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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 15 - Témoignages du 6 juillet 2010


OTTAWA, le mardi 6 juillet 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 9 h 1, pour poursuivre l'étude du projet de loi (sujet : parties 3 et 15).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Il s'agit de la 19e réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget 2010.

Le comité a commencé son étude en invitant des représentants de divers ministères qui ont expliqué les dispositions de chacune des 24 parties qui composent le projet de loi. Cependant, certaines explications reçues ont soulevé des questions de politique auxquelles les représentants ne pouvaient répondre, naturellement. Entre autres, les parties 3 et 15, qui portent respectivement sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et sur la Société canadienne des postes, ont retenu l'attention des membres du comité.

Le ministre des Transports n'était pas en mesure de comparaître aujourd'hui, mais nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Rob Merrifield, ministre d'État aux Transports, qui nous aidera à régler les questions restées sans réponse sur ces parties. Je suis certain que vous transmettrez nos salutations au ministre des Transports aussi. Je regrette que nous ne puissions le rencontrer, mais nous sommes heureux que vous ayez pu trouver le temps de venir.

[Français]

Collègues, nous avons seulement une heure avec le ministre ce matin.

[Traduction]

Il est accompagné d'André Morency, sous-ministre adjoint, Gestion ministérielle et Gouvernance des sociétés d'État, de Transports Canada. Nous pourrions vous poser toutes sortes de questions. L'accompagne également Laureen Kinney, sous-ministre adjointe par intérim, Groupe Sécurité et sûreté de Transports Canada. Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés. C'est toujours un plaisir de vous revoir.

Monsieur Merrifield, la parole est à vous. Nous vous poserons ensuite nos questions.

L'hon. Rob Merrifield, C.P., député, ministre d'État (Transports) : Je vous remercie de l'invitation. Je suis responsable des sociétés d'État liées aux transports, donc les parties 3 et 15 du projet de loi C-9 me concernent directement. Je transmettrai vos commentaires et vos préoccupations à M. Baird.

Je veux parler de la sûreté aérienne, de Postes Canada et des entreprises de réexpédition dans ma déclaration préliminaire. Je sais que ces sujets soulèvent certaines questions qui sont pour vous une source de préoccupation, comme c'est le cas pour tous les Canadiens.

Parlons tout d'abord de la sécurité dans les aéroports. Lorsque la sécurité des passagers est en jeu, il est bien certain que le gouvernement en fait sa première priorité; ce n'est pas près de changer. Mais la situation dans les aéroports est complexe et en constante évolution, car elle varie au gré des attaques terroristes du jour.

Nous savons tous ce qui s'est produit depuis le 11 septembre. C'est dans la foulée de ces événements qu'a été créée l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, en 2002. Son rôle est de s'assurer que l'on procède au contrôle approprié des passagers qui ont droit à l'embarquement prioritaire ainsi que de leurs bagages de cabine et de leurs bagages enregistrés. Elle s'occupe également du contrôle des non-passagers dans les zones à accès limité pour s'assurer que ces personnes font l'objet d'une inspection adéquate.

L'ACSTA continue à mener ces tâches difficiles en fonction de deux critères : la gestion du risque au quotidien et l'efficacité des cadres législatifs national et international en matière de transport aérien. C'est une question qui nous concerne tous, peu importe l'endroit où nous prenons l'avion. J'ai été à Mexico et à Tokyo, au Japon, avec Mme Napolitano, la secrétaire d'État des États-Unis, et d'autres représentants de divers pays en vue d'élaborer un protocole international pour la sûreté aérienne. C'est important qu'on ne fasse pas cavalier seul pour traiter la question de la sécurité dans les aéroports, mais que tous les pays collaborent.

Nous avons été témoins de changements après qu'un passager a réussi à embarquer avec des explosifs liquides à bord d'un vol reliant Londres aux États-Unis et au Canada : le dentifrice a immédiatement été frappé d'interdiction. Nous avons été témoins de modifications aux règlements après l'attentat raté du 25 décembre, où un homme avait une bombe cachée dans son sous-vêtement. Parce que les terroristes mettent nos systèmes à l'épreuve et cherchent toujours de nouvelles façons de nous attaquer, il nous faut adapter nos systèmes de sûreté aérienne.

Après ce qui s'est produit le 25 décembre, nous avons immédiatement resserré nos mesures de sécurité en adoptant les imageurs à ondes millimétriques. Nous en utilisons déjà 23 et nous en avons commandé 59 autres, qui seront répartis entre les aéroports. La priorité sera accordée aux aéroports qui accueillent des vols à destination des États- Unis.

Je vais vous donner quelques chiffres, à vous et à la population canadienne : plus de 550 appareils relient le Canada aux États-Unis, et 85 p. 100 de nos vols internationaux sont à destination des États-Unis. Après l'incident du 25 décembre, les États-Unis ont imposé une restriction totale et un contrôle secondaire d'absolument tous les passagers à destination des États-Unis; il nous a fallu de l'aide pour respecter ces exigences parce que pendant une certaine période, nous en étions incapables. Nous avons fini par y arriver, mais ça nous a demandé beaucoup d'efforts.

En plus de toutes ces mesures, nous avons affecté 95 millions de dollars de notre budget de 2010 à la sûreté du fret aérien, et nous avons reçu 1,5 milliard de dollars pour une période de cinq ans — c'est la première fois que nous avons des fonds assurés pendant cinq ans pour les mesures de sécurité dans les aéroports et l'ACSTA. Ça nous donne une certaine marge de manœuvre pour planifier à long terme, et ainsi régler un problème que nous avons avec l'association depuis quelques années.

Nous arrivons maintenant à une étape où, dans tout le pays, il est important non seulement d'avoir des fonds à long terme, soit le montant de 1,5 milliard de dollars, mais aussi de s'assurer d'utiliser ces fonds de la manière la plus efficace qui soit. D'ailleurs, l'argent n'est pas la seule chose prévue dans le budget; il y a aussi un examen en profondeur de l'ACSTA visant à confirmer que cet argent est géré de manière irréprochable sans que la sécurité soit compromise.

La sûreté revêt toujours une importance capitale, et nous ne mettrons jamais des Canadiens en danger. Quand des gens prennent l'avion au Canada, ils devraient pouvoir s'attendre à atterrir en toute sécurité, et nous ferons tout notre possible pour que ce soit le cas. C'est le mandat de l'ACSTA, et nous ne ferons pas de compromis là-dessus.

Je vais maintenant aborder notre deuxième sujet, la Société canadienne des postes et les entreprises de réexpédition. Postes Canada est une société d'État dont le mandat, qui est de fournir un service postal et de distribuer le courrier, est essentiel pour les Canadiens. Pour garantir que son mandat est respecté, nous avons fait quelque chose d'unique en septembre dernier : pour la première fois au Canada, nous avons instauré un protocole de service. Le Protocole du service postal canadien est une entente entre Postes Canada et la population canadienne par laquelle on vise un service universel, un service postal efficace et viable sur le plan économique. Nous avons aussi conservé dans le protocole un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste en région rurale. Nous en sommes rendus là.

Le projet de loi C-9 permet la concurrence entre les entreprises. Les changements que nous apportons permettent aux entreprises de se faire concurrence au Canada sur le marché international du courrier à livrer à un destinataire à l'étranger et de participer à la croissance de ce marché.

Plus particulièrement, la modification proposée permettrait aux exportateurs de lettres uniquement de relever au Canada le courrier qui doit être envoyé à l'étranger. Cette façon de faire s'appelle la réexpédition et permet aux entreprises de rassembler de grandes quantités de courrier d'affaires ou provenant de consommateurs pour les transmettre par le biais de systèmes postaux étrangers, plutôt que de laisser le pays d'origine s'en charger. Si le projet de loi est adopté, les entreprises canadiennes pourront choisir la méthode qui leur convient pour envoyer leur courrier à l'étranger.

Je vous confirme que cette modification n'a aucune incidence sur le privilège exclusif de la Société canadienne des postes de relever et de distribuer le courrier au Canada, tâche qu'elle accomplit depuis des dizaines d'années. La modification lui permettra aussi d'être concurrentielle dans le secteur des services postaux internationaux, et je suis convaincu qu'elle tirera profit de cette possibilité.

Les réexpéditeurs internationaux offrent des services depuis des années au pays. Tout ce qu'on veut, c'est protéger leurs emplois. La position du gouvernement est claire. Nous tenons vraiment à sauver ces emplois, qui se comptent par milliers. C'est la chose à faire en ce moment.

Merci de m'avoir permis de présenter ma déclaration préliminaire. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci, monsieur Merrifield. Plusieurs sénateurs ont indiqué vouloir participer à la discussion. Compte tenu de l'horaire prévu, je limiterai chaque sénateur à cinq minutes pour le premier tour; tout le monde aura ainsi la chance de prendre la parole. Commençons par le vice-président du comité, le sénateur Gerstein, de Toronto.

Le sénateur Gerstein : Je remercie les témoins de leur présence, et tout particulièrement M. Merrifield.

J'aimerais qu'on discute un peu de la partie 15. C'est facile d'en parler, car ce n'est qu'une vingtaine de mots sur des centaines de pages. Vous savez sans doute que si on se fie seulement au nombre de mots, nous avons passé plus de temps sur ces 20 mots que sur n'importe quelle autre partie du projet de loi.

Monsieur le ministre, vous n'étiez pas ici, mais nous avons entendu des témoignages très intéressants. Lorsque Mme Henny Penny a comparu devant nous, elle a interprété ces 20 mots comme la fin du monde et la fin, purement et simplement, de Postes Canada. Nous avons eu droit à un autre genre d'opinions lorsque des linguistes ont comparu. J'ai beau lire attentivement ces 20 mots, je ne vois pas, même avec mes lunettes de lecture, des mots qu'ils estiment avoir vus : privatisation, restructuration et diminution des services, surtout pour la distribution du courrier dans les régions rurales. Pour couronner le tout, il y a eu ceux qui prônaient la théorie de la conspiration. Selon eux, il ne fait aucun doute que ces 20 mots contiennent des intentions cachées, qu'ils nous engagent sur une pente dangereuse et qu'ils nous forcent à mettre le doigt dans l'engrenage.

Plusieurs sénateurs, tout particulièrement du côté du gouvernement — et peut-être aussi du côté de l'opposition — ont interprété ces 20 mots de manière très simple, en disant qu'ils n'entraîneraient pas de changement, qu'on en resterait au statu quo. En fait, c'est presque encore moins que le statu quo : ça fait 25 ans que nous fonctionnons ainsi, et même le statu quo finit par changer en 25 ans. Ce n'est que la continuité de ce que nous avons toujours fait.

Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet? Je me demande si un élément nous échappe, étant donné le nombre de gens pour qui c'est une catastrophe.

Le président : Mais que pourrait-il dire de plus à ce sujet?

M. Merrifield : Laissez-moi essayer. Certaines personnes en ont peur comme de la peste, et il serait peut-être bon d'analyser leurs intentions. Mais que ce soit bien clair : le projet de loi porte sur les lettres à livrer à un destinataire à l'étranger, et ne compromet en aucun cas le privilège exclusif octroyé à la Société canadienne des postes, soit de s'occuper du courrier du régime intérieur. C'est son mandat. C'est ce qu'elle a à faire, et elle doit le faire de la manière la plus efficace qui soit. À l'heure actuelle, nous procédons à une revitalisation importante de la Société canadienne des postes pour lui permettre d'être active tout au long du XXIe siècle et de faire concurrence à n'importe quel autre service postal du monde.

Si vous avez lu les journaux ce matin, vous avez vu qu'on a permis à Postes Canada d'emprunter des sommes considérables pour procéder à sa revitalisation. Un nouveau centre de tri de grande taille vient d'ouvrir à Winnipeg, et j'ai été enchanté de ma visite là-bas. Vous devriez prendre le temps d'y aller. Vous verrez un exemple concret des changements que nous apportons à Postes Canada.

Ceux qui croient que c'est la fin du monde et qu'on a l'intention de faire autre chose que s'assurer que Postes Canada puisse remplir son mandat ont tort, point à la ligne. Postes Canada sera en meilleure position pour faire concurrence aux réexpéditeurs internationaux et pénétrer le marché international. Le projet de loi ne met pas en péril la capacité de Postes Canada de le faire. À long terme, je pense même que ça la rendra plus forte.

Le sénateur Gerstein : Merci beaucoup, monsieur le ministre. C'est un commentaire très pertinent.

Le sénateur Ringuette : Si vous voulez qu'on parle de la question des 20 mots, vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi ces 20 mots ont d'abord été présentés en 2007 dans un projet de loi d'exécution du budget, le C-14, qui a été renvoyé au comité et y est mort de sa belle mort, puis sont revenus dans le projet de loi C-44, qui a été rejeté par la Chambre des communes à l'étape de la première lecture — et qui n'a donc même pas été renvoyé au comité. Ensuite est venue la prorogation, et maintenant, on retrouve ces 20 petits mots, ce projet de loi distinct qui traîne depuis trois ans, comme par magie dans un projet de loi d'exécution du budget de 900 pages.

Je crois que ces 20 mots sont responsables de beaucoup d'intérêts accumulés au cours des trois dernières années, surtout que nous avons des lettres du gouvernement dans lesquelles il s'engage à mener une étude exhaustive. J'ai ici une lettre qui dit :

Je peux vous assurer que le gouvernement n'a aucune intention de privatiser Postes Canada. De plus, je dois préciser qu'aucun changement ne sera apporté au privilège exclusif de Postes Canada sans qu'une analyse stratégique ne soit réalisée. Comme vous le savez, la Loi sur la Société canadienne des postes définit le privilège exclusif de Postes Canada; par conséquent, tout changement à ce privilège exigerait un amendement de la loi et un débat public au Parlement.

Je présume que ces 20 mots n'ont pas fait l'objet du réel débat public auquel ils avaient droit.

Il y a une question d'équilibre au regard de la Loi sur la Société canadienne des postes, et le privilège exclusif à la société implique une obligation, que ce soit au pays ou à l'étranger. Si l'on enlève à Postes Canada le privilège exclusif à l'international et tout le volume commercial, comment pouvons-nous espérer que la société puisse compétitionner? Hier, on nous a dit avec certitude que les entreprises de repostage, c'est-à-dire les administrations postales étrangères qui font affaire au pays pour empiéter sur le marché de Postes Canada, veulent seulement leur part du gâteau. L'infrastructure et les coûts fixes de Postes Canada resteront les mêmes pour le ramassage et la livraison du courrier, et ça ne fera qu'écrémer les revenus de la société.

Comment le gouvernement compte-t-il trouver le juste milieu, et où, si l'on veut arriver à un équilibre entre le privilège et les obligations, notamment les obligations des entreprises de repostage? Je ne vois rien qui parle de leur obligation dans ces 20 mots que nous avons devant nous.

M. Merrifield : Vous avez soulevé plusieurs questions. En ce qui concerne le débat public, votre point est très intéressant : où est ce débat public?

Je ne sais pas si les membres du comité le savent — je suis certain que le député qui a posé la question le sait, lui —, mais un important examen des activités de Postes Canada a été réalisé il y a un an et demi. Ce vaste processus a impliqué de nombreuses heures d'études indépendantes. En fait, le groupe d'experts a consulté plusieurs sources. Les recommandations qui ont été faites à la suite de cet examen étaient qu'il devrait y avoir un protocole de service et que ces 20 mots devraient être changés dans la loi.

Je tiens à dire au comité que lorsqu'une question comme celle-ci arrive à la Chambre des communes, nous ne travaillons pas seuls, compte tenu de notre situation minoritaire. Nous travaillons avec nos collègues de tous les partis. J'ai un nombre considérable de lettres ici dans lesquelles on demande d'inclure ces 20 mots dans la loi de manière à protéger les milliers d'emplois en place depuis plus de 25 ans. Ces lettres ne viennent pas seulement de députés ordinaires, bien que ce soit le cas pour certaines. Elles viennent de députés libéraux, mais il y en a aussi de l'ancien chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, où il dit :

[...] les entreprises de repostage existent au Canada depuis plusieurs décennies. Le Parti libéral croit qu'il serait dans le meilleur intérêt des Canadiens de ne pas faire de tort aux propriétaires de ces petites entreprises.

Je suis d'accord avec lui.

Le sénateur Murray : Dans ce cas, pourquoi n'avez-vous pas adopté le projet de loi il y a trois ans, monsieur le ministre?

M. Merrifield : J'ai une autre lettre du porte-parole principal en matière de transports, monsieur Volpe, qui dit sensiblement la même chose.

Les députés de la Chambre ont fait pression sur moi, et ils ont raison. La raison pour laquelle ce texte de loi se trouve là est parce qu'il y a eu un appel devant les tribunaux; il y a eu un sursis ou un appel qui prendra fin en décembre 2010. Il est très important que cette disposition législative figure dans un projet de loi comme celui-ci afin de clairement protéger ces emplois. Ça ne compromet en rien les activités de Postes Canada.

Je dirais que Postes Canada est très bien placée pour mettre de la crème sur le gâteau, si vous voulez parler ainsi. Je crois que vous avez entendu un témoignage, et nous avons certainement entendu celui présenté devant la Chambre des communes par la présidente-directrice générale de Postes Canada, qui laisse croire que la société est entièrement préparée à compétitionner dans ce domaine et que cela ne compromet en rien la capacité de Postes Canada de s'acquitter de son mandat, c'est-à-dire de son privilège exclusif de livrer le courrier aux Canadiens pour les Canadiens.

Le sénateur Marshall : Bienvenue, monsieur le ministre, à vous et à vos collègues. J'ai également une question concernant la Partie 15, Postes Canada, parce que nous avons eu quelques témoins qui sont venus discuter de cette partie pas plus tard qu'hier. Nous avons entendu des représentants de Postes Canada de même que des propriétaires de petites entreprises.

J'aimerais savoir quelles seront, selon vous, les répercussions de cet amendement s'il est adopté. Postes Canada s'est dite prête à compétitionner pour cette part du marché. Les propriétaires de petites entreprises, pour leur part, ont dit avoir souffert considérablement du fait que les discussions ne sont pas réglées. Pourriez-vous nous dire quelle incidence aura cette loi selon vous?

M. Merrifield : Dans une certaine mesure, ce ne sont que des hypothèses. Nous ne pouvons être sûrs à 100 p. 100, même s'il y aura statu quo. Je crois que votre collègue a indiqué que ces 20 mots solidifient réellement le statu quo, c'est-à-dire la capacité des entreprises de repostage internationales de continuer à faire affaire au Canada.

Nous permettons à Postes Canada de compétitionner dans ce marché de façon compétitive, puisque la société continue d'avancer. Je ne crois pas que le ciel va nous tomber sur la tête. La terre ne cessera pas de tourner. Le statu quo s'appliquera pendant que nous avancerons, mais permettra de clarifier davantage la capacité des entreprises de repostage internationales à compétitionner avec le marché du courrier international.

Le sénateur Marshall : Nous avons notamment entendu un témoin qui croit que cet amendement mènera à la perte du Canada rural. Qu'en pensez-vous?

M. Merrifield : Je suis un Canadien du milieu rural. J'ai vécu toute ma vie sur une ferme laitière de la quatrième génération, qui a maintenant été transformée en ferme agricole, alors croyez-moi, je ne ferais jamais rien qui nuirait à la communauté rurale. C'est une erreur monumentale de dire que ces 20 mots nuiraient aux livraisons rurales de quelque façon que ce soit. Notre charte nous en donne la garantie, notamment avec le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste et en nous assurant que les communautés disposent d'un service universel et qu'il y a des obligations.

On ne peut pas vraiment appeler cela des bureaux de poste, car dans certaines régions rurales éloignées, il n'y a qu'un seul employé des postes dans la communauté, et celui-ci travaille souvent dans son propre salon ou dans un petit bureau. S'il y a un incendie ou que l'employé des postes prend sa retraite ou meurt, il est difficile de trouver quelqu'un pour prendre la relève du service de livraison du courrier.

Selon la charte, — et cela s'est avéré efficace à plusieurs reprises depuis son entrée en vigueur en septembre dernier — Postes Canada a l'obligation de mener des consultations et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir le service de livraison. Il s'agit de s'assurer que le courrier se rend à destination, ce qui constitue le rôle fondamental de Postes Canada depuis le Pony Express. Cela ne changera pas.

Le courrier est en évolution au Canada depuis la venue de l'ère des communications, d'Internet et des opérations bancaires en ligne; le volume de courrier a sensiblement diminué. Parallèlement, nous constatons une hausse des envois par courrier en raison de tous les achats effectués par Internet ou à d'autres endroits, si bien que davantage de colis sont livrés par courrier. Le marché change, mais les Canadiens doivent avoir l'assurance que leur courrier et leurs paquets arriveront à destination.

Le président : Monsieur le ministre, si vous pouviez faire des réponses plus courtes, ce serait apprécié. Elle aurait peut-être voulu poser une autre question, mais il ne lui reste plus de temps.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, le gouvernement a considérablement augmenté la taxe — j'appelle ça une taxe — sur les billets d'avion. Il y a eu d'importantes hausses, si bien que pour un billet normal, on est passé de 7 $ à 14 $, de 12 $ à 24 $, et ainsi de suite. Les Canadiens comprennent que vous percevez déjà de l'argent du Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, alors comment expliquez-vous ces hausses substantielles? Le président vous a demandé de formuler une réponse courte.

M. Merrifield : Vous avez posé une question précise, donc je peux vous donner une réponse courte. Les frais sont passés de 4,90 $ à 7,48 $ pour un vol intérieur aller seulement. Vous dites qu'il s'agit là d'une hausse importante. En fait, c'est une baisse importante comparée aux frais mis en place par le gouvernement libéral en 2002, où ils étaient alors de 12 $. De 2002 à aujourd'hui, les frais sont passés de 12 $ à 7,48 $.

Le sénateur Baker : Mais il y a aussi d'autres chiffres; les frais de 4,67 $ sont passés à 7,12 $. C'est ce dont vous venez tout juste de parler. Le maximum était de 9,33 $, alors qu'il est maintenant de 14,25 $. Chacun de ces amendements n'a fait qu'augmenter ce qui existait déjà dans la loi. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Merrifield : Non. Vous avez raison dans une certaine mesure. Nous avons augmenté la taxe sur la sécurité aérienne afin de tenir compte des 1,5 milliard de dollars que nous avons investis sur une période de cinq ans. Il n'y a pas de doute là-dessus. Le montant était à 4,90 $, c'est-à-dire beaucoup plus bas que ce qu'il était en 2002, soit 12 $. Nous l'avons remonté à 7,48 $. Pour ce qui est de l'autre chiffre que vous avez mentionné, pour les vols intérieurs aller- retour, le montant était de 9,80 $ et nous l'avons augmenté à 14,96 $, alors qu'il a déjà été à 24 $.

Le sénateur Baker : C'est très imaginatif.

M. Merrifield : Ce sont des chiffres réels.

Le sénateur Baker : Vous modifiez le projet de loi. Vous modifiez la loi, et vos amendements augmentent tous les frais qui se trouvent actuellement dans la loi. Je comprends ce que vous dites, que si on remonte à 2000 ou à 1990, les frais étaient plus élevés que n'importe quelle autre année.

M. Merrifield : Je vous parle de 2002, après le 11 septembre, c'est-à-dire au moment où l'ACSTA a été créée.

Le sénateur Baker : Vous n'augmentez pas du tout les taux dans ce projet de loi?

M. Merrifield : Oui, nous le faisons. Nous augmentons les frais de 4,90 $ à 7,48 $, mais ils restent quand même plus bas que ce qu'ils ont déjà été. C'est tout ce que je dis.

Le sénateur Baker : Il y a neuf taux différents, selon que vous voyagez au Canada ou que vous achetez votre billet de l'extérieur du continent.

M. Merrifield : Voulez-vous que je les passe tous en revue?

Le sénateur Baker : Je pensais que c'est ce que vous vous apprêtiez à faire, mais permettez-moi de vous parler de quelque chose qui sera sans doute indéfendable.

La deuxième partie des amendements proposés au projet de loi modifierait le règlement sur les taux d'intérêt remboursés par le ministre. Au paragraphe 94(1) du projet de loi, on parle du « taux de base pour le trimestre donné, majoré de p. 100 ». Je ne veux endormir personne, mais le taux de base est le taux à court terme de trois mois des factures du Conseil du Trésor vendues aux enchères, d'après ce que je comprends de ce que vous me dites. Mon point est le suivant : Vous le réduisez à zéro parce que vous dites que seul le taux de base pour un trimestre donné sera versé par le ministre à une société. Or, le taux de base d'aujourd'hui se situe autour de 0,01 ou 0,02 p. 100. Pourquoi le réduisez-vous au taux de base? On parle ici d'un montant que le ministère doit à une personne en raison d'un trop- payé.

M. Merrifield : Pour plus de clarifications à cet égard, vous devriez demander au ministère des Finances du Canada, parce que c'est lui qui établit ces taux, pas Transports Canada.

Le sénateur Baker : Mais vous êtes le ministre des Transports.

M. Merrifield : C'est vrai, mais c'est le ministère des Finances qui recueille ces fonds et qui établit les taux. Je crois que vous parlez du taux entre le moment où le ministère des Finances recueille l'argent et le moment où il rembourse la différence entre les deux.

Le sénateur Baker : C'est l'amendement proposé à ce projet de loi.

M. Merrifield : Je crois que c'est ça. Je crois qu'il s'agit du taux d'intérêt cumulé entre le moment où le ministère des Finances recueille l'argent et le moment où il verse la somme payée en trop.

Le sénateur Baker : Le changement au Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien proposé dans les amendements consiste à réduire les frais de 2 p. 100. J'ai l'impression que nous devrions poser cette question à quelqu'un d'autre.

M. Merrifield : Si vous voulez d'autres éclaircissements, vous devriez demander au ministère des Finances du Canada, parce que je n'en sais pas plus.

Le président : Le ministre et le secrétaire parlementaire sont tous les deux absents. Nous allons essayer de trouver quelqu'un d'autre. Merci.

M. Merrifield : Je peux le faire pour vous et transmettre l'information au comité.

Le président : Ça nous aiderait beaucoup.

Le sénateur Baker : Pouvez-vous expliquer pourquoi vous ne payez aucun intérêt à quelqu'un à qui vous devez de l'argent?

Le président : En même temps, pouvez-vous nous dire combien vous prévoyez accumuler grâce à ces frais? Nous avons entendu divers montants, comme 590 millions de dollars, ce qui servirait à couvrir les 350 millions de dollars que vous avez réclamés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A). Les chiffres ne concordent pas.

M. Merrifield : Laissez-moi d'abord obtenir les montants auprès du ministère des Finances, puis vous pourrez en faire part au comité.

Le président : Comme ils font partie des recettes générales, il est difficile de comprendre ce qui se passe.

M. Merrifield : Nous ne connaissons pas le nombre exact de passagers, nous faisons donc une estimation.

Le président : Je comprends.

Le sénateur Finley : Monsieur le ministre, j'aimerais discuter de la sécurité aérienne.

Je voyage assez souvent, comme la plupart des gens assis à cette table, et quand j'embarque à bord d'un avion au Canada, j'ai un sentiment de sécurité car je sais que je débarquerai de l'avion au moment et à l'endroit prévus.

J'ai posé la question suivante à des représentants de l'ACSTA, et ils y ont répondu de façon plutôt évasive. Je peux comprendre pourquoi. Quel a été le taux d'augmentation des menaces d'actes terroristes ou de détournements d'avion et des risques d'incidents depuis 2002? L'ampleur des mesures de sécurité en place nous laisse croire qu'il y en a beaucoup plus qu'auparavant. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'évolution dans ce domaine?

M. Merrifield : Chaque incident sérieux est un incident de trop, comme c'est le cas de l'attentat, ou de la tentative d'attentat, du 25 décembre. Je crois que toutes les personnes ici présentes et la population du Canada doivent réellement comprendre à quel point cet attentat aurait pu être catastrophique. Dieu merci, il a échoué, mais nos mesures de sécurité ont été déjouées.

Nous devons renforcer la sécurité. C'est ce qui assure la fluidité. Le Canada doit veiller à ne pas devenir, comme diraient certains, le maillon faible en matière de sécurité, et à ne pas se retrouver derrière les autres pays. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les vols sont les plus sécuritaires possible pour les passagers. C'est notre objectif, malgré que ce ne soit pas une science exacte. Non seulement nous avons annoncé l'introduction du scanner à ondes millimétriques, qui est une mesure de sécurité supplémentaire, mais nous envisageons aussi d'avoir recours à l'observation du comportement, qui est déjà en usage dans certains pays. La sécurité ne se limite plus à la barrière de contrôle de l'ACSTA, mais elle s'étend depuis votre trajet en voiture vers l'aéroport jusqu'à votre embarquement. Il s'agit d'un mécanisme plus approfondi et mieux intégré qu'une simple barrière de sécurité à l'aéroport. Nous sommes actuellement à mettre en place un mécanisme propre au Canada. L'appel d'offres a été lancé, et nous procédons par étapes.

Les menaces sont-elles réelles? Oui, elles le sont. Les Canadiens peuvent-ils compter sur nous pour y faire face? Oui. Les recettes de 1,5 milliard de dollars prévues dans ce budget sont des fonds répartis à long terme qui nous permettront d'assurer une bien meilleure planification. Nous procédons à un vaste examen, parce qu'il est toujours possible d'augmenter notre efficacité. Nous pouvons viser des objectifs. Nous avons vu apparaître de nouveaux appareils, par exemple des appareils à rayons X plus performants qui permettent de voir les fluides à l'intérieur des bagages. Nous n'avons cependant pas assoupli nos règlements. Même si nous sommes mieux équipés, nous avons installé des portes à l'entrée des cabines de pilotage des avions. Le temps est maintenant venu de faire une pause, de prendre du recul et de nous demander si nos mesures de sécurité sont bien ciblées. Tout est fondé sur la gestion du risque. C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle, de sorte que nous savons qu'au Canada, l'argent est dépensé le plus efficacement possible sans que la sécurité ne soit compromise, même qu'elle s'en trouve renforcée.

Le sénateur Mitchell : Nous sommes heureux que vous soyez avec nous ce matin. Il faut remettre en contexte l'idée que les frais étaient plus élevés en 2002. Les événements du 9 septembre s'étaient produits six mois auparavant. Il avait fallu faire beaucoup de dépenses en immobilisations, pour restructurer les aéroports de tout le pays, établir de nouvelles liaisons de télécommunications ou de nouveaux réseaux de communication, et cetera. Tout cela a coûté très cher. Comment pouvons-nous savoir que le financement de ces dépenses ou la taxe sur laquelle elles s'appuyaient étaient peut- être insuffisants? Vous avez fonctionné avec quatre dollars et quelques cents depuis un an ou deux environ, depuis que vous êtes en fonction. Nous sommes passés de 12 $ à 4 $. Pourquoi une augmentation de 50 p. 100 est-elle nécessaire maintenant, en particulier quand on considère qu'une bonne partie de cet argent n'est pas versée à l'ACSTA? Cet argent ne servira pas aux dépenses en sécurité. Il ira aux recettes générales, ce qui revient à dire qu'il ne s'agit pas d'un droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. En fait, comme vous l'avez dit — et c'était comme de la musique à mes oreilles, puisque cela indiquait que c'est ainsi que vous le voyez —, c'est plutôt une taxe pour la sécurité aérienne.

Je n'aime pas les taxes. Votre gouvernement prétend qu'il n'aime pas les taxes. Alors pourquoi avez-vous augmenté cette taxe de 50 p. 100?

M. Merrifield : Si j'ai dit que c'était une taxe, je me suis mal exprimé.

Le sénateur Mitchell : Je suis certain que c'est ce que vous avez dit.

M. Merrifield : J'aimerais que cela soit rayé du compte rendu. En fait, c'est un droit.

Le sénateur Mitchell : Pourquoi augmenter cette taxe de 50 p. 100 dans le contexte actuel, si cet argent ne servira pas à la sécurité? Il ne faudrait pas que la sécurité soit utilisée comme prétexte — la sécurité est extrêmement importante — simplement pour augmenter une taxe, afin de vous aider à régler le problème du déficit, aussi important soit-il.

M. Merrifield : On a effectué un examen sur ce qu'il faut faire pour être capables d'assumer les coûts. On sait que l'ACSTA a acquis du nouveau matériel. Les coûts liés aux appareils à rayons X, aux systèmes de détection d'explosifs, aux scanneurs, à l'observation du comportement, et cetera, ont tous augmenté. En 2002, nous comptions environ 3 000 employés; aujourd'hui, nous en avons plus de 6 000. Les coûts liés à la sécurité dans les aéroports s'accroissent, en conséquence des tentatives d'attaques qui ont eu lieu depuis, et à cause du problème des fluides. Quand l'ACSTA a été mise sur pied, en 2002, qui aurait pensé qu'on devrait un jour s'inquiéter des tubes de dentifrice, des fluides, et cetera, comme on le fait aujourd'hui?

C'est un processus dynamique, en constante évolution. Ce n'est pas une science exacte. Nous faisons tout ce que nous pouvons, en tenant compte des normes internationales et en nous assurant de faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens dans le cadre du processus visant à assurer leur sécurité. Ce droit est exigé pour que nous disposions, dans la mesure du possible, des fonds qui nous permettront de nous acquitter de l'obligation de 1,5 milliard de dollars et de faire en sorte que la sécurité ne soit pas compromise, et ce, peu importe le contexte politique du moment.

Le sénateur Mitchell : Puisqu'on parle de normes internationales, cette augmentation fera du Canada le pays qui exige la taxe sur la sécurité aérienne la plus élevée pour les vols internationaux. Êtes-vous en train de nous dire que le Canada a besoin de beaucoup plus d'argent que les autres pays pour assurer la sécurité? Quand je monte à bord d'un avion d'une compagnie aérienne américaine, je me sens en sécurité, et si je montais à bord d'un avion de Lufthansa ou de British Airways, je me sentirais également en sécurité. Pourtant, aucune de ces compagnies n'exige à ses voyageurs un montant aussi élevé que celui que nous demandons à nos voyageurs internationaux.

M. Merrifield : Je ne veux pas parler de ce que les autres pays font; je peux vous parler de ce qui se fait ici, au Canada.

Notre objectif est de nous assurer d'avoir l'argent nécessaire pour nous acquitter de notre obligation envers les Canadiens de faire en sorte que, lorsqu'ils montent à bord d'un avion, les mesures de sécurité sont prises au sérieux, qu'elles ne sont compromises ni par la conjoncture politique du moment, ni par un manque de fonds.

Quand j'étais à Mexico, j'ai discuté de cette question avec des gens du Chili, de la République dominicaine, du Mexique et de beaucoup d'autres pays. Tous sont aux prises avec le même problème : ils se demandent comment s'acquitter de cette obligation avec les fonds dont ils disposent. C'est également ce que tout le monde disait quand je suis allé à Tokyo. Je ne peux pas vous dire ce que les autres pays feront. Nous prenons la question au sérieux. La sécurité est à l'avant-scène; c'est la principale priorité des Canadiens, et les Canadiens peuvent être assurés que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que soient prises les mesures les plus efficaces et les plus efficientes qui soient.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que ce ne devrait pas être fonction des considérations politiques du moment. Pourtant, de nombreux enjeux politiques entrent en ligne de compte aux États-Unis, où les droits sont tout de même moins élevés. C'est aussi le cas en Grande-Bretagne et au Chili. Selon vous, se peut-il que nous ne soyons pas aussi efficaces que d'autres et que nous devions revoir la gestion, surtout étant donné l'énorme déficit qui nous afflige et qui me fait craindre un manque d'efficacité semblable de la part de notre gouvernement?

M. Merrifield : Absolument. C'est la raison pour laquelle nous effectuons un examen qui se veut exhaustif. Doit-on passer par l'ACSTA? Nous acquittons-nous de notre obligation, qui consiste à assurer la sûreté de nos aéronefs et de leurs passagers, canadiens ou étrangers, de la façon la plus efficace possible? Voilà pourquoi nous procédons à cet examen approfondi.

Le président : Permettez-moi de vous donner un peu de contexte — j'ai vu que Mme Kinney prenait des notes. Notre comité a entendu des témoignages selon lesquels cette augmentation de 52 p. 100 générera des recettes d'environ 590 millions de dollars par année, ce qui représente jusqu'à 2,95 milliards de dollars sur cinq ans, en supposant un taux semblable d'utilisation du système. Or, dans son budget, le gouvernement a consacré 1,5 milliard de dollars à cette question. On essaie donc de déterminer à quoi servira la différence entre cet investissement et les recettes prévues de 2,95 milliards de dollars. Voilà ce qu'on tente de découvrir avec nos questions, puisqu'il y a tout un écart et aucune reddition de comptes.

M. Merrifield : C'est la raison pour laquelle nous effectuons en ce moment un examen approfondi de l'ACSTA, à savoir pour déterminer si nous fonctionnons de façon optimale. Au bout du compte, le droit imposé est-il juste? Devrions-nous tenir compte d'autres éléments pour assurer la sûreté de nos passagers? L'examen répondra à toutes ces questions.

Le président : Je sais que vous ne nous fournirez pas les résultats de cette étude puisqu'elle n'est pas terminée, mais comprenez que nous essayons d'expliquer cet écart.

Le sénateur Callbeck : Les questions que je souhaite vous poser vont en ce sens. Des témoins nous ont indiqué, statistiques à l'appui, que les recettes que le gouvernement percevra dépasseront largement les investissements dans la sécurité, et qu'elles serviront donc en partie à combler le déficit. Le contestez-vous?

M. Merrifield : Je laisse aux fonctionnaires le soin de répondre à cette question.

Laureen Kinney, sous-ministre adjointe par intérim, Groupe de sécurité et de sûreté, Transports Canada : Je ne suis pas bien au courant des calculs qui ont été effectués, mais quelques points valent la peine d'être mentionnés. Tout d'abord, les recettes générées par le Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, le DSPTA, sont versées à l'ACSTA et contribuent au montant de 1,5 milliard de dollars et au niveau de référence précédemment établi.

De petits montants sont également versés au programme de la sûreté aérienne de Transports Canada et au Programme de protection des transporteurs aériens de la GRC, qui permet la présence d'agents de sûreté à bord des aéronefs. Voilà donc une partie du financement.

Donc, sachez que la totalité des revenus tirés du DSPTA seront réinvestis dans la sûreté aérienne, mais qu'ils ne seront pas tous versés à l'ACSTA.

Ensuite, il est question de la transparence du financement. Encore une fois, cela relève du ministère des Finances, lequel touche les recettes et fait le suivi des dépenses. Le ministère prévoit les besoins futurs et établit les taux nécessaires pour les combler. Il se fonde pour se faire sur les prévisions de Transports Canada concernant le trafic de passagers.

Je tiens à signaler que le Bureau du vérificateur général examine l'équilibre établi sur cinq ans entre les recettes tirées du DSPTA et les dépenses en matière de sûreté aérienne. Si je me souviens bien, on vérifie annuellement ou biannuellement la correspondance entre les investissements et les dépenses et on publie les résultats. Au cours de la période de cinq ans, il pourrait y avoir des hauts et des bas, de même que des situations exceptionnelles, comme l'incident survenu à Noël. Il faudra vous adresser au ministère des Finances pour obtenir plus de détails. Je crois que le plus récent rapport à cet égard sera présenté sous peu, mais, je le répète, cela relève du ministère des Finances. C'est le Bureau du vérificateur général qui se charge de comparer les recettes et les dépenses.

M. Merrifield : Nous pouvons vous obtenir ces données du ministère des Finances. Je pense qu'il y a effectivement un décalage.

Le président : Cela nous épargnerait beaucoup d'angoisse.

Le sénateur Callbeck : Alors, vous le ferez n'est-ce pas?

Quelle proportion de l'investissement de 1,5 milliard de dollars dans la sûreté aérienne servira à l'acquisition de nouvelles machines?

M. Merrifield : Vous parlez des appareils d'imagerie à ondes millimétriques. Ceux-ci coûtent environ 250 000 $ chacun, ce qui représente donc environ 15 millions de dollars au total. Ce n'est pas la dépense la plus importante, mais elle sera progressive; 23 appareils sont déjà en opération, et 59 autres ont été commandés.

Le sénateur Callbeck : Quel pourcentage de l'investissement de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans servira à l'acquisition des appareils?

M. Merrifield : Ce n'est pas beaucoup. Je crois que cela représente 15 millions de dollars.

Le sénateur Callbeck : Y a-t-il d'autre équipement?

M. Merrifield : Oui. Dès 2009, on a remis à neuf une grande partie du matériel. Dans les aéroports, vous constaterez la présence d'appareils de radioscopie bleus qui sont beaucoup plus gros et fournissent une image plus détaillée, en trois dimensions. Je pense qu'on en trouve maintenant dans tous les aéroports de catégorie 1. À cette mise à niveau s'ajoutent les dispositifs de détection d'explosifs et les appareils d'imagerie à ondes millimétriques. N'oublions pas les appareils de radioscopie pour les bagages enregistrés, qu'on ne voit pas. Des améliorations ont été apportées et se poursuivent.

Le sénateur Callbeck : Approximativement quel pourcentage de l'investissement de 1,5 milliard de dollars servira à l'achat de nouvel équipement?

M. Merrifield : Je n'ai pas le chiffre exact.

Mme Kinney : Les chiffres ne sont pas définitifs, puisque les plans ministériels sont encore à l'étude. Évidemment, des modifications sont apportées chaque année, pour tenir compte des circonstances particulières. Sur cinq ans, je pense qu'on s'attend à investir 20 millions de dollars par année dans l'équipement. On pourra vous fournir des renseignements plus précis lorsque le plan ministériel sera rendu public. Il s'agit d'un montant considérable, mais je n'ai pas le pourcentage exact.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous dit qu'il s'agissait d'un montant considérable ou négligeable?

M. Merrifield : Considérable.

Le président : Je considère un investissement de 1,5 milliard de dollars comme considérable.

Le sénateur Callbeck : S'il en coûte 1 milliard de dollars pour l'achat d'équipement, cela veut-il dire que les taux...

M. Merrifield : Non, cela ne s'élèvera pas à 1 milliard de dollars, mais plutôt à 100 millions de dollars. C'est beaucoup, mais le 1,5 milliard de dollars prévu sur cinq ans servira à poursuivre la remise à neuf de l'équipement déjà nécessaire dans nos aéroports. Ces fonds ne suffiront probablement pas à couvrir les autres éléments de sécurité.

Le sénateur Callbeck : Allez-vous nous fournir les renseignements pertinents?

M. Merrifield : Nous tenterons de rectifier les données financières que vous avez reçues.

Le sénateur Callbeck : C'est toute une augmentation pour les passagers canadiens. On nous a dit qu'une hausse de ce droit de 1 p. 100 pourrait mener à une diminution équivalente du nombre de passagers, ce qui aurait une incidence énorme sur le tourisme un peu partout au pays.

M. Merrifield : Non, soyons réalistes. L'augmentation pour un aller simple est moindre que le prix d'un café chez Starbucks. Nous avons consulté les administrations aéroportuaires et les transporteurs aériens. Ces derniers disent avoir beaucoup de difficulté à soutenir la concurrence, mais ont tout de même augmenté considérablement leurs frais. Par exemple, on n'a pas hésité au cours de la dernière année à faire doubler le prix du stationnement à Edmonton. Les compagnies aériennes facturent 25 $ pour un siège supplémentaire, des oreillers et des écouteurs. Ici, il est question de sûreté, et pourtant cela ne représente pas bien plus qu'une paire d'écouteurs. Ne nous emballons pas.

Le sénateur Neufeld : J'ai deux questions, l'une sur Postes Canada et l'autre sur l'ACSTA. Où j'habite, à Fort St. John, la Société canadienne des postes a toujours fourni un bon service. J'ai toujours reçu mon courrier. J'ai toujours pu compter sur la société et ses employés accueillants. Je ne savais pas qu'elle avait des privilèges exclusifs sur ce qui se passait à l'extérieur de nos frontières, or on retrouve ce qui suit dans le projet de loi : « Le privilège exclusif octroyé au paragraphe 14(1) ne s'applique pas aux lettres à livrer à un destinataire à l'étranger. »

Depuis combien de temps Postes Canada bénéficie-t-elle de ce privilège exclusif?

M. Merrifield : Il a été contesté devant les tribunaux, lesquels ont conclu que l'interprétation de nos lois permettrait à Postes Canada d'en jouir. C'est la raison pour laquelle nous devons modifier la Loi sur la Société canadienne des postes par l'entremise de cette mesure législative.

Puisque le processus d'appel arrivera à échéance en décembre, le changement doit forcément figurer dans ce projet de loi. Vous avez demandé plus tôt pourquoi c'était le cas, alors voilà. On veut garantir ces emplois compromis par l'ambiguïté découlant de la décision judiciaire.

Le sénateur Neufeld : Donc, jusqu'à maintenant, Postes Canada bénéficiait de ce privilège exclusif?

M. Merrifield : Oui, c'est ce qu'ont conclu les tribunaux.

Le sénateur Neufeld : Si c'est le cas, j'imagine que Postes Canada est très concurrentielle. N'importe quelle société d'État penserait pouvoir affronter la concurrence du secteur privé après avoir eu des années pour déterminer la façon de faire, la meilleure et la plus rentable. Postes Canada a eu cette chance. La PDG de la société s'est dite convaincue de pouvoir soutenir la concurrence du marché, et même impatiente de le faire.

Êtes-vous d'accord avec elle? Diriez-vous que Postes Canada a l'expertise et la capacité nécessaires pour faire concurrence au secteur privé sur un marché ouvert?

M. Merrifield : Tout à fait. J'en ai d'ailleurs déjà parlé avec Moya Greene, la PDG de Postes Canada. Elle est effectivement convaincue de pouvoir affronter la concurrence. Le ciel ne nous tombera pas sur la tête. Puisqu'on s'est demandé dès le début de la séance quelle serait l'incidence de cette phrase, sachez qu'elle ne fait que garantir ces milliers d'emplois compromis. Postes Canada soutiendra la concurrence et, à long terme, ne s'en portera que mieux.

Le président : Je demanderais maintenant aux sénateurs de poser leurs questions pour qu'elles soient portées au compte rendu; M. Morency et Mme Kinney pourront prendre des notes. S'ils doivent nous répondre par écrit, cela nous convient.

Le sénateur Murray : Les partisans de l'imposition d'un droit de sécurité aéroportuaire disent que pour assurer la sûreté des passagers aériens, il faut en payer le prix. Je suis d'accord, et je pense que nous le sommes tous.

Toutefois, ceux qui s'opposent à ce droit, notamment les représentants de l'industrie aérienne qui ont comparu devant nous, disent que c'est trop cher payé, et qu'une partie des fonds seront versés au Trésor; ces propos ont d'ailleurs été repris autour de la table. Je comprends ce qu'en pense Mme Kinney, mais au bout du compte, il faut s'en remettre au ministère des Finances, alors j'imagine que toute la lumière sera faite sur cette question lorsque le directeur parlementaire du budget ou la vérificatrice générale s'y attaqueront, peut-être bien dans quelques années.

En ce qui concerne les bureaux de poste, ne vous attendez pas à ce que je sois inspiré ni embarrassé par ce que les députés libéraux vous ont dit. Une question se pose. Si vous bénéficiez d'autant d'appui, pourquoi ne pas avoir présenté un projet de loi distinct bien avant cela? Ce n'est pas comme si la Chambre des communes était débordée.

Hier soir, nous avons entendu une représentante de Solidarité rurale du Québec exprimer toutes les craintes évoquées par le sénateur Gerstein et d'autres : la privatisation, la déréglementation, les bureaux de poste régionaux, et ainsi de suite. Je pense que vous comprenez l'inquiétude des régions rurales. Vous êtes assez vieux pour vous souvenir de la controverse entourant les lignes d'embranchement et les silos à grain, entre autres, donc vous ne pouvez pas tout simplement balayer ces préoccupations du revers de la main; vous devez les comprendre, et je suis certain que c'est le cas. J'ai dû dire au témoin en question que bien qu'il soit tout à fait possible que le gouvernement prévoit toutes ces choses odieuses qu'elle a énumérées, ce n'est pas cette phrase qui l'y autorisera.

Cela nous amène tout de même à nous interroger sur la vision du gouvernement pour Postes Canada. Écartez-vous la possibilité de déréglementer ou de privatiser une partie ou la totalité de la société?

Enfin, peut-être pourrez-vous me répondre par écrit. Je ne pense pas m'écarter trop du sujet. Je suis nouveau ici. J'ai cru comprendre qu'il y avait un décalage entre les versions anglaise et française de la loi et que c'est la raison pour laquelle Postes Canada a fait appel aux tribunaux. J'imagine que c'était sous un gouvernement précédent. La société a probablement procédé ainsi en vue d'éliminer la concurrence. L'un de vos fonctionnaires pourrait-il nous expliquer ce qu'il en est?

Le président : On passe ensuite au sénateur Runciman, puisque nous souhaitons d'abord poser toutes les questions, pour mémoire.

Le sénateur Runciman : Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne prends pas mon café chez Starbucks, mais plutôt chez Tim Horton. Je dois dire que, selon moi, la plupart des Canadiens reconnaissent que ce que vous faites pour protéger les passagers aériens de notre pays en vaut l'investissement; c'est une police d'assurance qui nous rassure tous beaucoup.

Le sénateur Mitchell a parlé des circonstances exceptionnelles prévalant après 2001 et qui justifiaient l'imposition du droit à l'époque. Je pense qu'il s'agissait d'une situation bien particulière, mais vous voudrez peut-être nous en parler dans le détail.

Depuis 2002, les frais ont diminué d'environ 50 p. 100 dans le cas des vols intérieurs, et de 40 p. 100 pour les vols internationaux. La situation est délicate, étant donné les nouvelles exigences que vous imposent les États-Unis à la suite de l'attaque à la couche piégée, comme vous l'avez dit, et les problèmes de sécurité avec lesquels toute la planète est aux prises. Peut-être pourriez-vous nous parler davantage des pressions auxquelles vous avez dû faire face étant donné que vous deviez réagir très rapidement aux nouvelles exigences qui vous étaient imposées.

Le sénateur Banks : Monsieur le ministre, peut-être suis-je de l'époque antédiluvienne, mais je pense que certaines choses ne peuvent être prises dans un contexte purement commercial, et c'est le cas des forces de police, des pompiers et des bureaux de poste. Lorsque la poste universelle à un penny a été inventée, on présumait que les livraisons faciles dans les zones densément peuplées couvriraient les coûts de l'acheminement du courrier aux Hébrides, et ainsi tout le monde aurait le même accès. Cela m'inquiète qu'on retire à Postes Canada certains privilèges et monopoles — n'ayons pas peur des mots — établis depuis longtemps, voire depuis toujours.

On nous a dit que la société voyait la chose d'un bon œil, mais, comme le sénateur Moore l'a fait remarquer, c'est Postes Canada qui a saisi les tribunaux de cette question, donc j'imagine qu'au bout du compte, elle n'est pas si optimiste.

Ma question porte sur la sûreté aéroportuaire. Mme Kinney a dit que le DSPTA serait entièrement réinvesti dans la sûreté aérienne. J'aimerais donc attirer votre attention, monsieur le ministre, sur Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, rapport publié sur ce sujet par le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité. Ce comité, dont trois d'entre nous étaient membres, a aussi publié deux autres rapports tout aussi pertinents. Je pense que vous les trouverez fort utiles.

Tout au long de notre étude, nous avons essayé d'établir une correspondance entre les recettes tirées à l'époque du DSPTA et les investissements dans les ressources humaines, matérielles et autres, mais en vain. Mais nous sommes impatients de voir si, comme on nous l'a dit, tout sera réinvesti dans la sûreté aérienne, parce que cela n'a pas été le cas par le passé.

Le sénateur Moore : Je tiens à remercier le ministre et les témoins de leur présence.

On ne peut pas prétendre que l'augmentation actuelle découle de la situation en 2002 et des 12 $. C'était tout nouveau à l'époque. Personne ne savait ce qui serait nécessaire, mais le droit a diminué par la suite. Il faut maintenant tenir compte de ce qui s'est passé au cours des dernières années. Il est faux, et un peu malveillant, de laisser entendre que la hausse découle de la situation en 2002.

Le sénateur Banks a parlé de rapports. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en a publié trois. Je pense que c'est dans le dernier qu'il a été question d'observation du comportement. Nous avons entendu un témoin venu d'Israël. Vous voudrez peut-être jeter un coup d'œil, si vous ne l'avez pas déjà fait, à son témoignage, que j'ai trouvé fort instructif. Certaines de ses idées et suggestions ont maintenant été mises en place. Il y en a qui peuvent paraître extrêmes, d'autres pas, mais il serait bon de prendre connaissance de ce qu'il a dit.

Concernant les scanners, lors de la prorogation, le Parti libéral a organisé une séance d'information sur la sécurité aéroportuaire. Nous avons appris qu'un fabricant, à Montréal, a mis au point un appareil qui visualise le corps, mais sans montrer de détails. Je ne sais pas si vous êtes au courant. En tout cas, cette technologie permettrait de dissiper les préoccupations des passagers touchant la vie privée. J'ai mentionné cela aux membres du Homeland Security Committee aux États-Unis, en février, et ils ont trouvé le projet intéressant. Il pourrait s'agir d'une autre technologie canadienne de pointe que nous pourrions promouvoir au Canada et à l'étranger.

J'aimerais savoir, moi aussi, comment va être utilisé le 1,4 milliard de dollars. Un montant de 100 millions de dollars a été prévu pour l'équipement, mais il reste un écart à combler. Mener une étude ne coûterait pas très cher. J'espère avoir d'autres précisons à ce sujet.

La présidente : Monsieur le ministre, malheureusement, notre temps est écoulé. Vous pourriez passer encore une heure à discuter des points qui ont été soulevés.

Si vous avez des observations finales à faire, allez-y. Si vous préférez nous fournir des réponses écrites, nous aimerions bien les avoir le plus tôt possible.

M. Merrifield : Il ne me faudra que quelques minutes pour répondre à la plupart des questions.

La vision de Postes Canada est axée sur le changement. L'objectif, ici, est d'en faire une société plus moderne. L'équipement qu'elle utilise est archaïque. Le Smithsonian, à Washington, serait le seul à pouvoir le réparer. Postes Canada est en train de faire l'objet d'un plan de revitalisation et de transformation majeur. Nous voulons qu'elle soit en mesure de remplir son mandat de la manière la plus efficace possible. Il s'agit là d'un virage révolutionnaire par rapport à ce que Postes Canada a connu pendant de nombreuses années.

Pour ce qui est de la sécurité aéroportuaire, il est vrai que l'observation du comportement est importante. Les scanners à ondes millimétriques sont sécuritaires. L'appareil est bien accepté, le confort du passager demeurant notre souci premier. Ce contrôle n'est pas obligatoire. La personne qui ne veut pas se soumettre au scanner à ondes millimétriques peut choisir de faire l'objet d'une fouille manuelle. Toutefois, 90 p. 100 des passagers optent pour le scanner. Il émet 1 000 fois moins de fréquences qu'un téléphone portable.

Pour les Canadiens, la sécurité passe avant la protection de la vie privée. Ceux qui analysent les ondes millimétriques n'ont aucun contact avec les passagers. Les agents se trouvent dans une autre pièce.

Nous allons vous fournir les chiffres que vous avez demandés. C'est le ministère des Finances, et non Transports Canada, qui s'en occupe. Nous nous spécialisons dans la sécurité. Nous utilisons les fonds qui nous sont alloués de la façon la plus rentable possible. Nous allons continuer de le faire, et nous allons poursuivre notre étude pour assurer la sécurité des Canadiens et la solidité de notre système postal.

La présidente : Monsieur le ministre, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui est chargé d'examiner le projet de loi C-9, qui contient 24 parties, 900 pages et 2 208 dispositions, nous vous remercions d'être venu nous rencontrer aujourd'hui pour nous parler de deux de ces parties.

Monsieur Morency et Mme Kinney, merci de votre présence.

Sénateurs, le temps consacré aux autres témoins ne sera pas aussi serré. Nous allons nous pencher sur la partie 20 du projet de loi C-9, soit l'évaluation environnementale. Nous avons déjà entendu le point de vue des représentants du ministère. Nous allons maintenant entendre celui d'intervenants de l'extérieur.

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Elizabeth May, chef du Parti Vert du Canada; M. Stephen Hazell, avocat auprès de l'organisme Ecojustice; et M. Barry Turner, ancien député et président de la Coalition du budget vert.

Elizabeth May, Parti Vert du Canada : Un sénateur en devenir.

La présidente : Nous n'avons rien à dire à ce sujet. Il s'agit là de la prérogative du gouverneur général.

[Français]

Nous disposons d'une heure et demie avec ce groupe de témoins. Nous commencerons avec Mme May. Vous avez la parole.

[Traduction]

Mme May : Je suis très heureuse d'avoir été invitée à comparaître devant le comité. Je tiens à vous présenter mes excuses : je n'ai pas de déclaration écrite à vous remettre. Cette question me tient à cœur. J'y ai consacré beaucoup de temps dans ma vie antérieure, lorsque je pratiquais le droit environnemental avec des gens comme Stephen Hazell. J'ai aussi travaillé à ce dossier avec d'anciens collègues, comme Barry Turner, que j'ai rencontré à l'époque où il était député.

Je suis accompagnée aujourd'hui, même s'il ne témoignera pas, de M. Ard Van Leeuwen, porte-parole des verts en matière de finances. Nous avons élaboré, ensemble, des propositions budgétaires que nous avons soumises comme parti politique. J'entends aujourd'hui mettre de côté la politique, s'il est possible de le faire dans cette enceinte, et vous parler à titre de simple citoyenne canadienne.

Le projet de loi C-9 porte le nom de « Loi sur l'emploi et la croissance économique ». On dirait un titre orwellien. Je vous encourage d'ailleurs à relire le roman 1984 et à indiquer au gouvernement que ce projet de loi, qui n'a rien à voir avec l'emploi et la croissance économique, équivaut à un sabotage de la procédure parlementaire. J'entends me concentrer sur la partie 20 du projet de loi et du processus qui y est défini. Toutefois, je vous demande de mettre un terme à ces attaques incessantes et impitoyables contre la procédure parlementaire.

Enfouir dans un projet de loi budgétaire des éléments qui n'ont rien à voir avec le budget est inacceptable. Le gouvernement a fait la même chose en 2009, lorsque la Loi sur la protection des eaux navigables a été vidée de toute substance. Les sénateurs McCoy et Murray, entre autres, ont dénoncé ce geste, contesté l'élimination du droit des femmes à l'équité salariale au sein de la fonction publique fédérale, critiqué les changements apportés aux seuils d'examen dans la Loi sur Investissement Canada. Tout cela a été fait d'un seul trait. L'explication était la suivante : « Vous n'avez pas à vous demander pourquoi ces mesures ont été adoptées. Nous n'avons pas de programme secret. » Le Globe and Mail a très bien résumé la situation : le gouvernement minoritaire se comporte comme un gouvernement majoritaire; il sait fort bien que les autres partis ne veulent pas d'élections, et il peut inclure n'importe quoi dans un projet de loi budgétaire. Cette année, c'est pire encore.

Tous les changements annoncés m'inquiètent — qu'il s'agisse de Postes Canada, de la vente d'EACL, des modifications apportées aux tarifs aériens. Il s'agit ici d'une démarche trompeuse qui sape les fondements mêmes du processus budgétaire traditionnel du Canada. L'introduction de ces mesures dans un projet de loi budgétaire équivaut à un abus de procédure.

Je m'intéresse depuis très longtemps à la question de l'évaluation environnementale au Canada. Je vais donc aborder ce sujet en premier. À l'origine, le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement était l'objet d'une directive qui s'est transformée en décret. Le processus fédéral d'évaluation environnementale a vu le jour en 1979. Les gouvernements qui se sont succédé ont cherché à améliorer le processus en vue de le rendre plus prévisible. Je travaillais pour le ministre fédéral de l'Environnement lorsque la proposition de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a été soumise au Bureau du Conseil privé, aux personnes aux commandes de l'appareil gouvernemental : adopter une loi fédérale pour faire en sorte que le processus d'évaluation environnementale soit prévisible et juste. Cette petite rencontre avec les représentants du gouvernement a eu lieu en 1987. Il a fallu du temps pour atteindre cet objectif.

La loi est entrée en vigueur en 1995, si je ne m'abuse. Depuis, le processus canadien d'évaluation environnementale et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ont été officialisés et rationnalisés. Les chevauchements de tout genre ont été éliminés suite à la mise en place d'audiences conjointes fédérales-provinciales. Le nombre d'audiences a également été réduit pour accélérer, semble-t-il, le processus d'examen. C'est ce qui s'est produit quand l'approche à deux volets a été créée par voie d'amendement : certains projets font l'objet d'une étude approfondie, tandis que d'autres sont soumis à une commission d'examen. Or, d'après les amendements proposés, les projets assujettis à une étude approfondie ne peuvent être renvoyés à une commission d'examen. La mise sur pied de commissions d'examen conjoint fédérales-provinciales est de plus en plus prévisible quand il y a un projet qui intéresse à la fois le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

Ces initiatives n'ont pas eu pour effet de prolonger le délai d'approbation des projets. Au contraire, elles ont permis d'améliorer, de manière constante, la planification et l'élaboration de ceux-ci. Il y a des milliers et des milliers d'examens environnementaux qui sont menés au Canada. Il est peut-être arrivé à deux reprises qu'un projet soit rejeté. On ne peut pas dire que le processus d'examen de l'évaluation environnementale a nui à la création d'emplois ou à la croissance économique. Cela d'ailleurs ne s'est jamais produit. Grâce à lui, les projets de grande envergure ont pu être modifiés, voire adaptés pour en diminuer l'ampleur.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale repose sur le principe de la participation du public. Or, cette participation est, à bien des égards, compromise par ce projet de loi. Je vais parler brièvement des changements apportés dans trois domaines : les projets énergétiques, l'établissement de la portée des incidences et la consultation publique.

Dans la foulée du désastre causé par le déversement de pétrole de BP, est-ce que les sénateurs souhaitent être reconnus comme ceux qui ont réduit la capacité des Canadiens d'évaluer l'impact environnemental des projets énergétiques? Il s'agit là d'un point important. Il est injuste de vous attribuer une telle responsabilité. Les choses n'auraient jamais dû aller aussi loin. Les Canadiens ne veulent pas que les mesures de protection et la portée de l'évaluation environnementale des projets énergétiques soient restreintes. L'idée ne serait jamais acceptée sans audiences exhaustives si elle n'était pas enfouie dans un projet de loi budgétaire.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Oui, le gouvernement va dire que les évaluations environnementales vont avoir lieu, qu'elles vont être menées par d'autres organismes — des organismes qui n'ont ni l'expérience ni le savoir de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ou qui ne connaissent pas à fond la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. De manière plus précise, on laisse entendre que les projets nucléaires vont faire l'objet d'une étude par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, et que les autres projets énergétiques vont être examinés par l'Office national de l'énergie.

Dans le cas des forages pétroliers en haute mer, les études vont être réalisées par l'Office national de l'énergie, l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers ou l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Je connais bien ces deux derniers organismes. Ils n'ont pas le même niveau de professionnalisme que l'Office national de l'énergie. Ils n'ont pas du tout l'expertise, voire la compétence voulue pour procéder à des études environnementales des projets énergétiques en haute mer, et ce, avant leur mise en œuvre.

Récemment, sans examen aucun, ils ont annoncé que des forages pétroliers seraient permis au large des îles de la Madeleine, en plein cœur du golfe du Saint-Laurent. Aucune évaluation, aucune discussion n'a eu lieu. Ils pensent pouvoir effectuer des travaux de prospection sismique et entreprendre des forages dans moins d'un an dans le golfe du Saint-Laurent. Les situations de ce genre pourraient se produire fréquemment. Pour éviter, au large des côtes, les déversements pétroliers comme celui de BP, il faut procéder à une évaluation préalable approfondie avant qu'un projet ne soit approuvé. Or, le projet de loi mine cette étape.

Passons maintenant à la portée des incidences. Il s'agit ici d'une tentative délibérée, claire, évidente. Il n'y a rien de caché. La Cour suprême du Canada a statué récemment, dans l'affaire de la mine de cuivre et d'or Red Chris, en Colombie-Britannique, que le ministre de l'Environnement avait eu tort de mener une évaluation qui visait uniquement les bassins de décantation et les mesures auxiliaires, et non la mine elle-même. La Cour a affirmé très clairement que l'évaluation environnementale devait faire l'objet d'une consultation publique et que la portée du projet dans son ensemble devait être définie.

Il est question ici des projets autres qu'énergétiques. En vertu du projet de loi, le ministre de l'Environnement aura le pouvoir de définir, comme il l'entend, la portée de tous les projets lancés au Canada. Il est possible de procéder à une évaluation environnementale sur une très petite route dans le cas d'une mine importante. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale va être vidée de sa substance. Le gouvernement va directement à l'encontre de la décision de la Cour suprême du Canada, ce qu'un organisme législatif peut faire, c'est vrai, mais il a tort d'enfouir cela dans un projet de loi budgétaire.

Enfin, concernant la consultation publique, l'étude approfondie, au sens de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ne vise que les mégaprojets, ceux qui devraient faire l'objet d'un examen en bonne et due forme. Les modifications prévues à la partie 20 éliminent l'obligation de tenir des consultations publiques.

Si le Sénat ne se tient pas debout et ne met pas fin aux efforts du gouvernement, nous allons revenir à la situation qui existait avant 1979 dans le domaine de l'évaluation environnementale. Il va miner un processus que nous avons mis des décennies à peaufiner.

De grâce, peu importe votre parti politique, peu importe ce que vous pensez, vous devez vous affirmer et protéger le Parlement, ses procédures et ses traditions, et éviter que le Canada adopte le processus budgétaire américain, où tout peut être inclus dans un projet de loi et enfoncé dans la gorge des parlementaires, et brandisse la menace d'une élection, chose qui ne se fait pas aux États-Unis. Cette façon de procéder est inacceptable, et vous le savez.

Stephen Hazell, avocat, Ecojustice : Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je représente Ecojustice, un organisme de droit national voué à la défense de l'intérêt public, et le Sierra Club du Canada, dont je suis un ancien directeur.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale doit être revue en profondeur, mais pas par l'entremise d'un projet de loi omnibus. La loi présente des problèmes qui sont profondément interreliés et qui ne peuvent être réglés par des solutions de fortune. Une réforme efficace de la loi passe par la reconnaissance de l'existence de ces problèmes et la recherche de pistes de solution.

Ce qui inquiète au plus haut point Ecojustice et le Sierra Club du Canada, c'est que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la LCEE, est en train d'être affaiblie au moyen de modifications statutaires et réglementaires improvisées, modifications qui n'ont fait l'objet d'aucune discussion parlementaire ou publique sérieuse, alors qu'une réforme plus complète et intégrée s'impose.

Je voudrais vous parler brièvement de certaines de ces modifications improvisées, le projet de loi C-9 étant l'exemple le plus récent.

Il y a un an, comme l'a mentionné Mme May, nous avons vécu plus ou moins la même chose : un projet de loi d'exécution du budget a été déposé, et de nombreuses modifications ont été apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables. Ces modifications ont eu pour effet, entre autres, de soustraire au processus fédéral d'évaluation environnementale les obstacles à la navigation. Le droit de navigation des Canadiens a également été éliminé, mais le but de cette démarche, surtout, était de limiter le nombre d'évaluations environnementales effectuées au niveau fédéral. Voilà pour le premier point.

Ensuite, plusieurs sénateurs membres du comité faisaient partie à l'époque du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Parmi ceux-ci figuraient les sénateurs Neufeld, McCoy et Mitchell, si je ne m'abuse. Je ne sais pas si le sénateur Banks était encore membre du comité. Nous avions discuté de la question, et j'avais fait part des inquiétudes que soulevait chez moi le recours à un projet de loi omnibus pour modifier la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Comme nous le savons, ce projet de loi a été adopté, sans amendement.

Plusieurs modifications réglementaires ont été apportées, mais je n'ai pas l'intention de les passer en revue. Toutefois, elles ont entraîné, au cours des dernières années, une baisse du nombre d'évaluations environnementales menées par le gouvernement fédéral. À un moment donné, jusqu'à 7 000 évaluations étaient effectuées chaque année. Aujourd'hui, il y en a beaucoup moins. Des centaines de milliers d'évaluations ont été supprimées.

Un examen plus exhaustif pourrait être effectué et le sera, je crois, cet automne lorsque le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes entamera son étude septennale de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je pense qu'il en a été question à la Chambre. Je reviendrai sur ce point dans un instant.

Vous devez tenir compte que l'un des principaux aspects du projet de loi C-9 et des changements qu'il propose, c'est la disposition permettant de restreindre par décret la portée d'une évaluation environnementale d'un projet. Mme May a fait allusion à l'affaire Red Chris, dans laquelle la Cour suprême a conclu essentiellement que le projet de la mine aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale complète. Donc, lorsqu'il s'agit d'un projet de sables bitumineux, l'évaluation environnementale fédérale doit porter sur la nature même du projet, en l'occurrence les sables bitumineux.

Jusqu'ici, on pouvait restreindre la portée d'une évaluation environnementale. Le projet de loi attribue ce pouvoir à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Une usine d'exploitation des sables bitumineux pourrait effectivement être assujettie au Règlement sur la liste d'étude approfondie, mais l'évaluation porterait sur le passage d'un cours d'eau et non sur les conséquences importantes de cette exploitation : changement climatique, pollution atmosphérique ou destruction de la forêt boréale. L'évaluation fédérale serait donc axée sur le passage d'un cours d'eau, par exemple la construction d'une route pour le franchir et ses conséquences secondaires sur l'habitat du poisson. C'est, selon nous, fort suspect.

Je veux surtout vous faire valoir aujourd'hui qu'une étude approfondie est vraiment nécessaire. Par quel moyen? En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la période de sept ans a débuté en juin dernier. La Chambre des communes se penchera sur la question cet automne par l'intermédiaire de son comité de l'environnement et du développement durable, ce qui est judicieux. Ce processus est très avantageux. Il permet notamment de mettre le public à contribution.

Quelle est l'utilité de la partie 20 à quelques mois à peine de l'étude approfondie? Je ne saisis vraiment pas son utilité.

Ecojustice et Sierra Club du Canada recommandent premièrement que le Comité sénatorial des finances nationales réaffirme son opposition de longue date au recours par les gouvernements libéral et conservateur confondus aux lois d'exécution du budget pour légiférer sur des questions étrangères à celui-ci.

Nous vous recommandons deuxièmement d'amender le projet de loi C-9 en l'amputant des dispositions sur l'évaluation environnementale de la partie 20.

Troisièmement, nous vous recommandons de demander au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes d'examiner ces mêmes dispositions dans le cadre de son étude septennale imminente.

En dernier lieu, je suis conscient des efforts déployés par le sénateur Murray au Sénat pour scinder le projet de loi, efforts qui n'ont pas été couronnés de succès, je crois. Nous le déplorons beaucoup. C'est pourquoi je vous formule une recommandation accessoire.

Si votre comité ne juge pas opportun d'amender le projet de loi en supprimant la partie 20, je lui demanderais d'au moins recommander que la Chambre des communes confie à son comité de l'environnement la tâche de se pencher, dans le cadre de son examen, sur toute cette gamme de changements ponctuels et décousus qui ont été proposés ces derniers mois. Ce sera peut-être l'occasion d'examiner pertinemment les moyens de rendre plus efficace la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Tous les partis auront donc voix au chapitre. Qu'est-ce que j'entends par là? Qu'il faut trouver le moyen d'utiliser le processus d'évaluation environnementale pour examiner les priorités du gouvernement. Le changement climatique en est indéniablement une. Nous pouvons nous demander si le gouvernement a pris des mesures efficaces à ce chapitre, d'autant qu'il a affirmé qu'il en faisait son cheval de bataille. Nous servons-nous de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour nous attaquer au changement climatique? Non, et c'est déplorable. On met en branle des initiatives comme le projet d'exploitation des sables bitumineux de Kearl — l'équivalent de 800 000 véhicules de plus sur les routes du pays — sans obtenir l'aval des autorités en matière de changement climatique.

Nous attaquons-nous à la pollution atmosphérique, une priorité du premier ministre? En règle générale, nous faisons piètre figure. Nous pouvons changer substantiellement le projet de loi et mettre l'accent sur ce qui est important aux yeux du gouvernement ou sur ce qu'il dit être important.

Dans un autre ordre d'idées, l'évaluation environnementale, particulièrement celle du fédéral, cause d'énormes problèmes. Notamment, il faut consacrer beaucoup de temps à la collecte de renseignements sur le projet. C'est un fardeau important aux yeux des promoteurs. Cependant, il existe d'autres solutions que celle-ci pour leur alléger la tâche.

À mon avis, le système fédéral de gestion de l'information ne permet pas de garantir que les données collectées pour le projet d'une usine d'exploitation des sables bitumineux seront utilisées pour une autre usine. Le système n'est pas adéquat. Des amendements ont été adoptés à cet égard il y a quelques années, mais c'est un autre domaine où le gouvernement fédéral pourrait améliorer considérablement son efficacité.

Mais je reviens à l'essentiel : pourquoi recourir à un tel procédé édulcoré alors que l'évaluation environnementale est importante pour l'avenir de notre pays et que nous devrions plutôt nous en remettre à l'examen septennal? Nous espérons que le comité préconisera l'examen septennal dans les recommandations qu'il formulera.

Barry Turner, président, Coalition du budget vert : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Je voudrais préalablement souhaiter un prompt rétablissement au sénateur Demers qui est hospitalisé à Montréal.

Le 21 avril 2010, la Coalition du budget vert a critiqué le projet de loi C-9 dans un communiqué dont je vous lis un extrait :

« Le budget ne devrait pas être utilisé comme un mécanisme pour affaiblir les lois canadiennes de protection environnementale », a expliqué Barry Turner, président du CBV.

En avril dernier, j'ai été réélu président par les 21 groupes les plus importants voués à la conservation de l'environnement au Canada. Ces groupes comptent un total de 600 000 membres. La Coalition du budget vert a vu le jour il y a 11 ans.

Le 11 mai 2010, Andrew Van Iterson, gestionnaire de la Coalition du budget vert, a tenu les propos suivants devant le Comité des finances de la Chambre des communes :

[...] la Coalition du budget vert vous demande de retirer les modifications à la LCEE du projet de loi C-9 afin que ces propositions puissent faire l'objet d'une pleine étude parlementaire et être soumises pour examen à vos estimés collègues du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

Depuis, la coalition n'a pas changé d'avis. Pour favoriser la transparence et la reddition de comptes, c'est ainsi qu'il faudrait procéder.

Je vais citer ma grand-mère qui est décédée récemment. Au fait, sénateur Murray, vous connaissez peut-être la famille Grimes, qui habite ici dans la région. Ma grand-mère était une Grimes. C'était une grande femme, une femme sage. Elle disait : « Les bons gouvernements accomplissent de bonnes choses, mais ceux qui se démarquent accomplissent ce qui est opportun. » Merci.

Le président : Merci infiniment. C'est une citation dont il faut essayer de se souvenir. Nous sommes chanceux, j'en conviens, que plusieurs membres de notre comité fassent partie également du Comité de l'environnement et des ressources naturelles. Je vais donc céder la parole à l'ancien président de ce dernier comité, le sénateur Banks de l'Alberta.

Le sénateur Banks : Je remercie nos témoins. Certains d'entre nous partagent votre avis.

Reprenez-moi si je fais erreur, mais les mesures contenues dans le projet de loi étaient temporaires, notamment celles concernant l'impôt sur le revenu. Elles visaient, je pense, à faciliter l'injection des sommes prévues dans le budget pour notamment faciliter et accélérer la réalisation des projets d'infrastructure en vue de stimuler l'économie. Elles étaient temporaires, n'est-ce pas?

Mme May : Ces mesures représentent une faible partie de l'ensemble du projet de loi, une si faible partie en fait que je ne les ai pas abordées dans ma déclaration, et je ne crois pas que le représentant d'Ecojustice en ait parlé également.

M. Hazell : Je vous répondrai directement : Mme May a tout à fait raison. Il y a un article qui aborde cette question. C'est ce qui pose problème également. Je m'explique : vous l'avez signalé, le règlement d'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été modifié il y a un an pour exempter divers projets de l'évaluation environnementale fédérale dans le cadre du plan de relance. Il s'agissait d'une mesure temporaire mise en œuvre il y a un peu plus d'un an.

Ces modifications réglementaires ont été intégrées à la mesure législative. Étant avocat, je trouve qu'il est inouï d'agir ainsi. De toute évidence, le gouvernement s'est rendu compte qu'il s'en était bien tiré la première fois et il n'a pas hésité à répéter l'expérience. On se demande si les pouvoirs réglementaires autorisaient les exclusions décrétées il y a un an. Ecojustice et Sierra Club avaient présenté une demande de révision judiciaire à cet égard, mais les modifications de la loi ont rendu nul l'argument juridique que nous faisions valoir au tribunal.

Mme May : Exclure des projets énergétiques du processus d'évaluation environnementale, mettre un terme à la consultation publique dans le cadre d'une étude approfondie et légiférer pour que le ministre de l'Environnement puisse décrire un projet d'envergure en banalisant ses conséquences par opportunisme politique, ce ne sont pas là des changements temporaires. Ces changements sont intégrés à une mesure législative et n'ont rien à voir avec l'infrastructure.

Le sénateur Banks : Tel était mon propos. Ces mesures étaient censées stimuler l'économie, mais on les a intégrées à la loi.

Suivez mon raisonnement : vous avez réuni les capitaux privés pour mettre en branle un grand projet et vos bailleurs de fonds font preuve de patience, car tout cela nécessite énormément de temps; or, si votre projet doit faire l'objet d'une longue série d'évaluations qui s'échelonneront sur des mois sinon des années, vos bailleurs de fonds risquent de retirer leurs billes du jeu ou de s'impatienter, ce qui fera obstacle à l'exécution de votre projet. On prétendra que c'est simplement un moyen d'éliminer le double emploi en matière d'évaluation et de favoriser les affaires en contrepartie de certains compromis.

Mme May : On nous parle de double emploi depuis fort longtemps, mais les preuves montrant que c'est bien le cas sont fort peu nombreuses. Le comité de la Chambre des communes pourrait déterminer ce qu'il en est en se penchant sur la question rétroactivement.

Nous avons déjà été aux prises avec le problème suivant, et il a fallu apporter des modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour s'y attaquer directement : lorsqu'un projet relève à la fois du gouvernement fédéral et d'un gouvernement provincial, les deux ordres de gouvernement procèdent conjointement aux évaluations.

Le sénateur Banks : Les choses se passent déjà ainsi.

Mme May : Oui. Je conviens avec vous que les bailleurs de fonds doivent être patients. Les coûts qu'ils doivent assumer lorsqu'un projet canadien d'envergure fait l'objet du programme d'évaluation environnementale sont dérisoires par rapport à l'ensemble de leurs coûts généraux.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale précise clairement que l'évaluation environnementale doit être exécutée le plus tôt possible dans le processus de planification afin qu'il n'y ait aucun retard. Par conséquent, si l'évaluation environnementale se met en branle au stade embryonnaire d'un projet, on s'acquitte parallèlement de cette exigence et des autres exigences réglementaires. C'est intégré au processus de planification. Le projet est plus solide. Les promoteurs pourront s'engager à faire mieux ou à en faire davantage. Voici des exemples de ce que j'avance : à cause des évaluations environnementales effectuées, un fabricant de panneaux de lamelles orientées du Manitoba a indiqué qu'il installerait un épurateur de qualité supérieure pour éliminer davantage de matières toxiques avant qu'elles n'atteignent le bassin atmosphérique, et l'usine Al-Pac de l'Alberta a promis de prendre les mesures nécessaires pour mieux éliminer les matières toxiques. Le processus d'évaluation environnementale donne des projets plus solides. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne constitue pas une entrave à l'exécution des projets.

M. Turner : Sénateur, vous avez peut-être raison quant à l'affectation de capitaux patients à long terme.

Le sénateur Banks : Je n'ai pas dit que j'avais raison. J'ai dit qu'il y avait un argument.

M. Turner : C'est d'ailleurs pourquoi j'ai dit « peut-être ».

Le fait de dissimuler dans un budget fédéral une telle modification législative sur l'environnement n'est pas la bonne manière de procéder. C'est ce que nous voulons dire. Il existe un meilleur moyen de discuter des changements environnementaux à la loi qui est également sain, démocratique et transparent. Il s'agit de s'adresser au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

M. Hazell : J'aimerais préciser ce à quoi a fait allusion Mme May. Dans son rapport de 2007, le Comité permanent de l'environnement et du développement durable concluait ceci : « il n'existe pas de preuves suffisantes de chevauchements et doubles emplois dans les réglementations ou les activités des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le domaine de l'environnement. » Quelques années plus tard, le ministre de l'Environnement a déclaré que le régime fédéral d'évaluation environnementale avait réussi à éviter le double emploi avec les provinces. Ce rapport révèle que, sur les 7 000 évaluations fédérales menées annuellement, entre 80 et 100 seulement ont fait l'objet d'une évaluation provinciale quelconque.

Lorsqu'il y avait du chevauchement entre les évaluations provinciale et fédérale, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a fait des efforts remarquables pour assurer une bonne coordination des évaluations. L'agence a mis sur pied des bureaux aux quatre coins du Canada pour veiller à ce que les activités se déroulent rondement. Le Cabinet a émis des directives à cet égard. On a déployé des efforts considérables pour qu'il n'y ait pas de double emploi et de chevauchement entre les évaluations fédérale et provinciale.

Comme l'a laissé entendre Mme May, il est utile de faire appel à cette question brûlante des doubles emplois et du chevauchement, mais cet enjeu est tout à fait inexistant, comme l'ont déterminé le comité de la Chambre des communes et les ministres de l'Environnement des gouvernements précédents.

Le sénateur Neufeld : Avant de devenir sénateur, j'ai pris part à quelques évaluations environnementales. J'ai connu certains retards, et tous les retards ne proviennent pas toujours du gouvernement fédéral, à mon avis. Il y en a aussi quelques-uns du côté des provinces. Rien n'est parfait.

Madame May, vous dites que rien n'a interrompu les projets. J'ai toujours pensé que « non » est également une réponse. Il n'est pas nécessaire de laisser traîner la question pendant des années pour enfin donner une telle réponse si, en fait, c'est ce que le projet exige — et il en va de même pour une réponse affirmative.

Je sais qu'il y avait un nombre considérable de projets en Colombie-Britannique. Quand je faisais partie du gouvernement britanno-colombien, l'Agence canadienne d'évaluation évaluait presque la moitié des projets, et certains ont été retardés pendant un certain nombre d'années.

D'après mon interprétation de la loi, elle s'applique toujours, de même que l'évaluation environnementale. Cependant, comme vous en avez parlé, la décision initiale quant à l'orientation du projet est prise plus rapidement, de sorte que l'on peut entamer le processus. Dans la plupart des cas, le gouvernement fédéral décide habituellement de ce qu'il va faire au cours des 16 mois suivant le début d'un projet dans une province, en moyenne. C'est là que le gouvernement commence. Il est difficile de travailler en collaboration avec les provinces quant à leur processus. Au cours de ces 16 mois, comme l'a dit le sénateur Banks, il faut des capitaux patients.

Je ne suis pas en train de dire que chaque projet devrait aller de l'avant. Ce n'est pas le cas du gouvernement fédéral non plus, mais il essaie d'accélérer un processus sans renoncer à toute responsabilité prévue dans la loi — et ce n'est pas le cas. Au lieu de laisser tout le monde, chacun dans son bureau, décider qui fera quoi pendant de nombreux mois, tout ce que le ministre a le droit de faire, c'est de décider qui va prendre ces décisions parmi l'Office national de l'énergie, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

L'utilisation continue de tous les processus en place pose-t-elle un problème quelconque? On n'a apporté aucune modification à la loi pour qu'il y ait moins d'évaluation environnementale, mais le processus devient un peu plus efficace. Vous devrez probablement reconnaître que l'efficacité n'est pas une si mauvaise chose.

Mme May : Je conviens que l'efficacité est une bonne chose, mais ce n'est pas ce que fait ce projet de loi. Il affaiblit le processus d'évaluation environnementale, et ce, de manière permanente, à moins qu'un gouvernement futur le modifie.

Cela va plus loin que de dire à quel organisme doivent être attribués les projets énergétiques. La plupart de vos observations m'ont laissé croire que les projets énergétiques seraient attribués à la Commission canadienne de la sûreté nucléaire, à l'Office national de l'énergie, à l'Office Canada — Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers ou à l'Office Canada — Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. L'établissement de la portée des incidences sur la loi, les changements pour renverser le point de vue de la Cour suprême du Canada à propos de ce qu'est une évaluation environnementale convenable, a visiblement changé le processus d'évaluation environnementale. Cela ne veut pas dire que tout est semblable, sauf pour quelques changements. En permettant au ministre de décider quelle partie du projet sera évaluée, au lieu du projet dans son ensemble, on a créé une occasion de tourner l'évaluation environnementale au ridicule, de s'en moquer complètement. C'est une préoccupation majeure.

On peut parfois protéger des projets en leur faisant subir une évaluation environnementale acceptable. J'aurais aimé que le projet de la mine Westray ait fait l'objet d'une évaluation quelconque avant d'être lancé. Il n'y a eu aucune évaluation environnementale concernant les niveaux de méthane, ce qui aurait fait réfléchir les gens avant d'aller de l'avant. C'est le pire désastre minier de l'histoire récente.

La dernière évaluation environnementale à laquelle j'ai participé avant d'entrer en politique, c'était l'examen conjoint fédéral-provincial de la restauration des étangs de goudron de Sydney. Le travail s'est effectué en moins d'un an, à compter de la décision du ministre de l'Environnement de nommer un groupe d'experts conjoint fédéral- provincial jusqu'à la fin du projet. C'est quelque quatre années plus tard que la province a annoncé ce qu'elle allait faire. Malheureusement, les responsables provinciaux n'avaient pas lu le rapport de l'examen du groupe d'experts. S'ils l'avaient fait, ils se seraient rendu compte que le projet que finance actuellement la province avec l'argent des contribuables canadiens ne fonctionnera pas. Vous ne pouvez pas soutenir que ce processus ait été ralenti.

Je sais que le processus d'évaluation environnemental britanno-colombien fait l'objet de nombreuses préoccupations et je ne suis pas ici pour témoigner à ce sujet. Une bonne intervention partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces peut être efficace et peut effectivement protéger les projets. Cela protège les vies, la santé et les résultats de meilleurs projets.

Le sénateur Neufeld : En fin de compte, nous pouvons convenir d'être en désaccord concernant un certain nombre de points, et c'en est un. Je doute fort que ce projet de loi ou ces modifications minent la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale au Canada. À mon avis, il est injuste de dire que cela nous ramènerait à l'époque précédant 1979.

J'ai entendu des observations semblables quand nous avons examiné la Loi sur la protection des eaux navigables l'an dernier. Le monde allait s'écrouler. Les plaisanciers n'allaient plus pouvoir descendre les rivières, les fleuves et ainsi de suite. J'ignore si une telle situation a eu lieu; je n'ai rien lu à ce sujet. Cela s'est-il produit quelque part depuis l'entrée en vigueur de ces modifications au pays? Les gens qui utilisaient ces eaux navigables ont-ils connu des empêchements notables depuis que ces changements ont été apportés?

M. Hazell : La question n'est pas de savoir si l'on a empêché des gens de se promener en canot sur une rivière. Il est plutôt question de savoir si un barrage sera construit sur une rivière qu'utilisent des plaisanciers et des canoteurs, entre autres, sans qu'ils soient avertis ou qu'ils puissent participer aux processus.

Il y a cette idée que les systèmes provinciaux donnent des résultats et que le système fédéral ne fait que répéter tous ces grands efforts déployés par les provinces. Or, le problème, c'est que les processus provinciaux sont faibles et s'affaiblissent de plus en plus. Par exemple, le processus ontarien n'évalue pas du tout les projets privés. Il vise uniquement les projets du secteur public. Comment pourrait-il y avoir des doubles emplois? À Ottawa, actuellement, on a proposé l'un des plus grands projets d'infrastructure. Il s'agit d'un nouveau pont important servant au passage des automobiles et des camions d'une rive à l'autre de la rivière des Outaouais. L'Ontario ne procède à absolument aucune évaluation environnementale à cet égard. On se pose certaines questions à savoir s'il y aura une évaluation environnementale fédérale. Le ministre Baird peut décider que le pont de l'île Kettle sera construit avec des fonds d'infrastructures et, par conséquent, il peut décréter qu'il n'a pas besoin d'un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. Ainsi, il n'y aura pas d'évaluation environnementale fédérale non plus. Nous ne convenons pas de l'idée selon laquelle les systèmes provinciaux sont merveilleux et qu'ils vont résoudre tous les problèmes.

Mme May : Pour répondre directement à ce qui s'est produit au cours de l'année dernière, depuis les changements apportés à la Loi sur la protection des eaux navigables, je suis au courant d'un cas, celui de la marina pouvant accueillir des méga-yachts dans le port de Victoria. Transports Canada a déclaré qu'il n'y avait pas d'impacts environnementaux. Le ministère a réduit l'étendue des préoccupations qu'il aurait dû avoir quant à la manière dont s'y prend la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour envisager l'environnement. Il faut vous pencher sur cet aspect, car on peut penser que l'« environnement » ne concerne que les arbres et les fleurs. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et son processus incluent les impacts socioéconomiques dans les impacts environnementaux. C'est notre seul texte de loi qui incite les personnes menant l'étude à envisager des solutions de rechange et à déterminer si elles ont été envisagées.

Dans le cas de la grande marina, les personnes les plus lésées étaient des pagayeurs et des kayakistes qui ont perdu l'accès aux voies qu'elles utilisaient auparavant. Il y a une controverse remarquable à Transports Canada concernant ce projet, car il a fait l'objet d'une approbation automatique, avec une consultation publique minimale. En ce qui concerne les impacts environnementaux, le ministère a déclaré délibérément ce qui se passait relativement à la qualité de l'eau dans le port de Victoria, sans aborder la vue d'ensemble des impacts environnementaux. L'affaire est actuellement devant les tribunaux parce que le ministère n'a pas porté l'attention requise aux impacts environnementaux.

Les répercussions découlant de la modification d'une loi ne s'observent pas en une seule année. Lorsqu'on dit que la définition objective de ce qui est considéré comme des eaux navigables devient une décision ministérielle en l'absence de critères, on ouvre la porte à des abus possibles. Cela ne fait aucun doute.

Je suis désolée, sénateur Neufeld, mais je vous prie de réexaminer ce qui se passe lorsque le ministre peut décider qu'un grand projet sera limité concernant un aspect mineur. Cela, monsieur, affaiblit la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cette composante fait partie de ce projet de loi, et cela ne devrait pas être le cas.

Le sénateur Neufeld : Je ne suis pas ici pour défendre l'évaluation environnementale de chacune des provinces. Je connais relativement bien celle de la Colombie-Britannique et je crois qu'il s'agit d'une assez bonne évaluation. Ce n'est pas là la question, par contre. Il s'agit de savoir comment réussir à ce que les projets franchissent l'étape où l'on peut obtenir une réponse affirmative ou négative. D'après ce que j'ai lu, le projet de loi ne mine pas la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il permet à la loi de donner de meilleurs résultats pour tous les Canadiens, que vous vous opposiez à chaque projet ou non.

Je présume que les eaux navigables n'ont aucunement été touchées l'an dernier, quand le monde entier allait s'écrouler et que tout allait de travers. Vous semblez tous les deux me dire qu'il n'y a pas eu...

Mme May : Auriez-vous mal compris ma réponse à propos du port de Victoria?

Le sénateur Neufeld : Laissez-moi finir. C'était la question, et je n'ai pas eu de réponse.

Avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, les premiers ministres provinciaux et les dirigeants des territoires ont exercé des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il les consulte. Ainsi, les Canadiens auraient des évaluations environnementales qui leur semblent logiques et qui tiennent compte, d'une manière plus globale, des projets, de l'activité économique et de l'environnement — et je n'ai pas de leçon à recevoir quant au concept des évaluations environnementales. C'est ce que les premiers ministres des provinces et les dirigeants des territoires des quatre coins du Canada font depuis un certain nombre d'années. Il ne s'agit pas d'une nouveauté des quatre dernières années.

Vous avez dit que l'on a apporté des changements pour tenir compte de certains de ces facteurs. Rien ne devrait être coulé dans le béton. S'il y a une chose que je sais, c'est que nous devrions être en mesure d'améliorer la situation au fur et à mesure que nous avançons. Je connais les premiers ministres provinciaux et j'ai lu leurs lettres. Je les comprends quand ils demandent que nous nous efforcions d'améliorer le système, tout en maintenant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cette composante fait partie du projet de loi, et j'estime qu'elle donne les résultats escomptés.

Le président : Vous avez convenu de ne pas être du même avis que le sénateur Neufeld, mais avez-vous d'autres brefs commentaires à nous faire part?

Mme May : Si ces modifications étaient défendables, pourquoi sont-elles incluses dans le projet de loi d'exécution du budget, alors que personne n'a eu assez de temps pour les examiner à la Chambre des communes?

Le sénateur McCoy : Merci d'être venue ici aujourd'hui. Je cherchais un rapport sur les plans et les priorités préparé par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Je veux examiner l'idée derrière vos commentaires, à savoir que nous pourrions bel et bien mieux réussir à l'échelle fédérale.

Je pense qu'il existe un accord fondamental sur le fait que tout le monde souhaite ardemment avoir un processus d'évaluation environnementale plus efficace, et je ne dirai pas « efficient ». Cette série de modifications tente, en partie, de faire un pas de plus en avant. J'ai aussi l'impression que tout cela a été rédigé à la hâte et que les responsables se trompent sur toute la ligne. Je souscris en grande partie aux commentaires de M. Hazell, qui a dit qu'on ne peut pas procéder de façon fragmentaire. Ils ont jeté le bébé avec l'eau du bain.

C'est un long préambule, mais je voudrais vous poser une question au sujet de la disposition qui permet à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale de devenir l'organisme responsable des dossiers qui ne sont pas confiés à l'Office national de l'énergie et à d'autres conseils de l'énergie ou à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Vous y avez travaillé, n'est-ce pas, monsieur Hazell?

M. Hazell : Oui.

Le sénateur McCoy : Donc, vous connaissez bien cet organisme.

M. Hazell : Je connais bien l'agence, et j'étais le directeur des affaires réglementaires à l'époque où la loi est entrée en vigueur.

Le sénateur McCoy : Comme vous l'avez dit, l'étude exhaustive est un grand projet. L'organisme responsable devra s'assurer qu'une étude exhaustive est faite. C'est ce que prévoit le nouvel article 21. Ailleurs dans la loi, il est indiqué que l'agence sera l'organisme responsable.

Croyez-vous qu'elle a tout ce dont elle a besoin pour le faire?

M. Hazell : L'Agence canadienne d'évaluation environnementale procède à des études exhaustives depuis au moins 10 ans. Je ne sais pas trop à quel moment cette modification a été proposée. L'agence dispose de moyens importants pour mener des études exhaustives.

Il y a un argument selon lequel, étant donné que les autres ministères ont remarquablement bien réussi à assumer leur rôle d'organisme responsable — je pense en particulier au ministère des Pêches et des Océans qui, je le concède, mène ses opérations en vertu d'une loi désuète qui n'a pas été conçue en tenant compte des évaluations environnementales —, nous serions tous beaucoup mieux servis si les fonctions étaient plus centralisées à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Nous aurions des approches plus harmonisées, ce qui nous permettrait d'assurer une meilleure coordination avec les provinces. Lorsqu'il y a plusieurs organismes responsables, comme le ministère des Pêches et des Océans et peut-être le ministère des Transports ou Environnement Canada, et qu'ils discutent tous de la marche à suivre, il est plus facile d'avoir un organisme qui dit : « Voici comment nous allons le faire. Nous sommes ceux qui vont s'occuper du problème. »

Il y a un argument selon lequel il faut centraliser certaines des fonctions, mais permettez-nous d'en discuter dans le contexte de la loi dans son ensemble plutôt que d'essayer de le faire à la pièce. Je ne considère pas que la loi ou le processus aient été améliorés par l'une ou l'autre des modifications qui ont été apportées au cours des quatre ou cinq dernières années. Je ne vois qu'une plus grande incertitude au sujet de ce qui va se passer. Essayer de trouver la logique dans tout cela est difficile, même pour des avocats.

Le sénateur McCoy : J'ai lu le jugement au sujet de la mine de Red Chris. Il me semble que le jugement de la Cour suprême du Canada dit qu'on ne peut pas réduire l'ampleur d'un projet pour éviter certaines dispositions de la loi, mais une fois que vous avez commencé, vous pouvez certainement faire des choses pour réduire les chevauchements, les délais et le travail inutile. Vous prenez la description telle que le promoteur vous la donne. Si elle se trouve sur la liste exhaustive, vous mettez en œuvre une étude approfondie ou un comité de révision, n'est-ce pas?

M. Hazell : C'est exact.

Le sénateur McCoy : À cette étape, il y a des dispositions dans la loi, et en fait, le juge a dit de les utiliser, et je ne suis pas certain que les fonctionnaires les ont utilisées dans le cas de la mine Red Chris. Il me semble que le projet de loi, qui présente le nouvel article 15.1, est une réaction excessive aux propos du juge. Souscrivez-vous à cette affirmation?

M. Hazell : Oui.

Mme May : J'approuve tout ce que vous avez dit, sénateur McCoy.

Le président : Je pense que M. Hazell voulait faire un commentaire.

M. Hazell : Non. Merci, monsieur le président.

Le sénateur McCoy : Les responsables ont, sans contredit, écarté l'aspect de la participation du public.

Mme May : Dans le cas de l'étude exhaustive.

Le sénateur McCoy : Il s'agit du début du processus. Les responsables ont vraiment laissé de côté l'exigence de faire rapport au ministre pour déterminer s'il faudrait mener une étude approfondie ou mettre sur pied un comité de révision. D'après le sénateur Neufeld, nous devons raccourcir le début du processus pour qu'il n'y ait pas tant de retards à l'échelle fédérale.

Nous nous retrouvons maintenant dans une situation où nous essayons de corriger un problème de gestion à l'aide d'une mesure législative, à mon avis. Vous avez convenu de ce que j'ai dit au sujet des modifications.

Mme May : Je pense que ce que nous avons n'est pas tant une question de gestion qu'une question politique. Quand on lit le texte du budget, et non pas le projet de loi en soi — le projet de loi C-9 —, mais un article du budget étrangement intitulé « Croissance et emplois respectueux de l'environnement » dans lequel on parle de projets énergétiques importants, de mines d'uranium, de charbon, de gaz naturel et de pétrole, il ne mentionne rien que je considérerais comme vert. Cependant, c'est dans cette partie du budget que le gouvernement a, pour la première fois, avancé l'idée que les projets énergétiques seraient retirés de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et seraient attribués à ces autres organismes. Je ne suis pas certaine que cela accélérera le processus de quelque façon que ce soit.

Je ne sais pas si la Commission canadienne de sûreté nucléaire considérera qu'elle dispose des ressources nécessaires pour procéder à des évaluations environnementales ou si elle saura comment les faire. Supposons qu'elle effectue le même genre de travail que ce qu'elle a déjà fait, après avoir vu — avec stupeur — sa présidente être congédiée pour avoir respecté la loi. Dans le passé, avant d'être membre d'un parti politique, j'ai comparu devant la commission pour lui faire part des préoccupations d'organisations non gouvernementales. La Commission canadienne de sûreté nucléaire aura maintenant le mandat de mener des études environnementales importantes et approfondies si la construction d'un nouveau réacteur nucléaire est proposée; nous devons nous rappeler qu'aucun nouveau réacteur nucléaire n'a été approuvé dans ce pays depuis 1978. Ce sera un long processus qui pourrait être difficile.

Les projets énergétiques ont été complètement retirés de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je pourrais avoir tort, mais je présume que la responsabilité incombe à la Commission canadienne de sûreté nucléaire et qu'elle s'occupera de tout. Comment peut-elle savoir comment procéder? L'Office national de l'énergie est un organisme très singulier, mais soyons clairs. J'ai exercé le droit dans le passé et j'ai comparu devant l'Office national de l'énergie, qui est un organisme quasi judiciaire. Cela rend plus difficile la participation d'un simple citoyen ou d'une communauté des Premières nations aux audiences. Il faut, pour ainsi dire, faire appel aux services d'un avocat pour y aller. Je suis certaine que vous savez fort bien que le fait d'engager un avocat ne signifie pas que les choses vont plus vite pour autant.

Nous demandons à des organismes qui n'ont pas été créés pour s'occuper des évaluations environnementales et de la participation du public. En vertu du projet de loi, ils ont reçu le mandat de fournir des fonds d'aide financière aux participants à des organismes qui n'ont jamais fait cela : la Commission canadienne de la sûreté nucléaire, l'Office national de l'énergie et les autres commissions auxiliaires, à savoir l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Je ne vois pas trop bien comment, du moins dans le premier cas — à moins que ces organismes prévoient tourner en ridicule le travail qui vient de leur être attribué — quoi que cela pourrait accélérer le processus, parce qu'ils entrent dans un territoire inconnu pour lequel ils devront élaborer un processus de consultation publique. Ils devront essayer de savoir comment faire de la place à la consultation publique dans le contexte d'un processus quasi judiciaire. En d'autres mots, je prévois un désastre.

Le sénateur Gerstein : Madame May, nombreux sont ceux qui considèrent la Colombie-Britannique comme une province très verte. Je crois que c'est l'endroit où vous songez vous présenter aux prochaines élections.

Mme May : J'ai vécu en Colombie-Britannique pendant la dernière année.

Le sénateur Gerstein : Êtes-vous d'accord pour dire que c'est une province très verte?

Mme May : Toutes les parties du Canada sont vertes.

Le sénateur Gerstein : Nombreux sont ceux qui considèrent que c'est une province verte, et nombreux sont ceux qui considèrent que le quotidien The Vancouver Sun est un chef de file et un journal très influent, probablement le journal le plus influent en Colombie-Britannique. C'est avec un certain intérêt que j'ai lu son éditorial du 27 mai 2010, intitulé « Adding common sense to the environmental review process ». Le bon sens est rare en politique. Si vous me le permettez, voici en partie ce qu'on peut y lire :

Comme pourront en témoigner tout ceux qui travaillent à des projets d'infrastructure au Canada, particulièrement dans le secteur des ressources naturelles, le processus d'évaluation environnementale actuel peut retarder des projets pendant des années et faire grimper les coûts de façon importante.

La cause de cette situation déplorable est que... les responsables fédéraux ont reproduit des études déjà entreprises de façon rigoureuse et efficace par leurs collègues provinciaux.

Plus loin, l'article fait état que le projet de loi C-9 — le projet de loi dont nous parlons aujourd'hui...

[...] cherche à corriger ces lacunes en faisant du ministre de l'Environnement le responsable [...]

Cela ne veut pas dire que le processus est affaibli. Au contraire, même les projets d'infrastructure publique de routine qui sont exemptés des évaluations environnementales pourraient y être soumis si le ministre considère que le projet pourrait avoir des effets négatifs.

L'éditorial se termine par ceci :

L'inclusion du bon sens dans le processus d'évaluation environnementale sera bénéfique tant pour l'économie [...]

... d'où son inclusion dans le projet de loi d'exécution du budget...

[...] que pour l'environnement.

Comment réagissez-vous à cela?

Mme May : La partie la plus verte de la Colombie-Britannique est le sud de l'île de Vancouver, où le Times Colonist de Victoria a publié un éditorial qui faisait écho à celui publié à l'échelle nationale par le Globe and Mail, dans lequel on soutenait qu'il s'agissait d'un mauvais processus.

Le sénateur Gerstein : Je ne pense pas que c'était le Globe and Mail. Ceci est le Vancouver Sun.

Mme May : Je sais que vous avez dit le Vancouver Sun. Le Globe and Mail, le Times Colonist de Victoria et d'autres journaux au pays ont fait remarquer qu'il est dangereux de commencer le processus...

Le sénateur Gerstein : Je ne parle pas de l'éditorial du Times Colonist de Victoria.

Le président : Sénateur Gerstein, permettez-lui de terminer.

Le sénateur Gerstein : Elle ne répond pas à ma question. Je parle d'un éditorial du Vancouver Sun.

Mme May : L'éditorial du Vancouver Sun est l'éditorial du Vancouver Sun. Le Times Colonist de Victoria a publié un éditorial qui disait — tout comme le quotidien national The Globe and Mail et d'autres quotidiens à la grandeur du Canada — qu'il s'agissait d'un mauvais processus qui introduisait des questions non budgétaires dans le projet de loi d'exécution du budget. Je ne ferai pas de commentaire sur l'éditorial du Vancouver Sun, si ce n'est pour dire que la position du journal ne fait pas l'unanimité même parmi les journaux qui ont écrit des éditoriaux à ce sujet.

Le sénateur Gerstein : Ne croyez-vous pas que ce dont ils parlent, cependant, c'est le simple bon sens?

Mme May : Je pense qu'il est mauvais en principe d'incorporer des questions non budgétaires dans un projet de loi d'exécution du budget. Il s'agit d'une utilisation abusive de la procédure. Ce n'est si fondamentalement mauvais au point que nous ne devrions même pas être saisis de ce projet de loi à cette table.

Le sénateur Gerstein : Eh bien, il est bon de voir quelque chose qui a du bon sens.

Le sénateur Mitchell : Le gouvernement est passé maître dans l'art de jeter de la poudre aux yeux, de camper sur ses positions et de prendre une valeur qui semble être irréfutable et qui pourrait être applicable ici et de l'appliquer à quelque chose d'autre et d'essayer de le justifier, ce qu'il réussit à faire assez souvent.

Ce qu'ils ont fait en réalité, c'est qu'ils ont intégré le principe de réduction de l'évaluation environnementale à cette idée. Ce que nous avons entendu dire, et vous l'avez dit aussi, c'est que ce double emploi, ces retards et toutes ces raisons signifient que des projets n'aboutiront pas.

N'est-il pas vrai qu'il existe de nombreuses raisons pour lesquelles des projets importants sont retardés, et ce n'est pas seulement — s'il s'agit vraiment de cela —, comme vous le dites, une question d'évaluation environnementale? On parle du prix du pétrole si celui-ci est en baisse, des taux d'intérêt s'ils augmentent et il y a une multitude de raisons qui expliquent pourquoi les choses peuvent être retardées. Les récessions peuvent aussi interrompre des projets.

Pourriez-vous nous expliquer l'idée selon laquelle les évaluations environnementales ne retardent pas les projets et peut-être nous donner une idée de ce qui retarde les projets?

M. Hazell : Les évaluations environnementales sont souventun bouc émissaire utile. J'ai participé à l'évaluation environnementale du projet gazier du Mackenzie, qui s'est étirée sur une très longue période, et personne n'est heureux de la situation. Il y a eu toutes sortes de retards, qui sont en partie liés aux programmes de revendications territoriales globales qui ont été mis en œuvre dans les Territoires du Nord-Ouest et au fait que nous avons tenu deux processus d'audiences distincts. C'était malheureux, mais c'est ce que la loi exigeait.

Bon nombre des retards dans le cadre du projet gazier du Mackenzie sont attribuables au fait que le promoteur lui- même a cessé le travail, sous prétexte qu'il ne poursuivrait pas les travaux tant qu'il n'aurait pas signé des ententes relatives aux avantages avec les peuples des Premières nations. Cette situation s'est produite pour un certain nombre de raisons différentes au cours de ce très long processus d'évaluation. En fin de compte, c'est pratique, mais maintenant, les gens pensent au projet gazier du Mackenzie et ils disent : « Il a fallu cinq ans. Voyez comme le gouvernement est tout à fait inefficace », et cetera.

C'était certainement une partie du problème, mais une autre partie importante, c'est que l'Impériale et les autres entreprises utilisaient leur poids politique pour verser moins d'argent aux collectivités inuites et des Premières nations.

Mme May : Je partage ce point de vue. J'aimerais encore une fois attirer votre attention sur le fait que le processus d'évaluation environnementale doit commencer le plus tôt possible, dès le début du processus de planification. Les directives ministérielles qui exigent la tenue d'une étude peuvent aussi établir un calendrier. Il s'est agi d'une façon beaucoup plus efficace de s'occuper de ce problème que d'essayer de répartir les évaluations environnementales parmi différents organismes qui n'ont pas nécessairement d'expérience dans ce domaine.

Encore une fois, je reviens à l'examen du projet des étangs bitumineux de Sydney. C'était quelque chose d'inhabituel, à l'époque, mais le ministre Dion — alors ministre de l'Environnement — a établi un délai précis; il a dit qu'il voulait que ce soit terminé avant telle ou telle date et cela a été fait. À l'époque, je crois que la durée moyenne d'une évaluation environnementale était de neuf mois. On peut le faire de façon très efficace du début à la fin.

À quoi sont dus les retards? Encore une fois, l'Impériale n'avait pas reçu de son siège social l'autorisation d'aller de l'avant. L'entreprise jouait aussi avec le temps : mener une évaluation environnementale lui permettait de retarder le projet et de retarder le dépôt de son examen approfondi. Dans ce cas, un grand nombre des retards sont attribuables aux promoteurs et pourtant, on blâme toujours l'évaluation environnementale.

Le sénateur Mitchell : Le plus bel exemple de ce qui est sous-entendu par cet argument, c'est l'idée du double emploi. À mon avis, il est logiquement impossible qu'il y en ait beaucoup, dans tous les cas. Il y a d'abord les commissions mixtes, comme vous l'avez fait remarquer, mais il y a aussi des autorités complètement et foncièrement différentes qui seront assujetties à des lois complètement et foncièrement différentes. En vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, aucun examen ne doit être fait par la province. En vertu de celle sur les oiseaux migrateurs, je ne pense pas que les provinces sont responsables des examens. Aucun argument logique ou aucune raison n'explique le fait qu'il devrait y avoir un chevauchement, ni pourquoi ces choses ne peuvent pas être faites simultanément de toute façon, si ce n'est pas déjà le cas.

Mme May : Ce qui est intéressant, c'est que le gouvernement démantèle les évaluations environnementales et affirme que ces choses peuvent être faites à l'échelle provinciale et que le gouvernement fédéral ne veut pas les empêcher de le faire. Cependant, le gouvernement s'est avancé audacieusement, et nous l'avons appuyé, pour dire que nous devrions avoir une commission nationale des valeurs mobilières. Je ne comprends pas. Pour pouvoir profiter d'un système équitable et prévisible, on doit parfois s'assurer d'avoir une mesure législative globale et un organisme responsable. Une commission nationale des valeurs mobilières, c'est logique. Pourquoi le gouvernement veut-il donc démanteler le système d'évaluation environnementale?

Le sénateur Mitchell : Ma dernière question découle d'une observation que M. Hazell a faite — et que d'autres ont répétée — et qui a vraiment retenu mon attention. Un projet de sables bitumineux, par exemple, peut être limité à une rivière, et on n'a pas besoin de se soucier d'aucune façon de ses effets sur les changements climatiques.

Je tiens à le préciser plus que toute autre chose, mais pensez-vous qu'ils y pensent? À une époque où le gouvernement devrait vraiment se concentrer sur les changements climatiques — ce qu'il aurait dû faire il y a longtemps —, il trouve encore une fois, en réalité, le moyen de diminuer et de réduire l'attention qu'il accorde à cette question.

M. Hazell : Je ne sais pas ce qui incite le gouvernement à agir ainsi. C'est peut-être qu'il considère que le développement des sables bitumineux relève de la province et que le gouvernement fédéral ne devrait vraiment pas s'en mêler. Ces décisions devraient être prises à l'échelle provinciale, et la province devrait aller de l'avant. Voilà peut-être l'intention du gouvernement. D'autre part, cependant, nous avons des obligations internationales en ce qui concerne les changements climatiques. Le Parlement a adopté des lois relatives à la réduction des gaz à effet de serre. Pourquoi n'utiliserions-nous pas les lois sur les évaluations environnementales pour essayer d'influencer les projets de développement comme ceux des sables bitumineux, qui sont à intensité carbonique élevée, pour respecter nos obligations internationales et nos autres obligations juridiques? Le gouvernement fédéral a peut-être comme philosophie qu'il ne devrait vraiment pas avoir à se mêler des questions relatives à la réglementation du développement à grande échelle des ressources non renouvelables.

Le sénateur Callbeck : Madame May, vous avez mentionné que le droit de tenir des consultations publiques devrait être retiré. Le sénateur McCoy en a parlé. Ces consultations seront-elles incluses dans les études exhaustives? J'aimerais que vous nous en parliez et que vous nous expliquiez toute l'affaire.

Mme May : Les modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ont créé ce choix en ce qui concerne les grands projets, de façon à ce que l'on doive procéder par commission d'examen ou par étude exhaustive. Jusque-là, il y avait la notion que ces processus pourraient être séquentiels. Vous pourriez procéder à l'étude exhaustive pour conclure qu'en réalité, vous avez besoin d'une commission d'examen parce qu'il existe un niveau de préoccupation de la part du public qui le justifie. La loi été modifiée en fonction des mêmes préoccupations que celles dont le sénateur Neufeld a parlé. Je crois que les préoccupations qui ont été soulevées ici ont été réglées par la façon dont la loi a été modifiée.

On craignait entre autres que la loi ne faisait que créer un obstacle pour les grands projets, à savoir qu'une étude exhaustive devrait être faite et que le processus n'irait pas plus loin. On ne pourrait jamais, à partir de cette étape, passer à une commission d'examen. Comme la loi est fondée sur les principes de la participation et de la consultation du public, le gouvernement a veillé à ce que le processus d'étude exhaustive — et c'est ce que je veux souligner — soit un processus qui se déroule entièrement sur papier, ce qui signifie que le public a accès à des rapports et peut soumettre des mémoires écrits, mais qu'il n'y a ni audience ni interaction directe avec le public. Une étude exhaustive est un processus qui se fait par écrit et qui s'accompagne du droit du public d'avoir accès aux renseignements et de soumettre des commentaires écrits. Cet aspect de la consultation publique sera aboli si le projet de loi est adopté.

Les consultations publiques ne sont pas coûteuses pour le gouvernement et ne ralentissent pas le processus. Cependant, en ce qui concerne tous les projets qui seront examinés en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, s'il s'agit de projets assez importants pour qu'une étude exhaustive soit nécessaire, le public n'aura plus le droit d'obtenir les renseignements qui seront examinés par l'organisme ou de soumettre des commentaires écrits.

Le sénateur Callbeck : Allez-vous nous donner quelques exemples d'études exhaustives, au Canada atlantique, qui ont donné lieu à des consultations publiques qui n'auraient pas eu lieu en vertu du projet de loi C-9?

Mme May : Dans le cas du Pont de la Confédération, il y a eu une commission d'examen, et c'était avant que le gouvernement ne crée ce processus à deux voies où il est possible d'aller d'un côté ou de l'autre et où une étude exhaustive ne peut jamais être suivie d'une commission d'examen.

Il y a eu une étude exhaustive dans le cas d'un projet d'aquaculture à St. Ann's Bay. Transports Canada a participé à cette étude parce qu'elle mettait en cause les eaux navigables puisque les filières de moules auraient entravé la navigation sur cette voie navigable. Transports Canada, la Garde côtière canadienne, le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada ont partagé les responsabilités dans le cadre d'une étude exhaustive. Le public avait le droit de participer en présentant des commentaires écrits. Le public n'aurait plus le droit de le faire.

Le sénateur Callbeck : J'ai cru comprendre que vous avez dit que le public serait toujours en mesure de soumettre des commentaires écrits.

Mme May : Non. Le projet de loi change tout cela. Le droit du public de participer à une étude exhaustive, comme le prévoit le projet de loi C-9, signifierait que, dans le cas des études exhaustives, il n'y aurait aucun droit en matière d'accès aux renseignements ou de soumission de commentaires écrits. Je crois que c'est en 2001 que le gouvernement a modifié la loi pour dire qu'il écoutait ceux qui ne cessaient de haranguer le gouvernement au sujet des doubles emplois fantômes que personne ne pouvait trouver dans la réalité. Le gouvernement a dit que ce serait soit une commission d'examen soit une étude exhaustive, et puisque celle-ci ne comporterait pas d'audiences, il enchâsserait le droit du public d'être consulté dans la loi. Le projet de loi abolit ce droit de soumettre des commentaires écrits. En vertu du projet de loi C-9, le processus deviendra une sorte de trou noir.

Le sénateur Callbeck : Dans le cadre de consultations, le public n'aura pas voix au chapitre, d'aucune façon?

Mme May : Le public aura toujours le droit de comparaître s'il s'agit d'une commission d'examen, mais pas s'il s'agit d'une étude exhaustive. Il s'agit de cas très rares.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais faire figurer au compte rendu un extrait d'une lettre qui a été envoyée aux membres du comité et qui représente l'avis de l'Association du Barreau canadien en ce qui concerne la partie 20, que nous examinons actuellement. On y lit :

La partie 20 du projet de loi C-9 propose d'importantes modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE). À notre avis, les nouvelles dispositions doivent être radiées et un projet de loi séparé doit traiter de ces questions, à la suite d'une consultation publique ciblée et éclairée et d'un examen du projet de loi par le Parlement.

L'Association du Barreau canadien propose la même chose que trois d'entre vous.

Monsieur Hazell, vous avez indiqué plus tôt qu'en Ontario, il n'y a aucune évaluation environnementale à l'échelle provinciale pour les projets financés par le secteur privé.

M. Hazell : C'est exact, à moins que le ministre de l'Environnement de la province ne l'exige. Les projets ne sont généralement pas examinés par le gouvernement provincial, mais celui-ci peut exiger une évaluation environnementale.

Le sénateur Ringuette : Je vais vous donner un exemple et vous demander de commenter. Au cours des derniers mois, on a proposé publiquement qu'on donne l'argent des contribuables canadiens à une entreprise familiale américaine pour la construction d'un deuxième pont entre Windsor et Détroit. Parce qu'il s'agit de fonds privés, même s'ils proviennent des contribuables canadiens, il n'y aurait aucune évaluation environnementale provinciale en Ontario, sauf si elle était exigée par le ministre provincial. Est-ce exact?

M. Hazell : Je crois comprendre que dans le cas du pont entre Windsor et Detroit, le processus de l'Ontario s'applique parce que des terres de la Couronne sont concernées. Je ne suis pas très au courant des détails du projet, mais je crois comprendre que le gouvernement provincial de l'Ontario participe à l'évaluation de ce projet. Cependant, le gouvernement de l'Ontario a décidé qu'il ne participerait pas au projet de la liaison interprovinciale de l'île Kettle, ici à Ottawa.

Le sénateur Ringuette : Quelle incidence aurait cette loi sur le projet de Detroit?

M. Hazell : Le projet serait géré en fonction des ententes de coopération qui existent entre les gouvernements provincial et fédéral. Je suis certain que le gouvernement fédéral joue un rôle dans l'évaluation du passage international Windsor-Detroit, mais je n'en connais pas tous les détails.

Mme May : Il s'agit d'une voie navigable internationale.

M. Hazell : Le projet peut être assujetti à la délivrance de permis prévue par la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous ne le savons pas, parce que le ministre Baird pourrait dire que nous n'en avons pas vraiment besoin dans ce cas-ci.

Le sénateur Ringuette : En raison de la portée du pouvoir de décision qu'accorde le projet de loi?

M. Hazell : Non, en raison des modifications qui ont été apportées l'an dernier et des pouvoirs étendus dont dispose le ministre des Transports : il peut décréter que pour un projet quelconque — peu importe son ampleur ou à quel point il entrave la navigation —, il n'est pas nécessaire de demander un permis délivré en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables ni, par conséquent, de procéder à une évaluation environnementale fédérale. Dans ce cas, je pense que le gouvernement fédéral participe. La situation n'est pas survenue, mais elle aurait pu se produire.

Le président : Monsieur Turner, madame May et monsieur Hazell, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie beaucoup de nous avoir aidés.

Mme May : Je suis très reconnaissante d'avoir eu l'occasion de parler aux membres du Sénat. Je vous prie d'examiner cette question et de voir si vous pouvez vous assurer d'empêcher les dommages qui seront causés par ce projet de loi.

(La séance est levée.)


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