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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 3 - Témoignages du 14 avril 2010


OTTAWA, le mercredi 14 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 20, pour étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui M. Aditya Jha, responsable national de la Fondation Canada-Inde. Il est ici à deux titres. Il est également président et directeur général de Karma Candy Inc., un fabricant en sous-traitance de produits de chocolat et de confiserie de premier choix sous marque de fabricant et sous marque de distributeur. Il ne peut nous en vendre, ce qui évite tout conflit. Il est également le fondateur de la Fondation POA, qui est une fondation caritative privée canadienne qui finance des projets poursuivant trois valeurs distinctes : la promotion d'une éducation accessible et de haute qualité; la promotion de l'esprit d'entreprise; et le renforcement de la société civile et de la gouvernance mondiale. La fondation vise particulièrement à cultiver la prospérité et l'indépendance financière au sein des collectivités autochtones canadiennes. J'ai fait remarquer à M. Jha que nous sommes ici dans la Salle de comité des peuples autochtones. Cependant, aujourd'hui, je crois qu'il va nous parler plutôt des enjeux liés à l'émergence de l'Inde et de ses répercussions sur la politique étrangère canadienne.

Aditya Jha, responsable national, Fondation Canada-Inde : Honorables sénateurs, je vous remercie de cette invitation à vous faire part de mes vues aux fins de votre étude sur l'émergence de l'Inde. Je m'exprime ici pour le compte de la Fondation Canada-Inde, qui se donne pour mission exclusive de militer pour des politiques publiques intéressant la relation Canada-Inde qui soient fondées sur la réciprocité des intérêts des deux pays.

Mon exposé comprendra deux parties. Je vais décrire brièvement l'occasion unique que l'Inde représente pour le Canada. Je vais ensuite suggérer quelques initiatives politiques audacieuses que le Canada pourrait prendre afin de dépasser notre approche traditionnelle gradualiste, et jusqu'à présent plus sûre, de notre relation avec l'Inde. Je ne vais pas répéter les propositions que d'autres éminents témoins ont déjà formulées devant votre auguste comité.

La première partie de mon exposé énonce quelques faits. En Inde, 50 p. 100 de la population est âgée de moins de 23 ans. En raison d'une population active plus importante, le taux d'épargne du pays en proportion du PIB a atteint 34 p. 100 en 2008, et devrait atteindre 40 p. 100 en 2015. En 2020, la famille indienne moyenne sera âgée de 29 ans, comparé à 37 ans en Chine et aux États-Unis, 47 ans en Europe occidentale et 48 ans au Japon. Du fait d'une population active plus jeune, l'Inde dépensera beaucoup moins pour la protection sociale des personnes à charge.

La consommation intérieure accapare environ 80 p. 100 du PIB de l'Inde et le pays connaît un déficit infrastructurel massif. Le gouvernement de l'Inde a mis en place des programmes, politiques et initiatives progressistes pour attirer des investissements dans l'infrastructure. Le programme de construction infrastructurelle est considéré comme le plus massif de l'histoire du monde. Le nombre sensiblement moindre des personnes à charge en Inde va autoriser une phase nouvelle de ce que nous appelons la consommation sans culpabilité. Si on la mesure selon la définition conservatrice donnée par le McKinsey Global Institute, la classe moyenne va atteindre 50 millions de personnes dont le pouvoir d'achat, exprimé en dollars, se situera entre 30 000 $ à 125 000 $, et l'on prévoit que ce nombre atteindra 500 millions de personnes en 2050. Ces forces multiples vont alimenter en Inde un taux de croissance de 6 p. 100 jusqu'en 2050, une tendance qui, si elle s'avère, sera sans précédent dans l'histoire économique du monde.

À compter de cette année, la population en âge de travailler de la Chine va commencer à fléchir. Cette population va grisonner avant de devenir riche. D'ici 2040, le nombre des retraités en Chine ne sera dépassé que par la population totale de l'Inde.

À l'heure où l'Inde se place sur cette trajectoire de croissance phénoménale, le Canada peut se targuer d'abriter 5 p. 100 de la diaspora indienne du monde, et presque 25 p. 100 de la diaspora indienne aisée vit au Canada. L'étude de l'Université Ryerson a mis en lumière une caractéristique marquante. Contrairement aux Indo-Canadiens dont la richesse est due au capital humain élevé investi sur le marché du travail, la plupart des Sino-Canadiens se sont enrichis au Canada d'une manière singulière puisque la plupart d'entre eux utilisent régulièrement au travail des langues autres que les langues officielles. Cela démontre que l'économie ethnique chinoise au Canada leur a offert un véritable chemin parallèle vers la réussite. Cela démontre que le grand nombre d'Indo-Canadiens installés depuis le milieu des années 1990 ont prospéré dans l'économie canadienne conventionnelle et peuvent être la meilleure passerelle entre le Canada conventionnel et l'Inde.

Aux yeux de l'Inde, le Canada présente maintes similitudes : pays anglophone, démocratique, doté d'une structure juridique similaire, source potentielle fiable de matières premières et de produits de haute technologie dans les domaines de l'énergie et de la gestion de l'environnement et abritant l'une des plus importantes populations de la diaspora indienne. L'élite de la société civile indienne perçoit le Canada comme la voix de la raison sur la scène politique mondiale.

En dépit de tout cela et des conditions favorables pour satisfaire les intérêts réciproques des deux pays, notre commerce avec l'Inde est pathétique, avec 0,5 p. 100 de notre commerce total, alors que la Chine occupe 6 p. 100 du commerce canadien total.

Honorables sénateurs, les échanges bilatéraux entre la Chine et l'Inde vont atteindre 60 milliards de dollars en 2009- 2010 et croissent de 50 p. 100 chaque année. On s'attend à atteindre le chiffre de 100 milliards de dollars d'ici trois ans. Cette croissance phénoménale du commerce bilatéral est le produit de politiques nouvelles mettant l'accent sur le commerce instaurées il y a 10 ans à peine. Cela démontre que même des ennemis acharnés peuvent réaliser des gains bilatéraux spectaculaires.

Au Canada, la ligne officielle consiste apparemment à dire que nos chiffres d'échanges ne sont pas correctement comptabilisés et que leur croissance par rapport à l'année précédente ou une période récente est spectaculaire. C'est une piètre excuse pour ceux qui ne sont capables que de nous conduire à une performance médiocre. Si nos exportations vers l'Inde transitent par des pays intermédiaires pour des raisons fiscales et logistiques, alors il en va de même pour nos échanges avec d'autres pays.

Dans la deuxième partie de mon exposé, permettez-moi de mettre en lumière quelques initiatives nouvelles susceptibles d'approfondir notre relation bilatérale.

Le plus grand atout du Canada, et le moins utilisé, est son importante population indo-canadienne, qui représente aussi le segment de capital humain qui croît le plus vite. Comment faire de la politique d'immigration future un outil permettant de cibler des immigrants nouveaux prêts à répondre aux besoins du pays conformément à notre programme économique?

Des organisations comme la Fondation Canada-Inde ont pris un engagement sérieux en offrant à l'Université de Waterloo une dotation de 10 millions de dollars pour la création d'un centre de politique publique se consacrant exclusivement au corridor Canada-Inde. Comment les pouvoirs publics aux différents niveaux peuvent-ils amener le monde universitaire, les décideurs politiques, les entreprises et la société civile à mettre en commun leurs ressources et créer des plates-formes d'action résolue à l'intérieur d'un cadre de collaboration multipartite? La création d'une fondation de l'Inde s'impose, à l'intérieur de laquelle le gouvernement de l'Inde pourra collaborer avec les partenaires canadiens précités.

Dans un monde qui voit se déplacer son centre de gravité économique, il est parfaitement logique que le choix de notre haut-commissaire en Inde ne soit plus une décision administrative mais plutôt une décision politique afin de signifier clairement que le Canada cherche sérieusement à dialoguer avec l'Inde.

Le délégué commercial joue un rôle primordial mais le fait qu'il soit logé dans une ambassade hautement fortifiée érige une barrière et donne à croire à ces responsables qu'ils jouissent d'un statut spécial. De ce fait, ils se comportent comme des membres d'un groupe diplomatique privilégié plutôt que comme des personnes prêtes à s'échiner pour conclure des affaires.

Il conviendrait d'envisager de détacher des cadres d'entreprises et des membres de chambres de commerce dans ce service. Même dans un pays émergent comme l'Inde, les hauts responsables des chambres de commerce telles que la Confederation of Indian Industry ont un accès hebdomadaire au premier ministre pour exprimer des avis sur les affaires commerciales. Un rôle important a été confié à ces organisations à l'occasion des visites de ministres des affaires étrangères et plus particulièrement du premier ministre.

L'absence d'une image de marque canadienne en Inde est un obstacle majeur à l'établissement d'une relation plus étroite. L'Inde était également considérée lente à se promouvoir et à se projeter à l'étranger. Pourtant, elle a fait un pas en ce sens avec la formation de l'India Brand Equity Foundation, IBEF, un partenariat public-privé réunissant le ministère du Commerce, le gouvernement de l'Inde et la Confederation of Indian Industry en vue de forger une image de marque crédible à l'échelle mondiale. En 2006, lors du Sommet économique mondial de Davos, en Suisse, l'Inde a fait appel à de grandes sociétés indiennes, à la Confederation of Indian Industry et à des responsables gouvernementaux et octroyé à chacun des subventions de contrepartie de 4 millions de dollars. Cela permit de lancer India Everywhere, une campagne de valorisation de la marque qui a remporté un succès retentissant. Nous devrions envisager un partenariat similaire si nous ne voulons plus nous contenter d'avancer à petits pas dans notre relation avec l'Inde.

Plusieurs visites de personnalités gouvernementales ont eu lieu en Inde mais rarement avec le concours du secteur privé. Des chefs d'entreprise étaient présents dans un rôle symbolique et pour les séances de photos. Une participation de la chambre de commerce et des entreprises à la définition de l'objectif et à la planification des détails de la mission commerciale est généralement considérée non souhaitable et gênante.

De nombreuses régions de l'Inde sont affamées de partenariats, d'investissements et de commerce, mais presque toutes nos visites commerciales, qu'elles soient le fait de gouvernements provinciaux ou du gouvernement fédéral, se cantonnent aux grandes villes comme Delhi, Bangalore, Chennai et Mumbai — et Chandigarh pour des raisons politiques. Il est aberrant que nous nous mettions sur la file d'attente pour visiter ces villes qui reçoivent déjà une grande attention à l'échelle mondiale. Ces gens-là sont extrêmement occupés et nous n'avons pas compris que nous pouvons nous tailler un créneau dans les autres provinces de l'Inde. Dans ces provinces, nous pourrons construire des relations durables et l'on y déroulera le tapis rouge et nous accordera des concessions spéciales.

La sagesse conventionnelle veut que les partenariats durables entre les nations commencent par des relations solides avec les personnalités publiques, les faiseurs d'opinions, les capitaines d'industrie et les dirigeants de la société civile. Nous devons prêter une grande attention aux sensibilités et à tout ce qui pourrait devenir des sources de friction mutuelles. Il incombe particulièrement aux parlementaires, en tant que leaders politiques, d'avoir conscience de ces sensibilités.

Nos considérations de politique locale nous amènent parfois à apaiser les éléments marginaux mais cela ne doit pas occulter ce qui est bon pour le Canada à long terme. Nous ne devons pas céder aux groupes extrémistes locaux simplement parce qu'ils sont les plus bruyants. Nous devons voir dans quelle mesure ces mêmes points de litige subsistent encore dans les pays comme l'Inde, car parfois de petits groupes d'immigrants tendent à amplifier des conflits qui ont déjà pu se calmer dans les pays d'origine, les gouvernements et les populations ayant tourné la page. L'Inde est très sensible au problème du terrorisme et pointilleuse sur sa souveraineté. Nous devons en tenir compte et le respecter.

Il serait hautement souhaitable que nos divers niveaux de gouvernement envisagent de mettre sur pied un fonds d'investissement public-privé en Inde afin d'encourager les initiatives privées canadiennes en Inde. D'ici une dizaine d'années, l'Inde aura besoin de savoir-faire et de services dans tous les segments de sa vie publique et privée, comme d'autres sociétés qui se sont développées plus tôt. Il importe que les entreprises et institutions canadiennes assoient une présence locale à cette fin, pour le moment où l'Inde aura besoin de ces biens et services spécialisés.

Le fonds souverain de Singapour a investi près de 400 millions de dollars, il y a plus de 20 ans, dans le Bangalore Software Park. Un autre exemple est l'investissement de 1 milliard de dollars de Warburg Pincus tout au début de la révolution des télécommunications en Inde. Cet investissement a rapporté plus de quatre fois ce montant en moins d'une décennie. Il lui reste un investissement considérable sur place. Nous disons qu'il est impératif de créer un partenariat public-privé pour définir l'architecture des relations entre l'Inde et le Canada.

Je vous remercie d'avoir invité la Fondation Canada-Inde.

Le sénateur Nolin : Merci, monsieur Jha, de venir nous rencontrer. Le gouvernement indien a récemment déposé son budget. Trois aspects sont particulièrement intéressants. Le premier est qu'il va introduire une nouvelle TPS. Est-ce exact?

M. Jha : Oui.

Le sénateur Nolin : On est en train de régler les détails de cette TPS. Deuxièmement, l'accent est mis sur la réforme de la réglementation régissant l'investissement étranger direct. Troisièmement, le gouvernement veut se défaire de ses parts dans les sociétés d'État. Pouvez-vous nous donner plus de détails? Qui va bénéficier de cette cession?

M. Jha : Je n'ai pas étudié le budget indien, mais j'aurais quelques commentaires, particulièrement sur le dernier point. L'Inde compte de nombreuses sociétés étatiques. Leur vente apportera à l'Inde beaucoup d'argent à investir dans d'autres domaines, particulièrement dans l'infrastructure.

Les réalités en Inde sont telles, car c'est un gouvernement de coalition exposé à toutes sortes de tiraillements et que tout le secteur public est syndiqué, que je ne sais pas dans quelle mesure cela va aboutir. Cependant, si c'est le cas, cela va libérer beaucoup de capitaux pour l'Inde et les sociétés étrangères qui pourront venir l'aider avec cet investissement.

Le sénateur Nolin : En tant que Canadien, comment réagissez-vous au fait que le pays va introduire une TPS?

M. Jha : Notre organisation n'a pas de politique déclarée sur la question, mais il faut bien que les gouvernements trouvent les ressources pour administrer leurs programmes. Une équipe indienne est venue étudier la TPS au Canada et je l'ai rencontrée pendant sa visite.

Le sénateur Nolin : Vous les avez probablement aidés.

M. Jha : Il doit y avoir une certaine uniformité nationale de la fiscalité et de la manière dont les revenus sont distribués. L'Inde a des lacunes dans ce domaine.

Le sénateur Nolin : Connaissez-vous le taux de cette taxe?

M. Jha : Non.

Le sénateur Nolin : Les produits alimentaires seront-ils exemptés, comme au Canada? Vous ne le savez pas, n'est-ce pas?

M. Jha : Je ne suis pas qualifié pour répondre à la question.

Le sénateur Segal : Je me reporte à la page 4 de votre exposé, que j'ai trouvé très utile et réfléchi. Je le fais en ayant pleinement conscience que notre éminente présidente a été haut-commissaire du Canada à l'étranger et n'a pas été nommée à ce poste pour des raisons politiques mais en raison de ses immenses connaissances et de son service éminent au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avant cette nomination.

J'ai noté avec intérêt que vous préconisez de ne pas nommer ce genre de personnes. Vous aimeriez plutôt une personnalité politique ou une personne d'affaires. J'aimerais que vous m'expliquiez cette logique. Nous avons eu le privilège de recevoir ici, au comité, le précédent haut-commissaire de l'Inde. Je n'aurais pas fait de distinction formelle selon qu'il ou elle soit issu de la fonction publique ou du service étranger indien ou qu'il ou elle vienne du monde des affaires. Si le gouvernement indien veut que cette personne représente les intérêts de l'Inde ici au Canada, je tiens pour acquis qu'il ou elle est une personne dotée d'une immense compétence, capacité, sagacité, sagesse et discernement et tout le reste.

Je serais intéressé de savoir pourquoi vous considérez qu'un fonctionnaire ou un diplomate de longue date ayant une expérience consulaire de l'Inde ou d'autres expériences dans la région ne serait pas un bon haut-commissaire et pourquoi seule une personne d'affaires est appropriée. J'aimerais que vous fassiez cette distinction. Quels critères le ministère des Affaires étrangères du Canada utiliserait-il pour choisir cette personne d'affaires?

M. Jha : Tout d'abord, je ne mets pas en doute l'adéquation de la nomination de toute personne. Je dis qu'il serait beaucoup plus approprié, étant donné la situation en Inde et le potentiel du pays, que cette personne soit une personnalité politique ou d'affaires.

Lorsque vous écoutez des ambassadeurs comme M. Gavai, pour être recruté dans le service étranger, il faut être classé parmi les 50 premiers en Inde. Voilà la rigueur du concours à réussir et, à l'échelle nationale, seuls les 50 les mieux classés sont choisis pour le service étranger. C'est l'un des examens les plus difficiles en Inde. Je ne veux amoindrir personne. Nous avons eu des membres illustres de notre corps diplomatique.

Regardons en arrière. En moins d'une décennie, la Chine a atteint 60 milliards de dollars d'échange avec l'Inde, et pourtant il règne une grande animosité entre l'Inde et la Chine. Nous nous disons satisfaits et nous allons répétant que 4 milliards de dollars est un chiffre supérieur d'au moins 20 p. 100 à celui de l'an dernier, ou bien que nos chiffres ne sont pas correctement comptabilisés ou mis en lumière. Les résultats sont suffisamment parlants en soi. Même si vous avez la personne la plus intelligente et la plus qualifiée, nous vivons dans un monde où les résultats démontrent si la voie suivie est la bonne ou s'il faut essayer quelque chose de différent. Il est possible que la nouvelle méthode ne marche pas, mais le Canada a connu maintes nominations politiques dans le corps diplomatique dépêché aux États-Unis et aussi au Royaume-Uni. L'Inde est aujourd'hui suffisamment importante et je sais que cela enverra un message positif. Nos résultats et notre performance antérieure sur le front commercial ne sont pas acceptables et ne devraient pas être acceptés. Il nous faut essayer quelque chose de différent, et c'est pourquoi je formule cette proposition.

Le sénateur Segal : Votre document contient des propositions sérieuses et constructives en vue d'intensifier nos échanges commerciaux avec l'Inde. Mais elles sont implicitement critiques et donnent à entendre que nous avons tout fait de travers, ou presque, ou pas aussi bien que nous l'aurions dû. Mettant votre chapeau de citoyen canadien, il serait utile au comité que vous nous disiez de manière aussi explicite et précise que vous le voudrez en quoi les entreprises et le gouvernement canadiens ont manqué le coche et ce qu'il nous faut changer pour réussir mieux. Est-ce une question de politique? Est-ce une question de paresse? Est-ce parce que l'Inde est trop éloignée pour que nous nous en souciions? Est-ce une question d'organisation et de structure?

Je sais que le comité voudra prendre au sérieux votre témoignage, et d'autres, et les recommandations formulées. Je serais intéressé, étant donné la position particulière que vous occupez, que vous nous disiez quelle sorte de recommandations nous pourrions formuler pour faire la plus grande différence, et que vous nous disiez franchement ce qui a fait défaut dans le passé.

M. Jha : Merci infiniment de me donner cette occasion et de me poser cette excellente question.

Je suis un homme d'affaires. Je vis au Canada depuis 15 ans. Je suis dans les affaires depuis 10 ans. Ce qui m'a énormément servi, c'est ma faculté de dialoguer avec des groupes de personnes. En tant qu'homme d'affaires, on est beaucoup plus enclin à faire cela. Dans un cadre bureaucratique, vous êtes tenus de suivre des protocoles stricts. Cela ne signifie pas nécessairement que ces protocoles sont mauvais, mais parfois ils vous limitent.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter le Haut-commissariat du Canada à la Nouvelle-Delhi. C'est comme une forteresse. C'est la deuxième forteresse, après la forteresse rouge à Delhi. Imaginez que vous passiez devant et désiriez rencontrer le délégué commercial, et soyez obligé de franchir toutes ces barrières. Les murs sont plus épais que ceux de la salle des coffres de la Banque Royale du Canada. C'est peut-être nécessaire du point de vue consulaire, mais du point de vue commercial, ce ne l'est pas. Je préconise d'en faire un lieu beaucoup plus ouvert qui invite les gens à entrer et à échanger des idées.

Deuxièmement, je pense que nous devrions entourer les délégués commerciaux de gens d'affaires et de représentants des chambres de commerce. Je ne parle pas seulement de la chambre de commerce ethnique. La Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce de l'Ontario et le Conseil canadien des chefs d'entreprise sont d'excellentes organisations. Emmenons-les là-bas. Collaborons. Cherchons à savoir pourquoi les choses n'ont pas marché jusqu'à présent. Le Canada est un grand pays et a très bien réussi dans beaucoup de régions, mais en Inde, 4 milliards de dollars? Il faut clamer que cela est totalement inacceptable. Nous devrions avoir une sorte d'objectif minimal de vente et dire « Si vous n'avez pas le résultat, vous ne pouvez rester là. » Je parle d'un extrême, mais je dirais que le poste doit être conditionnel aux résultats. On laisse alors essayer la personne suivante, et si cela ne marche pas, on essaie autre chose.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Jha, je tiens à vous dire combien j'apprécie le fait que vous ayez accepté de comparaître devant notre comité et de nous faire part de votre point de vue.

La province que je représente, le Québec, appuie sans hésiter un projet de libre-échange entre le Canada et l'Inde, qui serait une occasion extraordinaire pour nos deux économies.

Dans vos excellentes recommandations, vous mentionnez que l'industrie canadienne des assurances de personnes encourage le gouvernement à chercher à conclure de nouveaux accords commerciaux. Or, certains tarifs en Inde sont très élevés. Dans le secteur de l'automobile, par exemple, les constructeurs étrangers qui désirent pénétrer ce marché doivent payer un tarif pouvant atteindre jusqu'à 40 p. 100. On remarque que les tarifs sont beaucoup plus bas dans les secteurs où l'Inde a des besoins pressants, comme celui de la construction d'infrastructures. Votre pays s'est donné un ambitieux plan d'investissement de 500 milliards de dollars d'ici cinq à 10 ans.

Selon l'association que vous représentez, quelle devrait être la portée d'un éventuel accord entre l'Inde et le Canada? Y a-t-il des secteurs que nous, Canadiens, ne devrions pas toucher en relation avec vous?

[Traduction]

M. Jha : Je vais répondre d'abord à la dernière question. Notre suggestion est d'éviter les secteurs où nous risquons d'avoir des impacts négatifs sur la population d'ensemble ou bien ceux où la décision serait politiquement difficile à prendre pour le gouvernement de l'Inde. Ce n'est pas qu'il ne comprenne pas ou ne veuille pas le faire, mais les réalités de la démocratie ne le lui permettent pas.

Cependant, il est des domaines où nous pouvons avoir des résultats énormes. L'un est celui de l'énergie. L'Inde a besoin d'aide dans ce domaine et le Canada possède la technologie et le savoir-faire. L'extraction minière est un autre grand domaine. Notre organisation s'est concentrée sur ces deux secteurs. L'an dernier, nous avons organisé une conférence sur l'énergie, et sont venus y assister des hauts fonctionnaires et des dirigeants de grandes entreprises indiennes. Cette année, nous en organisons une sur les métaux et les mines.

L'éducation est un troisième domaine où nous pouvons avoir une énorme présence. Les autres témoins qui ont comparu devant le comité ont expliqué qu'un pays comme l'Australie se taille la part du lion du revenu éducatif de l'Inde alors que nous avons la part la plus petite, même pas 3 ou 4 p. 100.

Notre idée est de nouer les contacts. Établissons des relations étroites à des niveaux multiples et pas seulement entre bureaucrates. Si nous voulons dialoguer avec un pays comme l'Inde, ce sera dans des domaines ciblés de la politique publique. Le sénateur Di Nino est allé en Inde plusieurs fois. Je vous encourage individuellement et collectivement à y aller et à prendre langue avec certaines personnes, pas nécessairement à Bombay ou Mumbai ou Delhi, mais d'aller plutôt dans les petites provinces où l'on va non seulement dérouler pour vous le tapis rouge mais littéralement envoyer des éléphants vous accueillir à l'aéroport. Je plaisante, mais on vous fera un accueil merveilleux. Suivons cette approche segmentée pour nouer des relations plus étroites et ciblons ce qu'ils peuvent faire facilement. Cueillons les fruits à portée de main. Ne leur faisons pas la leçon et n'ouvrons pas de controverse avec eux.

Le sénateur Finley : Bienvenue. La Fondation Canada-Inde a recommandé, par exemple, de nouer un partenariat stratégique similaire à celui qui existe entre l'Inde et les États-Unis. Pourriez-vous décrire les avantages que vous voyez dans un partenariat stratégique immédiat? Deuxièmement, expliquez-nous de façon un peu plus générale quels obstacles vous voyez à un accord de libre-échange entre le Canada et l'Inde.

M. Jha : Premièrement, le passage d'accords multilatéraux à un accord bilatéral a été un développement majeur.

Nous pouvons faire plusieurs choses. Si vous regardez la position américaine à l'égard du Cachemire ou certains des contentieux internes, l'Amérique ne s'immisce pas. Nous devrions être sensibles à cela car nous avons ici une population plus nombreuse qui peut avoir des vues différentes, comme je l'ai mentionné dans mon introduction.

Le sénateur Finley : Pourrait-ce être comme le Gujarat?

M. Jha : Nous avons mis en lumière cette question. Nous n'avions aucune raison ni aucune politique déclarée mais nous étions totalement désengagés. Le Gujarat est la province qui connaît la plus forte croissance. Elle affiche plus de 12 p. 100 de croissance par an, année après année. Elle compte les entrepreneurs les plus dynamiques, même en Amérique du Nord. Environ 40 p. 100 des hôtels trois étoiles et en dessous d'Amérique du Nord appartiennent à ce groupe de peut-être 100 000 personnes. C'est ce genre de groupe et nous ne voulons pas faire de commerce avec eux. Nous hésitons encore.

Nous devrions laisser certaines choses aux soins du pays dont c'est l'apanage. Les décisions politiques en font partie. Respectons leur démocratie. Si les gens de ce pays élisent quelqu'un qui n'a été reconnu coupable de rien, ne coupons pas les ponts.

Je suis heureux que le sénateur Di Nino et d'autres soient allés au Gujarat. Nous devons nouer ces contacts avec l'Inde de manière ciblée et segmentée.

Notre image de marque canadienne est très faible en Inde. La question n'est pas de savoir quelles politiques seront utiles mais ce que nous devons faire pour que l'image de marque devienne visible, crédible et connue? Du point de vue de l'immigration, c'est une immigration déséquilibrée. Le reste de la province ne songe même pas à immigrer au Canada, le reste de l'Inde non plus. Ils ne pensent qu'à immigrer en Amérique. Même pour les études, la plupart vont étudier en Amérique ou en Australie. Maintenant qu'il y a des difficultés en Amérique, ils vont surtout en Australie. Nous devons adopter le même genre d'approche pratique que l'Australie.

Le sénateur Finley : Cela s'inscrirait-il dans un partenariat stratégique?

M. Jha : Oui. Je pense que le libre-échange serait souhaitable mais nous n'avons toujours pas signé l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, l'APIE. Le libre-échange comporte maintes implications. Dans la démocratie indienne, la présence de partis gauchistes et le fait que l'Inde soit tellement aux prises avec des groupes gauchistes armés, qui sont les plus puissants du monde, représente un gros problème. Elle va devoir être prudente.

Nous devrions l'aider dans les domaines où nous bénéficions le plus et qui sont également faciles pour les Indiens.

Le sénateur Stollery : Vous avez mentionné le Gujarat, je crois, mais je n'ai pas bien suivi. Vous avez cité le chiffre de 100 000. De quoi s'agissait-il?

M. Jha : En Amérique du Nord, il existe une petite population d'Indiens originaires du Gujarat. C'est la province la plus prospère de l'Inde. Dans le secteur hôtelier, ce groupe possède presque 40 p. 100 de tous les hôtels d'Amérique du Nord. Il mérite une étude de cas.

Le sénateur Finley : Qu'est-ce qui a causé le retrait du Canada du Gujarat?

M. Jha : Premièrement, il n'y avait pas de politique déclarée. C'est un autre problème avec le Canada : nous faisons des choses mais nous n'avons pas de politique déclarée les concernant. Cela a été un retrait silencieux. Aux États-Unis, il y a toutes sortes de groupes de pression et un groupe a dit qu'il fallait couper les ponts parce que le premier ministre de cette province était accusé d'être directement impliqué dans une émeute entre indous et musulmans. Une commission d'enquête l'a exonéré. Il est le premier ministre et a été réélu à une écrasante majorité; les partis politiques locaux ont également tenté cette accusation. Les États-Unis ont officiellement coupé les relations. Nous avons suivi en silence, sans le dire publiquement.

Nous saluons les initiatives de ce gouvernement. Nous avons essayé de raisonner, car ce n'est pas du premier ministre de la province qu'il s'agit. Il s'agit de la province tout entière, qui est la plus industrieuse et la plus prospère. Elle connaît un taux de croissance de 12 p. 100 par an ou plus. Comment pouvons-nous ne pas avoir de contact avec cette province?

Le sénateur Stollery : N'en avons-nous pas? J'essaie d'éviter de vous interrompre mais je ne suis pas toujours très bien. Je ne savais pas que nous avions fait quoi que ce soit.

M. Jha : Nous avons maintenant ouvert un bureau de délégué commercial au Gujarat.

Le sénateur Jaffer : Je vais aborder un autre sujet. J'ai noté que vous avez dit qu'il ne fallait pas avoir de chambre de commerce ethnique dans notre mission commerciale. On ne fait pas de distinction dans notre pays, nous sommes tous les mêmes. Pourquoi ne tiendriez-vous pas à avoir des gens qui connaissent l'Inde dans nos bureaux de délégués commerciaux? Ils ne peuvent qu'être un atout pour nous.

M. Jha : Je me suis peut-être mal exprimé. J'ai dit que nous devons utiliser les chambres de commerce, mais j'ai supposé qu'il y avait des réserves concernant la présence des chambres de commerce ethniques car elles ne sont pas sérieusement consultées. S'ils ne veulent pas faire participer les chambres de commerce ethniques, c'est peut-être parce qu'il y a un ordre de préséance. Il y a des réceptions pour souhaiter bon voyage aux délégations commerciales, mais il n'y a pas de consultation sur le programme, sur ce qu'il faudrait faire, sur qui il faudrait rencontrer et ce qu'il faudrait faire pour être efficace. Je ne vois pas ce genre d'implication des chambres de commerce dans les missions commerciales. Ce sont surtout des membres du cabinet de quiconque y va. Ces gens-là connaissent les affaires politiques, mais nous avons beaucoup à contribuer aux missions commerciales.

Certes, nous aimerions que la Fondation Canada-Inde, l'Indo-Canada Chamber of Commerce et le Canada-India Business Council soient activement impliqués. Ce sont les organisations qui sont sérieusement intéressées.

Nous avons signé un protocole d'entente pour une dotation de 10 millions de dollars versés à l'Université de Waterloo parce que nous reconnaissons un manque de largeur de bande intellectuelle et de pouvoir d'action pour promouvoir le corridor Canada-Inde.

Le sénateur Jaffer : Vous avez mentionné les États-Unis à plusieurs reprises. À part les États-Unis, est-ce que d'autres pays ont des relations plus étroites avec l'Inde que nous? Si oui, que font-ils correctement?

M. Jha : Même le Chili a plus d'échanges commerciaux que nous. Même les pays scandinaves en ont plus. Le Royaume-Uni a des relations approfondies et la Chine a des échanges massifs. Il est étonnant que, s'ils avaient le choix entre la Chine et quelqu'un d'autre, les Indiens préféreraient acheter auprès d'autres pays. Ce n'est pas que les choses aillent mal, mais il y a là-bas ce sentiment patriotique et une histoire. Cependant, les réalités commerciales ont amené les deux pays à se rapprocher.

Singapour est profondément engagée. Même un petit pays comme cela est massivement engagé. Il y a 20 ans, il a investi 400 millions de dollars dans le parc informatique, comme je l'ai mentionné. Il a placé ses capitaux à Bangalore, qui est devenu la « Silicon Valley East ».

Le sénateur Jaffer : Monsieur Jha, vous avez dit plusieurs fois que nous devons avoir des contacts approfondis et je suis d'accord avec vous. Que faut-il faire pour cela?

M. Jha : Nous devons faire participer les entreprises et les chambres de commerce à la formulation et l'exécution des politiques publiques; c'est la première chose. Nous devons identifier les domaines clés où nous rencontrerons le moins de résistance, comme l'extraction minière et les métaux, l'énergie et l'éducation.

Prenez l'agriculture. L'Inde a besoin d'une aide massive dans ce secteur. Nous avons 46 p. 100 de terres cultivables, comparé à 10 p. 100 en Chine, et pourtant l'Inde produit moins. Nous pouvons bénéficier massivement d'échanges agricoles. La sécurité alimentaire est devenue une affaire de sécurité nationale pour l'Inde. Le Canada peut aider l'Inde de façon prépondérante. Nous l'avons fait à l'époque de la révolution verte en Inde. C'est nous qui les avons aidés. C'est la deuxième fois que nous devons fournir une aide dans ce secteur.

Nous devrions réfléchir à ce fonds d'investissement, qui devrait être ouvert au secteur privé. Je lance un chiffre au hasard, mais il pourrait s'agir d'un fonds de 5 milliards de dollars ou de 10 milliards de dollars auquel des organisations privées contribueraient 5 milliards de dollars, et les provinces et le gouvernement fédéral contribueraient 5 milliards de dollars et il servirait à encourager des entreprises canadiennes à investir en Inde. Aujourd'hui, nous ne pratiquons pas dans les autobus et les trains le paiement électronique des billets comme en Malaisie ou à Singapour, mais il faudra mettre en place toutes ces choses en Inde. Qui va le faire? Encore une fois, est-ce que ce sera quelqu'un d'autre, ou bien aurons-nous une présence locale en Inde?

Le sénateur Jaffer : Vous êtes très actif dans la diaspora indienne. Comment peut-on inviter la diaspora indienne à participer de façon à étendre nos échanges commerciaux avec l'Inde?

M. Jha : La diaspora indienne pourrait faire beaucoup pour aider les entreprises canadiennes à surmonter la peur de l'inconnu qu'elles éprouvent. La mentalité bureaucratique semble être de dire « Laissez-nous tranquilles, nous n'avons pas besoin de votre aide. » Nous pouvons jouer un rôle considérable sur ce plan.

Le sénateur Smith : Il est agréable de vous revoir. Comme vous le savez, j'ai quelques intérêts personnels et commerciaux et suis très confiant envers l'Inde et aussi envers votre organisation. Le sénateur Di Nino et moi, avec quelques autres parlementaires, avons eu un excellent dîner à la Fondation Canada-Inde à Toronto, techniquement Mississauga, la semaine dernière, et cela a été une excellente soirée.

Je suis très optimiste concernant un décollage des échanges commerciaux. Ce sera le fait en grande partie de l'esprit d'entreprise des Indiens du Canada qui sont des gens d'affaires astucieux et prospères. J'applaudis également votre partenariat avec l'Université de Waterloo. Je sais qu'il y en a d'autres encore. Ces relations avec les écoles de commerce sont une excellente façon de renforcer ces liens.

À la page 6 de votre mémoire, vous préconisez que « divers niveaux de gouvernement envisagent de créer un fonds public-privé pour l'Inde afin d'encourager nos initiatives en Inde ». Vous donnez l'exemple du fonds souverain de Singapour. Il est certes bon que nous et le ministère ayons des bureaux de délégués commerciaux pour fournir un appui, mais sur le plan des investissements, parlez-vous là de fonds publics ou bien le gouvernement jouerait-il fondamentalement un rôle de catalyseur qui déclencherait l'investissement privé? Est-ce là ce que vous imaginez? Il est un peu délicat pour le gouvernement de choisir un pays et d'aller y investir.

M. Jha : Je vous remercie de vos aimables paroles concernant notre organisation. J'envisageais par là un fonds de capital-risque. J'ai proposé que ce soit un fonds mixte privé-public. Mettons que 20 milliards de dollars proviennent des différents niveaux de gouvernement et 20 milliards de dollars du secteur privé. Ce serait alors un fonds de capital- risque. Lorsqu'une personne d'affaires présente un projet en Inde, ce fonds pourrait fournir le financement. Il ne le ferait que lorsqu'il existe de bonnes perspectives de profit. Ce n'est pas un investissement ou une subvention gouvernementale. C'est un fonds d'investissement offrant un bon rendement. Les gens d'affaires savent que des banques comme la Banque Royale ne vont pas financer des investissements en Inde. Peut-être devrions-nous confier ce fonds à EDC ou bien conjointement à EDC et au secteur privé afin d'avoir davantage de capitaux disponibles pour appuyer les entreprises ou certaines des autres initiatives en Inde.

Le sénateur Smith : Le rôle de catalyseur et de soutien du ministère est un peu plus facile à concevoir. Une fois que vous commencez à investir dans un pays, cela devient un précédent et vous pourriez avoir une longue file d'attente à la porte.

Le sénateur Finley a demandé où nous avons laissé passer le coche. C'est le genre de choses que nous avons besoin de savoir et nous comptons sur vous pour cela. Chaque fois que vous entendrez parler d'une situation où quelque chose n'a pas été fait et où nous avons manqué le coche, nous aimerions le savoir. Vous n'avez peut-être pas cela en tête aujourd'hui, mais cela nous intéressera à l'avenir, en continu.

M. Jha : La Fondation Canada-Inde va présenter ultérieurement un mémoire formel et je suis reconnaissant de cette invitation, même si je ne suis pas en mesure de répondre à toutes les questions aujourd'hui.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup.

Le sénateur Di Nino : Je dois confesser que le témoin et moi sommes amis depuis de longue date. Le sénateur Smith a mentionné la dernière occasion que nous avons eue d'échanger quelques réflexions.

Le sénateur Segal : Nous pouvons pardonner au témoin.

Le sénateur Di Nino : Excellente remarque. Je veux faire savoir également, madame la présidente, que mes huit visites en Inde ont toutes été à titre privé et non en ma capacité de parlementaire.

J'aimerais revenir un peu sur les opportunités potentielles que le témoin a identifiées pour le Canada. Convenez-vous que dans des domaines comme l'infrastructure et le transport, le besoin d'énergie de l'Inde est énorme, pratiquement partout dans l'Inde, peut-être moins dans le Nord, mais beaucoup dans le centre et le Sud, et même dans le secteur agricole? Ce sont tous là des domaines auxquels nous devrions consacrer plus de ressources afin d'explorer les opportunités qui existent à notre avantage mutuel.

M. Jha : Sénateur, merci encore de vos aimables paroles sur notre organisation. Je conviens avec vous qu'il existe ces secteurs où l'Inde présente un appétit massif. Le ministre des transports et de l'infrastructure est récemment venu en visite au Canada et il a expliqué avec éloquence à quel point l'Inde a besoin d'investissements canadiens, surtout sur le plan de partenariats publics-privés. Nous avons ce savoir-faire. Nos sociétés ont ce savoir-faire. Il règne une certaine inertie. Nous devons déterminer pourquoi nous ne sommes pas suffisamment entreprenants. Que faut-il faire pour que nos entreprises aillent en Inde et occupent ces créneaux? Que peuvent faire nos pouvoirs publics pour aider? L'Inde a affiché un taux de croissance spectaculaire, même l'an dernier. La croissance la plus rapide a été au Bihar, la province la plus pauvre de l'Inde. On y construit des routes à un rythme effréné et nous devrions y être.

Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Le potentiel est massif. Chaque secteur présente des possibilités. Comme je l'ai dit au début, nous devons choisir quelques domaines où nous serons le choix naturel et facile. Il sera ainsi plus facile pour l'Inde de nous accepter et pour nous de réaliser nos intérêts commerciaux.

Le sénateur Di Nino : Ma visite au Gujarat l'an dernier, après mon séjour à Chennai pour la conférence Parvasi, a été extrêmement révélatrice. J'ai été impressionné de voir que partout où j'allais, le mot « Canada » suscitait beaucoup d'attention. Ce n'était certainement pas à cause de moi, car je n'étais pas une personnalité de ce point de vue.

Il existe un appétit énorme pour une participation canadienne à certaines de ces opportunités commerciales. J'ai eu l'occasion de rencontrer des responsables et de parler de nos relations bilatérales bien que, comme je l'ai dit, je n'étais pas là à titre officiel. Ces possibilités commerciales nombreuses m'ont été citées par des industriels et des investisseurs de très haut rang, notamment le ministre en chef Modi, que j'ai rencontré à deux reprises. Je précise à mes collègues que l'on m'a demandé de prendre la parole à cette conférence et je n'avais jamais vu autant de monde dans une même salle : il y avait 30 000 personnes. J'avais l'impression de parler à une ville.

La raison pour laquelle je mentionne cela c'est que l'absence canadienne a été remarquée. Il y avait là très peu de sociétés canadiennes.

Est-ce quelque chose qu'il faudrait faire plus? Je sais que vous l'avez déjà dit, mais j'éprouve une passion pour ce pays et toutes les possibilités qu'il offre. Je crois que ni les pouvoirs publics ni les milieux d'affaires ne consacrent suffisamment de ressources à la recherche-développement et à l'exploration des possibilités qui existent en Inde, particulièrement au Gujarat, qui sera le moteur de la croissance indienne.

M. Jha : Je n'ai pas mentionné un aspect pendant la lecture de mon mémoire. Je trouve que lorsque je vais à des rencontres Canada-Inde et des présentations à différents niveaux, on en est toujours au mode de communication PowerPoint. Ce ne sont là que des paroles. Il faut plutôt passer au mode de planification de projet. Nous savons des choses. Comment les exécuter? Qui va le faire? Quelles sont les échéances? Êtes-vous la bonne personne pour le faire? C'est tout cela qui manque.

Par-dessus tout, il y a la marque canadienne. Il y a longtemps, j'ai entendu David Letterman dire que le Canada est le gentil voisin que l'on aime bien mais que l'on n'invite jamais aux soirées. C'est un peu ce que je veux dire. Nous devons être invités à la soirée et cela se fera avec l'amélioration de notre image de marque auprès d'interlocuteurs ciblés.

En outre, notre pays souffre d'inertie. On s'échange des anecdotes et des renseignements morcelés. Tout cela nous gêne et l'inertie nous retient. Jusqu'où faut-il pousser et comment faire pour remporter un ou deux gros succès majeurs et comment célébrons-nous la réussite d'une compagnie en Inde? Si Sun Life réussit une belle percée en Inde, nous devons le clamer et le célébrer à l'échelle nationale.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma deuxième question concerne la sécurité. Il y a eu un massacre et 76 membres des forces de l'ordre qui ont été sauvagement abattus, le 6 avril, par des maoïstes dans le centre de l'Inde. Cela témoigne de la menace qui continue de peser sur la sécurité nationale en dépit d'une offensive militaire lancée l'an dernier pour anéantir la rébellion. Argumentant que la sécurité de l'Inde tout entière est aujourd'hui menacée, la presse et l'opposition en Inde ont plaidé pour une réponse dure et rapide du gouvernement. Une phrase parue dans le Hindustan Times révèle que si l'Inde continue à perdre des batailles, c'est la guerre qu'elle risque de perdre. Les maoïstes seraient entre 10 000 et 20 000. Ils disent lutter pour défendre les paysans qui n'ont pas de terre. Souvent à l'œuvre dans les états les plus pauvres de l'Inde, ils enrôlent les villageois, faisant valoir qu'ils sont laissés pour compte dans la croissance.

Est-ce que vous pouvez nous parler davantage de l'origine de ces violences dans ces endroits et quelles en sont les causes? J'imagine que vous n'inviteriez pas les Canadiens à aller faire des affaires dans ces secteurs.

[Traduction]

M. Jha : Les entreprises canadiennes, dans le secteur minier, sont actives dans des régions du monde où même les pays ne veulent pas d'elles. Nous le faisons depuis des années et des années, et nous avons donc déjà fait preuve de ce caractère entreprenant.

L'Inde a un problème maoïste sérieux, mais l'Inde donne espoir. Dans les années 1970, il y a eu des troubles majeurs au Bengale-Occidental. On aurait cru que le mouvement Naxal allait s'emparer du pouvoir mais l'Inde l'a complète maîtrisé. Le Punjab était en ébullition au cours de la période postérieure à 1984. Aujourd'hui, le Punjab est l'un des États les plus pacifiques.

Son régime démocratique est un atout majeur de l'Inde, mais il représente aussi le plus gros obstacle car le pays compte plus d'un milliard d'habitants. Le secteur agricole occupe la majorité de la population. Ce dont nous parlons — le type d'entreprise — ne concerne pas la majorité des Indiens. C'est pourquoi j'ai essayé de souligner l'importance de l'agriculture. Il sera très bénéfique, sur le plan commercial et d'autres et dans l'intérêt de la paix mondiale, d'aider l'agriculture indienne.

Comment l'Inde peut-elle cultiver 46 p. 100 de sa superficie et avoir une si mauvaise productivité? La Chine produit davantage sur les 10 p. 100 cultivables de son territoire que l'Inde dans ses 46 p. 100.

La pauvreté sévit pour des raisons historiques et je crois que si l'on combat la violence par la violence, on engendre davantage de violence. Nous croyons que les forces de sécurité vont aller réduire l'insurrection, mais cela ne marchera pas. Le premier ministre Singh a mis davantage l'accent sur le développement rural. Vous avez peut-être vu ces dernières semaines qu'il a fait adopter une loi rendant la scolarité obligatoire pour tous les enfants. Les budgets municipaux sont aujourd'hui les plus importants de l'Inde. Seules des femmes peuvent être à la tête de nombreux conseils villageois. Lorsque vous vivez dans une société où la majorité de la population n'est pas représentée, il y aura forcément des problèmes. Cela arrive dans toutes les sociétés lorsque des anomalies existent. On s'efforce de les corriger. Les choses vont se détériorer encore pendant la période de transition. Cependant, des pays comme l'Inde ont beaucoup de ressort.

Ce pays est un miracle. Selon toutes les indications, la démocratie ne peut fonctionner qu'avec un revenu par habitant de 5 000 $. Tous les manuels disent que la démocratie ne peut s'épanouir autrement, mais vous voyez là un pays qui est encore loin d'atteindre un revenu par habitant de 5 000 $; et pourtant, la démocratie y est florissante. Plus que cela, les institutions civiles de l'Inde — le pouvoir judiciaire, la commission électorale — sont des modèles pour le monde.

Le mouvement Naxal est le plus gros problème de l'Inde. Cependant, moi qui ai grandi là, je suis optimiste. L'Inde compte des gens brillants et elle a de bons administrateurs. Vous chantiez les louanges du haut-commissaire. Vous trouvez des personnes de ce calibre dans tous les districts de l'Inde car on n'accède à ces postes que par des concours à l'échelle de toute l'Inde.

C'est un défi, mais nous devons le relever car sinon nous ne serons pas invités à la fête lorsqu'on fera sauter les bouchons de champagne. Ils veulent nous voir là pour faire les choses qui leur permettront de déboucher la bouteille de champagne.

La présidente : Monsieur Jha, nous sommes arrivés à la fin du temps imparti. Vous avez manifesté votre enthousiasme pour le sujet et votre connaissance et nous avons passé en revue avec vous tous les domaines de notre relation possible avec l'Inde. Nous vous remercions d'avoir inspiré une discussion aussi enthousiaste.

Nous allons prochainement rédiger notre rapport et nous espérons que certaines de vos idées y figureront en bonne place, grâce à votre présence ici. Merci, monsieur Jha.

Honorables sénateurs, j'accueille maintenant les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, soit Frank Swedlove, son président, Michael Landry, vice-président, Expansion de l'entreprise, Financière Manuvie, et Janice Hilchie, vice-présidente, Relations législatives.

L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP, a été fondée en 1894 à titre d'association professionnelle à adhésion libre qui représente les intérêts collectifs de ses membres et assureurs maladie. Les membres de l'association détiennent 99 p. 100 de toutes les polices d'assurance-vie et maladie en vigueur au Canada.

Frank Swedlove, président, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes : Au nom du secteur de l'assurance de personnes, je remercie le comité de nous avoir invités aujourd'hui à lui faire part de nos vues sur l'émergence de la Russie, de l'Inde et de la Chine dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

[Français]

L'ACCAP a connu du succès sur la scène internationale. Elle tire plus de la moitié de son revenu de l'étranger, ses effectifs résident cependant en majorité au Canada. Bien qu'ils soient actifs dans plus de 20 pays, les assureurs canadiens sont particulièrement bien ancrés en Chine et en Inde où ils exercent des activités depuis plus d'un siècle.

[Traduction]

Étant donné que l'industrie n'est pas active en Russie, je vais limiter mon propos à l'importance croissante des économies indiennes et chinoises pour le secteur canadien de l'assurance en général.

La Chine et l'Inde offrent des possibilités d'affaires extrêmement intéressantes pour les assureurs-vie canadiens en raison de la taille des populations en cause, toujours mieux nanties, ainsi que de la croissance économique soutenue de ces pays. Le succès futur des assureurs-vie canadiens sur ces marchés aura à son tour des retombées sur l'économie canadienne, car il permettra de créer des emplois et générera des recettes fiscales et d'autres investissements dans notre pays.

Cela dit, les possibilités qui s'offrent s'accompagnent aussi de défis. Les concurrents du Canada, notamment l'Australie, l'Union européenne et les États-Unis, courtisent assidûment les RIC en vue de la signature d'accords commerciaux et d'investissements bilatéraux. Parallèlement, les compagnies d'assurance locales connaissent une expansion rapide sur ces marchés. Si l'on veut que les entreprises canadiennes puissent livrer concurrence et réussir sur ces marchés, il faudra une collaboration plus étroite entre le monde des affaires et les pouvoirs publics.

L'industrie des assurances de personnes du Canada appuie vivement l'élaboration de politiques visant à resserrer les liens entre le Canada et les pays du RIC ainsi qu'à aligner les intérêts de part et d'autre.

L'industrie encourage le gouvernement à continuer à rechercher de nouveaux et ambitieux accords commerciaux — bilatéraux ou multilatéraux, avec ces pays. En outre, nous recommandons instamment au gouvernement d'engager avec ces pays un dialogue plus suivi au niveau politique.

Enfin, le gouvernement canadien devrait soutenir son secteur des services, notamment en renforçant la capacité de ce dernier à exporter les services et en accroissant le nombre d'emplois du secteur des services axés sur le savoir et ce, au moyen d'une stratégie d'innovation pour ce secteur.

[Français]

Une fois établies dans un pays, les sociétés d'assurance ont fortement tendance à y demeurer longtemps en raison de la nature de leurs affaires et des investissements à long terme qu'elles effectuent. En règle générale, ces investissements reflètent le caractère durable de leur engagement envers les titulaires des polices. Pour cette raison, elles se concentrent dans des obligations d'État ou dans des projets d'infrastructure, lesquels contribuent à leur tour au développement du pays. Cet engagement à long terme dans le pays d'accueil a des conséquences sur l'approche de l'entreprise en matière de responsabilité sociale et sur le maintien d'une image positive dans ce pays.

À titre d'exemple, en mai 2008, des assureurs de personnes canadiennes actifs en Chine ont contribué généreusement à une initiative de reconstruction à la suite d'un séisme dévastateur survenu dans la province du Sichuan. Dans les pays en développement, les sociétés d'assurance sont aussi une source importante d'emploi dans leurs bureaux et dans le cadre de leur réseau d'agents.

[Traduction]

Les produits d'assurance-vie tels que les rentes peuvent favoriser la stabilité financière des familles. Dans les pays en développement, ce type de produit a en outre l'avantage de compenser l'absence d'un filet de sécurité sociale solide, comme c'est actuellement le cas en Inde et en Chine.

Les produits de microassurance jouent également un rôle social positif dans les pays en développement. Par ce biais, les assureurs-vie canadiens facilitent l'accès à l'assurance par les groupes défavorisés de la société et fournissent un revenu et une sécurité financière précieux.

On peut dire également que dans les pays en développement où le secteur de l'assurance-vie est peu développé l'arrivée de compagnies ayant leurs placements à l'étranger peut constituer une importante source d'investissements étrangers directs. Les sociétés d'assurance-vie stimulent le commerce tant directement qu'indirectement, ce qui est également considéré comme un moteur de développement économique.

Avec des taux de croissance annuels composés entre 2006 et 2020 qui pourraient atteindre 5,6 et 5,2 p. 100 respectivement, les économies de l'Inde et de la Chine sont celles qui connaissent la croissance la plus rapide au monde. Étant donné cette tendance, les principaux concurrents du Canada s'empressent d'élargir leur accès à ces marchés émergents.

L'Australie, qui négocie actuellement un accord de libre-échange avec la Chine, a récemment terminé sa 14e ronde de pourparlers, tandis que l'UE et l'Inde se sont engagées à conclure leur propre accord.

Les assureurs de personnes canadiens sont présents en Inde et en Chine depuis plus d'un siècle. Cependant, les sociétés qui exercent dans ces deux pays continuent d'être assujetties à des restrictions qui limitent directement leurs activités commerciales.

L'assurance privée est autorisée en Inde depuis 1999, bien que le gouvernement occupe une place importante dans le secteur, avec 70 p. 100 du marché total de l'assurance, par l'entremise de la société d'État Life Insurance Corporation of India. Les barrières à l'entrée sur le marché auxquelles se heurtent les sociétés-vie étrangères ont été réduites ces 10 dernières années, mais l'industrie reste strictement réglementée par l'Insurance Regulatory Development Authority, ou IRDA.

Sun Life exploite en Inde une coentreprise dont elle détient 26 p. 100 des parts. Elle offre divers produits d'assurance-vie individuelle et collective, d'épargne collective et de gestion de patrimoine, de même que des fonds communs de placement. Afin de répondre aux besoins de l'importante population rurale, elle offre des régimes vie et maladie de base et, depuis l'année dernière, des microrégimes collectifs, notamment d'assurance-vie temporaire.

La restriction la plus lourde est le plafond de 26 p. 100 fixé à la participation étrangère. Des modifications à la législation indienne sur l'assurance qui porteraient le plafond de participation étrangère de 26 à 49 p. 100 ont été introduites au Parlement indien et le projet de loi est actuellement à l'étude au comité permanent des finances.

Bien que le gouvernement indien semble disposé à majorer le plafond de propriété étrangère, il se heurte à une forte résistance. L'ACCAP s'est jointe à une coalition internationale d'associations professionnelles militant en faveur de l'adoption de cette loi. Il ne fait aucun doute que les sociétés-vie canadiennes seraient plus nombreuses à vouloir faire des affaires en Inde si le plafond de participation étrangère était relevé.

L'industrie estime aussi qu'il est important d'éliminer les plafonds sur la rémunération que prévoit la loi sur l'IRDA de sorte que les sociétés puissent offrir à leurs agents des régimes de rémunération cadrant avec leurs stratégies commerciales respectives, faute de quoi les sociétés sont forcées d'employer un personnel à temps partiel, ce qui nuit au professionnalisme des agents de vente et conduit à des problèmes sur le plan des pratiques de vente et de la conduite sur le marché.

Les assureurs de personnes canadiens sont implantés de longue date en Chine où ils comptent parmi les acteurs les plus importants et les plus actifs. Ils offrent actuellement un certain nombre de produits d'assurance-vie, d'assurance- maladie et d'autres produits de remplacement du revenu, tant individuels que collectifs. On commence aussi à introduire des produits de rentes visant à répondre aux besoins des particuliers en matière d'études, de retraite et de gestion du patrimoine, ainsi que des produits taillés sur mesure pour répondre à des besoins individuels. Les assureurs de personnes du Canada espèrent être un jour autorisés à commercialiser en Chine des régimes de retraite d'entreprise et seraient reconnaissants au gouvernement canadien de les appuyer en encourageant la Chine à développer son système de retraites privé.

Bien que déterminée à rester sur le marché chinois, l'industrie continue de se heurter à un certain nombre de restrictions à l'accès dont certaines semblent contraires aux engagements pris par la Chine au moment de son accession à l'OMC il y a neuf ans. Les sociétés-vie étrangères ne peuvent obtenir l'agrément de nouvelles succursales qu'une à la fois, consécutivement, en dépit des garanties données par la China Insurance Regulatory Commission, ou CIRC, selon laquelle l'ouverture de succursales multiples pourrait être agréée simultanément.

Enfin, la Chine devrait envisager de lever le plafond de participation étrangère dans les sociétés d'assurance-vie nationales. Nous pensons qu'il est dans son intérêt, si elles souhaitent attirer des investissements étrangers directs, de permettre aux partenaires étrangers d'accroître leurs investissements de capitaux en Chine. Cela permettrait aux partenaires chinois de redéployer leurs capitaux ailleurs, comme bon leur semble.

Pour l'avenir, nous espérons que la Chine permettra aux assureurs-vie étrangers de choisir la structure juridique qui leur convient : coentreprise, succursale ou filiale.

[Français]

L'ACCAP trouve encourageante la décision des gouvernements canadien et indien d'explorer la possibilité de conclure un accord de libre-échange. Nous espérons que le gouvernement canadien continuera de chercher des occasions de conclure des ententes sur d'autres marchés émergents clés. De tels accords permettent non seulement d'éliminer les obstacles qui nuisent aux entreprises canadiennes sur les marchés étrangers, mais ils garantissent des règles du jeu équitables entre ces dernières et leurs concurrents. En fin de compte, ce sont la compétitivité et le succès futur des sociétés canadiennes actives sur ces importants marchés qui sont en jeu, surtout si l'on songe que, en tant que pourcentage du PIB, les exportations du Canada vers les pays du RIC ne se situent qu'à la médiane par rapport à nos concurrents.

[Traduction]

En outre, le Canada devrait continuer d'appuyer les initiatives de l'OMC. Cette dernière offre au Canada la perspective d'échanges commerciaux plus faciles avec tous les 153 pays membres, dont les RIC, et ce, dans le cadre d'un système axé sur des règles. Parallèlement, le gouvernement devrait continuer de militer pour que les négociations du cycle de Doha de l'OMC aboutissent enfin à une entente.

Les voyages plus fréquents qu'effectuent de nos jours les ministres canadiens en Inde et en Chine, ainsi que les visites que vient de terminer le premier ministre dans ces deux pays, sont des étapes positives vers l'amélioration des relations entre le Canada et ces pays. Le Canada, face à ses principaux rivaux et en tant que pays dépendant du commerce, doit continuer de considérer comme absolument nécessaire un dialogue politique poussé avec les marchés du RIC, étant donné l'importance grandissante et la croissance économique de ces pays.

Les concurrents du Canada, tels les États-Unis et l'UE, tiennent régulièrement avec des marchés émergents clés des sommets bilatéraux auxquels participent des hauts responsables politiques des deux parties. Un dialogue suivi au niveau politique compléterait le travail déjà accompli par le milieu des affaires canadien, notamment par l'entremise des divers chapitres du Conseil commercial — en vue de rehausser le profil du Canada et de régler certaines préoccupations relatives à ces marchés lucratifs mais où la concurrence est de plus en plus forte.

Enfin, j'aimerais saisir cette occasion pour souligner l'importance du secteur des services pour l'économie canadienne, ainsi que l'importance des exportations de services. Michael Landry, qui m'accompagne aujourd'hui, est également le président de la Canadian Services Coalition. Il connaît très bien le secteur des services canadiens et je suis sûr qu'il serait ravi de répondre aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet.

L'économie canadienne repose sur les services; en effet, environ 72 p. 100 du PIB est lié à ce secteur, qui est également le principal moteur de croissance économique et de l'emploi au pays, année après année. De tous les secteurs, c'est généralement dans celui des services que l'on retrouve les emplois les plus fortement axés sur le savoir et sur un haut niveau de scolarisation. Malheureusement, par rapport aux autres pays de l'OCDE, la part des exportations du Canada attribuable aux services est parmi les plus faibles, avec seulement 13 p. 100 du total, alors que ce chiffre est de 28 p. 100 aux États-Unis et de 23 p. 100 en Australie et dans la communauté européenne.

La mise à contribution chez nous du secteur des services se traduira par une augmentation de nos exportations dans ce domaine et sera pour le Canada un facteur clé de prospérité à long terme. À cette fin, le gouvernement devrait mettre en place une stratégie d'innovation pour le secteur des services.

Par exemple, à l'heure actuelle, le gouvernement canadien recueille peu de statistiques sur les services. En l'absence de données adéquates, il sera difficile d'établir des politiques publiques et des stratégies efficaces à l'appui du secteur.

Les fournisseurs de service du Canada, y compris ceux de l'industrie de l'assurance, ont de la difficulté à recruter le personnel qualifié dont ils ont besoin pour pourvoir des postes clés. À défaut d'un réexamen de notre système éducatif visant à remédier à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée que connaît le secteur des services, le Canada restera à la traîne de ses concurrents. Le Canada devrait également rationaliser plus avant ses politiques d'immigration de manière à attirer les travailleurs hautement qualifiés dont le secteur des services a besoin.

Notre mémoire propose une série de recommandations portant sur la création d'une stratégie de l'innovation dans le secteur des services.

Je vous remercie, ainsi que les membres du comité, de cette invitation et je serais ravi, avec mes collègues, de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans votre mémoire, vous dites à la page 11 que l'économie canadienne repose sur les services. En effet, 72 p. 100 du PIB est lié à ce secteur, qui est également le principal moteur de croissance économique et d'emplois au pays sur 12 mois. De tous les secteurs, c'est généralement dans celui des services que l'on retrouve les emplois les plus fortement axés sur le savoir et un haut niveau de scolarisation. Malheureusement, par rapport aux autres pays de l'OCDE, la part des exportations du Canada attribuable aux services est parmi les plus faibles, n'atteignant que 13 p. 100 du total.

Vu l'importance du secteur des services en soi, quels changements apporteriez-vous dans le cadre de politiques et de règlementations actuelles afin qu'ils favorisent le dynamisme et la compétitivité du secteur des services au Canada?

[Traduction]

Michael Landry, vice-président, Expansion de l'entreprise, Financière Manuvie, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes : Je pense qu'il est inévitable que l'avenir de l'économie canadienne passe par le secteur des services. L'évolution économique obligera ces sociétés à changer de nature. Je pense que nous le voyons déjà. Je pense que cette réalité commence à se refléter dans les politiques.

M. Swedlove a mentionné le problème de notre connaissance du secteur lui-même, de la nature et de la localisation des services et des emplois. Industrie Canada consacre aujourd'hui des efforts et ressources accrus à cet égard, collaborant avec Statistique Canada pour mieux cerner tous ces facteurs qui déterminent l'évolution de notre économie.

L'organisation que je dirige à l'heure actuelle, la Canadian Services Coalition, participe de très près à cet effort visant à mieux faire comprendre l'importance des services. Nous sommes dans le domaine de l'assurance-vie, qui est une industrie de services. La filiale canadienne de notre société a son siège dans la région de Kitchener-Waterloo. Celle- ci possède une économie florissante qui est axée sur les services : RIM, Sun Life, Manuvie, les universités et aussi Toyota. Nombre de ces emplois sont axés sur les services.

Grâce à cette prise de conscience et cette meilleure connaissance, on commence à reconnaître les besoins des sous- secteurs individuels. Je ne puis dire quels sont les besoins de chacun des sous-secteurs, mais je puis parler du mien. La plus grande partie de notre croissance intervient à l'étranger. Nous avons le soutien du gouvernement du Canada et de ses institutions.

Le sénateur Di Nino : Je souhaite la bienvenue aux témoins. Parlez-nous un peu des différences de traitement dont vous faites l'objet de la part du Canada, particulièrement vis-à-vis de la Chine et de l'Inde. Vous êtes présents dans les deux pays. Est-ce que nous consacrons des ressources similaires? Offrons-nous des types de services similaires ou bien nous concentrons-nous davantage sur un côté plutôt que l'autre?

M. Swedlove : Parlez-vous du soutien des organismes gouvernementaux tels que le MAECI?

Le sénateur Di Nino : Oui, je demande quelle est la contribution du gouvernement canadien à vos efforts?

M. Swedlove : Le service que nous fournit le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est bon. Nous faisons appel aux ambassades pour nouer les relations avec les pouvoirs publics et organiser des événements. Un effort intense est déployé en Chine depuis de nombreuses années et on commence à voir cela de plus en plus en Inde, vu la forte croissance économique du pays ces dernières années.

Le MAECI nous aide beaucoup. Nous aimerions une intensification de l'effort pour tenter de conclure des accords bilatéraux et davantage de contact aux plus hauts niveaux, avec par exemple des missions commerciales et ce genre de choses. C'est ce qui nous permettra de mieux pénétrer ces marchés.

Le sénateur Di Nino : Dans les deux pays, ou dans l'un plus que dans l'autre?

M. Swedlove : Dans les deux.

Le sénateur Di Nino : L'on nous a parlé à plusieurs reprises de difficultés que rencontrent des Chinois et des Indiens désireux de faire une visite au Canada pour obtenir un visa. Avez-vous constaté cela? Avez-vous eu des indications, à l'occasion de vos contacts, que cela est un problème?

M. Landry : Pas dans notre cas. J'entends les anecdotes et je connais les complications. Cependant, cela n'a pas été un problème pour nos visiteurs venant faire un très court séjour. À l'occasion, nous avons fait venir des étudiants, par exemple, pour des stages ici au Canada. Je ne me souviens d'aucun incident, mais cela ne veut pas dire que d'autres n'aient pas rencontré des problèmes.

Le sénateur Di Nino : Parlez-vous d'un pays en particulier?

M. Landry : Je parle de la Chine.

Le sénateur Di Nino : Qu'en est-il de l'Inde?

M. Landry : Je ne puis parler de l'Inde, nous n'y sommes pas implantés.

M. Swedlove : Nous avons accueilli un certain nombre de délégations indiennes et je ne me souviens d'aucun problème.

Le sénateur Di Nino : Le Canada s'est montré très dynamique ces dernières années sur le plan de ses relations politiques avec l'Inde. Avez-vous constaté une différence dans les relations de vos sociétés avec vos homologues indiens? Cela a-t-il aidé? Cela a-t-il été utile? Avez-vous pu constater concrètement une amélioration de la relation entre les deux pays du point de vue des échanges de services ou sur un autre plan?

M. Swedlove : Il faut maintenir cette représentation au plus haut niveau avec persistance et envoyer davantage de délégations dans ces pays. On ne peut se contenter d'une mission et repartir, il faut persister. Il importe que les ministres, les premiers ministres et les hauts responsables gouvernementaux se rendent dans ces pays régulièrement et nouent ce dialogue. C'est ainsi que les affaires se traitent en Chine. En Inde, il est probablement plus difficile de nouer ces types de relations ou du moins de produire un effet majeur.

La modification de cette législation, le passage de 26 à 49 p. 100 du plafond de participation dans une société, avance avec une réelle lenteur. C'est une bataille qui dure maintenant depuis plusieurs années, livrée non seulement par les sociétés d'assurances canadiennes mais aussi par celles d'autres pays. Cela a été et reste une véritable lutte.

Les progrès que nous avons réalisés en Chine ont été plus rapides à cet égard. M. Landry pourrait parler plus en détail d'autres sources de frustrations en Chine, mais nous avons au moins le plafond de participation de 49 p. 100 et nous semblons voir du mouvement dans un certain nombre d'autres domaines.

Le sénateur Di Nino : Si vous pouviez rédiger une recommandation à insérer dans notre rapport au gouvernement du Canada, quelle serait-elle?

M. Swedlove : Nous en ferions plusieurs, mais c'est ce que vous avez relevé, à savoir maintenir une représentation au plus niveau au moyen de missions commerciales et aussi la négociation d'accords bilatéraux avec ces pays. Nous voyons nos concurrents le faire. Il y a clairement un avantage lorsqu'on signe un accord bilatéral. Nous aimerions voir un réel effort de négociation d'accords commerciaux bilatéraux avec ces pays.

Le sénateur Banks : Monsieur Swedlove, existe-t-il au Canada un plafond à la participation étrangère dans les sociétés d'assurances de personnes ou tout autre obstacle à l'implantation de sociétés étrangères d'assurances de personnes au Canada?

M. Swedlove : Non. La plupart de nos membres sont des sociétés étrangères qui peuvent avoir ici une succursale ou une filiale leur appartenant à 100 p. 100. Il n'y a pas de plafond.

La seule restriction — et l'on pourrait discuter du point de savoir si c'est une restriction à la propriété étrangère — est la faculté de quiconque, que l'on soit canadien ou étranger, d'acquérir une compagnie d'assurance démutualisée, particulièrement Manuvie et Sun Life. La Loi sur les sociétés d'assurances contient des restrictions empêchant d'acquérir ces compagnies. C'est un traitement national en ce sens que les restrictions s'appliquent et aux sociétés canadiennes et aux sociétés étrangères. À part cela, je ne vois aucune restriction.

Le sénateur Wallin : Monsieur Swedlove, notre témoin précédent a dit que le Canada est un pays PowerPoint. Il a dit que nous plaidons très bien en faveur de plus d'échanges, d'une plus grande ouverture, mais que c'est l'action qui fait défaut et qu'il nous faut intensifier l'effort.

En ce qui concerne particulièrement votre industrie, il semble que l'avenir vous appartienne car 50 p. 100 de la population a moins de 23 ans. Vous avez un marché futur florissant. Vous avez 50 millions d'Indiens qui appartiennent déjà à la classe moyenne et épargnent beaucoup. Je crois que le chiffre que l'on nous a donné pour 2008 est de 34 p. 100, si bien que la mentalité est déjà propice à l'achat d'assurance. Les choses devraient rouler toutes seules pour vous. Qu'est-ce qui vous arrête?

M. Swedlove : Le secteur de l'assurance-vie affiche de bons résultats à l'export. Si vous regardez le secteur dans son ensemble, près de 56 p. 100 des actifs du secteur sont à l'étranger. Nous sommes un secteur exemplaire au Canada pour ce qui est de l'exportation. Contrairement, par exemple, au secteur bancaire, qui a eu un peu tendance à ne pas persister dans ses implantations à l'étranger, l'assurance-vie, une fois qu'elle investit le fait à long terme. Les gouvernements et autorités réglementaires de ces pays le reconnaissent et le respectent. Je pense que nous affichons d'excellents résultats à cet égard.

Vous avez raison : le potentiel est immense. C'est pourquoi nos sociétés tiennent à voir levées certaines de ces restrictions et barrières, afin de pouvoir mieux servir ces marchés et développer leur activité.

En Chine, il faut obtenir une licence individuelle pour chaque succursale que l'on veut ouvrir dans une nouvelle ville. Manuvie et Sun Life seraient extrêmement désireuses d'ouvrir des succursales aussi rapidement que possible dans autant de villes que possible, mais vu la structure bureaucratique de la Chine, c'est beaucoup plus long et plus onéreux. Manifestement, le gouvernement chinois a ses raisons propres pour agir ainsi.

La difficulté en Inde réside dans le plafond de 26 p. 100 de propriété de toute société. Sun Life a décidé de s'en accommoder pour le moment. Sun Life espère que le plafond va être majoré bientôt, mais son plan d'affaires lui permet de s'en accommoder.

Un plafond de participation de 26 p. 100 est bas comparé au reste du monde. C'est pourquoi j'ai dit dans mon exposé que nous ne doutons guère que s'il passe à 49 p. 100 d'autres sociétés canadiennes vont s'implanter sur le marché indien, mais il faudra ce mouvement pour que cela devienne rentable.

M. Landry : Dans notre société nous utilisons des chiffres approximatifs pour donner un aperçu de nos opérations internationales. Alors que notre base est au Canada, 75 p. 100 environ de notre activité est à l'étranger. Notre marché de croissance se situe dans une large mesure en Asie. Nous y sommes implantés depuis 15 ans. Nous avons une présence dans plus de villes que toute autre société d'assurance étrangère active en Chine, et notre expansion se poursuit.

Ce dont M. Swedlove a fait état est certainement un facteur. Nous pourrions couvrir le pays avec un réseau beaucoup plus serré si l'on nous octroyait des licences dans les mêmes conditions qu'aux sociétés nationales. Néanmoins, les villes où nous avons une présence représentent un marché de 300 millions de personnes. C'est une région en croissance et la création de richesse en Chine est certainement immense.

À mon avis, notre service étranger nous fournit un bon service. Pour répondre à la question du sénateur Di Nino, il importe de faire en sorte qu'il reste solide, respecté, doté d'un bon personnel et de ressources afin que nous puissions poursuivre nos activités. Je peux dire sans équivoque que s'il n'y avait pas eu ce soutien, nous n'aurions pas pu nous implanter aussi précocement en Chine, il y a 15 ans. De fait, nous n'étions que le deuxième assureur étranger autorisé à l'époque et nous étions loin d'avoir la présence en Asie que nous avons aujourd'hui. Cela prouve que lorsque l'on consacre les ressources voulues au genre d'activités auxquelles nous songeons, les résultats peuvent être très bons. Il faut veiller à ce que le système dispose des ressources voulues pour continuer ce travail.

[Français]

Le sénateur Nolin : Les collectivités chinoises et indiennes du Canada sont assez importantes. Dans vos stratégies de développement international, étant donné que cet aspect fait partie d'un important secteur de progression financière pour vous, jusqu'à quel point faites-vous affaires avec les Canadiens de ces diasporas pour justement vous aider à mieux pénétrer les marchés internationaux, plus spécifiquement chinois et indiens?

[Traduction]

M. Landry : C'est certainement un marché très important ici au Canada, d'autant plus si vous englobez les Chinois originaires de Taiwan et de Hong Kong en sus de la Chine continentale. Nous avons une affinité naturelle et c'est donc un grand marché pour nous au Canada.

Le sénateur Nolin : Ma question est plus précise. Dans votre stratégie ici, au Canada, faites-vous appel aux Sino- Canadiens et aux Indo-Canadiens en tant que partenaires pour pénétrer ces marchés étrangers?

M. Landry : Pas spécialement. Nos stratégies en Asie sont déterminées par nos filiales en Asie. Notre stratégie en Chine est déterminée par les besoins du marché chinois en Chine et dans les villes et provinces où nous sommes présents.

Le sénateur Nolin : Ne voyez-vous pas une utilité à nouer des partenariats avec des Canadiens originaires de ces pays pour pénétrer ces marchés?

M. Landry : Pas de cette façon, non. Nous sommes certainement très proches, particulièrement de la communauté chinoise du Canada, et nous y sommes très actifs, mais pas à titre de marchepied vers la Chine, je ne crois pas.

Il existe d'autres moyens, notamment par le biais de notre système éducatif et de nos activités de développement, qui font que le Canada a beaucoup à offrir aux marchés en développement. Nous parlons de notre régime d'assurance- maladie et de retraites ici, au Canada. Ces leçons et notre savoir-faire sont très appréciés dans les pays en développement, par exemple en Chine, à l'heure où celle-ci réfléchit à la manière de structurer et construire son filet de sécurité, en quelque sorte. Dans notre système éducatif, nous avons des milliers et des milliers d'étudiants chinois, et indiens aussi j'en suis sûr, qui viennent étudier ici dans nos universités et collèges. Ces initiatives sont énormément importantes sur le plan du développement de ces relations et d'une meilleure connaissance de ce que notre pays peut offrir.

Je ne soulignerai jamais assez le respect dont nous jouissons dans ces pays, comme, je crois, virtuellement partout ailleurs, mais l'on nous admire certainement pour notre savoir-faire et la société que nous avons su construire chez nous.

M. Swedlove : La manière dont les sociétés d'assurances de personnes canadiennes ont abordé ces marchés étrangers consiste à donner leur pleine autonomie à ces établissements à l'étranger. Autrement dit, nous voulons que les établissements de Manuvie ou de Sun Life en Chine soient considérés comme des sociétés chinoises et nous voulons être perçus comme des sociétés chinoises. Nous avons très bien su nous intégrer à ces marchés en utilisant le savoir-faire canadien, tout en formant la population chinoise et indienne pour la doter de son propre savoir-faire sur le marché interne. C'est ainsi que nous fonctionnons dans le secteur de l'assurance-vie et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons si bien réussi à percer et à nous étendre.

Je connais un certain nombre de Canadiens qui ont des connaissances et des capacités linguistiques particulières. Nous en recrutons souvent pour nous aider auprès des populations locales en Inde et en Chine.

Le sénateur Nolin : C'est le genre de relations ou de partenariat dont je parle.

M. Swedlove : Cela existe, oui.

Le sénateur Stollery : Le comité parle aujourd'hui de l'Inde, mais nous avons été en Chine, sous la conduite du sénateur Di Nino. Nous avons vu à quel point il faut être dynamique. Le comité a vu l'incroyable expansion économique lors de notre voyage qui nous a emmenés à Pékin, Shanghai, Canton, Chongqing et Hong Kong. C'est absolument étourdissant.

Le sénateur Nolin a parlé de la diaspora et un témoin nous a dit l'autre jour que les États-Unis, avec sa population de 300 millions d'habitants, comptent un million de personnes originaires de l'Inde. Je crois que c'est ce que le témoin a dit. Nos avons un groupe beaucoup plus important de Canadiens originaires de l'Inde, avec deux millions. Or, nous avons appris aujourd'hui que le Chili réalise un plus gros volume d'échanges avec l'Inde que le Canada. Je pense qu'il faut rectifier cela. C'est même incroyable. Voilà mes observations.

Vous parlez du secteur de l'assurance en Inde. Je connais assez bien l'Inde du Nord, mais je n'ai jamais été en Inde méridionale. J'utilise les anciens noms, ce qui trahit mon âge. Je me souviens de Bombay et de Calcutta lorsqu'elles étaient des villes immenses et dynamiques. Nous savons tous que lorsque l'Inde est devenue indépendante, elle a opté pour une économie plutôt autarcique, disant qu'elle allait se développer de l'intérieur et cette sorte de chose.

Dans le domaine de l'assurance, par exemple, quels sont vos marchés en Inde? Parlons des lieux que je connais. Vous pouvez me parler de Bombay, ou de Calcutta ou Madras ou Bangalore, je connais. Quel est votre marché? Vous n'allez pas vendre beaucoup d'assurance dans les campagnes, où 16 000 cultivateurs se suicident chaque année, nous a-t-on dit.

Avez-vous des idées sur où le Canada devrait déployer ses efforts? Je ne cherche rien à promouvoir. Je pense que les parlementaires devraient aller dans ces endroits. Il faut montrer le drapeau. C'est ce que je pense, mais que pensez- vous? Où se situe ce marché de l'assurance pour vous?

Le ministre Kamal Nath est venu nous rencontrer il y a quelques semaines et il a dit qu'il existe un marché énorme dans les zones rurales car l'on y construit des routes. Il n'a pas réellement dit où. Pourriez-vous être un plus précis?

M. Swedlove : Certainement, sénateur. Il ne fait aucun doute que le marché indien est en pleine croissance. Un avantage de l'Inde par rapport à la Chine est qu'une fois établi dans ce marché, vous pouvez aller partout. Sun Life est le seul exemple que je puisse donner car c'est là notre seule société d'assurance là-bas. La filiale a démarré en 1999, mais elle compte 600 points de vente en Inde. Elle s'appelle Birla Sun Life et Sun Life en détient 26 p. 100. Elle emploie plus de 1 200 personnes et a un effectif de 167 000 agents et conseillers financiers dans 294 villes. Elle est la quatrième plus grosse société d'assurance du pays; elle est donc présente sur tout le marché indien, zones rurales comprises. C'est pourquoi elle promeut si agressivement la microassurance. C'est le genre de produit que l'on peut vendre dans les campagnes — des produits très simples dont la population a besoin.

C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous intéressons de près à des choses telles que la rémunération des agents vendeurs afin de disposer d'agents de qualité pour servir ces marchés, urbains et ruraux, et saisir encore mieux toutes les occasions qu'offre ce marché. Comme l'a dit le sénateur Wallin, le monde vous tend les bras lorsque vous disposez d'un tel marché et de toutes les opportunités qui y existent.

Nous offrons déjà un large éventail de produits que j'ai décrits dans mes remarques liminaires, mais certains sont taillés sur mesure pour un marché particulier, par exemple les zones rurales. Encore une fois, ce sont des produits très simples que le client peut comprendre et aussi l'agent qui les vend, car la réputation que l'on a est déterminante pour une institution financière. Si vous avez mauvaise réputation, vous n'allez pas vendre votre produit.

Sun Life et Manuvie en Chine ont pleinement conscience de l'importance d'un comportement adapté au marché de la part des vendeurs de leurs produits.

La présidente : Pour revenir au plafonnement de la participation étrangère et à certains des obstacles que vous avez évoqués, à votre avis est-ce là une manifestation de protectionnisme ou bien d'une rigidité bureaucratique ancrée dans ses habitudes et idéologies anciennes qu'il faut surmonter?

Je dis cela à cause de l'Organisation mondiale du commerce. D'une part, le pays prêche l'ouverture mais, d'autre part, il érige tous ces obstacles qui rendent l'ouverture impossible. Ainsi, on se soumet plus ou moins à toutes ces règles internationales mais tout en faisant bande à part.

Il nous faut déterminer la raison d'être de ces structures et obstacles. Quelle est leur raison d'être aux yeux de ces pays? Si nous ne nous attaquons pas à ces barrières, nous n'allons jamais pénétrer ces marchés.

Nous avons entendu des témoins qui penchaient dans des sens différents.

M. Swedlove : Dans une vie antérieure, j'ai été négociateur de l'OMC spécialement chargé de ce problème et plus particulièrement vis-à-vis de l'Inde, puis de la Chine.

On ne peut s'empêcher de penser que ces restrictions et barrières répondent à une volonté de préserver la propriété nationale. Dans les discussions que j'ai eues avec les négociateurs commerciaux de ces pays, ils réalisaient les avantages de marchés plus ouverts. Ils sont en faveur du concept, mais ils sont souvent craintifs devant les changements rapides.

Leur position consiste à dire, certainement, nous allons libéraliser nos marchés, mais à un rythme acceptable par notre pays et nous allons veiller à ce que nos sociétés nationales puissent survivre à la concurrence dans un environnement international. Voilà leur approche et leur philosophie.

Mon rôle comme négociateur de l'OMC était d'accélérer ce processus. Mon impression est que pour les négociateurs de ces pays, leur objectif était de le ralentir autant que possible.

Tous les pays réalisent qu'ils sont plus ou moins lancés sur la voie de la libéralisation ultime, car tous perçoivent l'intérêt de marchés ouverts et d'une libre circulation des marchandises et des investissements, particulièrement ceux d'institutions financières qui ont beaucoup à partager et beaucoup à offrir sur le plan de l'édification de leurs marchés financiers et de leur infrastructure.

La présidente : Votre réponse signifie-t-elle que ces pays ne sont pas encore prêts à embrasser pleinement les règles et régimes internationaux, qu'ils hésitent à les appliquer? Je crois que le Canada fait pleinement confiance au système international axé sur les règles, alors qu'eux ne sont pas entièrement convaincus.

M. Swedlove : L'une des réalisations du cycle de négociation d'Uruguay dans les années 1990, dans le cadre de l'OMC, a été l'acceptation par les pays de l'idée que les services, et en particulier les services financiers, peuvent être couverts par les disciplines d'un accord commercial. Auparavant, seules les marchandises et non les services étaient considérées comme des objets d'échange.

Grâce au cycle d'Uruguay et au travail ultérieur aux fins d'accords commerciaux bilatéraux et à Genève, il est devenu de plus en plus admis que les services, tout comme les marchandises, peuvent être des objets d'échange et astreints à des disciplines.

Je ne doute pas que nous allions y arriver. La question est de savoir avec quelle rapidité et combien d'opportunités nous pourrons créer pour nos sociétés.

La présidente : Nous sommes à la fin du temps imparti. Je vous remercie d'être venus et de nous avoir fait part de vos expériences et connaissances. Elles nous seront utiles pour notre étude.

M. Swedlove : Merci.

(La séance est levée.)


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