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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 3 - Témoignages du 31 mars 2010


OTTAWA, le mercredi 31 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, dans le cadre de son étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

Nous accueillons aujourd'hui comme témoin Ramesh Thakur, directeur de la Balsillie School of International Affairs et associé distingué du Centre for International Governance Innovation (CIGI). Pour donner aux sénateurs une petite idée des antécédents de M. Thakur, il a été, le 1er septembre 2008, nommé directeur inaugural du Balsillie School of International Affairs. Il est par ailleurs associé distingué du Centre for International Governance Innovation et professeur de sciences politiques à l'Université de Waterloo, au Canada. M. Thakur a auparavant été vice-recteur et premier vice- recteur de l'Université des Nations Unies et sous-secrétaire général des Nations Unies de 1998 à 2007. Nous savons que M. Thakur a une vaste connaissance des affaires internationales. Nous nous concentrerons tout particulièrement aujourd'hui sur l'Inde.

Bienvenue, monsieur Thakur. Je sais que vous avez une déclaration liminaire à nous faire, après quoi nous passerons aux questions, conformément à la formule habituelle.

Ramesh Thakur, directeur, Balsillie School of International Affairs et associé distingué du CIGI, Balsillie School of International Affairs : Merci. Je suis très heureux d'être ici, et ce pour plusieurs raisons, dont, qui n'est pas des moindres, ma conviction que la relation étonnamment distante entre le Canada et l'Inde a besoin d'un réamorçage. Les liens commerciaux et financiers entre deux économies qui sont, après tout, parmi les 12 premières au monde sont ténus, et les relations politiques, elles, sont minces.

Au cours de la dernière décennie, l'Inde a été l'une des histoires à succès économiques du monde, dépassée par la seule Chine. Les deux pays se sont avérés résilients pendant la crise financière mondiale, armés de réserves de devises considérables dans les banques centrales et d'un faible niveau d'endettement, qui leur ont assuré la souplesse nécessaire pour promouvoir la croissance et la relance au moyen de politiques fiscales.

Sauf difficultés majeures, la Chine et l'Inde devraient atteindre d'ici 2030 le pouvoir d'achat équivalant à 20 000 $ par tête d'habitant d'un pays développé, la Chine passant ce cap au moins une décennie plus tôt que l'Inde. Leur demande intérieure sera l'une des principales forces motrices d'une reprise axée sur l'exportation, même dans les économies avancées, et, je devine, même dans le cas du Canada.

Dans les deux pays, la croissance est amenée par la hausse de l'urbanisation, de la productivité de la main-d'œuvre et du stock de capital. L'Inde a des compulsions et des complications démocratiques dont la Chine est épargnée, mais l'Inde se compare favorablement à cette dernière sur d'autres plans. Sa réussite repose sur des fonds, des marchés et des initiatives indigènes; la Chine, quant à elle, compte davantage sur l'investissement et les marchés étrangers. La Chine se situe à l'extrémité faible valeur de la chaîne de production, comptant sur les ateliers et les usines; l'activité de l'Inde s'inscrit davantage dans les services et dans la fourchette de valeur intermédiaire. L'économie indienne est dirigée par l'entreprise privée, tandis que celle de la Chine est dirigée par l'État. L'Inde jouit d'un meilleur cadre juridique et des bases institutionnelles d'un marché libre.

Grâce à sa politique de l'enfant unique, le profil démographique de la Chine se rapproche davantage de celui des pays industrialisés, qui sont confrontés au problème d'une population vieillissante et d'une cohorte de travailleurs et de consommateurs qui va rétrécissant. L'Inde a une population jeune, qui est mieux en mesure de fournir les travailleurs et les consommateurs nécessaires pour alimenter, dans les décennies à venir, sa propre économie ainsi que l'économie mondiale. Cela dit, si les choses tournaient mal, cette population croissante présenterait des défis sous forme de pressions sociales ainsi que de volatilité politique. La moitié de la population indienne est âgée de moins de 25 ans. La classe moyenne, qui, selon différentes estimations se situe entre 50 et 10 millions de personnes aujourd'hui, pourrait passer à 500 millions d'ici 2025.

Ce profil mondial ascendant de l'Inde offre l'occasion de rétablir notre relation bilatérale. L'Inde s'est adaptée à la situation qui est survenue à la fin de la guerre froide en se débarrassant de sa politique économique d'État, en s'intégrant à l'économie internationale et en forgeant d'étroites relations avec Washington. Ce triple changement constitue une base solide en vue d'un réengagement auprès du Canada.

Les éléments fondamentaux demeurent sains : les deux pays sont des démocraties parlementaires libérales caractérisées par un héritage partagé du Commonwealth, des économies de marché et un attachement à la sécurité sociale. Les deux pays sont fédéraux, bien que l'Inde penche davantage vers un gouvernement central, alors que le Canada penche du côté des provinces. Les deux régimes sont laïcs. Même si cela signifie pour nous autres, ici au Canada, une séparation entre l'État et l'Église, en Inde, cela signifie une non-discrimination dans le soutien accordé par l'État aux religions.

Comptent parmi les défis que nous partageons sur le plan de la sécurité la sécurisation de l'Afghanistan, la mise en échec du terrorisme international, et la stabilisation du Pakistan en y nourrissant les racines fragiles de la laïcité et de la démocratie. Il importera par ailleurs de contenir le fondamentalisme islamique, de prévenir la prolifération des armes nucléaires et d'appuyer la montée de la Chine en tant que puissance pacifique.

Le Canada et l'Inde sont des exemples de premier plan de l'unité dans la diversité, du partage du pouvoir et de l'accommodement parmi différents groupes de personnes, ce à une époque où la politique identitaire constitue l'un des plus grands défis internes et internationaux en matière de sécurité.

Dans le cas du Canada, l'on relève un important afflux d'immigrants originaires de l'Inde. Comparativement aux deux millions que nous sommes aux États-Unis, nous sommes un million au Canada — nous sommes donc cinq fois plus nombreux au Canada, par tête d'habitant. Nous sommes fortunés, instruits et des leaders dans nos vies professionnelles et publiques. Il n'émerge presque jamais de reportages négatifs nous concernant, du type qui attire une couverture médiatique très visible dans les médias indiens, aujourd'hui hyperactifs. La réalité de notre réussite est une histoire qui vaut la peine d'être racontée aux Canadiens et un atout qui mérite d'être exploité dans les relations indo-canadiennes.

Le Canada présente de nombreux attraits pour l'Inde : une vive croissance économique, un faible rapport dette gouvernementale-PIB, un taux d'inflation faible et stable, et un niveau de vie très élevé, avec un revenu par tête d'habitant qui est 45 fois supérieur à celui de l'Inde, sur la base de taux de change nominaux. Nous autres au Canada sommes mieux nantis, en meilleure santé et plus instruits que jamais auparavant. Nous avons une solide règle de droit, avec des systèmes de réglementation indépendants, efficients et efficaces; un système financier stable, appuyé par des règlements et une surveillance rigoureux; un système d'infrastructure efficient à l'échelle du pays; un système d'éducation de calibre mondial, depuis le primaire jusqu'au troisième cycle et aux établissements de recherche; de riches ressources naturelles; un milieu concurrentiel convivial pour l'entreprise privée; et des villes sécuritaires et propres.

Le gouvernement Harper a renversé deux politiques punitives qui étaient devenues désuètes relativement au Gujerat et au statut nucléaire de l'Inde.

La communauté indo-canadienne pourrait fournir la plateforme pour une hausse marquée du nombre de touristes et d'étudiants indiens. Les Indiens, comme c'est le cas de la plupart des Asiatiques, donnent la plus grande priorité aux études. Notre système d'éducation au Canada est de classe mondiale et relativement peu coûteux; or, nous accusons un retard, un bon retard, par rapport aux chefs de file sur le marché — l'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis — pour ce qui est de la réadaptation de notre façon de penser afin de concevoir l'éducation comme étant une industrie d'exportation de services de pointe. Nous devons, tant pour les touristes que pour les étudiants, corriger notre système de visas peu convivial.

Le manque d'entreprises canadiennes tirant profit du marché croissant de l'Inde s'explique par le manque de familiarité avec la culture et les pratiques d'affaires indiennes, d'un côté, et un trop-plein de règlements, de restrictions, de paperasserie et de corruption de l'autre. L'Inde n'est pas bien placée dans le classement annuel des pays que fait la Banque mondiale pour leur degré de facilité d'y faire affaire : cette année, le pays s'est classé au 133e rang sur 183, comparativement au 89e rang pour la Chine, au 85e rang pour le Pakistan et au 8e rang pour le Canada, les deux meneurs étant Singapour et la Nouvelle-Zélande. L'Inde ne fait pas meilleure figure en ce qui concerne l'indice du développement humain des Nations Unies, occupant dans le monde le 134e rang, alors que le Canada, lui, est placé quatrième.

Il me semble qu'il y a ici une leçon à tirer. Des politiques en harmonie avec le marché peuvent livrer des résultats pro-pauvreté. Imaginez à quel point le rendement économique de l'Inde pourrait être spectaculaire avec une montée rapide dans le classement selon la compétitivité des entreprises, en fonction des ouvertures et des fermetures, avec des normes d'entrée et de sortie plus simples, l'exécution de contrats en l'absence de retards bureaucratiques et juridiques longs et coûteux, ainsi qu'avec une simplification et une épuration des exigences et des procédures en matière de permis et un relâchement de la réglementation du marché du travail. Une telle évolution offrirait de gros incitatifs susceptibles d'attirer les investisseurs d'une valeur annuelle de 50 milliards de dollars dont l'Inde pense avoir besoin sur une période d'environ 10 ans pour pouvoir améliorer son infrastructure, qui est présentement dans un état abominable.

L'Inde manifeste une ouverture croissante à l'égard d'attaches commerciales, d'échanges culturels et de liens universitaires. Avec l'aide d'Indo-Canadiens, il serait possible d'établir des groupements puissants capables de lier le Canada et l'Inde à l'intérieur d'un monde où le réseautage compte de plus en plus. Le secteur privé et la diplomatie culturelle et éducationnelle pourront renforcer, mais ne jamais supplanter, la diplomatie traditionnelle entre États.

La présidente : Merci, monsieur Thakur.

Il me faut un éclaircissement. Lorsque vous dites que le Canada compte un million d'Indo-Canadiens, comment définissez-vous le terme « Indo-Canadiens »? Parlez-vous de personnes qui sont venues directement d'Inde, ou bien parlez-vous de leur patrimoine?

M. Thakur : Je parle du patrimoine. J'inclus également dans cette catégorie les personnes qui sont nées et qui ont grandi ici.

Cela dit, et ayant examiné les chiffres, je ne suis pas certain qu'ils se limitent forcément aux personnes véritablement originaires de l'Inde, par opposition à l'Asie méridionale en général. Je n'ai pas de certitude là-dessus.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Soyez le bienvenu, monsieur Thakur. Laissez-moi vous dire qu'il nous fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Pour de nombreuses entreprises canadiennes, il est difficile de faire des affaires en Inde. Par contre, des pays y arrivent et parmi eux, je peux inclure le Japon, la Corée, l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis. Alors pourquoi pas le Canada? Je sais pertinemment que des gens d'affaires ne peuvent pas, ne sont pas capables de faire des affaires avec l'Inde même s'ils sont intéressés à en faire. Quels conseils pouvez-vous donner à ces gens d'affaires, à ces industries canadienne pour pouvoir avoir de meilleures relations avec l'Inde?

[Traduction]

M. Thakur : Merci, sénateur, et excusez-moi. Un de mes défauts est que je ne parle pas cette belle langue qu'est le français, alors je vais m'exprimer en anglais. Si l'occasion m'était donnée de revivre ma vie à nouveau, j'accorderais, si je le pouvais, une plus grande priorité à l'apprentissage du français et de l'espagnol.

Je pense que vous avez reçu précédemment le ministre Kamal Nath; il serait mieux placé pour répondre à cette question.

Il y a deux raisons, une de chaque côté. L'une est que l'Inde n'est toujours pas un pays où il est facile de faire affaire, et c'est à cet égard que les indicateurs de la Banque mondiale sont très intéressants. Par exemple, il n'est pas facile de lancer une entreprise, pas plus qu'il n'est facile d'en fermer une, même si vous perdez de l'argent. Il y a, à l'intérieur du marché du travail, toutes sortes de rigidités et quantité de contrôles sur l'entrée et la sortie de capitaux, même encore aujourd'hui. Il y a une bureaucratie énorme qui intervient en ce qui concerne l'obtention d'autorisations. Il y a des questions de compétence fédérale-provinciale. Il existe d'énormes difficultés, et l'Inde demeure l'un des pays où les choses sont les plus difficiles.

Si le pays a réussi malgré tout, c'est grâce à la ténacité de l'entrepreneur indien chez lui et du fait de l'existence de capitaux importants et toujours croissants qui sont disponibles pour l'investissement. Je pense que la chose a augmenté au fil de la dernière décennie, de telle sorte que cet investissement vaut 40 p. 100 du PIB, l'investissement du secteur privé se chiffrant à 28 p. 100 du PIB.

Cela donne quelques indices quant à la deuxième partie, qui est qu'il demeure important pour les entreprises canadiennes d'avoir des partenaires indiens qui savent comment fonctionne la scène indienne et qui possèdent l'expérience, les connaissances et les contacts nécessaires pour pouvoir faciliter ces choses. Les entreprises canadiennes commenceront par être choquées par la faiblesse des marges bénéficiaires en Inde. Le marché de consommation est caractérisé par une concurrence féroce, mais les chiffres sont tels que le profit total en vaut malgré tout la peine.

Je me souviens de m'être un jour entretenu avec le premier vice-président de Nokia, et il disait que la marge bénéficiaire en Europe était de 20 euros par téléphone. La marge bénéficiaire de l'entreprise en Inde était d'un euro par téléphone, mais avec une clientèle d'un milliard, même le rapport de 1 $ par téléphone vaut l'effort, et j'ai vu des chiffres montrant que les abonnements pour téléphone cellulaire en Inde sont aujourd'hui au nombre d'un demi- milliard, ce qui est faramineux. La même chose vaut pour les entreprises canadiennes. Enfin, il leur faudra demeurer sur place pour la durée, et non pas s'attendre à pouvoir engranger rapidement des profits, puis s'en aller.

Le gouvernement indien serait très sensible, si je peux m'exprimer ainsi, s'il voyait des compagnies étrangères venir sur son territoire pour exploiter les Indiens et repartir. Ce sont des relations à long terme qu'il faut construire; des entreprises devront être lancées; et, au bout du compte, du fait qu'il s'agisse d'initiatives émanant du secteur privé, les gouvernements peuvent offrir le cadre, les assurances et les marges de sécurité, mais le risque doit être assumé par l'entrepreneur privé, et les profits découleront également de cette prise de risque.

Le gouvernement indien ouvre de plus en plus les choses et tendra vraisemblablement de plus en plus vers des partenariats publics-privés et des partenariats entre Indiens et étrangers. Il faut donc comprendre le marché, les contraintes et les profits à long terme potentiels, et travailler avec des partenaires indiens, et être là pour la durée.

[Français]

Le sénateur Nolin : Bon après-midi, monsieur Thakur. Vous avez écrit dans Canada Among Nations 2009-2010 as others see us qu'il est peu probable que les relations entre le Canada et l'Inde redeviennent aussi étroites que ce qu'elles étaient auparavant. J'aimerais comprendre un peu mieux ce qui vous a amené à écrire cette phrase.

[Traduction]

M. Thakur : J'ai écrit cela en partie afin de ne pas nourrir de fausses attentes. Si c'est là la mesure de grandes attentes, si c'est là le repère, alors nous allons continuellement être déçus. Il y a eu une période exceptionnelle dans les années suivant immédiatement non pas tant la Seconde Guerre mondiale, mais l'indépendance de l'Inde, et il y a des facteurs personnels qui sont intervenus dans la relation entre le premier ministre fondateur de l'Inde et certains des dirigeants politiques de ce pays. La relation personnelle entre le haut-commissaire à l'époque, M. Escott Reid, et le premier ministre, Jawaharlal Nehru, était telle que M. Reid, en tant que haut commissaire, pouvait à tout moment appeler au téléphone les membres du cercle de conseillers le plus rapproché du premier ministre et avoir ainsi accès à lui. Je vais vous donner un exemple bien précis, puisé dans notre propre histoire au Canada.

Vous vous souviendrez qu'en 1956, suivant les initiatives de M. Pearson auprès du secrétaire général des Nations Unies d'alors, Dag Hammarskjold, le Canada a joué un rôle clé dans le règlement du dilemme de l'invasion britanno-franco- israélienne du canal de Suez, après quoi on a voulu envoyer un contingent canadien de maintien de la paix dans le cadre de la force de maintien de la paix qu'on y établissait. Ont alors été soulevées par l'Égypte un certain nombre de difficultés politiques. L'explication évidente était que les Égyptiens auraient du mal à distinguer physiquement les Canadiens des troupes britanniques et françaises qui se retireraient. Dans ce contexte, le premier ministre a demandé au haut- commissaire Reid de voir s'il ne pourrait pas avoir une conversation avec M. Nehru et obtenir que l'Inde utilise ses bons offices et ses relations avec le président Nasser pour apaiser le problème du côté égyptien. M. Reid a contacté le bureau du premier ministre et s'est entretenu directement avec le premier ministre Nehru, si je me souviens bien, et s'est fait dire que tout allait très bien et qu'en fait M. Nehru avait déjà discuté avec le président Nasser et lui avait rapporté exactement cela. C'est là une bonne indication de l'étroitesse des relations à l'époque.

Il existe beaucoup plus de pays aujourd'hui, quatre fois plus. Je pense que nous sommes aujourd'hui moins attachés au passé et au bagage sentimental commun qui nous viennent de notre appartenance au Commonwealth britannique que nous ne l'étions à l'époque. Les deux pays sont relativement plus enclins à rechercher des relations fondées sur des intérêts aux côtés de relations fondées sur des valeurs, et je considère que cela aussi est pour le mieux.

Si pour le futur nous cherchons à nous ancrer sur une évaluation juste des points de convergence dans nos intérêts et valeurs respectifs et sur une compréhension de nos divergences, sans pour autant laisser les différences l'emporter sur les points de recoupement, je pense que nous saurons rétablir la relation à un niveau raisonnable de confort, de production et de productivité de part et d'autre. Cependant, si vous dites vouloir retourner à ce qui a été une période parfaitement exceptionnelle dans les relations des deux pays, alors nous risquons davantage d'être déçus que satisfaits.

Le sénateur Nolin : La dernière partie de votre réponse est une introduction parfaite à ma deuxième question. Vous dites que le rapprochement intellectuel entre nos deux pays est très bon. Pourrions-nous faire davantage — par exemple, en ce qui concerne les universités? J'ai en tête le milieu des sciences et de la technologie. Dans quels domaines pourrions-nous être de meilleurs partenaires?

M. Thakur : Je pense que nous pourrions faire beaucoup plus. Je pense que j'ai les chiffres dans cet article que vous citiez.

Il me faudrait préciser que j'ai la double nationalité australienne et canadienne. J'ai vécu en Australie et j'ai enseigné à l'Australian National University, alors j'ai plus qu'une connaissance élémentaire du système d'éducation australien.

En 2008, il y avait au total en Australie, au niveau tertiaire, 96 000 étudiants originaires de l'Inde. Cette même année, il y en avait 4 000 au Canada. Considérant que notre population est supérieure de moitié et que nous avons un bon système universitaire, cette comparaison est pour moi scandaleuse.

L'Inde dépensait 10 milliards de dollars par an pour l'éducation de ses étudiants à l'étranger. D'un côté, c'est là un commentaire sur les manquements, sur les plans tant de la qualité que des nombres, du marché indien des études supérieures lui-même. Vous aurez, j'imagine, lu un récent projet de loi qu'a déposé le gouvernement indien visant à autoriser les universités étrangères à établir en Inde des campus et des établissements satellites; il y a donc une prise de conscience à ce niveau. D'un autre côté, c'est là la preuve d'une demande insatiable chez les Indiens, demande que la réussite économique permet de satisfaire en envoyant les étudiants à l'étranger.

Si l'on pense à la Chine et à l'Inde, il est possible de les comparer de bien des façons, et la comparaison est intéressante. Cependant, le gouvernement chinois a pris la décision stratégique d'envoyer ses étudiants — les meilleurs et les plus doués — aux meilleures universités, de leur payer leurs études, puis de les rapatrier.

Vous verrez beaucoup plus ce phénomène que celui d'étudiants indiens, boursiers du gouvernement, fréquentant Oxford, Cambridge, Harvard et Princeton; mais si vous y faites le tour des facultés, vous y relèverez un bien plus grand nombre de professeurs indiens que de professeurs chinois.

Une conséquence de cela est que le niveau de confort sur les plans échanges, engagement et direction, entre l'Inde et n'importe quel pays occidental anglophone auquel je puisse penser, est de beaucoup supérieur à ce que l'on pourrait envisager dans un avenir prévisible dans le cas de la Chine. Cela reflète le fait que l'Inde a déjà, au niveau du gouvernement et à celui de l'élite, un état d'esprit internationaliste et une vision mondiale.

Le risque et le danger que je vois, si je me penche sur les dernières décennies de la relation bilatérale, sont que les deux pays ont également tendance à partir sur une tangente moralisatrice. Une fois les deux convaincus de la rectitude de leurs positions respectives, ils commencent à se montrer l'un l'autre du doigt, au lieu de dire : « Voici en quoi nous sommes différents, essayons d'en comprendre les raisons et où, et construisons néanmoins à partir de nos points communs. »

Je pense que le secteur des études universitaires est l'un de ces points communs. Beaucoup plus pourrait être fait, et il y aurait un bien plus grand niveau de confort avec des étudiants originaires d'Inde qu'avec des étudiants originaires de nombreux autres pays.

Le sénateur Nolin : C'est sans doute ce que nous avons fait dans le secteur nucléaire.

M. Thakur : Oui.

Le sénateur Jaffer : Merci d'être venu ici aujourd'hui; c'est un privilège que de vous écouter.

Ma première question concerne l'avantage qu'a l'Inde par rapport à la Chine du fait de la langue anglaise. Pourriez- vous nous dire l'importance de cet avantage et comment nous pourrions en tirer profit ici au Canada?

M. Thakur : Il s'agit d'un formidable avantage, mais je pense qu'il va aller en diminuant. Encore une fois, le gouvernement chinois a pris la décision stratégique de ne pas investir seulement dans le secteur de l'éducation, y compris les études supérieures, mais d'investir également dans l'acquisition de compétences en langue anglaise. C'est ainsi que cet avantage va s'éroder au fil du temps.

L'anglais est néanmoins une langue qui est utilisée très couramment; c'est la langue des affaires et du droit. Si je prends le cas d'un visiteur anglophone se rendant dans n'importe quelle région de l'Inde, il est impossible pour moi d'imaginer qu'il pourrait se passer plus de quelques minutes avant de rencontrer une personne en mesure de parler un anglais fonctionnel passable afin de pouvoir communiquer.

Si vous changez légèrement de cap, si vous pensez littérature, certains des ouvrages de langue anglaise les plus excitants au cours des deux dernières décennies sont le fait de plusieurs écrivains indiens, dont certains ici même au Canada. Toute personne informée, de niveau d'instruction moyen, pourrait sans doute nommer entre une demi-douzaine et une douzaine d'auteurs indiens, écrivant en anglais, qui sont très bien connus pour leur œuvre.

Un avantage en découlant est que l'on a un accès facile au système juridique, car une très grande part de la tradition juridique est un legs britannique. Beaucoup des lois, des verdicts et des opinions sont disponibles en langue anglaise, ce qui fait qu'il est beaucoup plus facile de faire affaire.

Il est beaucoup plus difficile d'imaginer les circonstances entourant, par exemple, un événement récent, l'accusation et la condamnation de l'homme d'affaires australien Stern Hu, en Chine. Il est beaucoup plus difficile pour moi d'imaginer ce genre de chose, dans ces circonstances, survenant en Inde. Ce serait la combinaison de la langue et de la tradition juridique, ajoutée aux autres facteurs.

Le sénateur Jaffer : Vous avez mentionné l'Australie et un autre pays — j'ai oublié lequel — où il est plus facile de se rendre pour y faire des études.

M. Thakur : L'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Les États-Unis comptent aujourd'hui 100 000 étudiants indiens, et je pense que depuis l'an dernier les étudiants originaires d'Inde constituent la plus importante cohorte étrangère, l'emportant même sur la chinoise.

Le sénateur Jaffer : Je sais que vous avez une expérience australienne, mais si vous permettez que je commence avec les États-Unis, que font les États-Unis que nous ne faisons pas, pour rendre cela plus facile pour des étudiants indiens de venir ici? Je comprends la question du visa, mais j'imagine ou j'espère qu'il y a plus que le simple visa. Que font les Américains pour attirer des étudiants indiens?

M. Thakur : Il s'agit d'une responsabilité provinciale, mais il est certain que, dans le contexte ontarien — le contexte dans lequel j'œuvre à l'heure actuelle — il n'est pas facile pour les universités d'ouvrir un nombre illimité de places pour des étudiants étrangers, même des étudiants qui paient le plein tarif. Il y a en place des restrictions qui constituent des désincitatifs financiers.

Je suppose que la raison, ou une explication possible, de cela est peut-être que l'on a considéré ces places comme étant financées par le contribuable. Après tout, vous n'allez pas avoir un régime de pleine récupération des coûts grâce aux frais d'inscription. Ce sont des places financées par le contribuable, et nous ne voulons pas les ouvrir de manière incontrôlée à des étudiants étrangers.

C'est en partie cela que j'ai voulu dire en déclarant que je pense qu'il nous faut changer notre attitude de manière à envisager l'éducation comme étant une importante industrie d'exportation de service. Ce secteur représente à l'heure actuelle en Australie la troisième plus grosse industrie d'exportation. D'après ce que j'ai pu voir, ce n'est pas vraiment cette attitude que nous avons eue au Canada.

Le sénateur Finley : Bienvenue à notre comité. Il y a de cela 20 ou 25 ans, j'ai travaillé très étroitement avec des entreprises commerciales indiennes dans le secteur aérospatial. Une chose qui nous rendait complètement fous, pour être franc, était la bureaucratie. À un moment donné, j'ai entendu quelqu'un dire que l'Inde a sans doute la plus grosse bureaucratie au monde, par tête d'habitant. Je ne sais pas si cela est vrai.

Pourriez-vous nous donner la version simplifiée de l'état de la bureaucratie? S'est-elle aggravée ou améliorée au cours des 25 dernières années?

Deuxièmement, vous avez parlé de la difficulté qu'il y a à fermer une entreprise. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu cela?

Pourriez-vous également nous faire un bref survol des conditions de travail de base? Y a-t-il des salaires minimums, des semaines de travail minimum, et le reste?

Enfin, je ne me souviens pas, sur la base de mon expérience en Inde, s'il y existe des syndicats. S'il y en a, dans quelle mesure sont-ils forts?

M. Thakur : Si l'on fait une comparaison sur 25 ans, le problème de la bureaucratie se serait allégé au lieu de demeurer le même, sans parler d'une aggravation de la situation, surtout parce qu'il y a eu une prise de conscience aux niveaux les plus élevés. Cependant, il demeure un élément d'inertie qui affecte ces grosses bureaucraties. Par exemple, j'oublie si les chemins de fer indiens emploient en ce moment 4 ou 40 millions de personnes, mais c'est un chiffre énorme.

L'un des coûts d'affaires en Inde est celui des compulsions démocratiques, englobant relations de travail, marché du travail et liens entre les syndicats de travailleurs et différents partis politiques. Je fais en quelque sorte le saut à votre dernière question, mais il y a plusieurs syndicats de travailleurs qui se concurrencent. Certains d'entre eux sont autonomes et ne sont rattachés à aucun parti politique. D'autres ont des liens avec des partis politiques donnés, dont le Parti communiste. Rappelez-vous que l'Inde est le seul pays au monde qui ait plusieurs fois de suite réélu le Parti communiste au niveau des États. En fait, le gouvernement d'État réélu sur la plus longue période en Inde est celui du Parti communiste en Bengale-Occidental.

Le ministre des Finances d'alors, M. Chidambaram, qui est un économiste qui a reçu sa formation au MIT, a souligné, dans le cadre d'un discours qu'il a prononcé il y a trois ou quatre ans, que les marchés font la promotion de l'efficience, mais que nous prisons la démocratie du fait qu'elle nous amène, en tant que gouvernement, à emmener le peuple avec nous, à ne pas prendre une trop grande avance par rapport au peuple.

La démocratie aide à fournir les moyens institutionnels grâce auxquels faire les compromis nécessaires entre capital et main-d'œuvre, entre efficience et équité, entre croissance et égalité; et une partie de l'ensemble est la main-d'œuvre. La situation est en vérité bien pire dans le secteur agricole indien que dans le secteur manufacturier, et le secteur agricole compte toujours pour entre la moitié et les deux tiers de la main-d'œuvre, mais ne représente que 20 p. 100 du revenu national.

Les politiciens ont ainsi eu tendance à regarder les chiffres comme correspondant à des votes, au lieu d'un problème économique pouvant être réglé grâce à l'efficience. Cependant, je pense que, dans un avenir prévisible, le secteur des affaires tout entier, y compris le secteur des affaires national, devra apprendre à composer avec cela.

C'est beaucoup plus un problème dans les secteurs manufacturier et industriel, du fait de ces règles très rigides en matière d'entrée et de sortie. Comme je l'ai dit, si vous êtes classé dans la catégorie des petites entreprises, vous pouvez obtenir de l'aide gouvernementale et alors, si votre entreprise commence à perdre de l'argent, vous ne pouvez pas vous défaire de vos employés; le gouvernement vous versera des subventions pour que vous conserviez votre effectif. Bien sûr, tout cela est bien joli, et il est bon d'avoir cette conscience sociale, mais les coûts de renonciation sont très conséquents dans un pays qui doit dégager cet argent supplémentaire aux fins d'investissements productifs.

Nous avons eu la même chose dans le secteur financier avec le legs du système bancaire, qui a été nationalisé par Mme Gandhi au début des années 1970. Le système bancaire et le système financier ont été employés comme instrument de politique sociale plutôt que comme instrument financier pour canaliser l'épargne disponible en investissements productifs, et ils absorbent alors la main-d'œuvre.

Il demeure encore de nombreux problèmes dans l'économie, et, du fait que nous n'ayons pas souffert autant dans la crise financière et du fait que le système de réglementation que nous avons, qui est plus prudent si on le compare à ce que nous avons constaté au sud de la frontière, ait joui de reconnaissance et de confirmation à l'échelle mondiale, je pense que nous sommes au Canada mieux placés pour essayer d'avoir cette conversation avec des homologues en Inde au sujet de la façon de combiner les filets de sécurité sociale avec des politiques et des cadres pro-entreprises privées et pro-marchés qui encouragent et récompensent l'investissement productif au lieu de subventionner des industries qui ne sont pas efficientes. D'autre part, comme je l'ai dit, nous avons de meilleures chances d'être écoutés du fait que nous jouissions toujours d'un certain degré de crédibilité, tandis que l'adhésion au modèle américain et, je dirais même, au modèle des principaux joueurs européens, a été, sinon détruite, au moins sérieusement entamée. Cela vaut tant pour l'Inde que pour la Chine. Je pense que nous pouvons faire ces différentes choses.

Les conditions de travail reflètent elles aussi ces facteurs. Il y a une grande sensibilité à ce que représente la perte d'un emploi dans un contexte indien où le gouvernement n'a tout simplement pas la capacité requise pour offrir des filets de sécurité sociale. Je vais vous donner une statistique qui ne figure dans aucun des documents que j'ai rédigés, mais qui est très parlante.

Chaque année, le National Crime Records Bureau en Inde, qui est un organe fédéral, compile les statistiques sur différents crimes. Le suicide fait toujours partie du code criminel en Inde. De 1997 à 2008, soit sur une période de 12 ans, le nombre total de suicides chez les agriculteurs a été de 199 et quelque mille. Cela veut dire que 16 500 agriculteurs se sont chaque année suicidés pendant 12 années successives. Cela est dû au fait que, le gouvernement ayant pris des mesures pour ouvrir le secteur agricole aux régimes de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, qui limitent la capacité d'appliquer des restrictions, les agriculteurs ont été serrés entre la libéralisation et l'ouverture, d'un côté, et l'absence de filets de sécurité sociale, de l'autre. Il ne s'agit là que d'une statistique, dont je pense qu'elle se trouverait reflétée dans d'autres secteurs également.

Il s'agit sans doute là d'une bonne illustration de la nécessité pour nous, au Canada, d'être sensibles aux impératifs et aux compulsions auxquelles se trouve confronté le gouvernement indien, et d'en discuter avec lui également.

Une bonne chose qui est survenue récemment est le forum du G20, à l'occasion duquel notre premier ministre aura l'occasion de s'asseoir directement avec le premier ministre indien. Ils pourront avoir ces genres de conversations, qui ont un retentissement que ne peut offrir aucun autre forum.

Le sénateur Segal : Monsieur Thakur, j'aimerais parler de la défense et de la corruption, mais séparément. Il y a une mythologie — et je suis certain qu'il s'agit d'une mythologie; en tout cas j'aimerais bien que vous nous aidiez à la démêler — voulant que l'Inde soit un endroit où il est beaucoup plus aisé pour les entreprises et d'autres d'offrir des pots-de-vin aux autorités à l'appui de leurs objectifs commerciaux que ce ne le serait ici au Canada. Le Canada est signataire d'un code anti-corruption, tout comme l'est le gouvernement indien. Je ne prétendrais pas un seul instant qu'un pays qui a fait des progrès gigantesques sur les plans du développement, de l'expansion économique et de l'établissement d'une énorme classe moyenne, et ce très rapidement, aurait aussi disposé de tout le temps nécessaire pour raffiner certaines des protections que des pays qui sont développés depuis plus longtemps ont pu instaurer face à ces genres de pratiques.

Y a-t-il quelque perspective que vous pourriez nous livrer pour nous aider à comprendre ce qui se passe réellement, et ce de façon juste, sans préjugé de notre part? Quels conseils donneriez-vous aux entreprises canadiennes pouvant à l'occasion être confrontées à ces genres de défis quant à la meilleure façon de les relever, tout en respectant la culture commerciale véritable d'un partenaire potentiel en Inde et en essayant en même temps de respecter les ententes fondamentales en matière de corruption dont nous sommes tous signataires?

M. Thakur : La réponse à cette question mélangera probablement valeurs personnelles et analyses universitaires d'une façon que je n'applique généralement pas à la plupart des autres contextes.

Pour cerner les niveaux de corruption en Inde, nous pouvons emprunter la voie politiquement facile et examiner les classements fournis par Transparency International, qui ne nous amènent pas à empiéter sur le territoire politiquement sensible de l'imposition de nos jugements sur la base de tel ou tel critère, car c'est ce que pense Transparency International. L'Inde a certainement eu tendance à se classer vers le bas ou vers l'extrémité indésirable de l'éventail de classement. Je pense que le pays se situe toujours dans le tiers inférieur parmi l'ensemble des pays du monde, aux côtés d'autres nations importantes comme la Chine et l'Indonésie.

Cela dit, et reconnaissant que c'est un problème omniprésent, celui-ci est particulièrement ressenti aux échelons subalternes des services et de l'administration gouvernementaux, c'est-à-dire précisément au point de contact entre le citoyen moyen et l'État, ce qui cause une aliénation massive des Indiens à l'égard de leur gouvernement, aliénation causée principalement par la corruption. D'autres facteurs interviennent encore, mais la corruption en est une raison majeure. Cela se propage ensuite à différents organismes d'État, y compris les services de défense.

Cependant, je considère personnellement — et je ne crois pas que vous trouverez cela nécessairement dans le classement de Transparency International, mais je n'en suis pas sûr — qu'il existe deux institutions qui sont relativement moins marquées par la corruption en Inde. L'une est la magistrature, particulièrement aux niveaux supérieurs, et l'autre, du côté des serviteurs de l'État en uniforme, les forces armées. Je ne suis pas convaincu que le ministère de la Défense, côté civil, diffère nécessairement des autres administrations publiques et des niveaux supérieurs de la fonction publique fédérale. Là encore, il faut reconnaître que la fonction publique conserve la tradition et le cadre du Raj britannique, et les cadres supérieurs de la fonction publique, même dans les États, sont recrutés, formés et employés par le gouvernement fédéral, même s'ils sont affectés pendant toute leur vie à des États particuliers, et cetera.

Les cadres supérieurs du ministère de la Défense eux aussi relèvent de la fonction publique civile. Il existe différentes gradations à ce niveau et les forces militaires, et le ministère de la Défense aussi, sont relativement moins touchés par cela. Il s'est produit des cas de corruption mettant en jeu des contrats d'équipement militaire qui ont fait chuter des gouvernements, notamment celui de M. Gandhi à l'occasion de la vente d'obusiers par la Suède.

J'ai dit que je fais intervenir une touche personnelle à cet égard, puisque j'étais fonctionnaire des Nations Unies à l'époque de la signature du Pacte mondial, dont le dixième principe concerne la corruption. Il existe ce code international. Nous tendons à oublier que la corruption met en jeu deux parties, celle qui offre les pots-de-vin et celle qui les accepte. Pour des raisons de capacités étatiques, notamment la capacité administrative et technologique, il est plus facile de combattre le problème à notre bout, dans les pays développés. Une contribution majeure à la lutte contre la corruption dans les pays en développement sera de rompre le secret bancaire dans des pays comme la Suisse, par exemple. C'est beaucoup plus facile à accomplir que toutes les tâches difficiles de l'autre côté. Je ne nie pas la réalité qui existe de l'autre côté, mais sur le plan de la lutte, elle est beaucoup plus facile à certains égards de notre côté. Personnellement, en tant que citoyen canadien, je serais indigné si l'un de nos fournisseurs de matériel de défense se livrait à des pratiques clairement corruptrices qui enfreignent nos lois ainsi que celles du pays concerné.

Cela dit, l'autre problème sur lequel le gouvernement indien se penche plus sérieusement, je pense, est le fait que de nombreuses lois sont irréalistes en ce sens qu'elles criminalisent ce qui est une pratique commerciale ordinaire et inévitable dans d'autres contextes. Cela signifie que ces pratiques ont toujours cours, mais doivent être cachées. Là encore c'est un débat qui doit avoir lieu, concernant certains agissements qui sont une pratique commerciale courante. Si nous faisons appel à des agents, par exemple, qui facilitent les contacts et permettent que des affaires soient conclues, cela ne devrait pas nécessairement être traité comme une activité criminelle, alors que c'est encore le cas au regard de la loi indienne.

C'est une longue réponse, mais j'essayais de combiner mon point de vue personnel et professionnel.

Le sénateur Segal : J'aimerais parler de la coopération en matière de défense en général dans le cadre de la politique étrangère des deux pays. Selon mon expérience aux collèges d'état-major des Forces canadiennes, par exemple au Collège militaire royal du Canada, on voit peu d'officiers indiens participant à des programmes d'échange pour leurs études d'accession au grade de colonel, la « majeure précolonel », comme on appelle ces études dans différentes parties du monde. On commence à voir un nombre assez conséquent de nos collègues et amis venant des États du golfe, et pas mal de nos pays amis d'Europe de l'Est nous envoient maintenant leurs officiers, et nous en envoyons des nôtres chez eux. On commence même à voir un nombre modeste d'officiers chinois. Existe-t-il à cet égard un problème structurel, à votre avis? L'armée indienne jouit d'une énorme réputation positive. Il n'y aurait pas à l'échelle mondiale de capacité de maintien de la paix sans l'armée indienne, et c'est à son crédit. Elle a des niveaux de formation perçus comme superbes, avec un fort recours à la technologie et une collaboration avec des pays qui sont nos alliés, tels qu'Israël et d'autres. Il ne semble exister aucun empêchement de nature politique. Manque-t-il un élément quelque part? Est-ce un manque de générosité de notre part, soit le fait que nous n'offrons pas de place aux officiers indiens, ou bien y a-t-il quelque réticence en Inde à envoyer des officiers dans les collèges militaires d'autres pays et à collaborer en matière de défense en général?

M. Thakur : Premièrement, je dois dire que je suis surpris d'entendre cela. Je l'ignorais. Je suis surpris car je sais que des officiers indiens vont étudier à l'étranger. J'ai enseigné pendant huit années de suite au Joint Services Staff College, qui va du niveau de major à celui de lieutenant-colonel, et au Single Service Staff College, qui va du niveau de capitaine à celui de major, ainsi qu'à l'Australian Defence College Centre for Defence and Strategic Studies, qui reçoit les officiers à partir du niveau de général une étoile. Dans tous ces collèges australiens, il y avait des Indiens. Je suis surpris qu'il n'y en ait pas ici. Ils vont certainement aussi étudier aux États-Unis. Il y en a eu sans interruption, à ma connaissance, au Royal College of Defence Studies du Royaume-Uni et aussi aux collèges d'état-major de ce pays. Je ne pense pas qu'il y ait une réticence de principe à cet égard en Inde. Peut-être faudrait-il se pencher là-dessus, et je serais ravi de le faire, si cela vous intéresse.

En outre, ces dernières années, les forces armées indiennes ont entrepris, à différents niveaux d'intensité et d'envergure, des exercices et manœuvres militaires combinés avec les forces armées d'Australie, du Japon et des États-Unis, des exercices assez poussés qui englobaient même les opérations spéciales, par exemple. Là encore, je ne sais pas s'il y a des manœuvres conjointes avec le Canada.

Il me semble, pour les raisons que j'ai indiquées, que le niveau de confort devrait être élevé plutôt que faible. Je ne vois réellement pas quel peut être le problème. Le maintien de la paix est un autre exemple évident que vous avez vous-même mentionné. Il existe aujourd'hui une unité de formation au maintien de la paix au sein de la United Service Institution of India, qui est basée à Delhi, et dont l'ancien directeur est un diplômé du Joint Services Staff College de Queenscliff, en Australie.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous nous avez dit qu'une grande partie de la force ouvrière se trouvait dans les régions rurales, sur les fermes. Le ministre qui nous a visités la semaine dernière nous disait que ce sont de petites fermes, en fait, et que ces gens gagnaient très peu d'argent.

Comment les gouvernements font-ils pour garder la paix sociale? Parce que, à un moment donné, ces gens vont réclamer une partie de cette richesse nationale. Voyez-vous des regroupements qui vont dans cette direction?

[Traduction]

M. Thakur : Là encore, je dois donner une réponse à deux niveaux. D'un côté il existe un mouvement paysan armé dans les campagnes. Les Indiens le qualifient d'insurrection maoïste. Cette appellation a des connotations évidentes.

Les calculs que j'ai vus indiquent que ce mouvement a infecté environ un tiers de tous les districts du pays. Le premier ministre Singh et le ministre de l'Intérieur actuel, M. Chidambaram, ont déclaré publiquement que c'est là la menace la plus grave à la sécurité interne, une menace beaucoup plus grave que les attaques terroristes venant de l'extérieur, par exemple. Ils l'ont dit de façon très claire.

J'ai vu une déclaration faite cette semaine par le ministre de l'Intérieur indien dans laquelle il dit qu'il faudra encore deux ans pour mater complètement cette insurrection, c'est-à-dire l'amener à des niveaux tolérables. Je ne suis pas sûr qu'ils ne parviennent jamais à l'éradiquer complètement. Ce facteur existe et il s'alimente des nombreux mécontentements, disparités et inégalités croissantes que nous avons vus.

Dans le même temps, sous l'effet de l'impressionnante expansion économique de l'Inde des 15 dernières années, chaque année quelque 1 p. 100 des Indiens se hissent au-dessus du seuil de pauvreté et sont absorbés dans la population active, elle-même en expansion.

Comme je l'ai dit, c'est une réponse à deux paliers. Le deuxième palier est le volet politique. Le système politique n'a pas su offrir des solutions répondant aux revendications et aux attentes. De ce fait, de tous les régimes à démocratie représentative que je connaisse au monde, l'Inde est de tous les pays celui qui connaît le plus fort roulement de parlementaires. Lors des élections intervient un facteur de rejet des élus en place. On met à la porte les parlementaires en place et l'on essaie un nouveau lot. Les nouveaux s'avèrent être pareils, et l'on obtient ainsi un roulement incessant.

C'est l'une des raisons qui explique pourquoi le gouvernement communiste de l'État du Bengale-Occidental est le gouvernement d'État ayant été réélu consécutivement le plus souvent. Comme vous pouvez l'imaginer, vu son idéologie, il a une relation particulière avec la campagne et la main-d'œuvre agricole. Je pense que cela est et restera un problème. Je ne veux nullement l'exagérer, car le gouvernement indien cherche à s'ouvrir à ces problèmes.

Si je puis faire une remarque qui me paraît intéressante sur l'Inde, c'est qu'à tout moment ce pays semble totalement chaotique. Je ne sais pas si les membres du comité connaissent l'Inde, mais si vous y allez, vous le ressentirez. Le pays semble volatil, instable, totalement chaotique mais d'une manière ou d'une autre, à travers ce chaos, les choses fonctionnent. C'est même l'un des régimes politiques les plus stables et les plus résilients au monde. Le système politique est substantiellement celui adopté en 1950 lorsque l'Inde indépendante s'est dotée de sa constitution. Cela marche.

Lors des dernières élections générales, les résultats ont surpris même le parti au pouvoir. Il pensait perdre ou peut- être être obligé de former un gouvernement de coalition avec différents partis. En fait, son nombre de sièges a augmenté. Il va de soi que les autres partis ont été encore plus surpris et déçus.

Ce qui est intéressant, c'est que personne, aucun parti politique que je sache, n'a dénoncé de fraude électorale. Tous ont accepté le verdict et se sont livrés à une introspection — qu'elle soit sincère ou superficielle importe peu ici — et déclaré : « Nous devons faire mieux la prochaine fois. » Il n'est venu à l'idée de personne de vouloir contester le verdict électoral ou que M. Singh ne serait pas le premier invité à former un gouvernement.

Si l'on regarde tous les autres pays entourant l'Inde, cela n'est pas rien. Le pays est une ancre et une oasis de stabilité politique, ainsi qu'aujourd'hui de prospérité économique, dans une région très volatile et instable. On ne lui a jamais accordé suffisamment de crédit pour cela, si l'on songe à ce qui se passe ailleurs dans la région, comme je l'ai dit.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Le jeudi 21 janvier 2010, le cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers a publié, une étude affirmant que l'addition du produit national brut des sept grandes économies émergentes, baptisées « E7 », dépasserait dès 2020 celle du produit national brut des pays du G7, aujourd'hui les plus riches du monde.

Toujours selon PricewaterhouseCoopers, en 2030, les principales économies mondiales seront, par ordre décroissant, la Chine, les États-Unis, l'Inde, le Japon, le Brésil, la Russie, l'Allemagne, le Mexique, la France, le Royaume-Uni, ainsi de suite.

C'est donc avec un certain à-propos que le Centre de développement de l'Organisation de coopération développement économiques pense intituler Switching Wealth (le basculement de la richesse) son rapport sur les prospectives de développement économique mondial, qui doit être publié en juin.

Dans ce contexte, les pays émergents ont démontrés que l'équilibre du pouvoir avait changé et que le système financier international devait leur faire une plus grande place.

Comment voyez-vous le système financier international se développer au cours des prochaines années?

[Traduction]

M. Thakur : Souhaitez-vous une réponse courte à cette question? Entre 1000 et 1800 après Jésus-Christ, ceux que l'on appelle les pays en développement de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine représentaient entre 65 et 75 p. 100 de la population et du revenu du monde.

Puis, entre 1870 et 1950 environ, sous l'impact du colonialisme, le revenu per capita de l'Asie est tombé d'environ la moitié du niveau de l'Europe occidentale en 1870 à un dixième en 1950. Cela est vrai pour l'Asie dans son ensemble. La croissance du revenu en Inde entre 1900 et 1950, soit les 50 dernières années du Raj britannique, a été exactement de zéro. Je vous donne ces chiffres afin de ne pas perdre de vue l'évolution historique d'ensemble.

Historiquement, l'Inde et la Chine ont toujours été des acteurs majeurs dans les affaires du monde. Au cours de cette période de 800 années, pendant de longues durées, ces deux pays ont représenté à eux seuls la moitié du revenu mondial. Nous revenons à la norme historique. Ce sont les deux derniers siècles qui ont été une aberration. Nous devons nous faire à cette idée.

En revenant à la norme historique, il n'est pas surprenant que ces pays vont exiger un plus grand rôle dans l'établissement des règles du jeu. Ils ne vont plus se contenter de suivre des normes imposées. Ils vont vouloir écrire les normes, les interpréter et aussi les faire appliquer. C'est ce que reflète le G20.

Ce qui s'est passé du point de vue du E7-G7 que vous avez mentionné — ou prenons le processus de Heiligendamm, c'est-à-dire le G8 plus les cinq États associés — c'était comme si les pays du G8 avaient tenu leur banquet et fait attendre le président Hu Jintao de la Chine, le premier ministre Singh de l'Inde et le président Lula du Brésil dans l'antichambre. Ils ont fini le banquet et ils les ont invités à venir pour le dessert et le café, puis ensuite leur ont présenté la facture à partager à égalité. Cela ne va pas marcher. Ils vont devoir être à la table. Il faudra reconnaître leur poids. Le G8 ne peut faire cela. Autant j'aime les Nations Unies, je ne vois pas de possibilité de réformer le Conseil de sécurité pour refléter cette réalité. Le G20 nous donne cette possibilité, si l'on s'y prend bien, où les délégués autour de la table refléteront le poids réel du monde extérieur et pourront apporter leur contribution.

Je crois savoir que lorsque M. Singh a reçu un appel du président Bush pour l'inviter au premier sommet du G20 en novembre 2008 à Washington, il a demandé : « Aurons-nous la possibilité de dire quelque chose ou allons-nous simplement écouter les autres? » Ce n'est qu'après avoir reçu l'assurance qu'il pourrait parler qu'il a accepté de venir. Il est probablement le dirigeant mondial le plus érudit et le plus instruit à l'heure actuelle, du point de vue de ses titres de compétences dans ce domaine, mais cette réalité va demeurer.

Il faudra nous y accoutumer. Il importe que nous anticipions ce mouvement et le facilitions de façon à conserver l'estime dont nous jouissons mais en reconnaissant en même temps, au fur et à mesure que la transition s'effectue, que nous avons nous aussi des intérêts légitimes et des avis légitimes à contribuer au débat.

Le sénateur Jaffer : Vous avez dit que le Canada souffre d'un manque de places. Est-ce la même chose en Australie? Que fait l'Australie pour attirer des Indiens chez elles? Qu'est-ce qui diffère?

M. Thakur : Il y a trois choses. Premièrement, il y a un ensemble de politiques. L'Australie ne pénalise pas les universités qui accueillent des étrangers, mais au contraire les récompense. Deuxièmement, les universités collaborent entre elles, et le comité des vice-chanceliers australien a mis sur pied un comité distinct et indépendant, ayant son statut juridique, pour la promotion et la commercialisation de l'éducation australienne outre-mer. Troisièmement, ce comité collabore avec les pouvoirs publics à cet effet. Le ministère de l'Éducation possède ses propres représentants en poste dans les ambassades et hauts commissariats à l'étranger, qui ont pour mandat d'aider les universités australiennes dans leurs activités de promotion et de développement du marché. Nous aurions intérêt à copier ces trois mesures.

Le sénateur Jaffer : Dans votre exposé, vous avez parlé de la diaspora et de son importance chez nous. Pouvez-vous nous dire comment nous pourrions mettre à profit la diaspora indienne pour intensifier les échanges entre les deux pays?

M. Thakur : La diaspora indienne peut remplir une fonction éducative auprès des entreprises canadiennes et aussi une fonction de facilitation en les présentant à des homologues en Inde et en identifiant les institutions ou les personnes qui pourraient faire cela.

J'aime aussi l'idée de former un groupe bilatéral de personnalités, doté d'un mandat limité dans le temps, six mois, 18 mois ou deux ans au maximum, pour identifier les possibilités de collaboration commerciale et financière, les partenariats et institutions, et peut-être commander une étude conjointe à cet égard. Il existe de nombreuses organisations en Inde, par exemple la Federation of Indian Chambers of Commerce & Industry et des analystes, et les entrepreneurs indiens sont maintenant visibles et présents sur la scène mondiale aussi.

La première fois que l'Inde et la Chine ont eu une présence remarquée au Forum annuel de Davos était en janvier 2006. Ce qui était intéressant, c'est que la délégation chinoise était presque entièrement composée de représentants de l'État alors que la délégation indienne était moitié-moitié, et je crois que M. Kamal Nath lui-même y était. L'intérêt international s'est beaucoup plus porté vers les représentants du secteur privé car leur présence était une nouveauté.

Néanmoins, le fait qu'un si grand nombre des capitaines d'industrie indiens aient jugé nécessaire d'ouvrir des établissements et des bases outre-mer pour se faire accepter en Inde est un symptôme des problèmes qui persistent en Inde.

Il existe donc des possibilités et je serais très surpris que la communauté indo-canadienne ne saute pas sur l'occasion de contribuer à la relation de cette manière.

La présidente : Nous avons dépassé le temps imparti. Nous apprécions grandement que vous soyez venu nous rencontrer. La distance que vous avez évoquée au début a complètement disparu grâce aux renseignements que vous nous avez apportés, aux aperçus et aux interprétations dont vous nous avez fait part sur la base de vos connaissances personnelles et de votre vaste expérience. Cela nous sera extrêmement utile pour notre étude et sans aucun doute certaines choses que vous avez dites se retrouveront dans notre rapport, et vous pourrez les repérer.

Nous vous remercions de votre présence aujourd'hui. Vos écrits sont extrêmement intéressants et ont été distribués, mais si vous pensez à autre chose qui pourrait nous être utile pour la suite de notre étude sur l'Inde ou même sur la Chine, n'hésitez pas à nous le communiquer. Merci de cet échange avec nous aujourd'hui.

Sénateurs, nous avons une question administrative à régler. Normalement, lors des séances d'organisation, nous devons déposer le rapport des dépenses de la session précédente, et celui-ci n'était pas disponible, comme je vous l'avais indiqué ce jour-là. Le rapport est maintenant disponible et je vous demande son adoption.

Cependant, il y a une erreur typographique. Ce n'est pas la 39e législature, mais la 40e législature. Nous allons devoir apporter ce rectificatif sur le formulaire imprimé. Les chiffres ne sont pas sujets à débat. Ce sont les dépenses de la session précédente, et il s'agit là d'une procédure routinière.

Le rapport est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Merci. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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