Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 15, Témoignages du 6 juillet 2010 - Séance du soir
OTTAWA, le mardi 6 juillet 2010
Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui à 18 h 16 pour étudier ledit projet de loi (sujet : partie 20).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, il s'agit de la 21e réunion du comité concernant le projet de loi C-9, la loi d'exécution du budget de 2010. Lors des séances précédentes, le comité a entendu les témoignages de ministres, de représentants ministériels et d'intervenants extérieurs qui s'intéressent à cette loi ou qui sont touchés par celle-ci.
Ce soir, nous allons conclure notre examen de la partie 20 du projet de loi, qui porte sur les évaluations environnementales. Nous sommes heureux d'accueillir M. Ramsey Hart, qui représente Mines Alerte Canada; M. Richard Lindgren, avocat-conseil de l'Association canadienne du droit de l'environnement; ainsi que M. Josh Paterson, avocat-conseil à l'interne pour West Coast Environmental Law, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis la Colombie-Britannique.
Nous demanderons à chacun d'entre vous de nous faire part de vos remarques préliminaires, puis nous passerons à une séance de questions et réponses. Si vous souhaitez répondre à une question qui a été posée à un autre intervenant, il vous suffit de nous signaler votre intention de participer à la discussion.
Monsieur Paterson, nous avons constaté dans le passé que nous avons tendance à oublier nos participants par vidéoconférence lorsque nous avons des témoins devant nous dans la salle. Alors, je vous en prie, n'hésitez pas à intervenir. Nous allons commencer avec vous. Veuillez nous faire part de vos remarques préliminaires.
Josh Paterson, avocat-conseil à l'interne, West Coast Environmental Law : Merci beaucoup. Je représente West Coast Environmental Law, qui participe activement à l'élaboration de lois environnementales aux niveaux fédéral et provincial depuis des dizaines d'années.
Cette loi budgétaire est un affront à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et une insulte pour le processus démocratique qui est essentiel pour veiller à ce que les évaluations environnementales soient crédibles et dignes de confiance aux yeux de la population canadienne. Si je me permets d'être aussi radical, c'est que ce projet de loi a été conçu de façon à ce que l'adoucissement de la loi sur l'évaluation environnementale passe en quelque sorte inaperçue parmi la foule de changements proposés dans les 900 pages de la loi budgétaire.
West Coast Environmental Law reconnaît que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est confrontée à plusieurs défis. Bon nombre de ces problèmes sont bien documentés et sont connus depuis un certain temps. De toute évidence, il faut renforcer la loi pour mieux s'attaquer aux changements climatiques et s'assurer que la santé et la résilience des Canadiens et de leur environnement sont protégées. Cependant, les changements proposés dans le projet de loi C-9 font fi de ces difficultés.
Comme vous l'avez sans doute entendu aujourd'hui, le Parlement, dans toute sa sagesse, a établi qu'un examen en profondeur de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, un examen s'échelonnant sur sept ans, allait être entrepris cette année. Il s'agit là du meilleur forum pour examiner les changements à apporter à la loi, dans le cadre duquel le public et les différents intervenants pourront véritablement se prononcer et auquel les Premières nations, les Inuits et les Métis pourront participer activement. Ce budget se veut en fait un moyen délibéré pour contourner cet examen et les processus démocratiques. Le gouvernement avait employé le même stratagème l'an dernier, et il récidive encore aujourd'hui. Nous vous demandons de tenter de mettre un terme à ces manœuvres.
Il est évident que les dispositions énoncées dans la partie 20 du projet de loi visent à dépouiller la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Elles n'ont rien à voir avec le budget et n'y ont pas leur place. Aucun des changements proposés ne permettra de remédier aux problèmes largement identifiés dans la loi et que le professeur Robert Gibson expose avec moult détails dans son excellent mémoire, lequel vous a été remis. De plus, aucun de ces changements ne semble respecter les objectifs de la loi, qui prévoit notamment que les projets doivent être étudiés de façon soignée et prudente pour qu'ils n'aient pas d'effets adverses importants sur l'environnement.
Je n'ai pas vraiment le temps d'entrer dans les détails, mais vous savez déjà que l'article 2155 permettrait au ministre de l'Environnement d'éviter de soumettre des grands projets à des évaluations environnementales approfondies, en les scindant en de plus petites entités selon des conditions non précisées. Il s'agit là d'une résolution qui vient renverser la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada, qui a décrété que cette pratique était illégale en vertu de la loi actuelle.
L'article 2153 prévoit aussi une exemption générale pour toute une gamme de grands projets liés au nouveau programme d'infrastructure, pavant ainsi la voie à des projets qui pourraient avoir de graves conséquences sur l'environnement sans qu'aucune mesure d'atténuation des risques soit envisagée.
Ni l'un ni l'autre de ces changements ne semble cadrer avec l'objectif du projet de loi d'éliminer les redondances inutiles et de promouvoir la coordination entre les processus fédéraux et provinciaux d'évaluation environnementale. Pour ce qui est de la scission des projets aux fins de l'évaluation environnementale, aucune condition n'est définie dans le projet de loi pour circonscrire ce pouvoir discrétionnaire ou vérifier si le projet sera soumis à un examen approfondi par un autre ordre de gouvernement. Plutôt que de solidifier le système, ce pouvoir discrétionnaire vient miner les garanties qu'offre la liste d'étude approfondie. Il est maintenant impossible de prévoir à quel type d'évaluation sera soumis un projet au niveau fédéral.
L'exemption générale pour les projets d'infrastructure a été instaurée par voie de règlement afin de stimuler la croissance économique durant la récession, et le projet de loi en fait ici une mesure permanente. Aucune condition n'y est rattachée non plus. On se contente d'indiquer que certains projets seraient soustraits aux évaluations environnementales fédérales, un point c'est tout, qu'une évaluation équivalente soit effectuée ou non au niveau provincial. Cette exemption va à l'encontre de l'idée même de l'évaluation environnementale, c'est-à-dire que tous les projets qui sont susceptibles d'avoir des effets négatifs importants sur l'environnement doivent être évalués. Comme le ministre fédéral des Finances nous a dit le mois dernier que le plus gros de la récession était terminé et que nous étions en train d'en sortir, nous ne sommes pas convaincus qu'il soit nécessaire de faire de cette exemption une mesure permanente.
Le dernier point que j'aimerais apporter, c'est que le projet de loi semble faciliter le transfert des évaluations environnementales de grands projets de pipelines et de projets nucléaires à l'Office national de l'énergie et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. On dirait bien que c'est ce que l'on veut encourager en établissant des programmes d'aide financière aux participants au sein de ces organismes. C'est une tendance qui nous préoccupe, car ces organismes n'ont pas d'expérience dans la conduite d'évaluations environnementales ni dans la conduite d'évaluations des effets cumulatifs, ce qui d'ailleurs demeure encore un défi selon le commissaire fédéral à l'environnement et au développement durable.
En terminant, je souligne que la LCEE et les règlements connexes n'ont été mis en place qu'après des années d'examen public et de consultation avec différents intervenants. Adopter l'un ou l'autre de ces changements sans procéder à de véritables consultations auprès du public ou des intervenants, outre les réunions comme celle d'aujourd'hui, c'est un peu comme renoncer à la durabilité et à la protection de l'environnement. Ensemble, ces deux articles font reculer le processus d'évaluation environnementale de plusieurs années. C'est antidémocratique que d'utiliser le budget pour dénaturer les lois environnementales du Canada, et cela va à l'encontre de l'objectif même du Parlement, qui se doit d'être un forum permettant de débattre à fond des lois dans le but de les améliorer. Il en va en fait de votre responsabilité constitutionnelle en tant que sénateurs.
Bien qu'une motion proposée à cet effet devant le Sénat n'ait pas réussi à soumettre ces articles à un examen distinct dans le cadre de l'examen de sept ans qui sera entrepris à l'automne, nous vous pressons de recommander à l'ensemble du Sénat que ces articles soient examinés séparément et avec toute la minutie qui s'impose.
Le président : Merci beaucoup. Nous prenons bonne note de vos commentaires et nous conserverons au dossier votre allocution écrite, qui nous a été distribuée.
Ramsey Hart, Mines Alerte Canada : Merci de prendre le temps d'étudier ce projet de loi de façon aussi approfondie. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous croyons que c'est un dossier qui revêt une grande importance au niveau national et qui suscite beaucoup d'intérêt parmi la population canadienne.
J'ai eu la chance d'assister à différentes parties de la séance tout au long de la journée, quand je ne devais pas prendre d'appel ou répondre à des courriels. Je sais que bien des choses que je pourrais vous dire ont déjà été soulevées aujourd'hui, alors je vais tâcher de ne pas ressasser les mêmes idées. J'aimerais cependant jeter un éclairage nouveau sur quelques-uns des principaux problèmes et apporter quelques précisions.
Mines Alerte est un organisme relativement petit établi ici, à Ottawa. Nous sommes peu nombreux, mais nous savons être efficaces quand vient le temps de nous attaquer à des problèmes liés à l'exploitation minière, tant sur la scène nationale qu'internationale. On a souvent dit de nous que nous osions jouer dans la cour des grands. Nous sommes une coalition pancanadienne formée de 20 organismes à missions distinctes, notamment dans les domaines de l'environnement, des relations autochtones, de la justice sociale, du développement et du travail. Nous faisons la promotion d'une exploitation responsable de la part des compagnies minières canadiennes qui mènent des activités ici, au Canada, ou ailleurs dans le monde.
Dans mon court exposé aujourd'hui, j'aimerais mettre l'accent sur trois points : l'importance et l'état du processus fédéral d'évaluation environnementale; le mécanisme approprié pour améliorer le processus d'évaluation environnementale; et les répercussions possibles des amendements proposés à l'article 15 de la LCEE, qui pourraient se solder par une confusion accrue et des délais supplémentaires, particulièrement en ce qui a trait à la définition de la portée des projets.
Nous avons travaillé au processus fédéral d'évaluation environnementale au niveau des politiques, mais aussi pour des projets précis. Nous avons agi à titre d'intervenants dans le cadre de différentes évaluations environnementales liées à l'exploitation minière. Nous sommes tellement convaincus de l'importance de l'évaluation environnementale que nous avons porté l'affaire Red Chris jusqu'en Cour suprême, même si c'était très risqué pour notre organisation. Je sais qu'on a fait mention de cette affaire à différentes reprises. Je serais heureux de vous donner notre point de vue à ce sujet.
Quant à nous, trois principaux résultats découlent de cette décision. Premièrement, quand un projet figure sur la liste d'étude approfondie, il doit à tout le moins faire l'objet d'un examen approfondi, quand il n'est pas soumis à une commission d'examen. Deuxièmement, un projet peut être proposé et non pas déterminé de façon arbitraire par les autorités fédérales. Et finalement, il existe déjà toute une gamme de mécanismes qui permettent aux autorités fédérales et provinciales de coordonner les processus d'évaluation environnementale et ces mécanismes doivent être employés à meilleur escient.
Il y a un deuxième constat concernant la définition de la portée des projets sur lequel j'aimerais revenir dans un instant. Mais avant, j'aimerais vous donner nos impressions sur le processus fédéral d'évaluation environnementale. Comme nous l'avons entendu aujourd'hui de l'Association minière du Canada, un grand pourcentage des évaluations environnementales fédérales porte sur des projets miniers. Je crois donc que le point de vue d'une organisation qui se concentre sur les activités minières est tout à fait pertinent dans le cadre de votre étude.
Un peu partout au Canada, des projets miniers qui ont mal tourné ont laissé des traces derrière eux. Bon nombre de ces exemples sont des cas historiques. Cependant, il faut en conclure que si des projets tournent mal, ils peuvent avoir des conséquences qui se répercuteront sur plusieurs générations. Quand j'entends des gens de l'industrie se plaindre de délais de quelques mois, j'ai du mal à éprouver de la sympathie pour eux, quand on pense que les répercussions potentielles d'un projet manqué peuvent s'échelonner sur des dizaines, voire des milliers d'années. Je ne veux certainement pas empêcher le développement de façon arbitraire, mais il faut du temps pour prendre de bonnes décisions, et le Sénat le sait très bien. Vous prenez le temps qu'il faut pour examiner attentivement les questions qui vous sont soumises. Prendre de bonnes décisions demande de la réflexion et une analyse raisonnée, et cela peut prendre du temps.
L'économie du Canada traverse évidemment des moments difficiles. Est-ce que les évaluations environnementales sont à blâmer? Bien sûr que non. Vont-elles indûment empêcher une reprise économique? Je ne crois pas. Par contre, elles devraient nous aider à cheminer vers une économie fondée sur des solutions plus durables et plus responsables sur les plans social et environnemental. Je crains toutefois que le projet de loi actuel ne serve de cheval de Troie en ces temps économiques difficiles pour démanteler l'une des plus importantes lois environnementales du Canada.
Pour ce qui est des redondances, un problème souvent signalé concernant les évaluations environnementales, il est important de reconnaître que le processus fédéral, dans sa forme actuelle, offre beaucoup plus d'avantages que la plupart des processus provinciaux, sinon tous. On parle notamment d'accès à de l'aide financière aux participants, la possibilité de prendre part aux décisions politiques fédérales, et le problème des changements climatiques a été soulevé plusieurs fois durant la journée, et ce n'est là qu'un exemple. On pourrait aussi parler de la conservation de l'habitat du poisson et de la responsabilité fiduciaire de la Couronne à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis.
Le processus fédéral d'évaluation environnementale comporte également des exigences clairement définies en matière de consultation publique et, dans le cas des commissions d'examen, il prévoit des audiences publiques qui vont bien au-delà des séances d'information typiques offertes par les promoteurs de projets.
Tout au long de la journée, il a plusieurs fois été question du rapport de 2009 de la vérificatrice générale sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'aimerais reprendre certains des éléments clés signalés dans ce document.
Dans l'ensemble, les études approfondies et les commissions d'examen sont menées de bonne façon. Toutefois, on a signalé qu'il semblait y avoir des lacunes au niveau des obligations de rendre compte pour les examens préalables. Pour les projets où il y a plus d'une autorité responsable, les malentendus concernant la portée du projet peuvent entraîner de sérieux retards dans le processus d'évaluation environnementale. L'agence ne sait pas si les autorités responsables mènent des évaluations environnementales de qualité ou si les évaluations contribuent effectivement à protéger l'environnement. Je présume que le problème est surtout lié à la reddition de comptes et à la documentation, plutôt qu'au processus lui- même. L'agence a aussi établi le site Internet du Registre canadien d'évaluation environnementale, qui permet d'informer efficacement le public et dont elle assure également la mise à jour.
D'après les conclusions de ce rapport, je constate qu'il ne s'agit pas d'un système en dérive totale, comme certains l'ont prétendu, mais d'un système qui a besoin d'amélioration. Nous sommes d'accord pour dire que des changements sont nécessaires. Mais comment devrait-on améliorer ce système? La solution n'est pas d'adopter un projet de loi omnibus pour faire passer en douce des changements à la Chambre des communes; heureusement, ce subterfuge ne vous a pas échappé, et je vous remercie des efforts que vous déployez pour examiner ce projet de loi.
Le Canada peut se vanter d'avoir l'admirable habitude de mettre différents intervenants à profit pour examiner ses lois environnementales, et la LCEE en est un bon exemple. Plusieurs structures sont déjà en place pour faciliter un examen. Il existe déjà un groupe consultatif multilatéral, même si ce dernier a été démantelé il y a un certain temps, malheureusement. Il y a aussi le caucus d'évaluation environnementale du Réseau canadien de l'environnement. Ni l'une ni l'autre de ces deux entités n'a été consultée à l'égard des changements proposés. Comme vous l'avez entendu, on entreprendra bientôt un examen réglementaire approfondi du processus d'évaluation environnementale, qui portera non seulement sur la loi, mais aussi sur les problèmes administratifs, un aspect sur lequel il faut absolument se pencher pour améliorer le processus d'évaluation environnementale.
Je vous encourage à signaler clairement au gouvernement que nous devons recourir à des approches démocratiques adéquates et fondamentalement canadiennes pour remédier aux problèmes cernés concernant le processus d'évaluation environnementale. La meilleure façon de le faire, c'est d'étudier séparément la partie 20 du projet de loi C-9.
J'aimerais conclure mon exposé en revenant brièvement sur la fameuse question de la définition de la portée des projets, qui a fait les frais de vos discussions toute la journée. Pour nous, la question se résume à ceci : à Mines Alerte Canada, la plupart des projets figurant sur la liste d'exemptions ne sont pas liés à des exploitations minières; aucune des exemptions ne couvrirait les activités minières. À notre avis, c'est le nœud de la question, bien que nous partagions les préoccupations des autres organisations à propos du reste des exemptions.
Ce qui nous inquiète, c'est que même si les projets figurent sur la liste d'étude approfondie, il se peut que l'examen approfondi en question passe à côté de l'élément fondamental d'un projet. Le ministre pourrait bien décider d'axer l'examen sur la retenue des résidus ou la traversée d'un ruisseau, parce que c'est ce que prévoit le mandat fédéral. Toutefois, l'intention de la LCEE est de contribuer au développement durable, ce qui implique d'examiner l'ensemble du projet. Si on doit recourir à l'évaluation environnementale comme outil de planification, l'ensemble du projet doit être soumis à un examen.
Selon moi, cette façon de faire accentue l'incertitude plutôt que de l'atténuer. La décision rendue dans l'affaire Red Chris nous garantit dans une certaine mesure qu'un projet doit être défini tel qu'il est proposé, pas tel que les bureaucrates l'ont négocié avec le promoteur. C'est très clair.
Il y aura tout de même une certaine latitude pour déterminer exactement où se situent les limites. C'est là-dessus que devrait reposer l'établissement de la portée, mais ça ne devrait pas être un prétexte pour séparer les volets clés d'un projet.
Je vous presse encore une fois d'amender le projet de loi C-9 en enlevant la partie 20 proposée. Merci beaucoup de consacrer temps et efforts à cette question. Je serai heureux de prendre part à la discussion qui suivra.
Richard D. Lindgren, avocat-conseil, Association canadienne du droit de l'environnement : Au nom de l'Association canadienne du droit de l'environnement, l'ACDE, je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de commenter les amendements proposés à la LCEE dans le cadre du projet de loi C-9. Comme vous le savez peut-être, l'Association canadienne du droit de l'environnement est un groupe juridique d'intérêt public qui a été fondé en 1970. Notre mandat consiste à appliquer et à améliorer les lois environnementales de façon à protéger les écosystèmes, de même que la santé et la sécurité publiques. Ainsi, nous représentons des citoyens et des groupes d'intérêt public devant les cours de justice et différents tribunaux administratifs en ce qui concerne une vaste gamme d'enjeux environnementaux.
Il y a un bon moment que l'ACDE milite en faveur d'une loi fédérale sur l'évaluation environnementale qui soit efficace, efficiente et équitable. En effet, ma première comparution devant un comité parlementaire remonte à une vingtaine d'années, alors que la LCEE était présentée et débattue pour la première fois. Nous avions appuyé son adoption à l'époque. Nous avons également pris part au premier examen parlementaire de la LCEE, qui s'est échelonné de l'année 2000 à 2003.
Nous ne nous limitons pas aux réformes législatives; nous sommes aussi appelés à plaider devant les tribunaux. Nous avons plaidé devant la Cour suprême du Canada pour plusieurs affaires d'évaluation environnementale fédérale. Par exemple, j'étais l'avocat des six groupes environnementaux concernés dans l'affaire Mines Alerte Canada dont il a déjà été question.
Monsieur le président, chers membres du comité, au nom de l'intérêt public, notre expérience nous commande de contester les amendements à la loi sur l'évaluation environnementale proposés dans le projet de loi C-9. Nous avons à cet égard trois grandes préoccupations.
Tout d'abord, nous nous opposons fortement au processus utilisé pour présenter ces amendements. À notre avis, les amendements à apporter à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne devraient pas être enfouis dans une loi budgétaire. Ils doivent être présentés dans un projet de loi distinct, lequel serait assujetti à un débat parlementaire en bonne et due forme et à des consultations publiques dignes de ce nom, mais rien de tout cela n'a été fait jusqu'à présent.
Nous nous objectons aussi au moment qui a été choisi pour proposer des amendements à la LCEE. On l'a répété plusieurs fois aujourd'hui, mais nous sommes sur le point d'entamer un examen parlementaire obligatoire de l'ensemble de la loi. En tout respect, nous affirmons qu'il s'agit là du forum le plus approprié pour proposer des changements importants à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, en vue d'en débattre et d'en discuter.
Finalement, et c'est peut-être le point le plus important, nous contestons le contenu des amendements proposés à la LCEE dans le projet de loi C-9. À notre humble avis, les amendements ne cadrent pas avec une politique publique rigoureuse. En fait, nous pensons que les amendements représentent un affaiblissement important des mesures de protection prévues dans la loi sur l'évaluation environnementale. En outre, les amendements n'offrent rien pour remédier aux problèmes qui doivent être étudiés et corrigés en priorité en ce qui a trait à la loi et à son application.
Tout comme les témoins précédents, nous sommes particulièrement préoccupés par les pouvoirs qui seront accordés au ministre concernant l'établissement de la portée des projets. Si nous avons bien compris la proposition, le ministre aura le pouvoir de redéfinir la portée des projets ou de les scinder en différents volets au cours du processus d'évaluation. Même si la chose est présentée comme un mécanisme qui pourrait aider à accélérer le processus, et peut-être à éliminer certains délais ou à dissiper les incertitudes, nous croyons que cette façon de faire aurait plutôt l'effet contraire. Selon nous, cette approche improvisée et propice aux négociations entraînera davantage de retards, d'incertitudes et de litiges.
Bien sûr, l'avocat en moi n'est pas contre l'idée d'avoir plus d'affaires à plaider; mais dans l'intérêt du public, ce n'est pas la meilleure voie à emprunter, et je l'admettrai sans gêne. Le ministre ne devrait pas avoir la liberté de décider, au cas par cas, de réduire ou de revoir à la baisse la portée d'un projet de façon à ce qu'une infime portion seulement de la proposition initiale ne soit soumise à une évaluation. Selon la Cour suprême du Canada, il est illégal de se prêter à ce genre d'exercice en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Pour ces raisons, monsieur le président, nous n'appuyons pas les amendements à la LCEE proposés dans le projet de loi C-9. Nous recommandons au comité de faire tout ce qu'il est en son pouvoir pour reporter, différer ou rejeter ces amendements.
Voici ce qui met fin à nos exposés. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lindgren.
Nous avons reçu une copie d'une lettre provenant du groupe du droit environnemental de l'Association du Barreau canadien. Il tient sensiblement le même discours que vous. Quel rapport y a-t-il entre votre association, l'Association canadienne du droit de l'environnement, et le groupe du droit environnemental de l'Association du Barreau canadien?
M. Lindgren : Il n'y a pas de lien direct entre les deux. Certains d'entre nous ont déjà fait partie de l'Association du Barreau canadien, et nous constatons que nos intérêts sont semblables en ce qui concerne ces enjeux environnementaux. Je ne suis pas surpris d'apprendre que l'Association du Barreau canadien a exprimé des opinions très similaires à celles des avocats du droit de l'environnement de l'ACDE.
Le sénateur Angus : Ce qui peut porter à confusion, c'est que l'Association du Barreau canadien, dont je suis membre, compte différentes sous-sections. Il y a par exemple celles du droit maritime, du droit de l'environnement et du droit pénal. Toutefois, certaines spécialités, comme le droit de l'environnement et le droit maritime, ont leur propre association. Ce sont des entités tout à fait distinctes, sauf que leurs membres sont aussi membres du Barreau.
J'aimerais vous poser quelques questions.
Monsieur Paterson, avez-vous eu l'occasion aujourd'hui, peu importe le média, d'entendre les commentaires du ministre Prentice?
M. Paterson : Non, je ne les ai pas entendus, monsieur le sénateur. Je n'étais malheureusement pas présent lors de son témoignage.
Le sénateur Angus : Je crois que vous avez pu les entendre, monsieur Hart. Vous avez été dans la salle une bonne partie de la journée, d'après ce que vous nous avez dit. Avez-vous entendu l'ensemble de son intervention?
M. Hart : Non, j'ai reçu un appel pendant ce temps, mais j'ai pu entendre plusieurs de ses commentaires. Si vous avez une question précise, je serai heureux de vous donner mon avis sur ce que j'ai entendu.
Le sénateur Angus : Et vous, monsieur Lindgren?
M. Lindgren : Non. J'étais en route à ce moment-là, alors je l'ai manqué, malheureusement.
Le sénateur Angus : J'ai constaté que tous les points que vous aviez soulevés dans vos exposés avaient aussi été abordés par le ministre. Le ministre s'est exprimé avec éloquence et il a su être convaincant. C'est d'ailleurs l'impression qu'il a laissée sur bon nombre d'entre nous. Comme vous le savez, il était membre de l'Association du Barreau canadien quand il exerçait le métier, et c'était qui plus est un avocat des plus compétents. À l'instar de plusieurs d'entre nous, compte tenu des résultats du dernier examen de sept ans, il a remarqué qu'il y avait beaucoup de confusion entre les différentes lois qui régissent la protection de notre précieux environnement.
Sans simplifier outre mesure le témoignage du ministre, car le tout sera consigné dans les délibérations comité, je demanderais à chacun d'entre vous de nous dire si vous mettez en doute ce que le ministre Prentice nous a dit cet après- midi. Si oui, sur quoi n'êtes-vous pas d'accord avec lui? Il ne nous a pas caché qu'il ne s'agissait que d'une première étape. Je peux comprendre que vous vous opposiez au processus et au moment choisi pour le faire, mais nous voulons savoir ce qu'il en est de la substance. Soit la loi est efficace, soit elle ne l'est pas. Est-ce que ce projet de loi était la meilleure façon de procéder? Nous pourrions en débattre jusqu'à la fin des temps, mais cette question a déjà été réglée au Sénat et nous devons continuer à partir de là.
Je suis le président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, et nous nous penchons aussi sur ces questions. Personnellement, j'ai été satisfait des explications du ministre et je comprends les raisons qui l'ont poussé à vouloir simplifier les facteurs qui sont sources de conflits.
Nous avons le sénateur Banks avec nous, qui était président de ce comité lorsque ses membres ont effectué l'examen en question. Ils ont formulé des recommandations, et ce sont essentiellement ces recommandations qui sont à la base des amendements initiaux. Si j'ai bien compris le ministre, il est très clair qu'il ne s'agit là que d'une première étape et qu'une loi plus exhaustive suivra. Tous les processus habituels que vous souhaitez voir seront alors mis en place. Quoi qu'il en soit, je ne peux pas vous demander si vous êtes en désaccord avec le ministre, puisque vous n'avez pas entendu son témoignage.
Monsieur Hart, j'aimerais savoir sur quoi exactement vous ne vous entendez pas avec le ministre.
M. Hart : Il y a une contradiction dans les propos qu'il a tenus que je trouve inquiétante. Son intention était notamment de s'assurer que les décisions concernant la portée des projets allaient revenir au ministre, la personne la mieux placée pour prendre ce genre de décision. Toutefois, dans le même amendement, on accorde au ministre la possibilité de déléguer ses pouvoirs à l'autorité responsable. S'il incombe au ministre de prendre ce genre de décision, pourquoi lui donne-t-on le droit à la ligne suivante de déléguer ce pouvoir à une autorité responsable?
Je ne suis pas avocat; je suis écologiste. Je ne suis pas très ferré sur les relations gouvernementales et l'examen des politiques. Je vous prie de m'excuser, mais je ne comprends pas cette contradiction. Je suis mal placé pour décider à qui doit revenir ce pouvoir, que ce soit à l'autorité responsable ou au ministre. Cependant, le ministre a affirmé qu'il devait avoir cette responsabilité en tant que ministre, mais il la délègue à quelqu'un d'autre dans la ligne suivante de son amendement. Je m'y perds un peu.
Je ne suis pas d'accord pour dire que tous les projets d'infrastructure proposés n'auront aucun effet sur l'environnement. Je ne vois pas comment on pourrait en être aussi sûr. Il a laissé entendre qu'aucun de ces projets n'avait suscité de controverse. Pourtant, pas très loin d'ici, un projet de prolongement de route qui traverse un habitat marécageux fragile menace une espèce rare de tortue appelée « tortue mouchetée ». On entre maintenant dans mon territoire d'écologiste. Ce projet suscite la controverse. Ce sont les deux choses qui m'inquiètent dans les commentaires que j'ai entendus.
Le sénateur Angus : C'est intéressant.
Je suis avocat, alors j'ai remarqué que dans presque toutes les lois qui régissent un domaine précis, il y a généralement un ministre responsable. Cela ne veut pas dire qu'il doit tout faire lui-même. Si on le juge approprié, le ministre délègue ses pouvoirs à des organismes ou à d'autres entités, qui agissent sous son égide. Si vous jetez un coup d'œil aux lois maritimes canadiennes, la Loi sur la marine marchande du Canada ou la Loi sur les transports au Canada, vous verrez qu'elles contiennent toutes la mention « le ministre ». Il en va de même avec les lois financières. Ce n'est pas le ministre des Finances qui va faire votre remboursement d'impôt. C'est ainsi que je pourrais expliquer cette contradiction.
Je crois que le ministre Prentice a été clair sur ce point. Je ne veux pas en débattre avec vous. Je voulais tout simplement savoir sur quoi vous n'étiez pas d'accord avec lui, et vous nous l'avez dit.
Monsieur Paterson, je ne connais pas la West Coast Environmental Law. S'agit-il d'un organisme indépendant? Qui le finance?
M. Paterson : La West Coast Environmental Law est un organisme très semblable à l'Association canadienne du droit de l'environnement, sauf qu'il est établi sur la côte Ouest. Nous sommes un organisme à but non lucratif. Nous avons quelques avocats à l'interne. Nous recevons du financement de la Law Foundation of British Columbia, et pour d'autres projets, nous recevons des fonds spécifiques (selon le dossier sur lequel nous travaillons) pour procéder à des réformes législatives, principalement en Colombie-Britannique, mais aussi au niveau fédéral lorsque cela a des répercussions sur la province. Nous sommes une association juridique à but non lucratif.
J'aimerais revenir à votre première question, sénateur. J'ai devant moi une lettre du ministre dans laquelle il réagit aux différentes préoccupations que nous avons exprimées à l'égard de la loi. Je présume qu'il a dû tenir aujourd'hui à peu près les mêmes propos que ceux contenus dans la lettre. Voici entre autres ce qu'il affirme à propos de l'établissement de la portée des projets : « Je jouirai d'une nouvelle autorité me permettant d'axer une évaluation environnementale sur les composantes essentielles d'un projet lorsque cela paraîtra raisonnable. Le pouvoir discrétionnaire que j'exercerai vise à offrir une certitude légale et à faire en sorte que les ressources et les efforts seront investis là où cela compte le plus. »
Premièrement, je ne vois pas comment on peut assurer une certitude légale en accordant au ministre un pouvoir discrétionnaire illimité. Vous êtes avocat, et je le suis aussi. Selon moi, si aucune condition n'est établie à cet égard, cela aura plutôt pour effet d'accroître l'incertitude. À l'heure actuelle, nous avons une liste qui détermine que dans le cas d'un projet de telle envergure, si les pipelines ont un tel diamètre, une étude approfondie sera effectuée, point à la ligne. C'est clair. C'est une bonne façon d'offrir de la certitude, particulièrement à la lumière de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Red Chris et Mines Alerte Canada. Elle est venue rétablir ce genre de certitude.
À mon avis, ces changements nous éloignent de la certitude. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas établir de conditions dans la loi pour déterminer dans quelles situations il serait approprié de redéfinir la portée du projet aux fins de l'évaluation. Ce pourrait être le cas par exemple quand on sait qu'un processus provincial équivalent a été appliqué ou que le projet satisfait à des critères X, Y ou Z.
Je ne suis pas du tout d'accord avec le ministre pour dire que cette façon de faire offrirait davantage de certitude. Je ne pense pas que ce soit la voie à suivre.
Le sénateur Banks : Le président avait raison quand il a parlé de notre examen de la LCEE. Nous avons proposé des mesures pour accroître l'efficience de la même façon que nous l'avions fait pour les premières interventions en cas d'urgence au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. C'était un peu le chaos au gouvernement fédéral. Comme le ministre l'a dit plutôt, c'était la responsabilité de tout le monde et de personne à la fois.
Le sénateur Angus : C'était fort à propos de comparer la situation à un gros bol de spaghettis.
Le sénateur Banks : C'est exact. C'est pour cette raison que nous avons recommandé de redéfinir la responsabilité et de confier celle-ci à une seule personne pour que les choses soient bien claires.
Nous n'avons toutefois pas proposé de procéder au genre de réduction à laquelle M. Paterson a fait référence, et ce n'est pas non plus ce qu'ont fait les autres qui militaient en faveur d'une plus grande efficience. Comme je l'ai indiqué lorsque je me suis entretenu avec le ministre, nous n'avons pas recommandé de sabrer dans la rigueur. Je ne sais pas si j'emploie le terme exact. Vous remarquerez que je ne suis pas avocat, car je m'apprête à poser une question dont je ne connais pas la réponse.
J'aimerais utiliser un exemple très simple et hypothétique pour illustrer ma compréhension de la décision de la Cour suprême et de la terminologie liée à la portée des projets contenue dans le projet de loi en question. Disons qu'il y a une mine ici, et que là, il y a un refuge faunique, il y a aussi un lac et une rivière, puis une route pour se rendre à la mine. La notion de l'établissement de la portée ne se limite pas à déterminer si le projet doit être soumis à une commission d'examen ou à une étude approfondie. En fait, le ministre peut décider que seule la route mérite de faire l'objet d'un examen pour en évaluer les effets, pas la mine, pas le lac, ni le refuge faunique. La route, c'est tout. Si je comprends bien ce projet de loi, c'est le pouvoir donné au ministre. C'est de réduire le niveau de rigueur que l'on souhaitait atteindre avec l'adoption de la LCEE. Je me trompe peut-être, et j'espère que vous allez me corriger si c'est le cas.
M. Lindgren : Sénateur, vous avez frappé en plein dans le mille. C'est essentiellement pour cette raison que le projet de loi nous préoccupe. Il va octroyer au ministre toute la discrétion nécessaire pour agir de cette façon, au cas par cas. Rien ne délimite ce pouvoir discrétionnaire; il n'y a aucun critère à respecter, le ministre peut improviser au fur et à mesure. Cela n'a rien d'un processus rigoureux, prévisible ou certain. C'est très inquiétant à notre avis.
Pour reprendre le commentaire du sénateur Angus, si cet article sur l'établissement de la portée et les autres articles ne constituent qu'une première étape et que le ministre nous mijote autre chose, je suis terrifié de voir quelle sera la prochaine étape. Je me demande en fait pourquoi on tient tant à prendre des mesures maintenant, alors qu'on s'apprête à procéder à un examen parlementaire.
Je vais laisser la chance à mes collègues de répondre à votre question, mais vous avez absolument raison. Vous méritez un diplôme honorifique en droit, car votre analyse est on ne peut plus juste.
Le sénateur Banks : Je possède déjà un diplôme honorifique en droit, monsieur Lindgren.
M. Lindgren : On devrait vous en donner un deuxième.
Le sénateur Banks : Si jamais vous avez des ennuis juridiques honorifiques, mon aide pourrait s'avérer précieuse.
Je vous prie de noter que j'ai vu M. Paterson faire signe que oui.
Le sénateur Angus : Au sujet du courriel.
Le sénateur Neufeld : Je tiens à remercier les témoins qui sont ici aujourd'hui, ainsi que ceux qui sont en Colombie- Britannique.
J'ai une question pour vous, monsieur Paterson. Vous avez dit vous inquiéter du fait que les fonctions d'examen concernant les pipelines puissent être déléguées à l'Office national de l'énergie. Expliquez-moi pourquoi.
M. Paterson : Il est question ici des commissions d'examen, qui, aux termes de la loi, sont censées être des groupes indépendants de spécialistes en matière d'environnement, d'évaluation environnementale, et cetera. Avec tout le respect que je dois aux arbitres de l'Office national de l'énergie, je ne pense pas que ce tribunal dispose de l'expertise nécessaire pour effectuer les examens requis avec toute la rigueur et l'exhaustivité qui s'imposent. L'organisme n'est tout simplement pas conçu pour ce genre de chose.
Par exemple, on ne demande pas à des tribunaux des droits de la personne de résoudre des conflits de travail. Les tribunaux spécialisés remplissent des objectifs précis. Les commissions d'examen sont quant à elles des tribunaux spéciaux et quasi judiciaires, composés d'experts indépendants censés tenir compte de beaucoup plus de facteurs que n'en considère habituellement l'Office national de l'énergie. Ces experts évaluent notamment les répercussions cumulatives, sociales et culturelles ainsi que l'incidence sur l'utilisation traditionnelle des terres par les Autochtones, soit de nombreux éléments qui ne relèvent généralement pas de l'Office national de l'énergie.
Prenons par exemple le projet Enbridge. On a nommé des membres de l'Office national de l'énergie à la commission d'examen, mais je ne pense pas qu'il s'agisse là de la meilleure façon de faire. En fait, selon moi, les décisions ainsi prises ne seront pas les plus judicieuses, et c'est ce qui m'inquiète le plus.
Le sénateur Neufeld : C'est intéressant, parce que l'Office national de l'énergie effectue des examens depuis maintenant 15 ou 20 ans. Ce n'est pas nouveau. Si votre crainte est récente, sachez que l'Office national de l'énergie effectue depuis déjà longtemps ce genre d'examen, et ce, d'une façon fort satisfaisante. Vous dites que l'Office ne pourra peut-être pas s'acquitter de cette tâche adéquatement, mais je rétorque qu'il a déjà prouvé le contraire. L'Office a l'expertise, les ressources humaines et les connaissances nécessaires.
En fait, le projet de loi contraint l'organisme à offrir une aide financière pour faciliter la participation du public. Le ministre peut donc effectivement mettre sur pied une commission.
Je voulais savoir s'il s'agissait d'une nouvelle crainte — je ne sais pas depuis combien de temps vous travaillez pour West Coast Environmental Law —, ou si vous la nourrissiez depuis 15 ou 20 ans. Vous avez répondu à ma question, alors je vous en remercie.
Le président : Vraiment? Cela le préoccupe-t-il depuis 15 à 20 ans, ou depuis six mois?
Le sénateur Neufeld : Posez-lui la question. Il m'a dit être inquiet maintenant.
Le président : Je comprends, mais vous lui avez demandé si cela le préoccupait depuis 15 à 20 ans, puis vous avez déclaré qu'il avait répondu à votre question.
Le sénateur Neufeld : Il n'a fait référence à rien d'autre qu'à ce projet de loi.
Le président : Posons-lui la question.
M. Paterson : En fait, j'ai dit que ce projet de loi semblait accentuer une tendance inquiétante. Le compte rendu en témoignera, j'en suis sûr. Nous comprenons que le pouvoir de substitution n'est pas nouveau, mais qu'on souhaite favoriser cette approche. Nous tenons absolument à ce que les décisions soient prises dans les meilleures conditions, par les gens les mieux placés pour le faire. Or, nous ne croyons pas que le processus de l'Office national de l'énergie soit optimal, même s'il l'applique depuis déjà longtemps. Voilà ce qui me préoccupe.
Quant à savoir ce qu'il en était il y a 15 ou 20 ans, je pense qu'à l'époque j'étais à l'école primaire.
Le sénateur Neufeld : C'est bien ce que je pensais. C'est pourquoi je n'ai pas posé la question, comme le président le souhaitait.
M. Paterson : West Coast Environmental Law travaille sur ce dossier depuis beaucoup plus longtemps que moi, et il s'agit là d'une préoccupation constante.
Le sénateur Neufeld : Messieurs Hart et Lindgren, lorsque le ministre a comparu devant nous, il a affirmé que rien n'avait changé à l'égard de la LCEE. Elle s'applique toujours. Cependant, quelqu'un prendra finalement les choses en main. C'est d'ailleurs ce qui avait été recommandé, comme l'a dit plus tôt le sénateur Banks.
Les fonctionnaires et le ministre nous ont dit qu'il fallait neuf à douze mois, voire dix-huit, avant que le gouvernement ne prenne une décision sur la pertinence de faire quoi que ce soit et, le cas échéant, le type de processus auquel participer. Vous serez certainement d'accord avec moi, ce n'est pas très efficace; or, le projet de loi vient y remédier. Je crois que quelqu'un doit véritablement prendre les choses en main, et qui de mieux placé que le ministre responsable de la LCEE pour décider du processus? Cela vaut mieux que de laisser les ministères se battre entre eux pendant des années — 12 mois dans le cas du projet de gaz naturel liquéfié en Nouvelle-Écosse, et 18 pour Ruby Creek. J'imagine que vous savez aussi bien que moi où se trouve Ruby Creek.
Vous conviendrez assurément qu'il est bon d'aller de l'avant. Vous avez parlé de changements, et il est certain qu'ils sont positifs lorsqu'ils sont pour le mieux. Je comprends ce que vous dites au sujet du projet de loi d'exécution du budget et tout ce qui l'entoure, mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. On nous a dit que les premiers ministres provinciaux d'un peu partout au Canada réclamaient depuis plus de 10 ans cette modification permettant d'améliorer les évaluations environnementales.
Admettez-vous que certains de ces changements sont positifs et nécessaires? Ne tenez pas compte pour l'instant du fait qu'ils figurent dans un projet de loi d'exécution du budget. Il est question ici de l'environnement, d'emplois, de chômeurs qui ont besoin de travail. Souvenez-vous que ce n'est pas uniquement notre gouvernement, mais ceux de provinces et de territoires un peu partout au Canada et de toutes les allégeances politiques qui ont réclamé certains de ces changements.
M. Lindgren : Si vous cherchez tout simplement à savoir si je considère comme positifs certains des changements apportés à la LCEE par l'entremise du projet de loi C-9, ma réponse est non. Il n'y a rien ici que je puisse recommander ou cautionner au nom de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Il est évidemment possible que certaines évaluations environnementales aient pris plus de temps que prévu. À mon avis, ce problème ne découle pas de la loi elle-même, mais plutôt de son application. Les modifications ne prévoient aucun délai, seulement un plus grand pouvoir discrétionnaire et plus de flexibilité. On ne saura pas davantage à quoi s'en tenir, et le processus n'aboutira pas forcément plus rapidement.
Je suis en fait étonné qu'on prétende que cela accélérera les choses. Ce ne pourra être le cas que parce que certains éléments, comme l'infrastructure, sont exclus.
Vous dites en outre que, selon le ministre, rien ne change. Or, c'est tout le contraire. On crée plus d'exemptions. On érode ou diminue la participation du public. L'établissement de la portée n'est plus qu'une farce. Il s'agit là de changements importants et préjudiciables au processus. Le ministre a beau affirmer que tout va pour le mieux, qu'il ne faut pas s'en faire mais plutôt garder le sourire, je n'en suis pas moins inquiet et loin de me réjouir.
Le sénateur Neufeld : D'après votre témoignage, rien de ce qu'on pourrait proposer ne vous satisferait. Cela me semble évident.
Le président : Nous nous efforçons d'être courtois envers nos témoins.
Le sénateur Neufeld : Je le suis.
M. Lindgren : Monsieur le président, en guise de réponse, je dirais que nous travaillons depuis plus de 20 ans avec la LCEE, le ministre de l'Environnement et d'autres intervenants afin de rendre le processus d'évaluation environnementale plus efficace et plus solide. Nous reconnaissons qu'il y a encore place à l'amélioration, et c'est pourquoi nous sommes impatients de participer à l'examen de 2010. Cependant, il est tout à fait inacceptable qu'on nous présente ces mesures maintenant et qu'on les fasse passer pour des améliorations.
Je regrette de n'avoir pu assister au témoignage du ministre aujourd'hui, mais je lirai sans faute la transcription de ses propos, et j'y réagirai. Le dossier n'est pas clos.
Le président : Si vous pouviez le faire par écrit, ce serait fort utile.
M. Lindgren : Tout dépend de votre échéancier.
Le président : Nous ne disposons que de peu de temps.
Le sénateur Baker : Sachez que vous pouvez traiter M. Lindgren aussi désagréablement que vous le souhaitez, puisqu'il y est habitué. Il est un avocat plaidant expérimenté, tout comme le sénateur Angus. Soixante-deux de ses causes ont été publiées dans WestlaweCARSWELL, et un peu plus dans Quicklaw. Il a beaucoup d'expérience devant les tribunaux.
Je tiens à préciser une chose pour la gouverne de notre auditoire. Certains ont parlé de l'affaire Red Chris, d'autres de l'affaire Mines Alerte.
Monsieur Hart, pourriez-vous mettre les choses au clair et nous confirmer qu'il s'agit en fait de Mines Alerte c. le ministre des Pêches et Océans?
M. Hart : C'est bien cela.
Le sénateur Baker : Si on y faisait référence plus d'une fois, on dirait « Mines Alerte, supra ».
M. Hart : Je m'en remets à mon éminent collègue pour ce qui est de la nomenclature technique.
M. Lindgren : Red Chris était le nom du projet qui a fait l'objet d'un litige.
Le sénateur Baker : Oui, mais au début, c'était Mines Alerte contre Red Chris, n'est-ce pas? Ou était-ce plutôt contre le ministre des Pêches et Océans?
M. Hart : Le ministre.
Le sénateur Baker : Nous savons qu'il s'agit de Mines Alerte.
J'ai trois questions fondamentales, et voici la deuxième : monsieur Lindgren, vous avez dit il y a un instant que la participation du public était limitée dans le nouveau plan. Permettez-moi de me faire l'avocat du diable. Toute personne raisonnable, à la lecture de la décision dans cette affaire, en viendrait à la conclusion qu'au bout du compte, il faudrait tenir d'autres audiences publiques, que c'est ce que prévoyait la loi au départ, et que c'est donc ce qui aurait dû être fait. Autrement dit, il faudrait refaire ce qui a déjà été accompli en vertu des lois provinciales.
M. Lindgren : Ce n'est pas ainsi que je l'expliquerais. Il ne fait aucun doute, en définitive, que la Cour suprême a effectivement refusé d'accorder une réparation et n'a pas ordonné au projet Red Chris de revenir à la case départ et de tout reprendre à zéro, aux niveaux fédéral et provincial. Cependant, ce n'est pas l'essentiel de l'affaire.
Si vous avez lu la décision, vous vous souviendrez que le problème, c'était que la mine Red Chris avait entamé une étude approfondie mais, en cours de route, malgré toutes les bonnes intentions qu'on avait d'assurer un processus d'évaluation environnementale harmonisé et coordonné entre les gouvernements fédéral et provincial, tout s'est effondré. Le gouvernement fédéral a décidé unilatéralement de ne procéder qu'à un examen environnemental préalable, sans consultation publique, et la Cour suprême du Canada a conclu que ce ne pouvait être fait. Si on prévoit une étude approfondie, il faut s'y tenir.
Le sénateur Baker : Et dans ce cas-là, il faut tenir des audiences publiques. J'ai la décision sous les yeux.
M. Lindgren : Il n'y a pas d'audiences publiques en tant que telles, mais le ministre se réserve ainsi le droit de faire appel à une commission d'examen.
Le sénateur Baker : On a conclu que le juge de première instance avait outrepassé sa compétence.
M. Lindgren : En accordant une réparation.
Le sénateur Baker : Oui, et c'est pourquoi on n'y a pas touché.
Quelle est l'incidence de ce jugement sur les prochains contrôles judiciaires de décisions ministérielles? Si je comprends bien, la procédure d'appel relève uniquement de la Cour fédérale. C'est donc devant elle qu'il faudrait se présenter pour obtenir un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. En quoi cela pourrait-il influer sur les prochaines causes et sur la jurisprudence, si quelqu'un souhaitait contester la décision du ministre?
M. Lindgren : Cela ne change rien à l'interprétation de la LCEE. Il est question ici du pouvoir discrétionnaire des tribunaux d'accorder une réparation selon les faits relatifs à l'affaire. En l'espèce, la Cour a jugé que Mines Alerte, qui avait demandé le contrôle judiciaire, n'avait subi aucun préjudice personnel ou commercial. Pour cette seule raison, la Cour a décidé qu'il s'agissait d'une cause d'intérêt public, qu'elle statuerait sur le droit comme elle le jugerait bon et qu'elle n'accorderait pas de réparation.
L'issue des prochaines affaires pourrait être différente. Puisque je serai probablement l'avocat responsable de présenter la prochaine demande de contrôle judiciaire, j'utiliserai dans celle-ci, et dans les affidavits à l'appui, un libellé légèrement différent si je représente un groupe de défense de l'intérêt public. Je ne parlerai pas de l'absence d'intérêt, parce que je ne ferais ainsi qu'inviter la Cour à donner son interprétation sans accorder de réparation.
Le sénateur Baker : C'est ce que je voulais entendre. Cela crée donc véritablement un précédent.
Auriez-vous des idées à proposer? Je trouve les règles de la Cour fédérale difficiles à comprendre par rapport à celles des cours supérieures ou provinciales ou de la Cour suprême du Canada. Elles sont alambiquées, surtout à l'égard des recours collectifs. Je ne crois pas avoir pu consulter ne serait-ce qu'une seule décision à l'égard d'un recours collectif. Constatez-vous le même problème?
Dites-vous qu'un juge saisi d'une demande de contrôle judiciaire en vertu l'article 18 de la loi, et de la règle 300 de la Cour fédérale, ne peut que renvoyer l'affaire devant la première instance?
M. Lindgren : Cela a toujours relevé du pouvoir discrétionnaire. L'autre option consiste à annuler le jugement et laisser l'affaire suivre son cours. Le fait d'accorder une réparation relève de la discrétion judiciaire. Ce n'est pas parce que la Cour suprême a refusé de l'accorder dans l'affaire Mines Alerte qu'un autre juge ne pourrait pas le faire dans une autre cause.
Le sénateur Baker : Parlez-vous du juge de première instance de la Cour fédérale?
M. Lindgren : Oui.
Le sénateur Baker : Or, vous avez dit « la Cour suprême ».
M. Lindgren : Le seul fait que la Cour suprême n'ait pas accordé de réparation en l'espèce ne contraint pas le juge de première instance saisi d'une autre affaire.
Le sénateur Baker : On lui envoie tout de même un message clair.
M. Lindgren : En tant qu'avocat plaidant, cela m'indique comment je dois plaider ma cause la prochaine fois.
Le sénateur Baker : Cela fait partie des questions que nous nous posons à l'égard de la Loi sur la protection de l'environnement et des autres lois.
Le sénateur Mitchell : Quelques points m'intéressent plus particulièrement, notamment la portée. Vous avez clairement indiqué, comme d'autres, qu'aucun minimum n'est prévu pour un projet donné. Savez-vous s'il existe un mécanisme dans ce projet de loi ou une autre mesure législative, qui permettrait d'interjeter appel d'une décision du ministre à l'égard de l'établissement de la portée d'une évaluation en cas d'erreur grave de sa part?
M. Lindgren : C'est une excellente question. En bref, rien dans cette série de modifications ne nous permet de corriger la situation lorsque la portée a été établie de façon excessive, non fondée ou déraisonnable. La seule solution consiste à faire comme Mines Alerte, à savoir compter ses économies, retenir les services d'un avocat, saisir les tribunaux de l'affaire, croiser les doigts et espérer ne pas être débouté ou condamné aux dépens.
Le sénateur Mitchell : Il faut être riche pour procéder ainsi.
M. Lindgren : Et très patient.
Le sénateur Mitchell : Alors il est trop tard.
Mon attention a été attirée par les propos du ministre en réaction à ma suggestion, à savoir que certains des retards qu'on évoque sans cesse n'avaient peut-être rien à voir avec le processus d'évaluation environnementale lui-même, mais découlait plutôt du piètre bilan du gouvernement dans ce genre de processus. En effet, il ne s'en sort tout simplement pas bien, et nous en avons bien des preuves.
Il était intéressant d'entendre le ministre dire que la responsabilité en matière d'évaluation environnementale lui appartiendrait, en tant que ministre de l'Environnement. Il semble toutefois se contredire à certains égards. Comme M. Hart l'a mentionné, il peut déléguer cette responsabilité. De plus, le ministre permet toujours ouvertement à la Commission canadienne de sûreté nucléaire et à l'Office national de l'énergie de mener des évaluations approfondies. Étiez-vous au courant de sa façon de penser à ce propos? Y comprenez-vous quelque chose?
M. Lindgren : Non.
Le sénateur Mitchell : Voilà qui est une bonne réponse.
Qu'en pensez-vous, monsieur Paterson? Aimeriez-vous répondre?
M. Paterson : Veuillez m'excuser, je n'ai pas compris une partie de votre dernière question.
Le sénateur Mitchell : Comme je le disais, le ministre affirme qu'il règle tous les problèmes de gestion potentiels touchant la mise en œuvre des évaluations environnementales en s'attribuant toute la responsabilité. Cependant, M. Hart a indiqué que le ministre peut toujours déléguer cette responsabilité aux ministères qui ont déjà effectué des évaluations environnementales, comme Pêches et Océans Canada. En outre, il accorde cette responsabilité à l'Office national de l'énergie et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Est-ce moi qui ne comprends pas ou est-ce le ministre qui n'a pas saisi quelque chose?
M. Paterson : Je ne sais pas s'il y a quoi que ce soit qui vous échappe, mais j'ai l'impression que vous décrivez exactement ce qui se produit. Nous avons nous aussi fait remarquer que cette responsabilité n'appartiendra pas uniquement au ministre de l'Environnement. Il pourrait la déléguer à ces ministères, dont le travail a été critiqué.
Le sénateur Mitchell : Étant donné la catastrophe tragique dans le golfe du Mexique, il y a évidemment beaucoup de discussions et de préoccupations manifestes concernant le forage en mer. Une telle activité pourrait se dérouler durant des années au Canada dans des milieux très fragiles. Cet affaiblissement du processus d'examen environnemental pourrait avoir des conséquences énormes. Pourriez-vous nous en parler dans le contexte du forage en mer et nous expliquer dans quelle mesure la portée de l'étude d'impact pourrait avoir des répercussions négatives?
M. Lindgren : Je ne prétends pas être expert de la réglementation de l'exploration pétrolière et gazière en haute mer. Nous ne nous occupons pas de cela en Ontario.
Vous avez bien raison. Mon collègue M. Hart en a déjà parlé. La plate-forme pétrolière qui a pris feu, explosé, coulé et entraîné des conséquences horribles dans le golfe du Mexique n'avait pas à faire l'objet d'une étude d'impact rigoureuse comme le prévoit la législation fédérale sur l'évaluation environnementale aux États-Unis. Nous devons éviter une telle situation à tout prix. Nous devons procéder à une évaluation complète et rigoureuse des projets potentiellement dommageables dont l'objectif est de forer en haute mer à des profondeurs sans précédent. Il ne faut pas simplement délivrer un permis aux responsables après avoir discuté de questions techniques.
M. Paterson : Au début du déversement, des ministres ont affirmé en Chambre que le Canada a la meilleure réglementation au monde concernant le forage pétrolier et gazier, que nous avions vraiment les meilleurs processus d'évaluation environnementale, que nous ne devions pas nous inquiéter des activités de forage et de production pétrolières et gazières en mer au Canada et qu'ils ne permettraient jamais que se produise ici ce qui s'est passé aux États- Unis. Pourtant, on propose dans le projet de loi d'affaiblir des mesures de protection qui sont déjà trop faibles selon nous et d'autres groupes. Je ne suis pas très confiant concernant l'état actuel et l'orientation prise à l'égard de la réglementation sur les activités pétrolières et gazières en mer au Canada.
Le sénateur Mitchell : J'ai demandé aujourd'hui au ministre si, étant donné qu'il peut modifier la portée de l'évaluation, il allait faire en sorte que soient examinés les effets, comme les émissions de gaz à effet de serre, de tous les grands projets énergétiques, notamment en ce qui concerne l'exploitation des sables bitumineux et les nouvelles centrales électriques. Il n'a évidemment pas répondu par oui ou non. Plusieurs d'entre nous l'ont remarqué.
Il n'y a rien dans le projet de loi qui empêcherait le ministre d'exclure les émissions de gaz à effet de serre des études sur les grands projets, n'est-ce pas?
M. Lindgren : C'est exact.
M. Hart : Je veux parler des retards et de ce qui les cause dans le processus d'évaluation environnementale, parce que cette question revient toujours. Des retards peuvent survenir pour diverses raisons. Il n'y en a qu'un certain nombre qui peuvent être causés par la façon dont la loi est rédigée ou mise en œuvre. Nous venons de terminer le processus d'examen fédéral du projet Prosperity Mine en Colombie-Britannique. L'entreprise concernée aime dire que le processus a pris 17 ans. Cela semble une période déraisonnable, mais le promoteur ne dit pas que le projet a été mis sur la glace pendant cinq ans en raison de considérations économiques et parce que les chargés de la réglementation ne voulaient pas l'approuver. Comme ils n'avaient pas le pouvoir de refuser le projet, les promoteurs ont essayé à maintes reprises de le faire approuver.
Quand les promoteurs remettent de mauvaises évaluations environnementales, ils doivent recommencer le travail, parce que les chargés de la réglementation disent qu'ils n'ont pas satisfait aux exigences, qui étaient pourtant claires. Par contre, ce sont parfois les autorités responsables qui n'arrivent pas à s'entendre sur l'évaluation environnementale qu'il faut mener.
Des retards se produisent pour toutes sortes de raisons. Bien trop souvent, nous entendons seulement parler des problèmes dans le processus d'évaluation environnementale au lieu de tout ce qui peut aussi causer des retards.
Le sénateur Mitchell : À l'occasion, il est question de revendications territoriales, d'une chute du prix du pétrole, d'une récession ou d'une hausse des taux d'intérêt. Toutes ces choses peuvent être en cause. C'est une légende urbaine — même si les projets ne sont généralement pas réalisés dans les villes — de penser que ce sont seulement les évaluations environnementales qui causent des retards. Ces changements ne peuvent absolument pas accélérer ou faciliter les choses. Au contraire, ils ne peuvent que les empirer.
Le sénateur McCoy : Nous avons eu le plaisir de recevoir précédemment une représentante de l'Association minière du Canada. Vous étiez peut-être présents. Mme Justyna Laurie-Lean a dit qu'on promet davantage de résultats et une gestion plus efficace des études d'impact fédérales depuis les débuts de l'ACEE, mais qu'on n'a pas tenu ces promesses. Elle approuve ces modifications, car elle espère que, cette fois, on tiendra parole.
Tous ceux d'entre nous qui, comme moi en Alberta, se sont occupés d'évaluations environnementales durant des années veulent un processus plus efficace. Nous devons maintenant nous dépêcher d'examiner ces modifications plutôt vagues. Certains d'entre nous voient le verre à moitié plein, tandis que d'autres le voient à moitié vide.
J'ai deux questions à poser. Comment faut-il évaluer l'effet qu'auraient ces modifications?
J'ai demandé au ministre et aux responsables de l'ACEE si cette agence aurait les ressources nécessaires. Dans les deux cas, on m'a répondu que les 11 millions de dollars supplémentaires accordés il y a deux ans seraient toujours disponibles. Cependant, je souligne que, dans le document de planification du ministre, il est indiqué que l'agence n'aura plus accès aux 11 millions de dollars dans trois ans. Selon moi, cela montre à quel point on est sérieux au sujet de la mise en œuvre.
Ceux d'entre vous qui sont dans le milieu depuis longtemps, 10 ans peut-être, ont possiblement constaté ces problèmes. D'après vos connaissances et votre expérience, y a-t-il déjà eu un ministre fédéral de l'Environnement qui ait exclu plus de projets que ne l'a fait le ministre actuel?
M. Lindgren : Il y a tous les projets d'infrastructure dont nous avons parlé et qui ont d'abord été exclus de l'étude d'impact par règlement et qui le sont maintenant par la loi. Je ne me rappelle pas qu'un autre ministre ait exempté autant de projets d'un seul coup. J'imagine que le ministre actuel détient ce record peu enviable.
Le sénateur McCoy : Monsieur Hart, vous rappelez-vous qu'un ministre fédéral de l'Environnement ait exclu autant de projets de l'évaluation environnementale que le ministre actuel?
M. Hart : Je n'ai pas autant d'expérience que bien des gens dans la salle, mais je veux parler de la façon de prédire les conséquences des modifications proposées. Notre grande préoccupation, c'est de revenir aux conditions d'avant Red Chris. Dans ce temps-là, bien des projets miniers étaient abandonnés. Il n'y avait pas d'évaluations fédérales pour les mines. Même si on a prétendu qu'une évaluation approfondie était effectuée, étant donné que les mines produisaient plus de 3 000 tonnes par jour, les projets étaient seulement évalués en fonction de la délivrance des permis qui concernaient les pêches et les dépôts de résidus miniers. Il n'était pas question de mine ni de route ou de corridor hydroélectrique. Tout ce qui comptait, c'était le dépôt de résidus miniers. Les autorités fédérales ne souhaitaient pas examiner autre chose. Voilà pourquoi nous sommes préoccupés et comment nous prévoyons l'impact potentiel de ces modifications.
M. Paterson : Je n'ai pas grand-chose à ajouter là-dessus.
Le sénateur McCoy : Selon votre expérience, le ministre actuel remporte-t-il la palme pour le plus grand nombre de projets exclus de l'évaluation environnementale?
M. Paterson : Comme M. Lindgren l'a dit, c'est difficile de faire plus qu'exclure d'un seul coup des milliers de projets de l'évaluation environnementale. Je ne suis pas certain qu'on en ait déjà fait autant, mais ce n'est pas peu dire.
M. Lindgren : Concernant ce qui va se passer si ces modifications sont adoptées, j'en suis venu à la conclusion qu'aucune de ces modifications ne pourrait empêcher de restreindre la portée de l'évaluation environnementale comme on l'a fait pour le projet Red Chris. Il est préoccupant de voir que non seulement ces modifications ne l'empêcheraient, mais qu'elles permettraient de le faire plus facilement.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas avocat non plus, mais certains de mes meilleurs amis le sont.
J'aimerais obtenir de l'information pour comprendre l'organisation. Un groupe environnemental est affilié à l'Association du Barreau canadien. Sénateur Angus ou M. Lindgren, vous pouvez peut-être m'aider. Pourquoi s'agit-il d'une entité indépendante de l'association? Je veux simplement savoir combien il y a de groupes.
M. Lindgren : L'Association du Barreau canadien représente les avocats qui pratiquent au Canada et qui veulent en faire partie. L'organisation comprend un certain nombre de sous-groupes spécialisés dans un domaine, comme celui des juristes en droit environnemental, qui se rencontrent pour discuter. Il y a aussi les groupes de défense de l'intérêt public.
Le sénateur Tkachuk : Vous faites partie de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Votre groupe s'est-il dissocié de l'ABC? L'a-t-on fondé de manière indépendante? Combien de membres compte-t-il?
M. Lindgren : Il s'agit d'entités complètement indépendantes. Certains de nos membres ont fait partie de l'Association du Barreau canadien. Certains y sont encore représentés. Cinq avocats de notre groupe, dont moi, font partie de l'ABC, à laquelle nous sommes libres de nous joindre.
Le sénateur Tkachuk : Combien de membres votre association compte-t-elle?
M. Lindgren : C'est une bonne question. Nous ne comptons pas le nombre de membres. Néanmoins, nous ne représentons pas 5 millions de personnes.
Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il des avocats dans votre association?
M. Lindgren : Oui, il y en a beaucoup.
Le sénateur Tkachuk : Combien?
M. Lindgren : Il doit y avoir 15 ou 20 avocats en tout temps. Notre personnel comprend six ou huit avocats à forfait ou à temps plein.
Nous sommes un groupe d'aide juridique financé par l'association d'aide juridique de l'Ontario. Nous sommes essentiellement un service de consultation juridique pour les particuliers.
Le sénateur Tkachuk : Ainsi, vous êtes financés par le gouvernement provincial.
M. Lindgren : Le gouvernement provincial ne nous finance pas directement, car nous le poursuivons parfois.
Le sénateur Tkachuk : Je veux savoir d'où proviennent vos fonds. Vous semblez avoir beaucoup de personnel, mais très peu de membres. C'est pourquoi je cherche à savoir qui vous finance. La question me paraît légitime.
Le sénateur Moore : Pas s'il y a contestation judiciaire.
Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous une entreprise?
M. Lindgren : Nous sommes un service de consultation juridique pour les particuliers. Nous sommes financés par la Société de l'aide juridique de l'Ontario, qui reçoit son financement du ministère public. La plupart des fonds nous sont transmis par le système de l'aide juridique.
Le sénateur Tkachuk : L'argent provient-il des contribuables de l'Ontario?
M. Lindgren : Une grande partie des fonds vient de la fondation du droit, qui reçoit de l'argent des avocats.
Le sénateur Tkachuk : Il y a aussi la West Coast Environmental Law. Votre organisation s'est-elle séparée de l'Association canadienne du droit environnemental? La West Coast est-elle une entité indépendante? Combien de membres comptez-vous?
M. Paterson : Notre groupe est tout à fait indépendant de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Comme l'a expliqué M. Lindgren à propos son organisme, notre organisation n'est pas axée sur le nombre d'adhérents. En vertu de la Society Act de la Colombie-Britannique, notre conseil d'administration est formé de membres. Il y a un certain nombre de personnes qui siègent au conseil. Quatre avocats font partie de notre personnel.
Nos fonds proviennent principalement de la Law Foundation of British Columbia, qui, comme son équivalent en Ontario, est financée par les comptes en fiducie des avocats pour aider les organisations qui défendent l'intérêt public dans le domaine du droit. Comme les organisations sans but lucratif, nous recevons aussi des donations.
Le sénateur Tkachuk : Remettez-vous des reçus d'impôt pour activités de bienfaisance ou n'êtes-vous qu'une organisation sans but lucratif?
M. Paterson : La West Coast Environmental Law est une organisation sans but lucratif. Nous avons aussi une organisation caritative qui travaille pour différentes causes. Les gens qui lui font un don pour cela obtiennent un reçu. Mais ceux qui donnent de l'argent aux associations n'en reçoivent pas.
Le sénateur Tkachuk : Combien de membres l'organisation compte-t-elle? Combien de personnes représentez-vous?
M. Paterson : Je suis avocat-conseil et je représente l'association. Nous nous représentons nous-mêmes. Notre conseil d'administration est constitué d'environ 10 membres, qui sont les seuls membres de l'association.
Le sénateur Tkachuk : Vous représentez un groupe de 10 avocats. Ce serait comme un petit cabinet d'avocats au centre-ville de Toronto.
M. Paterson : Nos membres ne sont pas tous avocats. Nous sommes une organisation sans but lucratif.
Le sénateur Tkachuk : Vous vous appelez la West Coast Environmental Law. De mon point de vue, cela prête à confusion. Comme je ne suis pas avocat, je dois poser ces questions.
J'aimerais comprendre : vous faites des procès d'intention au gouvernement, mais que recherchez-vous?
M. Lindgren : Notre objectif est le même depuis 25 ans. Nous voulons une loi sur l'évaluation environnementale équitable, efficace et juste ainsi qu'un processus efficient. On semble prétendre que le grand objectif des groupes environnementaux, des Premières nations et d'autres, c'est de bloquer et de retarder les projets. Nous n'avons pas vraiment intérêt à ce que les choses soient retardées et que les procès traînent. Comme nous ne recevons pas beaucoup d'argent de nos clients, nous n'avons pas intérêt à ce que les processus durent des mois, des années ou des dizaines d'années. Nous souhaitons aussi que les décisions soient prises de manière opportune. Nous avons des intérêts communs. Toutefois, les modifications proposées dans le projet de loi C-9 ne nous permettraient pas d'arriver à nos fins.
Le sénateur Tkachuk : Par nature, votre groupe serait plutôt politisé. Les avocats ont bien sûr des divergences d'opinions à l'égard du projet de loi. Le sénateur Angus est avocat et il a une opinion différente de la vôtre. Vous ressemblez à une organisation politique.
Permettez-moi de poser ma question. Le témoin pourra dire pourquoi il est ici. À mon avis, plus il y a de lois environnementales, plus il y a du travail. Est-ce que je me trompe?
M. Lindgren : Très honnêtement, je préférerais pêcher près de chez moi.
Le sénateur Tkachuk : Je veux simplement connaître votre point de vue. Plus le droit environnemental est complexe, plus il y a de travail pour les avocats spécialisés dans le domaine. C'est un secteur lucratif.
M. Lindgren : Le début de mon exposé n'était peut-être pas clair. Nous représentons des particuliers, des agriculteurs, des groupes de contribuables, des Premières nations, et cetera. Ces gens veulent participer aux processus d'évaluation environnementale pour que les décisions ne nuisent pas à l'environnement, qu'elles protègent la santé et la sécurité publiques et qu'elles favorisent la durabilité. Voilà ce qui nous intéresse.
Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie beaucoup de cette réponse très claire.
M. Paterson : Permettez-moi de répondre pour la West Coast Environmental Law.
Le sénateur Moore : Pour mettre les choses au clair, êtes-vous la section de l'environnement, de l'énergie et des ressources naturelles?
Le président : Oui, c'est une section de l'Association du Barreau canadien.
Allez-y, monsieur Paterson.
M. Paterson : Je veux répondre dans la foulée des propos de M. Lindgren. À bien des égards, nous faisons le même travail. Nous conseillons des groupes d'agriculteurs, des associations communautaires, des Premières nations et d'autres groupes qui participent à l'occasion aux processus fédéraux et provinciaux. Au fil des ans, nous avons acquis une certaine expertise. Nous voulons que les processus se déroulent aussi bien que possible pour protéger l'environnement. C'est pourquoi je suis venu témoigner aujourd'hui.
Le sénateur Tkachuk : Nous sommes donc du même côté.
Le sénateur Dickson : J'ai deux ou trois questions à poser à M. Lindgren et à notre ami de la côte Ouest. Avez-vous déjà représenté un promoteur de projet ou vous êtes-vous déjà opposés à des groupes environnementaux?
M. Paterson : Jamais.
M. Lindgren : J'ai peu de cordes à mon arc. La seule chose que je connais, c'est le droit environnemental. Je n'ai travaillé qu'à l'Association canadienne du droit de l'environnement. Nous ne représentons pas les promoteurs.
Le sénateur Dickson : Ma deuxième question est générale. Je suis un sénateur du Canada atlantique. Compte tenu de la conjoncture économique, comme tous les Canadiens, les habitants de ma région ont un vif intérêt pour les projets durables, en particulier ceux qui tiennent compte de la santé, de la sécurité, de l'environnement et de la communauté. En ce qui concerne mon ami de la côte Ouest, il semble penser que la mesure législative empêcherait de profiter des avantages des projets. Je ne partage pas cette impression. J'appuie fermement le projet de loi C-9, car il nous permettrait de prendre du recul et d'équilibrer les politiques publiques. Le projet de loi favoriserait la création d'emplois dont les Canadiens ont désespérément besoin à l'heure actuelle, particulièrement au Canada atlantique. Qu'en pensez-vous? J'estime que la mesure permettrait de créer des emplois dans l'immédiat.
J'ai participé à un projet pour lequel certaines personnes attendent toujours des autorisations. Je suis certain que, si je vous expliquais le problème maintenant, vous diriez tout de suite que le projet n'est pas du tout valable. Cela dit, le représentant du gouvernement fédéral a peur de prendre une décision.
M. Lindgren : Je ne crois pas que le ministre Prentice ait déjà présenté d'estimation sur les dizaines, les centaines ou les milliers d'emplois qui découleraient de ces modifications. Honnêtement, je dirais que, si on faisait ce genre d'estimations, il faudrait les prendre avec un grain de sel.
Le sénateur Dickson : Je ne suis pas d'accord.
Le président : Nous comprenons que vous n'êtes pas d'accord, mais vous avez fait valoir votre point de vue. Le témoin répond à votre question.
M. Lindgren : Je veux seulement ajouter que, lorsque nous participons aux processus provinciaux ou fédéraux d'évaluation environnementale, nous entendons souvent les promoteurs affirmer que, hors de tout doute, ils peuvent protéger l'environnement, offrir des avantages pour la société, créer de l'emploi, générer des recettes fiscales, et cetera. C'est très bien et tant mieux pour eux. Sont-ils capables de le démontrer avec une certaine rigueur dans une évaluation environnementale? S'ils sont confiants, il n'y a pas de problème, car le processus sera très bref. Mais s'ils ne sont pas sûrs de ce qu'ils avancent, c'est une autre paire de manches.
M. Hart : J'ai habité six ans au Nouveau-Brunswick avant de déménager à Ottawa pour travailler à Mines Alerte Canada. Je comprends la situation économique dans l'Est. Par ailleurs, ce que j'apprécie particulièrement là-bas, c'est le sens communautaire et l'attachement à la terre.
J'aimerais vous parler de l'affaire de la carrière de Whites Point pour laquelle les gens de Digby Neck, en Nouvelle- Écosse, étaient unanimes pour dire qu'il fallait rejeter un projet d'exploitation. On a réussi à bloquer le projet grâce à un comité mixte rigoureux, qui est intervenu à temps. Les Premières nations, les agriculteurs, les pêcheurs et les entreprises d'écotourisme ont tous estimé que ce n'était pas dans le meilleur intérêt de la communauté et ils ont fait en sorte que le comité fédéral-provincial refuse le projet. C'est une situation rare, mais elle démontre que, dans l'Est, où la situation économique est peut-être la plus difficile au pays, les citoyens ne sont pas prêts à accepter des emplois à n'importe quel prix.
Le président : Chers collègues, deux sénateurs qui voulaient participer aux discussions n'ont pas pu le faire. Les sénateurs Ringuette et Baker avaient des questions complémentaires. Nous avons dépassé de 10 minutes le temps accordé. Nos témoins comparaissent depuis plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu.
Nous apprécions beaucoup que MM. Lindgren, Hart et Paterson soient venus aujourd'hui nous faire profiter de leur expertise. Je vous remercie.
(La séance est levée.)