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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 15 - Témoignages du 10 février 2011


OTTAWA, le jeudi 10 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour étudier les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : La séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte. Nous continuons notre étude sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes. Il s'agit de la huitième réunion sur le sujet.

Ce matin, nous recevons Annette Hester, qui est associée en recherche pour le Conseil international du Canada. Mme Hester collabore avec le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, à Waterloo, le Conseil international du Canada et le Centre d'études interaméricaines de l'Université Laval; elle est aussi première agrégée de la chaire de politique économique William E. Simon du Centre d'études stratégiques et internationales, à Washington (D.C.).

Elle occupe un si grand nombre de fonctions que seulement les nommer m'épuise.

Elle est aussi la directrice fondatrice du Centre de recherches sur l'Amérique latine de l'Université de Calgary, et elle a écrit de nombreux articles sur les relations commerciales dans le secteur du pétrole et du gaz et sur les cadres réglementaires au Canada et en Amérique latine.

Bienvenue, et merci de prendre le temps d'être avec nous. Habituellement, les témoins font une courte déclaration préliminaire qui est ajoutée au compte rendu et ensuite, les sénateurs ont la possibilité de poser leurs questions. Bienvenue.

Annette Hester, associée en recherche, Conseil international du Canada, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être ici. J'ai tous ces titres, car je suis à mon compte. À moins d'être associés à tous ces centres, les gens se demandent vraiment ce que je fais dans la vie.

Je suis née au Brésil, mais j'ai vécu 30 ans à Calgary. Personne ne s'étonnera, donc, que je m'occupe de l'industrie du gaz et du pétrole.

J'ai lu tous les témoignages qui ont été faits, sauf celui d'hier. J'ai décidé d'emprunter une voie différente et de parler de choses qui n'ont pas encore été mentionnées.

Étant donné que je suis une Canadienne d'origine brésilienne, rien ne me réjouit davantage que de voir un effort concerté en vue de comprendre le Brésil et son potentiel en tant que partenaire du Canada. Bien sûr, comme le savent un bon nombre de sénateurs, notre histoire commune nous donne une longueur d'avance. Et je ne réfère pas seulement aux différends opposant Spencer et Lamont ou Bombardier et Embraer, ou à l'affaire de la viande bovine; nous partageons aussi la « Light », ou la Light and Power Company, qui fournissait l'électricité à la ville de Rio de Janeiro, où j'ai grandi. Cette entreprise est devenue Brascan et est maintenant connue sous le nom de Brookfield Asset Management.

Comme de nombreuses personnes de ma génération, on m'a répété, pendant toute mon enfance, d'éteindre la lumière, ou, comme mon père le disait : « Je ne suis pas actionnaire de la Light ». Nous avons d'ailleurs offert à mon père quelques actions de la Light afin qu'il puisse changer de disque. En résumé, Light a vraiment fait partie de ma vie, comme elle a fait partie de la vie de n'importe quel enfant qui a grandi à Rio.

Le Canada est actuellement un joueur avec lequel il faut compter. Je ne sais pas si vous connaissez Eike Batista; il est le huitième homme le plus riche au monde et pour le moment, il est l'entrepreneur en infrastructure gazière et pétrolière le plus prolifique du Brésil. Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario constitue son investissement privé le plus important. Ce sont ces investissements qui ont d'ailleurs permis au régime de ne pas trop souffrir de la crise financière.

De plus, le Canada est le pays dans lequel le Brésil investit le plus. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le Brésil emploie une stratégie d'entreprise assez différente lorsqu'il s'agit de ses investissements au Canada.

Ce ne sont pas toutes les entreprises qui emploient la même stratégie, mais la plupart suivent néanmoins les mêmes étapes, c'est-à-dire qu'elles achètent des actifs canadiens à bon prix et s'en servent pour mettre sur pied une équipe de gestion nord-américaine. Elles prennent ensuite les actifs en main, les font fructifier et s'en servent pour former leurs gens. Puis, elles mettent sur pied une équipe de base en Amérique du Nord et commencent à acquérir des actifs aux États-Unis. Elles mettent à profit cette équipe et ce qu'elle a appris — le renforcement des capacités — pour comprendre le marché nord-américain.

La première à employer cette stratégie a été Gerdau, devenue Gerdau Ameristeel. Cette équipe a acheté American Ameristeel. Votorantim a ensuite acquis St. Marys Cement et a fait la même chose. On a vu l'histoire se répéter dans l'industrie de la bière, avec Inbev qui cherchait à acquérir Molson et Labatt et qui s'est ensuite dirigée vers les États- Unis, avec Anheuser-Busch dans sa ligne de mire.

La seule exception à ce processus a été l'achat de Vale Inco, puisque les actifs miniers vont avec l'emplacement des ressources. Cet apprentissage n'est pas nécessairement utile.

Le Canada est un tremplin fantastique pour quiconque désire s'attaquer au marché des États-Unis. Le Brésil est, à ma connaissance, le seul à avoir tenté l'expérience; le Japon et d'autres pays d'Asie, par exemple, ne gèrent pas leurs investissements de cette façon. À ce jour, je n'ai pas encore vu un pays adopter la même approche que le Brésil.

Pour les étapes à venir, je suggère tout d'abord d'établir des relations étroites avec les hauts dirigeants de ces entreprises, car ils sont des acteurs importants dans l'économie du Brésil. En effet, ils profitent d'un transit complet avec le gouvernement fédéral du Brésil, ainsi qu'avec les gouvernements des États. En fait, Johannpeter Gerdau est membre du Conseil consultatif de la société civile, formé par le président Lula. Je vais d'ailleurs en parler plus tard.

M. Gerdau est actuellement la figure de proue du nouveau Conseil de la concurrence et de la gestion, formé par la présidente Rousseff. Elle a en effet annoncé la formation d'un nouveau conseil au sein du pouvoir exécutif qui collaborera directement avec elle afin de suivre le travail effectué dans ses ministères. La présidente a été très claire avec ses ministres; elle leur a ordonné de se doter d'un objectif, de respecter un budget et de rendre compte de leurs travaux.

Les membres de ce conseil n'ont pas encore été nommés. Nous savons cependant que Johannpeter Gerdau en fera partie, puisque c'était son idée. Il en sera un membre très influent et surveillera le travail des ministres.

Cela signifie qu'il fait partie du cercle restreint de la présidente Rousseff. Si vous voulez en savoir plus sur le style de gestion de la présidente, je ne peux pas vous aider. Je ne sais rien à ce propos. Mais demandez à M. Gerdau; invitez-le à vous parler. Il en sera honoré et très heureux, et vous le serez aussi, car c'est un sage entrepreneur de la vieille école, doté d'une charmante personnalité.

Naturellement, vous cherchez, entre autres, une façon d'accroître les échanges et le commerce entre nos deux pays. C'est la façon la plus concrète d'en arriver à ce que chaque pays y trouve son compte, c'est-à-dire une augmentation des échanges et des investissements. J'ai lu les témoignages précédents et j'ai constaté que vous vous étiez penchés sur la difficulté de concilier les intérêts nationaux avec le bien-être collectif. C'est un défi auquel on s'attend dans cette situation.

Vous connaissez mieux que moi les répercussions engendrées par notre choix concernant la gestion de l'offre en ce qui a trait à la structure du marché de l'agriculture. Les choses ne changeront pas tant qu'on ne pourra pas compter sur un gouvernement qui sera capable de s'attaquer à ces groupes et prêt à le faire. Ce n'est pas non plus avec un gouvernement minoritaire, au cours d'une année d'élections, qu'elles vont changer. La situation est la même que celle qui prévalait la dernière fois que nous avons amorcé des négociations en vue d'un accord commercial entre le Canada et Mercosur.

Jim Peterson était le ministre du Commerce international dans le gouvernement de Paul Martin. La délégation de Mercosur, menée par le Brésil, désirait ardemment obtenir un accord avec un pays développé. Cela se passait l'année précédant les efforts du président Lula en vue de sa réélection, et il devait montrer un progrès dans le dossier du commerce.

Les Brésiliens y tenaient tellement qu'ils ont envoyé une délégation au Canada pendant la semaine du Carnaval du Brésil. Je me suis entretenue avec leur négociateur principal; je l'ai taquiné en lui faisant remarquer qu'il payait cher ses erreurs passées, car il se trouvait à Ottawa, au beau milieu de l'hiver, alors que le carnaval battait son plein au Brésil. C'est très grave. Personne ne devrait avoir à subir une telle épreuve.

Ils se sont butés à une situation inhabituelle; le Canada, et non le Brésil, a fait échouer les négociations. Le premier ministre Martin a réagi à l'échec de la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA — qui prenait de l'eau à ce moment —, en décidant d'avoir un programme commercial avec Mercosur dans le cadre de la ZLEA.

Il était évident que les représentants canadiens en matière de commerce n'avaient aucune idée de la marche à suivre dans ce cas. Ils ne pouvaient pas comprendre ce qui se passait. Lorsqu'ils ont expliqué au ministre les demandes du Brésil et ce que le pays était en mesure d'offrir, il a répondu qu'il n'était pas question de s'engager dans cette voie.

Le manque de concertation était si important qu'à un certain point, nous avons demandé la tenue d'une consultation publique discrète, qu'on n'annoncerait même pas, afin de préciser qui était intéressé par un accord commercial et qui en tirerait parti. Nous pensions que si nous réussissions à rassembler assez de gens en sa faveur, ils pourraient contrebalancer ceux qui étaient contre. En effet, les gens s'unissent toujours plus facilement contre une chose qu'ils ne le font en sa faveur.

Cependant, on ne nous a pas permis de tenir cette consultation, et nous ne pouvions rien faire d'autre. Le Canada a donc fait échouer l'accord.

Voici ce que je recommande pour la deuxième étape : si vous n'êtes pas prêts à vous engager à fond dans les négociations, n'empruntez pas cette voie. Peut-être que ce dossier est nouveau pour le ministre et les représentants canadiens qui négocient cet accord commercial, mais vous devez me croire lorsque je vous dis qu'en face d'eux, se trouvent des gens qui le connaissent à fond. L'Itamaraty du Brésil, qui est l'équivalent de notre ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI, possède une meilleure mémoire institutionnelle que le Canada. Nous étions fautifs la dernière fois; ne répétons pas les mêmes erreurs cette fois-ci.

Les temps ont changé, et les affaires internationales entrent dans une ère nouvelle, celle de l'érosion du pouvoir occidental traditionnellement détenu par le Royaume-Uni et les États-Unis.

On ne sait toujours pas ce qui nous attend. Mais nous savons que, peu importe ce que ce monde en transformation nous réserve, notre partenaire le plus important est représenté par nos voisins du Sud, les États-Unis, et ils le resteront. La santé de l'économie américaine repose sur la sécurité énergétique. Je ne vais pas vous ennuyer avec un exposé sur des politiques relatives à l'énergie — un sujet auquel j'ai consacré des années d'écriture et de recherche. Il suffit de savoir que la stabilité énergétique des États-Unis dépend de l'hémisphère occidental et qu'à l'avenir, les deux fournisseurs principaux seront le Canada et le Brésil.

Cela revient à dire que la stabilité de l'hémisphère occidental sera assurée par le Brésil, les États-Unis et le Canada. Sachant cela, je ne peux pas penser à trois pays mieux préparés ou desquels j'aimerais mieux dépendre. Ils forment trois démocraties solides et respectueuses des droits de la personne. Ils sont créatifs, aventureux et engagés envers le multilatéralisme.

En troisième lieu, selon moi, vient l'importance de traiter le Brésil comme un partenaire à parts égales. C'est très bien d'avoir des valeurs, mais essayer de les imposer ne mène pas à une relation fondée sur l'égalité. Les Brésiliens sont aussi passionnés par leurs valeurs, et ils ne cherchent pas à les imposer aux autres. Ils traitent avec les autres pays, et surtout leurs voisins, à leur façon, et on doit la respecter.

Le Brésil est un endroit vivant et animé où l'on peut s'amuser. Il s'y passe bien des choses, et nous pouvons participer à beaucoup d'entre elles. Le pays a énormément de potentiel — développement de la technologie gazière et pétrolière, innovation sur le carbone, nanotechnologies, santé, rodéos et courses de chariots bâchés. Les rodéos du Brésil sont de grands évènements, ce qui attire les touristes. J'ai beaucoup d'idées; nous pourrions en discuter pendant des heures.

Je pense à une dernière étape, qui consiste à laisser le Brésil nous enseigner des choses. Je veux vous laisser avec un exemple. J'ai remis à la greffière une copie d'un mémoire que j'ai préparé pour Oxford Analytica, pour qui je prépare un grand nombre de mémoires sur le Brésil et sur l'énergie. J'en ai récemment préparé un au sujet du Conseil consultatif de la société civile du Brésil. Il s'agit d'une idée du président Lula qui, à ma grande surprise, car je n'ai jamais été l'une de ses partisanes, a été un excellent président, en raison de son habileté à rassembler les gens. À certains moments, ses ministres étaient prêts à s'entretuer, mais il a su les gouverner. Il sait comment rassembler les gens autour d'une idée.

La deuxième annonce du président Lula a mené à la création d'un mécanisme officiel de consultation de la société civile. Il est institutionnalisé. Ses rouages et son fonctionnement sont expliqués dans ce mémoire que vous pourrez consulter. Contrairement aux consultations de la société civile et aux consultations publiques qui ne concernent qu'un sujet à un moment précis, celles-ci sont institutionnalisées. Les gens du conseil sont issus des diverses sphères de la société. Ils rencontrent l'exécutif et le président quatre fois par année, et ils discutent régulièrement avec chaque ministre. L'objectif de cet organisme est d'établir une vision pour le pays et de déterminer le type de pays que les Brésiliens veulent. Que souhaitent-ils? Le conseil émet des recommandations générales; il ne s'occupe pas des affaires courantes.

Les conversations entre les membres du conseil sont encore plus importantes que celles avec le gouvernement. Dans le cas d'une consultation ponctuelle sur un sujet précis, les opposants et les partisans forment des groupes distincts. Ils n'ont qu'une occasion. Les divers groupes s'unissent et s'affrontent. Personne ne réussirait à les convaincre de discuter. Les gens se parlent, mais ils ne discutent pas. Il faut voir cela comme une partie perpétuelle, ou plutôt comme une série de parties. Étant donné que les sujets et les questions varient, je pourrais être l'alliée d'une personne en première ronde, mais pas en troisième. Qui plus est, je resterai aimable avec une personne, parce que j'aurai besoin de son soutien tantôt. On ne récolte rien en jetant de l'huile sur le feu.

En suivant ce conseil, ce que je fais depuis bon nombre d'années, j'ai vu M. Gerdau discuter avec le chef syndical, le poste que le président Lula occupait auparavant. Le chef syndical est un homme intéressant et charismatique; c'est un sociologue. Les deux hommes éprouvent un énorme respect mutuel et se parlent. J'étais aussi présente, durant la crise financière, lorsque le Brésil a décidé d'accorder un prêt à Embraer par l'entremise de la banque de développement brésilienne et qu'Embraer s'est mis a supprimé des postes. Évidemment, le syndicat était furieux.

Nous participions à une séance avec le président Lula, et la discussion s'est engagée sur ce sujet, à savoir si une entreprise avait le droit de supprimer des postes après avoir reçu un prêt d'une banque de développement. Les gens en ont débattu; ils ont échangé. À la fin, au moment où le président Lula s'apprêtait à partir, il a cherché du regard Mauricio Botelho, le PDG d'Embraer, et le chef syndical, et il les a emmenés dans une autre pièce. Il a discuté avec eux.

Je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé. C'était à huis clos. Toutefois, ils avaient un climat propice pour tenir ce genre de discussion en temps opportun et se dire : « Nous avons un problème, l'entreprise a un problème et le syndicat a un problème. Pouvons-nous trouver une solution? »

C'est intéressant d'avoir un environnement qui permet de le faire. Je vois ce qui se passe actuellement du point de vue de l'Alberta : pour la première fois en 20 ans, j'ai entendu l'Alberta demander l'adoption d'une politique nationale en matière d'énergie. Ils n'aiment pas cette appellation, mais c'est ce qui se produit en ce moment. Nous en discutons souvent en Alberta. Je me dis souvent que si nous avions surmonté nos différends passés, nous ne nous retrouverions pas dans cette situation. Je crois que nous pouvons en tirer des leçons. J'aimerais que ce soit aussi le cas ici.

Je serai ravie de répondre à toute question.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Johnson : Nous sommes heureux de vous accueillir au comité aujourd'hui. Vous avez toute une histoire en lien avec le Brésil. Aujourd'hui, dans le cahier affaires du Globe and Mail, il était question des groupes d'investisseurs canadiens au Brésil. Ivanhoe, Cambridge, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et, bien entendu, Brookfield Asset Management sont tous au Brésil. Je crois que Brookfield y est depuis de nombreuses années.

Mme Hester : En effet.

Le sénateur Johnson : J'aimerais savoir ce que les Brésiliens pensent d'eux. Je sais que les entreprises comprennent qu'elles doivent collaborer avec les Brésiliens : c'est l'un des éléments importants dans votre pays. Le font-elles? Sont- elles bien reçues? Comment entrevoyez-vous l'avenir de ces entreprises et des autres? L'article mentionne que le Brésil a une importante culture de consommation et qu'il y a un grand besoin de logements et de centre commerciaux.

Mme Hester : Il y a divers éléments. Les Brésiliens ressemblent beaucoup aux Américains et aux Canadiens. Ils ont des goûts tout à fait occidentaux. Si un gadget est inventé, les Brésiliens en veulent deux. Ils adoptent sans conteste rapidement les nouvelles tendances. Ils veulent vraiment tout avoir.

Toutefois, les Brésiliens ont aussi des goûts occidentaux. Ce n'est pas comme si nous devions changer le design du produit. Nous n'avons même pas à modifier la langue. En ce qui concerne les rodéos, je confirme que ceux qui se tiennent dans l'État de São Paulo sont exactement pareils à ceux de Calgary, à l'exception des jeans plus serrés. Outre cela, les rodéos sont identiques.

C'est facile pour les entreprises canadiennes, mais elles ont peur du risque, et le Brésil est risqué. Le prix à payer est élevé, et les entreprises canadiennes font face à une forte concurrence. Les Américains, les Européens et les Asiatiques ne resteront pas là les bras croisés à rien faire. La concurrence est féroce.

Les Brésiliens perçoivent les Canadiens différemment d'une personne à l'autre selon qui elle est et comment elle agit — comme pour n'importe quoi d'autre. Les Canadiens ne sont pas un groupe homogène.

Le régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario connaît un succès sur toute la ligne. Comme je l'ai mentionné, l'organisme a collaboré tôt avec Eike Batista, le fondateur de OGX, EBX, MMX, et cetera. Il aime la lettre « X ». Il s'est fait la main ici au Canada. Si cela vous intéresse, j'ai rédigé deux mémoires pour le compte d'Oxford Analytica sur Eike Batista et ses entreprises et je serai ravie de vous les faire parvenir. Il s'est fait la main ici au Canada et y a appris le concept du marché du premier appel public à l'épargne, le PAPE. Il a forgé des liens de longue date avec le Canada et les investisseurs canadiens, comme c'est le cas de Brascan, Brookfield et Light, comme je l'ai expliqué.

Le sénateur Johnson : Brookfield est-elle la plus importante entreprise canadienne en matière d'investissement au Brésil?

Mme Hester : Je n'en ai aucune idée, parce que je ne sais pas où trouver les données pour mesurer les investissements. Je ne suis pas en mesure de les obtenir.

Le sénateur Johnson : Brookfield affirme avoir investi 18 milliards de dollars. Cela étant dit au sujet des entreprises canadiennes, comment cela se compare-t-il aux investissements asiatiques et américains au Brésil?

Mme Hester : Tout dépend du secteur. Je n'ai pas les données en main et je ne crois pas que nous puissions les séparer de cette manière. Elles sont ainsi recueillies.

Le sénateur Johnson : Qu'en est-il de la variation?

Mme Hester : Les investissements sont énormes. Je crois que c'est le Brésil qui reçoit le plus d'investissements après la Chine. Je n'ai pas vérifié les données récemment. Tous les pays sont au Brésil et ils veulent tous leur part du gâteau.

Dans quel secteur voulons-nous investir? Préférons-nous le pétrole ou le gaz? Malheureusement, le Canada n'a plus de grosses entreprises. Il y a beaucoup à gagner avec les énormes gisements pétroliers des zones extracôtière et pré-sel. Les gros joueurs sont présents, comme Statoil, BG, Exxon Mobil et les autres. Par contre, nous y trouvons aussi de nombreux gisements de plus petite taille que bon nombre d'entreprises canadiennes aimeraient bien exploiter.

C'est compliqué; le Brésil est compliqué. Il faut prendre son temps avec le Brésil. Si vous y allez à court terme, vous investirez beaucoup d'argent, mais vous n'obtiendrez pas les résultats escomptés.

Le sénateur Johnson : Êtes-vous emballée par l'arrivée de la présidente? La connaissez-vous? Vous inspire-t-elle? Comment sera-t-elle?

Mme Hester : Suis-je emballée? Je ne sais même pas si je le serais par l'élection d'un nouveau gouvernement au Canada. Je ne suis pas certaine que le mot juste soit « emballée ».

Le sénateur Johnson : D'accord. Que pensez-vous d'inspirante?

Mme Hester : Notre gouvernement est ce qu'il est; la population l'a élu. Est-ce que je crois Dilma Roussef capable de relever le défi? Oui. Est-ce que je crois qu'elle a mérité le droit d'être là? Oui. Est-ce que je crois qu'il y a une continuité au Brésil? Oui. Est-ce que je crois qu'elle fera quelque chose de stupide? Non. Imposera-t-elle son style? Oui. Est-ce que je le connais? Pas vraiment. Les premiers signes sont-ils encourageants? Oui.

Selon ce que je peux constater, son regard sera tourné vers l'intérieur. Elle diminue les dépenses. Le Brésil a réussi à connaître une expansion grâce à une politique budgétaire ridicule et à une politique monétaire rigoureuse. Nous pouvons faire l'un ou l'autre. Si nous agissons comme le Brésil l'a fait en matière budgétaire au cours de la dernière année, surtout avec la crise financière, et cetera, nous sommes mieux d'avoir une excellente politique monétaire, comme ce pays.

La pression est forte pour augmenter le salaire minimum, mais c'est difficile au Brésil. Cette augmentation a aussi l'un des effets les plus marqués sur l'inégalité des revenus. Si le gouvernement brésilien veut avoir un effet instantané sur l'inégalité des revenus, il n'a qu'à augmenter le salaire minimum. Cependant, une fois que ce sera fait, son budget grimpera en flèche, parce que toutes les pensions et tout le reste au pays sont calculés à partir du salaire minimum — la masse salariale du gouvernement, et cetera. Le budget du gouvernement grimpera en flèche.

C'est compliqué. J'ai la tête qui tourne juste à penser à toutes les conséquences d'essayer d'équilibrer tous ces éléments, et elle veut y arriver. Pour ce faire, elle doit imposer à ses ministres des objectifs draconiens de réduction des dépenses qu'ils devront maintenir. Ainsi, elle pourra accomplir les deux.

Je la vois un peu comme une sorte de PDG. Je m'y attendais de sa part. Je l'ai rencontrée à quelques reprises; je l'ai déjà vu parler à n'en plus finir. Elle est beaucoup moins conciliante et beaucoup plus autoritaire que le président Lula. Il savait qu'il ignorait certaines choses; c'est vrai. Il est un homme incroyablement humble. Il ne prétendait pas connaître un sujet qu'il ignorait, et cela ne le dérangeait pas. Il affichait une attitude désinvolte à cet égard. Ce n'est pas le cas de la nouvelle présidente. C'est différent.

Suis-je emballée? Non, mais ai-je bon espoir?

Le sénateur Johnson : Oublions l'adjectif « emballée ».

Mme Hester : Oui.

J'ai quelque chose d'autre à ajouter. Voici mon plus gros problème ou ma plus grande question. Chaque fois que je présente une nouvelle idée à mes amis canadiens, ils me répondent : « Oui, mais... ». Ensuite, ils m'expliquent ce qui fait qu'elle est irréalisable ou qu'elle ne fonctionnera pas — pourquoi ceci, pourquoi cela. C'est correct.

Au Brésil, je leur dis : « Avez-vous pensé à ceci? » Ils me répondent : « Oui, mais... ». Ensuite, ils dressent la liste des autres idées auxquelles nous pourrions collaborer pour grandement améliorer la première.

Le sénateur Johnson : C'est parfait. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame Hester, je vous souhaite d'abord la bienvenue au comité. J'ai beaucoup apprécié votre exposé. Ma question concerne l'énergie parce que j'ai l'intuition que vous en savez beaucoup sur le sujet.

Quels ont été les investissements du Brésil quant à la recherche et le développement dans le domaine de l'énergie? J'aurai deux autres questions à vous poser par la suite.

[Traduction]

Mme Hester : Le Brésil a investi dès le départ dans les recherches pétrolières et gazières. C'est le gouvernement militaire qui a pris cette décision. Dans le domaine de l'énergie, le Brésil a été le premier pays à comprendre le concept de la sécurité énergétique. Il n'en avait aucune et n'avait pas non plus d'argent. Son territoire ne regorgeait pas de ressources. Toutefois, en examinant la géologie du pays, le gouvernement a compris qu'il devait se tourner vers l'océan, vers la zone extracôtière.

Le gouvernement militaire a pris la décision d'investir dans les technologies d'exploration et de production. Il a créé un centre de recherche appelé Cenpes à même Petrobas, et le Brésil a commencé à développer ses connaissances. Ce pays est maintenant un chef de file dans le domaine.

De plus, étant donné que le Brésil ne disposait pas de ressources, qu'il y avait deux embargos en place, et cetera, le gouvernement a mis au point toute la technologie relative aux biocarburants. Le Brésil a investi massivement, et continue de le faire, dans la recherche et la technologie relatives aux industries pétrolière et gazière. Cela répond-il à votre question?

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous êtes originaire du Brésil, mais vous vivez en Alberta. Vous connaissez donc très bien le dossier énergétique du Canada et de l'Alberta. Quelles sont les priorités du Brésil en matière d'énergies renouvelables? Êtes-vous au courant de ces priorités?

[Traduction]

Mme Hester : Tout d'abord, au Brésil, l'industrie de l'éthanol est en plein essor et est autonome; elle n'est pas subventionnée. De plus, cette industrie est durable, au sens où elle n'empiète pas sur la forêt amazonienne ou le reste. Le Brésil a mis au point un véhicule polycarburant, parce que la nécessité est la mère de l'invention. Les Brésiliens en avaient besoin. Par le passé, ils ne disposaient pas de technologie fiable pour les véhicules, et c'est ce qui explique qu'ils ont eu de la difficulté à utiliser l'éthanol. Ils ont donc mis au point un véhicule polycarburant. Maintenant, ils n'ont plus de problème et ils peuvent utiliser le carburant de leur choix. Ils peuvent utiliser l'essence. Au Brésil, l'essence contient de 20 à 23 p. 100 d'éthanol. Autrement dit, on ne trouve pas d'essence pure au Brésil.

Le gouvernement brésilien a ensuite décidé d'investir dans le biodiesel et d'arrimer sa politique en matière de développement avec celle en matière d'énergie. Jusqu'à présent, le programme produit beaucoup de biodiesel; par contre, le développement est un échec, un désastre. Oui, le développement entraîne la déforestation de la forêt amazonienne, parce que le soja est maintenant la matière première et que sa culture exige une plus grande superficie.

Le Brésil n'a jamais eu l'intention de faire l'un ou l'autre. Il n'adopte pas une stratégie précise pour arriver à ses fins. Au Brésil, les projets se concrétisent par essais et erreurs. Le Brésil a appris à reconnaitre rapidement ses erreurs. Lorsque le gouvernement lance un programme, la première version est très souvent un échec. C'est presque immanquable. L'histoire de l'éthanol est un désastre. Le Brésil a commis toutes les erreurs possibles et imaginables. Cependant, il réagit rapidement. Le gouvernement constate son erreur et se dit : « Oups, cela n'a pas fonctionné comme nous l'espérions. Essayons autre chose. » Les Brésiliens se relèvent et s'adaptent.

Je suis moins pessimiste au sujet du biodiesel; dans 20 ans, je sais que les Brésiliens trouveront la solution. Cela prendra du temps, mais, pour l'instant, la route est parsemée d'embuches.

Il y a un an et demi, des secrétaires d'État de l'énergie se sont réunis et ont rédigé ce qu'ils ont appelé une lettre sur l'énergie éolienne : une déclaration de leurs besoins et de leur volonté de développer l'industrie. L'année dernière, le Brésil a lancé la première vente aux enchères concernant exclusivement la mise en valeur de son potentiel éolien. Certains États brésiliens ont recours à ce type d'énergie — il y a une liste des États propices à cette industrie. L'énergie solaire progresse aussi, mais pas au même rythme. Selon moi, l'importance de l'hydroélectricité au Brésil est un obstacle. Cependant, 5 p. 100 de l'électricité au Brésil est produite à partir d'éthanol. C'est un sous-produit de la transformation de la canne à sucre.

Diverses formes d'énergie renouvelable existent, et la demande est forte, mais tout se déroule en même temps. Comme le Canada, le Brésil est multipolaire. Il y a de nombreux intérêts, et bon nombre de choses se déroulent actuellement. Je ne crois pas que le Brésil réalise encore qu'il devra trouver le moyen de concilier son importante production d'énergie verte et son immense production de pétrole pré-sel. Lorsque j'interroge les autorités brésiliennes à ce sujet, je leur dis : « Vous devriez faire attention à votre discours. Autrement, je devrai publier que, d'un côté, vous êtes verts dans votre pays et que, de l'autre, vous exportez du pétrole pour que les autres le soient moins. »

Les Brésiliens changent leur discours. Ils essayent de concilier ces enjeux. Ils y travaillent, mais ils n'y sont pas encore tout à fait arrivés.

Il y a amplement de recherches sur le carbone auxquelles le Canada et le Brésil pourraient collaborer, parce que le pétrole pré-sel en produit beaucoup, même davantage que le pétrole conventionnel. En passant, le Brésil possède également des gisements de schiste bitumineux, et les autorités n'ont même pas encore commencé à étudier la question, mais des projets de petite envergure sont en cours dans ce domaine. Toutefois, je crois que nous nous rendrons compte que bien des choses sont possibles dans ce secteur avec la nouvelle technologie de récupération du schiste bitumineux : le Canada en est le chef de file grâce à Packers Plus et à d'autres entreprises de Calgary.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci infiniment, madame Hester. Vous avez fait un beau tour d'horizon sur l'énergie.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Pourriez-vous nous parler de la position du Brésil en Amérique du Sud? Le Brésil augmente-t-il son armée? Le Venezuela l'inquiète-t-il? Les autres pays perçoivent-ils le Brésil comme le prochain leader de la région ou y a-t-il des tensions avec les autres grandes puissances économiques comme le Chili ou l'Argentine, dans une moindre mesure?

Mme Hester : En ce qui concerne l'armée, je n'en sais rien. Je ne suis pas au fait des budgets militaires. D'autres personnes seraient mieux placées que moi pour vous répondre.

J'assiste normalement au Sommet des Amériques ou aux autres grandes rencontres multilatérales en tant que journaliste accréditée, parce que je crois que j'y ai ainsi un meilleur accès. En particulier, les Brésiliens ont l'obligeance de m'y accréditer comme si j'étais une journaliste brésilienne. Je vous en parle, parce que j'ai assisté au dernier sommet à Trinité-et-Tobago. Nous y avons interrogé Lula. Je l'appelle ainsi, parce que c'est ce que tout le monde fait; ce n'est pas pour lui manquer de respect. Tout le monde parlait de leadership en raison de la friction entre les présidents Chávez et Obama. Il s'agissait de leur première rencontre. Chávez lui a remis le livre, et cela a soulevé tout un tollé au sujet de leur relation. Il y avait beaucoup d'action.

Beaucoup de gens essayaient de faire valoir que Lula était le leader, et cetera. Il leur a répondu avec sagesse : « Croyez-vous vraiment qu'un pays demanderait à un autre président de le représenter pour quoi que ce soit? Croyez- vous vraiment que les choses se déroulent ainsi? Vous n'êtes pas sérieux. Il est évident qu'aucun autre pays ne me demanderait de le représenter ou de parler en son nom. Ce n'est pas le cas. Le leadership ne se commande pas. C'est une question de confiance. »

Je ne crois pas que le Brésil est en voie de devenir le leader. Selon moi, il le sera parfois. Il a une certaine influence et en aura toujours. Son économie est florissante. Les États-Unis ont-ils de l'influence? Oui, et ce sera toujours le cas. Comparez la superficie du Brésil à celle de ses voisins. Nous ne pouvons pas faire abstraction du Brésil.

En passant, le Canada ne peut avoir une stratégie pour les Amériques, s'il n'en a pas une pour le Brésil. C'est ainsi; c'est indéniable.

Le Brésil sera-t-il un leader? À mon avis, cela dépendra des présidents en place au Brésil et ailleurs et de leurs relations.

Le sénateur Downe : Vous avez parlé du Venezuela. Voici le contexte de ma question. Lorsque des troubles surviennent dans la région — nous nous concentrerons sur le Venezuela pour l'instant —, c'est traditionnellement les États-Unis qui essayent de venir vous aider. Ce rôle sera-t-il assumé par un autre pays? Si oui, le Brésil sera-t-il ce pays?

Mme Hester : Sénateur, c'est un sujet délicat. J'ai grandi dans une dictature. L'« aide » américaine s'est résumée à une enquête sur la révolution qui a mené à 20 ans de dictature militaire dans mon pays. Vous comprendrez que les mots « aide » et « valeurs » me font tiquer.

Le sénateur Downe : Je comprends parfaitement.

Mme Hester : Je dis cela, parce que je sais que les Brésiliens connaissent bien M. Chávez. Tous les Brésiliens savent qui il est, ce qu'il fait et ce qu'il en retourne. Ils ne s'en inquiètent pas, parce que M. Chávez n'a aucune influence au Brésil. Il essaye d'implanter Petróleus de Venezuela, PDVSA, au Brésil depuis que je suis dans le domaine pétrolier, c'est-à-dire depuis très longtemps — j'ai une très bonne coiffeuse. Je suis une sorte de dinosaure.

M. Chávez veut s'étendre au Brésil. Il aimerait bien avoir sa part du butin, mais il ne peut pas y arriver. Petrobas ne laissera jamais faire une chose pareille.

Carlo Dade a dit quelque chose de vrai : le Brésil le fait constamment. M. Chávez approche les autorités brésiliennes avec des idées absurdes. Il anime une émission de radio ou de télévision chaque dimanche appelée « Aló Presidente ». Il doit trouver une nouvelle idée chaque fois. C'est compliqué. Il ne cesse d'en parler. Cependant, les autorités brésiliennes lui répondent : « Oui, bonne idée, excellent. Faisons-le. Nous devons l'examiner. » Ensuite, l'idée est balayée sous le tapis.

Petrobas a accepté de construire une raffinerie avec M. Chávez à Pernambouc. Nous avons mis en doute cette décision. Pourquoi en avons-nous besoin? Pourquoi la construisons-nous? Pourquoi en donnons-nous le contrôle à Chávez? Je ne comprends pas cette décision. Je questionne Petrobas à ce sujet depuis des années. À ce jour, le partenariat se poursuit, et M. Chávez n'a toujours rien investi dans le projet et n'en retire rien. Le plan devient nébuleux.

Le Brésil doit traiter avec M. Chávez et il le fera. Toutefois, il n'agira pas à l'américaine avec lui et avec ses voisins.

Le sénateur Downe : J'en suis rendu à ma dernière question. Vous êtes la spécialiste des questions brésiliennes, et vos connaissances dépassent largement les nôtres. En tant que Canadien examinant le Brésil et sa région, je crois que tout le monde est satisfait du modèle gouvernemental qui a été développé au cours des dernières années. Nous sommes au courant de l'histoire des dictatures au Brésil, au Chili et ailleurs dans la région.

Afin d'éviter que les pays reviennent au vieux modèle, quel rôle, s'il y en a un, le Canada peut-il jouer, sans verser dans le paternalisme, pour aider les gouvernements de cette région? Croyez-vous que nous pouvons les aider d'une quelconque façon?

Mme Hester : Non.

Le sénateur Johnson : Non.

Mme Hester : Je ne crois pas qu'ils en ont besoin. À mon avis, c'est le Canada qui a besoin d'aide avec sa propre gouvernance. Je suis témoin de plus de problèmes à ce sujet au Canada. Je parle honnêtement. Je vous en prie. Je travaille en Alberta — ouch! Ed Stelmach démissionnera, la carrière de Ted Morton bat de l'aile, puis il y a Danielle Smith et un nouveau maire à Calgary, qui est brillant — nous n'avons eu qu'à compter jusqu'à trois, puis il est arrivé.

Je ne sais pas trop ce qui se passe à Ottawa; je n'étais pas ici dernièrement. Selon ce que je comprends, un jour, on se prépare à des élections; le lendemain, on dit qu'il n'y en aura pas. Peu importe.

Je comprends que le Canada ait beaucoup à offrir à Haïti sur des questions précises. Cependant, les Brésiliens restent bouche bée lorsqu'ils entendent le Canada leur dire qu'il peut les aider. Ils se demandent s'il y a quelque chose qui leur échappe.

L'ambassadeur brésilien au Canada qui a quitté son poste récemment, Paulo Cordeiro, occupe un poste important. Le nouveau ministre brésilien des Affaires étrangères, Antonio Patriota, qui est l'ancien ambassadeur brésilien aux États-Unis, était son collègue. Ils ont travaillé ensemble pour l'ancien ministre brésilien des Affaires étrangères lorsqu'il siégeait à l'ONU. Environ quatre d'entre eux étaient des lieutenants de Celso Amorim. Ces quatre personnes occupent des postes influents au nouveau ministère. Ils se connaissent et travaillent ensemble depuis longtemps. Paulo connaît le Canada comme le fond de sa poche. Il est intelligent et astucieux.

Je dirais que le partenariat est une meilleure option.

Le sénateur Downe : C'était ma dernière question. Toutefois, aux fins du compte rendu, je suis déjà allé en Alberta et je ne crois pas que nous pouvons comparer d'une quelconque façon cette province à une dictature militaire d'Amérique du Sud. Je suis certain que ce n'est pas ce que Mme Hester voulait dire.

Mme Hester : Oh, non! Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.

La présidente : Ce sens ne m'a même pas effleuré l'esprit.

Le sénateur Downe : J'ai donc mal compris. Merci.

Mme Hester : Permettez-moi de clarifier. Je n'entends pas par gouvernance une dictature militaire, parce qu'il en existe encore en Amérique latine. Une partie de l'accord que nous avons aidé à concrétiser avec l'aide de Marc Lortie a été signée à Lima le 11 septembre 2001 : la Charte démocratique interaméricaine. Le Mercosur a une charte démocratique selon laquelle les pays non démocratiques ne peuvent en faire partie.

Aucun groupe n'est plus dédié à la défense de la démocratie que celui qui a vécu dans un pays non démocratique. Nous sommes des démocraties. Je croyais que vous nous offriez de nous aider à comprendre les rouages du système démocratique, parce que nous sommes d'anciennes dictatures.

Le sénateur Downe : Merci. J'avais mal interprété vos propos.

Mme Hester : Je suis désolée. Ce n'est pas ce que je voulais dire.

La présidente : Je crois que cette précision a permis de répondre à la question.

Le sénateur De Bané : Madame Hester, le produit intérieur brut du Brésil dépasse déjà celui du Canada de 300 milliards de dollars. Au Canada, il y a de grands écarts entre les régions : le Nord et le Nunavut par rapport aux autres provinces. En vertu de la Constitution canadienne, loi suprême au pays, le gouvernement doit transférer sans condition des fonds aux régions qui n'ont pas la même capacité fiscale que les autres. Ces transferts se font sans condition.

Le Canada et le Brésil n'ont plus de secrets pour vous. Parlez-nous de l'esprit et des valeurs du Brésil comparativement à ceux du Canada, notamment en ce qui a trait aux écarts économiques entre les régions d'un même pays. Nous n'avons pas encore réussi à combler ces écarts, mais au moins, nous avons adopté toutes sortes de mesures pour les corriger, et un fort pourcentage des dépenses du gouvernement central du pays est engagé à cette fin. Lors de ma visite au Brésil, j'ai eu l'impression que personne ne voulait aborder ce sujet. Les Brésiliens savent que l'État de São Paulo ne se compare à aucune province canadienne ou à aucun État américain, notamment au Nord canadien.

Parlez-moi un peu plus des valeurs, de l'âme et de l'esprit de ce pays que vous connaissez si bien.

Mme Hester : Quelqu'un a dit que le Brésil, c'est un mélange de la Belgique et de l'Inde. C'est un point de vue intéressant. Je vais tenter d'être efficiente et de préciser une chose. La différence, c'est que, grâce à l'élection de Lula, le Brésil a beaucoup progressé. Les Brésiliens comprennent de plus en plus que, sans une meilleure distribution de la richesse, ils seront misérables, car leur vie aura peu de valeur. Et lorsque la vie a peu de valeur, les gens tuent sans raison. Si ma vie ne vaut rien, c'est la même chose pour toi. Il n'y a rien de pire au monde que de vivre dans l'insécurité.

Si on parle de l'éthos, les Canadiens réfléchissent beaucoup plus collectivement que les Brésiliens. La classe moyenne au Canada éprouve un grand sentiment d'appartenance à la collectivité. Les Brésiliens croient en la collectivité, mais seulement une fois que leurs intérêts personnels et ceux de leur famille sont assurés. Pour eux, la défense de leurs intérêts et de ceux de leurs familles a préséance sur la distribution de la richesse au pays. Le Brésil affiche encore la même mentalité qu'il avait à l'époque de sa colonisation par le Portugal. Le Canada, lui, s'est développé de façon beaucoup plus égalitaire. Cela a beaucoup à voir avec le sentiment d'appartenance à la collectivité dont je parlais. Les changements culturels sont les plus difficiles à apporter. Ils sont générationnels; ils prennent beaucoup de temps à se concrétiser.

Le Brésil est en train de changer. Je crois que l'insécurité était telle que les gens ont été secoués. L'inégalité entraîne l'insécurité. Mon père habite un appartement dans le quartier d'Ipanema, à Rio. Pour lui rendre visite, j'ai encore besoin de quatre clés, car je dois déverrouiller quatre serrures pour me rendre chez lui.

Un jour, un de mes enfants m'a demandé si son grand-père avait fait quelque chose de mal et pourquoi les méchants restaient tous à l'intérieur. Ce sont les paroles d'un petit Canadien de Calgary habitué à ne pas verrouiller les portes. J'ai une maison sur une île au large de la Colombie-Britannique. Je ne verrouille pas mes portes, même si j'ai une clé. Il n'y a rien à craindre, puisqu'on est sur une île.

Le sénateur De Bané : Merci.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais revenir sur la question du commerce et de l'investissement. Les relations entre le Canada et le Brésil en matière de commerce et d'investissement remontent à loin. Comment se portent-t-elles? Se sont- elles détériorées avec la crise économique?

Mme Hester : Je crois que nous n'avons pas exploité tout le potentiel de ces relations, mais de toute façon, ce sont les citoyens et les entreprises qui investissent dans le commerce, pas les gouvernements. Je me demande, moi aussi, ce qui se passe avec l'Alberta. Mon mari exploite une société d'experts-conseils, au sein de laquelle je suis une associée, dans le secteur du pétrole et du gaz. Même si nous faisons des affaires à l'échelle internationale, nos employés en Alberta sont si occupés — parfois, beaucoup trop occupés — qu'il est difficile d'entreprendre des projets dans d'autres pays.

Maintenant, mon mari aimerait élargir son marché international et embaucher plus de personnel. Je crois que nous pourrions en faire plus, surtout dans l'est du pays, notamment en raison de la concurrence de la Chine et de la situation économique aux États-Unis. C'est pourquoi nous devons explorer d'autres possibilités.

Le Canada accuse un peu de retard, mais il offre beaucoup de potentiel. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement pourrait, par exemple, laisser tomber son tarif sur l'éthanol, mais j'ignore s'il a la volonté politique pour le faire. Il s'agit d'un tarif négligeable pour le Canada, mais un tel geste enverrait un message clair au Brésil, puisque les États- Unis ne poseront pas un tel geste. Prenez les devants sur les Américains.

C'est un petit marché. Un tel geste n'aurait aucune conséquence pour les producteurs canadiens. Ce n'est pas grand- chose. Les pertes ne seraient pas énormes. Le lobby de l'éthanol et les conservateurs pourraient s'entendre. Je ne crois pas que ce soit un problème politique aussi important que les autres. C'est une mesure que le Canada peut prendre.

Que la fusion avec la Bourse de Londres se concrétise ou non, la Bourse de Toronto offrira beaucoup de possibilités d'admission en bourse. Les entreprises brésiliennes ont besoin notamment d'acquérir de l'expérience au chapitre du premier appel public à l'épargne, mais ils ont aussi besoin d'un meilleur accès à des capitaux et d'expertise sur la façon de négocier des ententes.

Il y a encore beaucoup de travail à faire, et peut-être que l'on pourrait revenir en arrière. Il serait utile — et peut-être que le comité pourrait en faire la recommandation — de consulter les Canadiens pour avoir une meilleure idée de leur intérêt pour ce marché et trouver des débouchés et des intervenants possibles. Depuis des années, je sonde l'intérêt des Canadiens pour ce marché, mais je n'ai encore rien de concluant à ce sujet. En fin de compte, ce sont les citoyens et les entreprises qui investissent.

Le sénateur Di Nino : Vous avez touché à la deuxième partie de ma question. À cause des similitudes entre nos deux pays, le pétrole et le gaz sont des composantes importantes de nos relations. Toutefois, le Brésil représente un énorme marché dans une variété de secteurs. Nous commençons à nous en rendre compte. Vous en avez soulevé quelques-uns, mais il y en a de nombreux autres, dont l'agriculture, l'éducation et les services respectueux de l'environnement. Auriez- vous d'autres sages réflexions à faire à ce sujet et que l'on pourrait inclure dans notre rapport?

Mme Hester : J'ajouterais la nanotechnologie. Notre gouvernement a beaucoup investi dans des instituts de nanotechnologie, et le secteur de la santé utilise déjà cette technologie. Cependant, l'union des secteurs de la nanotechnologie, de la santé et de la recherche représente un potentiel énorme. Cela intéresse le Brésil.

Nous pourrions déployer davantage d'efforts concertés dans le tourisme.

Les Brésiliens, et les Latino-Américains en général, pourraient tirer avantage d'une formation à grande échelle sur la réglementation pour les questions économiques et la façon d'élaborer les politiques de l'énergie. Dans les Amériques, la formation offerte dans ces secteurs est déficiente.

Ce sont les secteurs qui me viennent à l'esprit. N'oubliez pas que le Brésil est un grand marché et que tout le monde veut sa part. Mais pour cela, nous devons offrir quelque chose en retour, sinon, nous n'aurons rien.

Le sénateur Di Nino : Compte tenu de l'élection de Mme Rousseff à la présidence du pays, les Brésiliennes commencent-elles à investir le milieu des affaires et la politique, entre autres?

Mme Hester : On est partout! Le secteur du pétrole au Brésil compte plus de femmes dans des postes de direction que celui du Canada. Pouvons-nous apprendre du Brésil? Je crois que oui. Il y avait deux candidates à la présidence du Brésil. J'ai rencontré la ministre Diane Ablonczy, de Calgary. Je la connais maintenant depuis un certain temps. Je lui ai dit que, un jour, elle devait rencontrer l'autre candidate à la présidence, Marina Silva.

Mais j'ai oublié une chose importante. Une des promesses électorales de Dilma Rousseff — et elle a été très claire à ce sujet — était d'accentuer la présence des femmes dans son cabinet, et c'est ce qu'elle a fait. Elle n'a pas hésité à faire plusieurs nominations. Elle a rempli sa promesse.

Aujourd'hui, nous avons une femme présidente; une femme, Michelle Bachelet, à la tête d'ONU Femmes; une femme, notre ancienne Gouverneure générale, représentante spéciale de l'UNESCO à Haïti; des femmes ministres; une femme, Hillary Clinton, secrétaire d'État pour les Amériques.

Ces nominations vont au-delà du programme d'action féministe. Il s'agit d'un programme réel, concret et pertinent qui témoigne du droit des femmes à participer au développement et qui montre l'impact que les femmes peuvent avoir dans le monde en développement. Le Canada ferait bien de suivre le mouvement. Il pourrait en tirer avantage.

Le sénateur Di Nino : Merci.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que l'éthanol représente 20 ou 22 p. 100 des réserves de gaz du Brésil. Par conséquent, croyez-vous que les terres ou les installations agricoles ayant servi à la production de l'éthanol seront utilisées pour produire autre chose?

Mme Hester : Le Brésil est le pays qui détient le plus de terres arables au monde. La production d'éthanol utilise moins de 3 p. 100 de ces terres. Je crois que c'est 2 p. 100, mais disons entre 2 et 5 p. 100, et encore. L'éthanol est un produit écologique, et sa production crée beaucoup d'emplois au Brésil.

Les dirigeants de l'État de São Paulo s'opposeront au pétrole et au gaz extrait par l'entreprise Pre-Salt, à Rio et même à São Paulo. Le lobby de l'agriculture est le plus puissant au monde, et il est très bien organisé au Brésil, aux États-Unis, au Canada et en Europe. J'appelle ces lobbyistes mes petits seigneurs féodaux; ça les amuse.

Notre mémoire institutionnelle doit être meilleure au Canada. La Chaire itinérante d'études brésiliennes du Canada offrait un programme, mais je crois qu'il n'existe plus. L'Université de Calgary, l'Univesité Western Ontario, l'Université York, l'Université du Québec à Montréal et une autre université dans l'Est du pays se partageaient cette chaire. Vous devriez inviter Ted Hewitt, le fondateur de la chaire, à venir témoigner.

Le premier titulaire de cette chaire était Marcos Jank. Il était économiste du commerce et a participé aux travaux du G20. M. Jank est maintenant président de l'association brésilienne des producteurs d'éthanol. Il pourrait vous en dire davantage au sujet des stratégies et des négociations entourant les questions d'agriculture au Brésil et celles liées à l'éthanol. Je suis convaincue qu'il serait heureux de discuter de ces sujets avec vous.

La présidente : Nous approchons la fin de la séance. J'aurais une question à poser. L'Europe semble s'intéresser de plus en plus au Brésil, et les récentes activités semblent le confirmer. La question est de savoir si ces activités atténuent le rôle de l'Amérique, mais ce n'est pas la question que je voulais vous poser.

Le Canada et notre comité étudient des façons de renforcer une relation bilatérale importante. Vous dites que, si on veut développer une stratégie pour les Amériques, il faut commencer par le Brésil. Les Européens, qui tentent de lancer des initiatives commerciales et des initiatives de politique étrangère, que font-ils de différent dans leurs relations avec le Brésil et les Amériques? Développent-ils une stratégie axée d'abord sur le Brésil? Y vont-ils au hasard ou développent- ils une stratégie différente? Répondez au meilleur de vos connaissances en matière d'investissement, de commerce et de politique étrangère générale.

Mme Hester : Je n'ai pas dit qu'afin d'adopter une stratégie pour les Amériques, il fallait d'abord en avoir une pour le Brésil; j'ai dit qu'il fallait une stratégie. On dit depuis très longtemps que nous allons élaborer une stratégie pour renforcer les relations bilatérales; l'idée n'a rien de nouveau.

La personne qui a le mieux suivi le programme d'investissement espagnol, le plus important d'Europe — car l'Union européenne n'est pas monolithique —, s'appelle Ken Frankel, le président du Conseil canadien pour les Amériques. M. Frankel est maintenant le conseiller juridique de l'Organisation des États américains, l'OEA, et je vous recommande de discuter avec lui. Il est conseiller pour l'Espagne, qui a une stratégie particulière, et il en sait beaucoup plus que moi à ce sujet. J'ai appris de lui et vous pourriez en faire autant.

Le sénateur Mahovlich : J'aimerais en savoir plus sur la population du Brésil. Il y a quelques années, la Chine a dû adopter une stratégie pour gérer la population. Y a-t-il un problème de surpopulation, dans les villes et ailleurs, au Brésil?

Mme Hester : La politique de l'enfant unique a été un désastre. Il serait impossible de l'appliquer au Brésil, un pays un peu fou où on peut faire à peu près ce qu'on veut.

Laissez-moi vous dire une chose : l'approche du Brésil est différente. Le gouvernement sait comment parler à la population et il n'essaie pas de diriger le pays par l'imposition de décrets, car personne ne les respecterait et il serait impossible de les appliquer. Même si le Brésil était une dictature, cela ne fonctionnerait pas, car les gens sont indisciplinés par nature.

La dengue est un problème important au Brésil. Dans ce pays, les téléromans ne sont pas aussi longs qu'aux États- Unis; ils durent deux ou trois mois, leur histoire a un début, un milieu et une fin, et tout le monde les regarde. Les téléromans sont populaires. Même dans les terres intérieures du Brésil, il y a un poste de télévision au milieu de la place centrale des villages et on se dispute pour choisir la chaîne. Les hommes souhaitent regarder le soccer, mais les femmes, qui veulent regarder un téléroman, ont bien sûr le dernier mot.

Alors, qu'a-t-on fait? On a décidé qu'un personnage du téléroman allait contracter la dengue et, dans l'histoire, on a fait tout ce qu'il ne fallait pas. La population a été sensibilisée à ce qu'il faut éviter de faire.

Lorsque l'épidémie de sida a commencé, le gouvernement du Brésil a dit aux gens d'utiliser des condoms, qui sont devenus très populaires. Un groupe a composé une chanson qui disait, grosso modo, d'utiliser des condoms. Cette année-là, j'étais au Brésil avec mes enfants, qui couraient dans la rue et qui criaient des choses concernant les condoms, sans avoir la moindre idée de ce qu'ils disaient. Le message était devenu une chanson, puis une publicité.

Il y a une chose qui est révélatrice du Brésil. Vous vous rappelez des ennuis qu'a eus le président Clinton avec le scandale de Monica Lewinsky? Le président du Brésil, Itamar Franco, qui était veuf, a assisté à une parade en compagnie d'une femme. Le couple était assis dans les gradins et, d'en dessous, quelqu'un les a pris en photo. Or, la femme ne portait pas de sous-vêtement! La photo a fait le tour du pays et tous les hommes ont dit que le président était chanceux.

Ce n'est pas matière à scandale, au Brésil. Cependant, nous étions à Rio deux jours plus tard et nous avons aperçu une publicité du plus important fabricant de sous-vêtements du pays. Le grand panneau où on voyait une femme et des sous-vêtements disait de ne pas partir sans eux.

La présidente : Je pense que nous allons nous arrêter là.

Mme Hester : Je vous avais dit que le Brésil était amusant.

La présidente : J'aimerais que nous reprenions notre sérieux.

Vous avez réussi à nous donner une idée de ce qu'a l'air le Brésil. Certains de vos commentaires ne feront peut-être pas partie du rapport, mais vous nous avez divertis, informés et fait réfléchir sur les possibilités que le Brésil présente pour le Canada.

Vous nous avez parlé avec franchise des opportunités qui s'offrent à nous. Vous nous avez montré un nouvel aspect de la question. Blague à part, vous nous en avez appris sur les gens qui ont facilité la collaboration entre le Canada et le Brésil. Les relations sont plus complexes que ce qu'on nous avait dit. Vous avez confirmé la qualité de certaines de nos sources et vous nous en avez proposé d'autres qui nous seront profitables.

Mme Hester : Je ne peux m'empêcher de rire; j'avais la ferme intention de bien me comporter.

La présidente : Comme la plupart des Brésiliens.

Mme Hester : Je tiens à dire une chose. J'ai lu les témoignages et j'ai commencé par les exposés. J'ai aussi pris connaissance de la discussion entre le sénateur Segal et Jon Allen. Lorsqu'ils ont parlé de la position du Brésil concernant l'Iran, un sujet qui me trouble au même titre que n'importe qui, j'étais impressionnée par leur perspicacité et leur aisance. Je pense que, bien souvent, on n'est pas conscient de toute l'expérience des sénateurs. Cela dit, j'étais enchantée de constater la compétence des responsables, lorsqu'ils répondaient aux questions, et la classe dont font preuve les membres de la Chambre haute.

Mes félicitations à vous tous. C'est avec plaisir que j'ai comparu ici, même si je m'exprime sans formalités.

La présidente : Merci.

(La séance est levée.)


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