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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 5 - Témoignages du 19 octobre 2010


TÉMOIGNAGES

OTTAWA, le mardi 19 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 8, pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : les phares canadiens).

Le sénateur Dennis Glen Patterson (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je déclare la séance ouverte. C'est pour moi un plaisir que de vous accueillir à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Dennis Patterson, je viens du Nunavut et je suis le vice- président du comité. Le sénateur Rompkey doit participer ce soir à des célébrations avec la Marine; c'est donc moi qui vais présider la séance.

Avant de vous présenter nos témoins, je vais inviter les membres du comité à se nommer. Nous commencerons par le sénateur assis à ma gauche.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis le sénateur Nancy Ruth et je viens de Toronto.

Le sénateur Poirier : Je suis le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Raine : Je suis le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Cochrane : Je suis le sénateur Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Hubley : Je suis le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Bonsoir, je suis le sénateur Losier-Cool, de l'Acadie, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Poy : Sénateur Vivienne Poy, de Toronto.

Le vice-président : Je me réjouis de voir autant de représentantes de la gente féminine ce soir; nous sommes comblés.

Nous allons poursuivre nos audiences dans le cadre de notre étude sur les phares canadiens. Je suis ravi de recevoir les représentants suivants, de la Fondation Héritage Canada : Carolyn Quinn, directrice des Communications, et Chris Wiebe, agent, Politiques du patrimoine et Relations gouvernementales. Nous avons hâte d'entendre vos témoignages au sujet des phares canadiens. Sénateurs, vous pourrez poser vos questions après les déclarations liminaires.

Je vous annonce également que nous tiendrons une courte séance à huis clos, à la fin de celle-ci, pour faire le point sur nos projets futurs.

Madame Quinn, la parole est à vous.

Carolyn Quinn, directrice des Communications, Fondation Héritage Canada : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes tous les deux contents d'être ici. Je vais vous parler brièvement de la Fondation Héritage Canada, ou FHC. Cette fondation a été créée en 1973; c'est un organisme de bienfaisance enregistré à vocation nationale qui repose sur ses membres et qui a pour mandat de conserver les bâtiments et les lieux historiques du Canada. Depuis 1999, la FHC appuie fortement la Loi sur la protection des phares patrimoniaux, ou LPPP. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des élus et des intervenants locaux pour que cette mesure législative devienne une loi, en 2008, et entre en vigueur, en mai dernier.

La LPPP repose sur la croyance selon laquelle les phares « font partie intégrante de l'identité, de la culture et du patrimoine du Canada » et il fallait prendre des mesures afin de les protéger pour les générations futures. Pourtant, des phares patrimoniaux du Canada risquent encore d'être laissés à l'abandon ou même démolis. Par mon témoignage d'aujourd'hui, j'aimerais vous exprimer les préoccupations de la FHC à l'égard de l'application de la loi, en insistant plus particulièrement sur la décision du ministère des Pêches et des Océans de juger excédentaires tous ses phares actifs et inactifs, et vous faire des recommandations pour remédier à cette situation. Mon exposé portera plus précisément sur les points F, G et H du mandat de ce comité.

Je vais commencer par vous expliquer pour quelles raisons la loi était nécessaire. Nous pourrons évidemment répondre plus tard à vos questions de savoir pourquoi les mesures mises en place par le gouvernemental fédéral étaient insuffisantes avant l'entrée en vigueur de la loi. Je vais le faire en vous rappelant les quatre principaux objectifs de la loi — un : prévoir un processus de sélection et de désignation des phares patrimoniaux; deux : empêcher leur modification ou leur aliénation non autorisée; trois : exiger leur entretien dans une mesure raisonnable; et quatre : que la loi facilite la vente ou le transfert de phares appartenant au gouvernement fédéral afin que ceux-ci puissent continuer d'être utilisés à des fins publiques comme phares historiques.

La LPPP permet qu'un phare déclaré excédentaire compte tenu des exigences opérationnelles soit désigné comme phare patrimonial uniquement si une personne ou un organisme présente une promesse écrite, conditionnelle à la désignation, de l'acheter ou de l'acquérir. Cette disposition reconnaît à la fois que de nombreux phares ne servent plus à la navigation et que le ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO) n'a vraiment aucun intérêt à continuer d'investir dans ces structures.

En mai 2010, toutefois, le MPO a déclarés excédentaires pratiquement l'ensemble de ses 1 000 phares — on parle de 480 phares actifs et de 490 phares inactifs. La seule exception visait les phares habités — qui sont au nombre d'environ 54 en Colombie-Britannique et de 52 à Terre-Neuve-et-Labrador.

La FHC croit qu'en déclarant tous ses phares excédentaires, le MPO mine manifestement l'esprit d'une loi du Parlement de la façon suivante : premièrement, en incluant les phares actifs sur la liste des phares excédentaires, le MPO semble tenter d'échapper à ses obligations en vertu de la LPPP. Les phares actifs sont, par définition, utilisés pour répondre à des exigences opérationnelles et ne devraient donc pas être déclarés excédentaires. Deuxièmement, la liste dressée par le MPO rendrait la désignation de presque tout phare conditionnelle à une promesse d'achat ou d'acquisition. Ironiquement, une fois qu'une offre d'acquisition ou d'achat est acceptée et que le bien est cédé, la désignation en vertu de la loi est sans effet, puisque la mesure législative ne vise que les phares appartenant au gouvernement fédéral. Troisièmement, bien que de nombreuses collectivités soient disposées à présenter des promesses d'acquisition ou d'achat de leurs phares locaux, tous les phares ne sont pas situés dans des communautés actives et faciles d'accès. De nombreux phares sont des structures complexes et isolées qui nécessitent des investissements périodiques et un équipement spécial. Nous nous inquiétons grandement du sort de ces phares, qui ont souvent une indiscutable valeur emblématique et historique, mais qui sont exclus de la protection en vertu de la loi dès lors que le MPO les déclare excédentaires. Le phare de l'île Sambro, en Nouvelle-Écosse, et celui de l'île George, au Manitoba, qui a été démoli récemment, en sont des exemples.

Au chapitre des recommandations, la Fondation Héritage Canada prie instamment ce comité de donner pour instruction au MPO de retirer les phares actifs de sa liste des phares excédentaires, et de permettre aux Canadiens de présenter une pétition demandant leur désignation et leur protection en vertu de la LPPP tant qu'ils seront la propriété du gouvernement fédéral. Elle demande également, avec insistance, que le comité recommande au Parlement l'imposition d'un moratoire à l'égard de mesures qui rendraient excédentaires des phares utilisés actuellement, compte tenu des besoins, comme l'installation de projecteurs montés sur des tours à proximité d'un phare en activité. À notre avis, le MPO ne devrait pas être autorisé à investir des deniers publics dans des initiatives qui contreviennent à l'esprit de la loi. Enfin, la FHC recommande que le ministre de l'Environnement, qui est responsable de l'application de la loi, veille à ce que des mesures soient prises, en attendant, pour surveiller la façon dont le MPO protège les phares inscrits sur sa liste des phares excédentaires.

Malgré les efforts déployés par le ministère pour vider de son sens la Loi sur la protection des phares patrimoniaux, ces structures continuent d'appartenir au gouvernement fédéral, et nombre d'entre elles revêtent indéniablement une valeur patrimoniale aux yeux des Canadiens. La FHC voudrait que le ministre responsable de la loi s'assure que les phares patrimoniaux désignés et ceux jugés excédentaires bénéficient d'une autre forme de protection. Si le gouvernement fédéral cède ses phares à des intérêts privés, une entente de servitude de conservation patrimoniale ou un covenant de titre permettraient d'assurer la protection de leur caractère patrimonial. Des mesures semblables ont été appliquées aux États- Unis, par exemple. La National Historic Lighthouse Preservation Act de 2000 prévoit que les ventes ou cessions doivent inclure la désignation de la structure patrimoniale, l'entretien dans le respect des normes patrimoniales ainsi que des dispositions pour permettre au public d'accéder au site. Cette loi stipule même que le gouvernement fédéral redeviendra propriétaire de ces bâtiments en cas de non-conformité à ces exigences.

La Fondation Héritage Canada presse également le comité pour qu'il recommande que des représentants du ministère des Pêches et des Océans, et éventuellement de la Garde côtière, viennent faire un exposé devant ce comité au sujet de quelques-uns des problèmes que nous avons soulevés aujourd'hui. Je vous remercie de nous avoir laissé le temps de vous présenter notre point de vue sur la question; nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci. Je voudrais souligner le travail du sénateur Murray, qui s'est beaucoup engagé dans le pilotage, aux côtés du sénateur Carney, de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux lorsqu'elle a été renvoyée au Sénat. Je tiens également à souhaiter la bienvenue au sénateur MacDonald, de la Nouvelle-Écosse et au sénateur Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador. Je vous laisse maintenant poser vos questions.

Le sénateur Poy : Merci beaucoup pour votre présentation. Je souhaite que l'on conserve le plus de phares possible dans le patrimoine canadien. Pourriez-vous m'expliquer en quoi consiste l'installation de projecteurs montés sur des tours? Qu'est-ce que c'est exactement?

Mme Quinn : En fait, c'est une expression jargonneuse pour indiquer que ces projecteurs sont maintenant installés en haut de structures métalliques. Il ne s'agit pas de bâtiments; cela ressemble davantage à des tours en forme d'échelle au sommet desquelles est placé un dispositif d'aide à la navigation. Fait intéressant, il y a quelques semaines, nous avons tenu notre conférence nationale à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons organisé une séance sur la question des phares patrimoniaux à laquelle ont participé de nombreux membres de l'assistance et des représentants intéressants de notre groupe d'experts. À un moment donné, une personne, dans l'assistance, s'est levée; c'était un marin actif. Il nous a expliqué que le phare était important, mais que, d'une certaine manière, la structure blanche et sa visibilité au large étaient presque aussi importantes que le phare lui-même. Comme je ne suis pas une grande navigatrice, je n'ai pas le réflexe de me demander à quoi ressemblent ces structures vues depuis le large. Je les considère davantage comme des lieux que j'ai visités et dont j'ai fait le tour en voiture ou à pied. Il reste que c'est une remarque pertinente.

Le sénateur Poy : Les phares sont empreints d'un romantisme qui fait partie intégrante du Canada et de son histoire parce que nous avons énormément de côtes.

Qu'entendez-vous par « phares utilisés actuellement »? Le Parlement tente de rendre excédentaires les phares utilisés actuellement. Recommandez-vous l'imposition d'un moratoire à l'égard de ces mesures?

Mme Quinn : Oui.

Le sénateur Poy : Même les phares actifs seraient considérés excédentaires?

Mme Quinn : Effectivement. Fin avril ou début mai dernier, je crois, le ministère a mis plus de 400 phares actifs sur sa liste des phares excédentaires.

Le sénateur Poy : Les marins n'ont-ils pas besoin de ces phares?

Mme Quinn : C'est justement ce que nous ne comprenons pas. Nous voudrions qu'on nous explique clairement ce qui justifie qu'un phare actif se retrouve sur la liste des phares excédentaires. La seule explication que nous voyons, c'est que du point de vue du ministère des Pêches et des Océans, cela permet de soustraire ces phares à l'application de la loi et donc de ne plus les protéger; c'est une façon de s'en décharger.

Le sénateur Poy : Ils sont à vendre dès lors qu'ils se retrouvent sur la liste des phares excédentaires, n'est-ce pas?

Mme Quinn : Absolument.

Le vice-président : Étant donné qu'il n'y a pas d'autres questions, puis-je demander à Mme Quinn de nous parler un peu de la Fondation Héritage Canada, de la façon dont vous travaillez et dont vous êtes financés? Vous avez établi le palmarès des dix sites les plus menacés et la liste des grandes pertes. Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?

Mme Quinn : Certainement. La Fondation Héritage Canada a été créée en 1973 en vertu d'une loi du Parlement. Elle était destinée à être une organisation indépendante. Notre mandat consiste à assurer la préservation des bâtiments patrimoniaux et des lieux historiques partout au pays. Notre création, en 1973, était assortie d'une dotation qui a été bonifiée environ quatre ans plus tard.

Nous somme un organisme de bienfaisance qui repose sur ses membres, lesquels payent des cotisations. En plus d'agir comme chien de garde, nous avons pour mandat de sensibiliser les gens à l'importance de la conservation des bâtiments et des lieux historiques du Canada, pas uniquement pour les bâtiments eux-mêmes, en tant que sites emblématiques, mais aussi pour le rôle qu'ont joué dans notre histoire sociale, économique et maritime les quartiers ou les paysages de rue historiques ou encore les rues principales patrimoniales de nos petites communautés. Nous avons géré de nombreux programmes au fil des ans — comme le programme Rues principales ou celui visant les régions patrimoniales. Comme vous l'avez indiqué, tous les ans depuis cinq ans, nous faisons un palmarès des 10 sites les plus menacés au Canada. À ce propos, je tiens à préciser que plusieurs phares ont figuré dans ce palmarès. Nous essayons également de souligner les bonnes initiatives en matière de conservation au moyen de programmes de reconnaissance, comme le Prix du Prince de Galles, décerné à une municipalité qui a fait preuve d'une volonté exemplaire pour protéger son patrimoine; le Prix du lieutenant-gouverneur, remis en guise de reconnaissance des réalisations exceptionnelles en conservation d'un groupe ou d'une personne dans une province; et aussi la Médaille Gabrielle Léger, en honneur à l'épouse de Jules Léger, ancien gouverneur général, pour reconnaître le travail de toute une vie au service de la conservation du patrimoine. Nous essayons d'atteindre un juste équilibre entre le travail de sensibilisation et la défense des intérêts au Canada.

Le vice-président : Je salue maintenant le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, et le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons beaucoup de talents et de gens expérimentés ici. Sénateur Hubley, vous aviez une question?

Le sénateur Hubley : Merci pour votre exposé, et bienvenue parmi nous. Comme vous le savez peut-être, nous avons fait un voyage d'observation en Nouvelle-Écosse, et nous avons eu le plaisir de visiter de nombreux phares. Cette province compte le plus grand nombre de phares au Canada et aussi quelques-uns des plus anciens. Le ministre du Tourisme, de la Culture et du Patrimoine de la Nouvelle-Écosse a récemment dit dans une lettre d'opinion sous forme de communiqué de presse que la province était inquiète des coûts d'entretien croissants de plusieurs de ses bâtiments historiques emblématiques, comme les phares de Peggy's Cove, de l'île Sambro et du cap de Sable.

Croyez-vous que les provinces ont un rôle à jouer dans la protection des phares patrimoniaux du Canada? Quelle a été leur réponse à ce sujet jusqu'à présent?

Mme Quinn : Je ne suis pas tout à fait sûre de ce que j'avance, mais je crois que certains phares relèvent déjà de la responsabilité provinciale. Les provinces sont intéressées à s'occuper des phares, particulièrement celles qui en comptent beaucoup, pour des raisons touristiques et de revitalisation de l'économie locale.

Nous avons travaillé avec des gens — et comme je l'ai dit plus tôt, le sénateur Carney nous a aidés à démontrer que ce genre de loi était nécessaire — pour voir s'il était envisageable que les phares excédentaires relèvent de la responsabilité de municipalités, de groupes locaux ou de particuliers. Pour des sites emblématiques comme Peggy's Cove, je trouve qu'il serait tout à fait approprié, en fin de compte, que ce soit la province de Nouvelle-Écosse qui s'en occupe. Je crois que le phare est encore actif à cet endroit-là.

Chris Wiebe, agent, Politiques du patrimoine et Relations gouvernementales, Fondation Héritage Canada : Je sais également de manière officieuse que la province de Québec s'est intéressée aux phares se trouvant sur son territoire et qu'elle a examiné les différents cas de figure possibles, à savoir si ces phares doivent être vendus et ne plus appartenir au gouvernement fédéral. Et si oui, lesquels, pour établir une hiérarchie, devraient être pris en charge par la province.

Je sais qu'ils ont étudié la question. Je ne connais pas tous les détails, mais j'ai entendu dire que ça se faisait. Certaines provinces se lancent dans ce genre d'initiative.

Le sénateur Hubley : Lors de notre voyage en Nouvelle-Écosse, nous avons eu l'occasion de parler à des pêcheurs. Je ne suis pas totalement convaincue que, du point de vue des pêcheurs, il faille toucher à ces phares. Autrement dit, ces gens estiment que les phares représentent la plus grande structure sur la terre ferme pour guider leurs activités en mer. Vous avez même parlé de la taille et de la présence des projecteurs, ainsi que des couleurs blanche et rouge des faisceaux lumineux. Dans les circonstances, pensez-vous qu'il y a eu suffisamment de dialogue avec les communautés de pêcheurs, et que les préoccupations de ces derniers ont été prises en compte dans les discussions?

Mme Quinn : C'est une très bonne question. Je ne sais pas si j'ai tous les éléments de réponse parce que j'ignore jusqu'à quel point on a communiqué avec les pêcheurs. À la lumière de notre engagement et de notre expérience, je peux toutefois vous dire que nous n'avons pas eu connaissance de quelque tentative véritable et délibérée que ce soit consistant à faire entrer ce groupe dans l'équation. Qu'en pensez-vous, monsieur Wiebe?

M. Wiebe : Je sais que Parcs Canada diffuse de l'information par l'intermédiaire de ses brochures et de son site web. Il y a quelques mois, en communiquant avec des gens vivant près du lac Érié, au sujet du statut de la mesure législative et des conséquences pour les phares de cette région, on s'est rendu compte qu'il fallait leur donner certaines informations, car ils n'étaient pas très au fait de la situation. Et je vous parle de gens travaillant dans le domaine de la conservation de bâtiments patrimoniaux. Pour ce qui est de l'industrie de la pêche, c'est une toute autre histoire, car cela concerne un secteur différent, mais il faudrait faire participer ses acteurs aux initiatives de protection et de défense de ces structures.

Le sénateur Murray : Merci de votre compréhension. Je ne siège pas à ce comité, mais je m'intéresse au sujet. Je dois dire que je suis profondément attristé de voir ce que le gouvernement et ses responsables ont fait avec ce projet de loi très simple que nous avons préparé avec beaucoup de soins. La rédaction de cette mesure législative a été manipulée par les responsables du gouvernement et les groupes d'intérêts, dont le vôtre. À l'étape de l'étude en comité, le gouvernement a proposé des amendements, et il y a eu de nombreux compromis. À la fin du processus, j'avais l'impression que la nouvelle version du projet de loi convenait à tous et que tous la respecteraient en toute bonne foi. Ce que nous avons, ce que vous avez décrit et ce que nous avons entendu plus tôt ne témoignent pas d'une bonne foi. C'est tout le contraire. Les responsables du gouvernement ont décidé de pratiquement invalider un projet de loi adopté à la Chambre des communes et de nous faire passer pour des idiots.

Nous ne sommes pas tenus de prendre une décision ce soir, mais nous devons étudier la situation et ne pas ménager les efforts pour réagir à ce qui est, selon moi, un comportement totalement méprisant de la part des responsables du gouvernement à l'égard du Parlement. J'espère que les ministres, qui représentent le pouvoir politique au pays, ne feront pas l'erreur d'essayer de défendre ce comportement. Ces responsables devraient être mis au pilori pour ce qu'ils ont fait. Nous ne devrions jamais accepter que quiconque agisse de cette façon avec une de nos lois.

Pour résumer la situation, nous avons adopté un projet de loi qui accordait aux citoyens un délai de deux ans pour présenter au ministre une pétition demandant à ce qu'un phare reçoive la désignation patrimoniale. En vertu de cette mesure législative, le ministre avait ensuite cinq ans pour déterminer lesquels des phares faisant l'objet d'une pétition seraient désignés phares patrimoniaux. Au cours de cette période de deux ans, le ministre des Pêches et des Océans ou tout autre ministre responsable des phares devait rendre publique la liste des phares jugés excédentaires. Les phares excédentaires ne peuvent obtenir la désignation patrimoniale que si quelqu'un propose d'en faire l'acquisition et d'en protéger le caractère patrimonial.

Que s'est-il passé? Quelques jours après l'entrée en vigueur de la loi, en mai 2010, et je ne crois pas me tromper à ce sujet, le ministère des Pêches et des Océans a jugé excédentaires presque tous les phares de propriété fédérale — 480 phares actifs et 490 phares inactifs. C'était sa façon de se moquer de cette loi et du Parlement.

Comme je l'ai dit, il serait dans notre intérêt d'étudier la situation et de prendre une décision quant à la suite des choses. Nous ne pouvons pas simplement ignorer ce qui s'est produit. Nous devons confronter les responsables.

Le 29 mai dernier, lorsque le ministère a pris sa décision, l'avez-vous contacté et, si oui, que vous a-t-on dit?

Mme Quinn : Nous avons publié un communiqué de presse peu de temps après afin d'exprimer notre inquiétude et notre surprise. Comme vous l'avez dit, sénateur Murray, cette décision était totalement inattendue, c'est le moins que l'on puisse dire. Si je ne m'abuse, nous avons également écrit au ministre des Pêches et des Océans et au ministre de l'Environnement pour leur faire part de nos inquiétudes et, bien sûr, pour les inviter à nous rencontrer afin d'en discuter davantage.

Le sénateur Murray : Vous ont-ils répondu?

Mme Quinn : Non.

Le sénateur Murray : Quand leur avez-vous envoyé ces lettres?

Mme Quinn : En mai dernier.

Le sénateur Murray : En mai ou en juin.

Le sénateur Nancy Ruth : Je voulais vous poser une question au sujet de la structure de gouvernance de votre organisation. Pouvez-vous m'en parler un peu? Quelle était la cotisation initiale dans les années 1970, quel était le montant complémentaire et quel est le montant de la cotisation aujourd'hui? Est-ce votre principale source de revenus? Comment faites-vous pour recueillir des fonds?

Mme Quinn : Nous avons des membres un peu partout au pays, et nous leur demandons d'élire les représentants du conseil d'administration. Chaque province ou territoire peut compter un représentant. Nos règlements autorisent également la nomination de six autres représentants tout au plus.

Le sénateur Nancy Ruth : Qui les nomme?

Mme Quinn : Un comité composé de membres du conseil recommande des candidats au conseil qui doit ensuite approuver les nominations.

Si je ne m'abuse, lors de la création de la fondation, en 1973, notre capital s'élevait à 11 millions de dollars. Je vais vous trouver les chiffres exacts.

Le sénateur Nancy Ruth : Je veux simplement avoir une idée.

Mme Quinn : Je crois que nous avions un peu plus de 13 millions de dollars, si l'on tient compte du montant complémentaire.

Le sénateur Nancy Ruth : Avez-vous dépensé cet argent?

Mme Quinn : Le conseil a pour politique de ne dépenser qu'un certain pourcentage du capital de la fondation. Il a pour mandat de protéger ce capital, et nous sommes très rigoureux à ce sujet, comme en fait foi notre longévité; nous existons depuis près de 40 ans maintenant.

Le sénateur Nancy Ruth : Cet argent est-il investi?

Mme Quinn : Il l'a été à l'occasion, selon nos programmes. Au début, nous avions des programmes qui visaient l'achat, la location, la rénovation ou la restauration et la vente d'édifices du patrimoine. Il a fallu abandonner ces marchés pendant un certain temps en raison des frais connexes. Nous comptons sur les cotisations de nos membres, sur nos campagnes de financement annuelles et sur certains programmes, plus particulièrement notre conférence nationale annuelle qui a attiré de nombreux commanditaires. En gros, ce sont nos sources de revenus.

Le sénateur Nancy Ruth : Combien d'argent amassez-vous par année avec les cotisations, les commandites et les campagnes de financement? Vingt mille dollars?

Mme Quinn : Plus que cela, si l'on tient compte des commandites en nature.

Le sénateur Nancy Ruth : Moins de 50 000 $?

Mme Quinn : Oui. Nous accomplissons du bon travail avec un petit groupe de personnes dévouées.

Le sénateur Nancy Ruth : Combien de personnes siègent au conseil d'administration?

Mme Quinn : Nous venons tout juste de tenir notre assemblée générale annuelle et quelques personnes ont été nommées récemment. Je crois qu'il y a huit représentants.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous n'avez pas toujours les six représentants nommés, n'est-ce pas?

Mme Quinn : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Vos règlements le permettent, au besoin.

Mme Quinn : C'est exact.

Le sénateur Nancy Ruth : Si vous avez huit représentants au conseil, est-ce qu'un vient des Maritimes, l'autre de la côte Ouest, et cetera? Comment le conseil est-il composé?

Mme Quinn : Les représentants sont élus tous les trois ans, et chacun peut être élu pour deux mandats. Les membres de chaque province et territoire peuvent proposer un candidat. À l'heure actuelle, toutes les provinces sont représentées, sauf l'Île-du-Prince-Édouard. Le Nouveau-Brunswick compte deux représentants, puisqu'un des représentants nommés est originaire de cette province, et il n'y a aucun des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.

Le sénateur Nancy Ruth : Aucun ministre ne fait de nomination au conseil?

Mme Quinn : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous êtes à l'abri de telles ingérences?

Mme Quinn : Oui.

Le sénateur Poirier : Je vous remercie pour votre déclaration. J'ai bien aimé. J'aurais quelques questions pour vous. La fondation existe depuis plus de 30 ans, donc je suis convaincu que vous avez une grande expertise en ce qui concerne les édifices patrimoniaux. De plus, vous avez dressé la liste des 10 lieux les plus menacés. Si je ne m'abuse, vous avez dit dans vos commentaires qu'à une certaine époque, la fondation achetait et restaurait des édifices patrimoniaux pour ensuite les vendre. Puisque la fondation existe depuis si longtemps, auriez-vous des conseils à donner aux collectivités qui envisagent de faire l'acquisition d'un phare? Ces collectivités doivent évaluer et payer les coûts de restauration, ainsi que les coûts d'entretien une fois la restauration terminée. En vous appuyant sur vos années d'expérience dans le domaine, auriez-vous des recommandations à faire à ces collectivités sur la façon de tirer avantage de ces édifices?

Mme Quinn : Absolument. Nous pourrions recommander des membres des collectivités qui ont les compétences voulues pour réaliser un projet de restauration. Tout dépend de l'état du phare et s'il a simplement besoin d'un bon entretien ou s'il présente des problèmes de moisissure. Nous avons de bons rapports avec de nombreux experts du pays en matière de restauration du patrimoine. Nous pouvons mettre des gens en contact, et nous sommes en relation avec les sociétés locales de préservation des phares qui ont déjà fait pas mal de travail dans le domaine. Nous sommes bien évidemment tout à fait disposés à donner des conseils, au besoin.

Le sénateur Poirier : Avez-vous une adresse web?

Mme Quinn : Oui.

Le sénateur Poirier : Est-ce qu'il existe une liste de collectivités qui pourraient, peut-être, unir leurs forces, mettre en commun leurs idées? Connaissez-vous des groupes de parrainage ou des organismes qui disposeraient de fonds pour les édifices du patrimoine national?

Mme Quinn : Votre question tombe à point, parce que nous sommes justement en train de créer un nouveau site web. L'une de ses principales sections portera sur la préservation des phares. C'est tout à fait le genre de renseignements auxquels il est bon de pouvoir accéder d'un clic de la souris. Nous y mettrons de bonnes études de cas décrivant des projets réussis de rénovation, de restauration et de modification, notamment la conversion d'un phare en gîte du passant ou en restaurant. Nous y expliquerons le déroulement du projet; les possibilités de collecte de fonds; la préparation des campagnes; ce qui a réussi; ce qui a fonctionné et ce qui a échoué; et tous les éléments qui peuvent tisser des liens entre les collectivités. Ce site est en voie de préparation, et tous ces renseignements en sont un nouvel aspect important.

M. Wiebe dirigera la conception du matériel qui sera versé dans cette section. Peut-être a-t-il quelque chose à ajouter en réponse à votre question.

M. Wiebe : J'étais en train de penser à d'autres points de contact que nous avons avec les collectivités. Les services de planification des municipalités représentent, sur le plan de l'identification, un autre filon qui n'est pas exploité ou auquel il vaudrait la peine de songer. Un grand nombre de ces phares sont situés près de collectivités et en sont devenus l'emblème.

Certaines régions ont fait du phare local leur axe central. Il est important de tisser des liens non seulement avec les groupes sans but lucratif, mais aussi avec la plus vaste infrastructure de l'administration municipale pour déterminer comment tout intégrer. Nous pouvons prêter main-forte.

Le sénateur Poirier : À part votre conseil composé de huit membres, avez-vous un bureau de la FHC et des employés, avec lesquels les gens peuvent communiquer? Dans quelle province se trouve votre fondation?

Mme Quinn : Notre siège est à Ottawa. Nous louons des locaux dans une maison classée monument historique de l'avenue Blackburn, dans la Côte-de-Sable. Je crois que notre effectif compte cinq ou six personnes.

Le sénateur Nancy Ruth : Si vous dépensez 4 p. 100 de votre capital, cela fait un peu plus de 0,5 million de dollars, n'est-ce pas?

Mme Quinn : Exactement. J'allais dire entre 600 000 et 700 000 $.

Le sénateur Poirier : Est-ce que tout cela est dans le site Web, et tout le monde peut le voir?

Mme Quinn : Le site est à l'adresse www.heritagecanada.org.

Le sénateur MacDonald : Maintenant que j'ai entendu votre exposé et les interventions du sénateur Murray, je ne m'exprimerai peut-être pas avec la même ardeur, mais pour moi le problème reste néanmoins le même. En lisant vos notes, j'ai trouvé qu'à bien des égards, elles reflètent ma pensée. Tout ceci a été frustrant, ces derniers mois. Nous avons une loi, mais nous reculons ou nous tournons en rond.

Votre organisme ne finance pas des projets de cette nature. Vous avez dit qu'à une époque, vous investissiez dans des bâtiments patrimoniaux et les rénoviez pour les revendre. C'est coûteux. Quoi que nous fassions, l'entretien de ces phares sera coûteux. Il doit certainement exister des organismes privés dans le monde qui assurent ce type de financement. Votre organisme existe depuis longtemps. Que pouvez-vous nous dire sur des projets de cette nature qui ont bénéficié de fonds provenant de l'étranger? Je pense à l'Écosse. Quand j'y vais, je vois toujours partout des boîtes de collecte du National Trust for Scotland. Il récolte des milliers de livres par année, à titre privé, pour financer divers site d'importance historique.

Serait-il possible de créer quelque chose de ce genre au Canada? Pouvez-vous nous fournir des renseignements sur les solutions qui s'offrent à nous?

Mme Quinn : C'est une bonne question. Comme je le disais, la Fondation Héritage Canada ne possède pas de nombreuses propriétés. Notre modèle s'inspire plus du U.S. National Trust que du British National Trust ou du Scottish Civic Trust qui, eux, possèdent de nombreuses propriétés. D'une certaine manière, il est plus facile d'élaborer une campagne de financement axée sur une propriété particulière, parce qu'on peut voir les résultats; ils sont tangibles.

Je pense que les États-Unis y sont parvenus, mais il y a là-bas une forte culture philanthropique. Personnellement, je ne pense pas que ce soit le cas au Canada. Ce n'est pas dire qu'il soit impossible de faire quelque chose, surtout s'il s'agit d'emblèmes aussi importants que les phares. Je crois que le climat est propice à l'investissement.

Le sénateur MacDonald : Il me semble que les phares font partie de ces choses que le public trouverait valables, s'il était question de créer une fiducie pour les phares du Canada. Ce pourrait être un moyen de recueillir des fonds. À toujours compter sur le gouvernement pour financer ce genre de choses, nous risquons de connaître de plus en plus de déceptions. Nous devons réfléchir à toutes les solutions possibles. Votre organisation a toute ma sympathie et je l'appuie sans réserve. Je suis de ceux qui accordent beaucoup d'importance au patrimoine du pays. Je suis très enclin à joindre ma voix à la vôtre et à celles de vos collègues pour critiquer la bureaucratie. Nous devons néanmoins trouver une solution pour mettre sur pied un organisme fonctionnel qui puisse recueillir des fonds. Je reviens encore au simple exemple de la fiducie nationale. Je pense que le public accueillerait favorablement la création de ce genre de fiducie. Je pense qu'avec toute la crédibilité dont jouit votre organisme et son histoire, il pourrait en prendre l'initiative et lui donner un cadre.

Mme Quinn : Nous avons déjà parlé, au conseil, de créer un fonds spécial dont les recettes seraient réservées à un type particulier de bâtiment. Dans ce cas-ci, ce serait pour les phares.

Nous venons, je l'ai dit, de tenir notre réunion générale annuelle et nous avons un tout nouveau conseil, mais le concept d'un comité, au niveau du conseil, qui se pencherait sur la question, fait allègrement son chemin.

Le sénateur MacDonald : Comme j'ai grandi dans une collectivité dotée d'un phare célèbre, je comprends l'attraction qu'il peut exercer. Les gens vont au phare; les enfants y courent. Nous pouvons mieux les exploiter, mais pour cela, il faut un plan.

Mme Quinn : C'est très gratifiant. C'est le genre de projet susceptible de vraiment susciter l'intérêt de toute grande entreprise désireuse d'être associée à une initiative positive qui a l'approbation et le soutien de la collectivité. Il suffit de dresser des plans d'activité et de convaincre le monde des affaires du Canada du rendement potentiel, en termes de visibilité, de bonne volonté et tout le reste.

M. Wiebe : Les possibilités d'obtenir du financement de la part de sociétés sont énormes. Je pense à l'industrie du tourisme. Dans toutes les publicités touristiques des provinces de l'Atlantique, il y a un phare. Les sociétés aériennes qui s'y rendent en font un emblème national. Les États-Unis ont eu un programme fédéral appelé Save America's Treasures, qui était axé sur ce type de sites emblématiques de l'Amérique. Ce programme a été réalisé avec des fonds du gouvernement fédéral et un financement de contrepartie de la part d'entreprises américaines. Je ne sais pas au juste où il en est maintenant, sur le plan du financement fédéral.

Pour revenir à ce que vous disiez, sénateur MacDonald, ce qui nous a inquiétés quand il a été question de phares excédentaires, c'est que le partage de la responsabilité entre le gouvernement et la collectivité à l'égard de ces bâtiments est très rapidement devenu très inégal, aux dépens de la collectivité. Il faudra du temps pour obtenir l'adhésion des entreprises et leur apport financier. Ce genre de scénario temporaire restreint pourrait ne pas être tellement favorable à la structure actuellement.

Le sénateur MacDonald : C'est peut-être signe que nous devrions mettre un peu les freins et nous accorder du temps.

M. Wiebe : Oui.

Le sénateur Manning : Je vous remercie pour vos exposés, monsieur Wiebe et madame Quinn.

Les témoins de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans que nous avons entendus nous ont dit estimer que la protection du patrimoine ne relève pas de leur mandat. Leur rôle est plutôt axé sur la recherche et le sauvetage et consiste aussi à s'assurer qu'il y a des dispositifs d'aide à la navigation pour les gens qui sont en mer. Ils ont insisté sur l'importance de la distinction entre un phare et la lumière elle-même.

Je ne suis pas nécessairement d'accord sur la définition qu'ils ont proposée pour les phares actifs et inactifs, les phares excédentaires, et je ne crois certainement pas qu'il faut essayer de garder et d'entretenir tous les phares du pays. Je n'admets pas non plus que les groupes communautaires et les particuliers subissent des pressions pour passer à l'action quand, dans certains cas, ce devrait être au gouvernement de le faire. Quoi qu'il en soit, quand il s'agit d'emblèmes touristiques comme les phares de Peggy's Cove, en Nouvelle-Écosse, et de Cape Spear, à Terre-Neuve-et- Labrador, je pense que c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe d'entretenir ces phares et d'en faire la promotion, comme le disait M. Wiebe il y a un moment.

Peut-être que ce que j'attends de vous, en fait, ce sont des conseils. Le coût de l'entretien et de la maintenance de ces installations grimpe d'année en année, et le trésor public subit des pressions pour l'assumer dans la mesure du possible. J'ai lu pourtant qu'il y a quelque 34 millions d'Américains et deux millions de Canadiens qui se passionnent pour les phares, qui voyagent de l'un à l'autre. Pouvez-vous nous suggérer, pour l'entretien et la maintenance des phares, des solutions financières qui comporteraient, surtout, un certain élément de soutien de la part du gouvernement? J'estime que c'est préoccupant, mais je ne pense pas qu'il y ait place pour le romantisme quand il s'agit de prendre les grands moyens. Il est vrai qu'il faut préserver notre patrimoine et notre culture, mais nous ne pouvons pas nous permettre de protéger et d'entretenir chaque phare du pays; il vient un moment où il faut prendre des décisions.

Avez-vous des suggestions à faire, à la lumière de votre expérience, pour résoudre les préoccupations quant au maintien de certains de ces phares et à l'abandon d'autres phares?

Mme Quinn : C'est une bonne question. Je pense que c'était justement ce que la loi tentait de résoudre. Tous les va- et-vient qu'elle a faits, les nombreux amendements qui ont été suggérés, et tout ce qui s'est passé avant qu'elle soit adoptée, c'était pour tenter de régler ces questions. C'est le but que visait la création d'un processus de nomination des phares en vue de leur désignation comme bâtiments patrimoniaux aux termes de la loi. Il est impossible de tous les sauver, et certains phares revêtent une valeur patrimoniale, historique et communautaire. La loi a clairement établi la marche à suivre pour que ces nominations soient faites en temps opportun, afin que le ministre puisse les examiner et prendre des décisions relativement aux sites auxquels donner cette désignation officielle.

Quant aux coûts de la maintenance d'un phare ou de toute autre structure historique, c'est entièrement une affaire d'entretien. Dès l'instant où l'entretien de propriétés historiques est négligé, les coûts se mettent à grimper. Ce sont généralement des structures de bois, bien que certaines soient en pierre. Bien souvent, négliger les édifices historiques, les laisser pour compte et ne pas assurer leur entretien de base et leur rénovation, c'est les condamner.

Le mandat du MPO est vraiment centré sur la navigation plutôt que sur l'aspect culturel de la propriété et de l'intendance de certains bâtiments et structures historiques importants du Canada. Quand les budgets sont réduits, souvent, on renonce à l'entretien. Cela se fait à tous les niveaux, et même dans le secteur privé et chez les particuliers. Par contre, quand on attend trop longtemps, les coûts peuvent devenir prohibitifs.

Nous voulons donc insister sur la nécessité d'assurer un entretien continu et sur le fait que le ministère a des biens patrimoniaux à préserver au nom des Canadiens. Le processus prévu par la loi permettait de choisir les sites importants, mais la décision prise par le ministère de déclarer toutes ces structures excédentaires annule cette possibilité.

Le sénateur Manning : En ce qui concerne la désignation des quelque 1 000 phares, je suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point. Il y a plusieurs exemples partout au Canada, et je vais vous en donner deux ou trois, si vous me le permettez, pour mettre ma prochaine question en contexte.

Le phare du Cap Enragé est situé le long de la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick. En 1993, un petit groupe d'élèves du secondaire de Moncton a commencé à restaurer le site et l'a transformé en attrait touristique populaire. C'est donc une organisation sans but lucratif gérée par des jeunes qui entretient les lieux.

Le phare de Rose Blanche se trouve sur la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Vers la fin des années 1990, la communauté a pris en charge la structure faite d'immenses blocs de granite et a amassé les fonds nécessaires pour sa remise en état dans le but d'en faire un musée local.

Au Québec, des 43 phares situés le long des côtes et sur les îles du fleuve Saint-Laurent, 19 accueillent des visiteurs et recèlent une grande variété d'attractions, notamment des musées, des restaurants et des gîtes. Les visiteurs peuvent séjourner à l'un des deux plus anciens phares du Québec, soit le phare de l'île Verte et celui de la Pointe-des-Monts.

Je constate qu'un peu partout au Canada on a mis en place un processus pour désigner certains phares patrimoniaux. Parmi ceux qui ont été annoncés par le ministère, combien y en a-t-il, selon vous, qui sont, à tout le moins, sur le point d'être désignés patrimoniaux?

M. Wiebe : J'ignore si nous avons le nombre exact. Je suppose que cela faisait partie du processus qui devait se dérouler lorsque le projet de loi a été mis en œuvre. Nous savons déjà, d'après le processus du Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine, le BEEFP, quels sont les phares patrimoniaux désignés — les 111 qui ont été « reconnus », les 20 ou à peu près qui ont été « classés » —, mais nous voulions d'abord attendre de voir ce qu'il advenait des phares faisant l'objet d'une pétition pour avoir une meilleure idée de leur valeur historique aux yeux des communautés. En ce sens, le fait de déclarer des phares excédentaires nous prive de la possibilité de les faire reconnaître par la population, à moins que ce soit rattaché à un plan d'activité.

Le sénateur Manning : Je considère qu'il y a deux enjeux en cause. D'un côté, on a les biens patrimoniaux, et de l'autre, les aides à la navigation. Étant originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, je peux vous dire que les deux enjeux nous intéressent. Les préoccupations dont on m'a fait part concernent principalement la possibilité d'avoir des aides à la navigation sûres, même si nous savons très bien que certaines revêtent une valeur patrimoniale.

Si nous revenons aux endroits dont j'ai parlé plus tôt, où les gens ont, comme on dit à Terre-Neuve-et-Labrador, pris le taureau par les cornes et décidé de préserver le phare qui se trouve dans leur région, je me demande comment nous pouvons nous y prendre. On ne nous donne pas de directive. Tout le monde connaît le problème, mais on ne semble pas savoir comment remédier au fait que, dans certaines collectivités du pays, on a amassé des fonds pour sauvegarder ces phares et ces structures emblématiques. Dans certains cas, ces tours sont devenues d'importantes attractions touristiques, et ce, sans l'aide financière du gouvernement. L'absence de financement du gouvernement nous fait tous hésiter pour l'avenir de ces structures.

Mme Quinn : Je pense que les succès que vous venez de décrire ont poussé les gens à appuyer la loi, parce qu'à l'évidence, les Canadiens, et les communautés où se trouvent des phares, veulent prendre ce genre d'initiatives — mettre sur pied des organisations comme les Amis des phares, mener des campagnes de financement, trouver des commanditaires et recruter des bénévoles. D'ailleurs, le travail qu'ont accompli les bénévoles à ce chapitre est remarquable. Ces succès ont contribué à l'adoption de la loi sur la protection des phares patrimoniaux, qui allait officialiser la poursuite de ce processus et peut-être le transfert de la propriété de ces phares à des communautés, et encourager également d'autres collectivités au Canada à emboîter le pas. Il est arrivé que le ministère des Pêches et des Océans a appuyé ce type d'effort et a apporté sa contribution, en assumant entre autres le coût de la peinture.

Le sénateur Murray a parlé de bonne volonté et du fait que nous appuyons tous les bonnes intentions de cette loi, son orientation et ce que les communautés pourraient faire de ces structures emblématiques. Ces mesures étaient en place et ont contribué à nous faire croire que nous allions tous dans la direction souhaitée.

On ne peut pas demander aux communautés de partout au Canada de prendre les 1 000 phares sous leur responsabilité. Le ministère a refilé sans préavis l'entière responsabilité de leur protection aux communautés. Il faut du temps pour établir un plan, rassembler des bénévoles, et le reste. Je pense que c'est le plus difficile.

M. Wiebe : Vous avez fait une observation intéressante à propos des inégalités qui existent d'un phare à l'autre; et de ceux que les communautés ne sont pas empressées de sauvegarder. Nous essayons encore de savoir ce qui se passe.

La sensibilisation au patrimoine dans une communauté en particulier, la proximité d'un grand centre et le potentiel touristique du site ont une grande incidence.

Au sud de la frontière, on observe une façon intéressante de céder certains phares moins intéressants à des particuliers. On pourrait peut-être s'en inspirer dans l'avenir. Les phares isolés qui ne sont pas pris en charge par une communauté peuvent être vendus à des intérêts privés, qui les exploiteront à leurs propres fins. Dans les notes d'information préparées à l'intention des sénateurs, on a indiqué que les États-Unis avaient mis en place de nombreuses dispositions pour maintenir l'accès du public à ces phares privés à certaines époques de l'année. De plus, ils ont fait appel à des servitudes et des engagements pour s'assurer que les gens à qui appartiennent les bâtiments ne diminuent pas leur valeur patrimoniale, en les modifiant ou en les démolissant. Ils ont un système de freins et de contrepoids pour ce type de propriété privée, ce qui pourrait bien être une possibilité pour certaines de ces structures.

Le sénateur Manning : Si je peux me permettre, j'aurais une dernière question. Lorsque le ministère a fait son annonce concernant les quelque 1 000 phares actifs et inactifs répartis partout au Canada, j'ai été renversé. La population a cru que tous ces phares étaient considérés excédentaires. Dans ma région de Terre-Neuve-et-Labrador, j'ai mis la main sur cette liste et je me suis attardé sur les stations de phare que je ne connaissais pas. J'ai remarqué que plusieurs feux de signalisation montés sur des bâtons au bout d'un quai font office de phare. Il n'y a pas de structure, seulement un feu de signalisation. Le nombre nous fait peur. Il pourrait faire fuir ceux qui seraient tentés de remédier à la situation. Je déteste dire que quelqu'un devrait le faire. Qui est ce « quelqu'un »? Nous devons savoir exactement ce qu'on entend par phares patrimoniaux. Il faut déterminer combien il y en a sur les 1 000. Il n'y en a pas tant que ça. Si on prend Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, j'ignore le nombre exact de phares, mais votre groupe pourrait examiner la liste et déterminer lesquels sont des aides à la navigation installées sur des bâtons, lesquels sont des aides à la navigation montées sur des tours et lesquels pourraient être considérés comme des phares patrimoniaux. Notre comité aimerait certainement avoir cette information. Je la cherche, mais je ne la trouve pas.

Mme Quinn : Bien sûr, il y a un certain nombre de feux montés sur des bâtons, comme nous disons, qui sont érigés juste à côté de phares inactifs. Si la loi avait été appliquée comme prévu, elle aurait permis d'accomplir une grande partie du travail que vous jugez nécessaire, soit de déterminer de façon définitive les phares patrimoniaux les plus importants au pays. La loi a été adoptée à cette fin. J'ai l'air de me répéter, mais on se demande pourquoi tous les feux de signalisation fonctionnels, qu'ils soient montés sur un bâton ou sur une structure complète, ont été déclarés excédentaires.

M. Wiebe : Voilà une remarque intéressante. En quoi consiste le patrimoine? Parmi tous les phares, lesquels seront désignés patrimoniaux? Nous n'avons pas vraiment sondé l'opinion publique. L'un des problèmes avec le processus du Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine, c'est qu'en essayant d'être objectif, on exclut la participation du public. J'ai examiné le pointage attribué au phare de l'île George, au Manitoba, qui a été démoli. Ce phare ne satisfaisait pas aux critères des phares patrimoniaux désignés, mais il avait une valeur évidente pour les gens qui s'adonnent à la pêche sur le lac Winnipeg. De pareils phares ne correspondent peut-être pas au modèle de patrimoine architectural, mais ils revêtent tout de même une importance à d'autres égards. Il sera donc difficile d'essayer de déterminer à l'avance lesquels seront définis ainsi. Pour certaines structures emblématiques, ce sera évident, mais pour d'autres, ce le sera moins. C'est ce que nous verrons au fil du temps.

Mme Quinn : Le pointage utilisé par le BEEFP dans ce cas n'était pas une série de critères établis pour gérer les phares en tant que tels. Par exemple, on s'est fondé sur l'accessibilité du phare depuis la terre pour déterminer sa valeur. En fait, une grande partie du potentiel d'un phare est attribuable à sa visibilité depuis l'eau. Pour ce qui est de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux, le processus prévoyait en partie ce genre de critères pour mesurer la valeur patrimoniale d'un phare. Si la loi était appliquée comme prévu, cela aurait pour effet de mettre en branle un processus très important.

Le sénateur Manning : Merci.

Le vice-président : Vous avez parlé du BEEFP, c'est-à-dire le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine. J'imagine que vous travaillez beaucoup avec ce bureau. D'après nos recherches, il aurait accordé le niveau « classé » à 17 phares et tours de phares, soit le plus haut degré de protection, et le niveau « reconnu » à 134 phares, soit la deuxième désignation patrimoniale en importance. Je souligne qu'en vertu de la politique du Conseil du Trésor sur le BEEFP, le caractère patrimonial des édifices fédéraux doit être respecté et protégé tout au long de leur cycle de vie.

La politique fédérale confie-t-elle à Pêches et Océans Canada et à la Garde côtière une certaine responsabilité à l'égard de la protection du patrimoine dans leur mandat?

Mme Quinn : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question. Est-ce que vous me demandez si le ministère est tenu de suivre les recommandations relatives à la protection du caractère patrimonial des édifices classés et définis par le BEEFP? Ce n'est pas prévu dans son mandat. C'est davantage une question de bonne volonté. Évidemment, une fois que les phares désignés par le BEEFP ne font plus partie de l'inventaire fédéral, ils ne sont plus protégés.

Le vice-président : Je vois. Êtes-vous préoccupée par l'état lamentable dans lequel se trouvent certaines de ces structures?

Mme Quinn : Oui. Certaines appartiennent à Parcs Canada, et on n'a pas du tout négligé leur entretien.

Le vice-président : Il est évident que certains phares de Nouvelle-Écosse déclarés excédentaires sont négligés et délabrés. Merci.

Le sénateur Raine : Tous les membres du comité se disent préoccupés par l'intention de la loi qui est contrecarrée par la façon dont se déroulent les choses. Je tiens à rappeler à tous que cinq mois se sont déjà écoulés dans la période de 24 mois au cours de laquelle le public a la possibilité de présenter une pétition pour qu'un phare soit désigné patrimonial. Est-ce exact?

Mme Quinn : Absolument.

Le sénateur Raine : Ce n'est pas un processus compliqué; on a besoin de 25 pétitionnaires, et le ministre doit ensuite réévaluer le phare qui fait l'objet de la pétition afin de déterminer s'il peut être désigné patrimonial. C'est bien cela?

Mme Quinn : Oui, une échéance de cinq ans, si je ne me trompe pas.

Le sénateur Raine : D'une part, votre organisation compte-t-elle suffisamment de membres et, d'autre part, ces membres accepteront-ils de faire partie de ces 25 personnes qui se porteront à la défense des 1 000 phares figurant sur la liste et qui, après avoir éliminé les feux de signalisation montés sur des bâtons et évalué les quelque 400 phares emblématiques du pays, présenteront des pétitions au cours des cinq prochaines années pour que ces phares soient désignés patrimoniaux? Est-ce faisable pour votre organisation?

Mme Quinn : Ce serait probablement trop demander à nos membres. Je pense que les collectivités peuvent aussi prendre sous leur responsabilité les phares qui se trouvent dans leur voisinage. Pour ce qui est des phares qui n'ont pas vraiment de communauté aux alentours, nous collaborons avec des organismes bénévoles, des organisations sans but lucratif au niveau provincial, qui se vouent à la protection des phares de leur province. Le président de la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society, Barry MacDonald, a témoigné devant le comité. Cette société représente maintenant de nombreux phares des provinces de l'Atlantique. C'est en Colombie-Britannique qu'on trouve la plupart des phares isolés, ce qui est encore plus difficile, parce qu'il n'y a pas de communauté à proximité. Malgré tout, parmi ces phares éloignés, certains revêtent une importante valeur historique, compte tenu de l'histoire maritime canadienne, de l'histoire militaire, et cetera. Nous travaillons du mieux que nous pouvons avec les représentants de ces provinces qui envisagent de mettre en place un processus pour le déroulement de tout cela. M. Wiebe est l'une des personnes- ressources qui assurent la liaison au sein de notre organisation et, par conséquent, il est mieux placé que moi pour vous répondre.

M. Wiebe : C'est une bonne question. Lors d'une réunion précédente, je pense qu'on a parlé du fait que 25 personnes pourraient nommer beaucoup de phares. Pour ce qui est de mobiliser le nombre requis de pétitionnaires, cela ne sera pas un obstacle insurmontable. Beaucoup de gens se porteront à la défense des phares, selon leur potentiel. Cependant, on devra identifier les personnes qui joueront un rôle de catalyseur au sein des diverses communautés pour examiner et définir les structures emblématiques de leur région. Nous avons déjà un réseau de personnes; nous étendons de plus en plus notre réseau pour parvenir à nos fins.

Le sénateur Raine : Merci. Je suis convaincue que nous n'arrivons pas à faire savoir au citoyen ordinaire qu'il y a un processus en place et qu'il devrait y participer, parce que ce qu'on demande n'est pas un si grand engagement en soi. D'après ce que je comprends, on n'a pas besoin de présenter un plan de travail à l'intention du ministre. Vous avez raison. Au bout du compte, les phares isolés de la Colombie-Britannique occasionneront de grandes difficultés. C'est pourquoi je ne suis pas certaine que nous devrions retirer les gardiens des phares, car le fait qu'ils soient habités assure en quelque sorte leur entretien. Cela fera partie des grandes questions à examiner.

J'aimerais que vous lanciez un appel à l'action sur votre site web en vue de sensibiliser la population; il faut mener une campagne de promotion plus vigoureuse et non se contenter de publier un dépliant en espérant que quelqu'un le ramassera. Il faut absolument mettre les gens au courant de ce problème.

M. Wiebe : Ce ne sont pas dans les régions côtières du Canada que nous avons besoin de concentrer nos efforts puisqu'on y est déjà très sensibilisé à la cause des phares, mais plutôt dans la région des Grands Lacs. Ce n'est pas le cas le long du fleuve Saint-Laurent, mais il y a certains endroits tels que le Manitoba et les régions de l'intérieur comme le Lac des Bois, où il serait intéressant de faire participer la population.

Sans parler des phares déclarés excédentaires, même si des communautés présentaient une pétition pour que ces phares soient désignés patrimoniaux, nous ignorons les critères applicables pour l'instant. Il revient au ministre de les désigner comme phares patrimoniaux. Même si les gens font tout leur possible pour les défendre, nous ne connaissons pas les critères sur lesquels on se fondera pour déterminer lesquels seront patrimoniaux. Cela reste à déterminer. De plus, pour ce qui est de la décision du ministre, il y a toujours ce processus. Même si les communautés attachent beaucoup d'importance à un phare, cela ne signifie pas forcément qu'il sera désigné phare patrimonial, mis à part son statut excédentaire.

Le sénateur Raine : Le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine déterminera-t-il les phares qui revêtent une importance nationale?

M. Wiebe : Je crois savoir que c'est la Commission des lieux et monuments historiques du Canada qui s'en occupera. Ce ne sera pas le BEEFP.

Le sénateur Raine : Quelle est la différence entre les deux organisations?

M. Wiebe : La Commission des lieux et monuments historiques et le BEEFP relèvent tous deux de Parcs Canada. Cependant, la Commission des lieux et monuments historiques supervise la nomination des divers édifices partout au pays et le processus de sélection des sites historiques nationaux. Il s'agit davantage d'une reconnaissance honorifique du statut patrimonial. Ce n'est pas la protection légale exécutoire dont est assortie une désignation de site historique national.

Mme Quinn pourrait peut-être vous en dire davantage sur le sujet. L'organisation surveille également les processus entourant la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales et examine minutieusement les gares ferroviaires pour vérifier si elles respectent les critères établis. On lui a confié un vaste mandat pour déterminer le caractère patrimonial des biens et des sites partout au pays de différentes façons.

Mme Quinn : Oui, et pour les biens patrimoniaux non gouvernementaux. Le BEEFP s'occupe des biens patrimoniaux qui font partie de l'inventaire fédéral. La Commission des lieux et monuments historiques du Canada a un mandat beaucoup plus général.

Le sénateur Raine : J'aimerais que le sénateur Murray me dise quelle était l'intention de la loi à cet égard. Lorsque la loi a été rédigée, qui, selon vous, allait déterminer quels phares seraient désignés patrimoniaux?

Le sénateur Murray : Le ministre, avec l'aide d'un comité consultatif, si je me souviens bien; c'est ce que prévoit la loi. Le ministre aura le dernier mot, et c'est pourquoi la décision du ministère des Pêches et des Océans me rend aussi furieux. Le ministère nous a coupé l'herbe sous le pied, de sorte qu'il nous est impossible de désigner patrimonial quelque phare que ce soit, parce qu'une fois les phares déclarés excédentaires, il faut qu'un groupe de gens présentent une pétition en faveur de leur désignation.

Rien qui se trouve dans les mains du gouvernement ne peut être désigné en raison de la décision administrative qui a été prise par le ministère. Je ne veux pas prendre le temps du sénateur Raine, et je ne suis pas membre du comité, mais, comme je l'ai dit, il ne faut pas laisser la situation telle quelle. Ce que le gouvernement a tenté de faire est assez cynique. Si j'étais membre du comité, j'appuierais la première recommandation de ces gens : qu'on demande au MPO de retirer les phares actifs de la liste des phares déclarés excédentaires. S'ils sont actifs, par définition, ils ne sont pas excédentaires. Ils sont opérationnels.

Je n'ai pas pris connaissance des autres recommandations.

Le vice-président : Merci, Murray sénateur. Vous avez repris ce qui a été dit essentiellement par les témoins.

Le sénateur Murray : Un peu de répétition ne fait pas de tort.

Le vice-président : C'est principalement ce qui est ressorti ce soir.

Le sénateur Raine a également posé une question à propos des phares isolés, en Colombie-Britannique, qui n'ont pas de communauté pour les prendre en charge. Les témoins sont-ils d'avis qu'il sera plus difficile de les désigner à titre de phares patrimoniaux, étant donné leur emplacement géographique?

Mme Quinn : Certainement maintenant, surtout s'ils ont été déclarés excédentaires.

Le sénateur Poirier : J'aimerais faire suite aux questions du sénateur Raine. Bon nombre de ces phares, même le long des régions côtières, se trouvent dans des régions isolées et ne sont pas rattachés à des municipalités. Certains sont situés dans des districts locaux sans comité ni membre du conseil en place. Il est à se demander si les gens de ces petites communautés sont au courant que l'avenir de leur phare est en péril. Savent-ils qu'une mesure législative leur permet de présenter une pétition afin que leur phare soit réévalué?

Avant de devenir sénateur, je siégeais à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, et je me souviens d'avoir examiné les rapports annuels de différents ministères et de m'être demandé pourquoi certaines régions de la province semblaient bénéficier de davantage de financement, de subventions et de programmes que celle que je représentais. Quand j'ai commencé à poser des questions, on m'a répondu qu'on ignorait l'existence de ces programmes. Même s'il y avait des sites web du gouvernement et ainsi de suite, les gens n'étaient pas au courant.

J'ai alors organisé une rencontre communautaire à laquelle ont participé différents fonctionnaires pour expliquer les divers programmes à mes concitoyens, qui ont ainsi appris l'aide qu'ils pouvaient obtenir. L'effet bénéfique a duré plusieurs années, parce qu'on pouvait tirer profit des programmes mis en œuvre.

Je me demande si les associations de protection des phares peuvent jouer un rôle de sensibilisation à cet égard. Elles connaissent l'emplacement des phares dans chaque province. Elles savent probablement lesquels sont les plus susceptibles de devenir un lieu historique et d'être préservés. Peuvent-elles jouer un rôle de sensibilisation en tenant des réunions pour informer les membres des petites collectivités qui pourront déterminer alors s'ils sont disposés à se regrouper et à signer des pétitions concernant leur phare? Votre organisation pourrait-elle encourager les provinces et les diverses localités à envisager de telles mesures?

Mme Quinn : Notre organisation est certes disposée à le faire. Le sénateur Raine l'a très bien évoqué : il faut mettre en œuvre une campagne de promotion plus vigoureuse. C'est important à nos yeux. Je ne saurais croire que Parcs Canada ne voudrait pas collaborer avec nous à cet égard. Nous avons un réseau officieux de partenaires avec lesquels nous communiquons à intervalles réguliers. Ce sont eux qui jouent un rôle clé sur le terrain. Comme vous l'avez signalé, ils connaissent l'emplacement des phares. Ils sont au courant des grands problèmes. Nous pouvons collaborer avec eux en vue d'élaborer des stratégies de communication et de sensibilisation, car il faut davantage qu'un dépliant.

M. Wiebe : Le temps presse. Comme M. MacDonald l'a indiqué dans son témoignage il y a quelques mois, il y a une organisation en Nouvelle-Écosse. À Terre-Neuve, il y en a déjà eu une qui pourrait peut-être renaître. Il n'y en a pas au Nouveau-Brunswick, mais la situation est meilleure à l'Île-du-Prince-Édouard qui compte sur des personnes clés. En Colombie-Britannique, il n'y a pas d'organisation officielle, mais des gens se sont mobilisés. La situation varie d'une province à l'autre, et nous ignorons quels sont les intervenants. Votre point de vue est judicieux.

Le sénateur Raine : Je vais aborder les choses sous un autre angle. La Défense nationale est le ministère fédéral qui est le plus important propriétaire foncier avec ses 52 édifices classés et 236 édifices reconnus sur le plan patrimonial. Je dirais que la plupart ont également une valeur symbolique. Ce ministère entretient-il correctement ses édifices patrimoniaux? Qu'en est-il des autres ministères fédéraux? Pourquoi a-t-on soudainement mis de côté les phares et les stations de phare?

Mme Quinn : Je dois avouer que des édifices appartenant au ministère de la Défense nationale figurent sur notre liste des dix établissements le plus en danger, même si leur valeur patrimoniale est reconnue.

Je le répète, il n'y a pas que le MPO qui soit en cause. Le problème est généralisé. Nous ne cherchons pas qui est responsable de la situation. Conformément à notre mandat, nous essayons plutôt de sensibiliser davantage les gens à ces problèmes. Nous avons constaté à l'occasion que nos efforts ont porté fruit. On nous dit souvent : « Nous ignorions que cet édifice était dans un tel état. Nous présumons toujours que les normes sont respectées parce que c'est le gouvernement fédéral qui est propriétaire. » Il suffit souvent de simplement signaler la chose, et le public réagit parfois d'une façon incroyablement rapide.

Le sénateur Raine : Peut-on affirmer sans risque de se tromper qu'il est plus facile de sauver un établissement qui appartient au gouvernement fédéral plutôt qu'un établissement qui est vendu tout en étant assujetti à la Loi sur la protection des phares patrimoniaux?

M. Wiebe : C'est une question intéressante.

Mme Quinn : Je dois y réfléchir.

M. Wiebe : À mon avis, il y a des problèmes qui sont propres à chacun de ces deux scénarios. Prenons notamment l'exemple des exigences opérationnelles. Il est également difficile de sauver des édifices appartenant au gouvernement fédéral. Songez à ce qui est survenu récemment dans l'affaire du hangar de Downsview à Toronto. C'était un hangar dont se servait la Force aérienne dans les années 1940 et qu'un promoteur voulait acquérir. Il en a été passablement question dernièrement parce que le public n'en a pas été informé, car la seule exigence à ce chapitre consistait à signaler la cession éventuelle dans le journal de l'endroit. Lorsqu'un ministère fédéral veut se départir d'un édifice, il doit consulter les autres ministères fédéraux, les organismes d'État, le gouvernement provincial et l'administration municipale. Il leur fait part de son intention. Outre cet avis qu'il doit publier dans le journal, il n'est pas tenu d'en informer autrement le public.

Parmi les problèmes qui se posent, je pense que le principal, c'est la façon dont le gouvernement fédéral gère ses édifices patrimoniaux. Il y a cinq ou six ans, on a envisagé de transformer la politique relative aux édifices patrimoniaux fédéraux en un projet de loi qui régirait tous les types de bâtiments appartenant au gouvernement fédéral et qui prescrirait le niveau d'entretien dont ils devraient faire l'objet.

Au cours des dix dernières années, les États-Unis ont vraiment adopté cette idée de protéger leurs édifices patrimoniaux. Ils les considèrent comme le symbole par excellence de la présence du gouvernement fédéral dans les diverses collectivités. Ils veulent qu'ils reflètent une image positive du pays. Beaucoup de progrès ont été accomplis à ce chapitre dans l'ensemble du pays. Dans la gestion des ces édifices, l'accent est mis sur leur caractère patrimonial.

Le sénateur Raine : Je comprends parfaitement, car, dans ma ville natale de Rossland, où j'ai grandi en Colombie- Britannique, le bureau de poste du coin de la rue est un magnifique édifice patrimonial. La localité s'est démenée pour préserver ce bureau de poste et lui conserver son caractère patrimonial, parce qu'il avait une grande valeur pour elle. Tout cela n'est pas sans importance. Même si on peut prétendre le contraire, c'est beaucoup plus que des phares. C'est pourquoi il est si frustrant que le MPO mette ces quelque 1 000 aides à la navigation sur la liste des biens excédentaires. Cette mesure ne fait que compliquer les choses plus que nécessaire. Ne pourrait-on pas proposer à juste titre qu'il faut avant tout demander à un responsable quelconque de dresser la liste des mesures que nous préconisons pour les phares qui ont une valeur symbolique?

M. Wiebe : Comme je l'ai indiqué au sénateur Manning, il y a une part de subjectivité dans notre évaluation de ce qui a une valeur symbolique et de ce qui n'en a pas. Qu'est-ce qui distingue un phare patrimonial d'un phare ordinaire? La distinction est facile dans certains cas, alors que parfois, c'est un peu plus compliqué. Il faudrait établir des critères pour évaluer tous les phares figurant sur la liste. C'est très judicieux.

Le sénateur Raine : Nous comptons sur vous à cet égard.

Le vice-président : Les échanges ont été enrichissants. Je constate que mes collègues n'ont plus de questions. Je voudrais en poser une dernière aux témoins avant la fin de la séance. Vous avez indiqué avoir écrit une lettre au ministre responsable de Parcs Canada et au ministre des Pêches et Océans à la suite de cette désignation. Est-ce que je pourrais vous demander de nous fournir une copie de ces lettres?

Mme Quinn : Bien sûr.

M. Wiebe : Je devrai faire quelques recherches, mais je pense que la lettre a été adressée à Jim Prentice, ministre de l'Environnement, parce qu'il est le parrain du projet de loi et qu'une copie a été envoyée au ministre des Pêches et Océans. Quoi qu'il en soit, je devrai vérifier.

Mme Quinn : Quant à moi, je n'en suis pas sûre, mais nous vous remettrons certainement des exemplaires de ces lettres.

Le vice-président : Au nom des membres du comité, je vous remercie. Ce fut une séance très instructive. Nous avons là matière à réflexion. Vous nous avez signalé des problèmes qui sont urgents.

Mme Quinn : Je voudrais, quant à moi, remercier le comité de nous avoir invités à comparaître et à exprimer notre point de vue aujourd'hui. Nous avons été ravis de revoir le sénateur Murray avec qui nous avons collaboré au cours des mois qui ont précédé l'adoption de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux. Il a fait valoir des points essentiels et il a donné des conseils aux membres du comité. La Fondation Héritage Canada appuie certainement la position qu'il a adoptée.

Je voudrais ajouter que vous ne devriez pas hésiter à nous contacter si vous avez d'autres questions ou si vous souhaitez obtenir de nous des renseignements susceptibles de vous être utiles. Merci.

Le sénateur Murray : Je suis convaincu que le comité prendra les mesures qu'il estime pertinentes. Le rapport sera présenté dans le délai imparti. Je suggère que vos membres entreprennent les démarches les plus rigoureuses possible pour demander que le ministère des Pêches et des Océans retire de la liste des biens excédentaires ces phares qu'il a décidé de garder en activité. C'est tout à fait absurde que de tels phares soient déclarés excédentaires.

Le vice-président : Merci. Je remercie le sénateur Murray de s'intéresser à nos travaux. Je suis convaincu que je parle au nom de tous mes collègues lorsque j'affirme que notre comité tirera profit des connaissances du sénateur sur cette loi. Nous lui sommes reconnaissants de son aide.

Le sénateur Murray : Je vous remercie de votre patience.

Le vice-président : Ainsi prend fin notre séance publique. Nous ferons une pause de cinq minutes, puis nous reprendrons à huis clos afin que le comité de direction fasse le point sur nos travaux à venir. La séance est suspendue pendant cinq minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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