Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 18 - Témoignages du 5 octobre 2010
OTTAWA, le mardi 5 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 2 pour étudier les coûts et les avantages de la pièce canadienne d'un cent pour les contribuables canadiens et l'ensemble de l'économie canadienne.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, c'est la cinquième réunion concernant les coûts et les avantages de la pièce canadienne d'un cent.
[Traduction]
Lors des quatre réunions précédentes, le comité a entendu les témoignages de représentants du gouvernement, de la Monnaie royale canadienne et de la Banque du Canada. Des universitaires sont venus nous donner leur point de vue, de même que des représentants de milieux d'affaires et d'associations de consommateurs. Ce matin, nous donnons la parole au secteur caritatif.
Quand nous avons commencé à discuter des pour et des contre de l'élimination de la pièce d'un cent, nous ignorions à quel point la question allait s'avérer complexe. De nombreux facteurs et groupes d'intérêts entrent en jeu, et il faut tenir compte de nombreuses choses, notamment du secteur caritatif, qui n'est pas à négliger.
Nous sommes donc très heureux de recevoir aujourd'hui Michael Maidment, directeur de secteur, Relations publiques et Développement, et agent de liaison du gouvernement fédéral pour l'Armée du Salut. Monsieur Maidment, merci beaucoup d'être ici et de nous aider à mieux comprendre cette question du point de vue de l'Armée du Salut. Je crois que vous voulez nous faire part de quelques remarques avant que nous n'entamions notre discussion.
Michael Maidment, directeur de secteur, Relations publiques et Développement, agent de liaison du gouvernement fédéral, Armée du Salut : Merci, honorables sénateurs, et bonjour à vous. Je tiens tout d'abord à vous offrir mes condoléances à la suite du décès de votre collègue. Je sais que notre horaire a été quelque peu modifié en raison des funérailles qui suivront cette séance. Au nom de notre organisation, je vous offre toutes mes condoléances.
Je vous remercie de me permettre de venir vous parler aujourd'hui des coûts et des avantages de la pièce d'un cent du Canada. À titre de plus grand fournisseur de services sociaux non gouvernemental du Canada et d'organisme de bienfaisance parmi les plus reconnus et respectés au pays, l'Armée du Salut a une relation particulière avec la pièce d'un cent canadienne. La célèbre campagne des Marmites de Noël a été lancée à la fin du XIXe siècle pour venir en aide aux Canadiens démunis.
Cent dix-neuf ans plus tard, la campagne des Marmites de Noël demeure un moyen efficace de recueillir de l'argent pour soutenir les gens dans le besoin. En effet, en 2009, la campagne des Marmites de Noël a permis de recueillir 18 millions de dollars à l'échelle du Canada. Environ 42 p. 100 du montant total recueilli dans le cadre de la campagne, c'est- à-dire 7,5 millions de dollars, étaient en pièces de monnaie. Bien qu'il soit difficile de déterminer exactement combien de pièces d'un cent se trouvaient dans ce montant de 7,5 millions de dollars, nous savons qu'il y en avait beaucoup.
Tous les dons sont évidemment les bienvenus, qu'ils soient gros ou petits, mais si on analyse les coûts de traitement des pièces de monnaie, on s'aperçoit que les coûts rattachés à la manipulation des pièces d'un cent excèdent vraisemblablement leur valeur monétaire. À chaque Noël, dans les centres de l'Armée du Salut à l'échelle du Canada, les bénévoles et le personnel s'affairent quotidiennement à compter et à mettre en rouleaux les dons en pièces de monnaie, avant d'aller les déposer à leur succursale locale de la Banque Royale du Canada. Au point de vue du temps investi uniquement, il coûte plus cher de manipuler les pièces d'un cent que les pièces d'un dollar et de vingt-cinq cents ou que toute autre pièce de monnaie. Le temps nécessaire pour compter et mettre en rouleaux 100 huards et 100 pièces d'un cent est le même, mais la valeur monétaire est très différente.
À savoir si l'élimination de la pièce d'un cent aurait un impact sur l'Armée du Salut, l'organisation a bon espoir que cela n'entraînerait pas de diminution des dons en pièces de monnaie. Nous pensons que les Canadiens vont tout simplement choisir la prochaine coupure disponible pour faire un don à la campagne des Marmites de Noël. Il s'agit peut- être d'une preuve empirique, mais en 1989, l'année où on a cessé d'imprimer des billets d'un dollar, on a vu peu de répercussions sur les dons recueillis dans le cadre de la campagne des Marmites de Noël. Les Canadiens ont tout simplement choisi de donner la prochaine coupure disponible, dans ce cas-ci le billet de deux dollars ou de cinq dollars, ou encore la pièce d'un dollar ayant remplacé le billet.
Comme le sous-gouverneur à la Banque du Canada l'a indiqué au comité le 26 mai 2010, les enquêtes réalisées par la Banque du Canada démontrent que près des trois quarts des Canadiens paient en espèces au moins une fois par semaine, contre 64 p. 100 par carte de débit et 36 p. 100 par carte de crédit. Il est bien plus inquiétant pour l'Armée du Salut, et probablement pour d'autres organismes de charité, de voir que les gens paient de moins en moins en argent comptant, que de savoir que les Canadiens pourraient avoir une coupure de moins pour faire des dons à la campagne des Marmites de Noël.
Cela dit, l'Armée du Salut a repensé ses initiatives de financement pour s'adapter à cette nouvelle tendance. Par exemple, nous avons lancé une version virtuelle de notre campagne des Marmites de Noël, qui permet de faire des dons par carte de crédit. À titre d'essai, nous avons aussi équipé certaines de nos stations de la campagne des Marmites de Noël de terminaux pour cartes de débit et de crédit un peu partout au pays. Toutefois, les cartes ne font pas la même musique qu'une poignée de monnaie qu'on dépose dans une marmite, un son qu'on entend souvent d'ailleurs, même à la radio et dans les bulletins de nouvelles.
L'Armée du Salut ne s'attend pas à ce que l'élimination de la pièce canadienne d'un cent ait un impact négatif sur les dons versés à notre organisme. Par contre, nous croyons qu'elle pourrait avoir des répercussions positives sur nos revenus, puisque cela permettrait de réduire les coûts rattachés au traitement des pièces d'un cent recueillies.
Permettez-moi de soulever un dernier point. Lors de la réunion du 26 mai, dont j'ai parlé plus tôt, le sénateur Gerstein a indiqué qu'il y avait environ 20 milliards de pièces d'un cent en circulation, ce qui représente quelque 200 millions de dollars. Si le gouvernement du Canada décidait d'éliminer la pièce d'un cent à l'issue de votre étude sur le sujet, l'Armée du Salut serait certainement intéressée à aider le gouvernement à mettre en place une stratégie visant à retirer les pièces d'un cent de la circulation. Je me suis amusé à lancer quelques idées pendant la fin de semaine. Le titre « Des sous pour l'espoir » nous semble intéressant. Merci.
Le président : Une idée digne d'un agent de développement.
M. Maidment : Je n'ai pas pu m'en empêcher.
Le président : C'était excellent. Merci beaucoup de vos commentaires.
Des témoins nous ont dit devoir payer des frais pour que les banques acceptent les pièces d'un cent qu'ils mettent en rouleaux; ils ne les nettoient peut-être pas, mais ils les démêlent et les mettent en rouleaux. Avez-vous aussi dû payer des frais pour utiliser des pièces d'un cent?
M. Maidment : Il y a deux scénarios possibles. Pour le premier, notons que la campagne des Marmites de Noël repose en grande partie sur le travail des bénévoles. Nous effectuons des collectes dans 400 collectivités canadiennes, alors beaucoup de bénévoles s'affairent à compter la monnaie recueillie dans les locaux de l'Armée du Salut. À ce niveau-là, il n'y a pas de répercussion.
Dans quelques-uns des grands centres, à Ottawa par exemple, nous avons recueilli un peu plus de 500 000 $ l'an dernier. Je crois que selon les estimations, 42 p. 100 des dons, ou environ 200 000 $, ont été versés en pièces de monnaie. Nous engageons en fait une entreprise de traitement pour s'occuper de la monnaie. Alors oui, nous avons des frais à payer. Cela limite peut-être le travail manuel, mais ce n'est pas un service gratuit.
Je pense entre autres à un centre commercial de Mississauga qui nous fait don des pièces de monnaie recueillies dans la fontaine du centre. Ces pièces sont remises à l'Armée du Salut dans des seaux. C'est un groupe de personnes âgées qui se chargent, à partir d'un sous-sol d'église, de nettoyer et de mettre en rouleaux les pièces avant de les déposer à la banque. Ces personnes agissent à titre bénévole, alors aucun coût particulier n'est rattaché à leur travail. Par contre, il y a des frais lorsque les pièces sont déposées à la banque.
Le président : Vous avez parlé des coûts associés à la manipulation des pièces, mais est-ce que les institutions financières vous imposent des frais quand vous déposez des pièces d'un cent ou d'autres pièces de monnaie?
M. Maidment : Je ne saurais dire si c'est le cas pour les exemples que je vous ai donnés. Je sais qu'il y a des coûts pour le traitement des pièces en soi, mais j'ignore si des frais particuliers sont rattachés à la manipulation des pièces d'un cent. Je présume, d'après ce que vous m'avez dit à propos des autres personnes qui sont venues témoigner, que les frais que nous payons, comme dans mon exemple d'Ottawa, sont liés en partie au traitement des pièces de monnaie. Je ne sais pas si les institutions financières imposent des frais particuliers. Nous sauvons une étape dans l'exemple que je vous ai donné. Nous apportons les pièces à un centre de traitement, qui se charge ensuite de les déposer à la banque. J'imagine que les frais bancaires sont inclus dans ce que nous payons, mais je n'en suis pas certain.
Le sénateur Callbeck : Si je vous ai bien compris, votre organisme gagnerait à ce qu'on élimine la pièce d'un cent. Comme vous l'avez indiqué, quand le billet d'un dollar a été aboli, les gens ont commencé à donner des coupures plus élevées.
M. Maidment : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Vous nous avez parlé des nouvelles initiatives mises en place pour pallier la diminution de l'utilisation de l'argent comptant, mais elles ont été plus ou moins efficaces dans le cadre de la campagne des Marmites de Noël. Qu'est-ce que vous prévoyez faire à cet égard?
M. Maidment : Un nouveau phénomène s'est produit avec l'utilisation accrue des cartes de débit. Les gens nous en ont parlé. J'ai moi-même voulu donner de la monnaie à une équipe de hockey qui vendait des billets au supermarché, mais je n'en avais pas sur moi, car j'utilise régulièrement ma carte de débit ou ma carte de crédit. Il semble même que j'utilise ma carte de débit trop souvent d'après mon ministre des finances à la maison.
C'est difficile. Pour la région d'Ottawa, la campagne des Marmites de Noël rapporte de plus en plus chaque année. C'est un fait difficile à expliquer vu l'utilisation accrue des cartes de débit et l'utilisation moindre de l'argent comptant. Ce n'est pas évident de trouver la corrélation. Nous avons peut-être fait un meilleur travail de promotion, ou peut-être que plus de Canadiens sont au courant de ce que nous faisons et veulent donner expressément à notre organisme. Je n'ai pas de réponse claire à vous donner. Nous voyons certainement la chose comme une menace pour notre campagne des Marmites de Noël. Les 18 millions de dollars que nous recueillons grâce à cette campagne représentent environ 10,4 p. 100 de nos revenus. L'an dernier, les dons du public s'élevaient à quelque 173 millions de dollars au Canada. C'est une campagne importante qui ne date pas d'hier. Nous recueillons de l'argent de cette façon depuis 119 ans. Au fil des années, nous avons tenté de suivre l'évolution de notre monde et de recourir à d'autres modes de paiement pour recueillir des dons. Nous avons aussi mis en place d'autres initiatives, comme la version virtuelle des Marmites de Noël, qui permet de ramasser de plus en plus de dons chaque année. Cette portion représente probablement 1,5 million des 18 millions de dollars recueillis. C'est toujours un petit pourcentage, mais on remarque une bonne croissance de ce volet de la campagne.
Le sénateur Callbeck : Quel est le pourcentage des dons versés par la poste, au téléphone, par courriel et par d'autres moyens?
M. Maidment : Je n'ai malheureusement pas cette information. Je sais que c'est par la poste que l'Armée du Salut reçoit le plus de dons, mais les dons en ligne sont de plus en plus populaires. Nous analysons les données démographiques de nos donateurs à l'échelle du pays, et nous constatons que la plupart d'entre eux sont susceptibles de recourir aux méthodes traditionnelles, comme la poste. Il n'y a pas de doute là-dessus. La campagne des Marmites de Noël représente de 10 à 10,5 p. 100 des dons que nous recueillons à la grandeur du Canada. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je dirais que de 80 à 90 p. 100 des dons que nous recevons nous parviennent par la poste. En résumé, je crois que nous recevons 80 p. 100 de nos dons par la poste, 10 p. 100 dans le cadre de la campagne des Marmites, et 10 p. 100 par d'autres moyens, dont le site Web et le téléphone.
Le sénateur Callbeck : L'Armée du Salut est présente dans 400 collectivités au Canada. Est-ce que votre organisme est en expansion?
M. Maidment : Je ne connais pas la réponse à cette question. De façon générale, les activités de notre organisme dépendent des besoins de la population. Nous ne planifions jamais de stopper la croissance de nos activités ni de les donner à contrat à un tiers. Nous mettons fin à nos programmes quand ils ne permettent plus de répondre aux besoins des gens et qu'ils ne sont plus efficaces. À ce moment-là, nous passons à autre chose. Des besoins nouveaux sont toujours susceptibles de se présenter, et nous sommes là pour aider à y répondre. Les 400 centres de l'Armée du Salut au Canada ont été relativement stables au cours des dernières années.
Le sénateur Marshall : Monsieur Maidment, je veux m'assurer d'avoir bien compris ce que vous nous avez dit plus tôt. Si on devait éliminer la pièce d'un cent, il ne devrait pas y avoir de diminution importante des dons versés selon vous. Pourriez-vous nous parler des coûts rattachés au traitement des pièces de monnaie? D'après ce que vous nous avez dit, il ne vous coûte rien de compter et de mettre en rouleaux les pièces d'un cent. Vous devez par contre payer des frais pour que les institutions financières acceptent de prendre la monnaie.
Le montant net des dons versés à l'Armée du Salut devrait être le même ou même grimper un peu, n'est-ce pas? Je ne voudrais surtout pas nuire au bon travail que fait l'Armée du Salut un peu partout dans le monde.
M. Maidment : Il est difficile d'établir précisément quels sont les frais de traitement. Les campagnes sont souvent gérées par des bénévoles, et ce n'est pas évident de déterminer le coût de base du travail des bénévoles qui comptent et mettent en rouleaux des pièces d'un cent. Notre organisme fait généralement affaire avec une seule institution financière au Canada. La situation est probablement quelque peu différente pour les organismes à but non lucratif et les organismes à but lucratif. Si nous devions nous présenter à la banque avec un seau de rouleaux de pièces d'un cent, il est possible que nous soyons dispensés des frais généralement facturés, vu la nature de notre organisme, les liens que nous entretenons avec l'institution financière et la façon dont cet argent est dépensé. Je sais que ce ne sont que des exemples anecdotiques, mais il est difficile de déterminer les frais payés. À Ottawa, par exemple, nous avons recueilli 520 000 $ l'an dernier dans le cadre de la campagne des Marmites de Noël. Entre 180 000 et 200 000 $ de ce montant ont été versés en pièces de monnaie, et nous avons dû débourser 3 000 $ pour le traitement de ces pièces.
Le sénateur Marshall : C'est un assez gros montant.
M. Maidment : Oui. L'analyse des coûts des autres campagnes tenues dans différentes régions tient compte des nombreuses heures de travail bénévole, du matériel utilisé, des machines pour compter et trier les pièces de monnaie, des rouleaux, des articles connexes et du salaire d'un employé, alors il est difficile de détailler précisément tous les coûts.
Le sénateur Marshall : En supposant qu'on décide d'éliminer la pièce d'un cent, est-ce l'Armée du Salut a envisagé la possibilité de récupérer ces pièces? Un grand nombre de sous seraient ainsi mis hors circulation. Combien de temps cela pourrait-il prendre pour les récupérer? Y avez-vous pensé? Certains organismes recueillent les pièces d'un cent.
M. Maidment : C'est une idée. Et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai ajouté, plus ou moins sérieusement, mon dernier commentaire.
Si le comité recommande d'éliminer la pièce d'un cent et que le gouvernement fédéral décide de suivre cette recommandation, et si les estimations sont exactes et qu'il y a 200 millions de dollars en pièces d'un cent en circulation au Canada, on peut aussi conclure que beaucoup de Canadiens gardent ces sous en réserve. Il se peut qu'ils ne soient pas en circulation active. Il est probable qu'ils reposent dans un contenant de yogourt, comme dans l'armoire chez moi, ou dans un pot quelconque. Bien souvent, ce sont nous qui héritons de ces pièces d'un cent.
Dans une campagne l'an dernier, un jeune garçon nous a apporté 50 $ en pièces d'un cent. Il les a traînés jusqu'à la marmite. Il les accumulait depuis quelques années et il était très fier de les déposer dans la marmite de l'Armée du Salut. Donc, nous aimerions en effet pouvoir recueillir ces sous et les utiliser à bon escient.
Le sénateur Marshall : Est-ce que l'élimination de la pièce d'un cent pourrait avoir un impact négatif sur l'Armée du Salut? Si j'en crois ce que vous nous avez dit jusqu'à maintenant, il n'y a pas vraiment lieu de s'inquiéter pour votre organisme. Y a-t-il cependant un désavantage dont vous aimeriez nous parler?
M. Maidment : Nous en avons parlé à l'interne depuis que nous avons reçu votre invitation à comparaître. Pour le moment, je n'entrevois pas d'impact négatif; l'organisme n'entrevoit pas d'impact négatif.
Quelqu'un a laissé entendre que l'élimination de la pièce d'un cent pourrait avoir un effet sur la quantité d'argent que les Canadiens traînent dans leurs poches. J'ai consulté les délibérations des réunions précédentes du comité. Il semble que ce ne soit pas une inquiétude pour nous. Pour ce qui est des dons, cela ne nous préoccupe pas. Nous pensons que les Canadiens vont tout simplement donner des plus grosses coupures. Au lieu d'avoir des sous noirs dans leurs poches, les Canadiens vont avoir des pièces de dix et de cinq cents, entre autres. Nous ne craignons donc pas une diminution des dons.
Le président : Monsieur Maidment, vous venez de soulever une question intéressante, à savoir que nous ne sommes pas en train d'examiner un projet de loi qui vise à éliminer la pièce d'un cent et de demander quelle est l'incidence de ce projet de loi. Nous en sommes seulement à essayer de faire une étude et peut-être bien d'influencer une décision politique du gouvernement. Nous ne réagissons pas devant un projet qui vise à éliminer la pièce d'un cent; nous disons simplement que nous avons cette pièce et nous essayons de déterminer quels sont les avantages et les inconvénients de la garder.
Vous dites donc que vous ne voyez pas d'impact négatif, ce qui ne fait que couvrir la moitié de la question. Des porte-parole de l'Association des banquiers canadiens ont comparu devant nous et ils étaient plutôt neutres. Ils ont dit que ce serait bien d'éliminer cette pièce, mais tout aussi bien de la conserver. Êtes-vous en train de dire que votre organisation préférerait que la pièce d'un cent ne soit plus en circulation, ou que ce serait bien de l'éliminer, et que vous n'y voyez aucun effet négatif, mais que, si nous la conservons, ce serait bien aussi?
M. Maidment : Si je devais répondre à cette question dans ce contexte, je dirais que nous sommes plutôt neutres. Durant le débat que nous avons eu à l'interne, nous étions neutres. Toutefois, il reste que nous pourrions économiser dans le traitement des pièces. Pour une organisation comme la nôtre, qui essaie d'utiliser de façon maximale chaque dollar que nous recevons des Canadiens, toutes les économies que nous pouvons trouver sont utiles.
Nous restons plutôt neutres. Toutefois, s'il est possible d'éviter des coûts, et c'est ce que nous pensons, alors nous serions en faveur de l'élimination de la pièce d'un cent.
Le président : Vous restez neutres, mais vous pourriez économiser de l'argent si la pièce était éliminée.
M. Maidment : Oui, nous pensons que nous pourrions faire des économies, alors nous serions en faveur de l'élimination de la pièce d'un cent.
Le président : Ce n'est pas une position très neutre.
M. Maidment : Nous ne sommes cependant pas absolument en faveur. J'imagine que vous aimeriez une réponse plus catégorique.
Le président : Vous ne voulez pas être celui qui bat la marche en recommandant l'élimination de la pièce d'un cent.
M. Maidment : Il y a un effet anticipé. En tant qu'organisme, nous ne voulons pas privilégier l'élimination de la pièce d'un cent pour constater ensuite que cette mesure avait un impact négatif. Nous utilisons une étude de cas précédente sur l'élimination des billets d'un et de deux dollars, et nous essayons de nous servir de cette information pour dire exactement combien nous coûte le traitement des pièces d'un cent. Nous ne poussons pas les hauts cris.
Le président : C'est pareil pour nous. Nous ne voulons pas recommander l'élimination de la pièce s'il y a des retombées négatives. C'est pourquoi nous consultons les organismes caritatifs. Est-ce que l'Armée du Salut est membre d'une association philanthropique de collecte de fonds?
M. Maidment : Nous faisons partie d'un grand nombre de ces organisations partout au pays.
Le président : C'est ce que je croyais. Discutez-vous de cette question à l'occasion?
M. Maidment : À ma connaissance, il n'y a pas eu de discussion précise sur la pièce d'un cent au sein de ces organisations.
Le sénateur Runciman : Ce n'est pas une contribution très utile — elle ne vaut probablement pas un sou noir — mais la position du témoin me fait penser à un vieil adage politique : une partie des gens sont pour, une partie des gens sont contre; je suis avec les gens.
Le président : Nous voulions entendre un représentant de l'UNICEF, puisque ce sera bientôt l'Halloween et les enfants vont recueillir des pièces d'un cent, de cinq cents et de dix cents, mais aucun porte-parole n'a pu se libérer. Avez-vous des observations générales à faire concernant l'impact de cette mesure sur la collecte de fonds des groupes qui dépendent des dons modestes?
M. Maidment : Je vais m'abstenir de faire des commentaires ou des hypothèses au nom d'autres groupes. Toutefois, pour ce qui est des pièces de monnaie que nous recueillons, je crois que vous pouvez trouver des similitudes entre notre organisation et d'autres qui recueillent de l'argent de cette façon. Nos campagnes sont un peu différentes, puisque nous sommes dans des magasins où les gens dépensent de l'argent, tandis que d'autres organisations font du porte-à-porte alors que les gens n'ont peut-être pas d'argent comptant sous la main et ne s'attendent pas à faire un don. Ce serait ce qui nous différencie des autres organisations comme l'UNICEF.
Pour les gens qui contribuent habituellement à la campagne des Marmites de Noël, c'est une destination parce qu'ils se trouvent dans un centre commercial ou un magasin de détail où ils dépensent de l'argent et où ils ont probablement de la monnaie. Et nous espérons en fait qu'ils aient de la monnaie dans les poches et qu'ils puissent donner cet argent.
Le président : Nous aimerions vous entendre sur votre expérience à l'échelle internationale. L'Armée du Salut est une organisation internationale. Avez-vous vécu cette situation dans un autre pays qui a éliminé la pièce d'un cent, et quelle a été l'incidence de cette mesure sur votre association?
M. Maidment : Malheureusement, non. Nous sommes une organisation internationale qui est actuellement présente dans 122 pays. J'avais prévu cette question, mais je me suis pris un peu trop tard pour obtenir des données à jour. J'ai envoyé une demande à notre organisation en Nouvelle-Zélande. Je crois que la Nouvelle-Zélande a éliminé sa pièce d'un cent, alors je voulais obtenir des renseignements sur son expérience là-bas et sur l'impact, s'il en est, que l'élimination de la pièce d'un cent a eu sur la campagne des Marmites de Noël.
La campagne a débuté aux États-Unis pour se répandre rapidement au Canada, en commençant par Terre-Neuve — d'abord sur les quais de St. John's, puis dans le reste du Canada. Je présume qu'une campagne des marmites existe sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. Je pense bien que c'est le cas. Toutefois, lorsque je recevrai cette information, je serai ravi de vous la transmettre par l'entremise de votre greffier.
Le président : Avez-vous dit que cette campagne a commencé sur les quais de St. John's, à Terre-Neuve-et- Labrador?
M. Maidment : Nous disons « au Canada », même si Terre-Neuve ne faisait pas partie du Canada à cette époque-là.
Le président : Les Terre-Neuviens nous ont mis sur la bonne route avant même de se joindre à nous.
M. Maidment : Je pense que oui; je suis originaire de Terre-Neuve également.
Le président : Merci pour cette petite leçon d'histoire.
M. Maidment : C'est un simple petit détail que j'aime ajouter. Je dois apparemment revendiquer cela.
Le sénateur Murray : Des organisations comme l'Association des consommateurs du Canada et d'autres ont comparu devant nous et étaient, en principe, en faveur de l'élimination de la pièce d'un cent; elles avaient toutefois quelques réserves et tenaient à être consultées sur la mise en œuvre d'une telle politique, si elle était adoptée, parce qu'elles pouvaient entrevoir certains problèmes. Elles voulaient s'assurer que ces problèmes éventuels allaient être pris en considération dans la rédaction du projet de loi sur le plan de mise en œuvre.
Pour ma part, je crois que si notre comité décidait de prendre position en faveur de l'élimination de la pièce d'un cent, il faudrait faire davantage et indiquer clairement au gouvernement quels devraient être les paramètres de cette décision et certaines mesures que le gouvernement devrait adopter. J'espère que le gouvernement ne présentera pas simplement un projet de loi en disant « C'est à prendre ou à laisser », qu'il y aura des consultations préalables et peut- être une ébauche de projet de loi avant qu'une décision finale ne soit prise.
Y a-t-il des aspects de la mise en œuvre d'une éventuelle élimination de la pièce d'un cent sur lesquels vous aimeriez être consultés? Pouvez-vous nous aider à formuler des recommandations au gouvernement à cet égard?
M. Maidment : Nous aimerions évidemment prendre part à cet exercice. L'Armée du Salut exploite environ 300 magasins d'articles d'occasion partout au pays. Notre organisation œuvre donc dans la vente au détail et, de ce point de vue, la chose pourrait nous intéresser.
Sur le plan caritatif, je ne sais trop quoi penser de la mise en œuvre d'un programme qui viserait à éliminer la pièce de 1 cent, mis à part le fait que je comprenne, à la lumière des témoignages antérieurs, qu'il y a un nombre important de pièces d'un cent qui ne sont pas vraiment en circulation. Ce serait très positif de participer à une stratégie de mise en œuvre du gouvernement si la pièce d'un cent était effectivement éliminée. Ce serait très positif si l'argent qui sommeille présentement dans les chaumières du Canada pouvait être transformé en quelque chose de valable pour notre secteur.
Si la pièce d'un cent était éliminée, je présume que ce serait sur une certaine période de temps. Je présume que le billet d'un dollar peut être encore utilisé. Toutefois, si cette stratégie était adoptée, j'imagine que le gouvernement voudrait que les pièces d'un cent soient recyclées.
L'Armée du Salut aimerait pouvoir utiliser ces pièces au profit des Canadiens qui sont pauvres.
Le sénateur Murray : Il y a aussi la question d'un plan de communication efficace. Si le gouvernement décidait d'aller de l'avant, il voudrait expliquer ce qu'il fait, la manière dont il le fait, et cetera. Pensez-vous que vous pourriez nous aider à cet égard?
M. Maidment : Je crois que oui. Je suppose que l'élimination pourrait être faite par attrition naturelle, s'il s'avère plus difficile d'utiliser la pièce d'un cent que de l'éliminer. Le gouvernement choisirait sans doute une méthode plus proactive. Le secteur des organismes caritatifs pourrait être mis à contribution de façon proactive pour recueillir ces pièces d'un cent. Une importante campagne de communication pourrait être lancée à cette fin, peut-être en lien avec la campagne des Marmites de Noël, ce qui pourrait être très efficace pour sensibiliser les Canadiens. Les gens sont généreux durant la période des Fêtes, alors ce serait un moment propice pour encourager les Canadiens à se débarrasser de leurs pièces d'un cent.
Le président : Lorsque le sénateur Gerstein a parlé de cette question au Sénat, il nous a assurés que les penny loafers n'allaient pas disparaître en même temps que les pièces d'un cent.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Maidment : je tiens à vous remercier de votre excellent témoignage ce matin et de l'aide que vous avez apportée au comité.
Je n'ai pas de question à vous poser, mais j'aimerais saisir cette occasion pour rendre hommage au travail extraordinaire que l'Armée du Salut fait au Canada et partout dans le monde. Cet organisme a la réputation d'agir chaque fois qu'un besoin se faisait sentir. Je crois que je peux parler au nom de l'ensemble du comité en exprimant la reconnaissance que nous avons envers vous et envers l'Armée du Salut.
M. Maidment : Merci. Je l'apprécie. C'est un honneur de travailler pour l'Armée du Salut.
Le président : Demain, nous allons entendre des porte-parole de la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande par vidéoconférence. Ils seront en mesure de nous présenter le point de vue du banquier. Si vous recevez de l'information de la Nouvelle-Zélande du point de vue des organismes caritatifs, cela compléterait l'information que nous obtiendrons. Vous pouvez communiquer ces renseignements à notre greffier, qui les transmettra à son tour aux membres du comité.
Demain, nous entendrons aussi l'Association royale de numismatique du Canada, qui représente les collectionneurs de pièces de monnaie. Ce sera la dernière séance que nous tiendrons sur le sujet, mis à part le temps que nous consacrerons à la rédaction du rapport.
Le sénateur Runciman : Monsieur le président, nous avons discuté de cette question précédemment, et nous avons communiqué avec divers organismes caritatifs. Toutefois, je m'intéresse particulièrement aux Tim Hortons, qui sont les collecteurs les plus visibles de pièces de monnaie. Lorsque je vais prendre mon café, je remarque que ce sont presque seulement des pièces d'un cent qui sont recueillies. Ont-ils décliné notre invitation?
Adam Thompson, greffier du comité : Nous avons communiqué avec eux la semaine dernière après que vous ayez soulevé ce point, mais ils n'étaient pas en mesure de comparaître.
Le sénateur Runciman : Monsieur le président, pourrions-nous leur demander de nous présenter un mémoire sur les incidences qu'ils pourraient entrevoir?
Le président : Oui, nous pourrions faire cela. Par ailleurs, nous invitons tous ceux qui nous regardent à nous envoyer un mémoire s'ils le souhaitent. La fin de semaine dernière, j'ai découvert un établissement où l'on arrondit la note, vers le haut et vers le bas; on y refuse toute pièce d'un cent. Il faudra se pencher sur la façon dont la note sera arrondie, mais certains établissements le font déjà. J'ai pensé que c'était là un développement intéressant.
M. Maidment : Il y aurait probablement une différence entre les dons qui sont faits intentionnellement dans le cadre d'une campagne comme celle des Marmites de Noël — vous avez alors à traverser le centre commercial pour déposer votre argent dans une marmite de Noël — et les dons qui sont faits simplement parce que vous voulez vous débarrasser des pièces de monnaie qui font du bruit dans vos poches.
Comme le sénateur, je suis allé récemment dans un restaurant Subway où il y avait ce qui semblait être un récipient pour les pourboires. Il y avait simplement une marque commerciale et rien n'indiquait que l'argent irait à un organisme caritatif. Là encore, le pot contenait surtout des pièces de monnaie dont les gens s'étaient de toute évidence débarrassés parce qu'ils ne voulaient pas s'en encombrer. Ce serait intéressant d'entendre un organisme comme Tim Hortons. Nous sommes un des bénéficiaires de l'argent que ces restaurants recueillent partout au pays. Je m'attendrais à ce qu'il y ait une différence entre ce type de collecte d'argent, c'est-à-dire des pièces de monnaie dont on se débarrasse, et les dons faits intentionnellement.
Le président : Dans certains établissements, des pièces d'un cent sont mises dans une soucoupe; le client peut s'en servir lorsqu'il lui manque une pièce d'un cent ou il peut y déposer des pièces qu'il a en trop.
M. Maidment : Je crois comprendre que le programme « laissez une pièce d'un cent, prenez une pièce d'un cent » a commencé aux États-Unis. Quelqu'un a essayé de faire le calcul des pièces de monnaie qui restaient dans ces contenants partout aux États-Unis, et c'était une somme fabuleuse.
Le président : Si vous trouvez des documents à ce sujet, nous vous prions de nous les transmettre. Toutes ces données anecdotiques nous sont utiles.
M. Maidment : Je ne voudrais pas donner l'impression que tout ce que je dis est anecdotique, mais je vais vérifier l'information avant de vous la transmettre.
Le président : Monsieur Maidment, au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie beaucoup d'avoir représenté ici l'Armée du Salut. À titre de vice-président, le sénateur Gerstein tient aussi à vous remercier. Merci pour l'excellent travail que vous faites pour l'Armée du Salut et à l'échelle internationale.
Le sénateur Ringuette voudrait maintenant dire un dernier mot.
Le sénateur Ringuette : J'ai vraiment aimé les commentaires du témoin. Toutefois, j'aimerais rappeler au comité que Mme Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, dépose un rapport ce matin et que Mme Fraser déposera un rapport le 24 octobre. Dans combien de temps notre comité recevra ces deux mandataires du Parlement pour examiner leurs rapports?
Le président : Merci de nous rappeler que le rapport est publié ce matin. Comme vous le savez, Mme Barrados sera avec nous le mardi suivant le congé de l'Action de grâce; c'est le plus tôt qu'elle peut venir. Nous n'avons pas encore fixé de date pour la comparution de Mme Fraser. Chacune de ces dames et mandataires du Parlement prendra sa retraite au printemps prochain, en 2011. Ce sera probablement leur dernière comparution devant nous, alors nous devons nous assurer d'avoir une bonne séance et une bonne réunion d'adieu lorsque nous les rencontrerons. Merci de nous rappeler le dépôt du rapport.
Je devrais aussi vous rappeler un autre rapport. Chacun a reçu une note disant que la motion de voies et moyens, qui fera partie de la deuxième mesure d'exécution du budget à la Chambre des communes, sera à l'étude. Je crois qu'il y a une séance d'information ce soir. J'ai demandé une séance distincte pour le Sénat lorsque ce projet de loi sera plus près de nous, au lieu d'avoir cette séance maintenant, parce que l'information ne sera plus claire dans notre esprit d'ici un mois ou peu importe quand nous étudierons la motion. Elle commence son périple. Je crois qu'une motion de voies et moyens a été déposée la semaine dernière.
Y a-t-il d'autres sujets de discussion? Le comité de direction se réunira demain. J'espère qu'on examinera d'autres sujets, mais nous attendons le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui sera déposé avant Noël également.
Monsieur Maidment, merci encore de votre présence.
(La séance est levée.)