Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 30 - Témoignages du 22 mars 2011
OTTAWA, le mardi 22 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30 pour examiner le Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2011.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Très chers sénateurs, en février dernier, nous avons entendu le témoignage du surintendant des faillites. Pendant nos discussions, nous en avons appris sur les différents groupes professionnels concernés, particulièrement les syndics de faillite et les conseils en crédit. Nous avons ensuite eu l'occasion d'entendre des représentants des syndics de faillite, mais nous n'avons pas pu recueillir le témoignage de représentants des conseils en crédit. Nous avons donc le plaisir, ce matin, de combler cette lacune dans les témoignages et nous accueillons le Conseil de crédit du Canada.
Ainsi, nous accueillons aujourd'hui Patricia White, directrice exécutive du Conseil de crédit du Canada. Elle est accompagnée d'un membre du conseil d'administration, John Eisner, qui est président de Credit Counselling Services of Atlantic Canada, Inc.
Madame White, je crois que vous avez préparé une allocution. Selon la procédure habituelle, nous entendons l'allocution, puis passons à une période de questions des sénateurs.
Patricia White, directrice exécutive, Conseil de crédit du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. C'est un grand plaisir de recevoir une invitation à comparaître devant vous. Nous aimerions profiter de l'occasion pour vous présenter le profil du Conseil de crédit du Canada ainsi que le travail de nos membres.
Je vais vous présenter les thèmes les plus importants de mon mémoire écrit, si vous me le permettez, puis je vous laisserai le loisir de me poser des questions.
Je vais commencer par vous présenter mon collègue, John Eisner, de façon un peu plus détaillée. Comme vous l'avez mentionné, John Eisner est président de Credit Counselling Services of Atlantic Canada. Son organisme a des bureaux dans les quatre provinces de l'Atlantique. Il préside actuellement notre comité des relations avec les créanciers en plus de siéger au conseil consultatif de gestion du Bureau du surintendant des faillites. Il a également fait partie du Groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle. Il est administrateur et trésorier du Conseil de crédit du Canada.
Pour ma part, j'ai auparavant été directrice exécutive de l'Ontario Association of Credit Counselling Services. Je suis conseillère enregistrée en matière d'insolvabilité. J'ai été éditrice en chef du cours de qualification des conseillers en matière d'insolvabilité (ICQC) et j'ai supervisé les deux dernières révisions du matériel pédagogique en plus d'avoir soumis des questions d'examen à la banque d'examens de l'ICQC pendant plusieurs années. Je siège aussi à deux comités de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.
Nous sommes très heureux de pouvoir répondre à vos questions au meilleur de nos connaissances, et si nous n'avons pas tous les renseignements demandés, nous les fournirons au comité avec plaisir dès que possible.
Le Conseil de crédit du Canada est une association qui regroupe les agences de conseil en crédit sans but lucratif et met en œuvre les programmes de paiement méthodique des dettes administrés par les provinces, qui visent à éduquer le public à la gestion financière, ainsi qu'à proposer des stratégies de gestion du crédit et des dettes. Tous nos membres doivent être des organismes de bienfaisance enregistrés.
Notre association, le CCC, est gérée par un conseil d'administration bénévole qui compte des représentants de partout au pays. Nous veillons à ce que nos membres observent les exigences d'accréditation, qui se fondent sur les normes éthiques les plus rigoureuses, tant pour l'administration que pour les services directs aux clients. Nous haussons continuellement la barre afin d'assurer l'excellence des services. Tout récemment, notre association a rendu obligatoire la certification des conseils en crédit selon la norme des conseils financiers accrédités du Canada, qui exige 30 heures de formation continue tous les deux ans en plus des études de base.
Le CCC est la voix nationale de nos membres. Les 10 agences membres administrent plus de 35 bureaux dans toutes les provinces du Canada. Nos membres offrent de l'aide objective et impartiale en personne, par téléphone et par Internet.
Selon les dernières statistiques des trois premiers trimestres de l'exercice qui s'achève, nos membres ont aidé plus de 100 000 Canadiens. Ils éduquent la population en matière de gestion financière par des présentations dans les écoles, à des groupes communautaires et en milieu de travail. Ils ont sensibilisé 10 000 personnes au cours des neuf derniers mois seulement.
De plus, ces organismes offrent des programmes de remboursement de dettes abordables pour les clients. Grâce à ces programmes, plus de 63 millions de dollars ont été remboursés aux créanciers au cours du dernier exercice. Ces dettes sont remboursées en totalité par l'intermédiaire des organismes de conseil en crédit. En même temps, les consommateurs apprennent de meilleures façons de gérer leur argent et le crédit.
La vaste majorité de nos clients n'a pas besoin d'un programme de remboursement de dettes. Plus de 80 p. 100 des personnes qui reçoivent les services de conseil en crédit bénéficient de notre aide sous forme de conseils et d'éducation. La majorité des dons que nous recevons sert à payer des activités d'éducation des consommateurs aux divers aspects de la gestion des finances personnelles. Les membres du CCC réduisent la frustration que les consommateurs canadiens ressentent à l'égard de leurs finances personnelles et les aident à bien comprendre toutes les options qui s'offrent à eux.
L'essentiel du financement des organismes membres vient de dons volontaires d'institutions financières, principalement des banques et des sociétés de cartes de crédit, qui appuient le travail des conseils en crédit sans but lucratif.
Nos membres reçoivent également divers dons et subventions pour projets spéciaux. J'en nomme deux ici, pour votre information. Des frais minimes sont facturés aux clients, et tous nos membres doivent fournir le service même si le client n'est pas en mesure de payer les frais. Les lignes directrices établies par l'association sont obligatoires. Les organismes s'exposent à être exclus du CCC si elles ne les respectent pas ou qu'elles contreviennent aux autres exigences.
Beaucoup de consommateurs canadiens sont en position vulnérable. Selon nos statistiques et les données publiées dans les médias ou ailleurs, les besoins ne cessent de grandir au chapitre des faillites et des propositions de consommateurs, mais également pour tout ce qui concerne l'éducation en littératie financière. Ce n'est rien de nouveau pour nous. Certains de nos membres ont pour mandat de fournir des services d'éducation financière depuis plus de 20 ans. Ils viennent ainsi en aide à des familles et à des personnes insolvables, des personnes qui n'arrivent pas à respecter leurs obligations financières.
Nous ciblons tous les Canadiens stressés par leurs finances. Selon les statistiques de nos membres, les problèmes financiers accompagnent presque toujours d'autres problèmes : séparation, problèmes de santé, perte de revenu, dépendance et j'en passe.
Nous devons veiller à offrir des services de qualité aux Canadiens confrontés à des soucis financiers et aux autres problèmes qui les accompagnent. Nous croyons que les syndics de faillite ne sont pas bien outillés pour réagir aux problèmes complexes qui touchent les gens. Malgré toute la formation qu'ils reçoivent, nos conseillers ne sont pas qualifiés pour traiter ces problèmes graves, mais les membres du CCC ont des liens étroits dans les collectivités et peuvent recommander des professionnels immédiatement à toutes les personnes qui ont besoin de services.
Nous avons la chance au Canada de pouvoir offrir diverses options aux consommateurs aux prises avec des difficultés financières. Trop souvent, les clients nous disent qu'ils auraient bien aimé entendre parler du crédit-conseil avant de déclarer faillite.
Les Canadiens ont toujours été des leaders du droit sur l'insolvabilité. Les États-Unis viennent toutefois de dépasser le Canada en imposant une évaluation obligatoire préalable à toute comparution devant un tribunal de la faillite. En ce moment, nous avons l'impression de rater le coche au Canada. Il faut prévoir une évaluation impartiale de la situation financière des gens, leur présenter leurs options et leur permettre de prendre des décisions éclairées.
Les Canadiens confrontés à de telles décisions ont besoin d'avoir accès à la meilleure information qui soit, ainsi qu'à des outils et à de l'aide pour changer leurs habitudes et leurs attitudes au sujet de l'argent. Ils doivent donc avoir accès à la meilleure ressource possible au Canada. Nous pensons que les conseils en crédit membres de notre association sont les mieux placés pour leur venir en aide.
Nous espérons que le gouvernement prenne sans tarder les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les 30 recommandations formulées dans le rapport du Groupe de travail sur la littératie financière. Entretemps, les conseils en crédit et les syndics continuent de venir en aide à des centaines de milliers de Canadiens.
Les membres du CCC entretiennent d'excellentes relations avec les syndics du Canada et collaborent avec eux pour aider les gens aux prises avec des problèmes financiers. Les conseillers discutent avec leurs clients des options que représentent la faillite et les propositions de consommateur. Ce sont des solutions viables. Il faut que les gens aient accès à toutes les options possibles : le remboursement de dettes, les propositions de consommateur, la faillite et surtout, l'éducation. Nous devons unir nos forces pour bien servir les Canadiens.
M. Eisner et moi-même serons ravis de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame White. Je vous remercie de cet aperçu. Il y a beaucoup de questions qui se dégagent de votre témoignage précédent et de l'information que vous venez de nous donner.
Le sénateur Marshall : Je connais bien votre organisation à Terre-Neuve-et-Labrador. Pouvez-vous nous parler un peu de vos sources de financement? Vous fournissez un excellent service, mais je crois que votre financement vient de diverses sources et de beaucoup de petits montants. Pouvez-vous nous décrire un peu vos sources de financement courantes?
John Eisner, président, Credit Counselling Services of Atlantic Canada Inc., Conseil de crédit du Canada : L'essentiel de notre financement nous est versé volontairement par diverses institutions financières. La plus grande part nous vient des banques et des sociétés de cartes de crédit, c'est de là que viennent la plupart de nos revenus financiers. Évidemment, elles voient la valeur de nos services. Il ne faut pas oublier que 80 p. 100 des consommateurs qui frappent à notre porte n'ont pas besoin de nos services. Ils n'ont pas besoin d'un programme de gestion des dettes. Beaucoup sont en mesure de retourner voir leurs institutions financières et de leur donner de nouvelles instructions grâce aux compétences qu'ils ont acquises pour gérer leurs dettes. La majorité de notre financement, 70 p. 100, vient des institutions financières elles-mêmes.
Le sénateur Marshall : Est-ce qu'il y a des gouvernements provinciaux qui vous financent?
M. Eisner : Mme White pourra peut-être vous répondre pour ce qui est de l'Ontario, mais, en 17 ans d'histoire, nous n'avons jamais tiré sur les cordons de la bourse des gouvernements provinciaux ou fédéraux.
Le sénateur Marshall : Je remarque sur votre site web que vous publiez des statistiques sur vos clients. Savez-vous combien de vos clients ou quel pourcentage de votre clientèle finit par faire faillite?
Je comprends qu'il n'y a pas nécessairement toujours de corrélation directe, mais prenez-vous note de ce genre d'information?
M. Eisner : Je pense que vous pourrez constater que la plupart de nos membres au pays renvoient de 10 à 15 p. 100 de tous leurs consommateurs aux syndics de faillite. Bien sûr, nous ne sommes pas mis au courant s'ils décident de déclarer faillite; mais ils peuvent aussi opter pour une proposition de consommateur.
Le sénateur Marshall : Une grande partie de votre programme est plutôt préventive. Quels types d'ateliers de formation offrez-vous? Pouvez-vous nous en parler un peu?
M. Eisner : Je peux vous dire honnêtement que nos membres, partout au Canada, se rendent dans les écoles et les universités pour parler d'argent aux jeunes. Nous estimons fondamental de commencer par là, parce que la moyenne d'âge des clients qui frappent à nos portes est de 43 ou 44 ans. Nous savons que nous devons toucher les jeunes et leur donner les outils qu'il faut pour éviter de se heurter aux mêmes écueils que certains d'entre nous, peut-être. Nous donnons aussi beaucoup d'ateliers aux grands employeurs, des dîners de formation, par exemple. Les employeurs en voient bien l'avantage, surtout s'ils savent qu'il y a des changements qui s'en viennent. Certains employeurs paient beaucoup de temps supplémentaire, mais prévoient réduire les heures de travail et craignent des mises à pied. C'est alors qu'ils invitent des conseillers en crédit à parler à leur personnel et à leur donner des outils de travail. Les employeurs n'iront pas dire qu'ils s'apprêtent à congédier leurs employés, mais ils veulent être sûrs de leur offrir toutes les compétences possibles pour les aider en période difficile, le cas échéant.
Le sénateur Marshall : Qu'en est-il des personnes plus âgées? Vous nous avez parlé des jeunes, des employeurs et des employés. Qu'en est-il des personnes âgées? Est-ce que vous les ciblez aussi?
M. Eisner : À ce sujet, nous nous sommes associés, au Canada atlantique, avec quelques associations pour personnes âgées afin de les aider à gérer leurs finances. Il vaut la peine d'en parler aussi, parce qu'il y a de plus en plus de personnes âgées qui viennent frapper à nos portes parce qu'elles sont aux prises avec des problèmes financiers. Cela brise le cœur. Il arrive qu'un fils ou une fille accompagne sa mère ou son père chez nous parce qu'ils n'ont jamais parlé d'argent et qu'ils voient que papa et maman changent.
Bien souvent, nous observons que ces personnes réduisent leurs dépenses essentielles pour la nourriture et les prescriptions, par exemple, parce qu'elles sont de l'ancienne école. L'ancienne école veut qu'on paie ses factures, donc elles vont se priver de nourriture et de médicaments pour joindre les deux bouts. Nous voyons toutefois une nouvelle tendance émerger.
Le sénateur Marshall : Vos clients vous sont-ils recommandés par des groupes en particulier? D'où viennent-ils?
M. Eisner : Nos clients nous viennent de partout : du réseau social des services aux familles, du secteur à but non lucratif, des institutions financières ou des traitements des dépendances. Nous sommes visibles pour le grand public. Je suis certain qu'il y en a parmi vous qui ont vu les publicités de l'industrie du conseil en crédit. Ce marketing vise à battre la concurrence et à éveiller les gens à notre existence.
Le président : Il serait bon que vous puissiez expliquer à tous que votre association se compose de bénévoles et que c'est un organisme de bienfaisance. En revanche, il y a des crédits-conseils qui sont là pour faire de l'argent et qui ne se veulent évidemment pas des organismes de bienfaisance. Quel rapport entretenez-vous avec les organismes à but lucratif? Quels sont les pouvoirs que vous confèrent les gouvernements provinciaux ou fédéral pour la prestation de services?
Mme White : Vous avez tout à fait raison. Tous nos membres sont des organismes sans but lucratif enregistrés, sauf en Saskatchewan, où c'est la province qui offre le programme de paiement méthodique des dettes.
Le président : En vertu de la loi provinciale?
Mme White : Le Programme de paiement méthodique des dettes découle d'une loi fédérale, de la partie X de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, mais son application se fait sous la supervision du gouvernement provincial. C'est une exception. Tous nos autres membres sont des organismes de bienfaisance enregistrés. Les membres doivent conserver ce statut et présenter les demandes nécessaires à l'Agence du revenu du Canada et ailleurs pour le conserver. Nos membres doivent également respecter toutes les exigences imposées aux organismes de bienfaisance, notamment pour les normes de service.
Nous n'avons aucun lien avec les organismes à but lucratif qui existent, bien que nous recevions souvent des gens qui sont passés par ces organismes avant d'aboutir chez un de nos membres en disant : voici ce qui m'est arrivé avec telle ou telle organisation, je devais payer des frais exorbitants, mais je n'ai pas reçu le service attendu. Que pouvez-vous faire pour moi?
Ils sont donc surpris de n'avoir rien ou presque rien à payer pour nos services et de recevoir les services promis en matière d'éducation et d'aide.
M. Eisner : Tous les organismes de bienfaisance qui offrent des services de conseil en crédit ont des comptes en fiducie. Ils sont dirigés par un conseil d'administration. Les organismes à but lucratif n'ont pas de compte en fiducie qui garantit leur légitimité. Dans mes années d'expérience, j'ai vu beaucoup de petits bureaux familiaux ouvrir et les consommateurs souffrir beaucoup parce que l'argent qu'ils croyaient verser à leurs créanciers ne s'est jamais rendu là où il devait se rendre.
Il n'y a pas de règlement qui régit ces organismes. Nous réglementons nos propres membres et avons des normes d'accréditation très strictes. Au conseil d'administration, les groupes que nous servons sont bien représentés. Ils ont des représentants à notre conseil d'administration.
Le président : Le surintendant des faillites n'a-t-il aucune responsabilité de réglementation à l'égard de vos membres?
Mme White : Non, le surintendant n'en a pas. Pour les comptes en fiducie, chaque organisme doit être enregistré dans sa province s'il y a une loi provinciale qui régit les comptes en fiducie, une loi sur la protection des consommateurs ou n'importe quelle autre loi, cela varie d'une province à l'autre. Il doit parfois y avoir une garantie pour le compte en fiducie ou il peut y avoir d'autres exigences. Ces exigences dépendent de la réglementation en vigueur.
Pour revenir aux propos de M. Eisner, nous constatons que les consommateurs ne connaissent pas le conseil en crédit et qu'ils ont peur de parler de leurs finances. Ils ont l'impression que c'est un problème personnel et ils n'ont pas envie d'en parler. Quand ils voient les publicités des organismes à but lucratif qui offrent de les aider, ils y voient une solution magique et ils ne posent pas nécessairement beaucoup de questions sur l'aide qu'ils peuvent leur offrir. Les consommateurs se font souvent prendre dans un moment de grand stress. C'est pourquoi nous voulons promouvoir le travail des organismes à but non lucratif et faire en sorte que les gens sachent que nous sommes là pour eux.
Le président : Quand le surintendant des faillites a comparu devant nous, il a indiqué qu'il envisageait d'élargir le rôle des conseils en crédit. Vous attendez-vous à ce que cela signifie de participer plus activement, si nécessaire, aux propositions en cas d'insolvabilité personnelle, auquel cas vous seriez assujettis à la loi qui régit le surintendant des faillites?
Mme White : Nous savons que c'est à l'étude. Nous avons échangé beaucoup avec nos membres à ce propos depuis que nous avons soumis un document de consultation au surintendant. Nous nous sommes demandé comment nous pouvions le mieux répondre aux besoins des consommateurs. C'est notre mission d'abord et avant tout, de quoi les gens ont-ils besoin et comment pouvons-nous les aider à y accéder?
Nous trouvons que nous devons mettre l'accent par-dessus tout sur ce que nous faisons de mieux, soit l'éducation et la recherche d'options et d'autres services à la disposition des gens dans leur collectivité. Les gens se retrouvent dans des situations très complexes de nos jours. Ce n'est pas seulement un problème d'argent, il y a toujours autre chose. C'est là où nous en sommes en ce moment dans notre réflexion sur ce que nous faisons le mieux.
Je m'excuse, cela ne répond pas tout à fait à votre question.
Le président : Je déduis de cette réponse que vous n'avez pas tellement hâte de participer à l'élaboration de propositions.
Mme White : Nous allons faire preuve de prudence et réfléchir attentivement à ce que nous pouvons faire. Nous voulons être certains que tous les services sont disponibles pour tout le monde. L'accès est important pour nous, et c'est l'un des éléments que nous soulignons dans notre document de consultation. Nous croyons que les gens ont parfois peur de s'adresser à un syndic ou de s'informer sur la faillite. Il serait probablement particulièrement important d'offrir des services de conseil en crédit et des évaluations avant d'envisager la possibilité d'une proposition, comme vous le dites.
Le sénateur Gerstein : Je vous remercie, madame White et monsieur Eisner, de comparaître devant nous, surtout à si court préavis. Je tiens surtout à exprimer, au nom de tous les membres du comité, notre grande appréciation de votre travail et de celui de vos associés. Vous offrez d'excellents services à vos clients au Canada.
Ma question porte sur le deuxième paragraphe de la deuxième page de votre présentation, madame White. Je veux être certain de bien comprendre une chose que vous avez dite. D'après ce que je comprends, 80 p. 100 de votre travail prend la forme de conseils et d'éducation. Dois-je déduire de cette information que les 20 p. 100 qui restent sont pour l'application de programmes de remboursement de dettes dont vous convenez avec vos divers clients?
À la page 2, vous soulignez que grâce aux efforts de remboursement déployés, plus de 63 millions de dollars ont été remboursés aux créanciers au cours du dernier exercice. Vous dites ensuite que les dettes sont remboursées en totalité par l'intermédiaire des organismes de conseil en crédit.
Pouvez-vous nous expliquer cela? Est-ce que cela signifie que les dettes d'une personne sont remboursées en totalité par les services dont elle se prévaut? Autrement dit, est-ce que c'est vous qui remboursez les créanciers au nom des clients?
M. Eisner : Pour le client typique qui dépense plus qu'il ne gagne — qui déshabille Pierre pour habiller Paul, qui collectionne les créanciers et qui a peut-être une agence de recouvrement mandatée par ses créanciers aux trousses — nous élaborons un plan de remboursement réparti sur environ 48 mois. Voilà pour les consommateurs qui ont des revenus excédentaires, ils sont en mesure de rembourser les créanciers. Ils représentent 20 p. 100 des consommateurs que nous accompagnons dans le programme de gestion des dettes.
Nos programmes sont conçus pour que nous remboursions aux créanciers 100 cents par dollar. C'est un peu différent des propositions de consommateurs, parce qu'ils peuvent proposer de rembourser 5, 10 ou 20 cents par dollar.
Ces consommateurs sont en mesure de rembourser leurs dettes à 100 p. 100. Les 65 millions de dollars que nous avons pu rembourser aux institutions financières viennent de ces 20 p. 100 de consommateurs. Rappelons-nous qu'en moyenne, le programme dure environ 33 mois pour le consommateur.
Le sénateur Gerstein : Dans un sens, c'est presque comme une évaluation préalable; je dois être en mesure de rembourser plus que ce que je dois pendant une période donnée, et vous allez m'aider à le planifier.
Qu'arrive-t-il si je frappe à votre porte mais que je n'ai pas cette chance? Est-ce que vous renvoyez les consommateurs ailleurs?
M. Eisner : C'est là où les syndics entrent en jeu. Si vous vous en souvenez bien, j'ai dit que nous leur renvoyons de 10 à 15 p. 100 de nos clients. Pour ces consommateurs, il n'y a pas de valeur nette, ils sont en position de déficit. Du coup, nous les renvoyons effectivement aux syndics.
Je dois cependant dire d'abord que la majorité des consommateurs veulent payer leurs factures. Ce doit être très clair. Nous rencontrons tout le temps des consommateurs qui estiment que la faillite est la dernière option, qu'elle est exclue.
Malheureusement, nous devons parfois être porteurs de la mauvaise nouvelle que la faillite est le seul choix possible quand on regarde les chiffres, le budget, la situation financière générale de la personne. Tout porte à croire que quand elle rencontrera un syndic par la suite, toutefois, elle sera mieux préparée.
Parfois, les gens se braquent et refusent net de faire faillite, donc ils repartent mener leur propre bataille. Ce comportement a des répercussions sur leur famille, leur rendement au travail et bien d'autres sphères de leur vie. Ces consommateurs représentent de 10 à 15 p 100 de notre clientèle.
Il y a ensuite un autre groupe. Ces personnes ont un bon crédit, elles ont les moyens de payer leurs factures. Elles n'ont peut-être qu'à renégocier leur entente avec leur institution financière et à restructurer leurs dettes.
Un de nos messages clés porte sur le fait que le consommateur moyen qui vient frapper à notre porte a de quatre à six cartes de crédit en sa possession. Avec cette information, nous pouvons lui dire : allez voir votre institution financière, consolidez et annulez vos cartes de crédit pour n'en garder qu'une. Si le message ne passe pas, il y a de fortes chances que le consommateur garde ses quatre à six cartes de crédit et qu'avec le temps, il se retrouve dans la même position.
Le sénateur Gerstein : Y a-t-il quelque chose que vous voudriez que notre comité envisage? Y a-t-il quelque chose à quoi nous devrions accorder plus d'attention?
M. Eisner : Mme White a soulevé un bon point. Je crois fermement qu'avant qu'un consommateur ne déclare faillite, il devrait être invité à consulter un conseil en crédit pour examiner toutes les options qui s'offrent à lui.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les syndics. Nos nombreux bureaux au Canada offrent des conseils en matière de faillite. Ils sont certifiés en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Dans l'un des mémoires qu'on vous a soumis, au sujet des syndics je crois, il était question des problèmes qui pourraient se poser si les syndics essaient d'avoir le plein contrôle. Cela m'inquiète, parce que les organismes à but non lucratif tirent évidemment des revenus de leurs relations de travail étroites avec les syndics.
Ce ne sont pas tous les syndics qui appuient l'industrie du conseil en crédit. Ils nous voient comme une menace ou de la concurrence. Je ne le vois pas ainsi. Nous sommes là pour rendre service aux consommateurs qui ont besoin d'aide. Nous jouons un rôle fondamental.
Partout au pays, les conseils en crédit offrent des conseils en matière de faillite aux syndics, et cela génère des revenus aussi. Je crains beaucoup; si cette relation disparaît, que les syndics prennent le dessus sur nous et que ce service ne soit plus offert.
Ne cherchez pas midi à 14 heures, nous sommes les experts de l'industrie. Ce sont les conseils en crédit qui forment les syndics, en grande partie. Le milieu des syndics réussit toutefois à attirer des spécialistes du conseil en crédit de son côté. Je ne leur en tiens pas rigueur, c'est tout à leur honneur. Bien sûr, ils peuvent les payer un peu mieux que nous, dans le secteur à but non lucratif, mais c'est nous les experts dans l'industrie.
Le président : Je voudrais poser une question supplémentaire. Y a-t-il des syndics de faillite qui comptent, au sein de leur organisation, des conseillers en crédit membres de votre association qui ne fournissent plus de services à but lucratif?
M. Eisner : Non, ils ne seraient pas membres de l'association. Disons qu'une fois leur formation et leur perfectionnement professionnels terminés, ils sont pris en charge par les agences de syndic. Bien entendu, ils ont déjà leurs titres de compétence et ils sont libres de travailler avec les syndics.
Mme White en sait peut-être plus que moi là-dessus, mais je dirais qu'environ 15 p. 100 des entreprises de syndic ont des conseillers. Toutefois, bon nombre d'entre elles comptent sur nous pour offrir des services conseils.
Le président : Les syndics autorisés sont tenus, en vertu des lois qui les régissent, de fournir des conseils en crédit, si j'ai bien compris.
M. Eisner : Le consommateur qui fait une déclaration de faillite doit suivre des séances de crédit-conseil — il y en a deux. Notre industrie n'est pas différente des autres. Elle regroupe des conseillers en crédit sans but lucratif et à but lucratif. Certains sont bons, d'autres pas. Il en va de même pour l'industrie des syndics.
Il y a des gens, parmi nos clients, qui ont affirmé n'avoir jamais entendu parler des conseillers en crédit. Il s'agit là d'une lacune. Certains ont eu droit à une première séance de consultation avec des syndics : elle n'a duré qu'une quinzaine de minutes, et ils se sont vu remettre une brochure ou une vidéo.
Ce ne sont pas des conseils qu'on leur donne, mais plutôt des solutions de fortune, et ce n'est pas ce que veulent les consommateurs aujourd'hui. Il faut tirer des leçons des erreurs qui ont été commises.
Certaines personnes traversent des périodes difficiles, non pas parce qu'elles gèrent mal leurs finances, mais parce qu'elles travaillent à leur compte et que les affaires vont mal. Elles ne sont pas de mauvais gestionnaires. Elles ont conservé leur réputation et se sont débrouillées pendant 20 ou 30 ans.
Oui, les séances de consultation peuvent être brèves, mais la plupart des consommateurs qui sollicitent notre aide le font parce que leurs finances sont en piètre état. Quand nous leur demandons la raison d'être de leur visite, ils nous répondent que c'est à cause de leur recours exagéré au crédit par suite d'une séparation, d'un divorce ou de la rupture du mariage. Ce sont là les trois principales causes des problèmes des familles.
Le sénateur Callbeck : Merci pour les précieux services que vous offrez.
Quand nous jetons un coup d'œil aux statistiques, au nombre de faillites personnelles, et que nous comparons le Canada aux autres pays, nous constatons que les chiffres, ici, sont très élevés. Pourquoi? Pourquoi les faillites personnelles sont-elles plus nombreuses au Canada qu'ailleurs dans le monde, et surtout en Europe?
M. Eisner : D'abord, c'est une question de stigmatisation. Les personnes qui font faillite ne sont plus stigmatisées.
Il y a un autre point qui mérite d'être mentionné : les institutions financières et les syndics ont l'habitude d'attribuer la cote R9 au consommateur qui fait faillite. La personne qui participe à un programme de gestion des dettes et qui rembourse la totalité de celles-ci se voit cotée de la même façon. Ce n'est pas juste.
La plupart des gens ne sont pas au courant de cette pratique. Lorsque le législateur a mis sur pied le régime de proposition de consommateur il y a de nombreuses années de cela, il a été décidé que la cote R7 servirait à établir la distinction entre le particulier qui présente une proposition de consommateur et celui qui fait faillite. Quand nous jetons un coup d'œil aux cotes, nous constatons que les consommateurs qui remboursent leurs dettes ne reçoivent aucune félicitation. Ils sont traités comme s'ils avaient fait faillite.
Nous avons maintes fois porté cette question à l'attention des institutions financières, d'Equifax, du comité, de toutes les personnes intéressées. Pourquoi le nombre de faillites est-il en hausse? La réponse est claire : il n'y a plus de stigmatisation. On entend très souvent dire, dans le milieu financier, que les gens qui remboursent leurs dettes et qui essaient de s'en sortir auraient mieux fait de déclarer faillite, de repartir à zéro. On a tort de véhiculer un tel message. Mais c'est celui que l'on entend.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Eisner, vous avez fait partie du Groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle.
M. Eisner : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Quand le groupe a-t-il déposé son rapport?
M. Eisner : C'est le sénateur Goldstein qui présidait le comité à l'époque. Le rapport contenait des recommandations que je jugeais importantes. Il y en a une en particulier qui mérite d'être mentionnée, soit celle concernant les prêts étudiants. En vertu de l'ancien régime, les étudiants devaient attendre dix ans après leurs études universitaires ou postsecondaires avant d'être libérés de leurs dettes. Nous avons recommandé que cette période soit ramenée à cinq ans. Nous avons fini par nous entendre sur un délai de sept ans.
Avant 1992, l'étudiant qui déclarait faillite voyait sa dette éliminée. Le groupe de travail a proposé la mise en place de règles pour encadrer les prêts étudiants. Il était nécessaire, en raison du recours au système de faillite observé à l'époque, de mieux protéger les consommateurs.
Il y a une autre recommandation qui visait les contributions au Régime enregistré d'épargne-retraite. Il s'agissait d'un élément clé. La personne travaillant à son compte depuis de nombreuses années qui gérait bien ses affaires, qui possédait un bon portefeuille REER, ainsi de suite, et qui se retrouvait en difficulté devait malheureusement encaisser ses REER, entre autres, pour rembourser sa dette. Les changements proposés à cet égard ont été acceptés, ce qui est une bonne chose.
Mme White : Je pense que le rapport a été déposé en 2001 ou en 2002.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de stigmatisation quand vous avez répondu à ma première question. Est-ce que le rapport du groupe de travail aborde le sujet? En fait-il mention?
M. Eisner : Je ne m'en souviens pas.
Le sénateur Callbeck : Vous venez de la région de l'Atlantique.
M. Eisner : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Comment les provinces de l'Atlantique se comparent-elles aux autres régions du Canada pour ce qui est des faillites personnelles?
M. Eisner : Au cours des dernières années, le nombre de faillites a beaucoup augmenté en Ontario, en raison surtout de l'industrie de l'automobile. La hausse observée en Alberta était reliée à l'industrie pétrolière, et en Colombie-Britannique, à l'industrie forestière. La région de l'Atlantique s'en est bien tirée. Il y a eu des hauts et des bas, mais rien de spectaculaire.
Le sénateur Callbeck : Vous avez recensé les faillites personnelles qui ont été enregistrées au cours des dix dernières années, à l'échelle nationale.
M. Eisner : Pour ce qui est de la région de l'Atlantique — et encore une fois, je n'ai pas jeté un coup d'œil aux chiffres depuis un certain temps —, je pense que nos données sont exactes. Le taux a augmenté à certains moments. Il est vrai qu'il y a eu des changements — je peux uniquement vous parler de ce qui se passe dans la région de l'Atlantique, mais je consulte mes homologues à l'échelle nationale. Quand j'ai commencé à travailler dans le milieu il y a 17 ans, on faisait de la publicité sur les conseils en matière de crédit, les services que l'on offrait aux consommateurs. Aujourd'hui, les consommateurs ne s'y retrouvent plus, car les syndics annoncent eux aussi fournir des conseils en matière de crédit. Nous les félicitons en fait pour leurs efforts de publicité, car ils décrivent presque mot pour mot les services que nous offrons. Les consommateurs sont confus. Les syndics font de la publicité, invitent les gens à venir les consulter, leur disent que leur situation n'est pas si mauvaise et qu'ils vont les aider.
J'ai mentionné que nous dirigeons entre 10 et 15 p. 100 de nos clients vers les agences de syndic. Or, celles-ci nous envoient moins de 1 p. 100 de leur clientèle. J'ai de la difficulté à croire que les syndics viennent en aide à toutes ces personnes. En fait, ils ne doivent pas leur dire qu'il existe d'autres options viables.
Le sénateur Callbeck : Vous dites que vous réglementez et supervisez les conseillers en crédit. De quels mécanismes disposez-vous pour le faire?
Mme White : Nous avons une procédure d'accréditation que les organismes membres doivent renouveler tous les cinq ans. Les normes d'accréditation couvrent diverses activités propres à l'agence de conseils en matière de crédit : les questions de gouvernance, par exemple le type de conseil, la fréquence des réunions et la représentation au sein de celui-ci, l'application du principe de diligence raisonnable en ce qui concerne les risques financiers, la vérification des comptes par un organisme indépendant, et surtout, les ressources humaines et la prestation de programmes.
Chacune de ces activités est assortie d'exigences auxquelles l'organisme doit se conformer.
Par ailleurs, j'ai parlé, dans mon exposé, de la qualification des conseillers en crédit. Il s'agit d'une exigence nouvelle et récente. Nous jugeons important que les conseillers obtiennent des crédits d'éducation permanente, des CEP. Nous tenons également à ce que chaque membre fournisse, tous les ans, des rapports vérifiés, soit des attestations de cautionnement et d'assurance, des preuves indiquant qu'ils sont enregistrés comme organisme de bienfaisance aux fins de l'impôt, ainsi de suite. Nous vérifions ces documents tous les ans.
Le sénateur Callbeck : Vous avez énuméré un certain nombre de critères. Si l'organisme ne les remplit pas, que se passe-t-il?
Mme White : Il perd son statut de membre. Ce sont là des exigences absolues, obligatoires.
Le sénateur Finley : Merci pour cet exposé fort intéressant.
Où pourrais-je trouver des statistiques, si elles existent, sur les raisons qui font que les gens se retrouvent en difficulté financière? Vous constituez une sorte d'unité de triage de première ligne. Vous êtes sans doute les premiers à cerner les problèmes.
Existe-t-il, au sein de votre association, une base de données statistiques qui vous permet d'établir que 65 p. 100 des personnes ont sollicité votre aide en raison de la rupture de leur mariage; 25 p. 100, en raison de la perte d'un emploi; 15 p. 100, parce qu'elles ne savaient pas ce qu'elles faisaient; 10 p. 100, parce que leur mode de vie a changé ou peu importe? Existe-t-il une telle base de données?
Mme White : Oui, il en existe une. Nous sommes en train de réviser certaines de nos statistiques et de recueillir des renseignements auprès de nos membres. Comme ils utilisent des logiciels différents, il est difficile de concilier les définitions, ainsi de suite. Nous sommes en train de compiler des données. M. Eisner a parlé des motifs qu'invoquent habituellement les gens qui se tournent vers son association. C'est le genre de motifs que l'on recense à l'échelle nationale. C'est ce que nous montrent les statistiques que nous avons recueillies jusqu'ici.
Le sénateur Finley : Y a-t-il des tendances qui se manifestent? Vous avez parlé des personnes âgées. On pourrait s'attendre à ce que des tendances se dessinent alors que les doyens de la génération du baby-boom commencent à tirer leur révérence. J'aimerais savoir s'il existe des sous-statistiques sur les besoins financiers à long terme des personnes âgées qui se retrouvent en difficulté. Ont-elles réfléchi à cette question? Ont-elles réfléchi à leurs besoins quand elles ont calculé leur pension et planifié leur retraite, ou est-ce qu'elles sont littéralement prises dans un tourbillon, et je fais allusion aux personnes qui atteignent un certain âge et qui n'ont fait aucun préparatif? Autrement dit, sommes-nous aux prises avec un problème systémique?
Mme White : Il y a une combinaison de facteurs qui doivent être pris en compte. M. Eisner ne sera peut-être pas d'accord avec moi, mais nous rencontrons des gens qui n'ont pas préparé leur retraite, qui pensaient que le régime de pension de l'entreprise suffirait à leurs besoins et qu'ils auraient droit à la sécurité de la vieillesse, ainsi de suite. C'était peut-être le cas à un moment donné, sauf que quelque chose s'est produit. Un des conjoints a des problèmes de santé et le ménage ne peut plus compter sur deux revenus, ou un des conjoints est obligé de quitter le travail avant l'âge de 65 ans et le couple manque d'argent. Il se peut qu'un des enfants vive une séparation, retourne habiter chez ses parents, s'attende à ce que ces derniers lui viennent en aide, ainsi de suite. Les parents, qui sont maintenant plus âgés, à la retraite ou sur le point de l'être, sont peut-être obligés d'obtenir une ligne de crédit plus élevée.
On assiste à une combinaison de facteurs. Je ne sais pas si ma réponse est claire.
Le sénateur Finley : Manifestement, nous sommes appelés à nous pencher sur toute une gamme de sujets dans le cadre de notre travail. Notre objectif, entre autres, est de déterminer s'il y a des enjeux, touchant le gouvernement, qui méritent notre attention. Les statistiques ou les données que vous avez compilées pourraient nous aider à orienter notre démarche, surtout si elles sont impartiales, voire neutres.
Vous avez dit que la dette moyenne s'élève à 100 000 $. Mme White, dans son exposé, a mentionné le même chiffre. Est-il question ici de la dette familiale ou de la dette individuelle? Est-ce que cela comprend l'hypothèque?
Mme White : Ces données proviennent de l'Institut Vanier, qui a récemment publié son rapport annuel sur l'état des budgets de la famille. D'après l'institut, la dette des familles a franchi le cap des 100 000 $ ou l'échelon des six chiffres. C'est ce qu'il a déclaré, récemment. Je présume qu'il fait allusion à l'endettement des familles.
Le sénateur Finley : Est-ce que cela comprend l'hypothèque?
Mme White : Oui. M. Esner a parlé de la dette moyenne. Nous ne tenons pas compte de la dette hypothécaire, mais de la dette à la consommation, et celle-ci n'englobe pas l'hypothèque. Cette dette tourne autour de 35 000 $ et l'on compte habituellement, en moyenne, six créanciers par personne.
Le sénateur Finley : Pour revenir aux statistiques, j'aimerais savoir combien de personnes sollicitent votre aide plus d'une fois. Connaissez-vous le nombre de personnes qui vous ont consulté une première fois et qui, pour une raison ou une autre, reviennent vous consulter une deuxième fois? Est-ce que ce taux est élevé? Faible? Avez-vous des renseignements là-dessus?
M. Eisner : J'ai consulté mes homologues à l'échelle nationale à ce sujet, et le taux est très faible. Les consommateurs qui sollicitent notre aide ont atteint le fond du baril. Nous les aidons à traverser cette période difficile. Lorsque nous leur demandons ce qu'ils ressentent la première fois qu'ils viennent nous voir et ensuite, une fois le processus terminé, nous apprenons des choses intéressantes.
Pour revenir aux consommateurs qui sollicitent notre aide plus d'une fois, ils ne sont pas nombreux. Dans notre secteur en particulier, le chiffre est inférieur à 1 p. 100. Ils sont coincés. Croyez-le ou non, le problème, s'ils ont fait une déclaration de faillite, se situe au niveau du système actuel. Une personne peut déclarer faillite et, neuf mois plus tard, se retrouver dans la même situation, sans avoir tiré aucune leçon. Sa dette de 25 000 $ a été annulée, elle a reçu des conseils, sauf qu'une consultation d'une heure, ce n'est pas suffisant, à mon avis.
Je pourrais vous poser la même question : où avez-vous appris à gérer vos finances? Certainement pas sur les bancs d'école. Vous avez appris par essais et par erreurs. Si vos parents géraient bien leurs finances, vous allez probablement faire la même chose. S'ils géraient mal leurs finances, vous allez peut-être tomber dans le même piège. Or, ce sujet doit être enseigné sur les bancs d'école. On devrait offrir des cours sur la façon de gérer sagement son argent. La plupart des gens qui nous consultent, une fois qu'ils ont fait l'objet d'une évaluation complète — et nous parlons, ici, de questions très simples — nous disent qu'ils ne savaient pas telle chose, ou qu'ils n'ont jamais songé à telle autre chose. Nous les ramenons aux principes de base, nous leur donnons des explications simples, pour qu'ils puissent comprendre. Toutefois, il faut enseigner ces principes sur les bancs de l'école.
Certains de nos clients sont des étudiants du secondaire et de l'université. Les programmes scolaires sont chargés et, parfois, cela nous pose problème. On nous demande ce que nous vendons. Nous vendons de la formation. C'est difficile, mais nous réussissons et nous allons continuer.
Mme White : Pour poursuivre dans la même foulée, Equifax et TransUnion ont mené des recherches indépendantes sur la cote de solvabilité des particuliers ayant suivi un programme de remboursement de la dette. Les résultats sont incroyables et révélateurs au chapitre de la cote de solvabilité, mais aussi de l'utilisation du crédit. Les gens avaient un solde beaucoup moins élevé sur leur carte de crédit ou moins élevé que la moyenne, et remboursaient. Ils ont appris à gérer leur argent grâce à un conseiller en crédit. Je crois que c'est une amélioration considérable.
Une institution financière s'est appuyée sur les résultats de ces recherches pour mettre sur pied un projet pilote. Dans le cadre de celui-ci, les participants recevaient une carte de crédit. Les résultats montrent que les participants utilisaient bien leur carte de crédit, qu'ils faisaient leurs paiements, qu'ils n'utilisaient qu'une petite partie de leur limite de crédit, et cetera. Ce sont des résultats incroyables.
Le sénateur Finley : J'aurais encore plusieurs questions à poser, mais je vais en poser une dernière, si vous me le permettez.
Vous avez dit qu'un de vos plus gros obstacles — vous y avez fait allusion lorsque vous parliez d'aller dans les écoles —, c'est l'ignorance de la population en général à l'égard des services de conseil en crédit. Pourrait-on inciter ou forcer les institutions financières à faire quelque chose, qu'il s'agisse notamment d'une société émettrice de carte de crédit, d'une banque, d'une société de financement ou d'une société de crédit-bail, pour aider au chapitre de l'éducation?
Je ne m'y connais pas beaucoup dans le domaine, mais je suis convaincu que les institutions financières ont des mécanismes qui leur permettent de voir qu'un de leurs clients éprouve des difficultés. Est-ce que quelqu'un parle à ces clients? Les banques leur envoient-elles de la documentation ou les informent-elles sur les services de conseil en crédit?
Madame White : Conseil en crédit du Canada a toujours discuté avec les banques et les sociétés émettrices de cartes de crédit pour trouver une façon de collaborer, entre autres, afin d'éduquer leurs clients et d'aider ces derniers à rétablir leur situation financière. Le mois dernier, dans le cadre d'une réunion d'un conseil consultatif, nous avons rencontré les cinq grandes banques du pays afin de discuter d'une possible collaboration. Une de nos propositions concernait les clients dont la demande de prêt de consolidation est refusée. Que peuvent-ils faire? Selon nous, il faudrait les adresser immédiatement à un service de conseil en crédit.
Ces grandes banques ont bien accueilli cette proposition. Elles nous ont compris. Nous allons accentuer la pression à ce chapitre, car nous croyons qu'il s'agit d'un aspect important. Nous devons travailler avec les banques.
Le sénateur Finley : Croyez-vous que l'on puisse faire quelque chose sur le plan législatif pour améliorer la situation? Je vous le demande sans vraiment y croire, mais auriez-vous une suggestion à faire?
M. Eisner : Le gouvernement actuel a adopté quelques mesures importantes. D'abord, il a obligé les sociétés émettrices de cartes de crédit à divulguer les coûts réels associés à l'utilisation des cartes de crédit et à informer les gens sur la vraie période d'amortissement de leur solde. Ce fut une étape extrêmement importante, car le consommateur moyen ignorait, par exemple, combien de temps il faut pour rembourser un solde de 6 000 $ à 18 p. 100 d'intérêt si l'on fait uniquement le paiement minimum chaque mois.
J'appuie également la dernière mesure du gouvernement concernant la période d'amortissement des prêts hypothécaires. C'est une autre étape importante. Ce sont deux excellentes mesures, des mesures proactives. Peut-on en faire davantage? Je crois que, grâce au dialogue, comme l'a souligné Mme White, et au conseil consultatif auquel nous participons, les institutions financières ont décidé d'agir. Nous leur avons demandé de venir discuter avec nous, et je suis heureux de dire que les sept grandes banques du pays ont accepté notre invitation. Nous avons eu des discussions très positives. Il y a trois ou quatre ans, nous avions ce genre de discussions avec les banques, mais nous avons délaissé cette pratique. Je crois qu'aujourd'hui, elles se rendent compte du rôle important que joue l'éducation dans ce dossier. L'éducation, c'est la clé du succès.
Un autre élément à considérer, et je n'aime pas le souligner, mais c'est un fait, c'est les taux d'intérêt hypothécaires. Vous vous souvenez tous des années 1980, alors que ces taux atteignaient 18, 19, même 20 p. 100. Nous savons déjà quelles en seraient les conséquences aujourd'hui. Si les taux montaient à 8 ou 9 p. 100, ce serait désastreux pour les consommateurs.
Le sénateur Eggleton : C'est intéressant. Merci. La clé, c'est l'éducation, et j'aimerais poursuivre sur ce sujet. Ce qui m'intéresse, c'est la prévention. En réponse à une question du sénateur Marshall, vous avez dit que vous faisiez de la formation dans les écoles, ce qui est une bonne chose.
Toutefois, les dernières données nous montrent que l'endettement des familles a atteint un niveau record. Donc, soit vous n'en faites pas suffisamment, soit vous ne faites pas ce qu'il faut.
Que peut-on faire de plus sur le plan préventif, soit vous ou le gouvernement, pour éviter que les gens se retrouvent dans cette situation? Bon nombre de vos clients ont déjà épuisé toutes leurs ressources lorsqu'ils viennent vous voir. Que peut-on faire pour éviter que les gens se retrouvent dans cette situation?
M. Eisner : J'aimerais revenir à la formation des jeunes et parler de ce qu'ils comprennent. Tout le monde ici a sa part de blâme. Mais le plus important, c'est qu'il faut parler d'argent à nos enfants. Nous devons faire preuve de plus d'ouverture. Il faut leur dire combien on gagne et on dépense. Ils se croient riches, parce que leurs parents ont une maison et deux voitures. Lorsqu'un enfant de cinq ans voit un de ses parents retirer de l'argent d'un guichet automatique, il ne sait pas que son père ou sa mère doit travailler pour cet argent. Tout ce qu'il voit, c'est que la machine donne de l'argent.
Je vais vous donner un exemple. Nous avons demandé à des joueurs de football du secondaire combien leurs parents dépensent pour les nourrir : 50 $ par mois; 75 $ par mois? Ils l'ignorent. Nous sommes tous à blâmer pour cette ignorance. Nous devons leur dire combien coûtent les choses. Nous devons leur apprendre la base : combien ça coûte nourrir une famille et avoir une maison, peu importe où on habite. C'est le genre de choses qu'il faut leur apprendre.
Pour revenir au point que vous avez soulevé, nos clients ont en moyenne 43 ans. La plupart d'entre eux n'ont jamais acquis les compétences nécessaires pour gérer leur budget. Ce problème ne disparaîtra pas.
Regardons la situation du point de vue financier. Il y a une limite au nombre de citoyens canadiens, mais toutes les institutions financières voudraient que les consommateurs aient leur carte de crédit. Vous vous souvenez tous de la popularité de la carte Sears il y a de nombreuses années. À l'époque, si vous aviez une carte Sears et peut-être une carte de guichet, ça voulait dire que les choses allaient bien pour vous. De nos jours, nous avons quatre ou six cartes, car toutes les institutions financières nous les offrent. Il faudrait peut-être aider les consommateurs. Je vais probablement m'attirer les foudres des banques qui nous ont appuyés, mais je n'ai pas de problème avec cela. Elles savent ce qu'on fait. Je suis un ancien banquier, alors je comprends leur position. C'est moi, il y a de nombreuses années, qui distribuais les cartes de crédit.
D'un autre côté, nous devons maintenir les limites de crédit aux niveaux actuels, que ce soit pour les cartes de crédit, les marges de crédit ou autres produits analogues. Le gouvernement a adopté de bonnes mesures pour informer les consommateurs sur les coûts réels de leur dette. Grâce à ces mesures, bon nombre de consommateurs éviteront de garder un solde sur leur carte de crédit. Autrement dit, ils apprendront à payer la totalité de leur solde, sans intérêt.
Je ne crois pas qu'il soit possible de limiter le nombre de cartes de crédit que chaque consommateur peut posséder. En moyenne, nos clients en ont entre quatre et six.
Vous pouvez observer vous-même le comportement des consommateurs. Je le fais tout le temps; c'est rendu une habitude. Je regarde combien paient en argent comptant et combien utilisent leur carte de crédit. Bon, ce n'est pas précis, car plusieurs cartes offrent des points Air Miles et les gens utilisent ces cartes simplement pour accumuler plus de points et ils gèrent bien leurs affaires. Mais, on peut observer la situation de bien des points de vue.
Vous avez parlé des personnes âgées. La raison pour laquelle les aînés éprouvent des difficultés financières, c'est qu'ils ont un revenu fixe. Avec le coût de la vie et les autres dépenses qu'ils ont, ils arrivent tout juste à joindre les deux bouts. Donc, certains utilisent les cartes de crédit. Toutes les banques veulent que les consommateurs — peu importe qui ils sont — aient une carte de crédit en leur possession dès l'âge de 18 ans jusqu'à leur mort. Cela leur donne une option autre que l'argent comptant. Il y a beaucoup d'obstacles à franchir.
Le sénateur Eggleton : Allez-vous donner plus de formation ou améliorer celle-ci?
Mme White : Nous faisons tout ce que nous pouvons à ce chapitre. Je sais que certains de nos membres embauchent davantage pour dispenser la formation, que ce soit sur la gestion de budget, la façon de vérifier sa cote de solvabilité, la façon de remédier aux dépenses exceptionnelles, et j'en passe. La liste est longue. Mais, il est clair que la formation est importante.
Une chose que l'on pourrait faire, c'est, plutôt que de proposer uniquement le paiement minimum aux consommateurs, le montant par défaut, il faudrait leur proposer plusieurs paiements différents. En payant un peu plus, le consommateur pourrait rembourser sa dette plus rapidement. Pour le moment, le montant par défaut, c'est le paiement minimum.
Le sénateur Eggleton : Que peut-on faire sur le plan législatif?
Mme White : On pourrait obliger les institutions financières à offrir plus d'options de paiement, plutôt qu'uniquement le paiement minimum.
Le sénateur Eggleton : Donc, on les oblige, légalement, à offrir des options de paiements plus élevés?
Mme White : C'est exact. Aussi, les gens doivent emprunter selon leurs besoins. Nous avons remarqué une autre tendance au cours des 10 dernières années, soit l'augmentation du nombre de marges de crédits accordées. Les consommateurs peuvent obtenir une marge de crédit de milliers de dollars, sans avoir à révéler à la banque pourquoi ils ont besoin de cet argent. On leur donne libre accès à de grosses sommes d'argent, et ils croient que cet argent leur appartient. C'est là qu'ils se mettent dans le pétrin. Ils devraient être tenus de donner la raison pour laquelle ils ont besoin d'une marge de crédit. Je crois que cela pourrait être légiféré. Voilà deux options.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Eisner, il y a quelques instants, vous avez parlé des mesures adoptées par le gouvernement concernant les hypothèques et l'information sur le crédit. Quelle autre mesure importante le gouvernement peut-il prendre pour améliorer la situation?
M. Eisner : Il faudrait obliger les écoles du pays à offrir un cours en gestion de budget. J'ignore à partir de quel âge, mais il faut le faire. En donnant aux jeunes de tels cours sur plusieurs années, nous leur donnerons des compétences qu'ils auront pour le reste de leur vie.
Le sénateur Eggleton : Nous leur enseignerons la littératie financière.
M. Eisner : C'est exact. Ils auront ces compétences pour le reste de leur vie, point à la ligne.
Mme White : Un autre moment pour obligatoirement éduquer les consommateurs serait lors de l'achat d'une propriété. Cela les aiderait à prendre de meilleures décisions. C'est un gros achat. S'ils étaient mieux informés, ils prendraient probablement de meilleures décisions.
Le sénateur Runciman : Les provinces ont-elles obligé les commissions scolaires à ajouter un tel cours à leur curriculum?
Mme White : Oui, mais pas toutes. Je sais que l'Ontario l'a fait récemment. Les cours devraient débuter dès septembre prochain, ce qui est excellent. Ce n'est pas le cas dans toutes les provinces, mais nous sommes sur le bon chemin.
Le sénateur Ringuette : Avez-vous participé au Groupe de travail sur la littératie financière?
Mme White : Oui. Tous nos membres, sauf un, se sont exprimés dans le cadre des consultations nationales. Le seul qui n'a pas pu le faire était en vacances, je crois, et ne pouvait assister à la consultation à Regina. Un des membres a fait une présentation au groupe de travail, et nous avons rédigé un mémoire afin d'expliquer notre vision nationale sur la question.
Le sénateur Ringuette : Combien de vos membres travaillent bénévolement au pays? Vous êtes une organisation à but non lucratif. J'imagine que vous avez des salariés?
Mme White : Oui.
Le sénateur Ringuette : Combien de conseillers employez-vous au pays?
Mme White : Environ 75. Nous avons 10 membres, dont certains sont de petits organismes. Par exemple, Family Service PEI compte deux conseillers. Bon nombre des membres de notre conseil d'administration sont bénévoles et représentent notre organisme au sein de divers comités. Le conseil d'administration de l'association est composé de bénévoles.
Le sénateur Ringuette : Je veux parler des services de conseil.
Mme White : Tous les conseillers sont salariés.
Le sénateur Ringuette : Vous employez 75 conseillers à l'échelle du pays?
Mme White : Oui, et ils sont tous rémunérés.
Le sénateur Ringuette : Quel est votre budget annuel?
Mme White : Pour un de nos membres?
Le sénateur Ringuette : Le budget de l'association.
M. Eisner : Les revenus de l'association, dont Mme White est la directrice administrative, proviennent, entre autres, des cotisations des membres. Le budget de l'association s'élève à environ 250 000 $.
Le sénateur Ringuette : Les salaires des 75 conseillers sont-ils tirés de votre budget d'exploitation?
M. Eisner : Non. Ils ne sont pas payés par l'association. Nos membres formulent leurs propres prévisions, ils établissent leurs propres budgets, et cetera. Nous comptons 28 employés dans le Canada atlantique. L'an dernier, nos revenus et nos dépenses totalisaient environ 2,5 millions de dollars.
Le sénateur Ringuette : Donc, on parle de 8 à 10 millions pour tout le pays.
M. Eisner : Un peu plus, je dirais. Nous sommes une grosse organisation. Mais, je crois que trois de nos membres ont des revenus et un budget plus élevés que les nôtres. Je dirais que c'est plutôt entre 25 et 30 millions de dollars.
Le sénateur Ringuette : L'an dernier, 63 millions de dollars ont été remboursés.
M. Eisner : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Lorsque l'on regarde vos coûts d'exploitation et les sommes remboursées aux créditeurs, dont probablement 75 p. 100 sont des institutions financières, y compris des sociétés de cartes de crédit, on constate qu'il s'agit d'un bon rendement du capital investi.
M. Eisner : Ce l'est pour les institutions financières. Elles récupèrent environ 80 p. 100 de leur argent, grâce à notre travail de prévention auprès de leurs clients. Elles aiment le travail que nous effectuons dans les écoles secondaires et les universités. Le secteur sans but lucratif de l'industrie du conseil en crédit n'est pas l'endroit pour se mettre riche.
Le sénateur Ringuette : Non. Nous savons que les seuls qui ont fait des profits pendant la récession sont les banques et les sociétés émettrices de cartes de crédit. Je comprends alors qu'elles vous fournissent 75 p. 100 de votre budget d'exploitation, puisque vos clients leur remboursent 63 millions de dollars par année. Je les félicite pour leur contribution.
M. Eisner : C'est plutôt environ 70 p. 100.
Le sénateur Ringuette : Vous avez fait des recommandations au sujet de l'éducation des consommateurs. J'appuie l'envers de cette recommandation, et vous en avez parlé à quelques reprises : l'irresponsabilité financière des institutions qui émettent des cartes de crédit aux gens qui ne peuvent pas se les permettre. Cette irresponsabilité devrait être la première recommandation, parce que c'est une évidence.
Vous avez aussi dit qu'il faudrait aborder la question du paiement minimum requis sur les cartes de crédit. Il y a deux ans, le Sénat a étudié la question des cartes de crédit et a recommandé une augmentation du paiement minimum requis, minimum que les institutions avaient diminué au cours des cinq dernières années. Par contre, cette recommandation n'a pas été acceptée.
Nous ne faisons rien de concret pour freiner ce cercle vicieux. En plus des cartes de crédit, les institutions financières accordent maintenant des marges de crédit, même à ceux qui n'en demandent pas. Elles encouragent les gens à dépenser l'argent qu'ils n'ont pas, puis les intérêts que ces personnes doivent payer les font sortir de leur zone de confort financier.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup d'être venus témoigner, monsieur Eisner et madame White. Je brûlais d'impatience à l'idée de participer à cette discussion.
J'ai été témoin de la dévastation que les problèmes financiers causent dans les familles, surtout parmi nos immigrants. Les institutions financières les bombardent de cartes de crédit, et ces familles n'ont pas les connaissances requises pour bien les utiliser. J'ai personnellement conseillé des personnes qui ont vécu cette situation. Non seulement ces circonstances créent un climat familial violent, mais elles mènent aussi à une grande pauvreté. J'ai été témoin de cet effet dans divers quartiers où je travaillais à Toronto.
Certains organismes à but lucratif trompent les gens. Les personnes paient pour un service qu'ils ne reçoivent pas.
Il faut souligner le travail que vous accomplissez. S'il vous plaît, poursuivez-le.
Vous avez mentionné que vous organisez des rencontres pour éduquer les groupes communautaires. Qu'avez-vous fait avec les groupes confessionnels? Ce sont des auditoires captifs en matière d'éducation, et si vous n'avez pas encore exploré cette possibilité, vous le devriez. Bon nombre de nos immigrants sont des gens de foi et ils demandent conseil auprès des dirigeants de leur groupe confessionnel. Vous seriez en mesure de faire passer vos messages.
Mme White : Tous nos membres visent les groupes communautaires, y compris les groupes confessionnels, parce que les gens dans le besoin se tournent naturellement vers eux. Bon nombre de nos agences entretiennent de bonnes relations avec les groupes confessionnels de même que les organismes d'aide à l'établissement des immigrants. Les immigrants connaissent extrêmement mal les règles en matière financière. Nous accomplissons déjà passablement de travail dans ce domaine.
Le sénateur Meredith : Comment ces groupes réagissent-ils?
Mme White : Ils réagissent généralement très bien. Les groupes communautaires cherchent à répondre aux questions des gens qui fréquentent leur organisme : les églises, leurs groupes d'aînés ou tous les autres groupes. Les organismes veulent cette information, parce que leurs membres ont ces besoins. Nous sommes leur ressource.
Le sénateur Meredith : Excellent. Je suis content de vous l'entendre dire.
Monsieur Eisner, vous avez parlé d'enseignement. Quelles discussions profondes avez-vous eues avec les commissions scolaires? À mon avis, les gens essayent parfois de discuter directement avec les directeurs, qui doivent alors demander la permission à leurs supérieurs. Quelles discussions profondes avez-vous eues avec les commissions scolaires pour mettre de l'avant ce type d'enseignement?
Nous parlons de mesures législatives, et j'ai parfois l'impression que l'on renvoie toujours la balle au gouvernement pour qu'il adopte des mesures concernant ces éléments. Votre organisme dispose d'une certaine latitude pour dire : « Écoutez; c'est crucial, et voici les faits. »
Mon collègue, le sénateur Finley, vous a demandé des statistiques. J'aimerais aussi avoir ces renseignements et voir les données selon les divers secteurs.
Vous disposez déjà des statistiques pour dire : « Voici les familles qui souffrent en raison d'un manque d'éducation. Ensuite, le problème se transporte dans les écoles que fréquentent leurs enfants. Ces mêmes écoles doivent avoir des clubs des petits déjeuners, parce que les familles ne sont pas en mesure de les nourrir à la maison. Par conséquent, monsieur le directeur, voici ce que je propose. »
Avez-vous eu ces discussions?
M. Eisner : Nous avons approché bon nombre de gouvernements provinciaux, de ministères de l'Éducation et ainsi de suite, et ils ont tous dit que ce que nous accomplissons est vital. Toutefois, le problème est que les programmes scolaires sont tellement remplis qu'il est difficile d'y inclure ce type d'enseignement.
Nous accomplissons probablement beaucoup plus au niveau universitaire que dans les écoles. Je préférais faire passer notre message aux élèves alors qu'ils sont encore à l'école et avant qu'ils ne reçoivent des prêts étudiants, parce que c'est vital qu'ils comprennent que le but n'est pas d'obtenir le plus d'argent possible; c'est d'obtenir ce dont ils ont besoin.
Il sera toujours difficile d'entrer dans le milieu scolaire. Nous soutenons complètement le concept de la littératie financière dont le gouvernement parle. Nous croyons que c'est ainsi que la littératie progressera.
Je souligne le travail du gouvernement ontarien. Mme White a mentionné que les représentants essayent d'entrer dans le milieu scolaire. Par contre, ce type d'enseignement doit se donner dans chaque école au Canada.
Le sénateur Meredith : C'est un enjeu important. Vous avez parlé plutôt des statistiques. Je ne me rappelle plus où je l'ai lu, mais les dépenses des Canadiens excèdent de 37 p. 100 leurs revenus. Ils sont sérieusement endettés. Nous avons parlé de cette statistique au sujet d'une question concernant la faillite.
Avez-vous songé à la possibilité, si les commissions scolaires n'insèrent pas ce type d'enseignement dans leur programme scolaire, que votre agence donne des cours le samedi matin aux parents et à ces mêmes élèves de niveau secondaire et collégial?
Encore une fois, l'objectif ici est de faire progresser cet enjeu rapidement au lieu de le laisser traîner. Nous devons délibérer, légiférer et ainsi de suite. Cet important enjeu touche des familles, et le temps presse. En ce qui concerne les diverses mesures provisoires que vous pourriez prendre dès maintenant pour offrir cet enseignement, avez-vous songé à organiser des rencontres dans ces mêmes écoles, ou même à demander la permission pour les utiliser?
Mme White : Notre organisme de conseil en crédit mène actuellement une étude pilote dans au moins une école primaire pour des élèves de cinquième et de sixième année. Les gens de l'organisme ont présenté ce projet à la commission scolaire. Ils ont demandé s'ils pouvaient donner un cours aux élèves de ce groupe d'âge; je crois qu'il s'agit d'enfants d'environ 10 ou 11 ans et nous croyons que c'est un bon âge. Selon nous, il s'agit seulement d'une idée parmi tant d'autres que les autres écoles et leur région peuvent reprendre et mettre en œuvre.
L'autre problème est que, selon nous, c'est important de pouvoir former l'enseignant, mais nous ne disposons pas de toutes les ressources nécessaires pour le faire. Il faut former les enseignants de ces écoles pour qu'ils soient capables d'enseigner la matière; nous voulons et pouvons le faire. Cette étude pilote a notamment comme objectif non seulement d'enseigner la matière aux élèves, mais aussi de former les enseignants.
Nous avons remarqué, et d'autres études l'ont aussi démontré, que cet enseignement a un effet indirect sur les parents à la maison.
M. Eisner : Tout le monde s'accorde pour le dire que le plus gros problème est l'uniformisation et que le plus gros obstacle est probablement le manque de ressources. En tant qu'organisme sans but lucratif, il y a des limites à ce que nous pouvons accomplir. C'est la passion qui nous pousse; nous frappons aux portes et faisons tout ce que nous pouvons pour diffuser notre message.
D'un point de vue national, le gouvernement a demandé de promouvoir la littératie financière, et c'est ce que nous avons fait. Je crois que vous remarquerez que nous nous accordons pour dire que l'enseignement doit se donner dans les écoles. Pour en revenir à vos points, je ne peux pas parler au nom de tous nos homologues, mais je sais qu'ils travaillent, entre autres, avec les parents.
N'oubliez pas que j'ai dit qu'il faut parler d'argent. J'aimerais lancer le message suivant : nous pouvons blâmer le gouvernement et les parents, mais tout le monde a un rôle à jouer à cet égard. Les consommateurs prennent les décisions financières qui les poussent dans un gouffre financier. Cela arrive, et c'est facile.
Si vous avez un être cher qui est malade, je peux vous conter les histoires que nous entendons matin, midi et soir. Ces consommateurs sont bien éduqués; la moitié des gens qui viennent nous voir le sont.
Le sénateur Ringuette : Est-ce que le nouveau joueur sur le marché financier canadien, l'industrie du prêt sur salaire, contribue à vos efforts en matière d'enseignement comme les autres institutions financières?
M. Eisner : Nous avons pris position. Nous avons participé deux fois aux audiences en Nouvelle-Écosse au sujet des prêts sur salaire. Je ne sais pas si je comprends la question, mais cette industrie n'aide pas.
Le président : Ces entreprises financent-elles votre organisme?
M. Eisner : Un peu. Les consommateurs utilisent leurs services normalement en dernier recours. Malheureusement, je crois que les consommateurs qui contractent des prêts sur salaire sont ceux qui peuvent le moins le faire; je parle ici des gens avec des revenus fixes.
Le sénateur Meredith : Monsieur Eisner, au sujet des faillites, vous avez mentionné que 80 p. 100 des gens qui viennent vous voir n'ont pas besoin de vos services, mais il y a aussi ceux qui en ont vraiment besoin. Après que vous les avez aidés avec le processus de faillite et que l'organisme ou le tribunal a démêlé leurs dettes, quel soutien est-il alors offert à cette famille?
Les gens ont déclaré faillite et ont maintenant la cote de crédit R9. J'ai travaillé pour American Express, je connais les règles d'Equifax, et je suis au courant de la situation que vivent les gens avec des cotes de crédit R1 et R2.
J'ai deux questions. Premièrement, quel soutien offrez-vous aux gens après qu'ils ont déclaré faillite? Deuxièmement, qu'aimeriez-vous nous dire par rapport au fait qu'une personne qui déclare faillite reçoit une cote de crédit R9 et qu'une personne qui rembourse la totalité de ses dettes reçoit également une cote de crédit R9? En ce qui concerne les 30 recommandations qui se trouvent dans votre rapport, qu'attendez-vous au juste de nous? Vous en avez parlé seulement de trois jusqu'ici, mais il y en a évidemment d'autres.
Le président : Aimeriez-vous répondre par écrit ou pouvez-vous répondre brièvement?
M. Eisner : Je vais vous résumer ma pensée, mais nous aimerions vous envoyer un rapport.
Le président : Vous pouvez l'envoyer à notre greffier, qui le distribuera dans les deux langues officielles à tous les membres du comité.
M. Eisner : Nous vous enverrons une réponse par écrit, mais la version courte est simple. Lorsqu'une personne déploie des efforts, elle doit récolter quelque chose.
Le président : Madame White, êtes-vous d'accord?
Mme White : Tout à fait.
Le président : Merci beaucoup à vous deux d'être venus témoigner et de nous avoir aidés à comprendre les services de conseil en crédit pour les consommateurs canadiens.
Mme White : Merci beaucoup. Je vous remercie de votre temps.
Le président : La séance est levée.
(La séance est levée.)