère devait acheter EACL, elle n'aurait aucune motivation à laisser quoi que ce soit au Canada, y compris les 30 000 emplois qu'on y offre actuellement. Parallèlement à cela, je m'interroge au sujet d'une préoccupation soulevée devant un autre comité auquel je participe concernant l'aspect recherche et développement et la façon dont on pourra maintenir les efforts à ce niveau si le gouvernement n'a pas un intérêt direct dans le dossier.

M. Carr : C'est justement ce que je dis. J'ai parlé d'un intérêt minoritaire, et j'ai expliqué mes motifs en réponse à la question précédente du sénateur.

Je crois que vous avez raison, mais je ne pense pas que les gens soient aussi mobiles qu'on puisse le croire. Si EACL est achetée par AREVA, combien de travailleurs vont partir de Mississauga pour aller s'installer à Paris?

Le sénateur Mitchell : C'est peut-être la raison pour laquelle AREVA n'en fera pas l'acquisition.

Merci pour vos intéressantes réponses. Si le gouvernement français détient 78 p. 100 des parts d'AREVA, pourquoi un gouvernement canadien ne pourrait-il pas posséder une bonne partie d'EACL? Nous avons des tonnes d'expérience. Je suis de l'Alberta. Le gouvernement fédéral a investi énormément dans les sables bitumineux. Sans cela, on ne se serait jamais approché du niveau de développement actuellement atteint. Juste au moment où la technologie nucléaire et sa capacité de production d'énergie prennent leur envol partout sur la planète, sous la poussée du changement climatique, un phénomène que ce gouvernement n'est pas suffisamment disposé à reconnaître, nous allons nous retirer de ce secteur. D'autres pays et d'autres grandes sociétés étatiques présentes dans cette industrie vont tirer avantage de cette possibilité que nous aurions pu finalement exploiter. Il nous suffit de convaincre l'Ontario et quelques autres instances pour nous donner un véritable marché intérieur. On n'est jamais vraiment parvenu à le faire. Cela pourrait nous servir de tremplin.

M. Carr : Nous avons vu avec le Canadien National, Air Canada et Petro-Canada des exemples de privatisations organisées et échelonnées qui comprenaient entre autres des émissions publiques de titres pour la population canadienne. Le recours à des capitaux privés ne se traduit pas nécessairement par une vente à AREVA. En fait, nous pourrions être surpris de constater que l'investisseur potentiel ne s'est pas encore manifesté parce que la transaction pourrait s'inscrire dans un achat de portefeuille pour une entité quelconque. Les consortiums sont beaucoup plus souples et novateurs parfois que les entreprises déjà existantes sur le marché.

M. Purchase : La meilleure analogie avec les sables bitumineux nous vient de Cameco dans le secteur de l'uranium. Cette entreprise de renommée internationale détient 25 p. 100 du marché ou quelque chose du genre.

En misant au départ sur la ressource, il est possible de développer l'expertise. Peu importe que cela provienne du secteur gouvernemental ou de n'importe où ailleurs. L'important c'est qu'on en vienne à pouvoir livrer concurrence sur les marchés mondiaux.

EACL est une société technologique qui livre concurrence sur le marché planétaire. C'est partiellement attribuable à la qualité de la technologie en question, mais il faut également dire que c'est un marché dominé par les gouvernements où les décisions ne sont pas prises uniquement en fonction de la rentabilité commerciale. Elles sont prises pour une kyrielle d'autres raisons et, dans le cas qui nous intéresse, pour des considérations géopolitiques.

Sommes-nous capables de bien soutenir la concurrence sur ce marché? À mon sens, cela s'apparente plus aux efforts à déployer pour vendre des armements perfectionnés à l'échelle internationale, bien que nous ayons connu un certain succès jusqu'à maintenant dans la vente de nos réacteurs. Cependant, pour la suite des choses, il faudra compter dans une large mesure sur l'intérêt de pays comme l'Inde, la Chine, la Corée du Sud et quelques autres. Cela exige des efforts de commercialisation totalement différents. Bien d'autres formes de décisions ou de considérations entrent en ligne de compte. Pour être actif sur ce marché, il faut être disposé à faire le nécessaire et pouvoir compter sur un poids politique suffisant.

Je ne crois donc pas que ce soit entièrement la même chose. Autrement dit, la situation est un peu différente lorsqu'on compare cette entreprise à ce qui pourrait se passer avec Cameco, par exemple, si cette société appartenait toujours au gouvernement.

Le sénateur Marshall : Un grand merci, messieurs, d'avoir bien voulu comparaître devant nous ce soir.

D'autres témoins qui sont venus discuter de cette question ont parlé des importantes sommes d'argent investies par le gouvernement dans EACL. À la lumière de vos commentaires, j'ai l'impression qu'on ne sera certes pas capable de récupérer tout cet argent. Dans quelle mesure pourra-t-on vraiment obtenir quelque chose? Est-il probable ou possible que l'on se retrouve avec rien du tout?

À l'heure actuelle, même si M. Carr a parlé d'un actif en décroissance, le gouvernement continue d'y investir de l'argent. Quel est le point de bascule à partir duquel on s'attend à ne plus rien obtenir en retour et à devoir en faire cadeau ou même à payer quelqu'un pour qu'il le prenne? Qu'en pensez-vous?

M. Carr : J'estime que les risques que l'on ait à en faire cadeau augmentent quotidiennement. C'est la nature même d'un actif en décroissance; un jour ou l'autre, il en vient à ne plus rien valoir. Je ne crois pas que nous en soyons encore là.

Quant aux sommes qui y ont été investies, c'est un peu difficile de s'y retrouver car EACL n'est malheureusement pas structurée comme une entreprise conventionnelle. Sa structure financière s'apparente davantage à celle d'un ministère du gouvernement. Ses pratiques comptables sont plutôt bizarres du point de vue du secteur des affaires. Par conséquent, il est difficile de déterminer exactement combien d'argent le gouvernement y a investi, surtout si vous considérez qu'il y a deux entités sous une même enveloppe — le volet recherche de Chalk River et la division responsable de la production d'énergie nucléaire, sur laquelle portent nos commentaires de ce soir.

D'ailleurs, toutes les analyses dont j'ai pris connaissance indiquent que cette dernière division réalise des profits, lesquels compensent dans une large mesure l'argent perdu du côté de la recherche. Bien évidemment, l'argent du gouvernement va aussi à cette division pour que toutes les choses soient égales et que l'on puisse notamment équilibrer les flux de trésorerie.

Je crois que, sauf l'an dernier, la division des centrales nucléaires a généré un profit modeste. Par contre, le résultat pourrait être différent si la comptabilité appropriée était effectuée. Je ne sais pas si le rendement des investissements a été confirmé. Une certaine ambiguïté persiste.

Le sénateur Marshall : Je crois comprendre que le gouvernement n'arrête pas d'investir, mais il n'y a aucun rendement.

M. Carr : N'est-ce pas dans la nature des ministères d'investir?

M. Purchase : En économie, on dit qu'il faut faire une croix sur les coûts irrécupérables. Il ne faut pas investir pour récupérer les coûts engloutis. Même s'il s'agit d'un bon principe pour mener les affaires, c'est, d'après mon expérience, beaucoup plus dur à réaliser en politique et cela peut causer des problèmes.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Carr, venez-vous de dire qu'EACL a fait des profits?

M. Carr : Rothschild a effectué des analyses, publiées en décembre. Je ne suis pas certain d'avoir cette information sous la main. J'ai cependant imprimé certains extraits du rapport.

EACL n'a pas de renseignements financiers historiques pour CANDU Inc.

Cette division constitue la moitié de ce qui nous intéresse. Voici un autre extrait :

Toutefois, par le passé, elle a déclaré les revenus et les charges de la division des réacteurs CANDU, qui ressemblent de près aux renseignements financiers sur CANDU Inc.

Le tableau suivant présente les états des résultats historiques pour la division des réacteurs CANDU. Il y a lieu de préciser que la perte nette subie en 2009 est principalement attribuable aux dépassements des coûts au titre des contrats de remise en état.

C'est seulement en 2009 qu'il y a eu une perte. Il est vrai que, compte tenu de l'importance des investissements, le bénéfice net n'est pas très impressionnant, mais il n'y a pas de déficit.

Le sénateur Ringuette : Exactement. On m'a dit que les revenus générés par les divisions d'EACL étaient versés au Trésor du gouvernement du Canada. Je dois vérifier cette information.

M. Carr : Je ne suis pas spécialiste, mais je peux vous dire qu'EACL n'est pas financée comme une société conventionnelle. En effet, l'organisme est financé comme un ministère, ce qui confirmerait vos dires.

Le sénateur Ringuette : Effectivement. J'abonde dans votre sens. Vous dites que les technologies CANDU, qui ont été améliorées, sont très bonnes. En raison de questions environnementales et de l'augmentation de la demande d'électricité, vous affirmez que nous avons une très belle occasion de nous servir de ces technologies. Notre façon de voir les choses s'apparente-t-elle à jeter le bébé avec l'eau du bain?

Je pense qu'il y a un grand potentiel, mais des problèmes de mise en marché pourraient survenir. Ce potentiel peut être exploité par différents moyens, comme l'établissement d'un nouveau partenariat. Selon votre expertise, monsieur Carr, que faut-il faire afin qu'EACL devienne un bon investissement pour les Canadiens?

M. Carr : Je pense qu'il faut procéder à une restructuration commerciale. Je répète qu'EACL doit être financée par du capital de nature commerciale. Les fonds nécessaires ne viendront jamais du secteur public. C'est aussi simple que cela.

Jusqu'à ce que la question du financement soit réglée, il est inutile d'amorcer les discussions sur les sommes à investir, car ce n'est pas seulement une question de quantité; c'est aussi une question de provenance des fonds, de motivations des investisseurs et de plans. Voilà ce qui va décider du succès de l'organisme. Ce ne sont pas les fonds illimités consentis pour des projets à risque.

Le sénateur Ringuette : AREVA, dont l'État est le propriétaire majoritaire, semble tirer son épingle du jeu.

M. Carr : En effet.

Le sénateur Ringuette : Je ne comprends pas pourquoi les Canadiens ne pourraient pas en avoir autant pour leur argent.

M. Carr : Si vous me permettez, la République française se démarque grandement de la plupart des autres pays du monde dans le domaine des affaires.

Le sénateur Murray : Excusez-moi, monsieur Carr, je suis arrivé lorsque vous terminiez votre réponse. Vous avez dit qu'il est préférable de ne pas essayer d'imposer des conditions au gouvernement dans le projet de loi. Je pense que je suis d'accord avec vous, parce que je ne saurais pas comment déterminer les conditions appropriées.

Cela ne règle toutefois pas le problème perçu par certaines personnes et moi lorsqu'on donne carte blanche au gouverneur en conseil pour qu'il restructure, fusionne ou démantèle une partie ou l'ensemble d'EACL. J'ai consulté la loi adoptée en 1946, le hansard, et cetera. Nos prédécesseurs se sont servis du pouvoir déclaratoire, parce que c'était un ouvrage à l'avantage général du Canada.

Avez-vous bien suggéré de mettre sur pied un groupe d'experts qui, une fois l'entente conclue, pourraient dire si le gouvernement a fait du bon travail?

M. Carr : C'était la suggestion de M. Purchase.

Le sénateur Murray : Eh bien, ce n'est pas très rassurant pour certains d'entre nous, qui sont préoccupés du fait que le Cabinet a toute la latitude désirée dans le dossier et qui estiment que les parlementaires que nous sommes devraient avoir la chance de se prononcer sur le sujet avant qu'une entente soit finalement conclue.

M. Purchase : Comme vous, je ne saurais pas très bien comment déterminer les conditions à imposer au début des négociations...

Le sénateur Murray : Nous avons privatisé Air Canada, le CN et Petro-Canada à certaines conditions. On pourrait faire la même chose. Je ne cherche pas à imposer des conditions dans la loi. Je veux qu'un organisme, de préférence le Parlement, conserve une certaine autorité sur le gouverneur en conseil, soit le ministre des Finances, qui a une vision plutôt unidimensionnelle de la chose. Je ne le blâme pas, étant donné ses fonctions, mais il est venu nous dire, il y a deux ou trois semaines, qu'EACL perd de l'argent. Je comprends son point de vue, mais c'est plus complexe que cela.

M. Purchase : J'espère qu'une fois l'entente conclue, on examinera ce qu'a fait le gouvernement, qui doit donner toute l'information nécessaire. Et qu'on ne me dise pas que de l'information commerciale de nature délicate ne peut pas être communiquée au groupe d'experts ou à la vérificatrice générale. Il faut qu'une entité complètement indépendante se prononce sur la qualité de l'entente et l'atteinte des objectifs du gouvernement, qui, je crois, sont d'améliorer l'industrie nucléaire au Canada.

Je ne pensais pas que le gouvernement accepterait qu'un groupe de grands experts ou la vérificatrice générale puissent dire que l'entente n'a pas été profitable aux Canadiens. J'imagine que, si l'on sait que son travail sera passé en revue, on essaie d'être à la hauteur durant les négociations.

Le sénateur Murray : Je ne suis pas certain des objectifs du gouvernement. Voici les questions que je poserai à M. Paradis, qui comparaîtra demain ou après-demain. Le Cabinet vous a-t-il confié un mandat? En vertu de quel cadre stratégique allez-vous maintenant vous départir d'EACL ou prendre une autre décision?

Ces questions vous paraissent-elles appropriées?

M. Purchase : Tout à fait. Je pense que, dans deux ou trois documents que j'ai consultés, notamment dans le rapport Rothschild dont a parlé M. Carr, on énumère des conditions générales d'une entente. Si l'on s'en tenait uniquement à cela, ce serait loin d'être négligeable.

M. Carr : Pour bien nous comprendre, il y a trois conditions. D'abord, il faut viser la sécurité, la fiabilité et l'économie pour répondre aux besoins en énergie du Canada et tenir compte de l'environnement. Ensuite, il faut maîtriser les coûts du gouvernement et maximiser le rendement du capital investi. Enfin, il faut donner la chance à l'industrie nucléaire du Canada de saisir les occasions qui se présentent au pays et dans le monde.

Si je peux me permettre, nous nous sommes concentrés sur la capacité d'EACL de faire des progrès et de connaître du succès dans le monde, mais cette société et la technologie CANDU sont au cœur d'une industrie bien plus importante. En fait, EACL ne représente pas le gros du secteur, mais celui-ci ne peut pas réussir si EACL ne connaît pas du succès.

Le sénateur Murray : On nous l'a dit. Les responsables ont comparu. Je vous remercie.

Le président : Pourrions-nous avoir un exemplaire du document dont vous parlez?

M. Carr : Je n'ai que des extraits. Il s'agit du rapport Rothschild présenté à Ressources naturelles Canada, qui l'a affiché intégralement sur son site Internet.

Le sénateur Dickson : Nous en remettrons un exemplaire à tous.

Le président : Je vous remercie. Nous avons maintenant le document.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je veux faire un lien avec le fait que l'Ontario n'a pas procédé à cause de la récession. Est-ce qu'il n'y avait pas aussi une question de partage des risques pour les deux réacteurs? L'Ontario ne voulait pas financer la recherche d'un nouveau réacteur puisqu'il n'y en a pas eu depuis un certain temps. Il aurait fallu que le gouvernement fédéral et l'Ontario s'entendent sur une formule de partage des risques.

[Traduction]

M. Carr : C'est exact. Selon moi, il est plus que nécessaire que les gouvernements fédéral et provincial s'entendent là-dessus. En fait, je ne pense pas vraiment que la récession et la baisse de la demande d'électricité soient une bonne raison de ne pas relancer l'industrie nucléaire. Ce n'est pas la demande d'électricité qui justifie le besoin de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en Ontario, mais l'offre d'électricité. L'offre baisse, parce que les réacteurs actuels arrivent à la fin de leur vie utile.

Vous avez raison, sénateur, de dire que la décision de l'Ontario a été en partie influencée par le partage des risques. C'est pourquoi j'ai mentionné brièvement que le processus n'était pas approprié. On aurait gonflé le prix en demandant aux fournisseurs de prendre des risques. Ce ne sont que des rumeurs, car tout cela est prétendument secret. Néanmoins, je crois savoir que le soumissionnaire retenu était le seul à répondre aux conditions. Les autres ont affirmé que le projet était trop risqué.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma deuxième question porte sur le volet commercial. Vous parlez d'aide financière et de capital privé. Qui, dans tout le monde financier — après la débâcle du marché financier —, va financer et prendre le risque sur ses épaules? Vous avez dit qu'on doit garder une participation minoritaire, mais la structure de la transaction doit se faire en fonction du partage des risques. Dites-moi qui, sur cette planète, est prêt à investir — quel que soit le fonds de couverture et avec une participation minoritaire —, afin de développer la troisième ou la quatrième génération de la nouvelle filière? Comment allez-vous partager les risques pour les futurs réacteurs? Qui va payer? J'ai apporté les résultats de certaines études. Tout ce que j'ai lu à ce jour démontre que les nouvelles technologies n'ont pas été expérimentées ailleurs, ni en France, ni en Russie, ni au Japon. Qui va prendre ce risque sur le plan technologique?

À toutes fins pratiques, quand on parle d'investissements, est-ce qu'on ne dit pas que la France prend ces risques technologiques pour faire avancer le secteur nucléaire et fournir l'électricité à l'ensemble de l'Europe, y compris ses voisins, y compris l'Allemagne? Quand ils investissent, c'est en fonction de tout le marché européen.

J'aurais aimé que vous nous donniez plus de précision sur votre restructuration parce que vous parlez de capital privé. Quant à la sécurité des opérations et à la sécurité financière, sans la participation du gouvernement fédéral, je ne vois pas comment on peut faire la transaction.

[Traduction]

M. Purchase : Je suis d'accord avec vous, sénateur. Cependant, il paraît évident que l'entreprise privée s'intéresse au secteur. Le consortium formé par General Electric, Toshiba, Hitachi et Westinghouse entretient toutes sortes de relations avec les gouvernements du Japon et des États-Unis. Aucune centrale nucléaire du monde n'est construite, ou ne l'a jamais été, sans être fortement subventionnée par l'État. Avec une telle technologie, personne ne courra ce risque. C'est un fait qu'aucune entreprise privée ne construira de réacteur sans la participation massive du gouvernement.

Le problème, c'est qu'EACL doit avoir accès aux grands marchés. On ne peut pas construire seulement deux ou trois réacteurs. J'estime que, pour tout prototype, il faut construire au moins 20 réacteurs pour rentabiliser les investissements. Il faut effectuer d'importantes opérations de marketing international pour pénétrer les marchés dominés par les gouvernements et les entreprises qu'ils appuient. Il y a évidemment AREVA en Europe. La Russie est également de la partie. Par ailleurs, l'Allemagne va bientôt quitter le consortium français pour joindre ses efforts à ceux de la Russie. La Chine est certainement un protagoniste. Bref, je suis entièrement d'accord avec vous. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises privées dans cette industrie. Ce n'est pas la même chose que pour les téléphones intelligents, comme les terminaux Blackberry. Il s'agit d'un tout autre domaine, dans lequel participent activement les gouvernements.

Le sénateur Marshall : L'EACL a un passif de 3 milliards de dollars pour le déclassement et la gestion des déchets.

Selon vous, le gouvernement fédéral devra-t-il honorer cette dette?

M. Carr : Je ne suis pas versé dans ce domaine, mais dans la foulée des échanges sur la responsabilité dans le domaine, je vous dirai qu'il y a le risque général et de nombreux risques secondaires. Il n'est pas question d'élaborer une entente pour annuler tous les risques, mais pour trouver le meilleur équilibre dans le partage des risques. En adoptant des règles et des lois, les gouvernements s'occupent efficacement de déterminer qui est responsable du déclassement. Ils gèrent les risques et sont donc mieux placés pour les accepter que le secteur privé, qui devrait mettre de côté des sommes énormes en attendant de voir ce que les gouvernements décident de faire.

Le meilleur exemple est probablement Bruce Power, qui, je crois, loue un terrain à la Ontario Power Generation, et qui lui confie la gestion de son combustible épuisé. Bruce Power n'est pas responsable de la gestion des déchets, parce qu'aucune entreprise privée ne pourrait s'en charger. Les lois du Canada sont ambiguës à ce sujet. Du reste, cette formule fonctionne à merveille. Contrairement aux dires de M. Purchase, Bruce Power prend d'énormes risques en utilisant des capitaux privés pour financer la remise à neuf des réacteurs. Les responsables de l'entreprise ont dit qu'ils avaient mis le projet en œuvre grâce au soutien de la Ontario Power Authority, qui n'est pas le gouvernement. C'est différent. Toutefois, on dit simplement dans le contrat que l'électricité produite sera achetée. Il n'est pas mentionné que la gestion défaillante de la centrale par une partie serait assumée par l'autre. On ne dit pas que la Ontario Power Authority va couvrir Bruce Power, si des erreurs sont commises ou de mauvaises décisions sont prises. Bruce Power prend beaucoup de risques, mais pas tous, car l'entreprise en est incapable dans certains cas. Il revient moins cher de laisser d'autres parties gérer certains risques.

Le sénateur Ringuette : Dans le document The Economic Impacts of New Nuclear Investment in Canada du Conference Board du Canada, le tableau 3 présente trois scénarios : EACL n'est plus considérée comme un acteur dans l'industrie nucléaire; EACL connaît du succès malgré les contraintes et les exigences; et EACL brille grâce à la renaissance du nucléaire. Dans la dernière hypothèse, les activités de l'organisme ont des retombées de 82 milliards de dollars sur le PIB; près de 500 millions d'années-personnes sont créées; enfin, 31 milliards de dollars sont versés en revenus à la main-d'œuvre. L'impact potentiel est exceptionnel.

Je vais vous reposer ma question. Que faut-il faire afin qu'EACL soit un bon investissement pour les Canadiens?

M. Carr : Je vais vous redonner ma réponse. Je pense qu'EACL doit être financée par du capital de nature commerciale. Selon moi, l'organisme ne peut plus être géré comme un ministère.

Le sénateur Ringuette : Trente pour cent du capital commercial pourrait être obtenu par l'émission d'actions. Il faudrait créer une équipe de mise en marché crédible, qui exerce son influence partout dans le monde. Il faudrait que le premier ministre du Canada ait confiance dans les spécialistes canadiens du nucléaire et la sécurité absolue des installations. Il n'y a jamais eu de fusion du cœur des réacteurs CANDU.

Le président : Je vais considérer cela comme une déclaration. Vous pouvez intervenir, mais vous avez déjà répondu à la question. Nous avons dépassé de 15 minutes le temps alloué. Il faut apprendre à poser des questions un peu plus concises.

Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je remercie MM. Purchase et Carr de nous avoir fait part de leurs vastes connaissances et de leur grande expérience dans ce domaine. Cela nous est très utile. Nous sommes aux prises avec la partie 18 du projet de loi, qui en contient 24. Or, vous nous avez grandement aidés à mettre les choses en contexte.

Le deuxième groupe de témoins de ce soir va traiter de la partie 15 du projet de loi, qui concerne Postes Canada.

[Français]

Nous avons le plaisir ce soir d'accueillir Mme Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale du Québec.

Claire Bolduc, présidente, Solidarité rurale du Québec : Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation que vous avez adressée à Solidarité rurale du Québec pour prononcer le commentaire que nous avons à faire sur la partie 15, concernant les postes dans le projet de loi C-9.

Nous avons reçu cette invitation tardivement et nous pourrons vous remettre un document écrit d'ici la fin de la semaine. Nous avons toutefois eu l'occasion de fouiller l'information qui nous a été soumise et nous avons quelques commentaires qui se résument en une seule idée.

J'aimerais d'abord rappeler que Solidarité rurale du Québec est avant tout une coalition d'organismes québécois; de grandes organisations québécoises qui, depuis près de 20 ans, ont milité et œuvré à la revitalisation du monde rural québécois.

En 1997, le gouvernement du Québec reconnaissait le travail de Solidarité rurale du Québec et nous confiait le mandat d'instance conseil sur les questions de ruralité pour l'ensemble du territoire du Québec.

C'est pourquoi Solidarité rurale du Québec a émis des avis sur une politique nationale de ruralité que le Québec a adoptée à ce jour. Le Québec demeure la seule province dotée d'une politique territoriale de développement rural. Le Québec a également une responsabilité ministérielle propre et l'instance conseil qui est devant vous.

Solidarité rurale du Québec a également toujours milité et soutenu que le développement du monde rural ne peut pas reposer sur des politiques sectorielles seules : forestières ou agricoles, mais qu'il doit reposer sur une politique qui prend en compte toutes les réalités du monde rural.

D'ailleurs, il est important de rappeler qu'aujourd'hui seulement 7 p. 100 de la population rurale est une population qui vit de l'activité agricole; 93 p. 100 des populations rurales vivent d'autres activités et 95 p. 100 du territoire canadien est un territoire rural.

D'ailleurs, dans sa récente analyse, l'OCDE — qui a déposé son rapport le 7 juin dernier — a démontré que des politiques qui tiennent compte de la diversité des activités dans les milieux ruraux sont des politiques rurales constructives et innovantes.

Plusieurs fois déjà, Solidarité rurale du Québec a invité le gouvernement fédéral à se doter d'une politique rurale canadienne globale pour répondre aux réalités rurales du Canada, que ce soit en termes de services, de vitalité des communautés ou de la diversification économique. Aujourd'hui, vous comprendrez que j'ai un seul message concernant un service public. Le projet de loi C-9, plus particulièrement la partie 15 qui porte sur la Société canadienne des postes, comporte un paragraphe, ou plutôt une phrase de seulement 20 mots, mais dont l'impact pour le monde rural risque d'être pernicieux, dommageable à court terme et dangereux à moyen et long terme.

Et cela illustre très bien l'absence de vision du gouvernement fédéral sur la réalité des communautés rurales canadiennes. Cela illustre très bien l'absence d'une politique d'ensemble.

Morceau par morceau, secteur par secteur, des décisions se prennent, qui répondent à des logiques. Quand on les considère une par une, ce sont souvent de petites décisions, mais ensemble, mises bout à bout, elles ont un effet totalement déstructurant sur le monde rural, notamment sur l'accessibilité aux services. On peut parler de ce qui se prend comme décisions dans le monde des transports, dans le monde des télécommunications et, ici, dans le domaine des postes.

Cela nous a fait sursauter de voir, dans un document de 900 pages, 20 mots qui peuvent changer de façon radicale l'accessibilité des services postaux canadiens auprès des communautés rurales. Ces 20 mots, mis là très insidieusement, j'ose le dire, peuvent amener une réduction de services rapide dans les communautés rurales. Or, que je sache, tous les citoyens canadiens sont soumis aux mêmes impôts et payent les mêmes taxes. Nous avons trouvé curieux de voir 20 mots comme ceux-là dans un document de 900 pages.

Si l'intention du gouvernement fédéral est de déréglementer le service des postes et de diminuer les services aux Canadiens, il faut que ce soit fait de façon claire et ouverte. Cela doit faire l'objet d'un projet de loi spécifique, qui sera débattu de façon publique. Or, c'est en catimini qu'on propose d'ouvrir la Loi sur la Société canadienne des postes.

Pour ce qui concerne la déréglementation, cela devrait — et devra — faire l'objet d'un autre débat, un débat transparent pour que tout le monde s'exprime. Mais ce soir, ce que je vous demande, dans un souci de soutenir la démocratie, une démocratie ouverte et transparente, c'est d'abolir les 20 mots portant sur la modification à la Loi sur la Société canadienne des postes. La suppression de ces 20 mots ne compromet en aucune façon le projet de loi C-9, et s'il y a une réelle intention, le fait de faire une loi spécifique sur le sujet permettra à tous ceux qui veulent se prononcer sur l'avenir des postes et des services postaux canadiens de le faire.

Vous le savez, vous ne nous avez pas sollicités en vain, nous avons une expertise et un regard rigoureux sur le monde rural québécois, canadien, outre-mer et outre frontière. C'est ce regard rigoureux qui nous permet de dire clairement que ces quelque 20 mots sont mauvais pour le Canada rural. Ils abolissent l'idée qu'on peut se faire d'un service universel pour tous les Canadiens. Ce n'est pas un secret non plus, tous les ténors de la déréglementation, ceux qui la défendent le plus farouchement, reconnaissent quand même que la déréglementation a toujours eu et aura toujours un impact négatif et nocif pour les communautés rurales, moins nombreuses, plus éloignées et plus isolées parfois. Même ces grands ténors ont toujours la prudence de nuancer les avancées et de préconiser des adaptations pour le monde rural. Or aujourd'hui, sous prétexte d'introduire plus de concurrence, on vient miner la capacité de livrer un service universel aux Canadiens des communautés rurales. C'est inacceptable.

Rappelons-nous qu'un privilège exclusif est accordé à Postes Canada, mais chaque privilège est assorti d'une obligation. Pour Postes Canada, c'est une obligation de service public équitable à l'endroit de tous les Canadiens. Toucher l'un, toucher le privilège, c'est fragiliser l'obligation.

Si vous pensez que les sociétés privées de livraison postale sont prêtes à répondre aux besoins des Canadiens ruraux, je vous détrompe tout de suite : ce n'est pas le cas. Les sociétés privées fonctionnent selon une logique de marché, une logique qui conduit inéluctablement les services à se livrer une concurrence féroce, à aller là où il y a de l'argent à faire, des volumes qui justifient des services, et à délaisser tout ce qui est moins rentable. Ce sont donc les Canadiens ruraux qui vont écoper.

Pour terminer, je réitère mon invitation au Comité sénatorial permanent des finances nationales de poser un geste concret en faveur des Canadiens ruraux. Je vous invite à refuser d'endosser la partie 15 de ce projet de loi. On peut avoir bien des arguments à prononcer en faveur ou en défaveur d'une déréglementation, mais, dans le contexte actuel où tout se passe en catimini, c'est très compromettant pour les ruraux. C'est quasiment indécent de l'avoir proposé de cette façon : 20 mots dans un document de 900 pages.

Je vous demande de refuser d'endosser la partie 15 du projet de loi, de retirer du projet de loi les 20 mots qui modifient le mandat de la Société canadienne des postes. J'espère que, s'il y a des débats à tenir sur les services postaux aux Canadiens, on pourra le faire de façon ouverte et transparente.

Le président : Madame Bolduc, merci beaucoup de vos commentaires. Nous allons commencer la période des questions avec le sénateur Banks, de l'Alberta.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Je partage votre opinion. Je comprends l'équilibre nécessaire entre le monopole et les obligations, et je suis d'accord pour dire que cette partie n'est pas judicieuse et ne devrait pas figurer dans le projet de loi. Les discussions ne devraient en effet pas se tenir ici. Postes Canada ne devrait pas être désavantagée de la sorte. Toutefois, je ne veux pas parler du fond de la question. Je m'excuse d'être le premier à prendre la parole, car mon propos se veut théorique, madame Bolduc.

Je suis membre de l'opposition et libéral. En général, l'opposition voit les choses différemment du gouvernement. Parfois, elle n'hésite pas à s'opposer à certaines choses, peu importe le parti au pouvoir.

Selon vous, le gouvernement doit préalablement tenir bien des consultations et des discussions pour que les décisions soient démocratiques. Je ne pense pas que ce soit vrai. Le gouvernement est élu et il doit avoir la chance de gouverner. C'est le mandat qui lui est confié. C'est pourquoi nous tenons des élections. Néanmoins, certains d'entre nous sont opposés à cette disposition.

J'abonde dans votre sens concernant le fond de la question, mais je suis en désaccord avec vous lorsque vous dites que le gouvernement n'a pas le droit d'agir ainsi. Me comprenez-vous? Si la présidence le veut bien, pouvez-vous prendre 10 secondes pour me répondre?

[Français]

Mme Bolduc : Je comprends très bien vos propos concernant les élus. Les élus se sont vu confier des mandats électoraux, ils ont avancé, annoncé et pris certains engagements et programmes. Dans le contexte actuel, pour la Société canadienne des postes, il s'agit d'un service universel disponible pour l'ensemble des Canadiens. C'est pour cette raison que nous demandons un débat, qui pourrait avoir lieu à la Chambre des communes, afin de partager avec les citoyens canadiens des informations au sujet des services offerts aux Canadiens. Ce débat doit être ouvert et transparent. Oui, les gens sont élus pour prendre des décisions, mais ils doivent annoncer leurs couleurs de façon claire et nette.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Le projet de loi, y compris cette partie, a fait l'objet d'un débat à la Chambre. Il en sera de même au Sénat, même si ses membres ne sont pas élus. Il reste que les députés, qui sont élus, l'ont examiné. Cela n'est-il pas suffisant? Faut-il tenir un référendum lorsque le conseil municipal veut installer un feu rouge à l'intersection de deux rues principales? À l'occasion, les ordres de gouvernement au Canada ne peuvent-ils pas simplement prendre les décisions concernant les affaires publiques?

[Français]

Mme Bolduc : J'entends votre point de vue et j'en reviens à l'essentiel. Ce sont des changements majeurs. Un projet de loi comme le projet de loi C-9, contenant 900 pages de documentation, appelle des débats sur plusieurs sujets très importants comme l'énergie nucléaire, notamment l'implication du Canada dans le nucléaire. Et 20 mots dans un projet de loi aussi volumineux, qui peuvent amener des changements aussi fondamentaux sur un service universel, nous paraît une façon de faire insidieuse. Je doute fort qu'il y ait eu de longues discussions, même à la Chambre des communes, sur ces 20 mots. C'est pour cette raison que nous levons le drapeau rouge et que nous demandons à ce que soient abolis ces 20 mots. Si nous voulons faire des modifications au fonctionnement de la Société canadienne des postes, cela doit être amené de façon claire et ouverte.

À partir du moment où nous avons été interpellés sur cette question, nous avons fait nos devoirs et des recherches. Il y a eu bien peu de discussions, pour ne pas dire à peu près pas, sur ces 20 petits mots, qui modifient en profondeur un service canadien universel.

Pour le reste, je suis d'accord, des discussions ont eu cours, des débats ont lieu à propos du projet de loi C-9, mais il y a quand même des éléments glissés de façon un peu curieuse qui ont des impacts majeurs sur lesquels on devrait pouvoir se pencher.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Je suis d'accord sur ce qui aurait dû se passer.

Le sénateur Marshall : Vous dites que cette partie du projet de loi va nuire au Canada rural. Je vais lire un extrait de l'article 14 de la Loi sur la Société canadienne des postes :

[...] la Société a, au Canada, le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires.

Voilà ce qui est indiqué dans la loi. Dans le projet de loi C-9, à la disposition 1885, qui traite de la Loi sur la Société canadienne des postes, il est proposé de modifier l'article 15. Il est mentionné que le privilège « ne s'applique pas aux lettres à livrer à un destinataire à l'étranger ». Je ne vois pas comment cela peut nuire aux régions rurales du Canada.

On nous a dit aujourd'hui qu'un grand nombre d'entreprises au Canada participent à l'industrie du repostage depuis 20 ou 25 ans et estiment leurs activités légales, mais qu'elles ont bien des problèmes financiers et ne peuvent plus s'occuper de ce créneau. Il semble que, si les petites entreprises ne peuvent pas mener ces activités, cela ait un impact négatif plus grand sur le Canada rural que cette modification. Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que la disposition nuirait aux régions rurales du Canada.

Pourriez-vous réexpliquer votre point de vue?

[Français]

Mme Bolduc : L'impact vient du fait que les coûts postaux sont les mêmes partout au Canada, soit au Labrador, au Québec, en Colombie-Britannique, au Nunavut ou à l'Île-du-Prince-Édouard, pour tous les Canadiens, qu'il s'agisse d'envois au Canada ou à l'étranger.

À partir du moment où la Société canadienne des postes n'aura plus le privilège de l'exclusivité de la poste, même pour les lettres à destination de l'étranger, la question à se poser sera à quel coût se fera le transport postal pour les Canadiens ruraux? On l'a vu dans plusieurs circonstances que ce soit pour les services Internet, pour les services de transport, pour un ensemble de services à amener aux Canadiens, les coûts montent en flèche à partir du moment où l'on déréglemente sans protéger de façon appropriée les communautés rurales.

J'aimerais savoir pourquoi la lettre que je vais poster à mon frère, qui habite Paris, me coûterait plus cher à poster de Ville-Marie, au Témiscamingue, que de Montréal ou Ottawa? C'est exactement ce qui va se produire pour les citoyens ruraux du Canada à partir du moment où il y aura déréglementation.

Notre point n'est pas de savoir si l'on doit déréglementer ou non, mais bien si l'on veut se poser la question, faisons-le de façon claire, ouverte et transparente et non pas à l'intérieur d'un projet de loi sur le budget national. Proposons clairement un débat sur la question, qui pourra s'alimenter des différents points de vue, ceux que vous soumettrez comme ceux que les ruraux pourront soumettre.

Actuellement, je ne crois pas que beaucoup de communautés rurales ont vu ces 20 mots dans ce projet de loi de 900 pages. C'est très préoccupant comme façon de faire.

[Traduction]

Le sénateur Marshall : Cependant, cette partie du budget n'empêche pas Postes Canada de participer à ce créneau. La société peut toujours mener ce genre d'activités. On veut seulement permettre à l'entreprise privée d'en faire autant. Je ne vois dans quelle mesure cela peut nuire aux services offerts à la population rurale du Canada, parce qu'elle peut toujours faire appel à Postes Canada. Je suis en désaccord avec vous.

Pour ce qui est de tenir des discussions ouvertes, le sénateur Banks a raison. Il ne s'agit que de trois lignes dans le projet de loi, mais je ne sais même pas combien d'heures nous avons passées à en discuter. Je dois dire que nous ne nous entendons pas là-dessus.

Le sénateur Runciman : Je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Je comprends vos préoccupations concernant les bureaux de poste dans les régions rurales du Canada. En Ontario, cela a été un objet de préoccupation pour moi durant de nombreuses années.

Je partage l'avis du sénateur Marshall et je pense que vos inquiétudes à l'égard de ce projet de loi ne sont pas fondées. Selon moi, il n'y aurait pas de conséquences négatives. Il n'y a d'ailleurs pas eu d'impact quantifiable depuis que cette structure a été mise en place il y a 25 ou 30 ans.

Vous avez dit tout à l'heure que cette mesure législative entraîne des changements fondamentaux. En fait, rien ne change. Le statu quo est simplement maintenu. Parmi nous, personne ne peut établir clairement que cela nuit aux régions rurales du Canada d'aucune façon.

Je suis par ailleurs curieux à propos de votre organisation. Combien de membres compte-t-elle? L'ensemble du Québec y est-il représenté? Avez-vous des représentants partout dans la province? Quelle en est la structure? Veuillez nous parler de ses membres.

[Français]

Mme Bolduc : C'est une coalition qui comprend une quinzaine d'organisations nationales comptant au total 800 000 personnes, qui sont les membres fondateurs de Solidarité rurale du Québec. Cela inclut les unions municipales, le Mouvement Desjardins, comme l'Union des producteurs agricoles, comme le secteur forestier, des organisations locales et régionales ainsi que des membres individuels. Les organisations nationales, qui représentent 800 000 Québécois, représentent presque la totalité des populations rurales, mais il ne s'agit pas seulement des personnes vivant en milieu rural. Elles ont également un intérêt à l'activité rurale étant donné l'interdépendance et l'interrelation existant entre les populations rurales et urbaines.

Solidarité rurale du Québec a été créée en 1991 pour contrer le déclin des communautés rurales au Québec, pour renverser le mouvement de dévitalisation accéléré. Depuis ce temps, on a vu revenir à la prospérité bon nombre de ces communautés rurales. Au Québec, plus de la moitié des régions rurales accueillent plus de résidants maintenant qu'elles en perdent et leur taux de croissance est deux fois plus élevé que celui des villes. Des interventions marquées, notamment la Politique nationale de la ruralité, ont permis ce développement des communautés rurales.

Nous représentons tous les citoyens, toutes les organisations qui vivent dans les communautés rurales et qui interviennent dans ces communautés.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : C'est impressionnant. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes fait-il partie de l'organisation?

[Français]

Mme Bolduc : C'est la FTQ. Les syndicats membres chez nous sont la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la CSN et la CSQ. Ce sont ces grandes organisations qui sont membres. Les syndicats spécifiques ne le sont pas, sinon par le biais de leur grande organisation.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : Cela inclut-il les travailleurs de tous les bureaux de poste du Québec? Sont-ils membres de cette organisation-cadre?

[Français]

Mme Bolduc : Je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à quel syndicat appartiennent les employés de Postes Canada au Québec. Je ne saurais vous dire.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : À titre d'organisation préoccupée par l'avenir des bureaux de poste et la livraison du courrier dans les régions rurales, avez-vous discuté avec les représentants du STTP de l'avenir et du rôle qu'ils pourraient jouer afin de garder la plupart sinon la totalité des bureaux de poste rentables dans les régions rurales. En avez-vous parlé?

Je dis cela, parce que je me suis entretenu avec les représentants du STTP aujourd'hui, qui sont ici à propos des prochaines négociations. Il est déjà question de débrayage. Je pense qu'il y a eu 12 grèves des travailleurs des postes en 19 ans. Le syndicat pourrait selon moi encourager le maintien des bureaux de poste en régions rurales dans l'avenir, au lieu de juste présenter continuellement ses exigences au gouvernement. En avez-vous discuté avec le STTP?

[Français]

Mme Bolduc : Effectivement, c'est un sujet que nous avons abordé avec les gens des postes. On l'a également abordé avec les municipalités rurales et avec une structure supralocale au Québec, qui s'appelle les municipalités régionales de comté.

On a également abordé cette question avec les différents comités de citoyens dans les milieux ruraux. Il en existe un nombre impressionnant. C'est quand même un peu plus de 1 000 municipalités au Québec qui sont à caractère rural. Et dans ces municipalités, des comités de citoyens se battent pour le maintien des services dans leurs communautés; nous avons également abordé la question avec eux.

Alors oui, c'est un sujet que Solidarité rurale du Québec aborde depuis 12 ans maintenant, le maintien des services postaux dans les communautés rurales, de façon équitable pour tous les Canadiens ruraux. Oui.

Le sénateur Chaput : J'aimerais poser une petite question complémentaire à la question du sénateur Runciman. À titre de sénateur, j'ai reçu une lettre du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes qui nous demande de veiller à faire exclure la partie 15 du projet de loi C-9.

Le président : Nous les avons reçus cet après-midi. Ils ont dit la même chose.

Le sénateur Chaput : La partie 15 du projet de loi C-9 donnerait la permission aux exportateurs de courrier de recueillir des lettres au Canada en vue d'en faire la transmission et la livraison à l'étranger.

Ces modifications proposées, d'après vous, vont-elles accroître la concurrence entre Postes Canada et les transporteurs indépendants qui livrent à l'étranger? Si c'est le cas, quelles en seraient les conséquences? Parce que Postes Canada a l'obligation d'assurer son exploitation de façon financièrement autonome. Doit-on penser qu'un courrier pour Paris, par exemple, coûterait plus cher?

Mme Bolduc : Pour une communauté rurale, Postes Canada a un privilège exclusif actuellement et le privilège est assorti d'une obligation de service public. Toucher l'un, c'est fragiliser l'autre, et c'est clair. L'analyse qu'on a faite au fil des ans porte sur tous les services déréglementés. On constate l'effritement des services dans les communautés rurales. Parfois, c'est très rapide, parfois cela prend quelques années, mais la conséquence est toujours la même pour les communautés rurales.

Ce qui nous interpelle ici, aujourd'hui, c'est autant le fait qu'on va toucher un privilège exclusif, qui risque de fragiliser l'obligation, que le fait de le faire via un projet de loi sur le budget national et sur les finances publiques alors que — vous venez de le dire — la Société canadienne des postes est une organisation qui a le devoir de s'autofinancer. Cela se fait en catimini.

C'est principalement cette façon de faire qui nous a heurtés, et c'est principalement pour cette raison qu'on dit que la question doit être amenée de façon ouverte sur la place publique.

Le sénateur Chaput : Je comprends.

Mme Bolduc : Si le débat sur le projet de loi avait lieu sur la place publique vous auriez les arguments de part et d'autre. J'entends bien qu'il y aurait des arguments pour et contre, mais vous les auriez de façon franche.

Le sénateur Chaput : La fragilisation des services signifie soit une diminution d'un service, soit des coûts plus élevés pour le même service?

Mme Bolduc : Tout à fait.

Le sénateur Chaput : Cela fragilise une communauté.

Mme Bolduc : Tout à fait.

Le sénateur Chaput : En tant que sénateur libéral, du Manitoba, pourriez-vous me dire ce que vous pensez de l'approche du Parti libéral, qui s'engage à rédiger une charte des services postaux ruraux au Canada et qui tiendrait compte de la protection de l'universalité des services, du rétablissement et du maintien des services postaux en milieu rural et d'une meilleure consultation auprès des collectivités?

Mme Bolduc : La très grande richesse d'une organisation comme Solidarité rurale du Québec est de ne pas se pencher sur des propositions libérales ou conservatrices mais plutôt de réfléchir globalement. Cela fait plusieurs années qu'on interpelle le gouvernement pour dire : politique rurale fédérale. Une politique rurale amène une obligation de considérer l'ensemble des impacts d'une décision pour l'ensemble des collectivités rurales. C'est ce que nous réclamons.

Le Québec s'est doté d'une politique rurale, la Politique nationale de la ruralité. Cela ne règle pas tous les problèmes instantanément, mais cela oblige à faire une réflexion sur les façons de faire dans les communautés rurales, sur les façons de faire de l'État, sur ses façons d'intervenir et cela change radicalement, et pour le mieux, je dois le dire. On a une ruralité qui se porte mieux qu'elle ne se portait en 1991, même si elle souffre encore. Plusieurs des décisions du gouvernement fédéral ont des impacts directs sur la population rurale tant québécoise que canadienne et elles se prennent à la pièce et de façon décousue et détachée. J'applaudis le fait que vous puissiez avoir une idée de politique rurale pour les postes. Nous demandons une politique rurale canadienne, qui comprend l'ensemble des services et l'ensemble des interventions de l'État canadien.

Le sénateur Chaput : Merci.

Mme Bolduc : Je vous remercie de votre question.

Le sénateur Ringuette : Je suis entièrement d'accord avec vous en ce qui concerne le débat sur les 20 mots, débat qui fut éphémère. En 2007, le gouvernement actuel a introduit ces 20 mots dans un seul projet de loi, C-14. Le projet de loi a été renvoyé pour étude au Comité des transports de la Chambre des communes. Il y a eu amorce de débat, mais l'opposition aux 20 mots, lors des témoignages, fut tellement grande que le gouvernement a laissé tomber le projet de loi. S'en est suivi également des élections en 2008.

En 2009, on réintroduit les 20 mêmes mots dans un nouveau projet de loi qui s'appelle maintenant le C-44, mais le gouvernement n'a même pas daigné entamer le processus législatif en le renvoyant à un comité pour commencer à l'étudier. C'est alors qu'on a prorogé le Parlement, ce qui fait qu'aujourd'hui, sans qu'il n'y ait eu aucun vrai débat public au préalable, on se retrouve encore avec ces 20 mots qui font partie d'un projet de loi de 900 pages.

Ma question est la suivante : en 2007, lorsque les 20 mots ont été introduits pour la première fois, avez-vous au moins eu la chance de pouvoir témoigner au comité chargé d'étudier le projet de loi?

Mme Bolduc : Je n'étais pas chez Solidarité rurale du Québec en 2007. C'est M. Jacques Proulx qui y était. Toutefois, Solidarité rurale du Québec, depuis 1994, est intervenue en de très nombreuses occasions pour discuter des services postaux canadiens.

Je suis certaine que 2007 a été l'une de ces occasions, et nos énergies ont été mises à contribution à de nombreuses occasions. Nous sommes intervenus en 2008. Nous avons reçu un rapport sur l'avenir des services postaux canadiens au printemps 2009. Nous sommes intervenus à ce sujet et on a aussi commenté les éléments de ce rapport.

Notre message est toujours le même. Qu'est-ce qui relie les gens d'une nation entre eux? Certains services, privilèges, valeurs qu'ils partagent tous d'un océan à l'autre.

Actuellement, nous disons que les communautés rurales, quant aux services postaux, seront les grandes perdantes de toute déréglementation. Elles seront les grandes perdantes de tout mécanisme qui abolit, qui ampute les privilèges exclusifs de la Société canadienne des postes, parce que les privilèges vont avec les obligations pour des services équitables et égaux à l'endroit de tous les Canadiens. C'est clair, et cela a toujours été notre message.

Et on le répète : réfléchir globalement sur les implications de toutes les mesures qu'on prend parce qu'elles ont des impacts sur les communautés rurales. Quatre-vingt-quinze pour cent du territoire canadien est rural. Nous sommes chanceux d'avoir tout cet espace. Nous voulons que ce territoire soit habité et qu'il soit reconnu comme étant un territoire canadien, notre lieu d'habitation. Ne soyons pas aveugles, il est très convoité au Québec comme au Canada, comme ses richesses le sont. Si nous n'avons plus aucune valeur ni aucun service qui nous relient, qu'arrivera-t-il? Les services canadiens sont ce genre de lien et de partage de valeurs qui sont importants pour la société.

Si on veut les modifier, qu'on le fasse ouvertement. Je sais que les dernières interventions depuis 2008 ont été virulentes contre les modifications souhaitées pour les activités postales canadiennes. Vous me dites que le débat sur le projet de loi a été très virulent, et que le projet de loi est mort au Feuilleton. Peut-on comprendre que les gens souhaitent maintenir un service postal canadien uniforme, équitable et exclusif avec les privilèges d'exclusivité déjà prévus? Est-ce qu'on peut l'entendre?

Le sénateur Ringuette : Le message de la population canadienne était clair et net.

Mme Bolduc : Tout à fait.

Le sénateur Ringuette : C'est la raison pour laquelle on a introduit ces 20 mots dans le projet de loi, pour enfin clore le débat. Un peu plus tôt, aujourd'hui, nous avons reçu des représentants de ce que j'appelle des « reposteurs ». Il y en a cinq ou six au pays mais trois principaux qui sont des administrations postales étrangères qui viennent ici chercher les gros volumes commerciaux à destination de l'étranger et qui privent donc la société canadienne de ce service. Ils nous ont dit très clairement qu'on ne devait pas s'énerver, que les gens d'ici ne perdront pas leurs services, que ce qu'ils recherchaient était différent et touchait seulement le service commercial. Le service commercial est ce qui permet à la Société canadienne des postes d'être capable d'offrir un service individuel incluant les régions rurales.

Cela a été clair et net de la part de ces intervenants. Ils ont corroboré vos propos.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous une solution à nous proposer, compte tenu du fait que c'est dans le cadre d'un projet de loi sur le budget. La décision du gouvernement d'inclure cet aspect dans le budget était d'attacher les mains de tous les parlementaires derrière le dos pour dire que c'est eux qui décident. Quelle est la solution que nous pourrions envisager pour enlever ces 20 mots? On peut bien essayer, mais quels outils peut-on utiliser? À part le support de gens comme vous qui partagez le message et votre vision.

Mme Bolduc : Il faut faire du bruit autour de ça. Il faut que les gens s'aperçoivent de ce qui est en train de se passer. C'est le rôle d'une organisation comme Solidarité rurale du Québec de le faire.

C'est le rôle aussi d'organisation dans trois autres provinces canadiennes qui ont des entités de défense des droits des ruraux dans ces provinces. Au Québec, le travail sera fait. C'est clair. Nous, on va faire savoir et faire connaître cette situation aux communautés rurales du Québec.

Mais le poids démographique joue toujours en défaveur des ruraux. Il faut viser autre chose, quelque chose de plus fondamental. Il faut rappeler à l'État, aux parlementaires et à l'ensemble des citoyens l'importance de la ruralité pour l'ensemble de la société canadienne. La richesse collective du Canada, celle du Québec aussi, mais celle du Canada repose sur les activités qui se déroulent dans les communautés rurales et qui alimentent les villes.

Parlons de mines, d'agriculture, d'activités forestières, des pêches; ça ne se passe pas à Vancouver ou à Montréal.

Le sénateur Ringuette : L'énergie aussi.

Mme Bolduc : L'énergie, c'est la même chose. Il faut rappeler à l'ensemble des Canadiens et des parlementaires l'importance des communautés rurales dans l'ensemble de la richesse collective canadienne. C'est ce qu'on fait.

Au Québec, nous avons la chance d'avoir bénéficié d'une analyse produite par le Conference Board du Canada; l'autre moteur économique au Québec, ce sont les communautés rurales. Si c'est vrai au Québec, c'est vrai partout au Canada. Ce qui se passe dans les villes, ça dépend directement, pour une très grande portion, de ce que les activités en milieu rural génèrent comme retombées. Ne pas le constater, c'est se priver de ce qu'on a de plus fort au Canada, de ce qui fait notre prospérité.

Ça se passe et c'est interdépendant. Tant qu'on aura toujours une décision prise sur une base de stricte démographie, comme un simple calcul mathématique, on va toujours appauvrir les communautés rurales et on va toujours appuyer des organisations qui visent le profit, mais qui n'ont aucun sens du service à l'ensemble de la collectivité. Alors, on va s'appauvrir comme société.

Le jour où il n'y aura plus personne dans les communautés rurales, on ne pourra même plus réclamer la souveraineté sur notre territoire au Canada Rappelons-nous que ce sont des territoires riches de ressources et qui sont très convoités.

Le sénateur Murray : Je suis un sénateur indépendant. Il y a plusieurs parties de ce projet de loi auxquelles je m'objecte très fortement. Je comprends très bien votre objection à ce que cette partie soit incluse dans un projet de loi omnibus. J'ai même présenté une motion visant à diviser le projet de loi. Malheureusement, la motion a été rejetée par le Sénat.

Ceci étant dit, je comprends mal en quoi les appréhensions très dramatiques que vous envisagez concernant ces 20 mots, tels la privatisation, la déréglementation, le dégel des fermetures de bureaux de poste ruraux pourraient se réaliser à partir de ces 20 mots.

D'après les témoignages que nous avons entendus ici, un climat compétitif existe depuis déjà un quart de siècle et que Postes Canada a pu faire des affaires de façon efficace dans le cadre de ce climat compétitif et concurrentiel.

Il y a tout un litige derrière cet amendement proposé. À un moment donné, quelqu'un s'est aperçu qu'il y avait une ambiguïté, une contradiction même, entre les versions anglaise et française de la loi. Postes Canada s'est rendu auprès des tribunaux qui lui ont donné gain de cause. Le gouvernement a décidé de garder le statu quo, et c'est le but de ce projet de loi.

Vous parlez de la transparence. Je suis d'accord, ça ne devrait pas être inclus dans ce projet de loi. Mais en principe et sur la substance, je ne vois pas comment vos appréhensions peuvent être justifiées par ces 20 mots simples qui visent simplement et seulement à garder un statu quo au profit de Postes Canada, et ce, depuis 20 ou 25 ans.

Mme Bolduc : Quand une ouverture de cette nature est créée, c'est ce qui s'ensuit qui est préoccupant. Les 20 mots en soi peuvent confirmer un statu quo, mais les entreprises ne font pas nécessairement de la publicité actuellement parce qu'ils ne sont peut-être pas dans leur droit de faire ou non de la redistribution postale.

À partir du moment où c'est confirmé, on vient de changer les règles du jeu. C'est ce qui est dangereux. Ça ne se fait pas instantanément, mais à moyen terme. Ça se fait au terme de cinq, huit ou 10 ans.

Mais, au bout du compte, on a ouvert une porte, et ce sont les services qui, lentement mais sûrement, s'effritent. Si c'est ce qu'on souhaite, faisons-le ouvertement et on pourra en débattre ouvertement. Pour l'instant, on reconnaît ensemble que ces 20 mots n'ont pas leur place dans le projet de loi C-9.

Par ailleurs, l'expertise dont dispose Solidarité rurale du Québec nous permet de confirmer que, à toutes les fois où on a dit que ce n'était pas si grave de le faire, d'autoriser un petit peu cette façon de faire, ça a toujours fini par coûter aux ruraux les services auxquels ils avaient droit. Et on peut donner plein d'exemples.

Le sénateur Murray : J'habite depuis 25 ans dans une région rurale qui dépend, je vous assure, des services postaux tels que ceux-ci.

Mme Bolduc : Avez-vous accès à Internet haute vitesse?

Le sénateur Murray : Oui.

Mme Bolduc : Juste au Québec, il y a près de 200 communautés qui n'ont même pas le service Internet haute vitesse.

Le sénateur Murray : Mais cela n'a rien à faire avec ce projet de loi.

Mme Bolduc : Non, effectivement. Mais ne serait-ce que cela donne la nature de ce qui peut se produire. On ne réglemente pas afin que les services Internet soient disponibles partout au Canada et il y a donc des communautés rurales qui n'y ont pas accès. Et c'est ce qui va se produire avec les services des postes.

Le sénateur Murray : Je partage vos préoccupations sur le sort des régions rurales, je vous l'assure. Cependant, vous soulevez des problèmes beaucoup plus grands que celui visé par ces 20 mots.

Mme Bolduc : Mais ces 20 mots ouvrent une petite porte, qui peut devenir très grande et soulever de grands problèmes.

Le sénateur Murray : Merci.

Le président : Merci, sénateur Murray. Madame Bolduc, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, merci beaucoup d'avoir assisté à cette séance et d'avoir très bien expliqué votre position. Continuez votre bon travail.

Mme Bolduc : Merci.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, voilà qui conclut la réunion ce soir. Merci à tous d'avoir été là. Nous poursuivrons les travaux demain, à 9 heures. Le ministre Merrifield témoignera dans la même pièce.

(La séance est levée.)


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