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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 18 - Témoignages du 6 octobre 2010


OTTAWA, le mercredi 6 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 45 pour étudier les coûts et les avantages de la pièce canadienne d'un cent pour les contribuables canadiens et l'ensemble de l'économie canadienne.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, il s'agit de notre sixième réunion concernant les coûts et les avantages de la pièce d'un cent.

[Traduction]

Au cours des cinq dernières réunions, le comité a entendu le témoignage des fonctionnaires du gouvernement, des universitaires, des représentants du milieu des affaires, des associations de consommateurs et des œuvres caritatives. Comme le savent déjà les honorables sénateurs, la Nouvelle-Zélande il y a plus de 20 ans, a fait face aux mêmes enjeux que nous examinons en se débarrassant d'abord de leurs pièces de 1 et de 2 cents et plus récemment de leur pièce de 5 cents. Nous sommes ravis de souhaiter la bienvenue aujourd'hui — ou plutôt demain où il se trouve — via vidéoconférence à M. Alan Boaden, directeur de la Monnaie, de la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande. Il est ici pour nous parler de leur expérience.

Monsieur Boaden, êtes-vous à Auckland?

Alan Boaden, directeur de la Monnaie, Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande : Je suis à Wellington, monsieur le président. J'imagine que vous pouvez bien m'entendre.

Le président : Nous vous entendons parfaitement. Nous vous demanderons maintenant de faire votre déclaration préliminaire. Vous comprenez bien le sujet dont nous sommes saisis. Si vous pouvez bien nous entendre, alors, une fois que vous aurez terminé votre déclaration préliminaire, nous vous poserons des questions. La parole est à vous.

M. Boaden : Bonsoir, monsieur le président et honorables sénateurs. C'est un honneur de vous entretenir ce soir des expériences de la Nouvelle-Zélande relatives au retrait des pièces de 1 et de 2 cents et, plus récemment, de la pièce de 5 cents. Je vous décrirai les mesures que nous avons prises, les motivations de ces mesures, les résultats de ces mesures en particulier en ce qui concerne les prix.

Mais laissez-moi d'abord vous expliquer les pouvoirs et les responsabilités de la Banque de réserve de la Nouvelle- Zélande dans le domaine de la monnaie.

La Reserve Bank Act de 1989 donne à la Banque de réserve le droit exclusif d'émettre des billets de banque et des pièces de monnaie en Nouvelle-Zélande. La Banque de réserve a l'autorité de déterminer les coupures, le motif et la composition de toutes les pièces de monnaie et de tous les billets de banque. Elle peut, après avoir obtenu le consentement du ministre des Finances, retirer des pièces de monnaie ou des billets de banque.

Comme les sénateurs le savent probablement déjà, nous achetons nos pièces de 10 cents, de 20 cents et de 50 cents de la Monnaie royale canadienne. Nous achetons nos pièces de monnaie de 1 $ et de 2 $ de la British Royal Mint et nos billets de banque polymères de la Note Printing Australia.

Maintenant, laissez-moi directement aborder la question du retrait des pièces de monnaie de faible valeur. Parlons d'abord des pièces de 1 et de 2 cents.

La Banque de réserve a cessé d'émettre des pièces de 1 et de 2 cents le 31 mars 1989. Elle a démonétisé les deux pièces de monnaie environ un an plus tard, soit le 30 avril 1990. En vertu de la loi néo-zélandaise, cela signifiait que les magasins et d'autres commerces n'étaient plus dans l'obligation de les accepter pour le paiement des biens et services. Cependant, la Banque de réserve, quant à elle, paie toujours la valeur nominale de n'importe quelle monnaie démonétisée qu'on lui remet.

La décision de retirer les pièces de 1 et de 2 cents de la circulation a fait suite à deux examens complets de la monnaie en Nouvelle-Zélande, effectués par le Dr Payne de Thomas De La Rue and Company en 1986 et par M. Searle, un consultant du trésor en 1987. De manière concluante, les deux rapports ont souligné qu'en raison des effets de l'inflation, les pièces de 1 et de 2 cents avaient perdu leur valeur et ne présentaient plus aucun pouvoir d'achat efficace. Le rapport préparé par le Dr Payne comportait un diagramme mathématique sur la gestion de la monnaie, désormais connu à l'échelle internationale sous le nom d'analyse D-métrique. On l'a utilisé pour déterminer l'intervalle efficace des pièces de monnaie et des billets de banque néo-zélandais.

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, les pièces de 1 et de 2 cents avaient considérablement diminué de valeur depuis 1990. De plus, le coût unitaire pour émettre des pièces de 1 et de 2 cents était devenu supérieur à leur valeur nominale. Cela a donc relativement simplifié la présentation d'un dossier au ministre des Finances par les représentants de la Banque de réserve, afin de recommander le retrait et la démonétisation ultérieure de ces pièces de monnaie. Cela a été approuvé par le Comité d'orientation du Cabinet le 9 août 1988, puis confirmé par tout le cabinet le 15 août 1988.

Au moment où l'on envisageait de retirer les pièces de 1 et de 2 cents, on se préoccupait des effets inflationnistes de cette décision. On croyait que de nombreux prix pourraient être arrondis au multiple de 5 cents le plus élevé, ce qui aurait eu pour conséquence d'augmenter les coûts pour la population. Pour cette raison, on a approché le ministère des Statistiques de la Nouvelle-Zélande pour calculer les effets probables du retrait de la circulation des pièces de 1 et de 2 cents sur l'indice des prix à la consommation.

La Banque de réserve leur a demandé d'analyser deux options : une politique sur les prix arrondissant toujours au multiple de 5 cents le plus élevé; une politique des prix arrondissant au multiple de 5 cents ou de 10 cents vers le haut ou vers le bas. Ainsi, par exemple, 1,91 $ devient 1,90 $ et 1,98 $ devient 2,00 $.

Le ministère des Statistiques a informé la Banque de réserve que la première option aurait pour effet d'entraîner une augmentation trimestrielle additionnelle unique de 0,3 p. 100 durant le trimestre suivant la date où l'on annoncerait le retrait des pièces de 1 et de 2 cents. La deuxième option n'aurait aucun effet sur l'IPC.

Aucune étude complète n'a été entreprise sur les effets inflationnistes du retrait des pièces de 1 et de 2 cents. Cela était probablement attribuable en partie à l'impact inflationniste relativement faible prévu par le ministère des Statistiques. En outre, durant l'année 1989, le gouvernement a fait passer la taxe sur les produits et les services de 10 p. 100 à 12,5 p. 100, ce qui a évidemment eu un effet beaucoup plus important sur l'IPC d'alors.

J'aimerais également souligner qu'un sondage mené par l'établissement indépendant Consumer NZ a permis de constater que les prix ont dans les faits subi une légère diminution lorsque les pièces de 1 et de 2 cents ont été retirées de la circulation. On a expliqué cette réduction de prix par la concurrence dans le secteur du commerce de détail et l'arrondissement vers le bas des prix, tel que le passage de prix types comme 1,99 $ et 4,99 $ à 1,95 $ et 4,95 $.

Un rapport de la Banque de réserve a alors fait remarquer ce qui suit :

La proposition de retirer les pièces de 1 et de 2 cents de la circulation a constitué un exercice relativement simple, qui a suscité peu ou pas de commentaires négatifs de la population. Il est intéressant de noter que dans un sondage mené récemment sur la monnaie, l'une des principales préoccupations du public en ce qui concerne les pièces de monnaie en circulation, en l'occurrence la pièce de 5 cents, résidait dans le fait que nombre de personnes la considéraient comme une « nuisance » et que celle-ci possédait « peu de valeur ». Inutile de dire qu'on a tôt fait d'oublier les pièces de 1 et de 2 cents.

Je vais maintenant vous parler du retrait de la pièce de 5 cents, même si je sais que le comité n'examine pas cette possibilité en ce moment. Je crois qu'il s'agit d'un sujet pertinent.

En juillet 2006, la Banque de réserve a émis de nouvelles pièces de 10 cents, de 20 cents et de 50 cents plus légères — frappées par la Monnaie royale canadienne — et a commencé à retirer les anciennes pièces faites de cuivre et de nickel. La pièce de 5 cents en cuivre et en nickel a été retirée, et on ne l'a pas remplacée. Elle a été démonétisée trois mois plus tard à partir du 1er novembre 2006.

La principale raison motivant le retrait de la pièce de 5 cents résidait dans le fait qu'au fil des ans, l'inflation en avait réduit la valeur à tel point que la majorité des gens la considéraient comme une nuisance et sans valeur réelle. En 2006, la pièce de 5 cents valait moitié moins qu'en 1967, année où la Nouvelle-Zélande est passée au système monétaire décimal; notant qu'on n'avait aucunement ressenti le besoin d'émettre les pièces d'un demi-cent. En outre, les Néo- Zélandais utilisent bien plus souvent le système EFTPOS (Electronic Funds Transfer at Point of Sale) que l'argent comptant. L'élimination de la pièce de 5 cents ne toucherait que les transactions au comptant et seulement le total lorsqu'on achète plus d'un article.

La Reserve Bank émettait environ 30 millions de pièces de 5 cents par année, environ 7,5 par citoyen, ce qui coûtait plus de 1 million de dollars. Et pourtant, ces pièces ne circulaient pas. Les magasins rendaient la monnaie au public avec ces pièces, puis on les conservait dans les pots à la maison, on les perdait ou les jetait.

Un sondage commandé par la Banque de réserve au début de 2004 a indiqué que le grand public et les détaillants étaient du même avis. Parmi les personnes interrogées, 68 p. 100 du grand public favorisait le retrait de la pièce de 5 cents; 28 p. 100 favorisait la conservation de la pièce et 4 p. 100 des gens étaient indécis.

La principale raison invoquée pour retirer la pièce de monnaie était qu'elle n'avait aucune valeur et qu'elle constituait une nuisance. En effet, les personnes interrogées avaient de la difficulté à se rappeler ce qu'elles faisaient avec les pièces de 5 cents, affirmant qu'on les perdait et qu'elles s'empilaient ou qu'elles trainaient dans les tiroirs. Une minorité de personnes ont affirmé jeter ces pièces.

Parmi les petits magasins de détail, 70 p. 100 étaient en faveur du retrait de la pièce de 5 cents, alors que 30 p. 100 étaient contre. Parmi les grands commerces de détail, 40 p. 100 étaient en faveur, 19 p. 100 s'y opposaient et 41 p. 100 étaient indifférents. Les détaillants en faveur du retrait des pièces de 5 cents ont affirmé que leur manipulation était embêtante et que leur retrait allégerait le travail et les coûts liés au prix de leurs recettes.

Le service des sciences économiques de la Banque de réserve a entrepris une certaine analyse des répercussions éventuelles du retrait de la pièce de 5 cents. On a conclu que l'effet sur les prix serait négligeable pour la plupart des ménages. Le ministère des Statistiques de la Nouvelle-Zélande a vérifié cette analyse et a confirmé qu'elle était bien fondée.

La Banque de réserve était confiante que la concurrence limiterait les augmentations de prix. Certains prix pourraient monter, d'autres descendre et d'autres ne varieraient pas, ce qui est le cas de nombreux articles en temps normal. L'impact global sur les prix et l'inflation serait probablement négligeable.

Il est important de faire remarquer que les prix des articles vendus dans les magasins de Nouvelle-Zélande, surtout dans les supermarchés, affichent encore un prix se situant dans des intervalles de 1 cent et que l'arrondissement n'est appliqué que sur la valeur totale des articles achetés, et ce, exclusivement lors d'opérations au comptant. Les sondages menés auprès de petits et grands commerces de détail ont permis de constater que si l'on retirait la pièce de 5 cents, les détaillants arrondiraient tant vers le haut que vers le bas les prix totaux se terminant par 5 cents.

L'utilisation accrue du système EFTPOS atténue l'importance de l'arrondissement. Les virements électroniques sont utilisés dans 85 à 90 p. 100 des transactions effectuées dans de nombreux supermarchés. Ces paiements sont au cent près du prix total des marchandises. En 1987, en revanche, 60 à 70 p. 100 des transactions se faisaient au comptant et de 30 à 40 p. 100 par chèque. À l'époque, les cartes de crédit n'étaient pas couramment utilisées en Nouvelle-Zélande.

L'Association des détaillants de la Nouvelle-Zélande a recommandé à ses membres d'arrondir les transactions au comptant vers le haut, pour les montants se terminant entre 1 et 5 cents et vers le bas pour ceux qui se terminent entre 6 et 9 cents. La Banque de réserve a appuyé cette recommandation. Cependant, chaque entreprise était libre de prendre sa propre décision commerciale au sujet de l'arrondissement. On devait tenir compte de la concurrence et de la possibilité de perdre la fidélité de la clientèle si l'on arrondissait vers le haut les prix se terminant par 5 cents ou moins. L'association des détaillants a également précisé qu'il faudrait clairement afficher la politique en matière d'arrondissement au point de vente, le cas échéant, afin de bien informer les consommateurs.

Une petite étude menée après le retrait de la pièce de 5 cents a examiné les variations de prix d'environ 50 articles au détail, enregistrés par le ministère des Statistiques de la Nouvelle-Zélande, au cours des mois précédant et suivant le 31 juillet 2006. L'étude a constaté que certains prix montaient et d'autres descendaient tous les mois, mais on n'a observé aucune différence notable entre les deux périodes.

De plus, la population a formulé très peu de plaintes au sujet de l'augmentation des prix. S'il y avait eu des augmentations importantes de prix, les médias d'information y auraient sûrement accordé une attention particulière.

En résumé, la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande a retiré les pièces de 1 et de 2 cents en 1989-1990, puis la pièce de 5 cents en 2006. À chaque occasion, le grand public et les détaillants ont appuyé les changements; on a observé aucun effet perceptible sur l'inflation; la Reserve Bank et, par ricochet, les contribuables ont réalisé des économies.

Voilà qui met fin à mon exposé sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande. Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Boaden. Votre exposé était très clair et bien présenté. Nous sommes ravis que vous nous ayez expliqué le retrait de la pièce de 5 cents, même si nous ne sommes pas saisis de ce sujet en ce moment. En effet, nous avons une telle pièce au Canada.

Un de nos témoins nous avait suggéré de nous débarrasser de la pièce de 5 cents, il nous avait également suggéré de créer une pièce de 20 cents, comme celle que vous avez, plutôt que la pièce de 25 cents que nous avons au Canada. Quand vous avez retiré la pièce de 5 cents, aviez-vous déjà mis en circulation la pièce de 20 cents?

M. Boaden : Oui. Nous avions des pièces de 10 cents, de 20 cents et de 50 cents. Il n'y a jamais eu de pièces de 25 cents en Nouvelle-Zélande.

Le président : Alors vous ne savez pas ce que vous manquez. Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole aux honorables sénateurs qui ont hâte de prendre part à cette discussion. Commençons par le sénateur Gerstein, qui vient de Toronto, et est le vice-président du comité.

Le sénateur Gerstein : Merci de votre excellent exposé, monsieur Boaden. C'était très complet.

Vous avez noté dans votre déclaration préliminaire que la Nouvelle-Zélande achète ses pièces de 10 cents, de 20 cents et de 50 cents de la Monnaie royale canadienne. En effet, la Monnaie royale canadienne fait beaucoup d'affaires à l'échelle internationale et est très réputée pour la bonne qualité et les normes rigoureuses de ses produits ainsi que pour la technologie utilisée pour créer ces pièces. Je voulais m'assurer que vous étiez satisfaits du service que vous receviez et également m'assurer que vous n'allez pas faire une étude pour vous débarrasser de ces pièces-là.

M. Boaden : Oui, effectivement, la Monnaie royale canadienne fait d'excellentes pièces. Les pièces produites par la Monnaie ont répondu à nos attentes et les ont probablement dépassées. Certains sceptiques craignaient que les pièces couvertes d'acier puissent poser problème dans les machines distributrices, mais cela n'a pas été le cas.

Ainsi, par exemple, Coca-Cola, le plus grand exploitant de machines distributrices en Nouvelle-Zélande, nous a avisés, quelques mois suite à la distribution des nouvelles pièces, qu'elles fonctionnaient tout aussi bien que les pièces de nickel.

Nous avons été ravis de la qualité des pièces frappées par la Monnaie royale canadienne.

Le sénateur Gerstein : Merci. J'aimerais vous poser deux questions d'éclaircissement.

Vous avez indiqué que, bien que les entreprises néo-zélandaises ne soient plus tenues d'accepter les pièces de 1 cent, de 2 cents et de 5 cents, les citoyens pouvaient toujours ramener ces pièces à la banque centrale et s'en faire rembourser la valeur. Est-ce que les citoyens doivent se rendre directement à la banque centrale, ou est-ce qu'ils peuvent amener ces pièces désuètes à une banque à charte qui les ramènera à son tour à la banque centrale?

M. Boaden : Après avoir démonétisé la pièce de 5 cents en 2006, les banques ont continué à les accepter ainsi que les autres pièces discontinuées, et cela pendant presque un an, car bon nombre de personnes continuaient à aller à la banque avec des pots remplis de pièces. Après un certain moment, cette tendance a nettement diminué, et la plupart des banques ont décidé qu'il était trop coûteux de poursuivre cette pratique et ont expédié les pièces de Auckland à Wellington.

Cela dépend du client. Certaines banques continuent à les accepter, et d'autres déterminent que cela est trop coûteux et, que si vous voulez les échanger, vous devez alors vous rendre vous-mêmes à Wellington.

Le sénateur Gerstein : Alors, d'après vous, en l'espace d'un an, cette pratique a presque disparu et la plupart des pièces avaient été ramenées?

M. Boaden : Oui. Je vous dirais que la plupart des pièces ont été retournées dans les trois ou quatre mois suivant ce changement. Il y a encore deux ou trois personnes qui viennent à la Banque de réserve tous les jours avec quelques pièces, mais il ne s'agit que d'une goutte d'eau par rapport à la mare de gens qui arrivaient initialement.

Le sénateur Gerstein : Vous avez mentionné que le gouvernement a laissé le soin aux détaillants de déterminer comment ils allaient arrondir leurs prix. En fait, il s'agissait d'une situation volontaire, et cela plus particulièrement avec la pièce de 5 cents. Est-ce que l'arrondissement était également volontaire pour les pièces de 1 et de 2 cents et comment s'est fait l'arrondissement?

M. Boaden : Cela s'est produit avant que je ne travaille au ministère de la Monnaie. Si ma mémoire est bonne, c'était également volontaire. Nous avons dépendu des forces du marché et des pressions concurrentielles. Dans la plupart des cas, un détaillant ne voudrait pas qu'un client quitte le magasin en ayant l'impression qu'il s'est fait rouler. Cette situation a fait en sorte que presque tous les détaillants ont été justes.

Le sénateur Gerstein : Avez-vous fait face à des conséquences négatives que vous n'aviez pas prévues? Si vous me permettez, j'aimerais que l'on parle du revers de la médaille maintenant : y a-t-il eu des conséquences positives que vous n'aviez pas anticipées lorsque vous avez décidé de vous débarrasser de ces pièces?

M. Boaden : Je ne pense pas qu'il y ait eu de conséquences négatives que nous n'avions pas anticipées. En revanche, nous avons connu certaines surprises. Lorsque nous avons retiré la pièce de 5 cents, certains magasins ont rapidement décidé de ne plus les accepter. Nous pensions que les magasins continueraient à les accepter, jusqu'au mois de novembre, lorsqu'elles seraient démonétisées. Mais les propriétaires de magasins ne voulaient pas se retrouver avec ces pièces, même s'ils auraient pu tout simplement les ramener à la banque. Certains magasins ont réagi immédiatement et dit qu'ils refuseraient les pièces de 5 cents. Si vous retirez la pièce de 1 cent au Canada, certains propriétaires de magasin risquent de faire de même.

Nous n'étions initialement pas certains de ce qu'il en serait légalement, puisque ces pièces étaient, après tout, légales. En revanche, en vertu de la loi néo-zélandaise, tout détaillant ou entreprise peut déterminer des modalités du commerce. S'ils décident, que leur modalité n'acceptera pas les pièces de 5 cents ou de 1 cent, alors le client est libre de décider s'il veut faire affaire avec eux ou non. Si vous retirez la pièce de 1 cent, certains magasins vont peut-être les refuser immédiatement. Cela nous avait surpris.

Nous avons également été surpris de voir à quel point cette modification a été bien reçue par l'industrie des machines distributrices. Si j'ai bien compris, les pièces de 1 cent ne sont pas utilisées dans les machines distributrices au Canada, alors le problème ne se poserait pas dans votre cas. En revanche, dans certains cas, les appareils ont dû être modernisés. Nous avons reçu beaucoup plus de rétroaction positive de ces secteurs que nous n'avions anticipée.

Le sénateur Gerstein : Vous aviez évidemment un processus détaillé quant à la façon de retirer progressivement les pièces. Avec le recul, auriez-vous fait les choses autrement?

M. Boaden : Avec le retrait des pièces de 5 cents et la mise sur pied des nouvelles pièces de 10 cents, de 20 cents et de 50 cents, nous avons vu que cela avait une incidence considérable sur les comportements. Nous avons vu que nous émettions beaucoup plus de pièces de 20 cents, et nous ne pouvons toujours pas, à ce jour, expliquer ce phénomène. Nous pensons que les machines distributrices ont peut-être changé les pièces qu'elles utilisaient. D'habitude, il s'agit de la pièce à la valeur la plus faible qui est émise la plus fréquemment, mais, dans ce cas, nous avons trouvé que nous émettions plus de pièces de 20 cents que de pièces de 10 cents. Ainsi, on a dû aller demander à nos bons amis de la Monnaie royale canadienne de frapper plus de pièces de 20 cents. Ils nous ont bien gentiment aidés.

On peut donc trouver des modifications bien surprenantes dans les comportements d'utilisation des pièces. C'était une des surprises que nous avons notée. Je ne suis pas certain de ce que nous aurions pu faire à l'avance pour planifier cela, car il est difficile de prédire ces tendances. Mais dans ce cas, nous aurions sans doute fait frapper beaucoup plus de pièces de 20 cents.

Le sénateur Gerstein : Merci, monsieur Boaden, de votre témoignage.

Le sénateur Marshall : Merci, monsieur Boaden, d'être des nôtres ce soir. J'ai trouvé votre déclaration préliminaire très éclairante. Le sénateur Gerstein a déjà posé une de mes questions, mais j'en ai deux autres à vous poser.

Vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire qu'une des raisons principales pour lesquelles on avait retiré les pièces était parce qu'elles avaient perdu leur valeur. En revanche, j'avais l'impression que, à la même époque, la TPS avait été augmentée de 10 à 12,5 p. 100. Est-ce que les économies de coût étaient une considération secondaire? Est-ce que l'on a examiné ce retrait comme étant quelque chose qui permettrait d'économiser des coûts pour le gouvernement?

M. Boaden : Oui. Les pièces de 1 et de 2 cents coûtaient toutes les deux plus que leur valeur nominale, alors on perdait de l'argent chaque fois qu'on émettait une pièce. Si cette pratique avait continué, au fil du temps, les coûts de la production auraient augmenté davantage.

Parfois, un pays peut se trouver dans une situation où les gens font fondre les pièces afin d'obtenir de l'argent pour leur métal. Ce se serait sans doute produit tôt ou tard, si nous avions poursuivi cette pratique. Oui, nous avons définitivement perçu cela comme un moyen d'économiser de l'argent, mais cela s'applique également à la pièce de 5 cents. À l'époque, les métaux étaient le cuivre et le nickel et, comme vous le savez au Canada, ces prix ont augmenté de manière considérable et ces pièces commençaient donc à coûter autant si ce n'était plus que leur valeur nominale.

Le sénateur Marshall : Vous nous avez parlé de la pièce de 5 cents. Le président et le vice-président l'ont également mentionné. Bien que nous n'examinions que la pièce de 1 cent, lors de nos réunions, nous avons également discuté de la possibilité de retirer la pièce de 5 cents. Personnellement, je serais en faveur de cette option.

Qu'en pensez-vous? Pensez-vous qu'il serait trop ambitieux de retirer à la fois la pièce de 1 cent et celle de 5 cents?

M. Boaden : C'est à vous d'en décider. Je pense que cela serait audacieux. Si vous retirez d'abord la pièce de 1 cent, les gens auraient le temps de s'y habituer et, avec un peu de chance, de voir que cela n'a pas d'effet marquant sur l'inflation. Cela a été le cas en Nouvelle-Zélande. Il serait ainsi plus facile de retirer ultérieurement la pièce de 5 cents. C'est l'approche que je prônerais. Il vaut parfois la peine d'être audacieux, mais je ne peux pas vraiment vous fournir plus de conseils là-dessus.

Le sénateur Marshall : Cependant, la Nouvelle-Zélande a retiré la pièce de 1 et de 2 cents en même temps.

M. Boaden : Oui.

Le sénateur Neufeld : Le sénateur Gerstein a posé deux de mes questions. Je devrais probablement savoir la réponse à cette question, mais est-ce que vous avez d'autres pièces outre celles de 10, de 20 et de 50 cents?

M. Boaden : Nous avons des pièces de 1 et de 2 $ ainsi que des billets de banque de 5 $.

Le sénateur Neufeld : Est-ce que vous avez débattu de la possibilité de remplacer ce billet de banque de 5 $ par une pièce?

M. Boaden : Non. Il n'y a eu aucune discussion publique à ce sujet. Si l'on décidait d'aller de l'avant avec cette idée, il faudrait tenir compte de plusieurs facteurs. Il faudrait notamment examiner la préférence du public, à savoir si les gens préfèrent le papier ou les pièces; songer aux coûts et au risque de contrefaçon. Dans certains cas, à l'étranger, des pièces dont la valeur est élevée sont devenues la cible de la contrefaçon. Je ne dis jamais aux autres pays ce qu'ils devraient faire mais, dans le cas de la Nouvelle-Zélande, il serait encombrant de passer à une pièce de 5 $.

Senator Massicotte : Merci d'être avec nous ce soir. La motivation principale du retrait était celle de la valeur perdue. En d'autres termes, il n'y avait pas assez de gens qui utilisaient les pièces de 1 et de 5 cents. Vous avez ensuite examiné l'incidence que cela aurait sur l'inflation et conclu qu'elle ne serait pas considérable. Vous avez donc retiré ces pièces.

Qu'en est-il des coûts? De quelle matière était faite votre pièce de 5 cents? Combien cela coûtait-il de la produire?

M. Boaden : Le coût de production était moins que 5 cents avant son retrait. En revanche, en raison de l'augmentation des prix du cuivre et du nickel — la pièce était composée à 75 p. 100 de cuivre et à 25 p. 100 de nickel — les coûts auraient excédé 5 cents la pièce si nous avions continué à la produire.

Senator Massicotte : Les gens n'y attribuaient aucune valeur et ne l'utilisaient pas. Par conséquent, les pièces ne circulaient pas. Ainsi, vous perdiez de l'argent en produisant les pièces.

M. Boaden : Oui. Il s'agissait d'argent gaspillé car les pièces étaient données comme monnaie aux clients qui les rangeaient à leur tour dans des contenants à la maison. Il ne semblait pas vraiment y avoir de besoins pour ces pièces.

Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur Boaden, de votre excellent exposé. On a répondu à la plupart de mes questions, hormis une. Lorsque vous vous êtes débarrassés de la pièce de 5 cents en 2006, avez-vous procédé différemment que pour le retrait des pièces de 1 et de 2 cents?

M. Boaden : Il s'agissait d'un tout autre exercice car, en même temps, nous retirions les pièces de 10, de 20 et de 50 cents. Cependant, le retrait s'est passé beaucoup plus rapidement avec la pièce de 5 cents. Lorsque nous avions retiré les pièces de 1 et de 2 cents, bien qu'on avait arrêté de les faire frapper en mars 1989, ce n'était qu'un an plus tard que nous avons déclaré qu'elles n'avaient plus cours légal.

Les gens ont ainsi eu beaucoup de temps pour s'habituer à cette nouvelle idée et les entreprises ont eu tout le temps nécessaire pour modifier leurs systèmes. Cela a très bien fonctionné. En revanche, parce que nous retirions d'autres pièces aussi en 2006, les détaillants étaient préoccupés par le fait qu'ils craignaient devoir jongler avec environ 10 pièces distinctes — deux pour chaque genre — alors nous avons dû faire les choses plus rapidement. Cela a très bien fonctionné. C'était en fait la seule différence.

Le président : Monsieur Boaden, la pièce de 5 cents a été démonétisée au bout de trois mois. Est-ce en raison des leçons que vous aviez tirées en vous débarrassant des pièces de 1 et de 2 cents? Au bout de trois mois, le retour des pièces était très lent.

M. Boaden : La raison principale était qu'il aurait été un cauchemar pour les détaillants d'avoir deux types de pièces de 20 et de 50 cents, et cetera. Nous avions consulté de près la New Zealand Retailers Association. Plus l'on peut avoir des consultations avec les gens qui seront touchés par cette modification, le mieux ce sera. Nous avons eu une excellente collaboration de la part des associations bancaires et de détaillants. Les détaillants voulaient que l'on retire ces pièces le plus rapidement possible parce que, bien souvent, les pièces sont évaluées selon leur poids, ce qui voudrait dire que les pièces devaient être systématiquement séparées pour que les banques les évaluent.

Le président : Est-ce que j'ai bien compris que, suite à des études exhaustives et à votre recommandation de retirer les pièces — je ne me rappelle plus si vous parliez des pièces de 1 ou de 2 cents ou de celles de 5 cents — vous aviez recommandé un arrondissement, mais l'on n'y a pas donné suite?

M. Boaden : Oui. Nous avions recommandé une politique d'arrondissement pour que les montants de 1 à 5 cents soient arrondis vers le bas à zéro et que ceux de 6 à 9 cents soient arrondis vers le haut. Mais cela n'était pas obligatoire. Les propriétaires de magasin pouvaient faire comme bon leur semble. La plupart des détaillants ont suivi la pratique que nous avions suggérée. Les supermarchés que je fréquentais avaient des affiches à la sortie qui indiquaient que cela était leur politique.

Le président : Ainsi, il s'agissait d'une politique qui variait en fonction des magasins. Bien que vous ayez formulé une recommandation, vous avez laissé entièrement le soin aux marchés commerciaux de déterminer leur politique sur l'arrondissement.

M. Boaden : C'est exact.

Le président : Avez-vous à une époque ou une autre recommandé au ministre des Finances de réglementer, légiférer ou imposer cette politique?

M. Boaden : Non. Nous étions confiants que les forces du marché ou les pressions compétitives obligeraient la plupart des détaillants à être raisonnables, tout particulièrement dans les centres urbains et dans les villes où les clients avaient l'option de magasiner ailleurs. Les détaillants veulent absolument garder leurs clients. Le secteur de la vente au détail est très compétitif en Nouvelle-Zélande — je suis certain que c'est le cas également au Canada. La dernière chose qu'un détaillant voudrait serait qu'un client quitte son magasin en ayant l'impression qu'il n'a pas été bien servi.

Le sénateur Ringuette : Lorsque les détaillants doivent changer leurs systèmes de caisse enregistreuse, cela leur coûte un certain prix. Est-ce que votre gouvernement ou votre banque a fourni des mesures incitatives pour aider les détaillants à défrayer ces coûts de transition?

M. Boaden : Non. Le coût que devront absorber les détaillants ne devrait pas être trop élevé. Dans notre cas, il y avait l'inconvénient de devoir jongler avec deux séries de pièces, mais vos détaillants ne feront pas face à ce problème. La plupart des détaillants ne font que mettre les vieilles pièces dans un compartiment distinct en dessous de la caisse et ne font que distribuer les nouvelles pièces. La plupart des détaillants ramenaient rapidement les vieilles pièces aux banques. Comme client, je ne recevais que des nouvelles pièces de la part des magasins environ une semaine suite à la mise en œuvre de cette nouvelle politique de retrait.

Dans notre cas, c'est l'industrie des machines distributrices qui a été le plus touchée. Si vous ne retirez que la pièce de 1 cent, ou même celle de 5 cents, cela ne devrait pas trop coûter cher aux détaillants canadiens.

Le président : Vous avez indiqué un peu plus tôt que l'industrie des machines distributrices s'était déjà débarrassée de l'utilisation de la pièce de 1 cent au Canada.

M. Boaden : C'est ce que j'avais compris.

Le président : C'est également ce qu'un témoin nous a dit la semaine dernière. Je voulais clarifier ce point aux fins du compte rendu. Ce n'est, toutefois, pas le cas pour les pièces de 5 cents.

M. Boaden : C'est exact.

Le sénateur Gerstein : J'aimerais revenir à une question que je vous ai posée plus tôt. Plusieurs membres du comité ont également abordé ce sujet.

Deux témoins ont comparu devant ce comité et ont insisté sur l'importance de la clarté. Ils ont dit que si les choses n'étaient pas claires, la situation serait chaotique. En d'autres termes, ils indiquaient que l'on aurait des problèmes si l'on n'indiquait pas clairement que les montants de 1 et de 2 cents seraient arrondis vers le bas à zéro et que ceux de 3 et de 4 cents seraient arrondis vers le haut à 5 cents.

On nous dit que l'expérience de la Nouvelle-Zélande s'est effectuée entièrement sur une base volontaire et, qu'en fait, les prix ont chuté — je ne sais pas si cela vous a surpris ou non — car la plupart des détaillants ont arrondi vers le bas à zéro.

Vous nous dites donc que, qu'il s'agisse de montants de 3 ou de 4 cents, les détaillants arrondissaient vers le bas et les prix ont chuté. Ai-je bien compris?

M. Boaden : Non. Je vous ai peut-être induit en erreur. En règle générale, les montants de 1 et de 2 cents étaient arrondis vers le bas et ceux de 3 et de 4 cents arrondis vers le haut. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne les items dont le prix était fixé à 1,99 $ et à 2,99 $, ils étaient arrondis vers le bas à 1,95 $ et à 2,95 $. C'est dans ce sens que les prix ont chuté lorsqu'on a retiré les pièces de 1 et de 2 cents.

Cela s'est produit dans une certaine mesure lorsqu'on a retiré la pièce de 5 cents. Certains articles ont vu leurs prix réduits à 1,90 $, mais cela dans une moindre mesure. Quand nous avons retiré la pièce de 5 cents, les transactions électroniques étaient devenues tellement fréquentes, que l'on avait plus besoin de changer les prix. Bon nombre de prix sont encore fixés en intervalles de 1 cent. Lorsque les gens paient par carte de crédit ou de débit, ils peuvent, par exemple, payer exactement 58,23 $.

Le sénateur Gerstein : J'apprécie ce point d'éclaircissement. Si je vous comprends bien, vous nous dites que, dans votre expérience, il n'y a pas eu de confusion et les prix ont chuté.

M. Boaden : C'est le résultat que nous avons connu lorsque nous avons retiré les pièces de 1 et de 2 cents. Mais lorsque nous avons retiré la pièce de 5 cents, les prix n'ont ni chuté ni augmenté. Ils sont restés à peu près tels quels.

Le sénateur Gerstein : Merci beaucoup de ce point d'éclaircissement, monsieur Boaden.

Le président : Vous nous avez indiqué que les prix dans les magasins néo-zélandais sont encore fixés en intervalles de 1 cent et que l'arrondissement ne s'applique qu'à la valeur totale de tous les items achetés et c'est seulement lorsqu'il s'agit d'une transaction en espèces. S'agit-il d'une pratique ou d'un règlement?

M. Boaden : Il s'agit plutôt d'une pratique que d'une loi.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais bien comprendre lorsque vous nous parlez de « pratique ». Est-ce le cas car les détaillants ont peur de la réaction des consommateurs si ces derniers croient que les détaillants arrondissent vers le haut constamment et abusent de leur pouvoir de fixation des prix?

M. Boaden : Cela pourrait être un des effets. Mais ils n'avaient pas à changer leurs systèmes. Ils ont tout simplement continué à faire des choses comme auparavant.

Le sénateur Massicotte : Alors c'est ce qui a motivé cette pratique?

M. Boaden : Oui. Ça me semble raisonnable. Si quelque chose coûte 1,98 $ et que c'est arrondi vers le haut à 2 $ et qu'ensuite un client fait une transaction électronique, le consommateur aurait l'impression que cela n'est pas juste : il est venu pour payer 1,98 $ et c'est ce qu'il devrait payer.

Le sénateur Massicotte : C'est un raisonnement logique.

Le président : Mais s'ils achetaient quelque chose dont le prix était fixé à 1,98 $ et que c'était arrondi vers le haut et un autre article de 1,96 $ était arrondi — mais en fait vous ne faites pas d'arrondissement individuel, vous arrondissez uniquement le prix final.

M. Boaden : Oui. C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Au Canada, bon nombre de citoyens n'ont pas de compte bancaire. Ainsi, ils ne jouissent pas de ce plastique fantastique, qui est une carte de débit ou de crédit. Est-ce que vous avez une législation qui force les institutions bancaires à fournir des comptes bancaires aux citoyens? Cette législation existe en Grande-Bretagne.

M. Boaden : Non, nous n'en avons pas. Les banques ne sont pas tenues d'offrir à chaque citoyen un compte bancaire.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Boaden. Cela a été fort utile. Votre exposé ainsi que les réponses que vous avez fournies à nos questions ont été claires et succinctes. Cet exercice est fort intéressant, surtout lorsqu'on en examine tous les aspects. Nous vous remercions de nous avoir permis d'avoir un aperçu différent à propos de plusieurs de ces points.

M. Boaden : Cela a été un grand plaisir pour moi ainsi qu'un honneur de prendre part à ce débat. Si vous me le permettez, j'aimerais remercier Adam Thompson qui m'a fourni des conseils et qui m'a aidé à me préparer pour mon témoignage aujourd'hui merci.

Le président : Merci. C'est très gentil de votre part. Nous voulions tous venir vous voir à Wellington mais Adam Thompson nous a dit que nous ne pouvions pas le faire.

Le sénateur Neufeld : Il nous a également fourni des conseils.

Le président : Merci encore, monsieur Boaden.

M. Boaden : Bonsoir.

Le président : Honorables sénateurs, je suis ravi de souhaiter la bienvenue, pour notre deuxième séance ce soir, à deux témoins qui nous permettront de mieux comprendre le point de vue des collecteurs de pièces. Nous parlons de la possibilité de se débarrasser de la pièce de 1 cent. Nous sommes ravis d'entendre votre point de vue et avons très hâte d'écouter vos propos.

M. Stephen Woodland, directeur pour la région de l'Est de l'Ontario, représente l'Association royale de numismatique du Canada, l'ARNC. Il provient à l'origine de Sussex, au Nouveau-Brunswick. Ce qui est fort excellent : je connais très bien Kings County.

Comparaît également M. Bret Evans, de la Canadian Coin News, il est rédacteur en chef et éditeur associé. Il aurait bien aimé venir du Nouveau-Brunswick.

Messieurs, merci beaucoup d'être venus. Je suis désolé de vous avoir fait sortir un soir aussi pluvieux. Nous avons vos propos écrits, mais nous vous donnerons maintenant l'occasion de nous en parler.

Stephen Woodland, directeur régional, Est de l'Ontario, Association royale de numismatique du Canada : Honorables sénateurs, bonsoir. Merci beaucoup de m'accueillir.

Au nom du président, Daniel Gosling, et des membres de l'Association royale de numismatique du Canada, je vous remercie de me donner l'occasion et le privilège de comparaître devant vous ce soir pour vous exposer mes vues sur la proposition consistant à retirer de la circulation la pièce de 1 cent canadien.

L'Association royale de numismatique du Canada, l'ARNC, est un organisme national qui regroupe les numismates, collectionneurs et vendeurs qui étudient, collectionnent, achètent, vendent et échangent des pièces de monnaie, des billets de banque, des jetons et des objets en métal. Comme l'indiquent sa constitution et ses règlements administratifs, l'association est un organisme d'éducation sans but lucratif qui se consacre à la recherche et à la diffusion de renseignements numismatiques dans l'intérêt du Canada, des Canadiens et d'autres personnes dans le monde qui s'intéressent à la science de la numismatique.

En tant que groupe qui apprécie la monnaie principalement pour des raisons autres que la valeur économique, nous ne nous pencherons pas sur des questions qui ont trait par exemple au pouvoir d'achat de la pièce de 1 cent, ni à son utilisation pour des transactions au comptant, car d'éminents représentants du gouvernement, du monde des affaires, des universités et du secteur privé se sont déjà prononcés à ces égards devant le comité.

Nous, membres de l'ARNC, comprenons les raisons économiques qui motivent la suppression de la pièce de 1 cent et pouvons même les approuver, mais, en tant que collectionneurs, nous sommes attachés à nos pièces pour des considérations autres que financières. Nous prenons plaisir à les étudier, à en examiner la couleur et le motif, à déterminer comment elles ont été fabriquées, à repérer des défauts et des variétés et, surtout, à les exposer et à transmettre nos connaissances ainsi que notre amour pour ces merveilleux objets d'art en métal.

C'est pourquoi nous avons plusieurs suggestions et recommandations pour le maintien en circulation des pièces de 1 cent, dont certaines peuvent avoir des retombées économiques positives.

En tant que collectionneurs, nous aimerions beaucoup que le Canada, par l'entremise de la Monnaie royale canadienne, continue de frapper des pièces, du moins des séries et des rouleaux de pièces de 1 cent pour le marché des collectionneurs, un peu comme il le fait pour les pièces de 50 cents.

Les numismates s'intéressent encore beaucoup aux pièces de 1 cent comme en témoignent les nombreux livres de recherches publiés sur ce sujet au cours des dernières années. Pour les jeunes collectionneurs, la pièce de 1 cent a longtemps été un bon point de départ, un moyen facile et peu coûteux de commencer une collection. Avec le temps, la pièce de 25 cents est devenue ce point de départ, en raison de la diversité des motifs commémoratifs fascinants que la Monnaie royale a conçus pour ces pièces, par exemple la série Canada 125 de 1992, la série du Millénaire de 1999 et de 2000, le récent programme de pièce sur le thème des Jeux olympiques-paralympiques et plusieurs pièces de 25 cents en couleur.

En variant le motif de revers des pièces d'un cent, on inciterait certainement les jeunes collectionneurs à reprendre cette pièce comme point de départ et on augmenterait ainsi l'intérêt et la demande des collectionneurs.

À preuve, la pièce de 1 cent américain avait quatre motifs de revers commémorant son centenaire en 2009, puis un nouveau motif de revers a été conçu en 2010. Des collectionneurs américains s'intéressent maintenant au cent de Lincoln comme jamais auparavant. Depuis 1980, des modifications dynamiques ont été apportées à la taille, au poids et à la composition de la pièce de 1 cent canadien en raison de nombreux facteurs, dont le plus important est le souci de conserver des coûts de production, de matériel et de distribution abordables.

En innovant et en améliorant ses procédés et ses techniques, la Monnaie royale canadienne est devenue un chef de file mondial dans la production de pièces d'acier plaqué multicouche de grande qualité, à coût abordable.

Du point de vue des collectionneurs, l'incidence a été positive. D'abord, la réduction des coûts a permis à la Monnaie royale de maintenir la production de pièces de sorte que nous, numismates, puissions continuer de les collectionner. Ensuite, la pièce de 1 cent qui était auparavant faite en cuivre, est devenue une pièce d'acier plaqué multicouche, non dépourvue d'erreurs et se présentant sous différentes variétés attrayantes que les collectionneurs n'ont pas manqué de découvrir, d'où l'intérêt et la demande accrue. Nous encourageons la Monnaie royale canadienne à continuer d'innover et de mettre au point des technologies de frappe pour que la pièce de 1 cent demeure en circulation et à la disposition des collectionneurs.

Pour terminer, si le Canada décide de mettre fin à la production des pièces de 1 cent, l'ARNC recommande de s'en tenir à la pratique actuelle et de ne pas les retirer. Le Canada n'a jamais retiré de la circulation de pièce de monnaie ni de billet de banque; toutes les pièces qui ont été émises, incluant les premières en 1870, ont cours légal aujourd'hui. Ce fait est très intéressant pour les collectionneurs et encourage les thésauriseurs à les remettre en circulation, ce qui est avantageux sur le plan économique et environnemental, comme on l'a expliqué au comité.

Au nom de l'Association royale de numismatique du Canada, je vous remercie encore une fois de votre invitation à comparaître ce soir et je suis impatient de répondre à vos questions.

Bret Evans, rédacteur en chef et éditeur associé, Canadian Coin News : Je voudrais tout d'abord vous dire que bien que je connaisse M. Woodland depuis plusieurs années et que je siège au conseil de l'ARNC, nous n'avons pas parlé au préalable de nos exposés. Nos déclarations sont similaires car nous partageons des points de vue similaires.

Je voudrais d'abord vous remercier de m'avoir invité à vous présenter cet exposé. C'est un sujet auquel je m'intéresse depuis plus de 20 ans. En fait, l'un des premiers articles que j'ai écrit dans le Canadian Coin News en 1990 portait justement sur l'avenir de la pièce de 1 cent. Le Canadian Coin News est un périodique qui sert les intérêts des numismates canadiens. Il s'agit de collectionneurs de pièces, de billets de banque et de matériel qui s'y relient. Ainsi, nos lecteurs sont parmi les observateurs les plus enthousiastes des pièces et de l'argent en circulation au Canada dont, bien entendu, la pièce de 1 cent.

Les collectionneurs aiment cette pièce, c'est le moins qu'on puisse dire. Pendant de nombreuses années, elle a été traditionnellement une pièce recherchée par les collectionneurs. D'ailleurs, je me souviens encore d'avoir assemblé, durant mon enfance, une série de pièces de dates diverses puisées dans le bocal à pièces de 1 cent de la maison. Même aujourd'hui, les collectionneurs se plaisent à trouver des dates plus récentes, voire à faire la chasse à de rares combinaisons de dates, de marques d'atelier et de compositions. Je ne doute pas, donc, que la plupart des collectionneurs regretteraient que la pièce de 1 cent soit retirée de la circulation. Il la considère comme une pièce intéressante à collectionner. Par ailleurs, il existe une dichotomie puisque nombre de mes lecteurs m'ont dit, par lettres ou en personne, qu'ils lui accordent peu de valeur comme monnaie. Dans l'usage de tous les jours, la plupart d'entre eux pourraient s'en passer, car elle n'a pratiquement aucun pouvoir d'achat. Elle a peu de valeur comme monnaie.

Je n'y vois là aucun conflit; les collectionneurs comprennent que l'argent en circulation existe principalement pour permettre aux gens et aux entreprises d'acheter et de vendre. Cela signifie que toute pièce, et cela vaut aussi pour le cent, doit être viable pour être réputée avoir de la valeur pour le Canadien moyen. La seule raison pour laquelle on produit une pièce à perte, c'est qu'elle est en demande. À l'heure actuelle, il existe une demande pour la pièce de 1 cent parce qu'on en a besoin pour faire de la monnaie. L'arrondissement des transactions au comptant éliminerait cette demande.

Une autre solution serait de réduire le coût de production de la pièce en modifiant sa composition. La Monnaie royale canadienne a, pendant plusieurs décennies, fait un travail admirable en modifiant le poids et la composition du cent et pourrait sans doute concevoir une autre composition. J'estime toutefois qu'il serait difficile d'en arriver à un résultat qui ne semblerait pas bon marché pour les Canadiens. De plus, pareille formule ne résoudra pas la simple difficulté que la pièce n'a pratiquement aucune valeur. Par conséquent, même si, personnellement, j'aime bien la pièce, je crois qu'elle n'a vraiment pas d'avenir dans le commerce de tous les jours.

Cependant, je tiens à souligner que la pièce devrait continuer d'avoir cours légal, même si on modifie la loi pour adopter le système d'arrondissement suédois. Le Canada n'a jamais retiré de l'argent de la circulation de sorte que les vieilles grandes pièces de 1 cent à l'effigie de la reine Victoria, voire les billets de 1 $, peuvent toujours être données en paiement. Cela conférerait de la légitimité aux pièces aux yeux des collectionneurs et permettrait à la Monnaie royale canadienne de les inclure encore dans les ensembles de collection. Il pourrait même être possible de produire des pièces en rouleaux et de les vendre aux collectionneurs, qui paieraient les coûts d'expédition, comme cela se fait maintenant avec les pièces de 50 cents. Une autre option consisterait à déclarer que le cent n'a cours légal qu'en rouleau de 50 ou en ensemble de cinq pièces, tout en retirant les pièces de la circulation quand elles entrent dans le système bancaire, comme cela s'est fait avec les billets de 1 et de 2 $. La pièce conserverait sa valeur comme pièce de 1 cent, elle finirait par être retirée de la circulation, protégeant ainsi les Canadiens contre une perte financière.

Je ne pense pas qu'il serait juste de s'attendre à ce que les banques rachètent les pièces car ce sont des entreprises privées, et non pas des institutions gouvernementales, et elles finiraient par en refiler la note aux consommateurs.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de donner mon point de vue sur cette question. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup à tous les deux. C'était un point de vue fort intéressant.

J'aimerais obtenir une précision, monsieur Evans. Qu'entendez-vous par « arrondissement suédois »?

M. Evans : Il s'agirait d'arrondir au cinq le plus près. Ainsi, par exemple, une transaction de 1,01 $ ou de 1,02 $ deviendrait 1 $; et une transaction de 1,03 $ passerait à 1,05 $.

Le président : Vous avez indiqué que même les vieilles grandes pièces de 1 cent à l'effigie de la reine Victoria et que les billets de 1 $ pouvaient encore être dépensés, mais les détaillants ne risquent pas de les accepter.

M. Evans : Ils ne risquent pas de le faire. Je ne voulais pas entrer dans les nuances de la définition du cours légal et de son application quotidienne. Mais il faut savoir que les pièces conservent leur statut de cours légal, ce qui veut dire qu'elles doivent être présentées pour payer une dette. En revanche, les vendeurs détiennent également le droit légal de refuser toute pièce qu'ils considèrent suspecte. C'est pour cette raison qu'un magasin peut refuser un billet de 100 $, même si celui-ci a cours légal.

En ce qui concerne les pièces de 1 cent, à l'heure actuelle, elles ont seulement cours légal à concurrence de 40 pièces de 1 cent. Si vous allez dans un magasin et essayez d'acheter quelque chose qui coûte 55 cents et que vous donnez au vendeur 55 pièces de 1 cent, celui-ci pourrait les refuser car il ne s'agit pas d'une offre qui a cours légal. Si je comprends bien, cela délimite le cadre de la loi.

Le président : Monsieur Woodland, vous avez parlé de la pièce de 50 cents, qui est toujours produite par la Monnaie royale canadienne. On n'en voit pas beaucoup en circulation. Est-ce que la Monnaie royale canadienne décide de frapper ces pièces pour les collectionneurs et les ensembles ou doit-elle recevoir une ordonnance du gouvernement, du ministère des Finances, pour pouvoir les produire?

M. Woodland : Je ne peux pas parler au nom de la Monnaie royale canadienne et vous expliquer comment chaque pièce est produite. J'ignore si elle fabrique les pièces qu'on a dans nos poches pour répondre aux demandes du commerce. Je ne sais pas comment la décision est prise. J'imagine que c'est la Monnaie royale canadienne qui décide. Je ne sais pas comment elle produit ces pièces de 50 cents. Elles sont produites en vrac, en rouleau que l'on met dans des boîtes aux installations de Winnipeg pour qu'elles puissent être achetées en gros. Elles sont principalement achetées par les collectionneurs. Des intermédiaires achètent une boîte de 50 rouleaux, qu'ils divisent pour pouvoir vendre les pièces aux collectionneurs qui sont prêts à payer une petite prime à l'intermédiaire. Ils vendent aussi les rouleaux individuellement.

Le sénateur Marshall : J'ai une question pour M. Evans et M. Woodland.

Monsieur Evans, vous avez fait allusion à l'article que vous avez rédigé en 1990. Vous avez parlé de l'avenir de la pièce de 1 cent. Vous rappelez-vous ce que vous avez dit? Pourriez-vous nous résumer vos propos?

M. Evans : Je ne me suis pas attardé sur ce cas en particulier. C'était il y a longtemps. Un professeur de l'Université de Western Ontario milite activement pour l'abolition de cette pièce. Mon article était principalement une entrevue avec lui qui portait sur les raisons pour lesquelles on devrait retirer la pièce et, si je me souviens bien, une tentative pour obtenir des opinions contraires, qui se résumaient au fait que les gens adorent la pièce.

Les gens se méfient de tout changement à leur devise. Dans le cas de la pièce de 1 cent, je connais des gens qui sont convaincus que si elle était abolie, ils seraient perdants d'une façon ou d'une autre.

Le président : C'est le début d'une pente glissante.

M. Evans : C'est ce qu'ils affirment parce que les grandes entreprises ont des ordinateurs et elles sauront exactement quels prix demander.

Je suis cynique parce que personne ne sait ce que j'achèterai lorsque j'entre dans un magasin.

Le sénateur Marshall : C'était il y a 20 ans. Avez-vous rédigé quoi que ce soit d'autre sur le sujet depuis 1990?

M. Evans : J'ai abordé la question à plusieurs reprises dans des éditoriaux. J'ai rédigé un article à l'appui de la pièce de 1 cent qui a été publié dans la revue Costco Connection. Bien sûr, j'ai écrit au sujet de l'étude du groupe Desjardins, à laquelle on a fait allusion un peu plus tôt, et à l'étude sur les consommateurs de la Monnaie royale canadienne.

Le sénateur Marshall : La plupart des témoins qui ont comparu devant le comité appuient l'élimination de la pièce de 1 cent.

Monsieur Woodland, vous parlez de la récupération des pièces. Avez-vous une idée de leur nombre? Le comité a reçu des documents d'information dans lesquels on trouve des renseignements sur le nombre de pièces de 1 cent produites chaque année et leur coût de production. Quel volume serait nécessaire si la Monnaie royale canadienne devait continuer à produire des pièces d'un cent pour les collectionneurs?

M. Woodland : J'aimerais mentionner que mon père est né à St. John's.

Je ne peux pas vous donner de chiffre précis parce que nous n'avons pas mené d'étude de ce genre. Toutefois, je présume que ce serait un chiffre semblable à celui du nombre de pièces de 50 cents qui sont actuellement produites, mais qui ne sont pas en circulation. Cela semble satisfaire les collectionneurs. Il y en aurait peut-être un peu plus parce qu'un rouleau de pièces de 1 cent est beaucoup moins dispendieux qu'un rouleau de pièces de 50 cents. De plus, les jeunes seraient capables d'acheter des pièces de 1 cent par opposition aux pièces de 50 cents. Peut-être le chiffre serait-il donc un peu plus élevé.

Le sénateur Marshall : Je ne l'ai pas avec moi, mais on nous a fourni cette information. Merci beaucoup.

Le sénateur Ringuette : À combien se chiffre la valeur du marché des collectionneurs au Canada? Quelle est la retombée économique de la collection de pièces au Canada?

M. Woodland : Je peux vous dire avec certitude que les récentes ventes aux enchères d'articles numismatiques, ce qui comprend les pièces, les billets de banque et d'autres éléments que j'ai mentionnés, ont atteint 1 ou 2 millions de dollars chaque fois, et il y a quatre à six ventes aux enchères chaque année au pays. Et ce n'est là que le marché aux enchères principal.

Pour obtenir le chiffre de ventes détaillé, il faudrait demander les résultats de l'Association canadienne des marchands numismatiques. Il y a aussi le marché des échanges entre collectionneurs qui, j'imagine, représente des millions de dollars. Pour vous donner une idée, et peut-être M. Evans peut-il m'aider, je dirais que le marché représente de 30 à 50 millions de dollars par année.

M. Evans : Ce n'est qu'une estimation.

Le sénateur Ringuette : C'est impressionnant. Je tiens compte de votre demande de production de la pièce de 1 cent, du moins pour le marché des collectionneurs.

À votre avis, combien de collectionneurs de pièces canadiennes se trouvent à l'extérieur du pays? Quelle est l'ampleur de ce marché? Je sais que j'en demande beaucoup.

M. Woodland : C'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre. Je peux vous dire que le marché américain des pièces canadiennes est probablement aussi fort, sinon plus fort, que le marché canadien, tout simplement en raison du nombre de collectionneurs de pièces haut de gamme aux États-Unis. Les belles pièces dispendieuses et attrayantes se retrouvent souvent dans les poches de nos voisins du Sud. Les pièces de Terre-Neuve qui ne sont plus produites sont aussi très populaires là-bas. Elles sont très attrayantes et en demande, probablement plus aux États-Unis qu'ici, au Canada. C'est assurément le même nombre de pièces que ce que je vous ai dit plus tôt, sinon le double.

Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne les pièces canadiennes, le marché des collectionneurs au Canada et aux États-Unis représente environ 100 millions de dollars par année?

M. Woodland : C'est un chiffre raisonnable, oui.

Le sénateur Runciman : Merci, messieurs, d'être venus ici ce soir. J'aimerais vous féliciter pour l'aisance avec laquelle vous prononcez le mot « numismatique ».

M. Woodland : Cela a pris quelques années.

Le sénateur Runciman : Je le crois.

Dans vos exposés, vous établissez une distinction entre les numismatistes et les collectionneurs. Quelle est la différence entre les deux?

M. Woodland : Un collectionneur collectionne les pièces et les regroupe d'une façon qui lui plaît pour des raisons qui lui sont propres. Nous parlons ici de collections de pièces et de billets de banque en fonction d'un terme précis. J'ai un ami qui collectionne les pièces qui n'ont sur leur face qu'une image du soleil. D'autres collectionneurs s'intéressent à des pièces d'une certaine période définie par deux dates précises. Les variantes sont sans fin. Ces gens collectionnent des pièces pour des raisons personnelles.

Les numismatistes étudient les pièces et comprennent comment elles sont produites par la Monnaie royale canadienne. Les numismatistes s'intéressent à la science et aux principes qui sous-tendent la production de pièces. Ils étudient l'histoire d'une pièce, la personne qui l'a gravée, l'art derrière la conception, la distribution de la pièce, le nombre de pièces produites et le nombre de teintures utilisées dans la fabrication. Ils étudient la distribution des pièces. Ils s'intéressent à l'usure des pièces et à la façon dont elles deviennent endommagées et se ternissent. Les emblèmes sur les pièces relèvent à la fois de la science et de l'art. Les numismatistes s'intéressent à la science, effectuent des recherches et ne collectionnent pas toujours les pièces.

Le sénateur Runciman : Y a-t-il des organisations semblables à la vôtre qui représentent les collectionneurs?

M. Woodland : Nous représentons à la fois les collectionneurs et les chercheurs, oui.

M. Evans : La numismatique ne se résume pas aux pièces de monnaie. Il s'agit d'un domaine beaucoup plus large, qui comprend le papier-monnaie et les métaux. Mis à part ces détails, M. Woodland a frappé en plein dans le mille.

À des fins rédactionnelles, on utilise les expressions indifféremment, du moins je le fais.

Le sénateur Runciman : Vous nous avez tous deux déconseillé la démonétisation, ce qu'a pourtant fait la Nouvelle- Zélande. Que savez-vous des autres pays qui ont opté pour cette voie plutôt que pour ce que vous recommandez? Quel serait l'inconvénient, le cas échéant, de ne pas suivre vos conseils?

M. Evans : En passant, je me sens désavantagé, puisque je suis un Canadien de la première génération sans famille ailleurs au Canada, mais je ferai de mon mieux.

Je puiserai dans mes racines, en Grande-Bretagne. Ce pays a procédé à une démonétisation à de nombreuses reprises au cours de la dernière génération, tout d'abord pour passer des livres, shillings et pence à un système décimal, puis pour transformer et rapetisser cette nouvelle monnaie avant de la rendre plus abordable. Le pays a choisi la démonétisation. L'Europe est un autre bon exemple, puisque bien des devises y ont été démonétisées lors de l'adoption de l'euro.

J'aimerais pouvoir vous dire que dans ces cas, des hordes de collectionneurs sont descendues sur la capitale armées de pancartes, mais ce n'est pas leur genre. Une fois démonétisée, la vieille monnaie n'est bonne que pour la fonderie. À moins d'être rares — de par leur date — ou d'avoir une valeur de collection intrinsèque, ces vieilles pièces ne valent plus que le métal sur lequel elles ont été frappées.

J'imagine que ce n'est pas un problème, mais il a fallu faire des pieds et des mains pour que les citoyens n'en sortent pas perdants. J'ai peut-être tort, mais je crois qu'en Nouvelle-Zélande, les gens peuvent encore ramener leurs vieilles pièces de monnaie à la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande.

Le sénateur Runciman : Je me demande pourquoi d'autres gouvernements ont opté pour cette solution. Ce que vous conseillez peut-il représenter un net inconvénient pour un gouvernement qui abolirait des pièces de monnaie ou des billets de banque?

M. Evans : Je ne peux pas vous dire pourquoi un gouvernement procéderait ainsi.

M. Woodland : Je ne peux pas vous répondre non plus. Cependant, les collectionneurs ont un préjugé envers la démonétisation, pour des raisons d'attachement. Nous, les collectionneurs, voudrions que, comme pour toutes les pièces de monnaie et les billets de banque du gouvernement du Canada, la pièce de 1 cent demeure valide et qu'elle ait toujours cours légal.

Le sénateur Runciman : Je comprends que vous ne puissiez pas répondre à cette question. Je me demande pourtant pourquoi d'autres gouvernements ont choisi de procéder ainsi. Il doit bien y avoir une raison.

M. Evans : Je pense qu'il s'agit d'une question d'ordre administratif du point de vue bureaucratique. C'est peut-être la seule réponse.

Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé de « démonétisation ». Qu'entendez-vous par là? En Nouvelle-Zélande, la banque centrale a toujours reconnu la valeur de l'argent. Est-ce ce qu'on appelle la démonétisation, ou est-ce que cette expression veut plutôt dire le retrait de la circulation?

M. Evans : Lorsqu'on démonétise, la monnaie n'a plus cours légal.

Le sénateur Massicotte : En d'autres mots, la banque centrale ne reconnaîtrait plus la valeur des pièces de monnaie.

M. Evans : C'est exact. Certains billets de banque émis par les institutions canadiennes au début des années 1930 ont toujours cours légal. On ne peut toutefois pas s'en servir pour faire des achats, puisqu'il faut suivre une procédure spéciale pour les encaisser. Lorsqu'on démonétise, on enlève aux pièces toute leur valeur.

Le gouvernement du Canada pourrait mettre en place un mécanisme qui permettrait aux Canadiens d'échanger leurs réserves de pièces de 1 cent contre les 20 ou 30 $ qu'elles valent.

Le sénateur Massicotte : Je veux bien comprendre votre position. Vous avez dit être contre. Si le Canada emboîte le pas à la Nouvelle-Zélande, et que la banque centrale reconnaît toujours la valeur de la monnaie, vous ne vous y opposeriez pas. Si on procédait ainsi, cela répondrait-il à votre préoccupation?

M. Evans : Je veux tout simplement m'assurer que le commun des mortels ne devra pas payer 17 $ en frais de service pour 20 $ de pièces de monnaie de 25 cents.

Le sénateur Runciman : De toute évidence, les témoins ne peuvent pas répondre à la question. Je me demande toujours pourquoi d'autres gouvernements ont opté pour cette solution, et s'il y a des désavantages à la démonétisation qu'on recommande.

Le président : Nous venons d'entendre le témoignage de représentants de la Banque de réserve de la Nouvelle- Zélande. On nous a indiqué que même si la pièce de 1 cent avait été démonétisée — c'est-à-dire qu'elle n'a plus cours légal, et que les commerces n'ont plus à l'accepter passé la période de transition d'un an —, la banque centrale reprend toujours ces pièces de monnaie en échange de leur valeur nominale.

M. Evans : Je ne sais pas ce que cela représenterait pour le commun des mortels. Peut-être qu'en Nouvelle-Zélande il n'est pas aussi difficile de trouver une succursale de la banque centrale. Or, je ne sais pas ce qu'il en serait des Canadiens habitant dans des régions éloignées qui ne peuvent pas facilement se rendre à Ottawa. Ne pourrait-on pas mettre en place un système qui permettrait d'éviter, par exemple, à un Canadien habitant au nord d'Edmonton de conduire 100 ou 200 miles pour se rendre à un bureau du gouvernement où il pourra échanger son argent?

Le président : Votre solution consiste-t-elle donc à ne pas démonétiser ces pièces?

M. Evans : Je propose de changer le statut des pièces de 1 cent afin qu'on doive les dépenser cinq à la fois ou en rouleaux, puis on les récupérerait à mesure que ces pièces réintégreraient le système bancaire. Les banques leur réserveraient le même sort que les pièces endommagées ou mal formées, et elles les renverraient à la Monnaie royale canadienne, qui assurerait leur destruction. En quelques années, il ne resterait presque plus de pièces de 1 cent, à l'exception de celles conservées par les collectionneurs, parce qu'ils les ont payées plus cher que leur valeur nominale.

Le sénateur Massicotte : Je veux bien comprendre votre position. Vous dites que la démonétisation ne vous pose pas de problème, tant et aussi longtemps qu'on respecte la valeur courante des pièces et qu'on met en place un système de distribution efficace, qui mettra par exemple à contribution les banques à charte et la Banque du Canada. Est-ce exact?

M. Evans : Je pense qu'on ne s'entend pas sur la définition exacte de la « démonétisation ».

Le sénateur Massicotte : Vous ne voyez pas d'inconvénient à ce qu'on retire des pièces de monnaie de la circulation, tant et aussi longtemps que leur valeur est reconnue.

M. Evans : Non, mais il est important que les Canadiens puissent tout de même obtenir un sou pour un sou, tant qu'à utiliser la mauvaise terminologie —, en d'autres mots, un cent pour un cent. Nombre de mes lecteurs me reprochent d'utiliser des termes familiers plutôt qu'exacts.

Le sénateur Callbeck : Savez-vous combien de Canadiens collectionnent des pièces de monnaie? Sur quoi se base-t- on pour déterminer la valeur des pièces numismatiques?

M. Woodland : En ce qui concerne le nombre de collectionneurs, l'Association royale de numismatique du Canada compte un peu moins de 2 000 membres en règle cette année. Or, cela est loin de représenter l'ensemble des collectionneurs du pays. Nombre d'entre eux ne sont pas membres d'une association. Sans me lancer dans de pures conjectures, disons que 30 000 collectionneurs ne serait pas un nombre déraisonnable. En outre, les collections sont de taille variée, et tous les collectionneurs n'affectionnent pas que la monnaie canadienne.

La valeur des pièces numismatiques est déterminée selon l'offre, la demande, l'état et la rareté de la pièce. Par exemple, parce qu'une pièce de monnaie date de l'époque de la Reine Victoria ne veut pas nécessairement dire qu'elle est précieuse.

L'exemple des pièces de monnaie romaine en est un excellent : elles ont 2 000 ans, mais elles peuvent être achetées pour quelques dollars, tout simplement parce qu'elles sont très nombreuses. Toutefois, une pièce de 50 cents de 1921 en assez bonne condition pourrait valoir 100 000 $.

M. Evans : La valeur des pièces de monnaie n'est pas constante, mais elle fluctue plutôt selon le marché. La pièce canadienne la plus célèbre chez les collectionneurs est le dollar en argent de 1911, qui n'a jamais été frappé, mais trois pièces d'essai, appelées épreuves, ont été produites en divers métaux, et seulement une de ces pièces n'est pas dans un musée. C'est la seule au monde que les collectionneurs peuvent acheter. J'ai vu le prix de cette pièce fluctuer de centaines de milliers de dollars au fil des années, uniquement en fonction du vendeur, de l'acheteur et de la demande. Dans les années 1980, un homme en a fait l'acquisition pour près de 500 000 $. Je ne sais pas combien il l'a revendue, mais il a dû attendre 15 ans, puis la pièce a changé de main à plusieurs reprises, et elle a été vendue la dernière fois pour 1 million de dollars aux enchères publiques. Si son propriétaire actuel décide de s'en départir, il pourrait toucher seulement 700 000 $, s'il n'y a pas d'acheteur prêt à y mettre le prix.

Pour pouvoir aller chercher sa pleine valeur, puisqu'il s'agit d'un bien matériel en général vendu aux enchères, il faut que deux personnes aux portefeuilles bien garnis se l'arrachent. Sinon, on peut se procurer des pièces à prix d'aubaine. Les prix varient donc beaucoup.

M. Woodland : Pour un collectionneur de pièces canadiennes, la meilleure ressource pour déterminer la valeur marchande de celles-ci est la publication de M. Evans, le Canadian Coin News, dans laquelle on trouve une rubrique sur les tendances. Pour 4,25 $, vous pouvez vous procurer un exemplaire de ce document dans lequel figure une liste de plusieurs pages qui fournit la valeur marchande de toutes les pièces canadiennes, selon leur état. Vous aurez ainsi une excellente idée du prix sur lequel pourraient s'entendre un vendeur et acheteur raisonnables.

Le président : Messieurs Woodland et Evans, nous vous remercions de nous avoir permis cette incursion dans le monde merveilleux de la numismatique et des collectionneurs. Vous apportez une perspective intéressante à cette étude que nous avions déjà considérée du point de vue commercial, soit l'élimination possible de la pièce de 1 cent de la circulation et des distributeurs automatiques.

Comme nous l'avons déjà dit, nous avons entendu plus tôt ce soir un témoin de la Nouvelle-Zélande qui nous a parlé de son expérience et de ses recommandations, puisqu'il a vu des pièces disparaître à deux reprises, dans le cas de celles de 1 cent et de 2 cents, et il nous a informés qu'on envisage maintenant de retirer la pièce de 5 cents.

Nous connaissons maintenant votre point de vue, qui est tout à fait différent, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous en faire part ici ce soir.

M. Evans : C'était un honneur pour moi.

M. Woodland : Ce fut un privilège. Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, avant de lever la séance, sachez que nous avons reçu un tableau du ministère des Finances basé sur les témoignages précédents. Vous devriez tous en avoir un exemplaire. Le graphique montre le volume et le coût des pièces d'un cent pour le gouvernement au cours des années.

Le sénateur Gerstein voudrait soumettre certains documents.

Le sénateur Gerstein : Monsieur le président, avec votre permission et celle du comité, j'aimerais présenter quelques articles qui ont paru dans les journaux partout au pays au cours de l'été. Je les ai conservés. Je les ai fait traduire et les ai présentés au greffier. Si le comité le désire, on pourra les distribuer. Il s'agit d'articles que j'ai glanés çà et là.

Le président : Merci. Je ne vois pas ce qui nous en empêche. Vous nous avez facilité la tâche en trouvant ces documents pour nous. Chers collègues, si vous avez lu d'autres articles dont vous voudriez nous faire part, n'hésitez pas à emboîter le pas à l'honorable sénateur.

Nous donnerons tous ces documents ainsi que la transcription des séances à la Bibliothèque du Parlement et à nos analystes et nous leur demanderons de colliger le tout. Nous nous pencherons sur le résultat après la semaine de relâche de l'Action de grâce. Nous examinerons alors le projet de document, donc s'il y a des éléments que vous voulez absolument inclure dans le rapport qu'on rédigera, assurez-vous d'en prendre bonne note afin de le signaler lorsqu'on reverra le document. Vous pourrez y penser au cours de la semaine prochaine.

Y a-t-il d'autres points que vous aimeriez soulever avant de clore la séance de ce soir?

Le sénateur Ringuette : A-t-on fait de la recherche sur les lois concernant l'établissement des prix au Québec?

Le président : Faites-vous référence à la Loi sur la protection du consommateur?

Le sénateur Ringuette : Oui, celle qui nous a été présentée. Nous devons au moins connaître toutes les répercussions.

Le président : Il restait quelques points en suspens, de l'avis du ministère des Finances. Nous avons envoyé une lettre aux responsables dans laquelle nous demandions certaines précisions, et des recherches ont été faites et le fruit de celles- ci a été envoyé à la traduction. Le tout sera distribué avant la fin de la semaine, dès que ce sera traduit.

Le sénateur Ringuette : Merci.

(La séance est levée.)


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