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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 3 - Témoignages du 4 mai 2010


OTTAWA, le mardi 4 mai 2010

Le Comité permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et océans du Canada (sujet : les phares canadiens).

Le sénateur Dennis Glen Patterson (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : La séance est ouverte. Je suis heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent des pêches et océans. Je suis le sénateur Dennis Patterson et je viens du Nunavut. Je suis le vice-président du comité, que je vais présider ce soir. Je vous souhaite la bienvenue.

Il y a quelques semaines, le comité a entrepris sa vaste étude sur les phares canadiens. Jusqu'ici, nous avons entendu les témoignages du ministre des Pêches et Océans, de la Garde côtière et d'autres fonctionnaires ici à Ottawa. Nous commençons à peine nos délibérations. Je veux dire haut et fort que nous avons l'intention de nous rendre à divers endroits au pays, notamment la Colombie-Britannique et les Maritimes, dès l'approbation de nos budgets.

D'ici là, c'est ici à Ottawa, que nous entendons les témoignages. Ainsi, je suis heureux du fait que nous entendrons ce soir les représentants de l'Union canadienne des employés des transports et des Gardiens de phares de la Colombie- Britannique. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Christine Collins, présidente nationale de l'Union canadienne des employés des transports, ainsi qu'à Steve Bergh, président des Gardiens de phares de la Colombie-Britannique.

Madame Collins et monsieur Bergh, je crois comprendre que vous avez tous deux des déclarations préliminaires à faire. Je vais vous inviter à vous adresser au comité, puis vous pouvez sans doute vous attendre à ce que les sénateurs aient des questions pour vous. Cela dit, pourriez-vous commencer, madame Collins?

Christine Collins, présidente nationale, Union canadienne des employés des transports : J'aimerais vous remercier de m'offrir l'occasion de comparaître aujourd'hui. L'Union canadienne des employés des transports est le syndicat national de la plupart des employés syndiqués de la Garde côtière, incluant les gardiens de phares. Nous sommes un vaste syndicat des transports, qui compte plus de 70 unités de négociation; en raison de notre taille, de notre degré de diversification et de notre expérience avec de nombreux modes de transport et d'organismes, nous avons tendance à envisager les choses selon une perspective plus vaste que même les gestionnaires du gouvernement qui sont assis de l'autre côté de la table. C'est cette perspective que nous aimerions vous présenter aujourd'hui.

J'espère sincèrement que vous avez eu l'occasion de lire les notes de présentation que je vous ai transmises. J'aborderai les principaux éléments de ces notes. Je suis impatiente d'entendre vos questions et de discuter avec vous des détails importants que vous allez soulever.

Je suis convaincue qu'il est essentiel que vous entendiez le point de vue d'autres gardiens de phares de partout au Canada, de même que celui d'autres intervenants clés, notamment celui des pêcheurs, des entreprises de transport et même des organismes gouvernementaux de Garde côtière non canadiens qui utilisent les services offerts par nos gardiens de phares et dont ils dépendent. Les fonctionnaires qui prennent la parole ne devraient pas craindre que le fait d'exprimer leurs points de vue puisse avoir une influence négative sur leur carrière. Les gardiens de phares doivent avoir la même assurance; ils ne devraient pas avoir à subir de répercussions parce qu'ils auront pris la parole.

À partir d'une perspective plus vaste que celle qui vous a été présentée par la Garde côtière canadienne, nous aimerions que vous preniez en considération ce qui suit : les membres du public n'envisagent pas les services publics dans le cadre du contexte du mandat d'un ministère ou d'un organisme précis. Les gardiens de phares offrent une foule de services, des services de sécurité maritime pour la recherche et le sauvetage, la surveillance météorologique et la surveillance des tempêtes, des services de communications et de trafic maritime, la surveillance des flottilles de pêche, des programmes de surveillance côtière des services policiers, l'intervention environnementale et la lutte contre la pollution, la surveillance de l'activité sismique, la collecte de données scientifiques et la surveillance de ces dernières ainsi que la surveillance des activités récréatives. Au moins neuf autres organismes et ministères du gouvernement bénéficient de ces services.

Le mandat de la Garde côtière ne se limite pas à des lumières, des cornes de brume et des aides à la navigation. La Garde côtière assume des responsabilités pangouvernementales en matière de recherche et sauvetage, d'intervention environnementale, de communications maritimes, de sûreté et de sécurité maritimes, et cetera. Je vous encourage à examiner attentivement le mandat de la Garde côtière et de son cadre législatif. Les services fournis par les gardiens de phares devraient également être envisagés selon la perspective de la gestion et de l'atténuation des risques. Quels sont les coûts évités grâce aux systèmes d'avertissement précoce, aux communications et aux renseignements météorologiques transmis aux entreprises de transport maritime, aux flottilles de pêche et à d'autres intervenants? Il faudrait également examiner toutes les fonctions de la Garde côtière selon le point de vue de la production de recettes. Quels sont les droits payés par les autres ministères pour profiter des services de la Garde côtière, comme ceux fournis par les gardiens de phares? Ces droits devraient-ils être augmentés?

La Garde côtière mentionne le coût des hélicoptères et des navires qui sont mis en disponibilité pour soutenir les fonctions des gardiens de phares. Toutefois, ce qu'on ne mentionne pas, c'est que ce matériel est essentiel à de nombreux rôles de la Garde côtière, et qu'il continuerait à être utilisé et déployé, avec ou sans présence des gardiens de phares. Ce qu'il faut retenir, c'est que l'on ne peut aborder la question des coûts sans examiner les solutions de rechange. Quels seraient les véritables coûts de l'automatisation, particulièrement dans le cadre de la cession des phares? La Garde côtière et le gouvernement croient-ils vraiment n'avoir aucune responsabilité financière à assumer relativement aux phares dont ils se seront départis alors que le matériel de la Garde côtière y sera toujours entreposé?

Nous comparons le Canada à d'autres pays industrialisés; il nous faut donc placer cette comparaison en contexte. Nous avons le plus long littoral au monde, avec les responsabilités que cela suppose. Nous avons également les eaux les plus froides. Comparativement à d'autres administrations, notre présence militaire est faible, et la population, clairsemée. Qu'observe-t-on au Chili et au Brésil, dont les eaux froides et les longs littoraux sont comparables aux nôtres? Quelle est la véritable situation en Alaska, où la présence militaire est énorme? Il est important d'entendre ce que le Bureau de la sécurité des transports a à dire sur la sécurité des petits navires, et d'examiner les activités de pêche dans le Nord; il faut poser les questions suivantes : Quel est le rôle clé que jouent nos gardiens de phares présentement? Que pourrait-il être à l'avenir si leur fonction était soutenue et encouragée? Et la souveraineté dans l'Arctique, dans tout ça? Les gardiens de phares assurent la présence physique sur le terrain essentielle à la souveraineté.

Un dernier aspect, mais non le moindre, pourquoi faut-il toujours que l'administration centrale cherche à sabrer dans les services régionaux quand les dirigeants politiques veulent réaliser des économies? Pour 2,4 p. 100 des effectifs de la Garde côtière, représentant des économies projetées de moins de 1,4 p. 100 du budget d'exploitation annuel total de la Garde côtière, il faut se poser la question suivante : n'aurait-on pas pu trouver les huit ou dix millions de dollars ou je ne sais trop à l'administration centrale, grâce à des économies administratives ou en consolidant des volets de l'administration? C'est certainement notre avis.

J'espère sincèrement que vous examinerez attentivement les questions soulevées à partir d'une perspective plus vaste. Je vous ai proposé quelques pistes, mais il pourrait y en avoir d'autres. Je vous encourage à relancer le débat en le recentrant sur les principaux enjeux, et quand vous le ferez, vous appuierez la conclusion selon laquelle les gardiens de phares jouent un rôle important qui devra être renforcé et, qu'ils devraient être appuyés.

Le vice-président : Je souhaite la bienvenue au sénateur Roméo Dallaire, du golfe du Saint-Laurent, et au sénateur Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador. Monsieur Bergh, nous vous écoutons.

Steve Bergh, président, Gardiens de phares de la Colombie-Britannique : Bonsoir sénateurs. Je suis le président des Gardiens de phares de la Colombie-Britannique, section locale 20232, et j'occupe le poste de gardien de phare depuis 27 ans. Je suis également un pêcheur qui compte 38 années d'expérience. Par conséquent, j'ai une bonne connaissance fonctionnelle à la fois des services de gardiens de phares à l'endroit des marins et de l'appréciation des pêcheurs à l'égard des services offerts par les gardiens de phares. Je comprends les outils de navigation utilisés par les marins, ainsi que leurs avantages et leurs limites.

J'aimerais vous exprimer le profond sentiment de responsabilité que je ressens en comparaissant devant vous aujourd'hui. C'est la toute première occasion que quelqu'un de la côte Ouest a de vous faire connaître les besoins de cette région à propos des services des phares. La ministre Shea et le commissaire de la Garde côtière Da Pont ont passé beaucoup de temps devant vous, et la directrice Steele a été affectée au rôle de conseillère auprès de votre comité sans période égale de réfutation. Avec respect et un sentiment de responsabilité envers le public, j'aimerais dire que je suis également préoccupé par le fait que le sénateur Raine, le seul sénateur provenant de la Colombie-Britannique, a déclaré moins de deux heures après le début des délibérations être convaincue du point de vue de Susan Steele, directrice régionale des services maritimes de la Garde côtière canadienne, et ce, avant même d'avoir pris connaissance des besoins de ses citoyens. Cette situation survient malgré une opposition répandue en C.-B. à l'égard de l'élimination de l'effectif des phares, une démarche réitérée l'an dernier après qu'on a eu vent des intentions du commissaire à cet égard en septembre 2009. L'Union des municipalités de la Colombie-Britannique a voté à l'unanimité en faveur de la résolution suivante :

[...] que l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique et la Fédération canadienne des municipalités demandent au premier ministre d'interrompre toutes les démarches d'élimination du personnel des phares [...]

Je vous présente cette résolution ainsi que des exemplaires des lettres expédiées à la ministre Shea et acheminées en copie conforme à mon attention en provenance de 19 districts, villes, villages et hameaux côtiers. Puis-je affirmer qu'il y a sans doute eu davantage de lettres envoyées à la ministre, mais qu'il ne s'agit là que de celles dont j'ai obtenu copie.

J'aimerais également porter à votre attention les énoncés des représentants fédéraux et provinciaux, notamment la déclaration de la politique des conservateurs de 2008 :

Les phares sont une importante contribution à la souveraineté canadienne, assurent la sécurité publique en particulier celle des embarcations ludiques et des kayakistes, sont une présence essentielle permettant de surveiller les hydravions et la circulation maritime et aident à mater la contrebande.

L'énoncé du Parti vert et l'énoncé du Nouveau Parti démocratique appuient également les phares gardés. Veuillez prendre note de l'absence de frontières politiques à l'appui des phares gardés.

Avec respect et un sentiment de responsabilité envers la sécurité du public, je ressens également le besoin de faire valoir auprès de votre comité qu'en 2007, Jim Abram — qui est et qui était le directeur élu du district régional de Strathcona — et moi-même nous sommes rendus disponibles en vue d'une rencontre avec M. Bill White, le représentant de la côte ouest du ministère de la Sécurité publique, afin d'aider ce ministère à comprendre les capacités des phares en matière de sécurité publique et de souveraineté. Il m'a semblé logique, dans le cadre de notre description de travail, de collaborer avec les autres ministères, dont le Programme de surveillance des côtes de la GRC. M. White, dans un geste poli, a demandé à la Garde côtière la permission de visiter le phare de la pointe Chatham, où j'étais posté. Il n'exigeait aucun accompagnement — il se montrait simplement poli. Veuillez comprendre que les phares ne sont pas des lieux d'accès restreint. Habituellement, même les membres du public sont autorisés à y accéder, à condition d'être escortés par le gardien de phare.

Ce représentant du ministère de la Sécurité publique s'est vu refuser la permission de visiter le Phare de la pointe Chatham par la directrice régionale Susan Steele. Lorsque j'ai demandé à cette dernière pourquoi elle avait refusé l'accès à M. White, elle m'a répondu que le ministère de la Sécurité publique était à l'affût de nouvelles acquisitions pour assurer son avenir, et que les phares gardés étaient l'apanage de la Garde côtière.

Je suis également préoccupé par le fait que, le 10 avril, trois jours avant la réunion du 13 avril du présent comité amorçant son examen des phares, les gardiens de phares ont reçu un rappel portant qu'ils étaient liés par leurs conditions d'embauche et ne devaient pas prendre la parole. Nous croyons comprendre que d'autres employés de l'État au fait des services des phares ont récemment reçu un avertissement similaire.

Le 26 avril 2010, tous les employés de la Garde côtière ont reçu un avis du commissaire adjoint Vija Poruks, qui précisait que la directrice Steele est bel et bien la personne-ressource pour toute question liée à ce travail et coordonne tous les renseignements produits à l'intention du CPPO du Sénat.

Sans vouloir être irrespectueux, j'aimerais souligner le fait que la directrice Steele, en sa qualité de surveillante de tous les employés de la région de l'Ouest et de défenderesse de l'élimination du personnel des phares, n'est pas une intermédiaire appropriée. Bien que l'avis émanant du commissaire adjoint Poruks n'ait peut-être pas eu pour but d'entraver les communications, je peux vous assurer que c'est exactement l'effet qu'il aura.

Vu la réelle possibilité que les sénateurs du comité puissent recevoir beaucoup de renseignements utiles dans le dossier des phares gardés de la part des fonctionnaires de plusieurs ministères, pouvons-nous obtenir la garantie que ces employés seront invités à communiquer directement avec vous, et qu'ils seront protégés contre les représailles afin de pouvoir s'exprimer librement au moment de se présenter devant le comité et leurs représentants de l'État. Que pareille garantie soit accordée ou refusée, nous demandons une confirmation de ce fait par écrit.

Puisque j'ai si peu de temps de parole devant le comité, dans l'intérêt de la sécurité publique, j'estime qu'il m'est nécessaire d'aborder les points que la hiérarchie de la Garde côtière utilise à chaque tentative de licenciement et qu'elle utilise à nouveau dans la présente situation. Nous trouvons que ces mêmes points soulevés continuent d'être inexacts et trompeurs.

Concernant les services additionnels, nous vous présentons un exemplaire de notre description de travail, la pièce jointe no 3, et « Les responsabilités des services de phares », la pièce jointe no 4.

D'après la documentation soumise par la Garde côtière, les objectifs de la GCC sont les suivants :

La sécurité maritime (préparation, prévention et intervention); la protection de l'environnement marin et des eaux douces; la facilitation du commerce maritime et du développement durable; le soutien de l'excellence scientifique des marins; l'appui des priorités maritimes du Canada.

Sont énoncés comme services de la Garde côtière les points suivants :

La recherche et le sauvetage en mer; l'intervention environnementale; les services de brise-glace; les services de communication et de trafic maritimes; les aides à la navigation; les voies navigables et la gestion; la sécurité maritime; le soutien des mandats de gestion des ressources du ministère des Pêches et des Océans; l'appui des autres objectifs du gouvernement.

Les gardiens de phares participent activement à la prestation réussie de presque tous ces services énoncés et à l'atteinte subséquente de tous les objectifs énoncés. Malgré les efforts pour minimiser l'importance du rôle et des capacités des phares gardés, les gardiens de phares continuent de servir efficacement le public, tels que mandatés par la Garde côtière.

Concernant l'énoncé selon lequel le rôle des gardiens de phares dans la recherche et le sauvetage est « le simple fruit de leur présence sur place », je crois qu'on pourrait dire cela de tout service de sécurité dont l'emplacement est planifié et stratégique. Les phares ont été érigés à des endroits stratégiques le long de la côte : près des principaux correctifs à la circulation ou ports de débarquement, des zones de grand achalandage présentant des risques spécifiques, des confluents des eaux navigables et des étendues. Dans de nombreux cas, les gardiens de phares ont fait partie intégrante de la réussite des opérations de sauvetage. Veuillez vous attarder aux documents et aux témoignages des marins.

Concernant les « navires de passage », le centre de coordination des opérations de sauvetage, le RCC, laisse toute l'assistance aux marins, s'il ne s'agit pas d'une situation de détresse ou urgente, aux « navires de passage », c.-à-d. aux collègues marins. C'est seulement si aucun n'est présent ou disposé à intervenir que le RCC mandate les ressources de la Garde côtière, notamment les gardiens de phares, au besoin. Si une situation d'urgence ou un appel de détresse est constaté, toutes les ressources de la GCC sont invitées à intervenir sous réserve de leurs capacités et actifs individuels. Entre autres aptitudes maritimes, les gardiens de phares sont formés pour conduire des embarcations, dispenser des premiers soins et en RCR, ainsi que pour transporter des patients blessés.

En matière d'intervention environnementale, les gardiens de phares ont joué un rôle déterminant lors du déversement de Nestucca en 1998. Les gardiens de phares ont été les premiers à repérer et à signaler le déversement, et les phares de la côte ouest ont fourni des plateformes pour l'intervention. Les phares peuvent également entreposer les objets nécessaires aux interventions. Les données météorologiques émanant des phares seront essentielles aux démarches fructueuses. Si ces actifs publics ne font pas partie du plan d'intervention en cas de déversement à ce moment-ci, on serait en droit de se demander : « Pourquoi pas? »

Concernant les rapports sur les conditions météorologiques, même si la Garde côtière affirme présentement que les services de renseignements météorologiques que les gardiens de phares fournissent sont en fait la responsabilité d'Environnement Canada, la prestation de ces services de données exactes et fiables est une composante clé de l'objectif de la Garde côtière de prévention des incidents. Environnement Canada aide également la Garde côtière en offrant des prévisions (souvent alimentées directement par les observations des gardiens de phares) aux marins et aux aviateurs côtiers. Ce service complet est certainement un service de la Garde côtière, qui assumerait la responsabilité d'intervenir lors d'incidents — dont le nombre serait sans doute élevé — si ce service n'était pas disponible. Il est important pour les sénateurs de comprendre qu'Environnement Canada, par le truchement de ses services météorologiques, fait sans doute épargner beaucoup plus d'argent à la Garde côtière que ce qu'il lui en coûte.

Veuillez vous reporter à la pièce jointe no 5, qui contient les témoignages des marins et des aviateurs, y compris des lettres qu'on nous a fait parvenir au sujet des besoins des marins de Terre-Neuve-et-Labrador.

Au sujet du matériel automatisé, comme les gardiens de phares remplacent les ampoules, même lorsqu'elles se trouvent dans un réseau, enclenchent les mécanismes qui ont omis de le faire automatiquement, enlèvent la neige, la glace, la condensation et les algues qui se sont déposées sur les lentilles, il semblerait aux yeux de la hiérarchie de la GCC que peu de tâches sont essentielles à la réussite d'une aide à la navigation dite « automatisée ». Je ferais la mise en garde suivante : l'omission par les membres du public de signaler une panne des autres aides fixes en tant qu'indicateurs de leur fiabilité peut également mener à des conclusions erronées. Si le public s'habitue à une puissance réduite requise par l'« automatisation », nous vous mettons en garde contre le fait que, sur les principales aides comme les phares, on pourrait présumer à tort de l'absence de risques accrus.

Rappelez-vous aussi que la GCC ici ne renvoie qu'aux lumières. C'est un fait notoire que les données émises par l'équipement météo automatisé sont imprécises ou non disponibles; comme la GCC refuse d'admettre toute responsabilité en matière de prestation de services météorologiques, par conséquent, elle ne mentionne pas ce fait. Veuillez vous reporter à la pièce jointe no 6.

En lien avec les progrès technologiques, j'ai joint une lettre du capitaine du traversier de l'État de l'Alaska, le Malaspina, qui se déplace deux fois par semaine entre Seattle et l'Alaska — voir la pièce jointe no 7 — et qui décrit la navigation dans le monde réel. Ce capitaine souligne l'importance de la luminosité des principales aides, dont bon nombre sont des phares. Il affirme que cette luminosité diminue maintenant que la Garde côtière canadienne effectue la transition vers un mode « automatisé ». Cette lettre parle de l'île Verte, en C.-B. La lettre date de 1995, soit au moment de la dernière tentative de licenciement du personnel des phares. Nous l'avons jointe, car elle décrit les difficultés le long des côtes, lesquelles se poursuivent, peu importe l'évolution du matériel. Souvent, lorsque l'électronique des navires flanche, ces navires perdent tous leurs outils. Les marins ont besoin de tous les renseignements vérifiables qu'ils peuvent obtenir.

Concernant le fait qu'il n'y a pas d'augmentation des risques pour les marins aux endroits où les licenciements ont eu lieu, comment confirmer cette affirmation? Puisque nous en sommes à une époque d'« évaluation des risques » — même les gouvernements mesurent la vie par rapport à des dividendes pécuniaires relativement modestes et imaginaires —, une compréhension des risques devient d'autant plus insaisissable. Lorsqu'un gardien de phare repère des personnes s'agrippant à la coque d'un navire renversé, comme cela s'est produit au cap Beale, en 2004, repère la dernière et unique fusée fonctionnelle d'un marin par une nuit de tempête, comme c'est arrivé au cap Scott, en 1999, ou recherche et trouve un pilote dont l'avion s'est écrasé — cela s'est produit à la pointe Dryad, en 2001 —, alors que personne d'autre ne les a aperçus, on est en droit de présumer que si personne n'avait été en fonction à ces endroits, ces situations auraient pu connaître des fins tragiques. Ce ne sont là que quelques exemples, pour lesquels les gardiens de phares ont mérité des éloges depuis la dernière tentative de licenciements. Rappelez-vous que les phares sont situés à des endroits géographiques où le risque est accru. Ce n'est pas par hasard que les gardiens de phares peuvent changer les choses en étant postés à ces endroits.

Ensuite, quand nous avons demandé aux pêcheurs alaskiens leur opinion au sujet du licenciement du personnel des phares dans cette zone, nous avons reçu une lettre de la Southeast Alaska Fishermen's Alliance, ainsi qu'une lettre du directeur général de cette alliance, qui traitent de leur expérience plus personnelle en Alaska et de leur appréciation des phares gardés tandis qu'ils circulent le long de la côte de la Colombie-Britannique. Veuillez remarquer que ces pêcheurs m'ont affirmé qu'avec la montée de la pêche récréative en Alaska, ils étaient encore plus inquiets du fait que le manque de données météorologiques fiables se traduirait par des pertes de vie. Veuillez vous reporter à la pièce jointe no 8.

Sénateurs, la plupart d'entre vous ne connaissez que les phares que vous avez croisés sur la route le long de la Gaspésie, ou peut-être le long des côtes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse ou de l'Île-du-Prince-Édouard. Les postes de la Colombie-Britannique et les postes éloignés de Terre-Neuve-et-Labrador sont très différents sur le plan de l'accès, et surveillent un littoral différent.

Sénateurs, vous qui vivez dans les confins d'une ville et qui êtes habitués à la sécurité et à la sûreté conférées par quatre murs et des routes asphaltées, je vous conjure de tenir compte des besoins des peuples autochtones, des habitants des côtes, des marins, des aviateurs côtiers et des autres travailleurs et voyageurs qui doivent se déplacer dans des environnements moins prévisibles. Veuillez prendre en considération leurs requêtes relatives au maintien de ces services de phares. Nos autoroutes maritimes ne ressemblent pas aux vôtres. Elles se caractérisent par un tangage et un roulis spectaculaires, selon les vents et les marées, et elles camouflent des obstacles.

Puisque le gouvernement fédéral doit administrer ces eaux navigables et qu'il en a donc la responsabilité, sénateurs, je vous pose la question suivante : quels services de sécurité voudriez-vous avoir afin de pouvoir passer tous vos jours et toutes vos nuits dans un tel endroit? Je vous demande également de vous rappeler les marins de Terre-Neuve-et- Labrador. Nous avons joint à votre intention des lettres qui soulignent leurs besoins.

Le vice-président : Madame Collins et monsieur Bergh, merci. Monsieur Bergh, j'aimerais prendre acte de vos commentaires sur l'importance d'obtenir la contribution des employés et de votre demande pour l'obtention de certaines assurances de la part de notre comité. Nous allons examiner ces recommandations et en avons pris note. J'aimerais vous remercier pour la foule de renseignements que vous avez réunis dans les pièces que vous avez citées. Nous venons tout juste de les recevoir, mais elles nous seront très utiles.

M. Bergh : Sénateur, il n'y a pas de quoi.

Le vice-président : Les membres du comité peuvent poser leurs questions au témoin de leur choix, mais j'aimerais poser à Mme Collins des questions sur la consultation auprès du syndicat. La ministre Shea, qui a comparu devant le comité le 13 avril, nous a dit avoir beaucoup discuté avec le syndicat concernant la question du licenciement du personnel restant des phares. En outre, le syndicat a participé à la discussion avant que l'exercice ne soit entrepris. Le plan de licenciement était un plan d'attrition, de sorte que personne n'allait perdre son emploi. La Garde côtière garantirait que les employés auraient un emploi ailleurs au sein de ses rangs. Je vous répète plus ou moins ce que la ministre nous a dit.

Pourriez-vous nous dire quand les discussions avec le syndicat que je viens de mentionner ont eu lieu, si vous le savez?

Mme Collins : J'ai rencontré le commissaire de la Garde côtière et j'ai discuté avec lui l'automne dernier, au moment où la Garde côtière annonçait le licenciement du personnel des phares. Le commissaire a eu la courtoisie d'organiser une réunion préalable à son annonce. À ce moment-là, le commissaire a indiqué que la Garde côtière allait trouver des emplois pour les gardiens de phares, que ce soit sur des navires ou sur terre. Cela a dû avoir lieu en septembre dernier, je crois.

Le vice-président : Merci.

Mme Collins : Aimeriez-vous que je vous donne davantage de détails sur les discussions qui ont suivi?

Le vice-président : Si vous avez quelque chose à ajouter qui pourrait nous être utile, certainement.

Mme Collins : Nous avons effectivement fait un suivi, et avons eu l'occasion de rencontrer la ministre à ce moment- là. Elle a alors mis fin au licenciement des gardiens de phares et annoncé qu'elle ferait mener une étude indépendante.

Nous avons eu des discussions de suivi avec la Garde côtière, afin de déterminer s'il était possible de discuter de la nécessité du maintien des phares gardés. Malheureusement, rien n'est sorti de ces discussions. Nous avons également rencontré le représentant de la Garde côtière afin de parler de la forme que l'étude prendrait. Manifestement, c'était avant que nous ne soyons informés de la présente approche; la décision de mettre en place un comité sénatorial était très récente. Au moment où nous croyions qu'il allait s'agir d'un examen ministériel, nous étions d'avis qu'il serait important que les gardiens de phares et les intervenants participent à l'examen. Il y a sans doute eu quatre réunions différentes.

Le vice-président : Merci beaucoup.

Je tiens à vous rassurer : il ne s'agit plus d'un examen ministériel. Comme vous le savez sans doute, nous avons défini un vaste mandat. Nous allons examiner la situation de manière indépendante, tout en gardant l'esprit ouvert.

J'invite maintenant les sénateurs à poser leurs questions.

Le sénateur Nancy Ruth : En ce qui concerne les emplois garantis, pourquoi s'agit-il d'une proposition aussi insatisfaisante pour les gardiens de phares de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve ou d'ailleurs — c'est-à-dire pour les 51 gardiens de phares en place?

Mme Collins : Il ne s'agit pas précisément d'une question d'emploi. Il s'agit d'un service nécessaire au public. La véritable question, c'est la sécurité, la recherche et le sauvetage et le fait de fournir l'aide aux marins. Cela va au-delà d'une garantie d'emploi qui, d'après ce que nous comprenons, n'est même plus en vigueur. C'était avant le budget.

Le sénateur Nancy Ruth : Voulez-vous dire que c'était avant l'annonce du budget?

Mme Collins : Les discussions qui ont eu lieu avant les annonces — selon lesquelles il y aurait des emplois sur une base ou un navire de la Garde côtière — portaient sur des postes de l'automne dernier. En ce moment, ces postes n'existent peut-être plus. Cette garantie nous a été donnée pendant notre première discussion avec le commissaire. Elle n'est sans doute plus sur la table aujourd'hui.

Le syndicat a subi de réelles pressions pour accepter cette offre parce qu'aucun employé occupant un poste à durée indéterminée ne perdrait son emploi. C'était en septembre dernier. Ce n'est plus nécessairement vrai aujourd'hui, et le commissaire nous a clairement dit qu'il ne serait peut-être pas capable de prendre le même engagement six ou douze mois plus tard. Cependant, à ce moment-là, nous n'avons pas convenu de licencier le personnel des phares pour les motifs dont j'ai parlé.

Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous aviez ces conversations, aviez-vous reçu la garantie, sous une forme ou l'autre, que les gens qui travaillent en Colombie-Britannique auraient des emplois dans la province ou sur l'autre côte? Une personne qui travaille sur la côte ouest ne se ferait pas muter à la Garde côtière au lac Ontario ou quelque chose du genre, n'est-ce pas?

Mme Collins : Ça aurait été possible, oui. C'est une façon de faire, et la Garde côtière n'y échappe pas. Il n'y avait aucune garantie quant à l'emplacement géographique précis des emplois qui seraient proposés. Il y avait des emplois sur divers navires et diverses bases de la Garde côtière qui auraient accueilli des gardiens de phares qui occupaient des postes à durée indéterminée.

Le vice-président : Sans vouloir interrompre le fil de la discussion, je soulignerai que la ministre Shea a comparu devant le comité le 13 avril. Dans les transcriptions, vous constaterez une citation relative à une garantie d'emploi; il pourrait être utile à quiconque examinant cette question de passer en revue exactement ce qui s'est dit.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Bergh, pendant votre déclaration préliminaire, vous avez dit : « Rappelez-vous que les phares sont situés à des endroits géographiques posant un risque accru. »

Y a-t-il une différence entre les phares gardés « situés à des endroits géographiques posant un risque accru » et les phares automatisés? Comme je viens de l'Ontario, je présumerais qu'un phare est situé là où il y a un risque pour les marins, alors je me demande s'il y a une différence entre les phares qui sont gardés et ceux qui sont automatisés.

M. Bergh : Le personnel de certains phares très importants et stratégiques a été licencié, notamment au cap St. James, à l'extrémité sud des îles de la Reine-Charlotte. C'était un important phare ainsi qu'une station météorologique. À mon avis, c'était l'un des phares les plus importants de la côte ouest.

Il a été démoli. Je pense qu'on y trouve maintenant une lumière automatique, et c'est tout. Il y avait là un port de débarquement très important. Des renseignements météorologiques étaient précieux pour les personnes qui traversent le détroit de la Reine-Charlotte, pour les pêcheurs de flétans, de saumons et de goberges qui y pêchaient. Les phares de Lucy Island et de Pointer Island en sont deux autres exemples. Leur personnel a été licencié, pas cette fois-ci, mais la fois précédente.

Le sénateur Nancy Ruth : Les pêcheurs ont-ils la possibilité, grâce à la technologie, d'obtenir les renseignements météorologiques qu'ils auraient obtenus des gardiens de phares? Ont-ils d'autres moyens de les obtenir?

M. Bergh : Il y a des bouées automatiques. Elles ont tendance à tomber en panne, et il est très difficile de réparer celles qui sont situées dans des emplacements éloignés, particulièrement quand les périodes d'intempéries sont longues. Tout récemment, un système automatisé d'observations météorologiques, AWOS, pour les aéroports de Bella Bella, sur les côtes centrales de la Colombie-Britannique, est tombé en panne. À partir d'un aéroport où c'était possible de tout bonnement sauter dans un avion avec une boîte à outils et rentrer à la maison le même jour à partir de Vancouver, il a fallu quatre jours pour réparer ce système. Par conséquent, vous pouvez vous imaginer le problème si l'un de ces systèmes tombe en panne sur Sartine Island, au large du cap Scott, un site de données météorologiques automatisées très important. La réparation pourrait prendre des mois.

Le sénateur Cochrane : Puis-je poser une question supplémentaire? À la suite du licenciement des gardiens de ces phares, avez-vous fait le suivi de ce qui est arrivé depuis que les phares ont été mis hors service? Y a-t-il eu des désastres ou des accidents qui ont découlé de cette situation? Qui répond aux besoins des pêcheurs?

M. Bergh : Ils répondent à leurs propres besoins, et la Garde côtière prend soin d'eux. Si on parle de cap St. James, il y a un canot de sauvetage à Port Hardy et un autre à Bella Bella. Je n'ai pas les données entre les mains présentement, mais je suis certain qu'il y a eu d'importants incidents là-bas attribuables à de mauvais renseignements météorologiques depuis que le phare de cap St. James a été démoli et que ses gardiens ont été licenciés. Je n'ai pas cette information entre les mains présentement.

Mme Collins : Remarquez que j'ai joint de la documentation du Bureau de la sécurité des transports à mes notes de présentation. Dans le rapport, le bureau signale l'augmentation du nombre d'accidents impliquant des bateaux de plaisance et des navires de pêche. J'ai joint ces documents, mais il vaudrait sans doute la peine que le comité entende des témoignages sur l'augmentation du nombre d'accidents impliquant de petits navires, plus particulièrement les navires de pêche. Ces derniers représentent une énorme collectivité qui dépend pas mal des phares.

Le sénateur Hubley : Merci de votre exposé de ce soir.

Je vais vous demander de nous donner votre avis sur les déclarations suivantes faites par le commissaire de la Garde côtière quand il a comparu devant le comité le 20 avril de cette année : « Quand une lumière tombe en panne, les marins nous avisent presque immédiatement. Nous n'avons pas eu à mettre en place un autre système qui aurait pu être plus rapide. »

Qu'en pensez-vous?

M. Bergh : Je peux vous parler d'une lumière en panne qui a été signalée par le gardien de phare de l'île Lennard, au large de Tofino. Elle était en panne depuis plusieurs jours quand le gardien l'a rallumée.

Certains techniciens qui s'occupent de faire l'entretien annuel des lumières sont tombés sur des lumières en panne. Il y avait une lumière sur le fleuve Fraser à l'entrée du port du fleuve. La lumière n'était plus en service depuis longtemps, et personne ne l'a jamais signalée. Les bateaux entrent et sortent continuellement à cet endroit. Des navires passent par cet endroit. Je ne crois pas que les lumières en panne sont toujours signalées.

Le sénateur Hubley : Que font les embarcations récréatives et les embarcations de plaisance quand les lumières sont en panne? Ils ne savent sans doute pas qu'il y a une lumière à cet endroit, et, par conséquent, ils ne la signaleraient pas. Cela les met-il en danger?

Supposons qu'il y ait une embarcation de plaisance, pour faire de la voile ou du déplacement récréatif, et que le phare qui doit servir d'aide à la navigation soit en panne; serait-elle en danger?

M. Bergh : Je pense que oui. Pour commencer, je crois que les embarcations devraient avoir des cartes nautiques à bord, et leurs marins devraient savoir qu'une lumière devrait se trouver là. Cela dit, s'ils n'ont pas de cartes et qu'il devrait y avoir une lumière à un endroit pour signaler une obstruction ou un changement de cap, et qu'il n'y a pas de lumière, alors, oui, les marins pourraient être en danger.

Le sénateur Hubley : J'aimerais vous demander de nous donner votre opinion sur une autre citation, si vous le permettez : « Quand la lumière d'un phare gardé tombe en panne, la plupart du temps, c'est le personnel technique de la Garde côtière qui s'en occupe, pas le gardien du phare. »

Selon votre expérience, est-il exact de dire que vous ne vous occupez pas de la lumière elle-même?

M. Bergh : Je pense que c'est complètement faux. Si une lumière s'éteint dans un phare, et que le gardien s'y trouve, il fera tout en son possible pour la réparer. Je n'ai jamais entendu parler d'une situation où les gardiens n'avaient pas été en mesure de faire ça. Ils devront peut-être bricoler quelque chose pour faire fonctionner la lumière, puis informer la base de la Garde côtière des réparations apportées et du fait qu'il faut prendre des mesures immédiatement. La Garde côtière envoie une équipe pour la réparer, et, si le gardien a été en mesure de faire une réparation plus permanente, cette information serait transmise à l'équipage de l'atelier. Il n'y aura alors pas d'urgence pour faire déplacer une équipe pour remplacer une lumière.

Le sénateur Hubley : Le fait de téléphoner à la Garde côtière pour remplacer une lumière en panne ne fait pas partie de votre description de tâches. D'ordinaire, vous chercheriez à réparer la lumière vous-même.

M. Bergh : Si une lumière tombe en panne, la première chose que vous faites, c'est d'en aviser la marine marchande. La deuxième chose que vous faites, c'est de réparer la lumière. Si ce n'est pas possible, alors l'avis envoyé à la marine marchande reste valide et, si c'est en dehors des heures d'ouverture normales, vous avisez l'officier de service de la Garde côtière, qui prend les mesures appropriées.

Le sénateur Dallaire : Un phare gardé conserve-t-il des pièces de rechange aux fins de réparation? Vous occupez- vous d'assurer l'entretien de fonctionnement de la lumière? Cela fait-il partie de votre description de tâches? Avez-vous suivi une formation sur toutes les fonctions et le fonctionnement du phare?

M. Bergh : Quand j'ai commencé, il se donnait un cours de gardien de phare assez exhaustif qui portait sur le travail des gardiens de phares, comme de s'occuper de la lumière, de réparer les génératrices au diesel, et cetera. Maintenant, c'est au gardien principal du phare d'enseigner la plupart de ces tâches au nouveau gardien. En effet, on nous fournit des ampoules, et, dans le cas des lumières qui posent problème, on nous fournit des pièces de rechange pour les réparer. S'il y a d'autre matériel dans le phare, nous conservons des pièces de rechange pour faire les réparations nécessaires attribuables à de l'usure normale. Nous conservons le matériel en parfait état afin de pouvoir aider les membres du public au besoin et faire en sorte que le phare soit en bon état de marche.

Le sénateur Dallaire : Le matériel prend de l'âge chaque année. Si vous aviez davantage de pièces de rechange, et que vous aviez plus de formation ou de compétences, pourriez-vous fonctionner de manière presque autonome, sans avoir à faire appel à un technicien de la Garde côtière? Pourriez-vous vous débrouiller seul pour faire fonctionner un phare pendant un ou deux ans?

M. Bergh : Le plus gros problème, ce serait les génératrices au diesel. La plupart des gardiens de phares sont d'assez bons mécaniciens, mais ils ne connaissent pas tous la mécanique d'une génératrice au diesel sur le bout de leurs doigts. Si une génératrice tombe en panne et doit être reconstruite, ce n'est plus du ressort du gardien de phare. Selon la procédure d'opération normale, il faudrait faire livrer une nouvelle génératrice. Les stations qui fonctionnent grâce à des génératrices au diesel disposent habituellement de deux génératrices en bon état de marche, afin qu'il y ait une génératrice de secours. On fait fonctionner une génératrice jusqu'à ce que sa durée de vie utile soit épuisée. On utilise une génératrice et on garde l'autre en cas de besoin.

Le sénateur Dallaire : Elle pourrait servir quand la première génératrice est désactivée à des fins d'entretien. Vous seriez plus autonome et vous n'auriez pas besoin d'appeler les gens de l'administration centrale à l'aide.

M. Bergh : C'est exact. Au phare de la pointe Chatham, nous avons des batteries de secours et un système de conversion. En faisant fonctionner la génératrice au diesel à sa charge maximale pendant le tiers du temps qu'elle fonctionnait auparavant, cela permet de réduire de manière considérable la quantité de carburant diesel consommée. Cela permettrait à la Garde côtière de faire des économies de coûts du carburant. À la station où je suis posté, un chemin forestier permet la livraison du carburant. Pour la plupart des phares, le carburant est livré par navire ou par hélicoptère, ce qui est beaucoup plus coûteux.

Le sénateur Dallaire : Si le phare n'était pas gardé, il faudrait quand même livrer le carburant. Les lumières pourraient-elles être alimentées par panneaux solaires?

M. Bergh : Si la lumière fonctionne sur une tige, alors elle peut être alimentée par un panneau solaire et des accumulateurs.

Le sénateur Dallaire : J'ai posé la question suivante à la ministre : Selon vous, faudra-t-il faire des investissements importants en matière d'infrastructure au cours des prochaines années en raison de l'état actuel de l'infrastructure, des phares et des lumières? On m'a répondu que, oui, au cours des 10 à 15 prochaines années, il serait nécessaire d'investir environ 40 millions de dollars à cette fin.

Si les phares n'étaient plus gardés, faudrait-il investir autant d'argent dans l'infrastructure pour maintenir les bâtiments que la Garde côtière possède présentement?

M. Bergh : Après la dernière tentative de licenciement, qui a été annulée dans la région du Pacifique, il y a eu un projet de rénovation des phares. Il s'élevait à près de 20 millions de dollars afin d'effectuer d'importants travaux d'immobilisations sur les phares au cours des 25 prochaines années, à l'exclusion des trois phares régionaux mentionnés par le commissaire Da Pont. Ces trois phares font maintenant partie du patrimoine, et c'est sans doute la raison pour laquelle ils ont été exclus du projet de rénovation.

Le sénateur Dallaire : Le projet a-t-il été approuvé?

M. Bergh : Il a été approuvé, et le travail a été effectué pour 27 millions de dollars. Je pense que ces chiffres sont exacts, à l'exception des trois phares que j'ai mentionnés, pour tous les projets d'immobilisations d'une durée de 25 ans qui se terminaient en 2008, je crois.

Le sénateur Dallaire : Vous allez donc pouvoir passer une autre période de 10 à 20 ans sans réparations majeures. Ce coût n'aurait pas à être pris en considération au moment de décider s'il faut conserver les gardiens de phare. Est-ce exact?

M. Bergh : D'après moi, c'est exact.

Le sénateur Dallaire : Revenons au budget. J'ai l'impression que la réduction de 51 années-personnes a été obtenue par attrition ou mutation. Mais ces 51 années-personnes avaient déjà été supprimées de l'effectif de la Garde côtière. L'effectif a déjà été réduit de 51 postes, et, si vous êtes toujours en poste, vous seriez déplacé dans un nouveau poste qui serait libéré par quelqu'un d'autre. Est-ce exact?

Le vice-président : Excusez-moi, sénateur Dallaire. Je crois qu'il y a 51 phares gardés et, selon l'information dont nous disposons, il y a environ deux personnes pour chaque phare, ce qui donne un total de 114. Bien entendu, votre question reste valable.

M. Bergh : Je ne suis pas certain du nombre de gardiens de phares qui occupent des postes pour une période indéterminée. Bon nombre d'entre eux sont des employés de relève, et bon nombre d'entre eux sont des employés nommés pour une durée déterminée. Je ne suis pas certain des chiffres.

Le sénateur Dallaire : Vous semblez bien au courant de ce qui se passe au ministère.

Mme Collins : Au cours de la dernière année, la Garde côtière a embauché des employés nommés pour une période déterminée et des employés occasionnels. Nous parlons de 114 postes, mais il ne s'agit pas de 114 années-personnes, parce que certains postes sont à court terme et d'autres sont occasionnels.

Je ne suis pas au courant du fait que 114 postes auraient déjà été supprimés de l'effectif de la Garde côtière. D'après ce que nous avons pu comprendre, l'annonce a été faite, et la Garde côtière avait l'intention de supprimer des postes. L'annonce de la ministre a mis fin à ce processus, alors je m'attendrais à ce que cela mette également fin à toute suppression de l'effectif. Je ne peux confirmer cela parce que nous ne sommes pas toujours au courant de ce qui se passe en coulisse. Ce que je peux vous dire, c'est qu'à ce moment-là, il y avait suffisamment de postes pour que le commissaire puisse affirmer qu'ils allaient déplacer des gens et que ce ne serait pas tous les 114 postes qui seraient supprimés.

Je prends des précautions lorsque je parle de postes pour une durée indéterminée, et de postes d'une durée de deux ans qui pourraient alors être transformés en postes de durée indéterminée. En dehors de cela, tous les autres employés seraient licenciés. Les personnes nommées par intérim et toutes les autres reprendraient leurs anciens postes. D'après ce que je comprends, cela n'a pas été fait.

Le sénateur Dallaire : Ils font toujours partie de l'effectif, et, pendant le nouvel exercice, ces postes devraient toujours être là.

Mme Collins : C'est ce que je comprends. Nos membres sont toujours là, donc les postes devraient toujours être là.

Le vice-président : Je pense que c'est bien l'information que la ministre nous a donnée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'autres suppressions de poste au cours des deux dernières années.

Le sénateur Nancy Ruth : Puis-je poser une question supplémentaire? Monsieur Bergh, le sénateur Dallaire a laissé entendre que, au cours des 20 prochaines années, il ne serait pas nécessaire d'affecter des sommes à des dépenses d'infrastructure, et vous avez répondu oui. Votre réponse était-elle valide tant pour la côte Ouest que pour l'Est du Canada, ou parliez-vous seulement de la côte de la Colombie-Britannique?

M. Bergh : À ma connaissance, cela se limite à la côte de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Nancy Ruth : Je vous remercie.

Le vice-président : Je me tourne vers le sénateur Manning, et je pense que je peux souligner qu'il n'est pas une personne qui vit en ville.

Le sénateur Manning : Aux fins du compte rendu, j'habite dans une collectivité côtière appelée St. Brides, à Terre- Neuve-et-Labrador; quand tout le monde est à la maison, il y a environ 400 habitants. J'habite à 18 kilomètres du phare de cap St. Mary's, alors je connais plutôt bien la vie rurale à Terre-Neuve et j'ai grandi dans une collectivité de pêcheurs. Voilà mes antécédents sur ce sujet en particulier.

Certains de vos commentaires m'intriguent, et j'ai certainement plusieurs questions à vous poser. Nous avons entendu des témoignages, et je vais bientôt citer une déclaration, sur ce que d'autres administrations ailleurs dans le monde font dans ce domaine, et pas seulement en Amérique du Nord et au Canada. Plus particulièrement, le commissaire aurait dit quelque chose du genre : « Nous sommes pratiquement le dernier pays industrialisé qui continue de maintenir des phares gardés. Nous comptons de nombreuses années d'expérience ici au Canada et dans presque chaque pays industrialisé. » Cela n'indique pas qu'il existe des problèmes de fiabilité ou des risques à la navigation.

Monsieur Bergh, quand je lis vos commentaires, selon moi, vous soulevez certainement de nombreux problèmes en lien avec les gens qui circulent dans les eaux qui entourent les phares, qu'il s'agisse de pêcheurs ou de plaisanciers. Par exemple, ici même au Canada, en Nouvelle-Écosse, nous n'avons pas de phares gardés. Nous en avons à Terre-Neuve- et-Labrador, ainsi qu'en Colombie-Britannique.

J'essaie de comprendre, pour mon bénéfice et celui du comité, ce que vous pensez de cette déclaration, parce qu'on dirait que l'on cherche à nous transmettre le message selon lequel les phares automatisés offrent aux marins un service équivalent, ou au moins aussi bon, que celui offert par un phare gardé.

Il me semble que c'est une pomme de discorde pour le comité. J'aimerais entendre vos remarques sur le sujet — et je m'adresse à vous deux —, et ce sera ma première question.

Mme Collins : Je vais commencer, et je demanderai à M. Bergh de poursuivre.

Notre problème... Oui, le commissaire nous a dit que nous sommes le seul pays. Ce n'est pas vrai. Il existe au Chili et au Brésil un nombre croissant de phares gardés. Je crois qu'il faut jeter un coup d'œil sur les différences entre nos côtes et celles des autres pays. Nous avons le plus long littoral et l'eau la plus froide, et les côtes ne sont pas aussi peuplées que celles de bien d'autres pays. Nous comptons de nombreuses régions isolées.

Les zones littorales du Chili et du Brésil sont semblables aux nôtres. Elles sont exposées à une eau froide et sont très longues : c'est pourquoi notre situation est semblable à celle de ces deux pays, mais pas, par exemple, à celle des États- Unis ou de certains pays d'Europe dont la population dans les régions côtières est très dense.

Je vais demander à M. Bergh de poursuivre.

M. Bergh : Vous vouliez des informations sur la fiabilité des phares ou sur leur fonction?

Le sénateur Manning : Je voudrais comparer les phares gardés et les phares qui n'ont pas de gardien. Nous nous préoccupons tous des marins. À entendre le commissaire, nous avons l'impression que les phares sans gardien offriraient les mêmes services que les phares gardés.

M. Bergh : Certainement pas. C'est un peu comme si on comparait des pommes et des oranges. Un phare qui n'est pas gardé émet un signal lumineux, mais il n'y a pas de présence humaine. Un phare gardé émet un signal lumineux et, normalement, deux gardiens sont présents. C'est un poste de premiers soins et aussi un poste d'intervention en cas d'urgence. Dans la mesure du possible, un bateau et quatre paires d'yeux, voire davantage, permettent de surveiller les eaux.

Dans bien des cas, les phares sont des postes de surveillance pour les collectivités en majorité rurales de la Colombie- Britannique. Ils sont situés près de petites collectivités ou de villages autochtones, qui sont dispersés, et, bien souvent, leurs habitants viennent me voir au phare, car je suis pour eux une personne-ressource à nombre d'égards. Quand quelqu'un a un problème ou quand une personne du voisinage a disparu, c'est moi qu'ils appellent, avant même d'appeler la Garde côtière ou la GRC. Je crois que les gens pensent que, comme nous arborons le drapeau canadien, nous savons quoi faire, et je crois que c'est vrai. Nous pouvons dire aux gens quels moyens prendre et c'est un avantage. Le drapeau canadien est très important : il signale notre présence.

Vous pouvez longer la côte centrale — ou même les côtes est et ouest de l'île de Vancouver — pendant des jours ou, selon votre type d'embarcation, pendant une demi-journée, sans voir âme qui vive; vous pouvez naviguer sur un bateau de pêche à une vitesse de huit nœuds et ne voir ni village ni rien. Arriver à un phare, c'est alors un peu comme arriver à La Mecque. Si vous avez des problèmes ou que votre moteur tombe en panne, vous savez que vous pouvez souvent obtenir de l'aide d'un gardien de phare.

Le sénateur Manning : J'aimerais poursuivre sur le même sujet. J'ai peut-être tort, mais selon les témoins que nous avons entendus, les services supplémentaires que vous avez mentionnés, comme le soutien aux activités de recherche et sauvetage et les autres services — je ne sais pas si vous avez utilisé le terme approprié — j'ai eu l'impression que cela ne relevait pas nécessairement du mandat ou des responsabilités de la Garde côtière. J'avais compris, et quelqu'un pourrait me le confirmer, que son mandat ou ses responsabilités consistent à émettre un signal lumineux et, dans certains cas, sonore et à fournir une aide à la navigation aux marins. Les témoins semblent dire que tout le reste relève d'une autre entité et que nous ne devrions pas payer pour cela; je crois que c'est une bonne façon de l'expliquer.

Mme Collins : Dans les documents soumis par M. Bergh, vous trouverez une description des tâches. Cela pourrait vous aider à bien comprendre en quoi consiste ce travail.

M. Bergh : Comme je l'ai dit dans mon exposé, la Garde côtière a pour objectif la sécurité maritime, la protection de l'environnement marin et des eaux douces, la facilitation du commerce maritime et du développement durable, le soutien de l'excellence scientifique appliquée au milieu marin et l'appui des priorités maritimes du Canada. Elle offre aussi les services suivants : recherche et sauvetage en mer, intervention environnementale, services de communication et de trafic maritimes, aides à la navigation, voies navigables et gestion, sécurité maritime, soutien des mandats de gestion des ressources du ministère des Pêches et des Océans et appui des autres objectifs du gouvernement. Nous faisons tout cela, d'une manière ou d'une autre.

Il est arrivé plus d'une fois qu'un bateau en détresse émette un dernier faible signal radio qui sera reçu par le gardien d'un phare. Cela n'arrive pas toujours, mais cela arrive quand même. Si vous avez un problème et que votre bateau prend l'eau et que la situation dégénère, il est fort possible que votre batterie ne soit pas non plus en très bon état. Elle n'émet qu'un faible signal radio et, si vous êtes chanceux, quelqu'un le recevra. Ce sont des choses qui arrivent.

Le sénateur Manning : Vous avez dit dans votre exposé que vous êtes gardien de phare depuis 27 ans. C'est bien cela?

M. Bergh : Oui.

Le sénateur Manning : Avez-vous suivi une formation dans le domaine de la recherche et du sauvetage?

M. Bergh : Nous suivons un cours de premier niveau sur la navigation, qui est plutôt un cours de base. On apprend à manœuvrer un bateau, les règles fondamentales de l'orientation, la navigation, la façon de dresser des plans de route, ce genre de choses. Ce n'est pas comme un cours en bonne et due forme, où on apprend à effectuer des opérations de recherche et de sauvetage; pourtant, ça pourrait arriver. À certains endroits, ce serait une bonne idée de demander au personnel de suivre des cours de formation en bonne et due forme.

Le sénateur Manning : Pendant toutes vos années de service, est-ce que la Garde côtière vous a déjà encouragé à fournir des services supplémentaires, en plus des tâches pour lesquelles vous avez été embauché, c'est-à-dire assurer le fonctionnement du phare et veiller à ce qu'il ne s'éteigne pas? Est-ce qu'on vous a encouragé à fournir d'autres types de services aux marins? J'essaie de savoir quels autres services sont offerts.

M. Bergh : Personne ne nous en a découragés. Le phare auquel je suis affecté dispose d'un assez bon bateau. Nous avons été capables d'en faire pas mal avec ce bateau. Il est également bien équipé. Nous avons une pompe à essence, et nous avons dépanné d'autres embarcations à de nombreuses occasions. Nous nous sommes aussi servis des trousses de premiers soins. Plusieurs incidents sont survenus près de Chatham Point, et nous avons dû prendre soin de gens gravement blessés. Ce serait bien d'avoir davantage de formation, mais nous avons été capables de faire tout ce que nous pouvions.

Le sénateur Manning : Savez-vous si les gardiens de phare ou la Garde côtière ont tenu des registres ou des dossiers touchant les services supplémentaires? Nous entendons beaucoup parler de ces services additionnels. Nous devons en savoir plus, en tant que membres du comité, parce que cet argument est à mon avis important. Je m'en remets encore une fois au témoignage des représentants de la Garde côtière. Ils ne semblaient pas accorder beaucoup de place à ces services additionnels. Ils nous ont donné l'impression que ces services étaient fournis par d'autres intervenants et que, dans certains cas, les gardiens de phare leur prêtaient assistance.

Je suis convaincu que, pendant vos 27 années de service, vous ne vous êtes pas contenté de veiller à ce que le signal lumineux soit toujours maintenu. Avez-vous quelque part tenu un registre de ces services supplémentaires fournis par les gardiens de phare du pays?

M. Bergh : Les gardiens de phare tiennent un registre quotidien. On n'y met pas beaucoup de détails, mais, quand quelque chose d'important arrive, on l'inscrit. S'il y a un incident et que nous sommes concernés, il y a aussi un registre des incidents. Nous inscrivons tout cela sur la même feuille et, si des renseignements sur la météo sont donnés aux aéronefs ou hélicoptères de passage, par radio, c'est aussi inscrit. On note tout cela. La base de la Garde côtière à Victoria a passé en revue tous ces registres des incidents des cinq dernières années afin d'en faire un tableau. Je ne l'ai pas encore vu. Je croyais l'obtenir avant la réunion d'aujourd'hui, mais je ne l'ai toujours pas. J'aurais pu vous donner une bonne idée générale à ce sujet. Tout n'est pas documenté, évidemment, mais je ne crois pas que les gardiens de phare soient les mieux placés pour tenir des registres. Mais il y a assurément de la documentation.

Le sénateur Manning : Est-ce que ces documents sont remis à la Garde côtière? C'est la première fois que j'entends parler de ce type de documents. Où est-ce que nous les trouverions?

M. Bergh : Nos dossiers sont envoyés chaque mois à la base de la Garde côtière à Victoria.

Mme Collins : J'aimerais dire quelques mots de plus au sujet de la météo. Je crois que les représentants de la Garde côtière ont souligné que les rapports météo faisaient partie des responsabilités d'Environnement Canada et étaient donc redondants. Mais ce n'est pas du tout le cas. Les renseignements météo et l'aide que nos gardiens de phare fournissent aux marins, en particulier ceux dont les petits bateaux ne sont pas équipés d'instruments météo perfectionnés, par exemple, sont souvent vitaux. M. Bergh a mentionné, et je crois qu'il est important de le souligner, que les gardiens de phare fournissent immédiatement des renseignements météo aux pilotes d'hélicoptère et à d'autres personnes. Ce type d'information n'est pas toujours facilement accessible, en particulier quand le temps est mauvais, quand les systèmes sont en panne, et cetera. C'est grâce à un appel téléphonique ou à des communications avec le gardien de phare que ces personnes peuvent savoir tout de suite quelles sont les conditions météorologiques. C'est un service essentiel que la Garde côtière fournit depuis des années. Je trouve étrange que, au moment où l'on cherche à supprimer le personnel des phares, soudainement, cela n'est plus la responsabilité de la Garde côtière, particulièrement de ses gardiens de phare. Ce ne sont pas seulement les gardiens de phare qui transmettent des informations sur la météo; les navires de la Garde côtière le font aussi.

Le sénateur Manning : Comme je l'ai dit plus tôt, dans mon patelin, il m'est arrivé de faire cinq kilomètres de route pour voir le soleil après six jours de brume chez moi. Nous sommes habitués à des conditions atmosphériques qui changent.

Je reviens à la question des services supplémentaires, qui semble être soulevée de temps à autre. Savez-vous si des gardiens de phare recevront une rémunération pour les services supplémentaires qu'ils fournissent aux marins ou à d'autres personnes?

M. Bergh : Je crois que nous recevons 50 cents pour l'observation météorologique, deux fois par jour — c'est-à-dire le temps qu'il fait, un rapport sur les précipitations et la température, mais pas pour ce qui concerne l'humidité. Nous recevons 50 cents pour un rapport sur les températures maximales et minimales et sur les précipitations. Cela s'ajoute à notre salaire. Certains gardiens prélèvent des échantillons d'eau, et ils ne reçoivent presque rien pour cela. Je crois que deux stations de phare diffusent des bulletins météo SA complets. Les gardiens remplissent chaque jour de longs feuillets sur les conditions météorologiques. Ils sont payés pour cela. Pas beaucoup, mais c'est un montant qui s'ajoute à leur salaire. En ce qui concerne les opérations de recherche et sauvetage et des activités de même nature, non, nous ne sommes pas payés.

Le sénateur Manning : Merci beaucoup.

Mme Collins : Cet argent est versé par l'employeur, pas par les utilisateurs. Je veux que cela soit clair. C'est la Garde côtière qui verse cet argent.

Le vice-président : Nous avons beaucoup de sujets à traiter, c'est pourquoi je demanderais aux sénateurs de poser de courtes questions et aux témoins de répondre de façon succincte, s'il vous plaît.

Le sénateur Cochrane : Sauriez-vous me dire si des gens ont reçu de l'argent d'entreprises privées pour l'aide donnée?

Mme Collins : Certainement pas.

Le sénateur Cochrane : De nos jours, tout le monde a un dispositif GPS. Il y en a dans bon nombre d'automobiles, et je suis convaincue que les bateaux aussi en ont. Est-ce que cela a changé quelque chose à la navigation maritime?

M. Bergh : J'ai un bateau de pêche de 38 pieds, et cela fait au moins 15 ans qu'il est équipé d'un dispositif de localisation GPS. C'est un outil pratique. Les GPS sont assez exacts, mais ce ne sont que des outils. Lorsque vous l'allumez, vous recevez tout de suite un message indiquant qu'il ne s'agit que d'une aide; ce n'est pas un outil crucial pour la navigation. Cet outil vous permet simplement de savoir à peu près où vous vous trouvez.

J'ai aussi un radar sur mon bateau. Je l'utilise en toute confiance, parce qu'il m'indique de façon exacte où un objet se trouve par rapport à moi. Cependant, tout dernièrement, j'ai ajouté à mon dispositif GPS un ordinateur portable. Dans cet ordinateur, il y a un graphique de navigation qui montre mon petit bateau, sous forme d'une petite icône verte, se déplaçant sur l'eau. Il y a aussi sur le côté une icône, une barre d'outils, qui confirme que le GPS fonctionne bien; j'ai déjà vu des situations où cette petite lumière verte indiquait que le GPS fonctionnait bien, mais le petit bateau vert restait immobile.

C'est un ordinateur, et il arrive que les ordinateurs gèlent. J'imagine que tout le monde ici connaît les ordinateurs et sait à quel point ils peuvent parfois être frustrants. Cela peut aussi arriver avec le GPS.

Le sénateur Cochrane : Ce n'est donc pas un dispositif de sécurité, à proprement parler?

M. Bergh : Je dirais que tous les dispositifs qui facilitent la navigation sont des dispositifs de sécurité. Mais ce n'est qu'un outil de plus dans la trousse.

Le sénateur Cochrane : Mais vous ne lui faites pas suffisamment confiance en tant qu'outil central et indispensable?

M. Bergh : Certainement pas.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que certaines stations de la Colombie-Britannique ont besoin de plus d'employés que d'autres, en raison de leur situation géographique?

M. Bergh : Notre système est un réseau de phares. Je ne crois pas qu'on puisse le réduire davantage. C'est un système de phares qui occupe toute la côte de la Colombie-Britannique, et, si on enlevait un phare, cela ferait un trou. Si on en retranchait par-ci par-là, on n'aurait bientôt plus de réseau de phares. Il y aurait simplement un phare ici et là. Ce serait certainement impossible de fournir les mêmes services qu'aujourd'hui.

Le sénateur Cochrane : Vous venez de dire qu'on en a déjà supprimé trois ou quatre.

Mme Collins : Neuf.

Le sénateur Cochrane : On en a déjà supprimé neuf. Qu'est-ce qui se passe? Vous venez de perdre neuf phares, c'est bien cela?

M. Bergh : Je crois que nous en avons déjà perdu plus que neuf.

Le sénateur Cochrane : Comment est-ce que les marins se débrouillent, maintenant?

M. Bergh : Ils s'arrangent. Il faut se débrouiller avec ce qu'on a. Mais plus il y en a, mieux c'est. Les informations météo sont essentielles, et, l'hiver en particulier, c'est toujours plus sûr d'avoir le plus possible d'informations météorologiques. Souvent, pendant l'hiver, les avis de tempête et les avis de coup de vent se succèdent.

Il y a des gens qui doivent faire du commerce. Ils travaillent, mais ils n'ont pas, à proprement parler, un emploi. Pour gagner de l'argent et nourrir leur famille, ils doivent arriver à couper des arbres ou à pêcher des poissons. Ils vont sur le quai et, malgré les avertissements de tempête, ils attendent; quand ils obtiennent des informations météo précises, ils peuvent savoir où se rendre le long de la côte. Quand il y a une éclaircie, ils ne perdent pas une minute : les bateaux et les avions sont partis. Puis, quand le front se déplace, les informations sont diffusées à tous ceux qui se retrouveront sur son chemin, le long de la côte. Alors les gens commencent à s'abriter.

Le sénateur Raine : Il y a donc 14 phares qui n'ont plus d'effectifs, dont neuf qui sont déjà automatisés.

Le vice-président : Il y a 14 phares qui n'ont plus de personnel et qui ont été automatisés, en Colombie-Britannique, selon les informations que nous avons reçues.

Le sénateur Poirier : Merci de votre exposé. J'ai une ou deux questions. Essentiellement, il n'existe plus de phares gardés en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Il en reste quelques-uns en Colombie- Britannique et à Terre-Neuve. Je ne me rappelle plus qui de vous a dit cela, mais quelqu'un a dit que la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick étaient différents de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique. Est- ce que quelqu'un peut m'en dire plus?

Pour être plus clair, il n'y a pas à l'heure actuelle de phare gardé au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, mais il y en a encore en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve. L'un de vous a dit qu'il y avait une différence. Pourriez-vous commenter?

M. Bergh : Les deux aspects les plus importants ont probablement trait à l'accès routier et aux collectivités. Il existe en Colombie-Britannique trois phares auxquels on peut accéder par la route; pour se rendre aux autres, il faut prendre un bateau ou un hélicoptère. Ils sont situés dans des collectivités éloignées. Nous espérons que, lorsque votre comité se rendra en Colombie-Britannique, quelques-uns des membres auront la chance de faire un tour d'hélicoptère ou d'hydravion pour voir de leurs propres yeux à quel point la côte est vaste.

Je me suis entretenu avec un pilote qui effectue des vols à partir de Port Hardy et de Coal Harbour. Il se rend à Bella Bella et même plus loin, l'hiver, et fait l'aller-retour en un jour. Les seules personnes à qui il parle sont les employés de l'aéroport de Bella Bella et les gardiens de phare. Il ne voit personne d'autre. Cette immensité est incroyable. Il faut le voir pour le croire. L'hiver, cependant, ce n'est pas vraiment un endroit agréable, sauf s'il fait beau, mais il ne fait en général pas très beau.

Mme Collins : J'aimerais préciser qu'il y a au Nouveau-Brunswick un gardien de phare.

Le sénateur Poirier : Et selon les informations dont nous disposons, il y aura toujours un gardien dans ce phare.

Selon ce que j'ai compris, la grande différence a trait à ce qui se passe non pas sur l'eau, mais sur terre. Vous dites que les phares de la Colombie-Britannique sont plus éloignés et qu'il est plus difficile pour les gens de s'y rendre, parce qu'il n'y a pas de route, et que ce sont des régions plus rurales.

J'aimerais savoir si vous pensez que les marins de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau- Brunswick estiment recevoir moins de services que les gens de Colombie-Britannique et de Terre-Neuve. Vous avez parlé des services fournis actuellement par les gardiens : information météorologique, recherche et sauvetage au besoin, services d'urgence. Les phares de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard n'ont plus de gardiens, et vous dites que ces services sont essentiels et que c'est la raison pour laquelle il ne faudrait pas supprimer les postes de gardiens à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique. Pensez-vous que les autres provinces maritimes, de nos jours, ne reçoivent pas assez de services?

M. Bergh : C'est possible. Je n'y suis jamais allé. Je n'ai pas parlé aux pêcheurs de ces régions. Je crois que les côtes, dans ces provinces, sont beaucoup plus peuplées. J'ai déjà parcouru le Saint-Laurent et visité la péninsule gaspésienne. J'y ai vu de magnifiques phares, et j'en ai vu beaucoup, mais cette côte est assez dégagée, et une route la longe d'un bout à l'autre.

Évidemment, aucune route ne longe les côtes de l'île de Vancouver. Il y a de temps à autre une petite route qui débouche sur la côte, mais c'est plutôt rare. Je crois que les Canadiens ne savent plus quoi faire; j'ai vu des photos de quelques-uns des phares de la Nouvelle-Écosse qui sont aujourd'hui tout à fait en ruine. Malheureusement, on peut voir de quoi avaient l'air, « avant et après », ces magnifiques phares qui sont aujourd'hui délabrés.

Le sénateur Poirier : Pensez-vous que les pêcheurs, qu'ils naviguent sur de petits ou de grands bateaux, ne sont pas tenus au courant des avertissements météo aussi rapidement en raison de l'automatisation des phares?

M. Bergh : Voulez-vous dire pour tout le Canada?

Le sénateur Poirier : Oui.

M. Bergh : J'imagine que oui, mais je ne sais pas quelles sont leurs autres sources d'information. Sur la carte de la Nouvelle-Écosse, on voit qu'il y a de nombreux petits villages situés tout autour de l'île. Il y a peut-être d'autres façons d'obtenir des renseignements météo, par exemple en s'adressant au personnel des aéroports ou des quais communautaires. Il y a toutes sortes de façons.

Mme Collins : Dans certains cas, ils reçoivent les bulletins météo des navires de la Garde côtière, comme je l'ai indiqué. Je l'ai déjà dit, mais cela vaut probablement la peine de le répéter : le Bureau de la sécurité des transports a publié un rapport qui fait état de préoccupations sur le nombre croissant d'accidents impliquant de petites embarcations et des bateaux de pêche au cours des dernières années. Il serait peut-être utile d'étudier la question; on y trouverait peut-être réponse à vos questions.

Le sénateur Poirier : Pourriez-vous m'expliquer la différence entre le rôle d'un gardien qui travaille dans un phare automatisé et celui du gardien qui travaille dans un phare qui n'est pas automatisé?

M. Bergh : Il n'y a à peu près aucune différence. L'entretien du phare proprement dit, le signal lumineux, n'occupe qu'une toute petite partie de notre journée de travail, surtout aujourd'hui, puisqu'on n'a plus à polir chaque jour ces magnifiques lentilles de Fresnel, qui flottaient sur un bassin de mercure. Aujourd'hui, il faut s'assurer que la lentille est propre et que la connexion électrique est bonne. Cela ne prend pas beaucoup de temps. Croyez-moi, les gardiens de phare passent leur journée à entretenir l'édifice, le terrain et les quais. Et ils sont très occupés, puisqu'ils ne sont pas nombreux et qu'ils doivent prendre soin de cinq édifices et d'une installation industrielle du gouvernement. Il y a beaucoup de travail à faire, tous les jours.

Le sénateur Poirier : Au fond, il ne s'agit pas de savoir si le phare est automatisé. Il s'agit plutôt de savoir si nous avons besoin que des gardiens de phare continuent à offrir d'autres services. Vous me dites que les rôles et les responsabilités des gardiens des phares automatisés et des gardiens des autres phares ne sont pas différents. Nous ne parlons pas du signal lumineux des phares, mais du travail des gardiens de phare. C'est bien cela?

M. Bergh : Nous parlons du rôle des gardiens de phare. Quand la réunion sera terminée, vous pourrez lire la description de tâches fournie par la Garde côtière. Vous verrez la diversité des tâches dont nous sommes chargés. La liste est assez longue. En outre, nous devons être prêts à abandonner sur-le-champ ce que nous faisons pour aller porter secours, le cas échéant. Parfois, des gens blessés viennent au phare. L'hélicoptère de la Garde côtière peut arrêter au phare et demander au gardien de faire quelque chose. On ne sait jamais, d'un jour à l'autre, ce qui arrivera.

Le sénateur Poirier : Il n'y a donc pas de différence, pour vous, si le phare est automatisé. L'important, c'est que le phare soit gardé.

M. Bergh : Tout à fait.

Le vice-président : Nous avons l'intention de visiter certains des phares automatisés, en passant. Nous aurons cette occasion. Nous aurons également l'occasion de consulter les registres de la Garde côtière dont vous avez parlé. On nous a assurés de sa coopération. Tous ces commentaires nous aident à faire notre travail.

Le sénateur MacDonald : J'ai bien hâte de pouvoir examiner vos documents. Nous les avons reçus à peu près au moment où nous sommes arrivés. Ils pourraient nous éclairer davantage sur le sujet, et c'est pourquoi j'ai hâte de les lire.

Monsieur Bergh, j'aimerais vous poser une question. Je crois que vous pourrez y répondre, parce que cela fait longtemps que vous travaillez dans un phare. En ce qui concerne les fonctions des phares, la puissance du signal lumineux et la capacité du phare à faire ce qu'on attend de lui, voyez-vous une différence appréciable entre la fonctionnalité des phares automatisés et celle des phares classiques?

M. Bergh : Je ne pourrais pas mieux le dire que le patron du traversier qui va de l'Alaska à Seattle l'a dit dans une lettre. Un soir, où il y avait de la pluie, de la pluie verglaçante et de la neige, il a réussi à voir le phare de Greene Island. Il avait pris un maximum de passagers et se sentait beaucoup plus en sécurité à l'idée qu'il n'en était pas réduit à se fier à un poste de barre plein d'instruments électroniques. Quand vous réduisez la puissance du signal lumineux, vous réduisez aussi le sentiment de sécurité que les capitaines éprouvent.

Le sénateur MacDonald : Parmi les phares qui ont été automatisés, avez-vous vu une différence importante de leur puissance comparativement à la puissance des phares classiques?

M. Bergh : Oui. Ils ont réduit le wattage de l'ampoule, ce qui réduit la puissance de la lumière. Cela dit, quand le temps est parfait, par une belle nuit, ils fonctionnent assez bien, mais, lorsque les conditions météo se détériorent, le signal n'est pas à puissance maximale. En outre, ce signal ne traverse pas la brume ou le brouillard comme les anciens signaux le pouvaient.

Le sénateur MacDonald : Mais, bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il faut un gardien de phare pour augmenter la puissance du signal.

En ce qui concerne vos 27 années d'expérience à titre de gardien de phare, vous avez dit que les phares sont une contribution importante à la souveraineté du Canada, à la sécurité publique des plaisanciers, au contrôle des hydravions et du trafic maritime et à la lutte contre la contrebande. Dans vos 27 années de service comme gardien de phare, dans quelle mesure avez-vous participé à toutes ces activités?

M. Bergh : Juste avant que je m'installe au phare de Cape Beale, il y a eu une saisie de drogue. La GRC avait échafaudé cette opération à partir de Cape Beale. Je ne sais pas quel rôle le gardien a joué, mais nous assurons un suivi continuel des aéronefs. Quand un avion passe, nous l'avons en mémoire. Quand on voit passer un Cessna 172 avec une bande jaune, on s'en souvient. On ne l'inscrit pas toujours au registre, mais on se souvient de son passage.

Le sénateur MacDonald : Combien de fois avez-vous ressenti le besoin d'appeler les autorités pour leur donner des informations que vous avez entendues ou signaler des activités suspectes que vous avez vues?

M. Bergh : Trois fois.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que cela a donné des résultats?

M. Bergh : Un été, le matin, vers 4 h 30, j'ai vu de la fumée s'élever d'une île alors qu'il n'aurait pas dû y en avoir. J'ai mené une petite enquête et j'ai découvert la coque brûlée d'un bateau. Avant de quitter les lieux, j'ai vu une petite embarcation qui naviguait près de la plage, et je l'ai signalée à la GRC. Une autre fois, je suis entré dans une baie, et, après mon départ, des jeunes ont saccagé l'endroit. Je l'ai découvert et j'ai également signalé cela à la GRC. Une autre fois, quelqu'un a vu briller une lampe de poche au beau milieu du détroit de Johnson à une heure ou deux du matin. Nous sommes allés y voir de plus près. Quelqu'un nous avait signalé la situation, et nous sommes partis pour jeter un coup d'œil; nous avons trouvé deux jeunes dans une embarcation. Ils semblaient avoir plus d'équipement de pêche que nécessaire — chose qui ne nous est venue à l'idée que le lendemain matin —, mais la GRC les attendait lorsqu'ils sont rentrés à Campbell River.

Le sénateur MacDonald : Je viens d'une petite collectivité de la Nouvelle-Écosse où il y a encore un phare et à mon avis, il n'y a plus de gardien dans ma ville natale. Je connais quelques anciens gardiens.

Ce dont on semble se plaindre le plus souvent, comme je l'ai déjà souligné, c'est la puissance relative du signal lumineux dans certaines conditions météorologiques. En ce qui concerne les répercussions de l'automatisation des phares, en Nouvelle-Écosse, et cela pourrait changer, nous voulons prendre le temps de parler à quelques personnes de cette province, également. Nous allons peut-être avoir une opinion plus éclairée sur ce sujet dans quelques mois, mais il ne semble pas qu'il y ait beaucoup de preuves tangibles indiquant, au chapitre de l'incidence sur la navigation, qu'il y a eu des changements particuliers, négatifs ou positifs, quant à la façon dont les phares aident les marins qui fréquentent les ports le long de la côte.

C'est ce que nous cherchons à établir. L'expérience de la Nouvelle-Écosse montre que l'automatisation, dans la plupart des cas, n'a généralement pas eu de véritables effets négatifs. Je ne crois pas que le littoral de la Nouvelle-Écosse soit particulièrement différent. Je sais qu'il y a plus d'endroits isolés en Colombie-Britannique. Je ne remets pas ce fait en question. En ce qui concerne Terre-Neuve, je crois que tous les phares de Terre-Neuve sont accessibles par la route, tout comme ceux de la Nouvelle-Écosse, sauf les phares situés en mer, évidemment.

J'ai bien hâte de pouvoir prendre connaissance de tous ces documents. Je garderai l'esprit ouvert. Si vous pouvez me donner des preuves tangibles concernant les autres services qui sont offerts, qui devraient être offerts, à votre avis, et qui ont eu des résultats positifs, j'aimerais bien avoir des preuves solides que je pourrai évaluer.

M. Bergh : Tout à fait. Il y a dans le nord de la Nouvelle-Écosse une baie; je crois que c'est sur le Cap Breton, et elle donne sur le détroit de Cabot. Est-ce que c'est Digby? J'essaie de me souvenir de son nom.

Le sénateur MacDonald : C'est à l'autre bout de la province.

M. Bergh : J'essaie de me souvenir du nom.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que ce serait la baie St-Lawrence?

M. Bergh : Non, elle donne directement sur le détroit de Cabot. Je pourrais vérifier sur une carte, je ne me rappelle plus comment elle s'appelle. Il y a une petite baie et un passage, un goulet, avec une lumière de chaque côté pour y passer. J'ai reçu un courriel de quelqu'un là-bas. Il y a deux lumières à énergie solaire qui émettent un signal d'une demi-seconde toutes les 20 secondes. La personne qui m'a envoyé ce courriel se plaignait du fait que la lumière était faible. Quand la mer est haute — les gens y pêchent le flétan et le homard —, ils doivent emprunter ce passage et ils n'aiment pas ça.

Le sénateur MacDonald : C'est à peu près ce que je voulais dire, moi aussi. La principale plainte que j'entends, chez moi, concerne la puissance de la lumière dans certaines conditions météo — ce n'est pas tant que les phares soient automatisés. Je n'entends pas beaucoup les gens se plaindre de cela aujourd'hui.

M. Bergh : J'essaierai de réunir et de vous donner des renseignements plus solides.

Le sénateur Raine : Je ne viens pas de la côte, mais je suis probablement mieux informée sur la question des phares que la plupart des gens ne le croient.

J'aimerais en entendre un peu plus sur les problèmes que vous avez connus à l'égard des phares automatisés. De toute évidence, les conditions météorologiques sont un aspect crucial, en particulier le long de la côte de la Colombie- Britannique, et je sais qu'une présence humaine à un endroit donne beaucoup plus de fiabilité que ne le peut un phare automatisé.

M. Bergh : Ces dernières semaines, quelques gardiens ont pris des notes à ce sujet. Je n'ai pas apporté les tableaux avec moi, mais il y a plusieurs endroits pour lesquels les informations ne sont pas disponibles, manquent ou sont incomplètes. Dans certains cas, on note la vitesse du vent, dans d'autres, la vitesse du vent et la hauteur de la houle, et, parfois, un des deux aspects manque.

Je vous enverrai ces documents avec plaisir, si vous le voulez, pour que vous puissiez les étudier. Je n'ai pas apporté les tableaux. J'ai été si occupé ces derniers jours par la préparation de mon exposé que je n'ai pas eu le temps d'étudier en détail ces tableaux.

Le sénateur Raine : Votre exposé était excellent, et il soulève bien des questions, du moins pour moi. Il ne s'agit pas seulement des phares. Il s'agit du fait qu'il y a dans ces phares un gardien qui lui confère une grande valeur. J'aimerais voir cela. Ce serait utile.

Je me demande également si vous pouvez commenter l'incident du traversier qui s'est échoué il y a environ un an et demi. Je crois que cela n'avait rien à voir avec les phares.

M. Bergh : Je crois que cela était peut-être lié à la lumière dans le poste de barre. Je pêche sur un bateau senneur de 70 pieds, et, quand je prends mon tour de garde au gouvernail, je couvre tout. La nuit, je règle la luminosité du radar au minimum, je jette un manteau ou quelque chose d'autre sur le GPS, et je m'assure que toutes les lumières sont éteintes : ainsi, on peut voir quelque chose. Je peux imaginer que, si le traversier a percuté la falaise, c'est qu'il devait y avoir beaucoup de lumière forte dans le poste de barre, ou que personne ne surveillait le gouvernail. Je ne sais pas quelles ont été les conclusions du Bureau de la sécurité des transports.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'il y a des phares sur cette route?

M. Bergh : Il y en a quelques-uns. Il n'y en a pas sur l'île Gill. Je crois qu'il y a des aides fixes le long de la plage, à cet endroit.

Le sénateur Raine : La nuit, est-ce qu'il faut utiliser un radar et un GPS?

M. Bergh : Les radars, les GPS et les cartes de navigation sont toujours utiles pour savoir où on est en tout temps.

Même quand les lumières sont éloignées, par exemple quand les aides fixes sont à 10 ou à 15 milles les unes des autres, le long d'une plage, on peut savoir exactement où l'on se trouve parce qu'on a sa carte marine. Et quand tous ces joujoux électroniques ne fonctionnent pas, il faut avoir une carte, une boussole et une horloge. La plupart des gens font preuve de professionnalisme et sont capables de naviguer à l'ancienne. Si quelque chose brise et que le bateau avance toujours, ils devraient pouvoir trouver le moyen de rentrer chez eux sans problème.

Le sénateur Raine : Ma prochaine question s'adresse à Mme Collins.

J'ai jeté un coup d'œil sur les informations qui figurent dans la description de travail, et j'ai trouvé cela assez épatant. Ce n'est pas un travail facile. Quand un de ces postes devient vacant, à quel point est-il difficile de le doter?

Mme Collins : Je ne crois pas qu'on ait déjà eu dans le passé beaucoup de mal à pourvoir ces postes. L'un des problèmes, évidemment, c'est que ce sont des emplois parmi les moins bien rémunérés, mais il est évident que ce n'est pas tout le monde qui peut travailler comme gardien de phare. Les gardiens sont des gens dévoués, et je crois que les marins sont très intéressés par ce travail. Bien souvent, comme dans le cas de M. Bergh, ce sont également des pêcheurs, et ils ont toujours mené ce type de vie.

Jusqu'à tout récemment, jusqu'au moment où la Garde côtière a commencé à employer des gardiens de courte durée ou même des travailleurs occasionnels, nous n'avons pas eu beaucoup de difficultés à combler les postes de gardiens de phare.

Le sénateur Dallaire : Quand j'étais dans l'armée, ce que nous redoutions le plus, c'était que quelqu'un arrive dans notre régiment en disant : « Bonjour! Je viens d'Ottawa, et je suis ici pour vous aider. »

Je vais envisager la question selon le point de vue du fonctionnaire d'Ottawa. C'est souvent une perspective froide et calculatrice, en raison de la façon dont il perçoit les responsabilités, et elle divise toujours les choses en trois : une mesure est essentielle, nécessaire ou avantageuse.

Vous faites partie d'un ministère qui doit faire face à des réductions budgétaires. Il y a dans ce ministère 114 années- personnes qui pourraient probablement être utilisées ailleurs, parce qu'il y a d'autres postes vacants, ou le ministère pourrait éliminer ces emplois de façon à boucler son budget. J'ai posé une question au commissaire de la Garde côtière : « Si les gardiens ne faisaient pas toutes ces tâches, à qui alors les confieriez-vous? Si vous pouviez économiser de l'argent, beaucoup ou un montant quelconque, en supprimant ces emplois, même si ces emplois sont essentiels — à vrai dire, c'est vous qui les jugez essentiels; je ne suis pas sûr que la Garde côtière est de cet avis —, mais il faut que quelqu'un accomplisse ces tâches. » Le commissaire n'avait pas de réponse à me donner. Il ne m'a pas dit s'ils avaient négocié avec un autre ministère pour lui confier des tâches relatives aux bulletins météo, ou d'autres choses comme cela.

Si on laisse de côté la question du phare, croyez-vous que ces emplois sont essentiels au bien-être des Canadiens qui vivent dans des régions isolées, où nous nous attendons à ce qu'il y ait plus d'activité? Ces emplois sont-ils nécessaires, ou sont-ils simplement avantageux?

M. Bergh : Ils sont essentiels.

Le sénateur Dallaire : Cela ne fait aucun doute dans votre esprit?

M. Bergh : Je n'ai absolument aucun doute à ce sujet. C'est pourquoi je suis ici.

Le sénateur Dallaire : Si le ministère ferme tous les phares gardés, il faudra trouver quelqu'un d'autre pour faire toutes ces tâches.

M. Bergh : Certainement.

Le sénateur Dallaire : Il n'est pas inhabituel pour un ministère de profiter d'une situation pour céder ses responsabilités à un autre ministère. Nous avons parlé de l'infrastructure et du nombre d'années-personnes, mais je voulais m'assurer que quelqu'un d'autre accomplit toutes ces tâches, parce qu'on ne peut pas simplement les laisser tomber. N'est-ce pas?

M. Bergh : De mon point de vue, je crois qu'on a déjà laissé tomber des choses essentielles. Vous l'avez probablement également constaté. Des choses que l'on considère comme absolument essentielles pour la sécurité des Canadiens ont été mises au panier.

Le sénateur Dallaire : Vous pensez que c'est encore le cas?

M. Bergh : Oui.

Mme Collins : La Garde côtière dispose d'un budget de fonctionnement de 700 millions de dollars et d'un budget d'immobilisations annuel de 150 millions de dollars. Nous parlons ici d'environ 110 gardiens de phare et de 4 500 employés de la Garde côtière.

Nous voulons savoir pourquoi on met la hache dans ces services et si on fera réellement des économies ainsi. C'est un coût si minime par rapport à l'ensemble.

Le sénateur Dallaire : Le ministère estime les économies à environ huit millions de dollars, ce qui est tout de même un montant important sur un budget de 700 millions de dollars, parce que c'est un petit ministère, et qu'il n'a pas un cent pour construire de nouveaux navires. Les navires actuels sont en train de rouiller et de couler. Il leur faudrait des centaines de millions de dollars pour régler le problème.

Mme Collins : C'est le budget des immobilisations qui servirait aux nouveaux bâtiments, pas le budget de fonctionnement. Les économies représentent un peu plus de 1 p. 100 du budget. Ce sont des économies de 1,4 p. 100. La Garde côtière a donné des montants différents. Qu'il s'agisse de huit millions de dollars ou de cinq millions de dollars, on peut quand même le remettre en question. Je ne sais pas si vous avez reçu toutes les données financières. Nous les avons demandées, mais nous ne les avons pas encore vues.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.

Le vice-président : Nous allons réunir le plus d'information possible, vous pouvez en être sûr, y compris les renseignements de nature financière.

J'aimerais terminer par quelques questions qui me sont venues à l'esprit.

Nous avons accordé beaucoup d'attention à la description de tâches des gardiens de phare, la pièce jointe no 3 présentée par M. Bergh. Cette description de tâches sommaire est datée de juin 2000. Il n'existe pas de description de tâches plus à jour?

Mme Collins : C'est la description de travail la plus récente. On l'a réécrite selon les spécifications du SCU, le Système de classification universel, quand on a essayé de mettre en place un nouveau système de classification. Il n'a jamais été appliqué. La dernière description de travail classifiée était antérieure de 10 ou 15 ans à celle-là, mais la description de travail qui est appliquée est celle que l'on vous a remise.

Le vice-président : Cela est utile.

La Garde côtière, et, je crois, le ministre — vous savez que nous avons accueilli le ministre —, ont fait valoir que nous disposons maintenant d'une nouvelle technologie supérieure. Les débats d'il y a plus de 10 ans reflètent une époque différente où n'existait pas la technologie perfectionnée qui est disponible aujourd'hui.

J'ai remarqué que certains commentaires sur l'automatisation, entre autres, que vous nous avez donnés, remontent à un certain temps. Le commissaire de la Garde côtière a dit ceci : « [...] après 10 années additionnelles, au cours desquelles nous avons pu contrôler la fiabilité des phares, nous constatons qu'il n'y a aucune différence statistique de fiabilité entre les phares automatisés et les phares qui ont un gardien. »

Avant de lever la séance, j'aimerais vous donner l'occasion encore une fois de commenter cet énoncé très clair du point de vue de la Garde côtière.

Mme Collins : J'ai quelques commentaires à faire à ce sujet. Premièrement, nous n'avons pas vu les statistiques. Nous avons demandé ces informations et nous avons demandé des copies des documents qui allaient être présentés ici. Cependant, nous ne les avons pas en main, alors nous ne savons pas quelles données statistiques ils utilisent.

Le Bureau de la sécurité des transports a soulevé de graves préoccupations concernant l'augmentation, depuis quatre ou cinq ans, du nombre d'accidents impliquant de petites embarcations et des bateaux de pêche. Il est important de souligner que le mandat de la Garde côtière ne concerne pas seulement les phares, les avertisseurs sonores et les aides à la navigation. Elle a aussi des responsabilités officielles, par exemple, en ce qui concerne la recherche et le sauvetage, les interventions environnementales, et cetera.

J'aimerais vous suggérer d'examiner le mandat de la Garde côtière et la législation connexe. Je trouve intéressant de voir que les représentants de la Garde côtière continuent à dire que son mandat est lié aux phares et aux avertisseurs sonores, parce que je crois que le mandat et la responsabilité de la Garde côtière concernent la sécurité des voyageurs ainsi que les activités de recherche et sauvetage, les communications maritimes, les interventions en cas de problème environnemental, et cetera.

Je me ferais un plaisir de réagir aux commentaires du commissaire sur l'absence de différence statistique si d'abord il me donnait une copie des statistiques qu'il mentionne. D'ici là, les seules statistiques dont je dispose sont celles du Bureau de la sécurité du transport, qui indiquent que le nombre d'accidents touchant des plaisanciers a augmenté.

Le vice-président : Merci. Nous attendrons ces renseignements et nous vous remercions également d'avoir attiré notre attention sur l'avis du Bureau de la sécurité des transports.

Monsieur Bergh, un dernier mot au sujet de cette déclaration?

M. Bergh : Il y a bien d'autres choses à faire que de s'occuper du signal lumineux. Il y a des services à fournir. À notre époque, si on ne peut pas allumer une lumière sans que quelqu'un la surveille, il y a un problème. Même si on a la technologie, qu'on utilise un panneau solaire et qu'on obtient une lumière fiable, on peut quand même avoir des problèmes avec cette lumière. Elle brûle, mais les algues poussent dessus. Pendant l'hiver, il s'y accumule de la glace et de la neige. Parfois, ces lumières sont installées dans d'anciennes lanternes. Il y avait autrefois dans ces lanternes une très grande ampoule, et il n'y avait pas de condensation sur la vitre parce que cette lumière chauffait. Aujourd'hui, cependant, il y a de la condensation sur toutes les fenêtres, l'hiver. Il faut les nettoyer, sinon il n'y a aucune visibilité. Cela n'arrive pas chaque soir, mais à certains moments, lorsque les conditions atmosphériques sont propices, il y a de la condensation sur les choses. Et lorsqu'il y a beaucoup de condensation sur la lumière, la visibilité chute.

Le président : Au nom des membres du comité, j'aimerais vous remercier tous les deux d'avoir présenté un exposé informatif et avisé. Je remercie les membres du comité de leur présence.

(La séance est levée.)


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