Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 4 - Témoignages du 22 avril 2010
OTTAWA, le jeudi 22 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit ce jour à 10 h 31 afin d'étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international étudie l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Les sénateurs ont indiqué vouloir obtenir davantage de renseignements au sujet des visas et du traitement à l'étranger ainsi qu'au Canada, en mettant particulièrement l'accent sur les visas d'affaires et les visas pour étudiants.
Nous recevons aujourd'hui, de Citoyenneté et Immigration Canada, Rénald Gilbert, directeur général, Région internationale, Citoyenneté et Immigration Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada, Geoff Leckey, directeur général des opérations relatives au renseignement et au ciblage et Rick Herringer, directeur des enquêtes pour la sécurité nationale, Opérations relatives au renseignement et au ciblage, également de l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous recevons également Robert Hage, directeur général, Europe, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international Canada. M. Hage connaît bien notre comité et cette étude.
Robert Hage, directeur général, Europe, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci, honorables sénateurs. Je suis heureux de comparaître à nouveau devant votre comité. J'ai eu la possibilité de vous donner une séance d'information avant votre visite en Russie et je présenterai aujourd'hui quelques observations préliminaires portant sur la situation des visas, telle que nous la voyons, en Russie, en Chine et en Inde. Si vous avez des questions à ce sujet, Mme Marthe Lemay, la directrice adjointe pour l'Asie du Sud, pourra y répondre au besoin. Je suis aussi accompagné de M. Shawn Steil, directeur adjoint, Chine élargie et Mongolie.
Je m'en remettrai à mes collègues de Citoyenneté et Immigration et de l'Agence des services frontaliers du Canada pour vous fournir des données précises sur le volume et la fréquence des visas délivrés.
La poursuite dynamique, par le Canada, d'échanges internationaux ouverts et encadrés par des règles, et l'intégration rapide et progressive du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et d'autres économies industrielles émergentes dans les marchés mondiaux a entraîné une augmentation considérable du nombre de citoyens étrangers qui souhaitent visiter le Canada pour affaires au cours des dernières années. Les membres du comité sénatorial l'ont certainement constaté lorsqu'ils se sont rendus en Russie.
Nous avons du mal à composer avec une hausse fulgurante de la demande de visas d'affaires provenant de dirigeants d'entreprise qui souhaitent faire l'acquisition de produits canadiens recherchés, d'investisseurs étrangers potentiels à la recherche d'occasions d'investir ici, et de citoyens étrangers employés par des sociétés canadiennes et étrangères qui souhaitent travailler temporairement au Canada, y suivre des cours de formation et faire l'inspection d'installations de production canadiennes.
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est sensible au fait que Citoyenneté et Immigration Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada ont la lourde responsabilité d'assurer l'intégrité du système d'immigration du Canada et de protéger les Canadiens contre des terroristes et des criminels établis à l'étranger.
Il peut être difficile pour les fonctionnaires d'assumer ces responsabilités tout en appuyant les besoins du monde des affaires, étant donné qu'il n'est pas rare que les représentants du gouvernement et des milieux d'affaires des économies émergentes aient auparavant détenu des postes leur interdisant légalement d'entrer au Canada en vertu de la loi actuelle.
La croissance continue de l'économie canadienne et le maintien de notre niveau de vie actuel dépendent fortement du succès du Canada en tant qu'exportateur et destinataire des investissements étrangers directs. En effet, la viabilité d'un nombre croissant de sociétés canadiennes, et les emplois qu'elles assurent aux Canadiens, est de plus en plus tributaire des investissements canadiens à l'étranger.
Il est fortement dans l'intérêt national du Canada d'entretenir des liens commerciaux avec les économies émergentes — à la fois pour en tirer parti au plan commercial et pour favoriser la poursuite de leur intégration aux marchés internationaux. Cependant, en ce qui concerne certains marchés clés, notre capacité d'atteindre cet objectif est fréquemment entravée par la loi régissant la délivrance des visas.
La nature spécifique des difficultés rencontrées par les hommes d'affaires de la Chine, de l'Inde et de la Russie a été diversifiée, tout comme les mesures prises pour les régler. Toutefois, tous révèlent que les politiques de délivrance de visa du Canada sont plus sévères que celles d'autres pays industrialisés, et que le Canada interdit souvent l'entrée au pays des gens d'affaires étrangers qui sont en mesure d'obtenir des visas des États-Unis, de pays d'Europe et d'ailleurs.
Cette situation place à l'occasion le Canada en situation concurrentielle négative, dans un environnement commercial mondial où la concurrence est très vive, et a créé un sujet de discorde permanent dans nos relations bilatérales avec un certain nombre de pays. Des mesures ont été prises pour aplanir les difficultés dans la mesure du possible, et il y a eu des améliorations.
En Inde, par exemple, les problèmes de visa compromettaient sérieusement l'intensification de nos relations commerciales. De nombreux poids lourds du monde des affaires se sont plaints de l'extrême lenteur du processus de demande de visa et du refus essuyé par des citoyens respectés qui avaient auparavant voyagé dans d'autres pays industrialisés sans difficulté.
En avril 2008, notre haut-commissariat à New Dehli a mis en œuvre un programme de facilitation des affaires (Business Express Program), une voie rapide qui simplifie les formalités administratives pour les visiteurs commerciaux qualifiés et leur permet d'obtenir en un jour ou deux un service de visa, tout en améliorant l'intégrité du programme.
En juin 2009, le haut-commissariat a élargi ce programme aux employés de compagnies indiennes qui présentent une demande de permis de travail temporaire au Canada. Ces initiatives ont été accueillies avec enthousiasme à la fois par les entreprises canadiennes et indiennes, et elles ont énormément contribué à résoudre le problème.
Il s'est avéré plus compliqué d'améliorer la situation en Chine et en Russie, compte tenu des mécanismes de filtrage des demandes de visa qui s'appliquent dans ces pays. Des dirigeants d'entreprises chinoises en possession de visas canadiens se sont plaints à maintes reprises d'avoir été détenus à leur arrivée dans nos aéroports à des fins d'inspection secondaire sans raison apparente. Encore une fois, on fait valoir que bon nombre de ces personnes importantes ont visité d'autres pays sans problème.
La Russie a fréquemment exprimé de sérieuses préoccupations au sujet de la lenteur et de la complexité du processus de demande de visa du Canada et du refus opposé à des représentants importants du gouvernement et des milieux d'affaires russes. En fait, les questions de visa sont une sérieuse pomme de discorde dans notre relation commerciale bilatérale, et les représentants de la Russie ont évoqué la possibilité de recourir à des mesures de réciprocité, voire de rétorsion, à l'encontre du Canada.
Plus tôt cette année, un représentant haut placé d'une région importante de la Russie a été obligé d'annuler une visite au Canada en raison de l'incertitude causée par les délais dans le traitement de sa demande de visa. Il avait été invité par l'une des plus importantes sociétés minières internationales et une association commerciale clef. Étant donné que le gouvernement régional représenté par ce gouverneur a acheté de la technologie et de l'équipement de construction canadiens à hauteur de plus de 200 millions de dollars au cours de la dernière décennie, cette annulation a causé un tord économique à plus d'un exportateur canadien et a nui à l'image et à la crédibilité du Canada. Des situations analogues sont survenues dans le cas de représentants de sociétés russes de premier plan comme Gazprom, Rosnet et le groupe Renova, qui souhaitaient participer à des congrès et à des réunions d'affaires au Canada. Étant donné que la section de l'immigration de notre ambassade à Moscou dessert non seulement la Russie, mais aussi la totalité de l'Asie centrale, cette situation est aggravée par un nombre insuffisant de points de service pour les demandeurs de visa dans la région.
En réponse à ces préoccupations, MAECI et CIC ont collaboré pour aplanir les difficultés dans le cadre de travail actuel. L'information sur le Web concernant le processus de demande de visa est à jour et multilingue, et des efforts de diffusion de l'information sont entrepris auprès des autorités gouvernementales et des milieux d'affaires afin d'accroître leurs connaissances et leur compréhension de la procédure canadienne en matière de délivrance de visa. En outre, nous demandons aux sociétés canadiennes d'encourager les visiteurs étrangers potentiels à présenter leurs demandes de visa canadien le plus tôt possible et à s'assurer qu'elles renferment toute l'information et la documentation requise.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a des milieux de gens d'affaires étrangers visitent le Canada chaque année. La grande majorité de ces visites ne posent aucun problème d'ordre administratif ou juridique, et elles contribuent énormément au rayonnement du Canada en tant que grande nation commerçante et investisseur.
J'espère que nos ministères continueront à collaborer pour répondre aux préoccupations concernant notre processus de demande de visa. À défaut de le faire, des entreprises et des travailleurs canadiens risquent d'essuyer des pertes économiques sérieuses, mais évitables.
[Français]
Rénald Gilbert, directeur général. Région internationale, Citoyenneté et immigration Canada : Monsieur le président, je m'appelle Rénald Gilbert et je suis directeur général de la Région internationale de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Je suis responsable des bureaux de visas à l'étranger. Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invité aujourd'hui.
J'aimerais profiter de l'occasion pour vous fournir une idée concernant le rôle et les responsabilités de Citoyenneté et Immigration Canda (CIC) en ce qui a trait à la gestion du système des visas du Canada.
Les responsabilités du ministère consistent à exécuter le programme d'immigration du Canada non seulement pour les visas temporaires mais aussi pour les résidents permanents.
[Traduction]
En 2009, le réseau des bureaux des visas de CIC à l'étranger a évalué les demandes de résidence temporaire de plus de 1,2 million de personnes. Parmi elles, plus de 940 000 étaient des visiteurs, alors qu'environ 120 000 étaient des étudiants et 178 000, des travailleurs temporaires. Il faut également compter des résidents permanents. Ces tâches sont acquittées par le personnel du ministère à l'étranger, qui compte environ 1 500 employés, dont des agents canadiens postés à l'étranger, ainsi que des agents et du personnel de soutien recrutés sur place.
Beaucoup de plaintes concernant le processus canadien de délivrance de visas sont fondées sur des idées fausses. On invoque notamment le taux de refus très élevé, alors qu'en réalité, 80 p. 100 de toutes les demandes de visa de résident temporaire présentées à l'échelle mondiale en 2009 ont été approuvées. On estime que le taux d'approbation pour les gens d'affaires est encore plus élevé. Une autre idée fausse veut que les délais de traitement soient longs. En 2009, toujours à l'échelle mondiale, 55 p. 100 des demandes de visa de résident temporaire ont été terminées en deux jours ou moins, et 75 p. 100 des demandes l'ont été en une semaine ou moins.
En vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, tous les visiteurs au Canada ont besoin d'un visa, à l'exception des citoyens de certains pays qui se voient accorder une dispense. Actuellement, 143 pays sont visés par l'obligation de visas au Canada, et 54 en sont dispensés. Les pays dispensés comprennent la plupart des pays d'Europe, les États-Unis, le Japon, l'Australie et divers autres pays dans le monde comme la Barbade, la Corée et la Namibie. La liste est longue.
[Français]
Avant de délivrer un visa, l'agent de visa doit être convaincu que le demandeur vient au Canada de manière temporaire et qu'il n'est pas interdit de territoire. La décision d'un agent des visas repose sur les renseignements fournis lors de la demande.
Aux fins de détermination de recevabilité, les agents des visas effectuent un contrôle initial de toutes les demandes reçues à l'aide de bases de données ministérielles et d'indicateurs de risques.
Les cas potentiellement problématiques sont transférés aux partenaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en matière de contrôle sécuritaire, en vue d'obtenir une recommandation.
Mon collègue de l'Agence des services frontaliers du Canada vous expliquera plus en détail le processus de contrôle de sécurité; toutefois, je dois mentionner que Citoyenneté et Immigration Canada et l'agence travaillent ensemble quotidiennement, tant à l'administration centrale que dans les bureaux à l'étranger, afin de maintenir l'intégrité du programme d'immigration et de protéger la santé et la sécurité des Canadiens.
L'application de la loi, y compris ses dispositions sur l'admissibilité, est universelle et non discriminatoire. Bien que la Russie constitue souvent une source médiatisée de visiteurs interdits de territoire, des problèmes d'admissibilité similaires surviennent dans d'autres pays, notamment l'Inde et la Chine.
[Traduction]
Dans les cas où on détermine qu'un demandeur est interdit de territoire, la loi prévoit la possibilité de délivrer un permis de séjour temporaire. En mars 2009, CIC a inauguré une procédure rationalisée pour l'émission des permis aux visiteurs interdits de territoire dont on juge que leur visite est dans l'intérêt supérieur du Canada. Les cas de ces visiteurs ne doivent plus être transférés au point d'entrée pour contrôle secondaire de l'immigration aux seules fins de délivrance du permis et leur départ n'a plus à être vérifié, comme c'était le cas auparavant.
Une question qui demeure concerne les frais de traitement de 200 $ exigés pour le permis. La loi prévoit actuellement de rares dispenses à cette exigence. CIC a examiné la question de la dispense de frais pour les responsables gouvernementaux ou les personnes invitées par le gouvernement du Canada et qui requièrent un permis, et devrait arriver à une solution rapidement.
Je crois savoir que le comité voue un intérêt tout particulier envers la Russie et j'ai pris connaissance de votre récent rapport critiquant les services de visas offerts par le Canada en Russie, de sorte que je parlerai maintenant de la Russie.
[Français]
Je tiens à souligner que le gouvernement du Canada s'engage à offrir les meilleurs services possibles à sa clientèle russe au bureau de visas de Moscou. En ce qui concerne le taux de refus, j'ai constaté qu'en 2009, le bureau de visas de Moscou a approuvé 78 p. 100 de toutes les demandes de visas temporaires et plus de 90 p. 100 des demandes des gens d'affaires.
En ce qui concerne les délais de traitement, le bureau de Moscou a finalisé 78 p. 100 des cas de demandes de visas temporaires en deux semaines ou moins. Toutefois, les cas nécessitant un examen plus approfondi peuvent prendre plus de temps.
Le ministère a déjà pris des mesures pour répondre aux préoccupations concernant notre bureau en Russie et pour améliorer notre service à la clientèle à cet égard. Certaines d'entre elles ne se limitent pas au bureau de Russie mais visent l'ensemble du réseau. Ces mesures proactives ont été prises par Citoyenneté et Immigration Canada à la suite de consultations consulaires constructives avec les responsables russes.
[Traduction]
Par exemple, Moscou a réduit ses délais de traitement des demandes de visa en mettant en place le contrôle initial des demandeurs prioritaires dans la catégorie des gens d'affaires. Moscou continue de sensibiliser la communauté d'affaires canadienne afin de lui faire comprendre la nature de son travail. Le bureau des visas de Moscou utilise maintenant régulièrement les lettres d'intérêt national signées par le chef de mission afin d'amorcer le processus rationalisé d'approbation de la demande de permis. De janvier à mars 2010, 132 de ces lettres d'intérêt national ont été signées. Je dois admettre que c'était inhabituel; il y a eu plus de visiteurs en raison des Olympiques.
De plus, notre bureau des visas s'est lancé dans une initiative de sensibilisation proactive majeure auprès du ministère des Affaires étrangères russe, des comités olympiques, de diverses fédérations sportives et de délégation en visite, et des réunions ont été tenues en continu entre les responsables de CIC et l'ambassade de Russie à Ottawa. Notre bureau de Moscou a déployé des efforts extraordinaires liés aux Jeux Olympiques de Vancouver. Le bureau a lancé de nombreuses initiatives de sensibilisation et a engagé le dialogue avec divers intervenants, tout en menant une campagne de sensibilisation dans les médias. Le personnel a travaillé extrêmement fort sur de longues heures pour veiller à ce que les demandes soient traitées le plus rapidement possible, étant donné la nature hautement médiatisée de l'événement, tout en collaborant étroitement avec nos partenaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'Agence des services frontaliers du Canada afin d'assurer la réussite de l'événement.
En ce qui concerne le G8 et le G20, le Canada a facilité la délivrance de visas aux délégués russes, grâce à la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, qui prévoit la délivrance de visas ordinaires, et non de permis, aux personnes qui seraient interdites de territoire en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
En ce qui concerne le service à la clientèle, CIC s'engage à l'améliorer dans chacun de ses bureaux des visas. Il y a par exemple le programme express visiteurs d'affaires, mené par notre bureau de New Delhi, qui vise à offrir de meilleurs services aux demandeurs dans la catégorie des visiteurs commerciaux travaillant pour des entreprises qui sont jugées fiables et qui font beaucoup de déplacements au Canada. Le Canada a récemment mis en place le même modèle au Mexique, et cherche à l'implanter dans d'autres pays.
En juin, CIC mettra en place un nouveau système de dossier, le système mondial de gestion des cas, qui améliorera grandement l'échange de renseignements avec les partenaires en matière de contrôle et sécurité. CIC reconnaît les avantages économiques et politiques que représentent pour le Canada les responsables gouvernementaux et les visiteurs commerciaux, et s'engage à faciliter l'entrée des visiteurs, tout en protégeant la santé et la sécurité des Canadiens ainsi que la sécurité de la société canadienne.
Dans un tel contexte, CIC s'est engagé à fournir le meilleur service à la clientèle possible. Le ministère s'est amélioré à cet égard, mais reconnaît que davantage de progrès peuvent être réalisés. Nous travaillons activement au maintien et à l'amélioration des services à la clientèle offerts aux demandeurs de visa.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions au sujet du rôle de CIC. J'aimerais laisser mon collègue de l'ASFC, M. Leckey, vous adresser quelques mots.
Geoff Leckey, directeur général, Opérations relatives au renseignement et au ciblage, Agence des services frontaliers du Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, j'aimerais remercier le comité sénatorial de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de la question du traitement des demandes de visas par le Canada en ce qui concerne la Russie, la République populaire de Chine et l'Inde.
[Français]
Dans le discours du Trône de 2010 on a insisté sur le fait que le gouvernement fédéral prendra des mesures pour protéger la sécurité nationale du Canada.
Le document d'orientation de 2004 du gouvernement du Canada intitulé Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale met l'accent sur trois intérêts de base liés à la sécurité nationale : protéger le Canada et les Canadiennes et Canadiens au pays et à l'étranger; veiller à ce que le Canada ne soit pas une base pour les menaces à ces alliés et, contribuer à la sécurité internationale.
En mars 2010, les ministres des Affaires étrangères du G8 ont convenu que la sécurité et la prospérité étaient favorisées par des États démocratiques qui respectent les droits humains et la primauté du droit.
[Traduction]
Avant décembre 2003, les responsabilités relatives à l'exécution de la loi sur l'immigration et aux renseignements en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, étaient le mandat de Citoyenneté et Immigration Canada, CIC.
Le 12 décembre 2003, l'Agence des services frontaliers du Canada, ASFC, a été créée, et ces responsabilités ont été transférées à ce nouvel organisme. L'ASFC est responsable de la prestation de services frontaliers intégrés qui appuient les priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique, qui facilitent la libre circulation des personnes et des marchandises, y compris les animaux et les végétaux, et qui permettent de gérer les frontières du pays grâce à l'application des lois canadiennes régissant le commerce et les voyages.
À la page 4, vous voyez que la relation entre CIC et l'ASFC est sans précédent à la fonction publique fédérale. Jamais deux organismes n'ont eu une interaction aussi importante au chapitre de la législation, de la politique et de la prestation de services.
Pour atteindre les objectifs du programme d'immigration du Canada, CIC et l'ASFC se sont engagés à collaborer à la prestation d'un continuum de services en vue d'une réalisation homogène des programmes pour les Canadiens, les nouveaux arrivants et les visiteurs.
Au quotidien, l'ASFC agit à titre d'organe du renseignement de CIC. Elle offre aux preneurs de décisions de CIC des évaluations impartiales qui représentent tous les renseignements connus par l'ASFC et les autres partenaires du filtrage. Ces dernières années, l'ASFC a connu une hausse considérable du nombre de renvois de CIC pour le contrôle des visiteurs.
[Français]
L'Agence des services frontaliers du Canada est responsable de la politique pour ce qui est des articles 34, 35 et 37 de la LIPR. Ces articles portent précisément sur la subversion, le terrorisme, l'espionnage, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les génocides, la criminalité organisée, le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le blanchiment d'argent.
Je passe à la diapositive six. L'expression filtrage de sécurité concerne les procédures utilisées pour identifier les ressortissants étrangers qui cherchent à entrer au Canada et qui participent, ont participé ou participeront probablement à des activités telles que l'espionnage, la subversion, le terrorisme, les crimes de guerre et les violations des droits humains.
Les articles 34, 35 et 37 de la LIPR ont été élaborés afin d'interdire l'accès au territoire canadien aux personnes qui sont des criminels ou qui présentent des risques pour la sécurité et afin de veiller à ce que le Canada ne devienne pas un refuge pour les personnes responsables d'actes contraires aux valeurs canadiennes.
Le cadre législatif et rigide vise souvent des personnes dont la présence au Canada ne nuirait pas à l'intérêt national et qui constituent même des joueurs clés dans les relations étrangères. Dans le cas où un ressortissant étranger est interdit de territoire, que ce dernier représente un risque faible et que la visite est dans l'intérêt national du Canada, un permis de séjour temporaire peut lui être accordé.
L'intérêt national du Canada comprend le développement économique et le dialogue en vue d'appuyer les relations bilatérales et les engagements internationaux du Canada.
[Traduction]
Il est tenu compte des éléments de « motifs raisonnables de croire », « à la complicité » et « l'appartenance » à une organisation au moment d'établir si un ressortissant étranger est interdit de territoire en vertu des articles 34, 35 et 37 de la LIPR. Ces éléments ont été interprétés par les services juridiques du ministère de la Justice, de CIC et de l'ASFC et ils ont été confirmés par la Cour fédérale du Canada.
Les règles d'interprétation selon l'article 33 de la LIPR prévoient une norme de preuve qui est établie sur la base de motifs raisonnables de croire. Il s'agit d'une très faible norme qui a été définie par la Cour suprême comme suit dans Mugesara c. Canada :
Cette norme exigeait davantage qu'un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicables en matière civile.
Une personne est considérée comme complice si, tout en étant au courant de la commission d'atrocités, elle contribue, directement ou indirectement, de loin ou de près, à l'événement. L'appartenance active ou officielle à l'organisation responsable de la commission des atrocités n'est pas requise.
La Cour fédérale du Canada a énoncé que, en examinant l'appartenance à une organisation, de nombreux facteurs doivent être considérés. Toutefois, chaque renvoi est évalué individuellement, compte tenu de l'âge du demandeur, des études, des antécédents professionnels, du lieu service, de la chaîne de commandement, et cetera. Une personne interdite de territoire n'a pas nécessairement une responsabilité directe ou une participation active.
[Français]
Le régime de filtrage de sécurité a évolué rapidement au cours des dernières années et l'établissement d'un équilibre entre la sécurité et la facilitation demeure un défi en ce qui a trait aux relations internationales du Canada.
Par conséquent, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international demande régulièrement à l'Agence des services frontaliers du Canada et à Citoyenneté et Immigration Canda de rationaliser et d'améliorer le processus afin de respecter les priorités internationales. Un des défis que présente le contrôle de sécurité est l'identification de personnes potentiellement interdites de territoire qui ont été invitées au Canada pour des motifs politiques et économiques. Malgré le contexte international changeant, lorsqu'une personne a participé à des activités visées par les articles 34, 35 et 37, le libellé de la LIPR rend l'individu interdit de territoire pour la vie.
Fort de ces renseignements généraux, j'aimerais brièvement discuter de la Russie, de la Chine et de l'Inde.
[Traduction]
À l'heure actuelle, les ressortissants de la Fédération de Russie peuvent faire l'objet d'un renvoi discrétionnaire, c'est-à-dire non obligatoire, par CIC en raison de préoccupations en vertu des articles 34, 35 et 37.
La norme de service pour Moscou est de 10 jours ouvrables; le délai de contrôle moyen de l'ASFC est de 7,45 jours. En 2009, l'ASFC a contrôlé 2 573 renvois sur les 21 489 demandes reçues par Moscou. Cinquante de ces renvois ont donné lieu à des recommandations négatives et 25 cas ont été acceptés pour la délivrance du permis de séjour temporaire. Dans quelques cas, le filtrage de sécurité en Russie est compliqué par le fait que des anciens fonctionnaires du renseignement occupent maintenant des postes au sein du gouvernement actuel, ainsi que par des hommes d'affaires qui ont des liens avec le crime organisé. Une fois que des doutes sont exprimés, nous avons l'obligation de les évaluer. La réticence des fonctionnaires russes de faire la demande dans les limites du délai de traitement standard de la mission et de soumettre des renseignements additionnels, au besoin, influent également sur le processus.
Les ressortissants de la Chine peuvent aussi faire l'objet d'un renvoi discrétionnaire par CIC en raison de préoccupations en vertu des articles 34, 35 et 37 de la loi. La norme de service pour Beijing et Shanghai est de cinq jours ouvrables. Le délai de contrôle moyen de l'ASFC est de 2,7 jours. En 2009, l'ASFC a contrôlé 5 443 renvois des 101 222 demandes traitées par Beijing et Shanghai. Vingt de ces renvois ont donné lieu à des recommandations négatives et six cas ont été acceptés pour la délivrance d'un permis de séjour temporaire. Les fonctionnaires avec qui le Canada doit dialoguer font partie du vaste organe de police et de sécurité de l'État de la Chine. Les efforts déployés par le Canada en Chine pour faire valoir le développement démocratique, la saine régie et la protection accrue des droits humains grâce au dialogue et à la mobilisation coopérative compliquent souvent le respect du mandat relatif au contrôle de sécurité.
Comme les ressortissants de la Russie et de la Chine, ceux de l'Inde peuvent faire l'objet d'un renvoi en raison de préoccupations. La norme de service pour New Delhi et Chandigarh est de 10 jours ouvrables; le délai de contrôle moyen de l'ASFC est de 4,5 jours. En 2009, l'ASFC a contrôlé 162 renvois des 86 101 demandes traitées par New Delhi et Chandigarh. Neuf de ces renvois ont donné lieu à des recommandations négatives et un cas a été accepté pour la délivrance d'un permis de séjour temporaire. Divers groupes non gouvernementaux ont documenté un nombre de violations de droits humains dans le cadre du conflit séparatiste vieux de deux décennies au Cachemire. Par conséquent, le contrôle réalisé par le gouvernement du Canada a permis d'identifier comme étant interdit de territoire un certain nombre de fonctionnaires indiens qui ont été invités par le Canada pour discuter de questions de sécurité régionale et d'enjeux stratégiques mondiaux d'intérêt commun.
[Français]
En novembre 2009, les sous-ministres adjoints de l'Agence des services frontaliers du Canada et de Citoyenneté et Immigration Canda se sont rencontrés pour améliorer le processus du filtrage sécuritaire et offrir de meilleures solutions lorsque l'admission est dans l'intérêt national.
Le processus d'accréditation pour les Jeux olympiques et paralympiques 2010 a fourni une occasion pour Citoyenneté et Immigration Canda et l'Agence des services frontaliers du Canada d'examiner le régime de filtrage de sécurité. En particulier, un processus d'approbation basé sur la gestion des risques a été introduit et a considérablement réduit la durée du traitement.
[Traduction]
Le filtrage sécuritaire des visiteurs est essentiel pour la sécurité nationale du Canada, pourtant, comme l'ASFC le sait mieux que quiconque, cela cause des irritants bilatéraux avec les pays avec lesquels le Canada est engagé à titre de priorité internationale. L'ASFC, de concert avec ses partenaires, passe en revue continuellement le régime de filtrage sécuritaire et est engagée en négociant d'autres améliorations pour apporter la flexibilité nécessaire, tout en assurant l'intégrité du programme.
Ces améliorations visent à renforcer la sécurité nationale du Canada tout en veillant à ce que le pays assume un rôle de chef dans le domaine de la régie mondiale et demeure concurrentiel sur les marchés croissants et émergents. Toutefois, comme je l'ai mentionné au début, notre mandat est d'équilibrer la facilitation avec une autre priorité du gouvernement du Canada — la sécurité. En conséquence, il y aura des limites du point de vue de la gestion des risques. Cela dit, nous partageons tous l'objectif visant à s'assurer que le Canada puisse tirer profit des économies émergentes, en croissance rapide.
Je remercie le comité sénatorial de m'avoir donné la possibilité de comparaître. Je répondrai volontiers à toutes les questions des membres du comité.
La présidente : J'aimerais vous demander une précision. Je crois comprendre qu'en vertu de la loi, si une personne ne réunit pas les conditions voulues par d'autres moyens, elle peut demander un certificat ministériel pour entrer au Canada. Je crois comprendre que la portée d'un tel certificat est très large. De plus, il y avait plus de 140 arrivants au Canada faisant l'objet de mesures discrétionnaires touchant l'intérêt national. Dans quel article de la loi trouve-t-on cette disposition?
Je crois comprendre que les lettres concernant l'intérêt national étaient signées par les chefs de mission pour favoriser la simplification. S'agit-il d'une décision stratégique?
M. Gilbert : La loi parle de ce concept à la négative : « si cela ne va pas à l'encontre de l'intérêt national ». On a interprété cet article comme signifiant que si l'on tient compte de l'intérêt national du Canada, on peut émettre un permis. Dans ce cas, c'est à un titulaire d'un poste de niveau de SMA à CIC de prendre cette décision. À la suite d'une recommandation de l'ASFC, on peut passer en revue et décrire la justification pour l'interdiction de territoire, et c'est à ce moment-là que la décision est prise.
Dans le cas de Moscou, le chef de mission pouvait rendre la décision si c'est dans l'intérêt national. Dans la plupart des cas, cela se produit au niveau du SMA au ministère des Affaires étrangères et dans les autres ministères. Il y avait des chiffres pour le MDN, le SCRS, la GRC et d'autres ministères.
La présidente : Il ne s'agit pas d'un changement apporté à la loi ou aux politiques, sauf dans la mesure où c'est au niveau du SMA que cela peut se faire. Le processus s'est donc rapproché du centre de traitement et c'est au chef de mission de s'en charger.
M. Gilbert : C'est exact. Les permis sont émis sous l'égide de l'article 24, qui stipule qu'ils peuvent être délivrés lorsque les circonstances le justifient; c'est ce que l'on a interprété comme étant l'intérêt national.
Le volume dont nous avons discuté concernait la Russie. Au début de l'année, de nombreux visiteurs prestigieux se sont rendus aux Jeux Olympiques de Vancouver, non seulement parce que les Olympiques se tenaient au Canada, mais également parce que c'est la Russie qui sera l'hôte des prochains Jeux Olympiques d'hiver. En général, on peut dire que le volume n'est pas aussi élevé. Dans le cadre des fonctions de mon emploi précédent, j'étais responsable de les examiner, à raison d'environ trois par semaine. C'est moins que cela.
Le sénateur Jaffer : À titre de précision, une lettre d'intérêt national est-elle la même chose qu'un permis ministériel?
M. Gilbert : Non. Le permis dont mon collègue et moi avons parlé s'appelait auparavant permis ministériel, mais il s'agit aujourd'hui d'un permis de résident temporaire. Un permis de résident temporaire est délivré pour tout titre d'interdiction de territoire, que ce soit pour des raisons médicales, criminelles, sécuritaires ou autres. La majorité de ces permis sont délivrés pour des raisons de criminalité, souvent à des citoyens américains. Le même outil est utilisé dans les cas d'interdiction de territoire pour des raisons de sécurité. Il s'agit du même outil qui est utilisé, mais c'est une autorité différente qui appose sa signature.
Le sénateur Segal : D'abord, je souhaite vous remercier, en mon nom et au nom de beaucoup de Canadiens pour le travail difficile que vous faites pour nous. La sécurité nationale est une notion très vague. C'est extrêmement subjectif. Vous devez traiter avec les lois, les règlements et les gens sur le terrain ont des décisions extrêmement difficiles à prendre. Je ne voudrais pas que vous pensiez une seconde que nous ne comprenons pas la nature de votre travail ou que nous sous-estimons l'importance de celui-ci ou de votre rôle pour notre pays. Au contraire, nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.
Vous devez examiner les antécédents des gens qui demandent un visa pour venir au Canada depuis un pays démocratique, comme l'Inde, par opposition à des pays qui sont très peu démocratiques, et je pèse mes mots, comme la Chine et la Russie. Vous devez autant que possible trouver les renseignements dont vous avez besoin pour prendre une décision sur chaque cas. Vous rassemblez l'information et vous l'étudiez pour déterminer si, dans le contexte normatif, il y a quelque chose qui vous indique que cette personne n'est pas le genre de personne à qui l'on veut émettre un visa, compte tenu de ses activités antérieures dans les catégories que vous avez décrites. Ensuite, un chef de mission, ou je ne sais qui, ou une association commerciale entre le Canada et un pays X arrive et présente ses arguments en disant qu'elle joue un rôle important dans la vente de pièces de tracteur ou je ne sais quoi. On détermine que le séjour temporaire de cette personne au Canada est dans l'intérêt national.
Vous avez très bien expliqué les critères qui vous permettent de déterminer une personne ne serait normalement pas admissible à un visa à cause de certaines activités, associations ou à cause de ses antécédents; vous nous avez très bien expliqué cela et je vous en remercie.
Cela n'est peut-être écrit nulle part, mais j'aimerais bien avoir votre avis, collectivement et en fonction de chaque institution, sur les éléments de base que pourrait présenter un chef de mission ou une personne qui en a l'autorité afin de contrer cet argument de l'intérêt national.
Je serais reconnaissant envers quiconque souhaiterait me répondre.
M. Hage : M. Gilbert a signalé que l'article 24 de la loi nous permet de délivrer un permis de résident temporaire. Dans la loi, on dit « si les circonstances le justifient ». Selon notre interprétation, cela revient à l'intérêt national, parce que l'intérêt national est mentionné dans une autre partie de la loi; mais dans cet article, on dit « s'il estime que les circonstances le justifient », l'agent peut délivrer un permis de résident temporaire.
Lorsque nous examinons un dossier, nous nous reportons généralement à la lettre portant sur l'intérêt national et nous expliquons pourquoi il est dans l'intérêt du Canada d'accepter cette personne en particulier. Comme vous l'avez dit, dans le cas de la Russie, notre chef de mission a pu rédiger ces lettres et les envoyer directement au sous-ministre adjoint de CIC.
Aucun autre chef de mission n'a cette responsabilité. C'est une des mesures que nous avons prises pour accélérer le processus, étant donné que nous délivrons plus de PRT pour la Russie que pour les autres pays.
Cela nous a permis d'accélérer considérablement notre processus. Comme vous l'avez entendu, nous avons délivré près de 180 permis pendant la période qui a précédé les Jeux Olympiques.
Le chef de mission, dans ce cas précis, explique pourquoi il est important que le Canada accueille cette personne. Dans d'autres cas, c'est parce que la personne a été invitée par non seulement les Affaires étrangères, mais une agence du gouvernement canadien, y compris le SCRS et la GRC. Ces ministères ont invité ces personnes à venir au Canada et il est évident que, puisqu'elles sont invitées, nous voulons qu'elles viennent et c'est dans notre intérêt national de les accueillir. Dans d'autres cas, ce sont les hauts fonctionnaires du gouvernement russe ou des représentants haut placés du monde des affaires qui sont couverts par la loi et qui exigent ce genre d'accès au Canada.
Les circonstances changent selon les personnes. La lettre fait en général quatre ou cinq paragraphes et on y précise qu'il s'agit d'une recommandation au CIC.
On ne peut pas dire : « Laissez cette personne rentrer ». C'est toujours le CIC qui a le dernier mot. C'est le ministre de l'Immigration, et je crois que cette responsabilité a été déléguée à un de ses fonctionnaires, qui prend la décision, mais M. Gilbert pourra vous parler avec plus de certitude de cette question. Cependant, en fin de compte, c'est la décision de CIC. Nous ne faisons qu'une recommandation.
[Français]
Le sénateur Segal : Monsieur Gilbert, lorsqu'on a un groupe de citoyens du Canada qui sont contre l'entrée de personnalités, peu importe la raison, et que le gouvernement décide que cela tombe dans l'intérêt national de faciliter son entrée au Canada et que les citoyens du Canada demandent, soit à un député ou par une lettre au ministère, quelles sont les raisons pour lesquelles une personne est admise, en raison de son histoire difficile selon nos critères, peu importe les raisons, avez-vous la liberté de répondre où est-ce que les lois sur la vie privée vous empêchent de répondre à cette situation?
M. Gilbert : Habituellement, on ne peut pas répondre à moins que la personne qui a fait la demande nous donne l'autorisation de le faire; ce qui souvent n'est pas le cas.
Cela nous met dans des situations embarrassantes parce qu'on ne peut pas répondre pour des questions de vie privée, on ne peut pas donner l'information et souvent cela donne d'impression qu'on veut cacher de l'information. On n'a pas l'autorisation de le faire. Si l'individu nous donne l'autorisation, on peut donner de l'information.
Lorsqu'on parle d'inadmissibilité, je ne me rappelle pas d'avoir eu de cas où la personne nous a donné l'autorisation parce qu'elle-même n'est pas favorable à rendre publique l'information.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je voudrais poser une question au sujet de la Russie. Voici un pays où le premier ministre était un membre éminent du KGB et qui a été élu premier ministre et président à plusieurs reprises dans les structures démocratiques de ce pays, quelles qu'elles soient.
Quand vous faites affaires avec des sociétés en transition pour entrer dans l'OTAN et dans d'autres organisations en Europe, des transitions que notre propre pays a fortement encouragées, il me semble presque inévitable que l'on ait à traiter avec des personnes importantes qui ont occupé des postes importants dans des domaines qui nous posent des problèmes.
J'aimerais savoir si vous réalisez toujours votre étude de l'admissibilité au cas par cas ou si vous fonctionnez par catégories. Je parle des gens qui ont fait partie de plusieurs organismes au Vietnam et qui font maintenant partie du gouvernement légitime du Vietnam. On ne peut pas pénaliser les gens pour ce qu'ils ont fait sous d'anciens régimes, parce qu'ils sont maintenant légitimes dans les nouveaux régimes et ça n'est pas à nous de nous mêler de leurs problèmes juridiques internes. Est-ce que vous réalisez une analyse au cas par cas?
J'aimerais savoir si vous avez un système de points, comme c'est le cas pour les autres groupes qui veulent venir au Canada pour d'autres raisons, ou si c'est une décision intuitive d'un haut fonctionnaire, à partir des renseignements et des catégories qu'il a à sa disposition.
Je n'ai rien contre les décisions intuitives. Je suis tout à fait à l'aise à ce que des fonctionnaires de choix comme vous prennent des décisions selon leur conscience, mais je me demande si vous avez recours à un système de points par catégories ou à une analyse fondée sur le jugement.
M. Leckey : Je suis très heureux d'entendre, sénateur Segal, que vous comprenez les décisions difficiles qu'il faut prendre tous les jours, à la fois au quartier général et sur le terrain. Je suis parfaitement d'accord avec vous lorsque vous dites que très souvent, les questions de sécurité nationale et d'admissibilité sont tout à fait subjectives.
En outre, je crois que nous parlons ici de sociétés, de pays où l'importance d'avoir déjà fait partie d'un certain groupe à un moment de l'histoire change au cours du temps. Très souvent, la pertinence de cette question diminue après 10 ou 20 ans. Les gens qui étaient auparavant des terroristes font maintenant partie de gouvernements. Nous devons prendre des décisions tous les jours dans le contexte de sociétés qui changent constamment, partout sur la planète.
Vous avez demandé quels seraient les éléments fondamentaux d'un régime amélioré, d'un système amélioré pour prendre ces décisions difficiles tous les jours. Nous sommes constamment en train de discuter avec nos collègues de CIC et du MAECI pour réfléchir précisément à cette question. Nous avons récemment adopté certains changements. Nous envisageons actuellement plusieurs propositions qui représenteraient les éléments fondamentaux d'un nouveau régime.
Je ne vais parler que d'une des propositions parmi les nombreuses que l'on examine en ce moment. Nous sommes en train de voir s'il serait possible d'élaborer une liste de postes supérieurs dans chaque gouvernement étranger ou organisme étranger dont les titulaires seraient automatiquement réputés satisfaire aux critères de l'intérêt national, même s'ils sont inadmissibles sur le plan technique. Par conséquent, nous envisageons de créer une liste. Ce serait une façon d'appliquer le critère de l'intérêt national de façon automatique lorsque ces personnes demandent à entrer au Canada. La décision serait prise au tout début du processus. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas de vérification. Dès le début du processus, on déterminerait automatiquement qu'il est toujours dans l'intérêt national que les personnes qui occupent ces postes en question puissent entrer au Canada. C'est un exemple des éléments fondamentaux dont vous avez parlé.
Vous avez posé une question précise sur le système de points d'appréciation. Comme vous l'avez dit, nos évaluations constituent des recommandations transmises à CIC, et c'est CIC qui prend les décisions. Récemment, nous avons mis au point un nouveau modèle fondé sur les risques qui sert à la formulation de recommandations. Nous évaluons une dizaine de préoccupations qui pourraient être soulevées par la présence au Canada de personnes présentant un faible risque, un risque moyen ou un risque élevé. Pour chacune de ces catégories, CIC reçoit une évaluation très précise du risque.
Si ce sont surtout les cases à faible risque qui sont cochées, on accordera un permis de résident temporaire. Toutefois, il y a encore quelques cas où les cases à haut risque sont surtout cochées, ce qui prouve qu'il ne s'agit pas exactement d'un système de points d'appréciation. Toutefois, c'est une façon structurée d'évaluer la présence d'une personne au Canada.
Le sénateur Finley : Bonjour. Je vous remercie de votre exposé enrichissant.
J'ai davantage tendance à parler de statistiques que de pratiques. Dans l'un des exposés présentés, je crois que c'était celui de Citoyenneté et Immigration Canada, il a été question d'un taux d'approbation de 80 p. 100 des permis. À mon esprit, cela signifie que 20 p. 100 ont été refusés. Quelle est la comparaison avec les autres pays? Savons-nous si aux États- Unis, au Royaume-Uni ou dans d'autres pays le taux d'acceptation est plus élevé ou plus faible?
M. Gilbert : Cela peut vous sembler illogique, mais ce serait comme comparer des pommes et des oranges dans certains cas. Pourquoi l'Australie a-t-elle un taux d'approbation plus élevé, par exemple? L'Australie a imposé des visas à tous les pays. Prenons les citoyens canadiens ou américains qui se rendent en Australie, le taux d'approbation est de 99,9 p. 100. Cela a immédiatement pour effet d'augmenter le nombre ou le pourcentage de permis accordés ou refusés.
Les règlements varient d'un pays à l'autre. Par exemple, lorsqu'il est question d'interdiction de territoire, soit ce dont mon collègue a parlé, nous n'avons pas les mêmes règles que bien d'autres pays. Nous essayons de savoir si le demandeur a été membre d'une organisation par le passé. Beaucoup de pays ne le font pas. Ces pays cherchent à savoir si la personne est membre d'une organisation maintenant. Leurs règles sont donc différentes des nôtres.
Il est très difficile de comparer les pays, que ce soit en fonction de la catégorie des visiteurs, de celle des visiteurs commerciaux ou de celle des étudiants. Il y a également des variations attribuables au temps et, dépendamment du pays, il y a même des variations au sein d'un même pays. Lorsque la proportion de demandes de réfugiés provenant d'un pays est à la baisse, notre taux d'approbation est à la hausse. Il y a presque un lien direct, dans un sens comme dans l'autre. Si nous recevons davantage de demandes d'asile d'un pays, nous nous montrons plus prudents. Nous invoquons la sécurité, mais la principale raison expliquant le refus d'accorder un visa de visiteur, c'est parce qu'on estime que la personne ne quittera pas le Canada à l'expiration du visa.
Notre système offre de grandes possibilités à beaucoup de gens de demeurer au Canada. C'est en partie la raison pour laquelle notre ministre a annoncé une réforme du régime pour les réfugiés. Certains aspects attrayants n'existent pas dans d'autres pays où le renvoi des personnes qui s'y trouvent illégalement s'effectue beaucoup plus rapidement qu'au Canada par exemple.
Le sénateur Finley : Votre observation m'amène à la deuxième partie de ma question. La raison pour laquelle j'ai abordé la première partie de ma question, c'était pour déterminer, surtout parce que nous sommes en concurrence serrée avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie pour attirer des étudiants ou des investisseurs entre autres, si nos règles étaient plus punitives ou moins punitives que celles d'autres pays en se fondant sur les taux de renvoi. Il est possible, toutefois, que vous en ayez déjà parlé.
La deuxième partie de ma question porte sur le point que vous avez abordé. Je suis certain que vous devez avoir certaines statistiques. Combien de gens ne respectent pas leurs visas en enfreignant les règles relatives au visa ou en demeurant au Canada après l'expiration du visa?
M. Gilbert : Je ne sais pas quel est le taux pour la Russie. Je connais mieux ceux d'autres pays. En Chine, nous estimons qu'entre 1,5 p. 100 et 2 p. 100 des visiteurs à qui nous avons délivré un visa de visiteur demandent le statut de réfugié à leur arrivée au Canada. Il y a de légères variations. Si le taux augmente, c'est le moment de se montrer plus prudent dans la délivrance de visas.
J'aimerais souligner que la vaste majorité des demandeurs d'asile provenant de la Chine obtiennent un visa de visiteur commercial. Ils ne le sont pas mais ils ont prétendu être des gens d'affaires. Grâce au volume élevé, il est facile de se glisser dans une grande délégation. Souvent, sur 40 personnes admises dans le cadre d'une délégation commerciale, 10 des visiteurs avaient acheté leur billet pour immigrer au Canada. C'est pourquoi nous devons faire très attention à ces demandes.
Cela a trait à la discussion précédente au sujet des personnes interdites de territoire. Parfois, ce n'est pas le principal intéressé qui est interdit de territoire, mais d'autres membres de la délégation. Les gardes du corps tombent souvent dans cette catégorie.
Le sénateur Finley : J'ai une question complémentaire. Vous avez parlé de la Chine, mais nous entendons aussi à l'occasion aussi des histoires d'horreur au sujet de titulaires de visa provenant de l'Inde. Par exemple, nous avons entendu l'exemple d'une équipe sportive qui est venue au Canada et, après la compétition, seulement la moitié des joueurs sont retournés chez eux. Les taux de renvoi en Inde sont-ils meilleurs ou pires que ceux de la Chine? Vous avez parlé du taux de 1,5 p. 100 à 2 p. 100.
M. Gilbert : Les taux sont à peu près les mêmes. Étrangement, les trois pays dont il est question ont environ les mêmes taux d'approbation et de refus. Le taux d'approbation dans les trois pays est d'environ 80 p. 100. C'est différent des autres pays, qui ont parfois un taux plus élevé ou plus faible. Toutefois, ces trois pays sont comparables. À ma connaissance, ces cas se produisent aussi avec l'Inde et la Chine, même si les demandeurs de visa sont très différents. Il y a beaucoup de cas de gens d'affaires provenant de la Chine, alors qu'en Inde, ce sont de simples citoyens.
Le sénateur Finley : C'est toujours d'environ 1,5 à 2 p. 100.
M. Gilbert : Oui, à ma dernière vérification, qui remonte à un certain temps.
Le sénateur Smith : Lors de notre voyage en Russie, ce sujet a accaparé plus de temps que tous les autres, tant à l'ambassade qu'à Khanty-Mansiysk lorsqu'il était question des diverses entreprises canadiennes et russes qui participent à des échanges commerciaux. Vous avez employé l'expression « interdiction de territoire ». Quelqu'un a certainement relevé que cette expression provenant de la loi actuelle n'est pas applicable dans le cas de la Russie.
Manifestement, il y a eu un changement de philosophie gouvernementale suivant la fin du régime communiste. Si vous interprétez la loi de façon très rigoureuse, vous constaterez qu'il pourrait y avoir des participants au G20 dont le passé n'est pas nécessairement irréprochable.
Le ministère a récemment apporté des modifications et en a recommandé suite aux propositions faites par le gouvernement au sujet des réfugiés. Je ne vais pas entrer dans les détails, toutefois, j'aimerais savoir si le ministère envisage d'aviser le ministre que ce problème pourrait être réglé par la voie législative lorsque c'est justifié?
Il ne s'agit pas simplement d'un haut fonctionnaire, mais du président d'un comité parlementaire qui n'a réussi que de justesse. C'était embarrassant que des membres importants de la Douma ne soient pas capables d'entrer au Canada parce qu'ils participaient déjà à la vie publique sous les régimes précédents.
Avez-vous envisagé de recommander un ajustement minutieux pour s'attaquer à ce problème réel?
M. Gilbert : À ce que je sache non. Le problème a une très grande ampleur à certains endroits. Il est difficile d'apporter un changement pour un seul endroit. L'idée générale est que, comme c'est le cas en Russie, beaucoup de membres du gouvernement ont fait partie d'organisations qui se sont livrées à des activités d'espionnage. C'est assez commun, mais je ne suis pas au courant de recommandations visant la suppression de cette disposition de la loi. Peut-être que mes collègues ont d'autres renseignements à ce sujet.
M. Hage : Je ne sais pas si la loi sera modifiée, mais j'aimerais parler de quelques circonstances atténuantes qui pourraient aider au processus. Je demande à mes collègues de corriger mes propos si j'interprète la loi de façon erronée.
Jusqu'à présent, l'examen visait les visiteurs ou les étrangers qui présentent une demande de résidence permanente au Canada. L'analyse est la même. La norme décrite est similaire, qu'il s'agisse d'un visiteur ou d'un immigrant, ou que le séjour dure quelques jours ou quelques années.
M. Leckey a présenté une brève description de la notion de gestion du risque. Il s'agit d'un outil utile dont nous avons fait la promotion. Pour les personnes qui arrivent au Canada à titre de visiteurs, le risque de tenter d'y demeurer peut être réduit, surtout si la personne est un représentant d'entreprise ou un fonctionnaire. Vous avez parlé de donner aux présidents de comités de la Douma ou aux hauts fonctionnaires un statut spécial leur permettant d'entrer plus facilement au Canada. Cela serait utile.
Compte tenu des conseils juridiques reçus, les demandeurs reçoivent un permis de résident temporaire ainsi qu'une lettre d'accompagnement. S'il y a refus à la deuxième demande de visa de visiteur, le demandeur peut toujours invoquer le fait qu'il a été admis la dernière fois. Les lettres envoyées étaient d'un style assez brusque il y a quelques années et les dispositions précises de la loi justifiant le refus étaient indiquées. La lettre expliquait également que la personne allait faire l'objet d'une inspection secondaire à son arrivée au Canada, ce qui était une source de préoccupation. La lettre a été modifiée et la situation semble avoir apaisé les préoccupations des Russes.
Certaines de ces mesures, si elles étaient mises en place, permettraient d'accélérer le processus d'admission des Russes au Canada. Vous avez raison, ce sont les activités du passé qui comptent aux termes de la loi, et non pas ce que la personne fait actuellement, mais c'est ainsi que la loi est interprétée.
La présidente : Une fois le permis de résident permanent accordé et la lettre envoyée, est-ce que cela signifie que nous n'appliquerions aucune des dispositions du Code criminel ayant trait aux criminels de guerre?
Vous avez parlé de leur admission, de la gestion du risque, et cetera. Nous ne nous soucions pas seulement du passé de ces personnes. En fait, les activités passées d'un demandeur pourraient correspondre à des infractions passibles de poursuites en vertu de nos lois pénales ou portant sur les crimes de guerre ainsi que de nos engagements internationaux.
Rick Herringer, directeur des enquêtes pour la sécurité nationale, Opérations relatives au renseigement et au ciblage, Agence des services frontaliers du Canada : Chaque fois que l'Agence des services frontaliers du Canada doit évaluer si une personne est interdite de territoire, nous appliquons les mêmes critères, qu'il s'agisse d'espionnage, de subversion, de crimes de guerre ou de crime organisé.
Dans des cas précis, si nous remarquons qu'il y a possibilité de crimes de guerre, nous estimons que ce processus fait normalement partie de notre façon de mener nos évaluations. Les articles 34, 35 et 37 auxquels M. Leckey a fait référence sont fréquemment étudiés dans le cadre du processus d'évaluation. Parfois, cela arrive plus souvent pour certains pays par rapport à d'autres, mais nous appliquons les mêmes critères. Par conséquent, nous ne manquerons pas d'identifier les criminels de guerre dans le cadre de notre processus d'évaluation parce que nous appliquons les mêmes critères.
Le sénateur Smith : Y a-t-il eu des cas où un fonctionnaire russe arrivait à surmonter les obstacles et à tenter de demander le statut de réfugié au Canada?
M. Gilbert : Je n'ai connaissance d'aucun cas de ce genre.
Le sénateur Segal : Je crois qu'il y a quelques instants M. Leckey a répondu à une question du sénateur Smith au sujet de vos critères selon lesquels la nature des fonctions exercées permettrait à quelqu'un d'être accepté automatiquement, malgré ce qui aurait été découvert au sujet du passé de cette personne. D'après votre connaissance actuelle de certains paramètres du processus, est-ce que cela peut s'appliquer à un député de la Douma dans la Fédération de Russie? Cette fonction pourrait-elle être exclue parce qu'elle est à un échelon trop bas dans la hiérarchie?
Le sénateur Smith : Ou bien il faisait partie du KGB.
Le sénateur Segal : J'en suis certain, n'en faisaient-ils pas tous partie?
M. Leckey : Je ne suis pas allé jusqu'à déterminer quels échelons seraient visés. Ce statut spécial pourrait s'étendre aux membres de la Douma.
Le sénateur Stewart Olsen : Il semble que les atouts les plus précieux soient les travailleurs de première ligne, ceux qui effectuent la sélection initiale. Comment ces personnes sont-elles choisies et surveillées? Une évaluation continue de la qualité du travail est-elle effectuée? Je m'intéresse aux employés qui effectuent la sélection initiale des demandes.
M. Gilbert : Les décisions sont prises par deux types d'agents différents. Certains sont embauchés à l'échelle locale. La vaste majorité des agents du Service extérieur sont au Canada et ont été embauchés dans le cadre d'un processus de recrutement similaire aux agents du service extérieur du ministère des Affaires étrangères. Leur formation comprend différents cours choisis, y compris une formation de six semaines sur la LIPR suivie de deux affectations temporaires supervisées. Les agents passent quatre semaines dans une mission et ensuite deux semaines dans une autre pour apprendre les procédures adéquates. Ces agents sont accompagnés d'un collègue chevronné qui vérifie tout ce qu'ils font durant cette période.
Après une suite de réunions, les agents suivent des cours précis sur les réfugiés et les points d'entrée, entre autres, avant d'être affectés. Ils sont alors capables de prendre des décisions à l'égard des dossiers. Ils doivent aussi réussir des examens pour vérifier leurs connaissances de la loi. S'ils ne sont pas certains d'une décision, ils peuvent s'informer auprès de leurs superviseurs et collègues. L'assurance de la qualité porte sur leurs décisions, et ils doivent donc d'abord prendre ces décisions.
Bien sûr, la supervision du personnel est un élément clé de notre gestion de l'immigration globale pour s'assurer que, dans la mesure du possible, il n'y a pas d'écart entre les décisions d'un agent par rapport à un autre et pour s'assurer que ce n'est pas un tirage au sort. Prenez par exemple les juges. Un juge peut rendre une décision différente d'un autre, mais tous deux appliquent la même loi.
Le sénateur Stewart Olsen : Du nombre de personnes à qui vous avez accordé la résidence temporaire et qui sont réputées être interdites de territoire, de combien de personnes avez perdu la trace? Ces personnes font-elles l'objet d'un suivi ici au Canada? À leur arrivée, elles ont déjà la résidence temporaire.
M. Gilbert : Je n'emploierais pas nécessairement l'expression « portée disparue », mais il n'y a aucune vérification de sortie au Canada. Lorsque nous délivrons un visa de visiteur, nous ne savons pas si la personne est arrivée ou si elle a quitté le pays. Lorsque vous quittez le Canada à partir d'un aéroport, vous ne faites pas l'objet d'un contrôle à la sortie. Il n'y a pas de contrôle à la sortie au Canada. Un certain nombre de pays exercent ce type de contrôle, mais pas nous. Les personnes dont nous pouvons garder la piste, ce sont les demandeurs d'asile.
Le sénateur Stewart Olsen : Je dirais que cela pourrait être une lacune.
Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas certain d'être d'accord avec ce que ma collègue a dit à ce sujet, c'est discutable.
Je dois dire que je partage le point de vue du sénateur Segal, surtout lorsqu'il est question de l'Agence des services frontaliers du Canada. Vous avez un travail difficile à faire, et nous vous en sommes reconnaissants. Si nous nous montrons critiques, ce n'est pas à votre endroit, mais c'est parce que nous essayons de tirer au clair le fonctionnement de ce système dans l'espoir de l'améliorer.
Il est vrai que nous sommes confrontés à une concurrence féroce, non seulement dans la catégorie des investisseurs, mais également celle des étudiants. Et il commence aussi à y avoir de la concurrence pour attirer les immigrants. Les immigrants sont tout aussi importants pour assurer la prospérité de notre pays, car les deux autres catégories amènent des visiteurs de façon temporaire.
Après avoir approuvé les demandes des étudiants, les traite-t-on différemment ou existe-t-il un système différent de sélection des étudiants et d'octroi de permis d'études au Canada?
M. Gilbert : Je dirais qu'il y a des différences. Les différents pays ont des règles différentes. Par exemple, si quelqu'un souhaite étudier dans une université en Australie, il faut passer un test linguistique tout d'abord. Au Canada, ce n'est pas nécessaire. Très souvent, les étudiants étrangers au Canada apprennent le français ou l'anglais la première année, puis continuent leurs études.
Aux États-Unis, le pouvoir d'attirance réside dans les subventions et les bourses que les étudiants obtiennent et qui ne sont pas aussi prévalentes au Canada. Les frais de scolarité sont plus bas au Canada qu'aux États-Unis. Il y a d'autres avantages. Les frais de scolarité ont des incidences beaucoup plus importantes sur les étudiants qui viennent au Canada que toute autre question, qu'il s'agisse des visas ou non.
Il y a la question du temps de traitement. Avant qu'un étudiant ne vienne au Canada pour plus de six mois, nous exigeons un examen médical. Les États-Unis ne le font pas. Nous voulons veiller à ce que ceux qui viennent ici pour une période prolongée soient en bonne santé. Ce n'est pas nécessairement le cas pour tous les autres pays.
Tout dépendant du marché, nous avons plus ou moins de désavantages. C'est également un enjeu. Pour l'Inde, qui est un marché en pleine croissance, le Canada a toujours été quatrième sur la liste. L'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis se classent toujours devant nous.
L'Australie n'est pas aussi à la mode aujourd'hui en raison des événements récents. Nous tentons de prendre sa place, en travaillant avec le ministère des Affaires étrangères, et nous tentons d'élargir notre champ d'action pour veiller à pouvoir tirer profit de la situation. Le nombre d'étudiants étrangers augmente chaque année au Canada.
Le sénateur Di Nino : Hier, un témoin nous a dit que les visas continuent de poser problème dans la lutte pour les étudiants avec le reste du monde. Pensez-vous que ce soit le cas?
M. Gilbert : Je ne pense pas.
Le sénateur Di Nino : Pouvez-vous nous donner les statistiques concernant les étudiants?
M. Gilbert : Mes excuses. Je devrai vous fournir cette information plus tard. Je ne m'attendais pas à en avoir besoin aujourd'hui.
Le sénateur Di Nino : Si vous pouviez nous donner l'information, nous l'apprécierions.
Cette étude au sujet de la zone BRIC — la Russie, l'Inde et la Chine. Dans son exposé, je pense que M. Hage a sans doute bien rendu compte de notre expérience jusqu'à maintenant. Certains problèmes nuisent à notre capacité à attirer les gens d'affaires et, comme on l'a entendu, les autres également. Nous sommes ici pour identifier ces problèmes et tenter de trouver des façons de les résoudre.
Comment pouvons-nous mieux gérer la situation? Que devrions-nous faire? M. Hage a parlé du manque de points de service pour les demandes de visa en Asie centrale et en Russie. S'agit-il d'une recommandation que nous devrions faire au gouvernement? Avons-nous suffisamment de ressources là-bas? Avons-nous suffisamment de points de service, de consulats, et cetera, dans les régions d'où nous tentons d'attirer les investissements, mais également les étudiants et les immigrants?
M. Gilbert : Les points de service constituent un enjeu à de nombreux endroits. Nous devons examiner le volume de demandes avant de faire quoi que ce soit. Récemment, l'ambassadeur du Kazakhstan a demandé la même chose, c'est- à-dire d'avoir quelqu'un sur place. J'ai dû lui dire que si nous ne recevons pas au moins 10 fois plus de demandes de visite, nous ne pourrons pas nous permettre d'envoyer un agent à cet endroit. Il faut un certain volume pour justifier l'établissement d'un agent des visas sur place.
C'est la même chose dans de nombreux endroits. Si on n'atteint pas un certain seuil, on ne peut pas justifier l'établissement d'un agent et du personnel de soutien avec le système que cela demande. Il faut justifier l'engagement financier.
Nous avons pris des mesures auprès d'un certain nombre de fournisseurs de services pour que les demandes soient envoyées à l'ambassade et renvoyées aux demandeurs rapidement. Nous avons 36 centres de demandes de visa. Nous en avons dans les trois pays dont nous venons de parler.
En Chine et en Inde, en entrant dans l'un de ces centres, on a l'impression d'être dans un bureau des visas. Il y a des comptoirs. On peut payer sur place, présenter une demande, avant qu'ils ne l'envoient à l'ambassade, emballée. Nous nous engageons à le faire en une certaine période de temps, de sorte que le centre de demandes de visa peut livrer le passeport ou, à des frais supplémentaires, la personne peut le recevoir directement à la maison.
Nous avons neuf centres en Inde. Nous en avons quatre en Chine qui ont été autorisés par le gouvernement chinois. Nous aimerions en avoir davantage.
En Russie, le système n'est pas le même. Toutefois, nous avons une entente avec un autre type de fournisseur de services, une entreprise de messagerie qui amène les demandes à l'ambassade. En Russie, 41 points de service nous desservent. Ils sont principalement utilisés par les demandeurs qui sont loin. Toutefois, si nous devons réaliser une entrevue, cela signifie que le demandeur doit venir sur place, à moins que nous nous rendions dans sa région, et cela dépend, encore une fois, du volume pour justifier la dépense.
Le sénateur Di Nino : Si l'un d'entre vous a des idées que nous devrions inclure dans notre rapport et qui nous aideraient à formuler des recommandations au gouvernement, pourriez-vous nous en faire part, si elles n'ont pas déjà été incluses dans vos remarques?
Le sénateur Smith : On a fait référence à un pays en particulier.
Si l'on prend toutes ces anciennes républiques de l'Union soviétique, et j'en ai visité environ cinq, elles seraient toutes dans la même catégorie. En Russie, ces jours-ci, les élections sont tout à fait authentiques. Je ne suis pas certain que ce soit vrai pour le Bélarus, mais il y a plusieurs nuances de gris.
Je me demande s'il y a un élément de déni, parce qu'il est difficile de décrire la façon dont ce sujet était abordé lorsque nous y étions pour plusieurs jours. Je ne mentionnerai aucun nom, mais les employés de l'ambassade nous regardaient les sourcils soulevés, en voulant dire que cette situation devait être réglée.
Si quelqu'un détient un poste d'élu, mais que cette personne a déjà fait partie du KGB il y a très longtemps, est-elle automatiquement inadmissible?
M. Gilbert : Oui, automatiquement.
Le sénateur Smith : Ne s'agit-il pas d'un problème pour une certaine personne qui pourrait venir au G20?
M. Gilbert : Votre question comporte deux parties. C'est ce que dit la loi; elle ne nomme pas une organisation, mais elle la décrit de façon suffisamment détaillée pour que la description s'applique exactement.
Pour ce qui est du G20 et du G8, des règles spéciales ne s'appliquent qu'à un certain nombre de sommets et ces deux- ci sont admissibles, donc cela dépend du niveau de la personne. Une fois que le niveau est établi, cette personne pourrait obtenir un visa au lieu d'un permis.
Le sénateur Smith : Je comprends et je ne veux pas m'attarder indûment à cette question, mais c'était un réel problème. Nous avons entendu des plaintes des entreprises canadiennes qui vont là-bas et qui se trouvent dans une situation difficile : si vous rendez nos vies misérables, quelles faveurs vous devons-nous? Toutefois, il y a des occasions d'affaires là-bas. La géographie de l'endroit où se trouve le pétrole là-bas est semblable à la géographie de l'endroit où se trouve le pétrole au Canada et nous avons des technologies avancées qui les intéressent beaucoup, mais nous entendons parler des problèmes sans fin.
Je serais plus à l'aise si je savais que les gens tentent de régler le problème. S'il faut apporter des modifications à une loi, ce n'est pas la fin du monde. Nous devons corriger un problème qui cause du tort aux occasions d'affaires pour les Canadiens. J'aimerais avoir une réaction.
M. Gilbert : La Loi sur l'immigration ne porte pas sur un seul pays, et le problème existe donc pour chaque pays. Pour nous, il serait très délicat de dire oui aux organisations qui sont considérées inadmissibles. Pour nous, il serait délicat de dire oui à ces gens, compte tenu des renseignements voulant qu'ils aient appartenu à ces organisations auparavant.
Revenons aux événements mondiaux des 50 dernières années; de nombreuses personnes qui faisaient partie d'organisations X sont toujours considérées comme indésirables au Canada. Heureusement, la loi ne se fonde pas sur des noms d'organisation, mais plutôt sur des descriptions.
Le sénateur Segal : Si je comprends bien ce que mon collègue de CIC vient de dire, le premier ministre de la Fédération de Russie est techniquement interdit de territoire, s'il souhaite faire partie de la délégation russe au sommet du G20, à moins que notre chef de mission détermine que sa présence au Canada serait dans notre intérêt national.
Deuxièmement, je pense que c'était en février, comme président du G8 et du G20, coprésident avec nos amis coréens, que le premier ministre du Canada a fait une déclaration sur ceux qui pouvaient venir et la nature de ces délégations.
Avez-vous examiné la situation afin de déterminer si vos critères sont satisfaits, ou allez-vous bientôt le faire, ou êtes-vous d'accord avec le contenu de ce document?
M. Gilbert : Je ne peux pas dire si je suis d'accord ou non, mais les règles concernant le G8 et le G20 sont différentes. Je suis certain que le premier ministre a satisfait aux critères, mais je ne suis pas certain à quel niveau, s'il s'agit de l'adjoint du ministre untel, à moins que mon collègue connaisse la réponse à votre question.
M. Hage : Je ne veux pas jouer au plus fin, mais c'est le président Medvedev qui participera à ces réunions, pas le premier ministre Poutine.
Le sénateur Segal : Je comprends, mais il peut mettre sur pied la délégation qu'il souhaite, je pense.
M. Hage : Le président peut le faire, oui, c'est vrai. Les dispositions de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, qui s'appliquent dans le cadre du G8 et du G20, traitent de toutes ces questions et on descend jusqu'à un certain niveau de l'entourage pour accélérer l'entrée au Canada.
La présidente : Je crois comprendre que dans le cas des Olympiques, il s'agit d'une organisation privée. La loi dont M. Hage a parlé concerne les traités et les conventions internationales.
M. Hage : Elle n'a pas été appliquée pendant les Jeux Olympiques, vous avez tout à fait raison.
M. Gilbert : Elle s'applique également à toutes les réunions de l'ONU tenues au Canada, de sorte que l'organisation à Montréal est également couverte.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais demander une précision au sujet de l'ASFC. Dans votre mémoire, vous mentionnez l'Inde. Vous dites que certains indices permettent de croire qu'il y a violation des droits de la personne dans les régions du Jammu et du Cachemire. Je comprends, mais je suis surprise que vous vous soyez arrêté là. Je viens de la Colombie- Britannique, et vous pouvez donc prédire ma question. Nous faisons face à de nombreux défis touchant le Punjab, mais à titre de sénateur de cette région, je reçois de nombreuses plaintes des gens déboutés. Que faites-vous pour régler ces questions?
M. Leckey : Les recherchistes que nous employons à la division dirigée par mon collègue, M. Herringer, sont embauchés pour leur compétence en recherche et leur connaissance des affaires internationales. Dans le cadre de leur travail, ils développent un haut niveau d'expertise, souvent dans un domaine en particulier, au sujet d'une question en particulier et d'un pays en particulier. Ils appliquent ces connaissances et cette expertise chaque jour. De plus, leur travail fait bien entendu l'objet d'un contrôle de qualité par leurs superviseurs et les lettres de recommandations négatives sont approuvées au niveau de mon collègue, M. Herringer.
Les rapports au sujet des violations des droits de la personne dans des régions comme le Jammu et le Cachemire proviennent d'organisations de très bonne réputation, comme vous le savez sans aucun doute, notamment des ONG, Amnistie Internationale, et cetera.
Le sénateur Jaffer : Je ne voulais pas tellement parler des recherchistes. C'était ma prochaine question. Vous avez parlé du Jammu-et-Cachemire, mais je m'arrête là.
Je voulais aborder la question de la recherche. Ce matin, la Cour fédérale a critiqué le fait que les études du ministère étaient réalisées à partir de ce qu'on trouve sur Internet dans Wikipédia.
J'imagine que lorsque vous déterminez qu'il existe une menace, vous vous fondez sur des renseignements provenant de nos partenaires et des connaissances locales. Quelles sont vos autres sources?
Ce qui me préoccupe, c'est que dans bien des endroits, on me dit que la raison — je parle uniquement ici de l'Inde — pour laquelle quelqu'un se voit refuser un visa c'est parce que X a dit que cette personne était une menace. Je suis certaine que vous ne vous fiez pas à de tels renseignements, mais sur quels renseignements vous fondez-vous pour prendre vos décisions?
M. Leckey : Je vous remercie de me donner l'occasion de parler un peu plus de cette question.
Les sources d'information que nous utilisons, que nous appelons le renseignement, sont de l'information qui a été analysée et préparée à une fin particulière. Les sources d'information sont évidemment des sources générales et des bases de données qui ont été compilées dans le cadre de notre travail au fil des ans. Ces renseignements sont à la disposition de nos partenaires de sécurité, notamment le SCRS et la GRC. Ces renseignements sont également à la disposition de nos agences alliées qui font le même travail que nous et aussi des fonctionnaires qui travaillent pour le MAECI et l'ASFC à l'étranger. Ce sont là les principales sources d'information que nous compilons et que nous analysons à l'échelle internationale.
Nous ne nous fions pas à Wikipédia comme source unique. Cela peut certainement être une source, mais ce n'est qu'une parmi une centaine d'autres sources qu'un chercheur pourrait examiner. Tous les chercheurs savent très bien que Wikipédia est connue pour être une source non fiable et qui peut changer.
Le sénateur Jaffer : Il y a eu un certain nombre de questions et je ne veux pas parler de la Russie ou de l'Inde et mentionner ces gens; tournons-nous plutôt vers le passé. Vous avez dit qu'un soi-disant terroriste pouvait devenir dirigeant du jour au lendemain. J'aimerais parler par exemple de Nelson Mandela. Il est un citoyen, alors je ne pense pas qu'il ait ces problèmes. Comment une personne de ce genre peut-elle entrer au pays? Arrive-t-il que vous soyez obligés de dire non à un premier ministre? Dans l'affirmative, comment en arrivez-vous à cette décision?
M. Leckey : Le libellé de la loi dit que quiconque a déjà été membre d'un organisme terroriste ou d'un organisme de renseignement est interdit de territoire au Canada à vie.
Malgré cela, il y a beaucoup de gens qui doivent venir au Canada, par exemple, des gens dont la présence ici au Canada est souhaitable et essentielle pour appuyer notre politique étrangère et nos objectifs économiques. Dans de tels cas, il est possible d'émettre un permis de résidence temporaire, et on le fait.
Le sénateur Jaffer : Parlons maintenant de l'Inde, où, monsieur Gilbert, vous avez dit que nous avions neuf bureaux.
M. Gilbert : Le fournisseur de services que nous utilisons a neuf bureaux. Nous avons deux bureaux : un à New Delhi et un à Chandigarh.
Le sénateur Jaffer : Je veux préciser le fait que vous acceptez des demandes par courrier. Pour les visas de visiteurs, cependant, de temps à autre, vous leur demandez de se présenter en personne à vos bureaux, n'est-ce pas?
M. Gilbert : Oui. Nous avons une entrevue avec un assez petit pourcentage des demandeurs. Il y a une grande différence entre le Canada et d'autres pays. Par exemple, les États-Unis exigent que tous les demandeurs se présentent en personne à une entrevue. Cela fait une grande différence. Souvent, nous recevons des plaintes au sujet du long délai de traitement au Canada par rapport aux États-Unis. Aux États-Unis, le délai de traitement est plus court lorsqu'ils reçoivent une demande, mais il faut parfois un mois et demi pour obtenir un rendez-vous; nous n'avons pas ce délai ici.
Le sénateur Jaffer : Hier, nous avons entendu le témoignage de gens du monde de l'enseignement, qui nous ont parlé de certains projets pilotes mis en œuvre pour accélérer les demandes de la part d'étudiants. Combien de projets pilotes y a-t-il et envisage-t-on d'en faire des programmes permanents?
M. Gilbert : Qu'il s'agisse du programme pour les gens d'affaires, pour les travailleurs temporaires ou pour les étudiants, tous ces programmes sont d'abord mis à l'essai dans un seul lieu avant d'en élargir la portée. Dans le cas des étudiants, nous avons également lancé le programme en Inde, en collaboration avec l'Association des collèges communautaires du Canada. Nous tenons à pouvoir confirmer qu'un étudiant a été accepté et qu'il a les moyens d'étudier au Canada. En l'occurrence, notre partenariat nous aide à évaluer ces deux éléments cruciaux pour la prise de décision. Nous tenons en effet à nous assurer que les étudiants sont inscrits dans une véritable école. Cela semble idiot, mais ce n'est pas le cas. Lorsqu'on voit une nouvelle école pour la première fois, on se demande s'il s'agit vraiment d'une école. Nous travaillons dans un fuseau horaire différent. Lorsqu'on téléphone à une école, il arrive souvent que la personne à l'autre bout du fil vienne de se réveiller, on sait alors qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une école.
Cette année, nous nous employons à mettre en place le même programme pour les étudiants en Chine et au Vietnam, et le programme pour les gens d'affaires, au Mexique et en Chine. Nous voulons élargir la portée de ces programmes tout en veillant attentivement à éviter les mauvaises surprises. Nous déléguons certaines responsabilités à des partenaires, mais en fin de compte, c'est nous les grands responsables.
Le sénateur Jaffer : Vous avez dit quelque chose d'intéressant. Dans ma province, il est arrivé que des étudiants soient venus ici en s'imaginant qu'ils étudieraient dans une école reconnue, mais ce n'était pas le cas.
Avons-nous un programme qui protège les étudiants étrangers? Lorsqu'ils s'inscrivent dans une école, a-t-on un moyen de les informer que certaines écoles ne sont pas reconnues? Est-ce que nous fournissons ce genre de service?
M. Gilbert : Non, nous ne le faisons pas. Nous le faisions auparavant en vertu de la loi précédente, mais l'actuelle loi ne contient aucune disposition de ce genre. Nous comptons dans une très grande mesure sur notre collaboration avec les provinces parce que l'éducation relève de leur compétence.
Or, les règles varient d'une province à l'autre. En Ontario par exemple, une école de langue est considérée comme une entreprise et non comme une école. Toutefois, en Colombie-Britannique, il s'agit d'une école. Chaque province n'impose pas nécessairement le même niveau de vérification de ces établissements. Nous collaborons avec les étudiants, mais nous ne leur disons pas : « si vous allez à l'école de coiffure ABC, vous n'êtes pas admissible ». Il n'existe rien de ce genre.
Le sénateur Plett : Je vais ajouter mes compliments aux observations positives déjà faites à propos de votre excellent travail.
Vous avez mentionné les Jeux Olympiques à quelques reprises mais sans vraiment donner de détails. Dans un tel cas, y a-t-il des dispositions spéciales qui s'appliquent? Est-ce que vous assouplissez quelque peu les règles? Bien entendu, les olympiades ne se tiennent pas souvent chez nous, mais il y a d'autres événements sportifs du même genre et, à cette occasion, est-ce qu'on assouplit un peu les règles?
M. Gilbert : L'assouplissement le plus fréquent concerne les frais d'administration, que nous ne percevons pas dans certaines circonstances.
Au sujet des Jeux Olympiques, nous avons calqué une de nos mesures sur ce qui avait déjà été fait à Turin, en Italie : les demandeurs qui avaient reçu leur accréditation de la part de leur comité olympique n'avaient pas besoin de visa; on leur émettait une carte. La chose a été surveillée de près parce que seuls les comités olympiques pouvaient approuver cela. Je n'ai pas de chiffres en main, mais il y en a eu beaucoup. On appelait cela « la famille olympique », qui englobait non seulement les athlètes mais également les entraîneurs, et cetera.
Nous avons aussi ajouté du personnel dans la mission où nous prévoyions avoir beaucoup de travail à faire. Les critères d'interdiction de territoire demeuraient les mêmes, mais, ainsi que je l'ai précisé au sujet de la Russie, beaucoup de gens avaient de bonnes raisons de venir ici. Pour leur délivrer des permis d'autorisation de séjour, nous avons utilisé le même mécanisme, soit la lettre d'attestation de l'intérêt national.
Le sénateur Plett : Ma prochaine question s'inscrit dans le prolongement des préoccupations soulevées par le sénateur Finley à propos des comparaisons entre demandes approuvées et rejetées. Ma question porte surtout sur les États-Unis. Il s'agit de notre partenaire le plus important et de notre voisin immédiat. Il ne fait aucun doute que si des attentats terroristes se passaient au Canada, ils préoccuperaient aussi les États-Unis. Par conséquent, est-ce que nous collaborons avec notre voisin afin d'en arriver à des politiques semblables, ou est-ce que chaque pays fait cavalier seul, et qu'il serait ainsi possible que le Canada autorise l'entrée au pays de gens que les États-Unis refuseraient, et vice versa?
M. Hage : En ce qui a trait à notre collaboration avec les États-Unis au sujet de la délivrance de visas, je m'en remets à mes collègues.
Il y a à peu près un an et demi, l'ambassadeur des États-Unis en Russie m'a dit que leur taux de rejet des demandes provenant de la Russie était plus faible que le nôtre. M. Gilbert a expliqué la différence entre nos lois respectives. Les Américains sont en avance sur nous à cet égard, en ce sens que le pourcentage de citoyens russes ayant demandé d'entrer aux États-Unis est plus élevé qu'au Canada. À cet égard, je ne pense pas que l'on critiquerait beaucoup le Canada.
Lorsque vous avez entendu mon témoignage avant votre voyage en Russie, j'ai cité l'exemple d'un programme couronné de succès aux États-Unis. Les Américains se sont en effet dotés d'un programme en vertu duquel ils permettent à 32 000 jeunes de venir chez eux tous les étés. C'est un nombre impressionnant, et cela englobe 16 000 personnes provenant de l'Ukraine. Il s'agit d'un programme de travail d'été spécial destiné aux étudiants. Or, les Américains confient à un groupe d'intermédiaires agréés et vivant en Russie la responsabilité de délivrer les visas afin d'accélérer le processus. Encore une fois, les Américains sont, dans ce cas particulier, tout à fait disposés à accueillir des visiteurs et des étudiants russes.
Le sénateur Plett : Est-ce que cela a changé ces dernières années? Il y a quelques années, on entendait des gens dire, peut-être injustement, que le Canada était plus ou moins un refuge pour des terroristes et que les gens qui voulaient créer des problèmes aux États-Unis passaient par le Canada pour s'y rendre. Est-ce que cela a changé quelque peu en raison de nos règles ou est-ce tout à fait faux?
M. Gilbert : Je ne peux pas vraiment parler de changement. Nombre de sénateurs américains sont encore fermement convaincus que tel est le cas, en partie à cause des rumeurs voulant que les terroristes du 11 septembre 2001 soient passés par le Canada. Même la sénatrice Clinton a affirmé cela à l'époque, en dépit du fait que c'est faux, mais cela a été répété quelques fois. Il y a aussi eu le cas célèbre du terroriste du millénaire, qui était passé par le Canada et avait essayé de traverser la frontière aux États-Unis.
Il suffit d'une seule fois. Toutefois, je ne suis pas en mesure de vous dire que cela se produit plus ou moins maintenant ou que nos règles sont plus souples. Pour ma part, je ne le pense pas. Cependant, il suffit d'un ou de deux cas, et c'est déjà trop.
Le sénateur Finley : Des permis de résidence temporaire sont accordés à des gens qui sont interdits de territoire pour une raison ou une autre. Je suis quelque peu étonné de voir que l'on en a accordé près de 13 000 en 2008. Est-ce que l'année 2008 était représentative?
M. Gilbert : C'était une année représentative, mais je dois émettre une réserve au sujet des 13 000 personnes. La très grande majorité de ces gens ont un casier judiciaire aux États-Unis. Le permis de séjour est accordé au point d'entrée. Souvent, le casier judiciaire correspond à des accusations de conduite en état d'ébriété, et bon nombre de ces gens sont des camionneurs, qui font très souvent la navette entre les deux pays au cours de l'année.
Le type d'interdiction de territoire dont nous discutons est beaucoup moins fréquent. Souvent, l'interdiction est liée à des questions d'ordre médical ou criminel et provient des États-Unis. Le reste des cas atteint quelques centaines, mais non des milliers.
Le sénateur Finley : J'ai été quelque peu étonné de voir qu'on avait accordé plus de 4 000 permis de résidence temporaire à des personnes qui ne se conformaient pas aux règlements — des gens qui n'avaient pas de passeport, de visa, de permis de travail ou d'études, ou encore pour qui la vérification des antécédents médicaux ou criminels devait être déterminée au Canada. Comment des gens à qui il manque des papiers essentiels, à ce qu'il me semble, peuvent-ils entrer dans notre pays? Comment peuvent-ils obtenir un permis de résidence temporaire?
M. Gilbert : Supposons que vous soyez arrivé au Canada et que vous demandiez l'asile en alléguant que votre gouvernement vous persécute. Il y a peu de chances que vous obteniez un passeport de votre pays d'origine. C'est un exemple répandu. La majorité des 200 enfants haïtiens qui sont arrivés au Canada pour y être adoptés ne détenaient pas de passeport et avaient reçu des permis. Il y a diverses raisons expliquant ce genre de choses, mais si les gens arrivés ici sont sans passeport, c'est souvent parce que leur pays d'origine ne leur a pas délivré ces documents pour diverses raisons.
Le sénateur Finley : Enfin, dans l'exposé de M. Leckey, il a dit qu'en 2007, on avait effectué au pays 48 000 filtrages de sécurité et, en 2009, près de 71 000. Il s'agit là d'une augmentation de près de 40 p. 100 en deux ans. Est-ce qu'il s'agit d'une croissance normale ou est-ce qu'on a imposé des exigences plus strictes pendant cette période? Autrement dit, est-ce qu'il y a plus d'obstacles qu'avant?
M. Leckey : Non, on n'a pas imposé des exigences de sécurité plus strictes ni augmenté le nombre d'obstacles. Ce sont nos collègues de Citoyenneté et Immigration qui nous fournissent ces chiffres. Une fois qu'ils ont reçu une demande de visa, dans la très grande majorité des cas, ils ne voient aucune raison de tenir un examen plus poussé. Toutefois, l'année dernière, ils ont renvoyé ces 70 000 cas à l'Agence des services frontaliers du Canada, et nous effectuons un autre examen plus poussé de ces demandes. Autrement dit, il s'agit là des cas difficiles.
La raison pour laquelle les chiffres sont à la hausse tient au fait que nous fournissons des services de formation aux employés de Citoyenneté et Immigration Canada à l'étranger afin qu'ils soient davantage au courant de ce qu'il faut chercher et des indicateurs à prendre en compte.
M. Gilbert : Cela explique en partie la situation, et il y a également le fait que le nombre de visiteurs augmente tous les ans. La semaine dernière, le bureau de Delhi m'a informé qu'il avait battu de 15 p. 100 son précédent record de demandes hebdomadaires. Il y a une augmentation du nombre de visiteurs venant au Canada.
Nous avons également ajouté des examens plus détaillés dans un certain nombre de pays. Par exemple, dans le cas de l'Afghanistan et du Pakistan, je ne me souviens pas très bien du moment où nous avons décidé d'apporter le changement, mais il s'agit d'un changement important. Nos collègues ont mis en œuvre un système d'entrée de données sur un grand nombre de gens.
M. Herringer : Depuis 2007, neuf autres pays ont été ajoutés à la liste générale de pays à examiner, soit le Pakistan, l'Afghanistan, l'Algérie, le Bangladesh, l'Égypte, le Maroc, la Jordanie, la Tunisie et le Yémen. Voilà une des raisons. Une autre tient à l'augmentation importante du nombre de personnes à l'occasion des Jeux Olympiques de 2010, une période pendant laquelle un nombre très élevé de gens est entré sur une très brève période. Voilà pour l'explication générale.
Le sénateur Finley : Cela me satisfait parfaitement. Je tenais à ce que vous confirmiez que nous ne sommes pas en train de resserrer à ce point nos exigences que nous créons des difficultés excessives aux gens qui souhaitent obtenir des visas, en raison des enjeux commerciaux.
Je comprends parfaitement que les filtrages de sécurité sont essentiels. Toutefois, comme notre mandat consiste à examiner les enjeux commerciaux avec l'Inde, la Russie et la Chine, je tiens à confirmer que vous faites tout ce que vous pouvez afin de faciliter le processus d'obtention d'un visa — ou à l'accélérer, si vous voulez — et non à le rendre plus difficile. Telle était la raison de ma question.
Le sénateur Smith : Pour revenir à la question des Jeux Olympiques, disposez-vous de données sur le nombre de personnes — s'il y a lieu — qui sont venues ici, soit pour participer aux Jeux, soit pour y assister, et qui ont ensuite demandé l'asile? Pouvez-vous nous fournir des renseignements à ce sujet?
M. Gilbert : Je n'ai pas ces renseignements en main. J'ai vu le rapport dans les médias, mais c'est tout. Vous l'avez peut-être vu aussi.
Le sénateur Smith : Mais il y en a eu?
M. Gilbert : Nous avons reçu des demandes de quelques personnes d'origine mongole et d'une personne d'origine japonaise. Le ministre a parlé de l'origine de certaines d'entre elles, mais je n'ai pas de chiffres en main.
Le sénateur Smith : Est-ce que les modifications au statut de réfugié dont le Parlement est présentement saisi en tiennent compte?
M. Gilbert : Cela dépend du moment où la revendication du statut de réfugié est présentée. Lorsque quelqu'un arrive au Canada en tant que visiteur, il est autorisé à rester ici jusqu'à six mois. Souvent, la demande d'asile n'est pas formulée sur-le-champ. Le traitement de la demande variera selon qu'elle aura été présentée avant ou après l'adoption de la nouvelle loi.
Le sénateur Smith : Je peux vous dire qu'en 1980, lorsque j'étais député sous le gouvernement Clark, ce dernier, pendant les neuf mois où il a été au pouvoir, a imposé un visa aux personnes venant du Chili. À l'époque, il y avait encore de graves problèmes dans ce pays. Le gouvernement estimait que bon nombre des revendicateurs ne faisaient que resquiller.
M. Trudeau et M. Axworthy m'ont demandé, ainsi qu'à un autre député qui est maintenant sénateur, d'aller passer plusieurs semaines au Chili pour parler avec le plus de gens possible, y compris des représentants des églises, le vice-roi, des représentants d'autres ambassades et nos propres représentants. J'ai été fier d'être Canadien lorsque la personne qui était chargée de ces questions là-bas, et dont je tairai le nom, a affirmé qu'au Canada, nous tenions pour acquis que notre interlocuteur nous dit la vérité, mais que dans bon nombre de pays, ce n'est pas le cas. Dire la vérité peut souvent nuire à celui qui le fait, et par conséquent, on ne dit la vérité qu'à ses amis les plus proches ou aux membres de sa famille. Il nous a montré un tableau illustrant divers pays et indiquant quel pourcentage des gens disait la vérité d'après lui. Je ne vais pas citer ses pourcentages. Je lui ai dit, « Je vous remercie, vous nous avez été très utile. Toutefois, je vous recommande de ne pas montrer votre tableau à d'autres députés s'ils viennent ici, car ils n'auront peut-être pas l'esprit ouvert ».
À notre retour, nous avons estimé qu'à peu près seulement 4 p. 100 des revendicateurs étaient authentiques, mais que, de toute manière, ils obtiendraient tous des visas, et les choses en sont restées là. L'expérience a été fascinante.
Le sénateur Jaffer : Monsieur Herringer, si je ne m'abuse, tous les pays que vous voulez soumettre à un filtrage sont musulmans; c'est bien cela?
M. Herringer : Honnêtement, je n'en suis pas sûr. Lorsqu'on ajoute le nom d'un pays à la liste de renvoi obligatoire, on se fonde sur une évaluation du risque et des menaces. Ce sont les critères que l'on examine. On ne se demande pas s'il s'agit d'un pays musulman ou non. Cela ne fait pas partie des critères.
Le sénateur Jaffer : Si j'ai bien compris vos propos, en tenant compte des renseignements de sécurité qui vous parviennent de diverses sources et dont on a parlé plus tôt, vous avez décidé que ces pays doivent faire l'objet d'un filtrage supplémentaire; c'est bien cela?
M. Herringer : C'est exact.
Le président : Nous sommes arrivés à la fin des questions. Au nom du comité, je vous remercie du travail que vous effectuez. Nous n'ignorons pas qu'il est très difficile, car il change constamment. On cherche à arriver à ce délicat point d'équilibre entre l'ouverture des frontières pour laisser entrer les gens, et la protection de notre sécurité et l'équité de nos processus. Nous vous remercions tout particulièrement des renseignements que vous nous avez fournis. Bon nombre de ces questions avaient été posées pendant le cours de notre étude. Vos témoignages ont donc répondu à bon nombre d'entre elles. Merci aussi d'avoir patiemment répondu à nos questions.
(La séance est levée.)