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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages du 8 juin 2010


OTTAWA, le mardi 8 juin 2010

Le Comité sénatorial des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 11 pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : les phares canadiens).

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous voulons souhaiter la bienvenue à M. John Duncan, qui est député; il est rare que nous accueillions des gens venant de l'autre endroit. Nous apprécions votre présence. Nous connaissons l'intérêt et la passion que vous avez pour le sujet et espérons pouvoir profiter de votre expérience.

Nous allons nous rendre en Colombie-Britannique à l'automne. Bien entendu, nous avons entendu des témoins de la Colombie-Britannique — non pas seulement le sénateur Raine, mais aussi l'ex-sénateur Carney — et nous avons bien hâte d'y aller.

Je vous demanderais de présenter une déclaration. Avant, par contre, je ferai un tour de table en demandant aux gens de se présenter. Je m'appelle Bill Rompkey et je suis président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Le sénateur MacDonald : Je suis le sénateur Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse et je suis membre du comité directeur.

Le sénateur Poy : Le sénateur Vivienne Poy de l'Ontario.

Le sénateur Patterson : Je suis le sénateur Dennis Patterson du Nunavut et j'ai le privilège d'être le vice-président du comité.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis Nancy Ruth de Toronto.

Le sénateur Downe : Je suis Percy E. Downe de Charlottetown.

Le sénateur Cochrane : Je suis Ethel Cochrane de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Poirier : Je suis Rose-May Poirier du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Raine : Je suis Nancy Raine de la Colombie-Britannique.

John Duncan, député, Île de Vancouver-Nord, à titre personnel : Ma déclaration prendra probablement 13 ou 14 minutes. Est-ce que ça vous convient? Je tiens à remercier certains des membres de votre comité de m'avoir exhorté à venir témoigner ou de m'avoir demandé de le faire. Il est particulièrement indiqué que je me retrouve aujourd'hui devant le Comité des pêches en cette Journée mondiale des océans.

Quoi qu'il en soit, ma circonscription est celle de l'Île de Vancouver-Nord. C'est une circonscription très vaste qui englobe un long littoral — la moitié environ des côtes de la Colombie-Britannique —, la moitié de l'île de Vancouver et une bonne part de la côte continentale de la Colombie-Britannique. Elle fait plus de 52 000 kilomètres carrés, ce qui représente presque la superficie de la Nouvelle-Écosse.

Elle englobe la moitié nord de l'île de Vancouver et une part importante de la côte centrale de la province. La très grande partie de cette côte est isolée et inaccessible, sauf par voie aérienne ou maritime; elle ne compte que quelques établissements permanents, ici et là.

Par contre, la région n'est pas vide. L'exploitation forestière, l'aquaculture, l'exploitation minière, la production d'électricité, le tourisme et la pêche commerciale et récréative sont autant d'activités qui s'y déroulent et qui, toutes, dépendent des voies navigables et voies aériennes de la côte pour acheminer à destination les gens, le matériel, les vivres et les produits voulus. De même, la circulation de transit y est assez importante. Qu'il s'agisse de traversiers ou de bateaux de croisière transportant des gens ou encore de cargos ou de barges transportant des biens qui nous relient à l'économie mondiale, nos eaux côtières constituent un élément vital de nos économies locales et nationale.

Pour les résidants des petits établissements des Premières nations et autres le long de la côte, voyager par bateau ou par avion constitue non pas un luxe, mais une nécessité. Comme la tragédie qui vient de se produire à Ahousat le montre, les gens dans ces secteurs sont exposés quotidiennement à des risques que les citadins n'arrivent simplement pas à imaginer.

Avant de me lancer en politique, j'ai travaillé dans l'exploitation forestière sur la côte de la Colombie-Britannique pendant 20 ans; je me suis souvent retrouvé dans des situations difficiles. J'ai des amis, des collègues et des parents qui ont péri à bord d'hélicoptères, d'hydravions et de bateaux. Le prix de la sécurité se mesure ici en vies et non pas en dollars.

J'ai affaire aux phares depuis le début des années 1990. Le retrait des gardiens de phare était envisagé à l'époque, comme il l'est aujourd'hui, et je me suis vite aperçu que la question mobilisait les gens que je représente. Même les groupes qui étaient normalement antagonistes étaient unis dans leur opposition au projet de retrait des gardiens de phare. Cela ne faisait aucun doute, les gens de la Colombie-Britannique tenaient — beaucoup — aux phares dotés d'un gardien.

J'ai collaboré avec le sénateur Carney, le sénateur Forestall, le député John Cummins et le député Bob Ringma. Des années avant la fusion du Parti progressiste-conservateur et de l'Alliance canadienne, il y a une question qui nous rassemblait : les phares de la côte de la Colombie-Britannique.

Nous avons créé un comité ad hoc pour que les nombreux résidants de la côte puissent exprimer leur opposition au projet de retrait des gardiens. Le rapport ayant découlé de l'initiative, que je dépose à l'intention de votre comité aujourd'hui dans les deux langues officielles, a été un facteur capital dans la décision prise par le gouvernement à l'époque, soit de cesser d'éliminer les postes de gardien de phare.

Je dépose aussi un exemplaire du texte de la politique du Parti conservateur à propos des phares, que j'ai présenté la première fois au congrès de 2005, à Montréal, où il a reçu l'appui d'une majorité écrasante.

Quinze années se sont écoulées depuis que le comité ad hoc a mis la dernière main à son rapport, et il vaut la peine de s'attarder à ce qui a changé au juste depuis.

En Colombie-Britannique, nous comptons toujours sur nos voies navigables et aériennes côtières. De fait, le nombre d'établissements permanents qui sont isolés est moins élevé qu'auparavant, mais, en même temps, l'industrie forestière est plus mobile et donc plus dépendante que jamais du transport côtier. La demande de sources d'énergie faible en carbone est par ailleurs à l'origine de projets énergétiques indépendants. Ce sera une grande source d'activités pour les années à venir, mais ça n'existait même pas il y a 15 ans.

Les changements géopolitiques ont été nombreux depuis, et il est plus important que jamais pour nous d'assurer la sécurité de nos frontières. La sécurité de nos frontières est devenue essentielle tant pour la sécurité du public que pour notre sécurité économique. Le fait de poster des yeux et des oreilles tout le long de la côte fait partie intégrale de l'exercice.

De même, il y a eu une certaine évolution de la technique, qui, nous dit-on, change la donne. Je vous inciterais par contre à envisager cela avec prudence.

Des témoins ont dit au comité que, du point de vue de la fiabilité, il n'y a pas de différence statistique entre le phare automatisé et le phare avec gardien. Je voudrais souligner au comité que les statistiques ne nous renseignent que sur ce qui est mesuré. Ils ne nous disent pas si nous mesurons la bonne chose.

Par exemple, sur le plan statistique, celui qui porte sa ceinture de sécurité en voiture est aussi susceptible d'être impliqué dans un accident que celui qui ne la porte pas. Iriez-vous conclure que ce n'est pas une bonne raison pour porter une ceinture de sécurité? La statistique ne vous dit pas ce que vous voulez savoir. Les statistiques relatives aux accidents ne nous disent rien de la valeur réelle d'une ceinture de sécurité. Par contre, si vous êtes en train de conduire et que, subitement, tout va mal, la valeur réelle du dispositif apparaît alors assez clairement.

La Garde côtière définit peut-être la fiabilité d'un phare en comptant le temps pendant qu'il ne fonctionne pas, mais, si nous voulons déterminer les conséquences de l'automatisation des phares, nous devons nous demander si nous mesurons la bonne chose. Si le phare est fonctionnel, mais que la lumière qu'il dégage n'est pas assez puissante pour être vue dans des conditions difficiles, jusqu'à quel point peut-on dire qu'il fonctionne vraiment? Si le phare produit la lumière, mais que la neige ou la condensation l'obscurcit, jusqu'à quel point est-il fiable?

Qu'en est-il de la météo? Les marins ne comptent pas que sur des aides à la navigation pour veiller à leur propre sécurité. Connaître les conditions météo est capital pour prendre des décisions éclairées sur les eaux. Étant donné qu'ils se trouvent à un emplacement stratégique, les gardiens de phare sont en mesure de fournir des bulletins de météo précis en temps réel — et des nouvelles sur les fronts météorologiques, j'ajouterais — aux marins et aviateurs à des moments critiques du processus décisionnel.

Cela est important. En sachant à quel moment elle peut partir en toute sécurité, l'industrie commerciale de la navigation et de l'aviation peut fonctionner de façon plus efficace; et en sachant à quel moment opter pour l'abri, elle peut carrément éviter la mort.

Je n'avais pas prévu en parler, mais je sais qu'il y a une question qui se pose à propos des Îles de la Reine-Charlotte. J'ai vécu et j'ai travaillé pendant cinq ans dans ces îles, qui s'appellent maintenant Haida Gwaii. Nous avons fait un long voyage en hélicoptère jusqu'à Ninstints, c'est-à-dire l'île Anthony. C'est là que se trouvent les totems — à la pointe sud, près du cap St. James.

J'admirais le paysage; c'est un lieu reculé, et très particulier. Puis, le pilote a dit : « Il faut s'en aller et il faut le faire tout de suite, sinon, nous allons peut-être être pris là jusqu'à demain au moins. » C'est vous dire à quel point un front peut arriver rapidement. Essentiellement, nous avons gagné la course contre le front qui arrivait, en hélicoptère. Le phare du cap St. James nous manque encore. Le gardien de celui-là n'y est plus depuis un bon moment déjà.

Du point de vue des marins et des aviateurs, la météo n'est pas qu'un ensemble de données. Si vous vous retrouvez dans un secteur côtier isolé et qu'un front arrive, un petit problème peut prendre toute une ampleur dans le temps de le dire. Privés de bonnes informations, les marins qui essaient de respecter leur horaire ou qui ont à cœur leur seuil de rentabilité ou souhaitent simplement entrer à la maison voir leur famille sont plus susceptibles de se retrouver en eaux troubles.

Comment mesurer le nombre de vies épargnées par le fait que des gens ont pris la décision difficile mais éclairée de ne pas décoller ou se lancer sur les eaux à un moment critique?

Pour aller de Port Hardy à Bella Coola en avion, il faut passer au-dessus du cap Caution. Souvent, le temps y est tout à fait différent de ce qu'il peut être au point de départ et à la destination. Ce n'est qu'un exemple. Il a été dit de la côte de la Colombie-Britannique que c'est le lieu le plus retors pour la navigation aérienne dans le monde.

Maintenant, nous entrons dans une zone grise. La Garde côtière fera peut-être valoir à juste titre que les renseignements météorologiques ne relèvent pas de son mandat, fondamentalement, mais la transmission de ces informations est capitale pour la sécurité des marins, ce qui s'inscrit très certainement dans son mandat.

Dans la vraie vie, il arrive souvent que les choses n'entrent pas parfaitement dans le mandat précis d'un ministère ou un autre. Dans pareils cas, nous pouvons soit laisser la question tomber entre les mailles du filet, soit trouver une façon de régler le problème.

Depuis longtemps, je préconise une approche pangouvernementale de la dotation des phares. Plutôt que d'argumenter afin de savoir qui est responsable de la question, nous devrions nous attacher à la valeur que nos gardiens de phare procurent à notre gouvernement dans son ensemble et essayer de trouver une façon de faire fonctionner les choses.

Tant et aussi longtemps que les phares demeureront la cible de projets de retrait des gardiens, je crains que, pour justifier ce but, des pressions soient exercées pour en restreindre le mandat. Plutôt que de trouver de meilleures raisons de se défaire des gardiens de phare, nous devrions trouver des meilleures façons de maximiser leur utilité.

En Colombie-Britannique, le drapeau canadien flotte au-dessus des phares dans des secteurs où il y a peu de présence humaine, encore moins de présence fédérale.

Non seulement les gardiens de phare exercent une fonction capitale du point de vue de la sécurité maritime, mais, en plus, ils apportent ou peuvent apporter beaucoup aux progrès du gouvernement sur de nombreux fronts. Ce sont des yeux et des oreilles sur place, chose précieuse. Les gardiens de phare soutiennent Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, la Gendarmerie royale du Canada et la Défense nationale. Ils sont présents, à même d'observer et de signaler toute chose exceptionnelle, par exemple un déversement de pétrole, des activités douteuses ou le passage d'un bateau ou d'un avion. Par leurs observations, ils ont déjà permis de restreindre ou d'éviter de vastes missions de recherche et de sauvetage. Comment calculer l'argent qui a ainsi pu être épargné?

Le comité permanent a tout intérêt à aller voir les phares de régions éloignées de la Colombie-Britannique, la plupart d'entre eux étant très éloignés des grands centres. Faire un voyage dans les régions touchées permettrait aussi au comité d'entendre le point de vue de personnes dont la vie et le gagne-pain tiennent périodiquement aux services des gardiens de phare.

Je dépose aussi un document que j'ai envoyé moi-même à NAV CANADA au début de 2009, au moment où l'organisme procédait à son examen des services de circulation aéroportuaire à l'aéroport de Port Hardy. J'inclus le document, car il décrit cette partie-là de la côte du point de vue de l'aviateur et tend à confirmer les arguments que je mets de l'avant.

Comme cela a été le cas pour NAV CANADA après l'examen de la dotation de station d'information de vol à Port Hardy, j'espère que le comité recommandera aussi que nous conservions une présence humaine dans les phares.

Voilà qui conclut ma déclaration.

Le président : Merci. À un moment donné, vous avez mentionné une chose à laquelle je n'avais pas pensé, ou suffisamment pensé, soit le fait que les gardiens de phare jouent de multiples rôles. Cela m'a rappelé l'étude que nous avons faite dans l'Arctique et notre rencontre avec les Rangers canadiens, qui, eux aussi, jouent de multiples rôles. Ils ont un rôle à jouer dans les missions de recherche et de sauvetage de même que dans les projets de nettoyage en cas de déversement de pétrole, et les Rangers canadiens représentent plus ou moins une garde côtière auxiliaire dans les localités du Nord. Les habitants des petites collectivités de l'Arctique ne sont pas très nombreux, de sorte que les gens ont tendance à passer assez facilement d'une entité gouvernementale à l'autre.

Nous parlons de gardiens de phare qui font partie de la Garde côtière canadienne, mais vous dites qu'ils ne font pas uniquement du travail pour la Garde côtière. Je voulais faire cette analogie-là. Dans les collectivités de l'Arctique, il y a aussi des groupes qui prennent en charge de multiples tâches. Nous nous posons donc la question suivante, entre autres : dans quelle catégorie les gardiens de phare devraient-ils se retrouver à l'avenir? C'est seulement une idée intéressante que je voulais proposer avant que nous écoutions le sénateur Watt.

M. Duncan : Puis-je faire une observation à propos de votre observation? À certains autres égards, le gouvernement fédéral reconnaît l'isolement de notre côte. Vous évoquez le cas des Rangers canadiens, comme s'il s'agissait d'un phénomène présent dans le Nord. Il y a des Rangers canadiens dans ce secteur de la côte, dans les petites localités comme Tahsis et du côté nord de l'île. Ils procèdent à des exercices, et ils ont déjà donné aux autorités des renseignements importants du point de vue de la souveraineté canadienne, souvent en rapport avec le débarquement de drogues illégales. C'est un exercice de protection de la souveraineté du pays. Ce qu'il faut savoir ici, c'est qu'il vaut peut-être mieux avoir une présence partielle que d'être totalement absent. La question de la souveraineté se pose vraiment, à mon avis.

Le sénateur Watt : Bienvenue au comité. Je n'étais pas présent durant la première partie de votre exposé; je vais donc peut-être évoquer des choses que vous avez déjà abordées, mais je dois quand même les évoquer.

Je remarque que vous n'avez pas changé d'avis depuis la dernière fois où nous nous sommes rencontrés.

M. Duncan : Non, et il vaudrait peut-être mieux que je déclare mon intérêt dans l'affaire : 41 p. 100 des phares avec gardiens sur la côte de la Colombie-Britannique se trouvent dans ma circonscription.

Le sénateur Watt : Évidemment, vous avez eu par le passé une opinion très tranchée sur la question du retrait des gardiens. Vous avez préconisé le maintien en poste des gardiens de phare et vous nous exhortez à élargir le rôle des gardiens au-delà de leurs fonctions classiques. Vous avez affirmé qu'ils pourraient continuer à exercer les fonctions qu'ils exercent actuellement, mais que leurs rôles pourraient être élargis. J'aimerais en savoir plus sur ce que les gardiens pourraient faire en dehors de ce qu'ils font aujourd'hui. Je crois que les phares en question sont utiles aux activités maritimes dans les secteurs avoisinants, mais qu'ils sont aussi très importants du point de vue de l'aviation, si j'ai bien compris. Je me demande si vous pourriez en dire davantage au comité à ce sujet. En quoi précisément le rôle en question serait-il élargi?

M. Duncan : Merci de poser la question. De plus en plus, les adeptes du plein air apprécient l'isolement et l'éloignement de certains lieux. Les kayakistes qui se retrouvent le long de la côte de la Colombie-Britannique ne sont pas habitués à l'adversité qu'ils finissent souvent par devoir combattre. Une tempête est vite arrivée; leur surprise peut être grande. Il y a de nombreuses morts à déplorer de ce côté-là. Ce qui est évident, c'est qu'ils peuvent compter sur les phares avec gardiens lorsqu'ils se trouvent en difficulté. S'ils peuvent au moins se rendre aux phares, ils ont accès à des moyens de communication, à de la nourriture et à de la chaleur.

Les observations visuelles et les bulletins météo à jour revêtent une importance capitale pour le petit aviateur. Les informations en question proviennent du centre d'assistance aux vols de Port Hardy, par exemple. Il n'y a pas d'aéroports entre Port Hardy et Prince Rupert le long de la côte, la distance entre les deux lieux étant énorme.

Je pilotais un Cessna 310 bimoteur, sans flotteurs. Le temps était dégagé à Bella Coola et à Port Hardy, mais nous avons commencé à avoir des difficultés, si bien qu'il fallait revenir vers le cap Caution. Nous avions déjà consacré beaucoup de temps et de combustible au chemin parcouru, mais il fallait revenir. Si vous courez un risque du genre, vous vous plantez sur toute la ligne. De retour à Port Hardy, nous avons donné nos renseignements aux services d'assistance aux vols, dont les responsables ont parlé aux gardiens des phares pour déterminer ce qui se passait entre les deux endroits. En ce moment, il n'y a pas d'autres sources pour qui cherche seul ces renseignements-là.

Un de mes collègues m'a parlé aujourd'hui, après avoir lu mon mémoire. Il a dit : « Tu as tout à fait raison pour ce qui est des hydravions. » Les gens ne se rendent pas compte à quel point les hydravions sont nombreux sur la côte en Colombie-Britannique, ni l'importance capitale que revêtent ces appareils, étant donné que c'est la seule voie de transport qui mène à un grand nombre de localités.

Le sénateur Watt : Présumons que nous retirons les gardiens des phares et que personne n'est présent au phare pour répondre à l'appel du pilote d'un petit avion qui, par exemple, se retrouve en plein brouillard. Quelle est la solution de rechange du pilote qui est perdu et qui a besoin d'information? Que peut-il faire alors, si cette information-là n'est pas accessible?

M. Duncan : Les pilotes se parlent entre eux, mais quelqu'un doit y être en premier.

Le sénateur Watt : Si ça manque à cet endroit-là, que peuvent-ils faire? Très peu de choses, je suppose.

M. Duncan : Ils doivent fonctionner en ayant moins d'information.

Le sénateur Watt : Merci.

Le sénateur Poy : Croyez-vous qu'il faut remettre un gardien dans les phares où on les a retirés?

M. Duncan : Non, dans la mesure où un certain temps s'est écoulé depuis que le gardien y était, il est trop tard. Si vous retirez le gardien du phare, vous perdez le feu, la structure et la maison. Vous perdez tout. Je crois qu'il y a cinq bâtiments pour chaque phare où il y a un gardien. En peu de temps, il n'est plus possible de redresser la situation. Le dernier volet du projet de retrait des gardiens a eu lieu il y a un bon moment déjà; à mon avis, il n'est pas réaliste de penser qu'on peut remettre des gardiens là.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé des multiples rôles que joue le personnel des phares. En ce moment, il relève de la Garde côtière canadienne. Le drapeau flotte au-dessus des phares en régions éloignées, pour indiquer la souveraineté canadienne. Ne pourrait-il pas relever de la marine, par exemple? S'il relève de plusieurs ministères en même temps, les ministères en question peuvent assumer conjointement les coûts.

M. Duncan : Oui, c'est une chose que le comité devrait certainement envisager à mon avis. La Garde côtière a toujours été responsable des phares, mais elle n'a pas toujours fait partie de Pêches et Océans Canada. Depuis que je suis à Ottawa, elle est passée de Transports Canada à Pêches et Océans Canada, le MPO.

Le sénateur Poy : Différents ministères pourraient se répartir les coûts. Certains des très vieux phares pourraient être convertis en monuments historiques qui relèveraient d'un autre ministère. Ces coûts-là pourraient être assumés conjointement aussi.

M. Duncan : Cela s'est déjà fait. Il y a des phares désignés comme étant d'intérêt patrimonial et d'autres que les localités adjacentes ont pris en charge. Bon nombre entrent dans cette catégorie-là. Des 27 phares avec gardiens qui se trouvent le long de la côte de la Colombie-Britannique, rares sont ceux qui pourraient être adoptés de cette façon, car ils sont à ce point isolés et éloignés.

Le sénateur Poy : C'est parce que les gens ne peuvent s'y rendre?

M. Duncan : Oui. S'ils se trouvent sur un segment éloigné de la côte auquel on ne peut accéder en voiture, l'idée ne serait pas pratique.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé des hydravions, qui dépendent des phares à leur arrivée dans le secteur. C'est bien cela?

M. Duncan : Oui. Il n'y a pas que le mécanisme intégré qui entre en jeu. De temps à autre, les habitués de notre côte vont téléphoner directement. Ils échangent des renseignements avec les gardiens de phare. Je ne sais pas si c'est officiellement autorisé, mais ça se fait souvent.

Le sénateur Poy : Ils s'appellent par radio. Est-ce qu'ils demandent le bulletin météo dans le secteur?

M. Duncan : Oui. Le fonctionnement du téléphone cellulaire peut être assez bon sur les eaux à certains endroits le long de la côte, mais, souvent, il n'y a pas de service. C'est un peu mieux quand on se trouve dans un hydravion, mais autrement, il faut compter sur le fait qu'on se trouve là où il y a les installations pour communiquer.

Je sais que les pilotes ont un réseau officieux.

Le sénateur Poy : Quelles sont les heures de travail des gardiens de phare? Après une certaine heure, les appels restent-ils sans réponse?

M. Duncan : Je sais que le président du regroupement des gardiens de phare de la Colombie-Britannique, Steve Bergh, est venu témoigner devant le comité. Son phare est dans mon coin, à Chatham Point. Il a bien répondu à toutes ces questions, nettement mieux que je ne saurais le faire si je me mets à vous parler des heures et des fonctions de ces gens-là.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Duncan, est-ce que certains gardiens ont déjà été retirés des phares le long de la côte en Colombie-Britannique?

M. Duncan : Oui. Dans un des derniers cas, c'était au cap St. James, à la pointe sud de Haida Gwaii, dont j'ai parlé plus tôt. En 1994, il y avait un projet qui visait à retirer les autres, mais cela a été mis en suspens. Le gouvernement a déclaré, probablement en 1995, qu'il n'irait pas de l'avant avec le projet après une discussion et un débat publics nourris à cet égard.

Le sénateur Cochrane : Est-ce seulement le phare du cap St. James où il n'y a plus de gardiens?

M. Duncan : Non, il y en a d'autres aussi.

Le sénateur Cochrane : Ce retrait des gardiens a-t-il eu des conséquences?

M. Duncan : Ça s'est produit avant que je ne prête vraiment attention à la question. Je dirais tout de même que la disparition du gardien du phare du cap St. James a été significative du point de vue des pêcheurs, des marins et des aviateurs.

Le sénateur Cochrane : Ont-ils porté plainte?

M. Duncan : Je ne sais pas. Y a-t-il une façon de le faire, autrement que par la voie politique?

Le sénateur Cochrane : On peut peut-être s'adresser à la Garde côtière ou au MPO.

M. Duncan : Je ne sais pas très bien.

Le sénateur Cochrane : Est-il possible que certains phares avec gardiens soient plus nécessaires que d'autres, du fait de leur emplacement?

M. Duncan : Oui. À mon avis, plus le phare est isolé et éloigné des grands centres, plus il est nécessaire, car il devient souvent la seule présence là. Ce sont les phares où une présence humaine permet d'économiser de grandes sommes d'argent en évitant le recours aux hélicoptères et l'emploi d'autres méthodes.

À l'inverse, on peut affirmer qu'il faut transporter des gens sur les lieux et les ramener, ce qui ajoute au coût aussi. C'est une comptabilité qui est difficile à faire.

Le sénateur Cochrane : En quoi la côte Ouest est-elle différente de la côte Est, à votre avis?

M. Duncan : La côte britanno-colombienne est plus isolée et plus éloignée des grands centres, de façon générale. Je ne dirais pas que c'est vrai dans chaque cas, mais je dirais que c'est vrai de façon générale.

J'ai vu des comparaisons faites avec l'État de Washington, où il n'y a plus de gardiens de phare. Essentiellement, vous pouvez parcourir l'État entier en longeant la côte, ce qui n'est pas possible en Colombie-Britannique. Les trois points d'accès sont Kitimat, Prince Rupert, Bella Coola — et puis au sud, à partir de là, c'est le Sunshine Coast, tout juste en dehors de Vancouver. Ce sont les seuls points d'accès routiers à notre côte.

Le sénateur Cochrane : Que répondez-vous à la Garde côtière quand elle affirme qu'on a retiré les gardiens des phares sans incident partout dans le monde?

M. Duncan : Je ne prétends pas être l'expert en la matière. Je viens d'évoquer la comparaison faite avec l'État de Washington. Toute comparaison avec une région quelconque des États-Unis, l'Alaska y compris, doit tenir compte de l'énorme effectif de l'armée et de la Garde côtière du pays, ce que nous n'avons pas ici. Vous ne pouvez aller nulle part en Europe sans que quelqu'un puisse vous surveiller. Les populations là-bas sont denses.

J'ai lu les propos de témoins qui vous ont parlé du Chili et du Brésil, qui ont dit qu'ils persistent à avoir une présence humaine le long de la côte dans les secteurs éloignés. La comparaison avec ces pays-là est peut-être plus juste.

Le sénateur Cochrane : Vous avez fait partie du comité ad hoc en 1994?

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous organisé des rencontres dans la région de l'Atlantique?

M. Duncan : Non. C'était uniquement en Colombie-Britannique. Ni le Sénat ni la Chambre des communes ne nous a autorisés officiellement à mettre sur pied le comité en question; ce n'était qu'une collaboration. Nous avons pu utiliser une partie de notre budget parlementaire pour organiser des rencontres du comité ad hoc, qui a bien fait parler de lui dans les médias et a attiré beaucoup de monde dans de multiples localités du Lower Mainland de même qu'à Victoria et sur l'île de Vancouver.

Le président : J'aimerais que vous nous donniez davantage de précisions sur la comparaison faite entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington. Les comparaisons internationales figurent parmi nos intérêts. Pourriez-vous nous en dire davantage sur l'État de Washington?

M. Duncan : Il y a une route sur l'axe nord-sud. Sur la côte Ouest de l'État de Washington, il y a une route qui part de l'Oregon et qui arrive sur la côte Nord. Puis, il y a un bout qui va jusqu'à Neah Bay, à l'extrémité de la pointe nord-ouest de l'État de Washington. Puis, un réseau routier vous redirige sur la côte jusqu'à Puget Sound; une fois à Puget Sound, essentiellement, vous êtes rendu à Seattle. Il n'y a pas de grand bout de leur côte qui soit sans route ou sans population, mis à part le court segment qui passe dans l'Olympic National Park.

Le président : Qu'en est-il des phares là-bas?

M. Duncan : Les gardiens ont été retirés.

Le sénateur Patterson : Je tiens à remercier M. Duncan d'être venu témoigner et relater son expérience.

Pourriez-vous nous parler un peu plus de votre expérience de travail sur la côte, des voyages que vous y avez faits et de la mesure dans laquelle vous avez parcouru cette côte-là?

M. Duncan : Je me plais à dire que j'ai une connaissance de la côte en Colombie-Britannique qui est plus vaste et plus intime que celle de n'importe quel autre parlementaire — à Ottawa, assurément.

J'ai vécu et j'ai travaillé dans des petites localités de la côte britanno-colombienne, dans le secteur forestier, aux opérations de coupe, pendant la majeure partie d'une période s'échelonnant sur 20 ans. J'ai passé cinq ans sur la côte Nord, à Haida Gwaii. J'ai passé sept ans sur la côte Ouest de l'île, dans le secteur d'Ucluelet. Les années avant mon entrée en politique, je les ai passées dans la partie nord de l'île de Vancouver, mais aussi à Campbell River et à Kelsey Bay, près de votre ville natale de Woss Lake. J'ai aussi travaillé à Port Alberni, à Nanaimo, à Chemainus et dans les îles Gulf à faire le même métier.

J'ai pu tout voir, ayant vécu et travaillé là. J'ai beaucoup voyagé par hydravion. Je me suis déplacé par hélicoptère à des fins personnelles et pour le travail. Je ne connais personne qui a allumé davantage de feux que moi à partir d'un hélicoptère.

Je ne m'y adonne pas autant en ce moment, mais j'ai emprunté le chemin des airs sur un grand nombre d'heures — trop pour que je puisse en avoir fait le total. J'ai beaucoup voyagé par bateau aussi.

J'ai vu à quelle vitesse les choses peuvent changer sur la côte. Je me suis retrouvé dans des situations où il fallait soit rester sur place la nuit pour que ça passe, soit essayer de s'en aller. Même si nous étions près de l'eau, aucun hydravion ne pouvait voler, mais un hélicoptère si. Ces voyages-là ont été assez turbulents, mais ils nous ont évité de devoir passer une nuit mouillés.

Le sénateur Patterson : Pouvez-vous signaler au comité quelles seraient les situations usuelles auxquelles nous devrions prêter attention sur la côte Ouest? Je parle de situations qui nous permettraient d'apprendre des choses sur les questions dont vous parlez aujourd'hui? Je ne veux pas dire tout de suite, mais seriez-vous disponible? Nous prévoyons nous rendre là-bas, et nous devons y retrouver des situations usuelles.

M. Duncan : Oui, bien sûr. Je n'ai pas parlé des localités des Premières nations comme à Klemtu, par exemple, où le phare, qui est situé un peu plus près du large, s'est révélé d'une importance capitale en empêchant que des tragédies se produisent localement et en étant un élément intégral de la collectivité en milieu éloigné. Ce n'est pas le seul dans ce cas, mais c'est probablement l'exemple le plus évident. Ça me semble être un secteur dont personne n'a vraiment parlé. Il y a des localités des Premières nations qui n'ont pas beaucoup accès à la présence fédérale dans un contexte local.

Le sénateur Patterson : Enfin, vous avez parlé du texte d'une politique que vous alliez déposer ici. Pouvez-vous nous en dire davantage?

M. Duncan : D'autres l'ont déjà déposée, je m'en aperçois maintenant. Il s'agit simplement de la politique actuelle du Parti conservateur sous la rubrique des transports, à propos des phares. Je n'ai pas d'exemplaire de cette politique devant les yeux, mais c'est un texte que nous avons adopté à notre congrès de 2005 et qui demeure en vigueur aujourd'hui.

Le président : Nous l'avons.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous me redonner le nom de la collectivité autochtone que vous venez de mentionner?

M. Duncan : C'est Klemtu; si le comité se rend à Klemtu, il aura remonté la côte sur un bon bout. Vous vous serez déjà rendu compte à quel point la côte centrale et la côte Nord sont éloignées.

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Raine, puis-je intervenir pour parler de l'avenir? Nous allons nous rendre en Colombie-Britannique à l'automne — en septembre, espérons-le —, mais il nous faut un budget et il nous faut un plan. Si nous voyageons pendant quatre ou cinq jours, il faut alors savoir ce que nous ferons de ces quatre ou cinq jours en Colombie-Britannique.

Je sais que le sénateur Raine aura des propositions à faire, d'autres aussi, mais je voulais soulever cette question étant donné que nous sommes en train de préparer un budget. Dans une certaine mesure tout au moins, le budget dépendra des lieux que nous choisirons de visiter et des moyens que nous emploierons pour nous y rendre — surtout les lieux éloignés auxquels il faudra peut-être se rendre par hélicoptère.

Si vous pouviez mettre sur papier les idées que vous avez en ce qui concerne notre emploi du temps pendant les quatre ou cinq jours en question et nous le remettre, nous vous en serions très reconnaissants.

M. Duncan : Je ferai cela.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup d'être là, monsieur Duncan. Je sais que vous vous êtes beaucoup activé la dernière fois où la question du retrait des gardiens de phare avait été soulevée. Savez-vous ce qui est à l'origine de la plus récente tentative par la Garde côtière canadienne d'éliminer les postes de gardiens qui demeurent?

M. Duncan : Non, tout simplement.

Le sénateur Raine : J'ai apprécié que vous ayez dit mesurer la sécurité en vies et non pas en dollars. Tout de même, si nous parlons des coûts, même si le gardien de phare est retiré, il faut encore assumer des coûts importants pour entretenir le feu et, bien entendu, on perd alors tous les autres services que le gardien fournit. À votre connaissance, quelqu'un a-t-il réalisé une analyse coûts-avantages de la situation ou encore est-ce possible? Faudrait-il le faire dans chacun des phares?

M. Duncan : Je ne sais pas si c'est possible. Je ne sais pas si ça se prête très bien à un exercice de comptabilité.

Les phares de la côte de la Colombie-Britannique sont considérés comme des icônes. Le saumon est considéré comme une icône et les phares sont considérés comme des icônes.

Le sénateur Raine : Cela est intéressant : un agent de la Garde côtière à la retraite a déclaré que le maintien d'un service désuet qui a été éliminé ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde n'a aucun mérite. Les États-Unis ont réussi à retirer le gardien de 474 de leurs 475 phares. L'homme en question a aussi parlé d'autres pays.

Qu'est-ce que la côte de la Colombie-Britannique a de si unique que nous débattons encore de cette question?

Les gardiens de phare nous ont dit qu'ils assument de nombreuses tâches que la Garde côtière ne reconnaît peut-être pas. Nous devons trouver une façon de justifier les choses.

M. Duncan : Je suis bien d'avis que le Canada connaît une situation tout à fait différente, sans parler même des mérites des phares. Les États-Unis comptent sur une présence massive de l'armée et de la Garde côtière, ce qui n'est pas notre cas. Ils ont une population de 340 millions de personnes; c'est donc une population plus nombreuse avec des ressources plus nombreuses que nous n'avons pas.

Le sénateur Raine : J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une chose : est-ce que tous les phares qu'il y a en ce moment sont nécessaires? On nous a dit que la chaîne de sécurité a été tirée au maximum. Tout de même, certains sont-ils moins nécessaires que d'autres? Vous avez dit qu'il y en avait à votre avis, mais qu'il n'y en a pas tant si on songe à la longueur de la côte.

M. Duncan : Oui. Ce n'est pas une question à laquelle j'aime répondre.

Le président : Vous faites encore de la politique, et nous sommes à la télé.

M. Duncan : Plus le lieu est éloigné et plus il est isolé, plus le phare a de valeur.

Le sénateur Raine : Nous avons parlé, entre autres, des pêcheurs de la région de Vancouver qui peuvent téléphoner à un gardien de phare sur la côte Nord de l'île de Vancouver, ce qui n'est pas très éloigné. Tout de même, en téléphonant d'abord, ils s'évitent de devoir se rendre sur place pour seulement rebrousser chemin. Du point de vue commercial, le long de la côte, j'imagine que ces phares ont plus de valeur que ce que les calculs comptables permettent de voir — le simple fait de disposer de ces informations est un exemple.

M. Duncan : Parfois, lorsqu'il y a une mission de recherche et de sauvetage sur la côte, quand on cherche une personne et qu'on a mobilisé tous les aéronefs et ainsi de suite pour la trouver, la recherche peut être restreinte dans la mesure où un gardien de phare a aperçu le bateau manquant ou l'avion manquant qui se dirigeait vers le sud ou vers le nord à un moment donné. C'est une information d'une importance capitale. Je crois comprendre que, parfois, le gardien de phare peut même dire qu'il croit savoir où la personne disparue se trouve. Comment mesurer cela? Les missions de recherche et de sauvetage sont considérées comme essentielles : nous ne notons pas les frais pour savoir si ça vaut la peine. Les fois où on fait des économies dans le contexte que je viens de décrire, comment faire un tel calcul?

Le sénateur Raine : Je crois que la plupart des phares ont des réserves de combustible pour les hélicoptères et les appareils de recherche et de sauvetage, au besoin; il y a donc une réserve de combustible en cas d'urgence. Cette réserve pourrait-elle être là même s'il n'y avait pas de gardien de phare?

M. Duncan : On pourrait stocker le combustible là, mais vous me demandez si ça poserait des difficultés; je présume que oui.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'elle durerait?

M. Duncan : Oui, elle durerait, mais se peut-il qu'elle soit altérée? Qui sait?

Le président : Lorsqu'on a soulevé le fait que d'autres pays ont fait cela, mais pas nous, je me suis souvenu de ce que ma mère me disait quand je voulais faire comme les autres, mais qu'elle n'était pas d'accord : « Si tout le monde sautait en bas du pont, le ferais-tu toi aussi? » Peut-être devrions-nous oser être différents.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez parlé du rôle élargi des gardiens de phare. Pouvez-vous nous dire ce que cela supposerait?

M. Duncan : D'autres personnes ont témoigné à ce sujet, et je peux rappeler moi-même les événements survenus au milieu des années 1990. Par exemple, je savais que, là où il y a un phare isolé avec un gardien, il y a habituellement des génératrices et il y a des gens. Les phares servent à des recherches. De même, des gens réalisant des relevés sismiques, qui avaient besoin d'électricité, ont pu conclure avec eux des contrats. Je suis sûr qu'il y a de nombreux exemples à citer. Ce n'est pas ce à quoi je me suis attaché. Je me suis surtout attaché à la question de la sécurité des aviateurs et des marins.

Je sais que, depuis de nombreuses années, le phare de Langara Island du côté nord de Haida Gwaii sert à prendre des mesures relatives à l'activité sismique, et c'est une zone sismique très active. Tout cela est lié au système d'alerte au tsunami. Je ne sais pas comment on pourrait en mesurer la valeur, mais si personne n'est là pour s'en occuper, ça ne se fera pas. Je suis certain que les universités et les chercheurs les considèrent souvent comme étant très utiles, étant donné qu'il y a quelqu'un là, quelqu'un est là tous les jours, quelqu'un qui peut faire quelque chose en fonction d'un horaire établi.

Le sénateur Nancy Ruth : Toutes ces tâches sont très utiles, j'en suis certaine. Appartient-il à la Garde côtière d'assumer les frais des fonctions ainsi assurées par les gardiens de phare?

M. Duncan : Probablement pas, voilà un problème.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est un problème.

Le sénateur Downe : Pour donner suite à la question du sénateur Nancy Ruth, le problème qu'elle a relevé et que vous avez relevé, monsieur Duncan, c'est que la Garde côtière situe ces responsabilités supplémentaires en dehors de son mandat. Vous avez déjà dit que la Garde côtière a été transférée à Pêches et Océans durant votre séjour à Ottawa. La Garde côtière devrait-elle être transférée ailleurs et, le cas échéant, où?

M. Duncan : Je ne sais pas si j'ai la compétence voulue pour répondre à cette question ou même si j'ai un avis bien tranché là-dessus. Aux États-Unis, la Garde côtière est un organisme paramilitaire qui fait essentiellement partie de l'appareil militaire.

Le sénateur Downe : C'est de cela que je voulais parler. Il me semble que l'une des responsabilités supplémentaires en jeu, pour nous qui essayons de rassurer les Américains sur le fait que nos frontières sont bien protégées, renvoie à un point que vous avez soulevé plus tôt à propos du fait que ce sont des lieux très isolés. Si le gardien de phare est présent, ce sont des yeux et des oreilles que nous avons là. Si le phare est automatisé, ce n'est pas le cas. C'est une mesure de sécurité supplémentaire. Nous dépensons des millions de dollars pour assurer la sécurité de notre frontière, et peut-être cette dimension devrait-elle figurer aussi dans le mandat d'aide à la navigation. Il s'ensuivrait que les phares prendraient une nouvelle importance. Qu'en pensez-vous?

M. Duncan : Il appartient au comité de se pencher sur cette question. L'idée circule dans de nombreux cercles depuis un certain temps déjà, mais je ne suis pas sûr de savoir ce qu'il faut faire.

Le sénateur Downe : Je n'ai pas assisté au congrès des Conservateurs en 2005 et je n'ai pas eu le rapport en main, mais je présume que vous avez présenté la position de principe sur la question. La position du Parti conservateur consiste à soutenir le maintien des gardiens dans les phares. C'est bien cela?

M. Duncan : C'est ce qui est dit dans la politique, oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Je me demandais si certains des gardiens de phare étaient autochtones?

M. Duncan : Voilà une bonne question. Je ne sais pas s'il y en a, mais je ne connais pas tous les gardiens de phare.

Le président : Y a-t-il des gardiennes de phare?

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Merci, sénateur.

Le président : Quel est le pourcentage de gardiennes?

M. Duncan : Je ne sais pas.

Le président : Est-ce que ce pourrait être 50 p. 100? Nous ne le savons pas.

M. Duncan : Je ne sais pas.

Le sénateur Poirier : Merci de l'exposé que vous avez présenté et merci des réflexions et des idées dont vous nous faites part sur cette question.

Une des questions que nous étudions ou qu'on nous a demandé d'étudier, c'est la question de savoir si le retrait des gardiens de phare posera un problème du point de vue de la sécurité. Depuis l'époque où vous faisiez partie du comité en 1994, la technique a évolué avec l'avènement du système mondial de positionnement, le GPS, et, probablement, un meilleur accès radio sur de longues distances. Êtes-vous d'avis que le fait de retirer les gardiens des phares, même en présence d'une technologie avancée, pose quand même un problème de sécurité étant donné le degré d'éloignement de la côte de la Colombie-Britannique? Par exemple, vous avez dit que lorsque bon nombre de ces gens sont en difficulté, ils peuvent se tourner vers le phare pour de la nourriture, de la chaleur, un refuge où se mettre à l'abri du mauvais temps et un endroit où séjourner le temps que les secours arrivent. Vous parliez probablement d'un phare où il y a un gardien. Même avec une technologie avancée, si le gardien n'y est plus, croyez-vous qu'il y aura certainement là un problème de sécurité?

M. Duncan : Oui, dans le cas des petites embarcations maritimes, les kayaks, les bateaux de plaisance, voire les bateaux de taille un peu plus grande, en cas de panne. Dans le monde de l'aviation, les pilotes des petits avions s'en remettent toujours à des règles de vol à vue, pour la majeure partie. C'est un vrai problème de leur point de vue, étant donné que les choses se passent vite dans un avion. D'une certaine façon, c'est plus important pour eux que pour les autres.

Le sénateur Poirier : Les hydravions servent-ils de moyens de transport aux gens, pour qu'ils puissent se procurer les biens de première nécessité, qui servent tous les jours?

M. Duncan : Le transport ne se fait pas tous les jours.

Le sénateur Poirier : Utilisent-ils leurs avions pour être en lien avec le monde extérieur?

M. Duncan : Ils s'en servent pour se rendre à la prochaine localité, qu'il s'agisse de Port Hardy, de Campbell River ou d'un grand centre.

Le sénateur Poirier : Pour aller chercher des vivres?

M. Duncan : Oui, sinon pour aller voir quelqu'un ou se rendre dans un hôpital. Si vous vivez dans une localité éloignée, vous avez tendance à trouver plus d'une fin à un seul voyage.

Le sénateur Manning : Monsieur Duncan, qu'est-ce qu'il est advenu des bâtiments mêmes des phares où il n'y a plus de gardien en Colombie-Britannique? La Loi sur la protection des phares patrimoniaux est une tentative pour faire honneur au caractère historique des phares; on peut les préserver si un groupe ou un organisme communautaire est prêt à le faire. Cependant, le gouvernement n'accorde pas de fonds pour cela. Les bâtiments sont laissés en l'état ou à Dieu sait qui.

Dans le cas de ceux dont le gardien a été retiré sur la côte Ouest, qu'est-il arrivé aux bâtiments proprement dits?

M. Duncan : Il n'y a pas de gardien qui a été affecté à un phare depuis le début des années 1990. Je ne suis même pas sûr de savoir desquels les gardiens ont été retirés, mais je sais ce qu'il en est du phare du cap St. James, qui n'a plus de gardien depuis ce moment-là. Il n'y a pas de bâtiment dont on aurait à se soucier au cap St. James. Il n'y a pas de collectivité locale ou de groupe pour préserver le phare.

Dans le cas de l'île Saturna, où le sénateur Carney habite, la collectivité a pris le relais parce qu'il s'agissait d'un phare accessible. Au-delà, il y a Fisguard, Race Rocks, et quelques autres phares près de Victoria. Le phare de Race Rocks a été pris en charge par le Pearson College. Celui de Fisgard relève maintenant de Parcs Canada, je crois, et il y a un phare de Vancouver-Ouest qui a peut-être été pris en main par la collectivité, mais je n'en suis pas sûr. Est-ce un parc national ou un parc provincial?

Le sénateur Raine : C'est un parc de la Colombie-Britannique.

M. Duncan : Si le phare est situé près d'une collectivité, il sera préservé. S'il ne l'est pas, il disparaîtra, probablement par exprès.

Le sénateur Manning : La communication avec les phares éloignés des grands centres en Colombie-Britannique se fait-elle par téléphone satellitaire? Quel moyen de communication les gens emploient-ils pour signaler une stratégie ou un autre incident dont ils estiment qu'il devrait être signalé? Je me demande si les messages sont renvoyés au continent.

M. Duncan : Ils disposent de radiotéléphone et ils ont tous tendance à se parler entre eux. On ne peut probablement pas joindre celui qui est à l'autre bout en tout temps.

Le sénateur Manning : C'est une sorte de système de relais.

À propos de vos travaux au sein du comité dont nous avons parlé, les marins, les gardiens de phare et les autres ont-ils affirmé que la sécurité était la question dont il fallait s'occuper en fin de compte?

M. Duncan : Oui, le retrait des gardiens de phare soulève des préoccupations relatives à la sécurité et représente une question très émotive aussi. On ne peut nier l'attachement des gens aux phares, qui ont pour eux une valeur émotive, une valeur d'icône. Comme nous en avons discuté plus tôt, les gens se disent que si un phare n'a pas de gardien, il disparaîtra. Ils font ce lien-là.

Le président : Monsieur Duncan, avez-vous remis un exemplaire du rapport de votre comité ad hoc à la greffière du comité?

M. Duncan : Vous l'avez dans les deux langues officielles.

Le président : Quelle a été la conséquence de votre rapport?

M. Duncan : Eh bien, voilà qui est intéressant. Je n'ai pu obtenir le consentement unanime, ce qu'il fallait pour déposer le document à la Chambre des communes. Je crois que le sénateur Carney a pu le déposer ici, par l'entremise du comité. Nous nous sommes retrouvés en élection partielle en 1995, je crois, dans la région de Coquitlam. Il se trouve que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, auquel je siégeais, se rencontrait en même temps en Colombie-Britannique. Les médias ont signalé l'affaire en faisant le lien avec l'élection partielle. Le représentant du ministre est venu me voir et a dit : « Voulez-vous trouver quelqu'un qui déposera ce rapport pour que nous puissions fonder le renversement de notre décision sur quelque chose? » Bien sûr, j'ai promptement pris les dispositions pour le faire. Voilà ce qui s'est passé en réalité.

Le président : C'est très bien.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Duncan, il est merveilleux de vous avoir parmi nous ce soir. Je n'ai pas de question à vous poser, mais je ferai quelques observations dont vous allez peut-être vouloir faire part aux gardiens de phare dans votre secteur, à votre retour en Colombie-Britannique.

Je peux vous assurer que les Néo-Écossais ont un attachement romantique à leurs phares tout autant que les gens de la côte Ouest. Le phare doté d'un gardien, nous l'avons laissé disparaître à contrecœur — cela ne fait aucun doute. Nous venons de passer une semaine dans l'Est à regarder ces endroits et à traiter avec des gens qui pêchent et qui interagissent avec ces installations.

Il semble bien que quelques problèmes se sont reproduits dans le cas des phares sans gardien : la détérioration des installations une fois le gardien parti, que nous avons observée à l'occasion de notre voyage; et les plaintes à propos de la qualité et de la force du feu, de la corne de brume et de tout le matériel associé aux phares.

Je dois admettre que je n'ai rien entendu en Nouvelle-Écosse pour me convaincre que le retrait du gardien de phare est à ce point négatif qu'on ne saurait y trouver un remède. J'aimerais que quelqu'un me convainque; je suis ouvert à l'idée d'être convaincu. Sur la côte Ouest et sur la côte à Terre-Neuve, nous allons traiter avec des gens qui vivent dans ces installations. Je voulais vous souligner que nous sommes prêts à être convaincus, mais que vous pourriez vous adresser aux gardiens de phare dans l'Ouest et les exhorter à rassembler leurs arguments et à régler les détails de l'affaire. On fait tout de même valoir qu'il est possible de se passer de gardiens de phare si le matériel est à la hauteur, avec la technologie d'aujourd'hui.

Je vous invite à réfléchir à cela avant de vous adresser aux gens dans l'Ouest. Nous allons nous y rendre. En ce moment, mon opinion personnelle n'est pas arrêtée. Notre comité veut agir judicieusement et recommander la bonne approche, mais nous devons asseoir les mesures que nous recommandons sur des faits.

Le président : À ce sujet, nous devrions dire que notre comité est le premier au Parlement à avoir un blogue, qui permettra aux gens de communiquer avec nous par voie électronique. Nous encourageons les gens à communiquer avec nous. Je voulais mentionner cela, car c'est lié au point que vous étiez en train de soulever. Notre site web se trouve au www.pharescanadiens.ca; il sera fonctionnel d'ici deux semaines.

Monsieur Duncan, merci beaucoup d'être venu témoigner. Vous nous avez beaucoup aidés. J'espère que vous allez pouvoir donner suite à certaines des questions que nous avons soulevées, par exemple le voyage.

(La séance est levée.)


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