Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 3 - Témoignages du 15 avril 2010
OTTAWA, le jeudi 15 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 34, pour étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes. Nous recevons M. Douglas Goold, attaché supérieur de recherche au Conseil international du Canada. Il est un journaliste et commentateur bien connu; il est notamment l'ancien rédacteur en chef de la section Report on Business du Globe and Mail et de la revue Report on Business. M. Goold a un doctorat en histoire moderne du Collège St. John de l'Université de Cambridge et il a reçu deux bourses postdoctorales Killam pour les recherches qu'il a effectuées à l'Université de la Colombie-Britannique.
Douglas Goold, attaché supérieur de recherche, Conseil international du Canada : Je vous remercie et je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui. Comme je le dit dans le mémoire que je vous ai remis, je crois que le comité a effectué un excellent travail et j'attends avec impatience la présentation d'un rapport qui aidera le Canada à prendre des décisions concernant l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie.
J'encourage également le comité à envisager d'étudier le Brésil, le quatrième pays en importance du BRIC selon Goldman Sachs, et le seul pays de cet ensemble situé dans notre hémisphère.
Dernièrement, j'ai terminé une étude fondée sur des entrevues que j'ai fait passer, au Canada et en Inde, à des dirigeants d'entreprises canadiennes qui font des affaires en Inde. Je me suis aussi entretenu avec de nombreux responsables. Les commentaires des dirigeants ont été consignés; ils ont répondu à des questions sur des sujets délicats comme la corruption et la sécurité. L'objectif était de faire une étude utile dont pour les gens d'affaires et les décideurs ont besoin.
J'ai étudié les raisons pour lesquelles les entreprises canadiennes choisissent de faire des affaires en Inde, les occasions et les défis, les stratégies d'entrée sur le marché et de croissance et la culture d'entreprise en Inde. La question fondamentale était simple, qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans le marché de l'Inde?
De plus, je voulais savoir ce que les dirigeants d'entreprises canadiennes aimeraient que le gouvernement fasse pour les aider, si nécessaire. Récemment, j'ai prononcé des discours à Montréal, Toronto, Ottawa, Edmonton, Calgary et Vancouver et je suis heureux de pouvoir vous dire qu'il semble y avoir un grand intérêt pour l'émergence de l'Inde.
Les planètes semblent maintenant alignées pour le Canada et l'Inde. Toutefois, l'histoire politique et commerciale des relations entre les deux pays n'est pas encourageante. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, dès 1993, l'ancienne première ministre Indira Gandhi s'est plainte de la faiblesse de nos relations économiques dans un discours qu'elle a fait à Toronto. Même si ces relations sont en croissance, elles demeurent faibles pour ce qui est du commerce et des investissements.
Même si certains affirment que le Canada et l'Inde sont des partenaires naturels, l'histoire politique des deux pays donne à penser autre chose. Les positions de l'Inde et du Canada étaient aux antipodes dans les années 1950, quand les deux pays faisaient partie, avec la Pologne, de la Commission internationale de surveillance et de contrôle, mise sur pied pour superviser la fin de la guerre d'Indochine.
Plus important encore, le Canada s'est senti trahi lorsque l'Inde a procédé à un essai nucléaire en 1974, à l'aide de la technologie canadienne. Le conflit sur la question nucléaire a perduré avec les essais de 1998 et par la suite.
Selon moi, c'était une erreur de laisser cette question, même si elle est très importante, nuire aussi longtemps à nos relations. Nous aurions dû convenir de notre désaccord et faire des progrès dans d'autres domaines.
De surcroît, des responsables de sociétés canadiennes ont commis des erreurs dont on se souvient toujours, en Inde. Les gens d'affaires de l'Inde se sont dit que les dirigeants des entreprises canadiennes manquaient de patience et de persévérance, des qualités essentielles dans le marché indien.
Vous avez entendu parler de l'énorme potentiel de l'Inde, mais vous devez savoir qu'une grande partie de ce potentiel n'est toujours pas réalisé. L'Inde a toujours beaucoup de chemin à faire dans bien des secteurs cruciaux.
La croissance extraordinaire du marché du cellulaire est l'exemple de potentiel d'affaires donné le plus souvent par les dirigeants d'entreprises canadiennes. En décembre 2009 seulement, on a compté plus de 19 millions de nouveaux abonnements à la téléphonie cellulaire en Inde.
À l'heure actuelle, la croissance de l'Inde et de la Chine est rapide, alors que les États-Unis ont entamé, dans un certain sens, un long déclin. C'est pourquoi le Canada a besoin de l'Inde et de la Chine.
Heureusement, comme je l'ai dit, les planètes semblent maintenant alignées. Premièrement, le premier ministre Singh viendra au Canada pour le sommet du G20. De plus, la question du nucléaire semble être résolue. Nous sommes en bonne position pour conclure un accord de partenariat économique global, un accord sur la protection des investissements étrangers et un accord de coopération nucléaire.
Deuxièmement, nous avons beaucoup d'argent futé qui sert à faire des affaires en Inde ou à évaluer le marché. Par exemple, Research In Motion, Hôtels Fairmont, Brookfield Asset Management et, semble-t-il, Power Corporation profitent de cette réserve d'argent.
Troisièmement, le Canada est plus présent sur le terrain et la plupart des dirigeants croient que nos représentants et les gens d'Exportation et Développement Canada font du bon travail, en Inde. En 2008, le financement d'EDC est passé à 1,8 milliard de dollars dans ce pays.
Enfin, le Canada a beaucoup à offrir à l'Inde dans les secteurs comme l'énergie renouvelable et les infrastructures. Plus tôt cette semaine, j'ai fait un discours au forum 2010 de l'École de gestion Telfer et de la Indo-Canada Ottawa Business Chamber, axé sur les occasions d'affaires dans les domaines des infrastructures et de la sécurité en Inde. Par ailleurs, le ministre du Transport routier et des autoroutes de l'Inde, Kamal Nath, vous a fait part de plans ambitieux.
Dans un autre ordre d'idées, j'ai fait des travaux sur l'Inde sous l'angle géopolitique. À cet égard, je suis beaucoup moins optimiste. Comme je l'ai écrit dans le National Post, j'étais à Mumbai pour le premier anniversaire de l'attaque à la bombe du 26 novembre 2008. La colère envers le Pakistan était palpable. Les Indiens n'ont pas tout à fait tort de croire qu'ils ont été très patients avec les Pakistanais. Donc, on ne sait vraiment pas comment l'Inde réagirait si un autre attentat terroriste devait se produire qui aurait été ou semblerait avoir été planifié au Pakistan.
Mon étude sur les entreprises canadiennes qui font des affaires en Inde se termine sur des recommandations à l'intention du gouvernement et des entreprises. Je vais vous parler du gouvernement. Premièrement, aucun cadre rencontré en entrevue n'était en faveur de l'élargissement du rôle du gouvernement, ce qui rappelle la position des experts en commerce Michael Hart et Fen Hampson, qui ont témoigné devant le comité. Cela dit, bien des dirigeants pensaient que nous avons besoin d'un premier ministre qui est plus proactif au sujet de l'Inde. Deuxièmement, des relations politiques améliorées et continues entre les deux pays ne peuvent qu'aider nos relations d'affaires. Enfin, il y a des occasions d'affaires considérables dans le nucléaire civil, un domaine où nous sommes en retard par rapport à des pays comme la Russie. Néanmoins, nous devons d'abord clarifier le statut d'EACL si nous voulons faire des progrès. Enfin, le Canada doit renforcer son image en Inde.
Pour ce qui est des affaires, les gens des entreprises doivent être bien préparés avant d'entrer dans le marché de l'Inde et être en mesure de s'investir à long terme, avec l'appui de leurs PDG. Les banquiers ou les investisseurs de passage n'obtiendront pas de succès.
Lorsque j'ai demandé à Tarun Das, qui est depuis longtemps le conseiller principal de la Confédération des industries indiennes à New Delhi, de me donner ses conseils à propos des entreprises canadiennes, il a répondu :
Premièrement, il faut choisir avec soin la ou les régions du pays où on veut faire des affaires, compte tenu de l'étendue et de la diversité de l'Inde. Il est encore difficile de faire des affaires dans ce pays.
Les États de l'Inde sont différents les uns des autres. On a l'impression de traiter avec 28 pays différents. La nourriture, la culture, la langue, les cérémonies de mariage, les religions et les pratiques religieuses sont différentes. Il faut donc être guidé par une personne digne de confiance.
Deuxièmement, il faut canaliser ses énergies au lieu de s'éparpiller partout en Inde. Il faut trouver les deux ou trois États où il y a un maximum d'occasions d'affaires à saisir.
Enfin, il faut être patient. Il faut du temps pour conquérir l'Inde. Par contre, il y a beaucoup d'argent à faire et d'occasions qui se présentent si on est patient. Il faut avoir l'endurance, non pas d'un coureur de 100 mètres, mais d'un marathonien.
M. Das a ajouté qu'on voyait le Canada d'un très bon œil, en Inde, et qu'il fallait en profiter.
Je suis d'accord avec lui. Comme je l'ai souligné plus tôt, les planètes sont actuellement alignées pour le Canada et l'Inde. Le gouvernement et l'entreprise privée devraient saisir cette occasion.
Je vous remercie encore de m'avoir invité et je suis prêt à discuter avec vous.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Goold, soyez le bienvenu.
À la page 6 de votre mémoire, vous dites que la plupart des dirigeants d'entreprises se disent satisfaits de l'aide reçue du haut-commissariat, des consulats, des agents de commerce et d'EDC en Inde. Les opinions concernant la valeur des missions commerciales étaient partagées.
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur la nature des doutes émis par les dirigeants d'entreprises concernant la valeur commerciale et surtout, comment le gouvernement canadien pourrait-il les aider afin que ce soit plus efficace?
[Traduction]
M. Goold : Merci de vos questions, madame le sénateur. Tout d'abord, concernant leur satisfaction ou leur insatisfaction à l'endroit du haut-commissariat et des consulats, les dirigeants m'ont dit en général — et j'ai fait passer 50 à 60 entrevues — que ces institutions offraient les services auxquels les gens d'affaires s'attendent du gouvernement. Il est difficile d'établir des contacts en Inde. Le haut-commissariat et les consulats possèdent les données relatives aux grandes sociétés, comme Tata Group et Reliance Industries, de même que le nom de leurs personnes-ressources. Je crois que cette information est essentielle pour les gens d'affaires.
Jusqu'ici, je dirais qu'on obtient de bons résultats. Le Canada a élargi son réseau de contacts en Inde. Je crois que ce réseau est maintenant le troisième plus important du Canada, à l'étranger.
Nous sommes très souvent allés en mission commerciale. Le premier ministre Harper a fait une visite en novembre, puis le premier ministre McGuinty, suivi du premier ministre Charest. Il y a peu de temps, j'étais en Alberta et je sais que cette province a aussi effectué des missions commerciales. Or, on se demande, en Inde, où l'Alberta et l'Ontario se situent exactement, quelle est leur marque distinctive et comment elle se compare à celle du Canada. À mon avis, il y a là un problème.
Pour ce qui est de la valeur des missions commerciales, tout dépend de l'expérience des responsables d'une entreprise. Bien sûr, on peut choisir de participer ou non à une mission commerciale. Les dirigeants des entreprises qui viennent tout juste d'entrer sur le marché de l'Inde veulent établir des contacts et être vus en compagnie de politiciens ou de fonctionnaires de premier plan. On m'a raconté que des entreprises avaient grandement bénéficié de l'intervention d'une personnalité politique, qui avait donné un coup de fil décisif pendant les négociations.
Certains m'ont même dit qu'on se souvient toujours de la mission d'Équipe Canada menée par l'ancien premier ministre Chrétien, en 1996. On ne sait pas si les marchés dont on s'est targué étaient réellement nouveaux, mais on peut dire que la mission a eu un impact.
Les responsables des grandes entreprises ou des entreprises qui ont beaucoup d'expérience dans le marché de l'Inde pensent qu'ils peuvent se charger eux-mêmes d'établir des contacts. Ils ont en effet des gens qui s'occupent de ce marché depuis longtemps. Certains sont là depuis des dizaines d'années et ils n'ont pas besoin de l'aide du gouvernement. Cela dit, il est vrai que certaines personnes voient surtout les missions commerciales comme des occasions pour les politiciens de se faire prendre en photo.
La bonne nouvelle est que les responsables d'entreprise peuvent choisir de participer ou non aux missions commerciales. La décision leur appartient. Certains trouvent ces missions utiles et y participent; d'autres pensent le contraire et ils y participent une fois seulement ou s'en abstiennent complètement.
Le sénateur Wallin : Je vous encourage à faire un rapport sur le Brésil et à venir nous le présenter. J'ai entièrement confiance en votre approche.
Vous avez parlé du conflit avec l'Inde, dans les années 1970, à propos de la vente de nos réacteurs, de l'achat de réacteurs russes, du nouvel accord entre les États-Unis, et cetera. Tout cela s'inscrivait dans le contexte d'une recommandation selon laquelle nous devons prendre des décisions concernant EACL. Pouvez-vous s'il vous plaît nous donner plus de détails?
M. Goold : Comme je l'ai dit dans mon exposé, on a pris de très mauvaises décisions, au Canada. Nous aurions dû reconnaître notre désaccord. Par nature, la diplomatie consiste à maintenir des relations malgré les différences. Nous avons cessé nos relations avec l'Inde en 1974 et cette situation a perduré pendant 30 ans. Durant cette période, nous avons accompli très peu de choses au lieu de progresser dans les domaines comme l'éducation, le commerce et les échanges culturels.
Heureusement, cette époque semble révolue. En novembre, un accord de coopération nucléaire a été annoncé. Nous espérons qu'il verra bel et bien le jour. Au cours de sa visite ici, Kamal Nath s'est fait demander où les choses en étaient rendues. Il a répondu qu'il examinerait le dossier à son retour en Inde. Je crois qu'on se penche présentement sur la question dans le cadre d'une mission commerciale dirigée par Roy MacLaren et John Manley.
Dans le domaine nucléaire, peu de pays ont une chaîne de valeur aussi complète que celle du Canada, qui possède une technologie semblable à celle de l'Inde. Les responsables d'EACL ne cherchent pas particulièrement à vendre des réacteurs de dernière génération à l'Inde, mais ils veulent établir un partenariat avec ce pays pour renouer le dialogue. Les gens d'EACL ont établi un bureau à Mumbai et ils ont conclu un accord avec une des plus importantes entreprises en Inde, Larsen & Toubro. Les occasions et les besoins sont là. Le gouvernement de l'Ontario est particulièrement attentif et il espère qu'il y aura des développements. L'Inde a des plans ambitieux en ce qui concerne l'énergie nucléaire.
Comme dans bien d'autres domaines, le Canada accuse du retard. Nous sommes en queue d'un très important peloton. Comme le sénateur Wallin l'a mentionné, l'Inde et les États-Unis ont conclu l'accord 123. Je crois savoir qu'il y a des problèmes, mais je m'attends à ce qu'on aille de l'avant. Récemment, l'Inde a passé un accord avec la Russie. Elle a également des accords de coopération nucléaire avec la France et le Kazakhstan. Le Canada a un grand atout : il possède une des plus importantes réserves d'uranium au monde. En plus, cet uranium est de très grande qualité. En revanche, l'Inde possède du thorium. Je ne suis pas un expert en technologie nucléaire, mais je sais qu'on se demande encore si le thorium peut remplacer l'uranium, en tout ou en partie.
Je conseille au gouvernement fédéral et, en particulier, au gouvernement de l'Ontario d'éclaircir le statut d'EACL. Il est très difficile pour l'Inde de conclure un marché avec le Canada alors que le futur de la société d'État est à ce point incertain. Il faut d'abord savoir à quoi s'en tenir. En fait, nous avons une décision fondamentale à prendre : nous devons déterminer si le nucléaire est un secteur important en Ontario et au Canada ou s'il vaut mieux l'abandonner.
Enfin, non seulement les responsables d'EACL — et les gens peuvent avoir des points de vue différents sur l'histoire haute en couleur de cette société —, mais des dizaines de petits fournisseurs, concentrés en Ontario, attendent depuis longtemps qu'on passe un accord de coopération nucléaire. Essentiellement, ces entreprises attendent le feu vert pour faire des affaires en Inde. C'est une occasion importante que nous devons saisir.
Le sénateur Finley : Je reconnais la valeur de votre avis. Dans votre mémoire et votre exposé, vous parlez de renforcer l'image du Canada, de l'Alberta et de l'Ontario. Que voulez-vous dire au juste et quelle est la meilleure façon d'améliorer leur image?
M. Goold : À la fin de mon exposé, j'ai souligné les commentaires de M. Das selon lesquels le Canada jouit, en Inde, d'une bonne réputation et d'un capital de sympathie. Pour ma part, je pense que nous n'avons pas autant de notoriété que nous le croyons, en Inde et dans bien d'autres pays. La vision passéiste de ce qu'est vraiment le Canada est encore trop présente — la Gendarmerie royale, les montagnes Rocheuses, et cetera.
Nous avons besoin de refaire notre image. Ce n'est pas une mince tâche que de créer une nouvelle image qui dit à la face du monde que Research In Motion est une entreprise canadienne, que le Canada compte de merveilleuses entreprises de haute technologie et qu'il est tourné vers l'avenir. En effet, la plupart des gens en Inde croient que Research In Motion est une entreprise américaine. Pour ce qui est de Bata, qui fait des affaires en Inde depuis les années 1930, on pense que c'est une entreprise indienne. C'est dommage, mais la seule entreprise canadienne que les gens connaissent est Nortel, ce qui n'est sans doute pas notre meilleure carte de visite. Il est plutôt difficile de travailler avec les provinces dans un pays aussi varié, mais il faut que le Canada ait une idée précise et plus moderne de qui nous sommes pour refléter cette image dans le monde. C'est tout un contrat.
Le sénateur Finley : Hier, un témoin, qui décrivait les relations entre le Canada et l'Inde sous l'angle commercial, a dit qu'on en était à nos débuts, et non à l'étape de la planification de projet. Je ne sais pas si vous avez dit ou écrit cela par comparaison avec le Royaume-Uni et les États-Unis, mais je ne pense pas que le Canada a de très bonnes relations parallèles avec l'Asie. Je vous prie de me pardonner si ce n'est pas vous qui avez dit cela.
Parle-t-on des mêmes choses? L'approche des gens du Canada — mise à part la question de l'image que vous avez évoquée — s'apparente-t-elle à celle d'amateurs? Comment décrivez-vous des relations parallèles?
M. Goold : Je n'ai pas dit ce que vous venez de mentionner.
Les relations parallèles sont habituellement associées à une diplomatie officieuse, où les participants essaient de s'entendre dans divers domaines. Je dirais que le Canada a essayé de faire cela un peu en Asie, mais vraiment pas assez.
Par exemple, je suis allé à Delhi en 2008 avec des représentants de la Fondation Asie-Pacifique du Canada pour une visite informelle, avant tout. Nous avons regardé où les deux pays pourraient collaborer — en Afghanistan et dans les secteurs de l'énergie et de l'éducation. À propos de l'Afghanistan, il ne semblait pas possible de travailler ensemble même si, étonnamment, l'Inde a une présence importante là-bas. L'Inde a investi 1 milliard de dollars dans ce pays. Concernant l'énergie, on avait vraiment l'impression que bien des choses pourraient être accomplies, que ce soit dans le nucléaire, l'énergie renouvelable ou d'autres secteurs. En Inde, il y a énormément de besoins en énergie qui ne sont pas comblés. Pour ce qui est de l'éducation, j'ai remarqué que le dernier témoin invité ici, Ramesh Thakur, a amplement parlé des occasions que le Canada doit saisir, comme l'a fait l'Australie.
Le sénateur Finley : L'Inde est un pays immense doté d'une population énorme. Vous n'avez pas mentionné Bombardier quand vous avez parlé des entreprises qui font des affaires en Inde. À n'en pas douter, quand je pense au transport en commun sur terre et dans les airs, je pense aux avions et aux wagons de Bombardier. Savez-vous si des responsables d'entreprises canadiennes essaient d'exploiter ce marché potentiel? Y a-t-il eu beaucoup de travail à cet égard?
M. Goold : J'ai justement participé à une conférence sur les infrastructures, il y a deux jours. Il y avait un représentant de SNC-Lavalin, mais pas de Bombardier, à ce que je sache. Cette entreprise est certainement le meilleur exemple qu'on peut trouver dans le domaine. Si vous êtes allé à Delhi dernièrement, vous avez pu constater que la majorité de la ville est sens dessus dessous en raison de l'expansion du métro. Quand on aura fini les travaux en 2018, le réseau sera plus important que celui du métro de Londres. Je crois que Bombardier fournit les wagons. À mon avis, cette entreprise représente le meilleur exemple de ce dont vous parlez.
En ce qui a trait aux infrastructures, vous savez que le gouvernement de l'Inde, dans le cadre de son onzième plan quinquennal qui s'échelonne de 2007 à 2012, a alloué la somme faramineuse de 514 milliards de dollars — un montant qui dépasse presque l'entendement.
Le sénateur Smith : Vous avez parlé d'une réunion récente où « aucun dirigeant n'était en faveur de l'élargissement du rôle du gouvernement ». Vous avez dit que le premier ministre s'était déplacé en Inde, mais pas les gens du gouvernement, en tant que tel.
Nous connaissons tous bien le financement d'EDC, d'ailleurs, 1,8 milliard de dollars est une somme rondelette, et nous connaissons bien les services consulaires. En Inde, on est submergé de demandes pour immigrer au pays, mais il s'agit d'un personnel différent. Pour ma part, j'ai toujours été en faveur d'Équipe Canada. Je suis allé en Chine avec M. Chrétien. La mission comprenait 300 hommes et femmes d'affaires et elle a été fort réussie.
Hier, un témoin brillant nous a fait part d'une excellente idée. Il a affirmé qu'il serait très avantageux que les différents ordres de gouvernement au Canada créent un fonds pour favoriser les projets en Inde, en partenariat avec le secteur privé. Il a aussi parlé du fonds de souveraineté du Singapour grâce auquel on a investi 400 millions de dollars dans le secteur du logiciel, au Bangalore.
Bien que j'appuie entièrement toutes ces activités gouvernementales axées sur l'investissement, j'ai l'impression que cela touche un domaine dans lequel, selon vous, aucun de ceux à qui vous avez parlé n'envisagerait cette option, parce que, dès qu'on le fait pour un pays, les autres feront la queue à la porte. Avez-vous un commentaire sur cette idée qui a été lancée hier?
M. Goold : Il s'agit d'un aspect important. J'ai entendu et lu le témoignage sur le fonds public-privé indien. Si les investisseurs privés sont prêts à prendre le taureau par les cornes, ils peuvent voter pour ce concept.
Le sénateur Smith : Personne n'a de problèmes avec les investissements privés.
M. Goold : En effet. J'imagine que si le gouvernement considérait cela de l'argent bien investi, il pourrait trouver un terrain d'entente.
Une chose que le Canada ne fait pas et qui donne une longueur d'avance aux autres pays, comme l'Inde, c'est de mettre sur pied des consortiums. J'ai entendu parler de l'exemple de la Malaisie qui obtient un important pourcentage des contrats pour les routes et qui y arrive en présentant un accord global au gouvernement indien. On pourrait faire la même chose avec le transport en commun comme le métro, un secteur qui exige un grand nombre d'intervenants pour obtenir le produit final. Nous n'avons pas tendance à le faire. Il s'agit quand même d'une possibilité qui mérite qu'on s'y attarde. Si on obtient le soutien du secteur privé, le gouvernement devra alors déterminer si c'est dans son intérêt de verser un montant de contrepartie ou pas.
Le sénateur Smith : Mais le faites-vous seulement pour un pays?
M. Goold : Oui. Il s'agit d'un ensemble de circonstances pour un ensemble d'occasions dans le pays X qui ne pourraient pas être reproduites dans le pays Y. Les circonstances, le moment et les occasions ne sont pas nécessairement aussi bonnes dans un autre pays.
Le sénateur Smith : Au sujet du métro, connaissez-vous bien l'usine de Bombardier au Gujerat?
M. Goold : Oui.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue, monsieur Goold. Il est agréable de vous revoir.
Je n'ai vraiment rien à redire sur votre présentation; je l'ai trouvée très bonne. Vous nous avez donné des munitions supplémentaires sur certains enjeux dont nous traitons. Cependant, il faut rappeler que l'Inde d'aujourd'hui est différente de l'Inde d'il y a 10 ans. Les obstacles qui entravent les entreprises canadiennes, les questions de réglementation, le protectionnisme et certains autres problèmes auxquels les entreprises sont confrontées, ont changé.
Ma première question concerne votre commentaire sur l'alignement des étoiles. Au cours des dernières années, outre le premier ministre, des ministres et d'autres premiers ministres ont participé à plus d'une douzaine de visites précisément pour favoriser l'alignement de ces étoiles. Abordons-nous cela correctement?
M. Goold : Au sujet des visites en Inde?
Le sénateur Di Nino : Oui.
M. Goold : J'ai vu une liste qui comportait un nombre astronomique de visites. Si nous tenons compte de tous les ministres fédéraux et provinciaux, la liste des trois ou quatre dernières années est longue.
Je crois qu'il y a deux problèmes, dont un que nous ne pouvons pas facilement résoudre, à savoir le fait que les gouvernements provinciaux font une chose et que le gouvernement fédéral en fait une autre. En Inde, ils accueillent un flot continu de personnes et ne sont pas trop certains de la fonction du ministre de X de la Saskatchewan ou de peu importe d'où il vient.
Le deuxième problème, et il réside peut-être dans la nature même des gouvernements minoritaires, c'est que ce n'est pas le même ministre d'une visite à l'autre. Je crois qu'il y a un manque de suivi. En Inde, il est particulièrement important de conclure un engagement et d'établir un lien, puis d'en assurer le suivi. Souvent, c'est ce qui fait défaut. On envoie une délégation de gens qui ne donnent pas suite à ce qu'ils ont promis ou à ce qu'ils ont l'intention de faire et on n'entend plus jamais parler d'eux. Certaines de ces délégations ont de bonnes répercussions, mais il y a un manque de suivi.
Le sénateur Di Nino : Vous avancez que les missions devraient peut-être devenir des missions conjointes fédérales- provinciales au lieu d'être séparées.
M. Goold : Ce serait certainement une idée, si les provinces sont d'accord. Au minimum, il faut avoir de la coordination. L'Inde vient tout juste d'accueillir trois importantes délégations — le premier ministre, le premier ministre de l'Ontario et le premier ministre du Québec. Si nous nous mettons dans les souliers de l'Inde, ils reçoivent ce flot de Canadiens de milieux indéterminés qui débarquent et qui présentent des offres diverses. Il faut une plus grande coordination.
Le sénateur Di Nino : Quels avantages pourrions-nous tirer de l'importante diaspora indienne, particulièrement du groupe imposant de Canadiens d'origine indienne — dont certains sont en fait encore Indiens — dans le milieu professionnel canadien? D'après ce que vous savez, forment-ils une ressource qui pourrait nous être utile?
M. Goold : C'est une bonne question. Selon le recensement de 2006, les Asiatiques du sud devançaient les Chinois en tant que groupe ethnique le plus important, avec plus d'un million d'individus sur les 34 millions qui vivent au Canada.
Il y a des problèmes avec la diaspora, pour être franc. Elle est divisée principalement entre deux villes : Toronto et Vancouver. Elle est elle-même divisée. La majorité des Indo-Canadiens sont originaires du Gujerat ou du Punjab, et il y a des divisions au sein même du groupe. Nous n'avons pas un, pas deux, mais bien trois groupes de pression : la Indo- Canada Chamber of Commerce, le Conseil de commerce Canada-Inde et la Canada India Foundation. Selon moi, il faut plus de coordination.
Ensuite, bien qu'il y ait du potentiel, il faut mener plus de recherches. Lorsque j'étais en Inde, on m'a demandé ce qui avait été fait sur la diaspora, et j'ai répondu : « Très peu ». Le centre d'études sur la démocratie de l'Université Queen's, en collaboration avec la Fondation Walter et Duncan Gordon, a mené des travaux qu'il aimerait bien poursuivre. Peu importe si c'est ce comité ou un autre qui le fait, ce domaine doit être examiné.
Enfin, cette communauté a un immense potentiel, parce que c'est la diaspora indienne occidentale la plus importante par habitant. Par comparaison, la diaspora aux États-Unis est beaucoup plus puissante. Pour fournir un exemple précis, la pression exercée par la diaspora indienne aux États-Unis compte parmi les facteurs qui ont mené à la signature de l'accord 123 sur le nucléaire.
Le sénateur Jaffer : Monsieur Goold, j'ai bien aimé vous écouter. Si quelqu'un d'autre avait dit ce que vous avez dit, le comité ne l'aurait probablement pas pris autant au sérieux. J'ai vraiment bien aimé vos commentaires.
M. Goold : Merci.
Le sénateur Jaffer : Connaissez-vous un pays, autre que les États-Unis, peut-être l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, qui a de meilleures pratiques commerciales avec l'Inde?
M. Goold : Je ne peux pas répondre précisément sur le commerce, mais le Canada fait moins bien que d'autres. Dans le témoignage d'il y a deux séances, il y a eu de brèves références au travail des Allemands, par exemple. Toutes les entreprises allemandes sont membres de la chambre de commerce de l'Allemagne et sont bien représentées en Inde. Il s'agit là certainement d'un exemple positif.
Ramesh Thakur a discuté des raisons pour lesquelles d'autres pays ont plus de succès sur le plan de l'éducation. Ryan Touhey, un de mes collègues au Conseil international du Canada, a rédigé un rapport d'étude qui compare ce que le Canada a accompli à ce que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont fait. Nous sommes loin derrière, sur le plan des réussites de ces pays. Malheureusement, bien entendu, après avoir effectué un merveilleux travail de promotion, l'Australie connaît vraiment moins de succès en ce moment à cause d'incidents malheureux auxquels des étudiants indiens ont été impliqués.
Nous n'avons pas été à l'avant-garde et nous devons, selon moi, regarder les meilleurs exemples d'autres pays et examiner ce qu'ils font en Inde que nous ne faisons pas.
Le sénateur Jaffer : Si vous deviez dresser la liste des priorités auxquelles nous devrions répondre, je conclus qu'une d'entre elles serait d'avoir un effort plus concerté, du moins entre les gouvernements provinciaux et fédéral, et je ne parle pas de cela, mais qu'est-ce que nous devrions faire en premier?
M. Goold : J'ai mentionné le rôle du premier ministre, qui est probablement le point soulevé le plus souvent par les chefs d'entreprise. Ce n'était pas une critique particulière du premier ministre actuel; c'était seulement au sens qu'il faut une participation continue de la part de la plus haute instance politique. Tony Blair, qui aide la vente d'Airbus en Inde, et le président français Sarkozy, qui a été actif sur le plan du nucléaire, ont été cités en exemple.
Je vais aussi parler du montant que les autres pays sont prêts à investir dans leurs efforts. Les accords scientifiques et techniques que nous avons ne prévoient qu'une très faible somme d'argent. Auparavant, c'était 6,7 millions de dollars sur cinq ans, et je crois que cela a peut-être été renouvelé, mais il ne s'agit toujours que d'une somme minime. Si nous voulons redoubler d'efforts dans un pays comme l'Inde, nous devons être prêts à payer le prix et, selon moi, nous ne l'avons pas fait.
Voilà deux priorités : une participation de la part du premier ministre et un investissement plus considérable dans les sciences et la technologie. Finalement, je dirais qu'il faut une meilleure coordination sur le plan de l'éducation qui, comme un témoin précédent l'a dit, est un des plus importants commerces d'exportation en Australie.
Le sénateur Jaffer : Une distance s'est installée dans les relations entre l'Inde et le Canada. Durant les années Nehru, les relations avec le Canada étaient très bonnes. Toutefois, depuis, il y a cette distance. Croyez-vous que nous devons apprendre à travailler avec l'Inde?
M. Goold : Je crois bien. J'ai questionné les chefs d'entreprise et les fonctionnaires au sujet de la culture d'entreprise. Nous devons d'abord faire de l'Inde une priorité et nous devons ensuite comprendre le pays.
Le problème, c'est que, dans la conception populaire, et dans une certaine mesure, dans la conception du monde politique et des affaires, l'Inde est perçue comme un grand pays chaud qui croupit dans la pauvreté et qui connaît des inégalités et un rythme plutôt lent du côté des affaires et de la vie courante. Ce n'est certainement plus le cas, si ce l'a déjà été. Nous devons voir l'Inde telle qu'elle est aujourd'hui.
Le pays change tous les six mois selon ceux qui y vont depuis 20 ans. Il y a un énorme esprit d'entrepreneuriat en Inde. Tout le monde, y compris les déshérités et les plus pauvres, fabrique ou vend quelque chose. Il ne manque pas de dynamisme. Lorsqu'on se trouve dans un tel pays, on a vraiment l'impression que le monde évolue sous nos yeux. Selon moi, nous n'avons pas suffisamment cette impression ici. Nous devons comprendre l'Inde de 2010 et aller de l'avant maintenant que, comme je l'ai dit, les étoiles semblent être alignées comme elles ne l'ont pas été depuis très longtemps.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Goold, je voudrais revenir sur la question de l'éducation. Dans votre mémoire — je vous remercie pour la qualité de ce mémoire — vous faites référence à l'importance capitale de l'engagement à long terme et il m'apparaît une évidence qu'une implication au stade de l'éducation est de nature à provoquer cette relation à long terme. Nous sommes familiers avec les efforts que les universités canadiennes entretiennent déjà avec leurs vis-à- vis indiens, mais nous avons aussi l'impression que ce n'est pas suffisant.
Que peut-on faire pour renforcer davantage les liens entre les universités, les organisations scientifiques et technologiques? Nous avons un accord avec eux et le gouvernement vient, dans son budget, d'augmenter les sommes concernant la science et la technologie. Donc, les universités et les organisations scientifiques et technologiques, les centres de recherche canadiens, d'une part et leurs partenaires indiens. Que doit-on faire de plus?
[Traduction]
M. Goold : Là est toute la question. L'une des complications avec l'éducation, c'est que nous avons un partage des compétences au Canada et que l'éducation relève des provinces.
Je reviens à peine de donner une conférence à Edmonton. Je ne savais pas avant ma visite que l'Université de l'Alberta avait des accords avec des établissements d'enseignement en Inde. Le Grant MacEwan College en Alberta entretient des rapports avec l'Inde, de même que bon nombre d'écoles de commerce comme la Schulich Business School à Toronto.
Sur le plan de l'éducation, il y a beaucoup d'avantages, dont les avantages économiques et le fait que si, par exemple, un Indien étudie ici et retourne par la suite en Inde, il devient alors un ambassadeur de choix. Le potentiel est énorme. Que ce soit sur le plan des recherches, des échanges d'étudiants ou du développement de liens plus étroits entre les groupes de réflexion, beaucoup peut être accompli.
Vous avez dit au début qu'il fallait un engagement à long terme. J'ai mentionné de manière elliptique qu'il y avait eu des déboires commerciaux il y a bon nombre d'années. Le cœur de l'histoire, c'est que beaucoup d'entreprises qui s'étaient, semble-t-il, engagées à long terme, sont parties. Encore aujourd'hui, ils s'en souviennent. De toutes les leçons commerciales, celle-ci arrive probablement en tête.
Le sénateur Nolin : Sur le plan de l'éducation, l'Australie semble plus avancée que nous. Que fait ce pays que nous ne faisons pas?
M. Goold : Je dois avouer que je ne suis pas un spécialiste des réalisations de l'Australie. M. Thakur a vécu en Australie et vous a donné certaines idées à cet égard. C'est, en grande partie, une question de marketing et d'accepter que le monde évolue et que l'Inde est un pays important avec lequel l'Australie doit établir des liens plus étroits, puisqu'il s'agit d'un pays asiatique, après tout.
Le sénateur Nolin : À votre connaissance, quels genres de programmes avons-nous dans nos universités qui pourraient être particulièrement utiles à nos étudiants indiens? Cela fait probablement partie des stratégies marketing, mais qu'avons-nous à offrir, à votre connaissance?
M. Goold : Tout d'abord, nous avons de bonnes écoles de commerce. Il y a certains liens d'affaires. Comme je l'ai mentionné, à Toronto, l'École de commerce Schulich y offre des cours et elle a noué des liens avec un établissement d'enseignement indien.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Goold, vous avez parlé de la stratégie de marketing de l'Australie qui leur a permis de connaître beaucoup de succès en Inde. Vous avez dit, en réponse à la question du sénateur Nolin, ne pas être totalement au courant de cette stratégie.
En connaissez-vous les grandes lignes? Savez-vous, si nous n'avons aucune stratégie, comment on peut comparer avec ce qu'ils ont fait?
[Traduction]
M. Goold : Si nous avons une stratégie, peut-être quelqu'un pourrait-il nous dire ce qu'elle est. L'Australie a un avantage parce qu'elle fait partie de l'Asie ou qu'elle est à la périphérie de l'Asie. D'après ce que j'en sais, le gouvernement actuel a fait énormément de promotion de la composante asiatique de sa politique étrangère. Par exemple, je crois que le premier ministre australien peut se rendre à Pékin et obtenir une audience que peu d'autres personnes auraient, puisqu'il parle le mandarin. Il pourrait même critiquer le gouvernement chinois en matière des droits de la personne au Tibet, entre autres. Nous n'avons pas ces avantages et nous avons bien besoin d'une stratégie.
La présidente : D'après ce dont je me souviens, il y a une vingtaine d'années, l'Australie a décidé consciemment de mettre l'accent sur l'Asie-Pacifique, qui regroupe les pays voisins, particulièrement sur le plan du commerce. Les Australiens ont commencé à ouvrir davantage d'ambassades et à en fermer d'autres de manière stratégique. Je crois qu'ils ont quelque peu réévalué cela au cours des dernières années, mais c'était fonction d'un marché qu'il fallait explorer et qui constituait aussi leur voisinage, si je peux m'exprimer ainsi, peut-être comme nous l'avons fait dans notre hémisphère.
M. Goold : En fin de compte, et je crois que Kamal Nath l'a également souligné, c'est que le Canada est trop centré sur l'ALENA aux yeux des Indiens. Nous devons nous tourner davantage vers le reste du monde.
Je ne tiens pas à faire un long discours sur nos relations avec les États-Unis, mais la frontière est de plus en plus restreinte, comme on vous l'a dit. Il y a des dispositions favorisant l'achat aux États-Unis. Qui plus est, selon certains, nous observons un déclin à long terme de nos voisins du Sud. Je doute que cela se produise au cours de notre existence, mais le poids américain comme puissance mondiale semble vouloir diminuer.
Plus le Canada va se tourner vers les pays BRIC et peut-être même vers des pays comme l'Indonésie, plus nous allons prospérer. C'est une leçon que nous pouvons tirer d'un pays comme l'Australie.
Le sénateur Robichaud : Notre comité pourrait se pencher sur une stratégie et noter les composantes de base dans une proposition au gouvernement et aux entreprises. Serait-ce un bon point de départ?
M. Goold : Ce serait un excellent point de départ. Les témoignages que vous avez entendus étaient de premier ordre, pour la plupart. C'est le bon moment pour tous les pays BRIC. On prend conscience de ce que j'ai dit à propos de nos relations avec les États-Unis. Même si ce pays est d'une importance capitale, il n'est peut-être pas tout à fait ce qu'il était. Le Canada doit se tourner vers le monde. Il serait utile d'établir une stratégie relativement à ce que le gouvernement devrait faire et peut-être même des propositions quant au rôle du secteur privé.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Goold, nous ne semblons pas arriver à trouver une solution à l'Organisation mondiale du commerce pour terminer les négociations de Doha. L'échec des négociations à Genève a fait en sorte que les pays se lancent dans des négociations bilatérales.
En moins de quatre ans, notre gouvernement a ouvert les portes aux entreprises canadiennes par la négociation de nouvelles ententes de libre-échange avec l'Inde, la Colombie, le Pérou, la Jordanie, le Panama et les autres pays membres de l'Association européenne de libre-échange soit l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.
Ces ententes bilatérales sont-elles moins avantageuses qu'un régime d'échange plus ouvert à l'échelle internationale?
[Traduction]
M. Goold : Sénateur, vous relevez la faille évidente des accords commerciaux internationaux. D'une part, nous avons le cycle de Doha, qui est multilatéral. D'autre part, même si tout le monde dit croire au multilatéralisme, tous font leur propre ensemble de négociations commerciales.
Dans le cadre des recherches et des entrevues que j'ai menées, j'ai demandé à des cadres ce qu'ils aimeraient que les gouvernements fédéral et provinciaux fassent et j'ai été quelque peu surpris, car très peu ont parlé d'un accord de libre- échange ou de la LCPE. Les cadres qui l'appuyaient ont dit que ce serait un bon symbole pour montrer que les deux pays vont de l'avant ensemble. C'est donc moins pour le contenu et plus pour la valeur symbolique.
Le CCCE et la Confédération des industries indiennes ont organisé un certain nombre de tables rondes au Canada et en Inde. Ils ont recommandé un accord de libre-échange. La recherche est menée à cet égard et il est prévu d'aller de l'avant. Le Canada est un trop petit joueur pour assurer la réussite du cycle de Doha. Par conséquent, dans la mesure où nous sommes en train de conclure des accords avec divers pays, l'Inde devrait être notre principale priorité, même si elle constitue davantage le symbole d'une relation plus étroite qu'un atout qui aidera grandement à accroître les échanges.
J'ajouterais que d'après ce que je comprends de la LCPE, il s'agit d'une vaste entente qui comprend le secteur des services et les investissements. Ainsi, ce serait une mesure utile qui pourrait nous aider à avancer dans nos relations économiques. Oui, j'estime que c'est une bonne idée.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Goold, croyez-vous que le dollar canadien, qui prend beaucoup de force actuellement, rende le commerce international plus difficile, malgré toute notre bonne volonté de conclure des traités?
[Traduction]
M. Goold : Manifestement, un dollar fort constitue un problème pour un exportateur. Nous n'avons pas vraiment beaucoup de contrôle sur ce facteur. La bonne nouvelle, c'est que le Canada a mieux réussi sur le plan économique que n'importe quel autre pays membre du G8, ce qui a pour effet de majorer notre devise au moment où les biens et services se portent très bien. C'est désavantageux pour les exportateurs, mais il est probablement bon d'avoir une devise forte pour l'image du Canada dans le monde.
Le sénateur Di Nino : Dans votre exposé, vous avez parlé d'un engagement à long terme, d'une approche régionale et d'une stratégie d'entrée. Est-il encouragé d'avoir des coentreprises et des partenariats au sein des entreprises indiennes? Y a-t-il des obstacles? Quelle a été votre expérience à cet égard?
M. Goold : La plupart des entreprises canadiennes ont effectivement conclu un arrangement en coentreprise avec un partenaire indien. Évidemment, tout le monde a dit qu'il faut user de diligence raisonnable relativement au partenaire à choisir. Il y a eu un certain nombre de mauvaises expériences. C'est un domaine où le gouvernement peut aider et où il est intervenu, qu'il s'agisse des représentants d'EDC, des délégués commerciaux, du personnel du haut-commissariat à Delhi ou des représentants consulaires dans tout le reste de l'Inde. Ils peuvent également vous conseiller, sans doute de façon informelle, quant aux entreprises à ne pas aborder.
Bien sûr, l'autre modèle est une filiale en propriété exclusive. Prenons une grande entreprise comme McCain Foods, qui a connu un grand succès en Inde; c'est ce genre d'arrangement qu'elle a. Cependant, pour les petites et moyennes entreprises, la voie habituelle est la coentreprise avec un partenaire indien.
Le sénateur Di Nino : J'aimerais vous poser une autre question à propos d'une région de l'Inde, Gujerat, qui n'a pas reçu beaucoup d'attention pour un certain nombre de raisons. Je crois que c'est probablement le moteur de l'économie indienne en ce moment. Avez-vous eu une expérience avec cette région? Pouvez-vous nous fournir des observations à ce sujet?
M. Goold : Je dirais simplement que lorsqu'un État indien est présenté comme le meilleur exemple d'un milieu d'affaires accueillant et de démarche de libre entreprise, c'est généralement le Gujerat. Il semble être une destination de prédilection pour les gens d'affaires. Au-delà de cela, je n'en sais pas assez à cet égard pour émettre davantage de commentaires.
La présidente : Monsieur Goold, je vous remercie d'être venu nous faire part de vos expériences et de vos réflexions quant au commerce avec l'Inde et à d'autres questions connexes. C'est très utile dans le cadre de notre travail, ce dont vous pouvez vous douter, étant donné les questions posées. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
M. Goold : Merci infiniment.
La présidente : Chers collègues, nous avons distribué deux budgets. Le premier se rapporte à notre ordre de renvoi général. Le second est un petit budget concernant notre étude en cours sur la Chine, l'Inde et la Russie. Les deux budgets prévoient le même montant d'argent.
Avez-vous des questions ou pouvons-nous adopter ces budgets?
[Français]
Le sénateur Robichaud : On parle de 10 000 $. Est-ce qu'on renonce au voyage qui avait été planifié pour l'Inde, comme cela a été fait pour la Russie et la Chine? Est-ce qu'on propose de soumettre un autre budget un peu plus tard au cours de l'année?
[Traduction]
La présidente : Le comité de direction s'est réuni, et il s'agit des demandes de budget générales. La question d'un voyage fait l'objet d'un budget distinct. Nous allons présenter ce budget quand nous aurons terminé d'entendre nos témoins. Il nous reste deux ou trois semaines.
Notre étude est en cours depuis novembre 2007. Par conséquent, je crois qu'il faut clore le dossier de ce vaste ordre de renvoi, après quoi nous pourrons déterminer comment procéder pour achever l'étude entière.
Le sénateur Robichaud : Si je me souviens bien, un budget précédent comportait des dispositions pour un voyage en Inde.
La présidente : Oui, et c'est gardé en suspens pour l'instant.
Le sénateur Di Nino : Madame la présidente, peut-être pourriez-vous m'aider, car je suis quelque peu confus. Ce que vous nous avez présenté, ce sont des extraits des Journaux du Sénat du mardi 16 mars. Si j'ai bien lu, ils portent sur des motions qui sont « adoptées ».
La présidente : Je crois que c'est le renvoi.
Le sénateur Di Nino : S'agit-il seulement du renvoi?
La présidente : Oui.
Le sénateur Di Nino : Je croyais que nous les avions déjà approuvés, mais ils sont présentés de nouveau. Je propose l'adoption des deux budgets, madame la présidente.
La présidente : Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Le sénateur Smith : Je vois effectivement un voyage. Pouvez-vous nous en parler?
La présidente : Il s'agit d'un poste budgétaire général qui est habituellement inclus dans tous les budgets du comité au cas où quelqu'un devrait assister à une conférence. Nous avons prévu cette possibilité, mais il ne s'agit pas d'une conférence en particulier. Il s'agit d'un budget-objet, s'il en est un, qui est pertinent pour notre étude si un membre voulait représenter le comité.
Le sénateur Nolin : En ce qui concerne le voyage en Inde, aurons-nous le temps de le faire avant le dépôt du rapport?
La présidente : Voici où en sont les choses actuellement. Nous avons demandé à nos analystes de commencer à rédiger le rapport sur les trois pays. Nous allons d'abord épuiser la liste de témoins. Si nous pouvons clore le dossier en produisant un rapport général, nous pourrons alors cerner ce qu'il nous reste à faire, comme l'étude sur l'Inde. Ensuite, nous pourrions demander un ordre de renvoi à cet effet qui pourrait entraîner un déplacement.
Le sénateur Jaffer : Le sénateur Di Nino vous a peut-être informé à ce sujet. Ce matin, le Comité de la régie interne a souligné que le voyage en Inde de notre comité pourrait constituer une exception, car nous sommes allés en Chine et en Russie. Quelqu'un d'autre a dit que notre comité pourrait devoir présenter une demande de déplacement. D'après ce que je comprends, le Comité de la régie interne n'a pas encore approuvé les déplacements internationaux, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y en aura pas.
Je me sens mal à l'aise de ne pas être allée en Inde, puisque nous avons visité la Chine et la Russie. Ce n'est pas une bonne façon de mener une étude, particulièrement après avoir entendu aujourd'hui cet étonnant témoin parler des impressions qu'ont les Indiens à certains égards. J'estime que c'est une mauvaise manière de procéder. C'est une erreur que nous ne soyons pas allés en Inde, d'autant plus que nous avons visité la Chine. Cette situation me préoccupe beaucoup.
Comme je suis d'origine indienne, je comprends la concurrence entre ces deux pays. À mon avis, il est de bon augure d'être allés en Chine sans avoir visité l'Inde et de faire rapport au sujet d'une étude sur l'Inde, la Chine et la Russie.
Le sénateur Di Nino : Si mes souvenirs sont exacts, il s'agissait plutôt d'un point soulevé par un membre du comité que d'une discussion à laquelle nous aurions pu accorder une certaine importance. Cependant, je conviens qu'aucune décision n'a effectivement été prise sur la question des voyages à l'étranger pendant la séance du comité ce matin.
La présidente : Notre comité n'a pas pris de décision non plus. Nous demandons un budget général de 10 000 $ pour poursuivre l'étude de toutes les questions. Tous les comités disposent de ce budget général, et il est de 10 000 $ par ordre de renvoi.
Parmi ce qui ne figurait pas au budget, nous voulions savoir si nous avions la capacité suffisante pour la traduction proprement dite, car nous avons déjà eu ce problème. On m'a assuré qu'entre la Bibliothèque du Parlement et les traducteurs, les services de traduction offrent maintenant cette capacité. Ainsi, nous n'avons pas besoin d'un autre poste budgétaire pour la révision. C'est pourquoi nous demandons 10 000 $ par budget.
Le sénateur Banks : Je ne suis pas membre du comité — ou peut-être que je le suis, à la place du sénateur Mahovlich. Je tiens à m'assurer de bien vous avoir entendu dire que vous alliez d'abord présenter un rapport et aller en Inde par la suite.
La présidente : Non, j'ai dit que c'était l'une des propositions pour mettre fin, d'une manière ou d'une autre, à la longue étude. Nous devons déterminer si nous allons voyager, où voyager et comment achever l'étude. Le comité de direction a commencé à en discuter.
Pouvons-nous passer aux deux postes budgétaires?
Le sénateur Jaffer : Puis-je avoir une précision? Aujourd'hui, sénateur Nolin, le problème de la traduction a été soulevé au Comité de la régie interne. Si j'ai bien compris, on a dit que les traductions étaient bonnes et que vous en étiez satisfaits. Or, c'était les nuances qui n'étaient pas correctes.
Le sénateur Nolin : Oui.
Le sénateur Banks : La traduction est bonne, mais l'interprétation est mauvaise?
Le sénateur Nolin : Le problème est le même. Dans certains paragraphes de la version française, il était évident pour les Canadiens français que c'était une traduction de l'anglais. Nous avons dû adapter un peu le texte pour qu'il sonne plus français, mais la traduction était bonne, voire bien meilleure qu'elle ne l'a déjà été.
La présidente : C'est un sujet de préoccupation et nous en assurons le suivi.
Le sénateur Nolin : C'est pourquoi le rôle d'un réviseur est important.
La présidente : C'est exact. D'ailleurs, on m'a assuré que le rôle de réviseur fait partie des capacités du Sénat. Il n'est donc pas nécessaire d'en faire un poste budgétaire.
Plaît-il au comité d'adopter le budget?
Des voix : D'accord.
La présidente : J'ai une autre question. Nous avions décidé qu'aujourd'hui serait un jour de deuil pour les décès survenus en Pologne. Le président Kaczynski et la première dame de la Pologne, ainsi que de nombreux dirigeants politiques, militaires et civils ont trouvé la mort alors qu'ils allaient commémorer le massacre de Katyn. Le sénateur Nolin, moi-même et d'autres en connaissions quelques-uns. En tant que présidente, j'aimerais avoir l'autorisation d'envoyer, au nom du comité, une lettre de condoléances à l'ambassade de Pologne à Ottawa. Consentez-vous à la rédaction d'une telle lettre?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Di Nino : Je propose que ce soit la responsabilité du comité de direction.
La présidente : Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
(La séance est levée.)